On peut se
poser la question de savoir s'il existe une mesure sur une tribu convenable de R^2 qui exprimerait
la notion de surface (et une mesure sur une tribu convenable de R3 qui exprimerait la notion
de volume).
1
1. Intégrations sur des espaces produits
Sabi Nidal
29 août 2014
Résumé : dans le cas particulier de X = R
On a déjà introduit la mesure de Lebesgue sur la tribu des boréliens de R (notée B(R)), ce
qui nous a permis d'exprimer la notion de longueur d'une partie (borélienne) de R. On peut se
poser la question de savoir s'il existe une mesure sur une tribu convenable de R2
qui exprimerait
la notion de surface (et une mesure sur une tribu convenable de R3
qui exprimerait la notion
de volume).
1 Espace produit
Dénition 1.1. Le produit cartésien de deux ensembles A et B noté A × B est l'ensemble des
couples (x, y) avec x ∈ A et b ∈ B :
A × B = {(x, y)|x ∈ A, y ∈ B}
Dans le cas de deux espaces mesurables (X1, A1) et (X2, A2), on considère l'espace produit
X1 × X2 = {(x, y)|x ∈ X1, y ∈ X2}
Le but de chapitre est de dénir une tribu sur ce produit.
2 Produit d'espaces mesurables
Étant donné deux espaces mesurables, on veut dénir une tribu sur le produit cartésien de
ces espaces.
Dénition 2.1.
Soient (X1, A1) et (X2, A2) deux espaces mesurables. On munit le produit X1 × X2 de la tribu
produit A1 ⊗ A2 dénie par :
A1 ⊗ A2 = σ(A1 × A2 | A1 ∈ A1, A2 ∈ A2)
1
2. 2 PRODUIT D'ESPACES MESURABLES 2
Donc A1 ⊗ A2 est engendré par A1 × A2, qui n'est toujours pas une tribu. Et on note
(X1 × X2, A1 ⊗ A2) l'espace mesurable produit.
Remarque 2.1.
On peut généraliser cette dénition au cas du produits d'un nombre ni quelconque de tribus.
Proposition 2.1.
La tribu A1 ⊗ A2 est la plus petite tribu sur X1 × X2 qui rende mesurable les deux projections
canoniques.
Démonstration.
Soient p1 : X1 × X2 → X1 et p2 : X1 × X2 → X2 les deux projections canoniques. Soit A une
tribu sur X1 × X2 qui rend p1 et p2 mesurables, alors :
∀A1 ∈ A1, ∀A2 ∈ A2, p−1
1 (A1) = A1 × X2 p−1
2 (A2) = X1 × A2
Comme p−1
1 (A1) ∈ A et p−1
2 (A2) ∈ A alors,
A1 × A2 = (A1 × X2) (X1 × A2) ∈ A
et par suite A1 ⊗ A2 ⊂ A.
Proposition 2.2. Soient (X1, A1) , (X2, A2) et (X, A) des espaces mesurables, et soit
f = (f1, f2) une application de X dans X1 × X2 alors on a :
f : (X, A) → (X1 × X2, A1 ⊗ A2) est mesurable si et seulement si fi : (X, A) → (Xi, Ai) est
mesurable pour i = 1, 2.
Démonstration. Supposons que f est mesurable. fi = f ◦ pi or pi est mesurable sur A1 ⊗ A2,
donc fi est mesurable par composition.
Réciproquement, si f1 et f2 sont mesurables, alors pour tout A1 ∈ A1, A2 ∈ A2 on a :
f−1
1 (A1) ∈ A, f−1
2 (A2) ∈ A, donc f−1
1 (A1) f−1
2 (A2) ∈ A.
Et on sait que f−1
(A1×A2) = f−1
1 (A1) f−1
2 (A2) ce qui permet de conclure que f est mesurable.
Théorème 2.1. Soit (Xi, Ai) un espace mesurable et Ei ⊂ A vériant :
1. Ai = σ(Ei)
2. il existe une suite (Ai,n)n≥1 de Ei vériant ( ∞
n=1 Ai,n) = Xi. Ceci pour i = 1, 2.
Alors : A1 ⊗ A2 = σ(E1 × E2)
Démonstration. Considérons B = σ(E1 ×E2) (c'est une tribu sur X1 ×X2) et montrons la double
inclusion.
On a : E1 × E2 ⊂ A1 × A2 donc σ(E1 × E2) ⊂ σ(A1 × A2). Ainsi B ⊂ A1 ⊗ A2.
Pour l'autre inclusion, on pose :
B∗
= {B1 ; B1 ⊂ X1, {B1} × E2 ⊂ B}
3. 2 PRODUIT D'ESPACES MESURABLES 3
De l'inclusion E1 × E2 ⊂ B on déduit E1 ⊂ B∗
.
D'autre part B∗
est une tribu sur X1 :
• On a ∅ ∈ B, donc {∅} × E2 = {∅} ⊂ B i.e ∅ ∈ B∗
.
• Soit B1 ∈ B∗
. Alors d'après (2) :
B1 × X2 = B1 ×
∞
n=1
A2,n =
∞
n=1
(B1 × A2,n) ∈ B
De même pour A2 ∈ E2
X1 × A2 = (
∞
n=1
A1,n) × B2 =
∞
n=1
(A1,n × A2) ∈ B
Il en résulte :
(X1B1) × A2 = ((X1B1) × X2) (X1 × A2)
= ((X1 × X1)(B1 × X2) (X1 × A2) ∈ B
Ce qui prouve que X1
B1
∈ B∗
.
Soient (B(1,n))n≥1 une suite de B∗
, tout A2 ∈ E2 vérie :
(
∞
n=1
B1,n) × A2 =
∞
n=1
(B1,n × A2) ∈ B.
Ce qui ce veut dire que ∞
n=1 B1,n ∈ B∗
.
D'après (1) : A1 = σ(E1) ⊂ B∗
, c'est à dire A1 × E2 ⊂ B.
Finalement, à l'aide des hypothèses (1) et (2), nous avons obtenu :
E1 × E2 ⊂ B =⇒ A1 × A2 ⊂ B
A présent nous seront intéresser par des espaces topologiques. Soient (X1, O1) et (X2, O2)
deux espaces topologiques, on cherche à dénir sur X1 × X2 une tribu associée à la topologie
produit. Nous pourrons procéder par deux méthodes :
- Soit on muni X1 ×X2 de sa topologie produit O1 ⊗O2 et nous considérons la tribu borélienne
B(X1 × X2).
-Ou bien sur chaque espace Xi on prend la tribu borélienne B(Xi) correspondante et on associant
leurs produits à X1 × X2.
A ce niveau on se pose la question de savoir si les deux tribus B(X1 × X2) et B(X1) ⊗ B(X2)
coïncident.
Remarque 2.2. La topologie O1 ⊗ O2 est la topologie la moins ne sur X1 × X2 qui rend les
projections canoniques continues.
4. 3 THÉORÈME D'UNICITÉ POUR LES MESURES 4
Propriété 2.1. Soit (X, O) un espace topologique à base dénombrable O∗
. Alors :
AX = σ(O∗
)
Ainsi (X, AX) est un espace mesuré.
Proposition 2.3. Soient X1 et X2 deux espaces topologiques, muni de leur tribu borélienne.
Alors :
1.
B(X1) ⊗ B(X2) ⊂ B(X1 × X2)
2. Si de plus X1 et X2 sont des espaces métriques alors on a :
B(X1) ⊗ B(X2) = B(X1 × X2)
Démonstration. (1). On munit X1×2 de la topologie produit. Alors les projections p1 et p2
sont continues, donc mesurables pour les tribus boréliennes, donc d'après (proposition 2.1)
B(X1) ⊗ B(X2) ⊂ B(X1 × X2).
(2)Supposons X1 et X2 deux espaces métriques qui sont séparables, donc ils contiennent des
bases dénombrables d'ouverts U = {Un} et V = {Vn}.1
Ils s'ensuit que la famille W = {Un ×
Vm|n, m ∈ N} est une base dénombrable de X1 ×X2,2
ainsi chaque ouvert de X1 ×X2 appartient
à la tribu B(X1) ⊗ B(X2) et on a B(X1) ⊗ B(X2) ⊂ B(X1 × X2). Le (1) permet de conclure.
Corollaire 2.1 (La tribu borélienne sur Rd
).
B(R) ⊗ · · · ⊗ B(R)
d fois
= B(Rd
)
Exercice 2.1.
Rédigé une démonstration.
3 Théorème d'unicité pour les mesures
Nous avons montré que sur deux espaces mesurés on peut dénir une tribu produit, la
questionne qui se pose naturellement qu'elles sont les conditions susantes pour que les deux
mesures coïncident partout sur la nouvelle tribu. Pour cela introduisant une nouvelle structure
ensembliste.
1. Comme exemple si on prend une suite (xk)k∈N dense dans X1 on peut prendre pour U l'ensemble des
boules ouverts de rayon rationnel.
2. Si O ⊂ X1 × X2 est ouvert, et si z = (x, y) ∈ O, alors il existe (O1, O2) ∈ X1 × X2 un couple d'ouverts
avec z ∈ O1 × O2 tel que O ⊂ O1 × O2 ⊂ O
5. 3 THÉORÈME D'UNICITÉ POUR LES MESURES 5
3.1 Classe de DYNKIN
Dénition 3.1. Soit E un ensemble et soit D une partie de E. On dit que D est une classe
de DYNKIN sur E si :
1. E ∈ D ;
2. ∀C, D ∈ D, tel que C ⊂ D =⇒ DC ∈ D ;
3. (Dn)x≥1 suite d'éléments de D disjointe =⇒ ∞
n=1 Dn ∈ D.
Propriété 3.1. Tout sous-ensemble E de E est contenu dans une plus petite classe de DYNKIN
sur E appelée classe de DYNKIN engendrée par E et notée δE(E).
Remarque 3.1. Toute tribu sur E est une classe de DYNKIN sur E. Il en découle que, pour
tout E ⊂ P(E) : δE(E) ⊂ σE(E).
Théorème 3.1. Une condition nécessaire et susante pour qu'une classe de DYNKIN sur un
ensemble E soit une tribu, c'est que la classe soit stable par intersections nies.
Démonstration. Puisque une tribu est stable par réunion, intersection et diérences alors la
condition est évidemment nécessaire.
(1) et (2) nous assure que ∅ ∈ D et clairement que E ∈ D.
Si la suite (Dn)n∈N est telle que D1 = C, D2 = D et Dn = ∅ pour n ≥ 3, et si D est une classe
de DYNKIN, on obtient par (3) :
(C, D ∈ D, C ∩ D = ∅) =⇒ C ∪ D =
∞
n=1
Dn ∈ D (3.1)
Alors, Comme D est supposé stable par intersections nies, de (3.1) et de (2) on déduit que :
∀C, D ∈ D, C ∪ D = (C(C ∩ D)) ∪ D ∈ D (3.2)
Considérons maintenant une suite (Dn)n≥1 quelconque de D et posons : En = n
k=1 Dk et
Fn = En+1En pour tout n ≥ 1, et F0 = D1.
D'après (3.2), (En)n≥1 est une suite de D et cette suite est croissante. Il résulte alors de (2) que
(Fn)n≥0 est une suite disjointe de D, donc par (3) on obtient :
∞
n=1
Dn =
∞
n=1
Fn ∈ D
Lemme 3.1. (admis)
Soit E un ensemble et E une partie de E. Alors, si E est stable par intersections nies, on a
δE(E) = σ(E).
Théorème 3.2 (Unicité pour les mesures).
Soit un espace mesurable (E, A) et E ⊂ P(E) vériant :
6. 3 THÉORÈME D'UNICITÉ POUR LES MESURES 6
1. E est stable par intersections nies ;
2. σ(E) = A ;
Si m1 et m2 deux mesures sur A telles que :
3. ∀A ∈ E, m1(A) = m2(A) ;
4. il existe une suite croissante (An)n≥1 d'élément de E vériant :
∞
n=1 An = E ;
∀n ≥ 1, m1(An) = m2(An) +∞
Alors : m1 = m2.
Démonstration.
On considère DA = {B; B ∈ A, m1(A ∩ B) = m2(A ∩ B)}.
L'idée est de montrer que DA est une classe de DYNKIN, qui contient A. Donc en montrant
que pour tout B ∈ A on a m1(B) = m2(B) on termine la démonstration.
DA est bien dénie car pour A ∈ E tel que m1(A) = m2(A) +∞ on a bien m1(A ∩ B) =
m2(A ∩ B).
Comme A est une tribu, E ∈ DA.
Si B, C ∈ DA tel que C ⊂ D
m1(A ∩ (CB)) = m1((A ∩ C)(A ∩ B))
= m1(A ∩ C) − m1(A ∩ B)
= m2(A ∩ C) − m2(A ∩ B)
= m2((A ∩ C)(A ∩ B))
Ainsi CB ∈ DA.
Soient (Dn)n≥1 une suite disjointe de DA, on a d'après les propriétés de mesure :
m1(A ∩
∞
n=1
Dn) = m1(
∞
n=1
(A ∩ Dn))
=
∞
n=1
m1(A ∩ Dn)
=
∞
n=1
m2(A ∩ Dn)
= m2(
∞
n=1
(A ∩ Dn))
= m2(A ∩
∞
n=1
Dn)
Ce qui assure que ∞
n=1 Dn ∈ DA. Ainsi DA est une classe de DYNKIN.
Comme E ⊂ DA.
7. 4 PRODUIT DE MESURES 7
Donc d'après le lemme 3.1, (1) et (2) on pourrais écrire
A = σ(E) = δE(E) ⊂ DA
Ceci est vrai pour tout A ∈ E tel que m1(A) = m2(A) +∞.
Ce qui équivaut à dire que l'égalité m1(A ∩ B) = m2(A ∩ B) est valable pour tout B ∈ A et
tout A ∈ E vériant m1(A) = m2(A) +∞. Alors, en faisant intervenir une suite (An)n≥1 de
E telle qu'en (4), donc pour tout B ∈ A :
m1(B) = m1(E ∩ B) = m1((
∞
n=1
An) ∩ B) = m1(
∞
n=1
(An ∩ B)) = sup
n≥1
m1(An ∩ B)
= sup
n≥1
m2(An ∩ B)
= m2(
∞
n=1
(An ∩ B))
= m2((
∞
n=1
An) ∩ B = m2(B)
4 PRODUIT DE MESURES
Notations :
Soient X1, X2 deux ensembles quelconques. Et soient (x1, x2) ∈ X1 × X2 et A ⊂ X1 × X2. On
pose :
A(•, x2) = {y1 ∈ X1, (y1, x2) ∈ A}
A(x1, •) = {y2 ∈ X2, (x1, y2) ∈ A}
Lemme 4.1. Soit (X1, A1) et (X2, A2) deux espaces mesurables, B ∈ A1 ⊗ A2. Alors :
∀x2 ∈ X2, B(•, x2) ∈ A1 et ∀x1 ∈ X1, B(x1, •) ∈ A2
Démonstration.
Pour x2 ∈ X2 xé, On pose B = {A; A ⊂ X1 ×X2, A(•, x2) ∈ A1}. C'est une tribu sur X1 ×X2.
Si (A1 × A2) ∈ A1 × A2 on a alors :
(A1 × A2)(•, x2) = B11B2
En plus (A1 × A2)(•, x2) ∈ A1, ce qui veut dire que A1 × A2 ⊂ B.
Ainsi
A1 ⊗ A2 = σ(A1 ⊗ A2) ⊂ B
8. 4 PRODUIT DE MESURES 8
Lemme 4.2. Soit (Xi, Ai, mi) un espace mesuré (mi est σ−nie),i = 1, 2. Alors, pour tout
B ∈ A1 ⊗ A2, les fonctions fB,i : Xi → R+ ∪ {+∞} dénie par :
∀x1 ∈ X1, fB,1(x1) = m2(B(x1, •)), ∀x2 ∈ X2, fB,2(x2) = m1(B(•, x2)),
sont respectivement A1−mesurable et A2−mesurable.
Démonstration.
Les fonctions fB,i sont bien dénies en vertu du lemme précédent.
On considère B = {A; A ∈ A1 ⊗ A2, fA,1 A1 − mesurable}, et supposons que m2 est nie.
Soit (B1 × B2) ∈ (A1, A2), fB1×B2,1 est dénie pour tout x1 ∈ X1 par :
fB1×B2,1(x1) = m2((B1 × B2)(x1, •)) = m2(B2)1B1
Donc c'est une fonction A1−mesurable. Ainsi A1 × A2 ⊂ B (1).
Un calcul astucieux permet de montrer que B est une classe de DYNKIN sur X1 × X2 (2).
De (1), (2) et du lemme 3.1 on peut dire que :
B ⊂ A1 ⊗ A2 = σ(A1 × A2) = δ(A1 × A2) ⊂ B.
Si bien que B = A1 ⊗ A2.
Donc sous l'hypothèse que m2 est nie on a fB,1 est A1−mesurable.
Si on est dans le cas où m2 est seulement supposé σ−nie, il existe donc une suite croissante
(B2,n)n≥1 d'éléments de A2 telle que :
∞
n=1 B2,n = X2 et m2(B2,n) +∞
On vérie aisément que pour chaque n ≥ 1, on dénie une mesure nie m2,n sur A2 dénie par :
∀B2 ∈ A2, m2,n(B2) = m2(B2 ∩ B2,n).
Alors en récapitulant, on a pour chaque B ∈ A1 ⊗ A2, la fonction fB,1,n : X1 → R+ qui à tout
x1 ∈ X1 associe fB,1,n(x1) = m2,n(B(x1, •)), est A1−mesurable. Mais, pour chaque x1 ∈ X1, on
a :
fB,1(x1) = m2(B(x1, •)) = m2(
∞
n=1
(B(x1, •) ∩ B2,n))
= sup
n≥1
m2(B(x1, •) ∩ B2,n) = sup
n≥1
m2,n(B(x1, •)) = sup
n≥1
fB,n,1(x1).
Donc fB,1 est A1−mesurable.1
De façon analogue on montre que fB,2 est A2−mesurable.
1. La borne supérieure d'une fonction mesurable est aussi mesurable.
9. 4 PRODUIT DE MESURES 9
Nous pouvons maintenant aborder la démonstration du théorème qui introduit le produit de
deux mesures. Cette notion est simplement inspiré du cas ou la mesure bidimensionnelle (l'aire)
d'un rectangle est le produit des mesures unidimensionnels (de sa largeur et de sa longueur), soit
tel que la mesure produit d'un produit cartésien, soit égale au produit des mesures de chacun
des deux côtés. Nous avons voir que si les mesures sont σ−nies, alors la mesure produit est
bien déterminée.
Théorème 4.1 (Produit de deux mesures σ−nies). Soient (X1, A1, m1) et (X2, A2, m2) deux
espaces mesurés où m1 et m2 sont σ−nies. Alors :
1. il existe une unique mesure π sur A1 ⊗ A2 telle que :
∀(B1, B2) ∈ A1 × A2, π(B1 × B2) = m1(B1).m2(B2)
2. la mesure π est dénie pour tout B ∈ A1 ⊗ A2 par :
π(B) =
∗
E1
m2(B(x1, •))d(m1(x1)) =
∗
E2
m1(B(•, x2))d(m2(x2));
3. la mesure π est σ−nie.
Démonstration. (Repose sur le théorème 3.2 )
Considérons sur A1 ⊗A2 deux mesures π1 et π2 possédant la propriété indiquée en (1). Pour
la démonstration il sut de vérier que les hypothèses du théorème 3.2 sont réalisées pour :
X = X1 × X2, B = A1 ⊗ A2, E = A1 × A2, m1 = π1 et m2 = π2.
La vérication est immédiate pour (1), (2) et (3).
Pour chaque i = 1, 2, et puisque mi est σ−nie, il existe une suite croissante (Bi,n)n≥1 de Ai
telle que :
∞
n=1 Bi,n = Xi mi(Bi,n) +∞ pour tout n ≥ 1
Alors, (B1,n × B2,n)n≥1 est une suite croissante de A1 × A2 telle que :
∞
n=1(B1,n × B2,n) = X1 × X2
et,
∀n ≥ 1, π1(B1,n × B2,n) = π2(B1,n × B2,n) = m1(B1,n)m2(B2,n) +∞
Donc l'hypothèse (4) est vériée, ce qui permet de conclure que π1 = π2.
Ainsi cette démonstration nous assure que si la mesure existe elle est unique est forcément
σ−nie, ce qui établie le (3) du théorème.
Pour tout B ∈ A1 ⊗ A2 posons :
π(B) =
∗
X1
m2(B(x1, •))dm1(x1) =
∗
X1
fB,1dm1,
Montrons que π : A1 ⊗ A2 → R+ est une mesure sur A1 ⊗ A2.
Comme ∅(x1, •) = ∅ alors π(∅) = 0.
Soient (Bn)n≥1 est une suite de A1 ⊗ A2 disjointe, on a : f ∞
n=1
Bn,1 = ∞
n=1 fBn,1, donc on peut
écrire :
10. 5 INTÉGRATION PAR RAPPORT À UNE MESURE PRODUIT 10
π( ∞
n=1 Bn) =
∗
X1
∞
n=1 fBn,1dm1
2
= ∞
n=1
∗
X1
fBn,1dm1 = ∞
n=1 π(Bn).
Donc la fonction π est bien une mesure qui vérie en plus :
π(B1 × B2) =
∗
X1
m2((B1 × B2)(x1, •))dm1(x1) =
∗
X1
m2(B2)1B1 dm1
= m2(B2)m1(B1)
Donc (1) est prouvé.
Enn, en posant pour tout B ∈ A1 ⊗ A2 :
π∗
(B) =
∗
X2
m1(B(•, x2))dm2(x2),
Ce qui nous assure que π est bien une mesure sur A1 ⊗ A2. celle ci en plus qu'elle est unique
vérie la propriété (2).
Dénition 4.1. Soient (X1, A1, m1) et (X2, A2, m2) deux espaces mesurés où les mesures sont
σ−nie. L'unique mesure π sur A1 ⊗ A2 vériant :
∀(B1, B2) ∈ A1 × A2, π(B1 × B2) = m1(B1)m2(B2)
est appelée mesure produit est notée m1 ⊗ m2.
Remarque 4.1. D'après le théorème précédent, la valeur prise en chaque B de A1 ⊗ A2 par la
mesure produit, est donnée par les formules :
(m1 ⊗ m2)(B) =
∗
X1
m2(B(x1, •))dm1(x1) =
∗
X2
m1(B(•, x2))dm2(x2)
Remarque 4.2. Le produit des mesures n'est pas commutatif. Comme contre exemple, si on
prend sur la borélienne de R la mesure de BOREL β et la mesure de DIRAC à l'origine δ0, et
en calculant la mesure produit sur le pavé P = [1, 2] × [−1, 1]. On trouve :
(β ⊗ δ0)(P) = β([1, 2]).δ0([−1, 1]) = 1.
(δ0 ⊗ β)(P) = δ0([1, 2]).β([−1, 1]) = 0.
Remarque 4.3. En remarquant que le produit cartésiens est associatif donc le produit des
mesures le sera aussi on peut alors généraliser la notion de produits de mesures σ−nie au
produit ni quelconque de telles mesures.
5 Intégration par rapport à une mesure produit
Théorème 5.1 (FUBINI pour les fonctions mesurables positives). Soient (X1, A1, m1) et
(X2, A2, m2) deux espaces mesurés où les mesures sont σ−nie, et soit f ∈ M(X1 × X2, A1 ⊗
A2, R+). Alors :
2. Une conséquence du théorème de Beppo levi
11. 5 INTÉGRATION PAR RAPPORT À UNE MESURE PRODUIT 11
1.
∀x1 ∈ X1, f(x1, •) ∈ M(X2, A2, R+);
∀x2 ∈ X2, f(•, x2) ∈ M(X1, A1, R+);
2.
[x1 →
∗
E2
f(x1, •)dm2] ∈ M(X1, A1, R+)
[x2 →
∗
E1
f(•, x2)dm1] ∈ M(X2, A2, R+)
3. ∗
X1×X2
fd(m1 ⊗ m2) =
∗
X1
(
∗
X2
f(x1, •)dm2)dm1(x1))
Théorème 5.2 (FUBINI pour les fonctions intégrables). Soient (X1, A1, m1) et (X2, A2, m2)
deux espaces mesurés où les mesures sont σ−nie, et soit f ∈ 1
(X1 × X2, A1 ⊗ A2, m1 ⊗ m2).
Alors :
1.
f(x1, •) ∈ 1
(X2, A2, m2) m1 − p.p;
f(•, x2) ∈ 1
(X1, A1, m1) m2 − p.p;
2.
[x1 →
∗
E2
f(x1, •)dm2] ∈ 1
(X1, A1, m1)
,
[x2 →
∗
E1
f(•, x2)dm1] ∈ 1
(X2, A2, m2)
3.
X1×X2
fd(m1 ⊗ m2) =
X1
(
X2
f(x1, •)dm2)dm1(x1))
5.1 Interprétation
Nous allons voir sur un exemple pourquoi il est nécessaire d'avoir deux théorèmes de Fubini,
et l'importance de l'hypothèse d'intégrabilité de la fonction que l'on veut intégrer dans le
théorème de Fubini- Lebesgue.
Exemple 5.1.
Soit X =]0, +∞[ muni de la tribu de Borel et de la mesure de Lebesgue (dx), soit f : X×X → R
la fonction dénies par :
f(x, y) =
exp(−y)sin(xy)
x
√
1 + x2
12. 5 INTÉGRATION PAR RAPPORT À UNE MESURE PRODUIT 12
Montrer que f est intégrable et calculer son intégrale.
Démonstration. (Solution)
f est continue, donc mesurable. Cette fonction peut prendre des valeurs négatives, on va donc
devoir utiliser le théorème de Fubini-Lebesgue. Cependant, il est nécessaire pour l'appliquer de
montrer l'intégrabilité de la fonction : pour cela, on utilise le théorème de Fubini-Tonelli sur |f|
On sait que ∀x ∈ R, | sin(x)| ≤ min(|x|, 1).
- Si 0 x ≤ 1, on écrit :
|f(x, y)| ≤
exp(−y)xy
x
√
1 + x2
=
exp(−y)y
√
1 + x2
;
Et ainsi,
∞
0
|f(x, y)|dy ≤
1
√
1 + x2
-Si x ≥ 1, on écrit :
|f(x, y)| ≤
exp(−y).1
x
√
1 + x2
Et ainsi,
∞
0
|f(x, y)|dy ≤
1
x
√
1 + x2
On a nalement :
∞
0
|f(x, y)|dy ≤ 1]0,1[(x)
1
√
1 + x2
+ 1[1,∞[(x)
1
√
1 + x2
d'où
∞
0
(
∞
0
|f(x, y)|dy)dx ≤
1
0
dx +
∞
1
1
x2
dx = 2 ∞
Ainsi, f est intégrable, et |f|dxdy 2.
Donc en appliquant Fubini-Lebesgue, on a :
∞
0
exp(−y)sin(xy)dy = (
∞
0
exp(−y) exp(ixy)dy)
= (
1
1 − ix
) =
x
1 + x2
13. 5 INTÉGRATION PAR RAPPORT À UNE MESURE PRODUIT 13
Donc
X×X
=
∞
0
(
x
1 + x2
×
1
√
1 + x2
)dx
=
∞
0
1
(1 + x2)
3
2
dx
=
∞
0
1
(1 + sh(t)2)
3
2
ch(t)dt
=
∞
0
1
ch(t)2
= [th(∞) − th(0)] = 1.
Exercice 5.1. Soit X =]0, 1[, et f : X × X → R la fonction dénie par :
f(x, y) =
x2
− y2
(x2 + y2)2
Vérier que f n'est pas intégrable sur X2
.
Exemple 5.2 (L'intégrale de Gauss).
Soit f(x, y) = exp(−x(1 + y2
)) pour x, y ≥ 0. f est mesurable et positive . On a :
∞
0
exp(−x(1 + y2
))dx =
1
1 + y2
donc par le théorème de Fubini-Tonelli, on a :
∞
0
(
∞
0
f(x, y)dx)dy =
∞
0
1
1 + y2
dy = π
2
En intégrant cette fois-ci selon y en premier, on a pour x0 :
∞
0
exp(−x(1 + y2
)dy = exp(−x)
∞
0
exp(−xy2
)dy = exp(−x)
∞
0
exp(−z2
) 1√
x
dz =
exp(−x)
√
x
(
∞
0
exp(−z2
)dz)
D'où, en intégrant selon x :
∞
0
(
∞
0
exp(−x(1 + y2
))dy)dx = (
∞
0
exp(−z2
)dz)(
∞
0
exp(−x)
√
x
dx) = 2(
∞
0
exp(−z2
)dz)
Ainsi, on peut déterminer la valeur de l'intégrale de Gauss :
∞
0
exp(−z2
)dz =
√
π
2
, R
exp(−z2
)dz =
√
π.