La monnaie virtuelle, instrument financier caractéristique d'Internet, discret et révolutionnaire, s'est imposée depuis quelques années comme un moyen de paiement indispensable.
La criminalité organisée, qui peine à blanchir ses revenus par les voies classiques maintenant très encadrées, s'est rapidement intéressée au potentiel que lui offre la monnaie virtuelle. Ainsi, plusieurs dizaines de monnaies privées répondant à leurs attentes et leurs besoins sont disponibles en libre accès sur Internet.
Le CERT-XMCO publie un livre blanc consacré à cette économie de tous les dangers intitulé "Monnaies virtuelles : les nouveaux circuits financiers clandestins". Ces monnaies aux structures complexes et parfaitement rodées semblent infaillibles malgré leur caractère frauduleux. Elles ont en effet des années d'avance sur les moyens d'investigations utilisés par les services répressifs et les législations en vigueur.
IDATE DigiWorld Summit Nov 2016 - Philippe Dewost opening keynote on the Bloc...
Monnaies virtuelles: les nouveaux circuits financiers clandestins
1. Monnaies virtuelles :
LES NOUVEAUX CIRCUITS FINANCIERS CLANDESTINS…
par Marie GARBEZ
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Sommaire
1 / Le risque engendré par le fonctionnement de certaines monnaies
virtuelles
A / Les monnaies en circuit ouvert soumises au contrôle bancaire
B / Les monnaies en circuit fermé incontrôlables
1 / Des premières tentatives infructueuses
2 / La mise en place d’un mécanisme infaillible
2 / Les monnaies virtuelles vulnérables à une utilisation criminelle
A / Un contrôle des opérations suspectes inapplicable
1 / L’identification de l’utilisateur défaillante
2 / Des transactions financières intraçables
B / Une réglementation européenne insuffisante
1 / La lutte contre le blanchiment d’argent sacrifiée
2 / Le vide juridique dû à l’absence de réglementation d’Internet
C / Des opportunités de corruption facilitées
1 / Les Etats-Unis et les cartes prépayées
2 / La Russie et les terminaux de paiements
3 / Exemple de l’utilisation de la monnaie virtuelle par
les groupes cybercriminels
A / L’alliance entre cybercriminels et échangeurs
B / Le rôle méconnu des monnaies virtuelles européennes
C / D’une monnaie virtuelle à un argent matériel : des opportunités de blanchiment multiples
2 Ce document est la propriété du cabinet XMCO. Toute reproduction est strictement interdite.
3. toujours plus surveillées et réglementées. Il est ainsi
Introduction possible d’échanger, à volonté, instantanément et
dans le monde entier de fortes sommes d’argent
échappant à la surveillance des services de police,
des services fiscaux et des douanes.
La lutte contre le blanchiment d’argent et le
financement du terrorisme s’est considérable- Les sceptiques insisteront sur le fait que cet argent
ment intensifiée ces dernières années. dématérialisé n’a aucune valeur.
Le nombre d’infractions relevant de cette incri- A quoi bon s’inquiéter de flux financiers, certes
mination s’est élargi et le spectre des secteurs illicites, mais exprimés dans une monnaie privée
professionnels soumis à une obligation de qui n’existe pas et n’est reconnue par aucun Etat
vigilance ne cesse de croître. ? Cette erreur d’appréciation est manifeste: le
Est-il possible d’imaginer que, malgré toutes les marché des monnaies virtuelles a mis en place
nouvelles mesures coercitives, un secteur aussi une structure organisationnelle complexe et
fondamental et vulnérable qu’Internet ait pu parfaitement rodée qui lui permet de se raccorder
échapper à l’attention du législateur ? à l’économie réelle.
Les criminels, habitués à contourner les lois, La partie la plus délicate consistant à faire circuler
n’espéraient certainement pas autant de facilité. d’importantes sommes d’argent par les entités
Un flou, voire un vide juridique, leur permet criminelles puis à les dissimuler est ainsi prise
de blanchir leurs revenus frauduleux en toute en charge par la monnaie virtuelle. Ensuite,
légalité et ce grâce au mécanisme des monnaies cet argent illicite est réintroduit dans les circuits
virtuelles. financiers classiques par de multiples moyens,
fractionnables à souhait, afin de ne pas éveiller
Blanchir ses revenus en utilisant une monnaie les soupçons des autorités.
virtuelle ? Le risque peut sembler relativement
faible dans nos économies européennes qui Le monde des monnaies virtuelles est une
considèrent ces nouveaux moyens de paiements véritable nébuleuse nécessitant la participation
comme marginaux et peu utiles. de multiples acteurs afin de pouvoir fonctionner
Il est indubitable effectivement que la majorité pleinement. Les monnaies les plus redoutables
des monnaies virtuelles sont impropres à une sont paradoxalement celles qui nécessitent le
utilisation criminelle. En revanche, certaines sont plus d’intervenants.
réellement dangereuses et particulièrement Imaginer des monnaies privées secrètes connues
appréciées du grand banditisme. Comment seulement d’un petit nombre d’initiés serait une
une telle différence peut-elle s’expliquer ? Il véritable illusion.
est possible de diviser le marché des monnaies Cette situation s’explique aisément : le créateur
virtuelles en deux grandes catégories : certaines d’une monnaie aux règles de fonctionnement
permettent de payer sur des sites marchands trop permissives sait pertinemment que son
alors que d’autres peuvent s’échanger entre activité peut être considérée comme frauduleuse.
utilisateurs. Afin de se protéger, ce dernier va déléguer
certaines des fonctions qu’il pourrait assurer
Ces transferts d’argent directement entre usagers lui-même à des tiers. Les risques sont ainsi
d’une même monnaie électronique sont, par dispersés entre une multitude de protagonistes
nature, insaisissables car ils se situent en dehors indépendants les uns des autres. Cela permet
du système financier classique. d’éviter, d’une part, que chacune des activités
Les Etat n’ont pas d’autorité sur ces flux de ne puisse répondre à une qualification pénale
monnaies transitant par les réseaux informatiques. précise et, d’autre part, d’assurer la survie de la
Afin de limiter les possibilités d’un usage fraudu- monnaie en question. Il est, en effet, commode
leux, un plafond de transaction relativement bas de mettre un terme aux agissements d’une seule
est habituellement imposé. Cependant, certains société mais comment arrêter une monnaie dont
créateurs de monnaies virtuelles ont décidé de la gestion est assurée par plusieurs milliers de
ne soumettre leur clientèle à aucune limite et, en firmes réparties dans le monde entier ?
complément, de leur garantir un anonymat total, La première partie de ce livre blanc est dédiée
ce qui a forcément attiré la criminalité organisée. à l’étude des monnaies virtuelles les plus
Elle a maintenant de plus en plus de difficultés à réin- dangereuses, tant par leur mode d’organisation
tégrer ses revenus illicites par les voies classiques, que par les opportunités qu’elles offrent à la
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4. criminalité organisée. L’extrême prudence de virtuelles. Aucun entrepreneur n’a encore eu
certains créateurs de monnaies virtuelles est mise l’aplomb de créer directement sur le sol européen
en exergue. La peur d’être inquiété en raison de une monnaie criminelle.
leurs agissements est si forte qu’elle a conduit
à la mise en place de structures économiques Peu de statistiques existent quant à l’utilisation
irrationnelles. Ainsi, acquérir de la monnaie de monnaies virtuelles par des groupes criminels.
virtuelle peut être très onéreux et nécessiter de Ces chiffres n’existent pas car ces flux monétaires
passer par plusieurs intermédiaires. Tout cela pour ne sont pas traçables.
une monnaie qui n’a, à son origine, aucune utilité Quand bien même un compte virtuel pourrait être
économique concrète. relié à son auteur, les autorités n’ont pas, dans
Recourir à de tels moyens de paiements, aussi la majorité des cas, la possibilité d’y accéder ni
complexes que coûteux, n’a relativement aucun de prendre connaissance de la somme qui est
intérêt pour un utilisateur ordinaire. contenue à l’intérieur.
Même poursuivi, après avoir purgé sa peine, un
Le fait qu’un nombre élevé de monnaies poten- criminel peut ensuite sans difficulté récupérer ses
tiellement néfastes soient accessibles à tous et fonds.
circulent librement sur les réseaux informatiques Le pouvoir attractif de ces nouvelles monnaies
démontre clairement les insuffisances du droit en apparaît donc clairement. Le GAFI a d’ailleurs
ce domaine. relevé dans plusieurs affaires que les criminels,
Un rapport du GAFI(1) d’octobre 2010(2) indique ayant le choix entre plusieurs méthodes de
que certains Etats ne soumettent l’émission de blanchiment, optent pour la monnaie virtuelle.
ces nouveaux moyens de paiements à aucune La dernière partie de ce livre blanc est dédiée aux
procédure d’enregistrement ou de licence. circuits financiers de la cybercriminalité.
N’importe qui peut, dès lors, créer sa propre Une observation minutieuse de ce milieu a
monnaie, en marge de toute obligation juridique permis d’établir, sans aucune contestation possi-
et de toute surveillance, et offrir ses services aux ble, le rôle vital que joue une de ces monnaies
internautes du monde entier sans restriction. virtuelles : « Liberty Reserve ». Sans elle, les
De graves dérives sont permises car les procédu- cybercriminels auraient une liberté d’action et un
res visant à lutter contre le blanchiment d’argent pouvoir de nuisance beaucoup plus restreint.
ne sont pas applicables. Les particularités et les rouages de cette économie
Outre ces paradis pour inventeurs de monnaies criminelle sont présentés en détails au lecteur.
innovantes, la rédaction de ce livre blanc nous a Les cybercriminels ont exprimé leur préférence
conduits à nous préoccuper de la situation de ce pour cette monnaie d’échange privilégiée mais
marché en Europe. plusieurs dizaines d’autres au fonctionnement
Concernant la réglementation européenne similaire ont pu être répertoriées. A quelles fins
stricto-sensu, une comparaison effectuée sont elles exploitées ? Quel est le profil de leurs
avec d’autres pays permet d’établir que les utilisateurs ?
directives adoptées en la matière empruntent Il est probable que d’autres entités criminelles
parfois une direction opposée à la tendance fonctionnent sur le même schéma que les
générale. Cette voie est celle d’une cybercriminels. Des certitudes ont pu être émises
libéralisation totale ce qui permet de craindre quant à l’utilisation de monnaies électroniques
que ce secteur économique se criminalise d’autant par des trafiquants de drogues mais, concernant
plus dans les années à venir. d’autres groupes mafieux, le manque d’informa-
De nouveaux défis vont s’imposer aux services tion est complet.
répressifs mais aussi aux banques et aux autres Le trafic d’êtres humains, le financement occulte
institutions financières. de partis politiques, l’évasion fiscale et le trafic
La deuxième partie fait également état d’armes sont-ils totalement indifférents aux
d’investigations concernant des acteurs de opportunités que leurs offrent ces monnaies
ce marché implantés en Europe. La situation privées ? Que personne ne puisse répondre à
est particulièrement chaotique car nombre cette question avec certitude est réellement
de ces sociétés opèrent dans l’illégalité ou ne préoccupant.
respectent qu’en partie la loi.
Notons que ces entreprises frauduleuses (1) Le Groupe d’Action Financière (GAFI) est un organisme intergouvernemental
visant à developper et promouvoir des politiques nationales et internationales
ne concernent, pour le moment, que des ac- afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terro-
tivités secondaires à l’émission de monnaies risme.
(2) http://www.fatf-gafi.org dataoecd/4/56/46705859.pdf
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5. «Permettre la création de monnaies virtuelles n’était-elle pas ouvrir la
boite de Pandore de toutes les criminalités possibles ?»
1 / Le risque engendré par le
fonctionnement de certaines
monnaies virtuelles
Les monnaies virtuelles ont des modes de fonctionnement très hétérogènes. Le choix d’un mode d’orga-
nisation par une société dépendra du type de prestation qu’elle désire offrir à sa clientèle. Simple code
informatique à son origine, la monnaie virtuelle n’a besoin d’aucune autre structure pour s’autogérer. La
décision d’un créateur de monnaie virtuelle de s’associer à une institution bancaire ou financière est donc
totalement libre et n’entrave en rien la survie de sa monnaie. Le fait de se détacher des circuits financiers
traditionnels pose cependant de réels problèmes de surveillance aux autorités. Une comparaison entre
les monnaies virtuelles circulant en circuit ouvert (A) et celles circulant en circuit fermé (B) permet de
comprendre le problème potentiel qui se pose aux Etats.
A / Les monnaies en circuit ouvert soumises au contrôle bancaire
Les monnaies électroniques circulant en réseau « ouvert » fonctionnent traditionnellement plus ou
moins étroitement avec l’industrie bancaire. Certaines compagnies possèdent leur propre banque ou
organisation de crédit, d’autres concluent des contrats avec une banque partenaire. Sans cette collabora-
tion, les transferts d’argent seraient rendus beaucoup plus difficiles. L’avantage de fonctionner en réseau
« ouvert » est de permettre aux clients de transférer directement de l’argent dans leurs portefeuilles
virtuels, que ce soit au moyen d’une carte de crédit, d’un virement bancaire ou même par internet
banking.
L’intérêt de la monnaie électronique étant de ne pas exposer ses informations bancaires sur Internet, il est
également possible de recharger son compte virtuel grâce à des moyens plus anonymes comme les cartes
prépayées. De nombreuses compagnies fonctionnent selon ce système, par exemple Paypal et Monéo.
Etant liée à une banque, la société émettrice de monnaie virtuelle se doit de respecter la règlementa-
tion afférent à cette branche d’activité, principalement en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment
d’argent et le financement du terrorisme. Une monnaie qui ne suivrait aucun code de bonne conduite ou
exposerait sa banque partenaire à un fort risque de fraude verrait ses contrats rompus immédiatement.
Ne pouvant fonctionner seule sur le marché, la société émettrice encadre également fortement ses
partenaires, que ce soient des sites commerciaux proposant sa monnaie comme moyen de paiement en
ligne ou bien des échangeurs privés qui vont effectuer des transferts avec sa monnaie et proposer un
service de remboursement (rachat d’une monnaie électronique contre une monnaie nationale).
Par exemple, pour pouvoir collaborer avec la société de monnaie électronique Webmoney, celle-ci
effectue une vérification minutieuse : documents d’identité des dirigeants, certificat notarié de la société,
vérification de la légalité des produits ou des services proposés sur le site web.
Techniquement, Webmoney prend en charge la réception des paiements et informe la société partenaire
en temps réel de leur montant. En cas de détection d’activités frauduleuses, Webmoney, seul gestionnaire
de la réception des paiements, pourrait refuser de les transférer ultérieurement à sa société partenaire et
alerter les autorités.
A l’inverse, une société de monnaie électronique au comportement laxiste peut cesser de fonctionner et
disparaître en quelques heures, comme l’illustre l’exemple d’Epassporte. Epassporte s’est fait principale-
ment connaître comme unique monnaie de référence des webmasters de sites pour adultes.
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6. Elle a aussi longtemps été associée au monde du poker et des jeux en ligne.
Le propriétaire de cette monnaie, Chris Mallick, avait décidé d’implanter les comptes de sa société à Saint-
Kitts et Nevis. L’offshore banking est une source importante de revenus pour ce petit Etat des Antilles du
Sud qui n’est pas très regardant sur les pratiques de sa clientèle.
Ainsi, Epassporte permettait à ses utilisateurs, lors de l’enregistrement de leur compte, de recevoir
instantanément et gratuitement une carte Visa virtuelle permettant de réaliser des achats sur Internet. Il
était également possible de commander une Visa plastique électron pour 35$. Grâce à cette carte Visa,
les clients pouvaient directement retirer les fonds de leur compte Epassporte dans les distributeurs
automatique de billets dans le monde entier.
L’identification des clients étant presque inexistante, la société Visa a commencé à inquiéter la banque
partenaire d’Epassporte. De plus, Visa a indiqué qu’Epassporte était lié à plusieurs programmes
d’affiliations douteux tels que ceux utilisés pour rémunérer les personnes faisant la promotion des
produits de pharmacie en ligne. Le choix était simple : soit la Saint-Kitts-Nevis-Anquilla National Bank
mettait un terme à sa collaboration avec Epassporte, soit Visa mettait fin à son contrat avec la banque lui
permettant d’utiliser les cartes de débit et le réseau Visa.
La réflexion n’a pas été longue et ainsi toutes les cartes Visa des utilisateurs d’Epassporte ont été bloquées
en quelques heures, empêchant ces derniers de retirer leurs fonds.
Les utilisateurs d’Epassporte n’ont cependant pas perdu leur argent, celui-ci étant conservé dans les
comptes de la banque. La société Visa a uniquement pu bloquer les cartes de retrait affiliées. Il suffisait
ainsi à tous les clients d’Epassporte d’adresser une demande de remboursement à la banque qui pouvait
restituer les fonds par virement bancaire directement.
Ci-dessous, le message posté par les dirigeants d’Epassporte le 20 octobre 2010 sur le site internet de
leur société : « Chers titulaires de comptes, connectez-vous s’il vous plait à votre compte Epassporte pour
connaître le solde de votre balance et compléter le formulaire de virement ainsi que de fermeture de
compte. […] Si vous avez des fonds sur votre Visa virtuelle, contactez s’il vous plait la Saint-Kitts-Nevis-
Anquilla National Bank. Leurs coordonnées et les informations sur ces soldes sont disponibles sur leur site
web : www.sknanb.com. »
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7. B / Les monnaies en circuit fermé incontrôlables
Certaines monnaies, n’ayant pas des règles très rigoureuses, peuvent décider de mener leurs activités en
circuit fermé afin de se dégager de tout risque pouvant peser sur leur fonctionnement, qu’il vienne de
l’industrie bancaire ou de l’Etat depuis lequel elles opèrent. La monnaie E-gold a été un véritable modèle
en la matière, cependant des ennuis avec la justice américaine l’ont rendu inopérante(1).
Elle a inspiré de futurs créateurs de monnaies privées qui ont suivi avec attention ses démêlés judiciaires
afin ne pas répéter les mêmes erreurs et devenir véritablement infaillible comme la monnaie privée «
Liberty Reserve » qui en est le meilleur exemple (2).
1 / Des premières tentatives infructueuses
E-gold, monnaie privée indexée sur l’or, a été à l’avant-garde d’une nouvelle approche de l’échange
de valeurs sur Internet dans une économie mondiale. Elle a réuni jusqu’à cinq millions d’utilisateurs et,
chaque jour, entre 50 000 et 100 000 transactions étaient réalisées pour un montant de 10,5 millions de
dollars. Elle a, un temps, occupé la deuxième place derrière le géant Paypal qui effectue des transferts
atteignant 60 millions de dollars par jour. Certains experts financiers avaient même affirmé qu’E-gold était
l’avenir du e-commerce international car l’or est « non politique, pur et incorruptible. »
Le projet « E-gold » est né en 1996 dans une société du Delaware « Gold&Silver Reserve ». Jusqu’en 1999,
la société regroupait en son sein trois fonctions : elle émettait sa monnaie privée, gérait la mise en œuvre
des transactions entre les utilisateurs et proposait un service d’échange de monnaies au travers de sa
société « Omnipay », aussi basée aux Etats-Unis.
En 2000, l’émission de la monnaie ainsi que la compensation des transactions sont dévolues à « E-gold LTD
», société située à Saint-Kitts et Nevis. Gold&Silver Reserve, E-gold LTD et Omnipay sont interdépendantes
et gérées principalement par Douglas J. Jackson, Barry K. Downey, et Reid A. Jackson.
Gold&Silver Reserve
(Etats-Unis)
E-Gold LTD Omnipay
(Saint-Kitts et Nevis) - A crée et développé le (Etats-Unis)
système de paiement E-Gold.
- Emet la monnaie privée - Opérateur d’E-gold LTD. - Le plus important grossiste
E-gold. de la monnaie E-gold.
- Gère les opérations d’échange
- Gère les transactions entre d’Omnipay avec des comptes - Fournit les échangeurs
utilisateurs. bancaires aux Etats-Unis et privés.
en Europe.
E-gold fonctionnant en circuit fermé, il n’est pas possible de transférer de l’argent dans son compte direc-
tement ou de le retirer. Il faut pour cela recourir principalement à des échangeurs privés, sous-traitants
d’Omnipay. Ce dernier est le plus important grossiste de la monnaie E-gold. Les échangeurs achètent par
lots cette monnaie virtuelle à Omnipay mais peuvent aussi la lui revendre. Omnipay ne vend ou n’achète
que par virements bancaires pour des raisons bien spécifiques.
En effet, en refusant d’accepter tout type de paiement en espèces, Gold&Silver Reserve pense échapper
à la réglementation américaine régulant les « money transmitters» (sociétés de transferts de fonds).
Gold&Silver Reserve n’est, dès lors, astreint à aucune des obligations légales leur incombant, c’est-à-dire
s’enregistrer auprès du FinCEN (Financial Crimes Enforcement Network), se soumettre à des mesures anti
blanchiment d’argent et obtenir une licence de l’Etat américain depuis lequel elles opèrent.
(1) http://cryptome.org/e-gold/110.pdf
(2) Securities and Exchange Commission.
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8. Les échangeurs, quant à eux, proposent à leurs clients des moyens beaucoup plus variés afin de débiter
ou créditer leurs comptes E-gold.
E.P.
(Echangeurs
Privés)
E.P. Utilisateurs
Omnipay (Echangeurs
Privés)
E-Gold
- Achat et vente de - Achat et vente à la clientèle
la monnaie E-gold par lots. E.P. d’E-gold.
(Echangeurs
- Toutes les transactions Privés) - Les moyens financiers
s’effectuent par virement proposés sont plus variés :
bancaire. cartes prépayées, transferts
d’argent en espèces
(Western Union), virement
bancaire, échange de
monnaie virtuelle contre
E-gold.
Un agent du FBI spécialisé dans une unité dédiée à la cybercriminalité avait déclaré à propos des
activités d’E-gold : « A ce stade, ce n’est pas illégal. Ils opèrent dans un domaine du droit où il n’y a pas de
loi(3). » Pourtant, en 2006, les autorités américaines décident de mettre un coup d’arrêt à E-gold ce qui va
provoquer un fort débat juridique. Le commerce des monnaies électroniques ne fait l’objet d’aucune loi
spécifique et, ne fonctionnant pas de la même manière que les institutions financières traditionnelles ou
les services de change, ils ne se sont pas soumis aux lois et aux règlements existants.
En 2007, un rapport de la Chambre des Représentants des Etats-Unis notait que « les devises numériques
qui font affaire aux Etats-Unis ne sont soumises à aucune des exigences bancaires américaines. »
Le rapport a, de plus, noté « l’absence de règlementation des devises numériques par toute entité
gouvernementale, qu’elle soit nationale ou étrangère. »
Les autorités américaines ont malgré tout accusé les dirigeants d’E-gold de ne pas avoir respecté les lois
existantes se référant aux sociétés de transfert de fonds. Douglas Jackson, un des créateurs de la société,
avait fait part de sa stupéfaction dans le magazine Business Week : « Gold & Silver Reserve a fonctionné
pendant plus de neuf ans. Cherchant à se conformer à toutes les lois applicables, G&SR a tendu la main au
Gouvernement des dizaines de fois, a régulièrement rencontré des représentants de l’Internal Revenue Service,
du FBI, de la SEC(4) et une variété d’autres organismes fédéraux qui ont dit - en des termes sans équivoques
- que nous opérions en toute légalité et en pleine conformité avec toutes les lois, règles et règlements.»
Une véritable bataille juridique va avoir lieu quant à l’interprétation de la loi américaine (18 United
States Code §1960 : Prohibition of unlicensed money transmitting businesses(5)). Les autorités américaines
accusent les dirigeants d’E-gold d’avoir opéré sans les licences requises. E-gold se défend en énonçant
ne pas être une société de transferts de fonds et, de ce fait, ne pas être astreinte à la réglementation y
afférant.
L’argumentation des avocats de Gold&Silver Reserve va porter sur deux points : la société n’a jamais
effectué d’opérations financières en liquide et n’a jamais réalisé d’opérations de change. Ces deux éléments
sont, en effet, certaines des conditions permettant d’être qualifié de société de transfert de fonds.
En ce qui concerne les opérations financières nécessitant de manipuler des espèces, la preuve a été
apportée très aisément que la seule société effectuant des transferts d’argent était Omnipay mais elle
ne fonctionnait que par virement bancaire. Il est compréhensible que la réglementation concernant les
opérations en argent liquide puisse différer de celle utilisant les services bancaires car la procédure d’iden-
(3) http://corpuslegalis.com/us
(4) Securities and Exchange Commission.
(5) http://corpuslegalis.com/us
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9. tification des clients ainsi que la possibilité de retracer l’origine des fonds ne sont pas les mêmes.
Au sujet des opérations de change, il a été évoqué qu’une opération de change nécessitait de faire appel
à deux devises et qu’E-gold ne pouvait en aucun cas en être considérée comme telle. En plus d’être
immatérielle, E-gold n’est reconnue par aucun Etat ni gouvernement.
Le raisonnement des avocats ne convaincra pas les juges et la section 1960 concernant les sociétés de
transfert de fonds va être interprétée afin d’y inclure le commerce de devises numériques. La loi est certes
évolutive mais il est permis de douter que le gouvernement américain puisse faire l’économie d’une
loi spécifique aux monnaies virtuelles car la loi actuelle est de toute façon inadaptée à la multitude de
situations que revêt le marché des monnaies virtuelles.
Une législation au niveau national ne peut pas suffire car les émetteurs de monnaies virtuelles, les échan-
geurs et les utilisateurs se situent tous dans des juridictions différentes. Il est très complexe de déterminer
les obligations de chacun ainsi que la loi applicable. Un rapport de 2007 intitulé « U.S. Money Laun-
dering Threat Assessment » réalisé par plusieurs agences gouvernementales américaines dont le
Département du Trésor soulignait ces difficultés : « Quand bien même un système de paiement en ligne ou
un service de monnaie électronique répondrait à la définition des sociétés de transfert de fonds […], cette
qualification dépendrait également de sa localisation et de la manière dont ils participent ou conduisent les
transactions.»
Ainsi, les autorités américaines ont gelé les comptes bancaires de Digital&Silver Reserve situés sur le
territoire américain. E-gold a pu continuer à fonctionner quelques temps grâce au compte bancaire que la
société possédait en Estonie. Néanmoins, le 25 mai 2007, la SEB Bank of Estonia a décidé de renoncer à
sa collaboration avec Gold&Silver Reserve ce qui a provoqué la fin d’E-gold car aucune banque n’a dès lors
voulu collaborer avec cette société eu égard aux forts ennuis judiciaires qu’elle traversait. Les échangeurs
n’ont plus eu la possibilité d’acheter la monnaie privée en masse auprès d’Omnipay. Ils ont pu subsister
quelques temps grâce aux stocks de monnaie qu’ils possédaient, puis face à la pénurie, toute activité
s’est arrêtée.
Ci-dessous, l’annonce fait par un échangeur sur son site Internet : « En raison du fait qu’Omnipay
( l’échangeur de la compagnie e-gold ) n’est plus opérationnel, nous ne pouvons seulement accepter plus
d’e-gold que la quantité que nous sommes en mesure de vendre. Cela signifie que nous ne pouvons accepter
d’échanger e-gold [pour sa vente] que très rarement […]. »
L’attaque menée contre E-gold a semblé illégitime à de nombreux observateurs car le flou juridique
entourant le statut du commerce des monnaies virtuelles ne pouvait être imputé à la société. Le législateur
était seul responsable. Certains ont estimé que cette attaque était purement politique car le marché
des monnaies virtuelles indexées sur l’or se développant très fortement, un risque pesait sur le dollar.
E-gold était un symbole car la plus forte de ces monnaies mais d’autres sociétés connexes ont aussi été
inquiétées : GoldAge, IceGold, AnyGoldNow, 1MDC et The Bullion Exchange…
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10. L’arrêt d’E-gold peut être imputé à deux éléments :
- Les dirigeants de Gold&Silver Reserve, Omnipay et E-gold LTD étaient les mêmes ce qui a permis aux
autorités américaines de s’attaquer également à E-gold LTD situé pourtant hors du territoire américain.
Si ces sociétés avaient été clairement séparées, E-gold LTD aurait toujours pu continuer à émettre sa mon-
naie privée « E-gold ». Il lui aurait suffit de trouver un nouveau « grossiste » pour distribuer sa monnaie.
- L’autre point faible dans le fonctionnement d’E-gold se situait dans le fait qu’Omnipay recevait et émet-
tait des virements bancaires. Les autres activités exercées n’ont jamais été remises en cause.
Ces failles ont été relevées par de futurs créateurs de monnaies virtuelles qui se sont fortement inspiré de
la structure d’E-gold mais qui ont mis en application un principe simple : créer uniquement une société
émettant de la monnaie et ne recevoir aucun paiement, sous quelque forme que ce soit.
2 / La mise en place d’un mécanisme infaillible
Afin de comprendre l’évolution des monnaies virtuelles exerçant en circuit fermé, la société Liberty
Reserve est prise en exemple. Mondialement implantée, Liberty Reserve a un poids économique incon-
testable. Aucune information ne filtre sur son chiffre d’affaire ou sur le nombre de ses utilisateurs mais le
fait que cette monnaie soit proposée à la vente ou à l’achat par presque tous les échangeurs atteste que
la valeur de cette monnaie est reconnue et acceptée par tous.
Le fonctionnement de Liberty Reserve va être explicité ce qui permettra d’effectuer une comparaison avec
E-gold.
a / Fonctionnement de Liberty Reserve
Les dirigeants de Liberty Reserve se sont directement inspirés d’E-gold afin d’introduire sur le marché leur
propre monnaie, le « Liberty Reserve » ou « LR », indexé sur le dollar, l’euro et l’or. Auparavant simple
échangeur, l’un des dirigeants, Arthur Budovsky, fait part lors d’une interview en 2002 de sa vision du
marché des monnaies virtuelles : « J’ai été agréablement surpris par l’idée révolutionnaire qui se cachait
derrière E-gold. Je dois admettre que c’est à force d’observer E-gold que nous avons eu l’impulsion finale
pour nous rendre compte que nous faisions quelque chose de similaire. Nous n’avions pas réalisé, jusqu’à ce
que nous connaissions E-gold, que quelqu’un pouvait avoir l’audace de rivaliser avec la Reserve Fédérale des
Etats-Unis, de prétendre que sa monnaie est la meilleure des monnaies […(6)]. »
Liberty Reserve opère sous une société unique, Liberty Reserve S.A., basée au Costa Rica. Liberty Reserve
S.A. a limité et cantonné son activité à l’émission de sa monnaie privée ainsi que la fourniture de porte-
monnaies virtuels à ses utilisateurs afin qu’ils puissent se transférer des « LR » instantanément et sans
limitation.
Le rôle de Liberty Reserve s’arrête là et elle ne fournit aucun moyen à ses utilisateurs d’acquérir ou de
vendre des « LR ». Ces derniers doivent donc passer par des échangeurs privés qui se fournissent en amont
auprès de grossistes. La différence entre E-gold et Liberty Reserve devient flagrante sur cet élément. Alors
qu’E-gold était son propre grossiste au travers de sa société Omnipay, Liberty Reserve s’est refusée à cette
fonction de distribution. Si les échangeurs privés veulent commercer dans sa monnaie, ils devront passer
par l’un de ses trois grossistes indépendants. Les contacts entre échangeurs privés et Liberty Reserve sont
donc limités voire inexistants. Cette indépendance a un coût, mais uniquement pour l’utilisateur car un
intermédiaire supplémentaire implique une commission supplémentaire.
(6) http://themonetaryfuture.blogspot.com/2009/05/interview-with-liberty-reserve.html
10 Ce document est la propriété du cabinet XMCO. Toute reproduction est strictement interdite.
11. Ci-dessous, le schéma représentant la structure du marché de Liberty Reserve.
- Emet la monnaie privée
« Liberty Reserve » ou « LR ».
- Met à la disposition de la clientèle
Liberty Reserve
des porte monnaies virtuels et gère (Costa-Rica) - Grossistes privés
les transactions. indépendants de la société
Liberty Reserve S.A.
- Vendent et achètent en
masse des « LR » aux
échangeurs privés.
eCardOne Ebuygold Swiftexchanger
(République Tchèque/Panama) (Hong Kong) (Bélize)
E.P. E.P. E.P. E.P. E.P. E.P. E.P. E.P. E.P.
(Echangeurs (Echangeurs (Echangeurs (Echangeurs (Echangeurs (Echangeurs (Echangeurs (Echangeurs (Echangeurs
Privés) Privés) Privés) Privés) Privés) Privés) Privés) Privés) Privés)
- Les échangeurs privés pour
vendre et acheter des « LR »
contractent avec les
grossistes privés.
- Les contacts entre
échangeurs privés et Liberty Utilisateurs
Reserve sont restreints voir Liberty Reserve
inexistants.
- Aucune vérification
d’identité lors de la création
du porte-monnaie
électronique.
- Aucune limite de montant
dans les transactions en
« LR » entre utilisateurs.
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12. Afin de comprendre le rôle et les responsabilités de chacun des acteurs de ce système, il est nécessaire
de détailler leurs activités :
Liberty Reserve : L’essentiel de son activité est totalement immatérielle, basée sur les échanges d’une
monnaie qui n’existe pas entre ses utilisateurs. Liberty Reserve peut ainsi se targuer de n’avoir jamais reçu
le moindre centime, qu’il soit en euro ou en dollar, provenant des fonds de ses utilisateurs. Ne manipulant
pas d’argent et n’en transférant pas, Liberty Reserve n’estime pas avoir la nécessité d’identifier ses
utilisateurs ou de limiter le montant des transactions pouvant être effectuées entre porte monnaies
virtuels. Etant basée au Costa-Rica, la société peut difficilement subir la moindre pression des autorités
locales quant à la lutte contre le blanchiment d’argent. Les déclarations d’Arthur Budovsky sur ce point
sont plutôt explicites. Lorsqu’un journaliste lui demande s’il ne connaît pas de difficultés juridiques quant à
l’activité qu’il exerce, ce dernier lui répond(7) : « Puisque nous sommes basés dans les Caraïbes, nous n’avons
pas et nous ne prévoyons pas de problèmes de ce type. Nous respectons la vie privée de nos clients et seulement
une citation signifiée à Nevis pourrait nous laisser envisager de fournir des renseignements personnels de nos
clients à un tiers. Cependant, puisque nous ne sommes pas une banque, nous ne collectons pas beaucoup de
renseignements personnels. Puisque nous sommes basés à Nevis, vous devez être un meurtrier, un ravisseur
ou un baron de la drogue pour nous forcer à divulguer des informations sensibles.[…] En ce qui concerne la
vie privée des clients, tous nos fichiers et toutes nos communications sont cryptés et stockés sur des serveurs
offshore.[…] » A titre de comparaison, il est obligatoire pour les établissements émetteurs de monnaie
électronique en Europe d’identifier leurs clients dès que les opérations dépasse quelques centaines d’euros.
Le plafond est variable suivant les Etats membres. Il est fixé à 250 euros pour la France.
L’autre activité de Liberty Reserve concerne ses relations commerciales avec ses grossistes. Ils sont actuel-
lement au nombre de trois, ce qui permet de fractionner les risques. E-gold n’avait en comparaison qu’un
seul grossiste, Omnipay, ce qui s’est révélé être insuffisant car lorsque les autorités ont gelé ses comptes
en banque, les échangeurs privés n’avaient plus aucun moyen de s’approvisionner.
Les relations que Liberty Reserve entretient avec ses échangeurs sont assez particulières car elle ne veut
pas être assimilée à leur fonction de redistribution de sa monnaie. L’indépendance est totale comme
l’illustre ce commentaire de la société à propos d’eCardOne : « Notez s’il vous plait, qu’à compter de
maintenant, toutes les applications concernant les échangeurs seront traitées par un grossiste officiel de
Liberty Reserve - eCardOne. […] Notez s’il vous plait, qu’eCardOne n’est associé en aucun cas avec Liberty
Reserve sauf pour la vérification des échangeurs et pour procéder à des commandes en gros avec d’autres
échangeurs. »
(7) http://themonetaryfuture.blogspot.com/2009/05/interview-with-liberty-reserve.html
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13. Le fait de déléguer la fonction de distribution de sa monnaie à des grossistes n’est pas problématique en
soi, elle est même entièrement légale. Il est par contre inquiétant que Liberty Reserve ne veuille assumer
aucune fonction de surveillance sur les activités exercées tant par ses grossistes que par ses échangeurs
et qu’elle s’en détache totalement.
Les grossistes de Liberty Reserve : Ils sont au nombre de trois. Leur localisation géographique est très
diversifiée, l’un se situant à Hong Kong, troisième centre financier du monde, l’autre à Belize, paradis
fiscal. Enfin, le dernier est sous licence du Panama mais opère depuis l’Europe Centrale.
Grâce à ces grossistes, il est possible d’acheter la monnaie Liberty Reserve sans aucune restriction de
montant. Ci-dessous, la liste tarifaire d’Ebuygold qui indique commercer avec plus de 80 000 clients à
travers le monde(8) :
Les moyens proposés afin d’acquérir ou de vendre des « LR » sont globalement les mêmes : virements
bancaires, transferts d’espèces par Western Union, échange de monnaies électroniques. L’envoi d’une
carte de retrait internationale est également proposé afin de retirer directement ses « LR » à un distribu-
teur automatique. Sur les trois grossistes, deux dispensent leurs clients de l’envoi de documents d’iden-
tité, estimant que les coordonnées fournies lors d’un transfert bancaire ou d’un envoi par Western Union
suffisent. Seul EcardOne impose de scanner sur son site des documents d’identité.
Il est intéressant de noter que les grossistes et les échangeurs proposent certes à la vente des cartes de
retraits provenant de zones offshores, mais en ce qui concerne leur activité de transferts bancaires, ils
recherchent avant tout les banques situées dans des zones économiques légitimes. En effet, un client
souhaitera de préférence recevoir un virement bancaire provenant d’Europe ou des Etats-Unis de la part de
son grossiste ou de son échangeur, plutôt que d’un paradis fiscal. La banque bénéficiaire n’aura ainsi pas
de soupçons quant à l’origine de ces fonds et n’inquiètera pas son client. Afin de satisfaire leur clientèle,
certaines sociétés sont prêtes à passer outre toutes les règlementations.
EcardOne fait partie de ces entreprises qui ne respectent aucunement la législation européenne.
Sur le site officiel d’EcardOne, la société indique être établie en République Tchèque et enregistrée auprès
de la Banque Centrale de son pays sous la qualité d’établissement de paiement. L’obtention de ce statut
est impératif afin de pouvoir réaliser des opérations de transfert de fonds, ce qu’EcardOne réalise en ac-
ceptant et en émettant des virements bancaires contre des « LR ». Cependant, distribuant et remboursant
de la monnaie électronique, EcardOne devrait normalement demander le statut d’établissement de mon-
naie électronique qui est le plus approprié.
Loin de ces débats juridiques, il apparaît qu’EcardOne n’a, en réalité, aucun des deux statuts, les infor-
mations indiquées sur son site étant inexactes. Opérant sous licence du Panama, EcardOne est enregistré
sur le registre du commerce de la République Tchèque en tant que société immobilière. Les virements
bancaires sont émis par une banque slovaque « UniCreditBank ». L’un des grossistes officiels de Liberty
Reserve opère donc en toute illégalité sur le territoire européen.
Ci-dessous à droite, les coordonnées d’EcardOne indiquées sur son site web et à gauche, les informations
indiquées sur cette société sur le site tchèque de référencement des sociétés http://www.hbi.cz/. Le nom
et l’adresse sont les mêmes, sauf que dans l’un EcardOne est une société de paiement agrée dans son
pays, dans l’autre EcardOne est une agence immobilière.
(8) http://ebuygold.com/
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14. EcardOne est ainsi l’interlocuteur privilégié des résidents de l’Union Européenne et la société préfère
effectuer ses transactions dans la zone euro, comme il est précisé sur son site web : « Les virements
bancaires en dollars US sont chers (le coût est entre 20 et 80$ en frais de virements bancaires et de banque
correspondante) et la réception prend une semaine en moyenne, tandis que les virements en euros sont gratuits
au sein de l’Union Européenne et la réception prend deux jours maximum.[…] »
Les échangeurs privés : Comme il a été indiqué précédemment, un certain nombre d’échangeurs
opèrent sans être identifiés de façon formelle par leurs grossistes. Nombreux sur le marché, les échangeurs
veulent attirer le plus d’utilisateurs possibles et afin de ne pas décourager la clientèle par des procédures
d’identification, certains s’en dispensent totalement. Les conditions d’achat et de vente sont les mêmes
que pour les grossistes, à la différence de certains échangeurs ayant pignon sur rue qui permettent à leurs
clients de venir directement récupérer des espèces contre des « LR ».
Plusieurs échangeurs sont établis sur le territoire européen mais contournent la règlementation européen-
ne concernant les établissements de monnaie électronique. Ces échangeurs s’enregistrent dans des zones
offshores en toute facilité tout en continuant d’exercer depuis l’U.E. La Convention de la Haye ne l’interdit
pas : « Toute personne physique ou morale de la communauté Européenne a le droit de créer une société dans
le pays de son choix sans avoir besoin d’y résider fiscalement ».
Exemple d’un échangeur privé ayant créé sa société aux Seychelles mais exerçant son activité depuis
l’Espagne(9).
(9) https://www.xmlgold.net/
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15. D’autres échangeurs privés ne s’enregistrent dans aucun pays et créent tout simplement leur site Internet.
Ci-dessous, l’exemple d’un échangeur situé en Roumanie dont les mesures d’identification de la clientèle
sont plus que simplifiées :
« Ai-je besoin de m’enregistrer ou d’être vérifié pour effectuer
un transfert ? Aucune vérification ou enregistrement n’est
nécessaire pour effectuer un échange de monnaie sur notre site. »
Le compte bancaire de l’échangeur n’est même pas au nom d’une société mais d’un particulier.
Enfin, des échangeurs situés à l’étranger ne se servent de l’Europe que comme un relais pour des vire-
ments bancaires. L’activité économique ou financière déclarée à la banque comme justification à des
virements en masse est très certainement fausse.
Exemple d’un échangeur opérant depuis la Dominique, petit Etat de 17 000 habitants. La société possède
pourtant plus de 60 comptes bancaires localisés dans 38 pays différents.
Concernant l’Europe, la société possède un compte à Londres dans la célèbre Barclays Bank.
Un contact avec un des administrateurs du site établit que la société ne possède pas seulement un compte
à Londres mais également un en France. « Notre banque est à Londres. Combien voulez-vous acheter ? Nous
avons une banque en France, mais vous ne pouvez pas déposer de cash. Seulement des transferts SEPA(10). »
(10) Single Euro Payments Area - Espace unique de paiement en euros
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16. Les problèmes posés par ces monnaies privées apparaissent donc clairement. Le système est faussé et
corrompu dès l’origine et chaque catégorie d’acteurs opère dans une zone de non droit et sans aucu-
ne surveillance. Le cocktail est explosif car criminalité économique, blanchiment d’argent, anonymat et
revenus illicites peuvent très aisément se fondre dans ces nouveaux circuits financiers ou les renforcer
en créant par exemple leurs propres structures. Il est impossible de savoir combien de ces monnaies
privées circulent sur Internet, de grands noms peuvent cependant être relevés comme c-gold, pécunix et
GlobalDigitalPay.
2 / Les monnaies virtuelles
vulnérables à une utilisation
criminelle
Avant même que le marché des monnaies virtuelles ne fasse l’objet de si fortes dérives, ce nouveau mode
de paiement portait déjà à son origine de nombreuses insuffisances de sécurité. Les criminels les ont bien
évidemment relevées et exploitées à outrance. Certains acteurs de ce milieu se sont organisés pour rendre
tout contrôle des opérations suspectes inapplicables. Ces monnaies étant d’emblée difficilement traçables
car situées hors du secteurs bancaire. Chaque faille a été exploitée afin de permettre aux utilisateurs de
se rendre invisibles sur ce circuit financier (A).
La réglementation en la matière étant insuffisante, aucune action réelle n’a pu être entreprise contre ces
sociétés voyous (B).
Enfin, un large problème de corruption d’agents distributeurs de monnaies virtuelles par des groupes
criminels a facilité le transfert de montants élevés de revenus illicites (C).
A / Un contrôle des opérations suspectes inapplicable
L’introduction de la banque en ligne a suscité de vives réserves car la perte du contact humain avec le
client a rendu les procédures d’identification plus complexes et fragiles. Les criminels, ayant toujours su
utiliser les technologies à leur avantage, se sentent protégés par la barrière d’Internet qui ralentit le travail
des autorités et peut parfois le rendre impossible.
Le plus grand risque était cependant à venir avec les monnaies électroniques. Elles ne sont pas gérées par
des établissements bancaires et sont, par conséquent, soumises à des obligations beaucoup plus souples.
De nombreuses failles peuvent être relevées concernant deux éléments fondamentaux : la procédure
d’identification du client et la traçabilité des opérations.
1 / L’identification de l’utilisateur défaillante
Dans le monde d’Internet où l’instantanéité est de mise, l’identification du client est perçue comme un
inconvénient car elle ralentit les transactions et les affaires. Elle représente un coût pour l’entreprise qui
doit investir dans des procédés permettant les vérifications d’identité (envoi de courriers postaux, de
sms…) et est perçue comme une corvée parfois décourageante pour le client lorsqu’il est nécessaire de
scanner ou de faxer des documents.
Il n’est pas utile de s’attarder sur les sociétés émettrices ou distributrices de monnaies virtuelles qui
n’identifient même pas leurs clients, la trace de ces derniers étant perdue d’avance. Le constat est le
même pour les sociétés promettant à leurs utilisateurs de ne jamais collaborer à aucune enquête de
police, nationale ou internationale.
Exemple ci-après de la politique de confidentialité d’un échangeur : « Est-ce que wmXchange partage des
informations concernant ses clients ? Nous assurons un maximum de discrétion, puisque le partage de nos
informations personnelles du client à tout organisme privé ou gouvernemental n’a jamais fait partie de notre
politique. »
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17. Les échangeurs soumettant leurs clients à une procédure d’identification, sollicitent généralement l’envoi
d’un document d’identité scanné ainsi qu’une facture (EDF, téléphone ou autre) laissant clairement
apparaître l’adresse de l’utilisateur.
Une certaine négligence peut parfois être relevée, des échangeurs acceptant par exemple le même
document scanné plusieurs fois : « Pour la vérification, vous devez télécharger une copie de votre carte
d’identité internationale (ou permis de conduire) et une facture d’électricité […]. Si vous n’avez pas de facture
de services publics s’il vous plaît télécharger une copie de votre pièce d’identité deux fois. »
Ces mesures d’identification se révèlent inefficaces lorsqu’en amont la société émettrice octroie des portes
monnaies électroniques anonymes à ses utilisateurs ce qui empêche les échangeurs de comparer l’iden-
tité rattachée au porte-monnaie virtuel et l’identité déclarée par le client sur son site. Un porte-monnaie
peut ainsi être enregistré sous de multiples noms.
Deux risques peuvent être envisagés :
- L’utilisation de « mules » pour les envois et réceptions de virements internationaux ainsi que les mandats
de sociétés de transferts de type Western Union. Recrutés sur Internet, ces citoyens ordinaires « louent »
leurs comptes bancaires ou leur identité contre un pourcentage de la somme qu’ils vont permettent de
blanchir.
- L’envoi de documents d’identité falsifiés : Des sites internet se sont spécialisés dans la création de faux
documents d’identité. Possédant des originaux de nombreux pays, ils modifient ensuite les états civils à
la demande grâce à des logiciels de retouches.
Distinguer le vrai du faux est délicat car les documents demandés ne sont que des scans. La perte de
contact avec le client devient un problème crucial : la pièce d’identité matérielle ne sera jamais présentée
ce qui rend impossible sa comparaison avec les documents envoyés au site Internet. Ainsi, il n’est pas
possible de distinguer entre une identité fictive ou réelle.
Le prix de revient de cette fraude est inférieure à celles qui nécessitent la création de faux papiers maté-
riels car un scan ne coûte qu’une trentaine de dollars sur le marché noir.
Les criminels peuvent être très intéressés par cette nouvelle méthode de blanchiment d’argent car elle
obéit aux mêmes méthodes que le « schtroumphage » mais pour un coup bien moindre. Le schtroum-
phage « renvoie à une personne (schtroumpf) utilisée pour effectuer, dans différentes institutions de dépôt,
banques ou succursales bancaires, des dépôts en espèces dont les montants n’attireront pas l’attention(11) ».
Une même personne peut ouvrir autant de comptes virtuels qu’elle le désire par Internet. Il n’est même
pas nécessaire de recourir à plusieurs « schtroumpf » car les comptes peuvent être enregistrés sous de
multiples identités. La capacité d’adaptation des criminels est aisée et ne nécessite pas d’acquérir de
compétences particulières.
Les sites Internet les plus rigoureux sont conscients que cette mesure d’identification est insuffisante.
Certains durcissent leurs contrôles, à l’instar de cet échangeur : celui-ci possédait auparavant trois niveaux
de surveillance de ses clients, le plus élevé requérant le scan d’un document d’identité et d’une facture
mentionnant l’adresse. Les plafonds étaient ainsi fixés à leur maximum, tant pour les achats et ventes
de monnaies virtuelles, que pour les retraits avec une carte de débit envoyée par l’échangeur. Le site,
après avoir été victime de fraudes, a instauré un quatrième niveau exigeant l’envoi d’une copie d’identité
notariée.
(11) http://www.cisc.gc.ca/annual_reports/annual_report_2005/money_laundering_2005_f.html#8a
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18. « Attention! Niveau 3 de vérification des clients.
En raison du fait que des fraudeurs ont été repérés parmi le niveau 3,
nous avons changé les règles pour la vérification du niveau 3
et tous les clients devront confirmer leur statut de nouveau. »
Combien de clients seraient ainsi prêts à recourir aux services d’un notaire uniquement pour compléter
leur inscription sur un site Internet de monnaies électroniques ? La mesure peut sembler excessive mais,
en réalité, elle ne fait que suivre les prescriptions de la directive européenne 2005/60/CE du 26 octobre
2005 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et
de financement du terrorisme. L’article 13 de la directive impose une obligation de vigilance renforcée aux
établissements financiers lorsque le client n’est pas physiquement présent sur place.
Outre la demande des traditionnels documents d’identité (copie de passeport et d’une facture), il est im-
pératif d’effectuer l’une des trois mesures suivantes :
« - Obtenir des pièces justificatives supplémentaires permettant d’établir l’identité du cocontractant ;
- Mettre en oeuvre des mesures de vérification et de certification de la copie de la pièce officielle d’identité
mentionnée au II par un tiers indépendant de la personne à identifier ; […]
- Obtenir une attestation de confirmation de l’identité d’un client de la part d’un organisme financier établi
dans un Etat membre de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace
économique européen[… (12)]. »
Toutes les sociétés européennes émettrices ou distributrices de monnaies électroniques qui ne respectent
pas cette obligation de vigilance renforcée opèrent-elles dans l’illégalité ? Non, car la directive distingue
trois niveaux de vigilances croissants. Le plus faible niveau est en réalité un statut dérogatoire permettant
de se soustraire à toute vérification. Il concerne directement les établissements de monnaies électroniques
(12) Décret n° 2006-736 du 26 juin 2006 relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux et modifiant le code monétaire et financier.
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19. pour des opérations bien définies : si un support de monnaie électronique ne peut être rechargé, aucune
vérification d’identité n’est nécessaire jusqu’à 150 euros ; si le support peut être rechargé, l’anonymat est
toléré jusqu’à une limite de transferts de 2500 euros par an (sauf lorsqu’un montant d’au moins 1 000
euros est remboursé dans la même année civile)(13).
Il est incohérent d’avoir prévu ces exceptions qui sont une brèche ouverte à toutes les dérives. En effet, à
qui incombe la responsabilité de vérifier ces limites de chargement et de rechargement ? Pour certaines
monnaies, il n’est de toute façon pas possible de connaître le plafond auquel est astreint le client et le
montant de ses transferts.
Un échangeur peut ainsi se soustraire à l’identification de sa clientèle sans craindre de réelles sanctions
alors que la transaction exige une obligation de vigilance renforcée. Les obligations de l’échangeur ont été
de fait annihilées par ce statut dérogatoire, incontrôlable en pratique.
Un exemple simple permet de comprendre pourquoi la loi européenne est inapplicable :
- Aucune collaboration entre la
société émettrice et les échangeurs.
Société émettrice de la
- Aucune collaboration entre les
monnaie virtuelle Y échangeurs.
- La société émettrice met à
la disposition de ses utilisateurs
un porte-monnaie virtuel.
- Il existe trois niveaux d’identification Echangeur
permettant d’atteindre des plafonds A
de 2000,5000 et 7000 euros.
Porte monnaie virtuel Echangeur
d’un utilisateur B
Echangeur
L’utilisateur vend à chaque
C
échangeur pour 900 euros de
sa monnaie virtuelle Y contre
un virement bancaire ou des
espèces.
Les échangeurs A, B et C sont dans l’impossibilité de savoir de quel niveau de vérification dépend l’utili-
sateur et le montant de son porte-monnaie virtuel. Comment déterminer s’il est nécessaire de l’identifier
ou non ?
Un utilisateur peut rester anonyme, que le montant de ses transferts annuels soit inférieur ou supérieur à
2500 euros : il lui suffit de ne pas dépasser la limite de 1000 euros par remboursement. Pour cela, il faut
simplement recourir à la multitude d’échangeurs existants sur Internet, la demande de remboursement
ne prenant que quelques secondes par échangeur. Seule la société émettrice pourrait détecter la fraude et
mettre fin aux activités de son client en bloquant son compte. Là encore, un contournement est possible,
il suffit à un même utilisateur d’ouvrir plusieurs comptes sous plusieurs identités différentes.
(13) Article 11 d) de la directive 2005/60/CE.
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20. 2 / Des transactions financières intraçables
Un client devient suspect lorsque ses transactions sont suspectes. Une corrélation doit pouvoir être établie
entre ses transferts et son identité, ce qui est très complexe compte tenu de la difficulté à établir l’exac-
titude de l’identité du client. L’identification n’est pas la seule difficulté car les transactions elles-mêmes
ne font pas l’objet d’un véritable encadrement.
En Europe, le principe de traçabilité des opérations a été posé comme un élément majeur du marché des
monnaies électroniques. Par les réseaux du web, ces nouvelles monnaies privées traversent de nombreuses
juridictions en quelques secondes : de multiples sociétés les émettent, les achètent, les remboursent et
les utilisateurs se les échangent instantanément à travers le monde. Seule une véritable organisation
internationale centralisée dédiée à l’encadrement et à la surveillance de ces monnaies pourrait être
réellement efficace. La création d’une telle organisation n’étant pas encore envisagée, les Etats
s’organisent comme ils le peuvent pour tenter de contrôler ces flux financiers. Robert Guttmann n’avait-il
pas vu juste en déclarant que la monnaie virtuelle terrorise les banques centrales(14) ?
En France, l’article 6 de l’arrêté du 10 janvier 2003 portant homologation du règlement n° 2002-13 du
Comité de la réglementation bancaire et financière précise les mesures devant être adoptées afin
d’assurer ce principe de traçabilité : « L’établissement émetteur assure la traçabilité pendant deux ans des
chargements et des encaissements des unités de monnaie électronique. Il veille à disposer de moyens lui
permettant d’assurer, en cas d’atteintes à la sécurité de tout ou partie du système, la traçabilité des transac-
tions suspectes. Lorsque le dispositif mis en oeuvre permet que les mêmes unités de monnaie électronique
soient utilisées successivement pour des transactions distinctes, l’établissement émetteur assure la traçabi-
lité pendant deux ans de l’ensemble des transactions réalisées. Les établissements distributeurs apportent le
concours nécessaire à l’établissement émetteur pour assurer cette traçabilité. »
Cet article serait pleinement efficace dans un marché des monnaies virtuelles règlementé dans son
intégralité, ce qui est loin d’être le cas. Trois écueils peuvent être relevés : l’un est imputable au com-
portement des échangeurs privés (a), l’autre à l’absence de collaboration entre sociétés émettrices et
échangeurs (exemple du schéma de Liberty Reserve) (b), et le dernier est intrinsèque aux monnaies
virtuelles elles-mêmes (c).
a) L’article 6 impose de garder durant deux ans la traçabilité des chargements et des encaisse-
ments des unités de monnaies électroniques. Garder l’unique trace de ces opérations de débit et
de crédit n’a que peu d’intérêt lorsqu’elles concernent des portes monnaies virtuels anonymes.
Ce qui est important, c’est le formulaire type (cf. copie d’écran ci-dessous) que remplit au préa-
lable le client, indiquant son identité, le numéro de son compte électronique ainsi que la somme
qu’il désire acheter, vendre ou échanger et contre quel moyen de paiement. Ces formulaires,
même si ils sont insuffisants, sont néanmoins précieux car ils pourraient permettre, dans le cadre
d’une enquête, de vérifier toutes les opérations effectuées et pour quels montants.
(14) Robert Guttmann, “Cybercash: The Coming Era of Electronic Money”, Palgrave Macmillan, 2002, 320p.
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21. Or, une tendance particulièrement inquiétante se retrouve de plus en plus : la délocalisation des
activités de transferts de monnaies électroniques sur des services de messageries instantanées.
La majorité des échangeurs proposent à leur clientèle de les contacter par différents services de
chat(15). Certains possèdent leur propre service de chat incorporé au site Internet lui-même, sinon
il est proposé de converser par l’intermédiaire de services de messageries tels que Yahoo, AIM,
ICQ, MSN et Skype.
Initialement, cette possibilité d’interagir directement avec le site Internet ne servait qu’à ren-
seigner le client. Désormais, des sites d’échanges proposent voire imposent à leurs utilisateurs
de les contacter par ce biais pour acheter ou vendre de la monnaie virtuelle ainsi que pour se
procurer des cartes de retraits internationales.
L’activité économique du site disparaît et s’éparpille entre ces divers supports de discussions. Il
n’existe plus d’historique de conservation des transactions.
Ci-dessous à gauche, un échangeur se servant de son site Internet comme d’un support
publicitaire, les transactions étant en réalité négociées par messagerie instantanée :
« Maintenant nous offrons des cartes de retraits Visa pour retirer directement vos Liberty Reserve
ou WMZ (monnaie électronique de Webmoney) directement à des distributeurs automatiques ; pour
plus de détails nous contacter par ICQ, Yahoo Messenger ou par chat instantané (chat crée par le
site lui-même). »
« S’il vous plaît pour acheter, vendre ou échanger Webmoney et Ukash contactez-nous par ICQ,
Yahoo messenger ou par chat instantané. »
A droite, un exemple des différents modes de contact d’une société par messagerie instantanée.
b) La dernière partie de l’article 6 énonce : « Les établissements distributeurs apportent le
concours nécessaire à l’établissement émetteur pour assurer cette traçabilité. » Dans un système
de monnaie privée centralisée, cette traçabilité est possible. La société émettrice gère en
amont les transactions et redistribue à ses échangeurs en monnaie nationale le montant
qu’ils ont reçus dans cette monnaie virtuelle. Les échangeurs sont soumis à l’agrément
de la société émettrice ce qui permet une collaboration aisée lors de la détection de
transactions suspectes.
Pour des monnaies privées de type Liberty Reserve, le système est tellement anarchique
qu’une véritable traçabilité est inconcevable. Tout le monde peut devenir un échangeur
de Liberty Reserve, des échangeurs sous-traitent eux-mêmes l’activité de petits échan-
geurs. Ceux qui pourraient apparaître comme « légitimes » sont indexés sur le site officiel
de Liberty Reserve (ils sont environ une trentaine). En effet, afin de bénéficier d’une cer-
taine publicité de la part de Liberty Reserve et d’apparaître sur son site, les échangeurs
sont astreints à certaines obligations : scanner une pièce d’identité, montrer le contenu
de son site à Liberty Reserve et, plus étonnant, doter son site d’une charte anti-blanchi-
ment d’argent. Pourtant, même avec ses échangeurs privilégiés la politique de Liberty
Reserve est ferme : « Afin d’ajouter ou de retirer des fonds de votre compte Liberty Reserve, vous
devriez utiliser l’un des fournisseurs indépendants d’échange de la liste ci-dessous. Notez s’il vous
plaît que les entreprises listées sur cette page sont indépendantes et en n’aucune façon liées à Liberty
Reserve, et Liberty Reserve ne garantit aucun résultat que vous pourriez rencontrer avec ces sociétés.»
(15) Echange instantané de messages textuels entre plusieurs ordinateurs connectés au même réseau informatique, et plus communément celui d’Internet.
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22. Il est plus qu’improbable d’imaginer une quelconque collaboration entre Liberty Reserve et ses
échangeurs. Toutes les monnaies privées qui fonctionnent selon ce système représentent une
menace car les flux financiers qu’elles génèrent sont incalculables, de même que le nombre de
transactions effectuées par ses utilisateurs. Les opérations suspectes ne peuvent être détectées
ce qui rend leur utilisation par la criminalité très attractive.
c) Une citation conviendrait parfaitement à la monnaie virtuelle : « arrête-moi si tu peux. » Les Etats
veulent suivre à la trace des monnaies virtuelles qui leurs échappent et aucune réglementation n’a pu,
pour le moment, inverser, même faiblement, la tendance. Ce nouvel instrument financier ne fait que
se développer et se complexifier, les pouvoirs publics apparaissant de plus en plus dépassés par le
phénomène. Un rapport du Conseil de l’Europe(16) dénonçait déjà en 2001 les nombreuses
insuffisances législatives empêchant de lutter contre ce fléau : « La réglementation du
cyberespace est embryonnaire et Internet échappe pratiquement au contrôle d’instances de
régulation. Les règlements par informatique étant anonymes et rapides, portant sur de gros
volumes et leur audit posant des difficultés, les services chargés de faire respecter la loi
sont confrontés à des défis de taille. […]Il devient maintenant urgent que les pays se mettent
d’accord pour savoir quelle juridiction sera compétente en cas d’infractions dans ce domaine, adaptent
les lois applicables, recourent à une surveillance électronique des réseaux qui respecte néanmoins la vie
privée des individus, mettent en place de meilleurs contrôles institutionnels, intensifient le partage
d’informations et encouragent la dénonciation des affaires d’utilisation abusive de l’informatique. »
Outre le fait de transiter par un support difficilement contrôlable, les monnaies virtuelles posent
de réels problèmes car elles peuvent être transformées à volonté et instantanément. En quelques
secondes, une monnaie virtuelle X peut se transformer en un virement bancaire qui va lui-même
se transformer dans une monnaie virtuelle Y, pour finalement être prélevée en espèces grâce
à un mandat Western Union. La vitesse empêche toute possibilité de stopper ces transferts en
chaîne.
Enfin, la monnaie virtuelle circule à travers le monde ce qui nécessiterait la collaboration de tous les
Etats afin de remonter jusqu’à un éventuel criminel. Le fait que beaucoup de sociétés émettrices
ou échangeurs soient localisés dans des zones offshores met un réel frein à tout partage
d’information.
Les efforts de l’Union Européenne pour réguler et surveiller le marché des monnaies vir-
tuelles sont dérisoires face aux dérives qui sévissent dans d’autres pays. Les monnaies
privées les plus utilisable pour le blanchiment d’argent (compte virtuel anonyme
sans limitation de transferts) ne devraient-elles pas être tout simplement interdites sur le
territoire européen ?
B / Une réglementation européenne insuffisante
Une lutte pourrait être envisagée contre les monnaies virtuelles litigieuses représentant une trop forte
menace d’utilisation par la criminalité économique. Deux types d’actions pourraient être envisagés contre
ces monnaies privées :
- Interdire à tout échangeur établit sur le territoire européen de les acheter,
de les vendre ou de les échanger.
(16) Conseil de l’Europe, Résolution 1507 (2001), « Lutte de l’Europe contre la criminalité économique et le crime organisé transnational: progrès ou recul? ».
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23. - Essayer de limiter ou de bloquer l’accès à ces services de monnaies virtuelles
aux utilisateurs européens.
L’une comme l’autre de ces mesures ne peuvent pas pour le moment être mises en pratique. L’Union
Européenne est seule responsable en ce qui concerne la non réalisation de la première (1) ; la deuxième
est cependant peu envisageable à cause de la barrière que représente Internet face aux tentatives de
régulation des autorités (2).
1 / La lutte contre le blanchiment d’argent sacrifiée
En réalité, il n’y a jamais eu d’essor en Europe des monnaies électroniques respectant la légalité depuis
que la directive 2000/46/CE a ouvert le marché aux acteurs non bancaires. En 2009, les paiements effec-
tués par ce moyen représentaient seulement 1,11% des transactions hors espèces en Europe, la France
étant à la traîne avec 0,22%(17) . Dans le monde, les monnaies électroniques pèsent pourtant plusieurs
milliards de dollars et le nombre d’utilisateurs ne fait que croître. Pourquoi le décollage n’a-t-il pas eu lieu
en Europe ? Un début d’explication pourrait être trouvé dans le fait que la monnaie électronique est très
répandue dans les pays où l’emploi de la carte bancaire est peu généralisé ou ceux dont le nombre de
citoyens exclus du système bancaire est relativement important.
Le législateur européen a voulu donner une nouvelle chance à la monnaie électronique par l’introduction
de la directive 2009/110/CE. Trop prudent lors de la première directive, il semble au contraire beaucoup
trop permissif dans la seconde.
En effet, une tolérance inhabituelle a été accordée aux établissements de monnaies électroniques
par le législateur européen concernant la lutte contre le blanchiment d’argent en comparaison avec les
établissements de paiements(18). Pourtant, de nombreux points communs les unissent : depuis peu, le statut
d’établissement de monnaie électronique permet également la fourniture de services de paiements
(cartes de retrait, transferts d’argent…).
La directive européenne 2005/60/CE est fondamentale en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment
d’argent. Elle a été transposée dans les droits nationaux des Etats membres et plusieurs directives euro-
péennes y font explicitement référence.
A la lecture de cette directive, toute relation d’affaire entre un échangeur et une monnaie virtuelle conju-
guant anonymat, implantation dans un paradis fiscal et transferts sans limitation de montants devrait
être interdite. L’échangeur pourrait également être tenu à une déclaration de soupçons aux autorités
nationales compétentes.
Pourtant, l’Europe, qui a établi comme l’une de ses priorités la lutte contre le blanchiment d’argent depuis
les attentats du 11 septembre 2001, n’a pas souhaité ralentir le commerce des monnaies virtuelles avec
de telles contraintes.
La directive 2009/110/CE concernant les établissements de monnaies électroniques ne fait référence à la
directive 2005/60/CE que pour y déroger.
La lutte contre le blanchiment n’est envisagée qu’au conditionnel : «Les établissements de monnaie
électronique devraient en outre être soumis à des réglementations efficaces en matière de lutte contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. »
(17) http://finance.sia-conseil.com/20110621/la-directive-monnaie-electronique-2-nouvelle-version-nouvelle-donne/
(18) Directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marché intérieur.
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24. Plusieurs dérogations peuvent être relevées :
- La monnaie électronique est un marché mondial nécessitant la participation de multiples acteurs afin
que l’argent virtuel circule et reste toujours en mouvement.
La directive européenne, consciente de cette nécessité, facilite les relations d’affaires entre les sociétés
dans son article 3 : « Les États membres autorisent les établissements de monnaie électronique à distribuer et
à rembourser de la monnaie électronique par l’intermédiaire de personnes physiques ou morales qui agissent
pour leur compte. » Le législateur a apprécié largement le lien juridique pouvant exister entre les deux en-
tités car il concerne toute personne physique ou morale agissant pour le compte de la société émettrice.
Dans cet article, il n’est pas précisé si la monnaie virtuelle est initialement émise en Europe ou hors Eu-
rope. Ce point est néanmoins fondamental car une monnaie A créée au Panama n’est pas astreinte aux
mêmes contraintes juridiques qu’une monnaie B créée en Allemagne. Pourtant, ces deux monnaies vont
pouvoir librement circuler en Europe par le biais d’échangeurs chargés de leurs distributions.
Lorsqu’un échangeur acquiert un agrément européen, l’origine des monnaies virtuelles qu’il va vendre ou
acheter n’est même pas prise en compte.
Un seul article pose une limite à l’activité des monnaies virtuelles émises hors de l’Europe mais, étant
rédigé d’une manière très restrictive, son utilité est moindre. Cet article 8 indique : « Les États membres
n’appliquent pas aux succursales d’établissements de monnaie électronique ayant leur siège hors de la Com-
munauté, pour l’accès à leur activité et pour l’exercice de cette activité, des dispositions conduisant à un
traitement plus favorable que celui auquel sont soumis les établissements de monnaie électronique ayant leur
siège dans la Communauté. »
Seules les succursales(19) d’établissements de monnaie électronique implantées hors U.E. sont astreintes
au respect de la réglementation européenne, ce qui permet, à contrario, à toutes les autres structures
juridiques (agents, filiales…) de travailler en Europe selon la réglementation du Costa-Rica, du Panama
ou de Belize.
La succursale ne peut pas
s’établir en Europe car les
règles de fonctionnement
de la société émettrice sont
beaucoup plus souples que
le cadre européen.
Echangeur A
(succursale européenne)
Société émettrice de la
monnaie Z au Panama
Echangeur B
(autre structure juridique
- Porte-monnaie virtuel ayant européenne)
un plafond de 1 million de
dollars.
- Pas d’identification du client. L’échangeur B qui est tout
- Aucun contrôle des sauf une succursale du
transactions suspectes. Panama peut travailler en
toute liberté avec la société
émettrice selon les règles
de cette dernière.
(19) Etablissement secondaire sans personnalité juridique propre mais doté d’une certaine autonomie de gestion.
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25. La réglementation des monnaies électroniques apparaît comme très superficielle face à la directive
2007/64/CE concernant les établissements de paiement laquelle prend en compte, lors de l’octroi de
l’agrément d’un établissement, tout « lien étroit » qui pourrait exister entre ce dernier et des personnes
physiques ou morales implantées dans un pays tiers. On est ici très loin de la seule succursale, toute
relation d’affaire étant prise en considération.
La règlementation du pays tiers a également son importance car elle ne doit pas entraver ou poser des
difficultés au contrôle précédant la délivrance de l’agrément.
Aussi, l’article 17 « Recours à des agents, à des succursales ou à des entités vers lesquelles des activités sont
externalisées » fait explicitement référence à la directive anti blanchiment 2005/60/CE ce qui permet
de radier tout agent, succursale ou entité pouvant être lié à «une opération ou une tentative de blanchi-
ment de capitaux ou de financement du terrorisme » ou que « l’utilisation de cet agent ou l’établissement
de cette succursale pourraient accroître le risque de blanchiment de capitaux ou de financement du
terrorisme. »
- L’article 9 de la directive permet à des personnes morales d’être inscrites dans le registre des établisse-
ments de monnaies électroniques si le total de leurs engagements financiers ne dépasse pas 5 millions
d’euros (ce plafond pouvant être relevé à 6 millions d’euros maximum).
Ainsi, ces sociétés peuvent se soustraire aux contraintes tout en exerçant la même activité que les
établissements de monnaies électroniques agréés. La création de ce régime dérogatoire peut se
comprendre dans la mesure où obtenir le statut d’établissement de monnaie électronique peut se révéler
un obstacle pour des petites entreprises.
L’alinéa 8 de l’article 9 est cependant tout à fait inacceptable et il est incompréhensible de le trouver
dans une directive européenne : « Le présent article ne s’applique pas à l’égard des dispositions de la
directive 2005/60/CE [directive anti blanchiment] ou des dispositions nationales concernant la lutte contre le
blanchiment des capitaux. »
Ainsi, toute société pesant moins de 6 millions d’euros émettant ou distribuant de la monnaie électronique
et complétant son activité par la fourniture de moyens de paiements peut se dispenser de respecter la
réglementation anti blanchiment.
Les établissements de monnaie électronique
devraient être soumis à des réglementations
Etablissement de monnaie électronique
efficaces en matière de lutte contre le blanchiment
de capitaux et le financement du terrorisme.
- La directive 2005/60/CE relative à la prévention
de l’utilisation du système financier aux fins du
Régime dérogatoire pour les personnes
blanchiment de capitaux et du financement du
morales dont la moyenne de monnaie
terrorisme ne s’applique pas.
électronique en circulation ne dépasse
pas 6 millions d’euros.
- Les dispositions nationales concernant la lutte contre
le blanchiment de capitaux ne s’appliquent pas.
- La dernière dérogation concerne l’identification du client, cette dernière n’étant pas nécessaire en
dessous d’un certain montant. Cette problématique a été abordée dans la partie relative à l’identification
de l’utilisateur page 16. La mesure pourrait inciter certains établissements de monnaie électronique à ne
pas identifier leurs clients, mêmes lorsque les plafonds légaux sont dépassés.
Une telle permissivité ne se retrouve pas envers les établissements de paiement qui sont toujours tenus
de vérifier l’identité de leurs clients.
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