13 02 05 qo retraite des français ayant travaillé dans plusieurs pays cri
1. SENAT - Séance du 5 février 2013 – Questions orales (compte rendu intégral des débats)
Retraite des Français ayant travaillé dans plusieurs pays
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, auteur de la question n° 275, adressée
à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Robert del Picchia. Madame la ministre, ma question porte sur le refus de la Caisse
nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, de respecter la jurisprudence permettant
d'appliquer de façon cumulative plusieurs conventions bilatérales de sécurité sociale pour le
calcul du taux de la retraite de nos compatriotes ayant travaillé dans deux ou plusieurs pays.
Prenons l'exemple d'une personne ayant travaillé deux ans en France, puis vingt ans en
Belgique et, pour finir, vingt ans aux États-Unis.
Sur ces quarante-deux années de travail, la CNAV n'en retiendra que vingt-deux : les deux
années en France, complétées soit par les vingt années effectuées en Belgique, soit par les
vingt années effectuées aux États-Unis.
Voilà donc une personne ayant effectué une carrière complète, qui devrait par conséquent
pouvoir bénéficier du taux plein pour le calcul de sa retraite, mais à qui la CNAV n'accorde
qu'un taux réduit, et même le taux minimum !
Dans un arrêt de principe du 28 mars 2003, la Cour d'appel de Caen, confirmant la décision
du tribunal des affaires de sécurité sociale du 22 février 2002, affirme qu'« aucune règle issue
du droit national, communautaire ou international ne s'oppose à l'application conjointe des
deux accords bilatéraux [...] et aucune règle, ni même aucune contrainte d'ordre technique,
n'impose en l'espèce qu'un choix entre le bénéfice de l'un ou de l'autre soit effectué par
l'assuré susceptible de bénéficier de l'un et de l'autre ».
Madame la ministre, comme ce n'est pas la première fois que je pose cette question, je vous
demanderai de nous épargner les pseudo-arguments de la direction de la sécurité sociale sur
les champs d'application des conventions bilatérales. Personne ne conteste en effet que les
conventions bilatérales ne concernent que les deux parties signataires !
La question n'est pas de savoir si l'on peut inclure un pays tiers dans le champ d'application
d'une convention bilatérale, ni même de dire qu'un pays tiers peut être pris en compte dès lors
qu'il serait lié par une convention bilatérale avec deux pays, eux-mêmes liés par une
convention bilatérale.
La question est de savoir si l'on peut appliquer de façon cumulative des conventions
bilatérales ou si l'assuré doit effectuer un choix entre le bénéfice de l'une ou de l'autre.
C'est du moins la question que se pose la CNAV, puisqu'il est évident pour tout le monde qu'à
partir du moment où un État n'a pas à demander l'avis de ses précédents partenaires avant de
signer une nouvelle convention avec un nouveau partenaire, il n'a pas à demander leur avis
pour appliquer la nouvelle convention. Par exemple, si la France signe une convention avec
l'Espagne, elle n'a pas à se demander s'il en existe déjà une avec le Portugal.
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Les tribunaux ont répondu sans ambiguïté à cette question, confirmant qu'on pouvait cumuler
les conventions. La Cour d'appel de Caen a même pris le soin de préciser qu'aucune mesure
réglementaire ou technique n'était nécessaire pour appliquer la règle du cumul.
Madame la ministre, l'administration étant soumise au droit et au principe de légalité, elle doit
se conformer à l'interprétation normative des tribunaux. Cela permet, vous en conviendrez, de
protéger les citoyens contre l'arbitraire. Dès lors, au nom des retraités injustement pénalisés
par le non-respect du droit, je vous demande de bien vouloir donner instruction à la CNAV et
aux caisses régionales de respecter l'ordre juridique et d'appliquer sans délai la jurisprudence.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et
de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le
sénateur, la France est liée à presque quarante États à travers le monde par des conventions de
sécurité sociale, afin que la mobilité de nos concitoyens soit facilitée par la mise en œuvre de
règles bilatérales permettant d'assurer une continuité de leurs droits en matière de sécurité
sociale.
Si l'on ajoute les vingt-sept États de l'Union européenne, les trois États de l'Association
européenne de libre-échange qui sont liés à l'Union européenne par l'accord de l'espace
économique européen, à savoir l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège, ainsi que la Suisse,
liée à l'Union européenne par un accord sur la libre circulation des personnes, le réseau
français de sécurité sociale s'étend à soixante-huit États. Comparé à ceux de nos principaux
partenaires, il est l'un des plus importants. La plupart des pays de l'Union européenne n'ont
signé en effet qu'une dizaine de conventions avec des pays autres que les États membres.
Les conventions bilatérales de sécurité sociale signées par la France avec des pays étrangers
reposent sur les deux principes fondamentaux de réciprocité et d'exportabilité des pensions de
retraite acquises. En effet, le pays signataire d'une convention bilatérale avec la France
s'engage à reconnaître la même durée d'assurance vieillesse que la France et à rendre
exportable la pension de retraite due sur ces bases. Le champ de ces accords bilatéraux est
limité en outre par des champs d'application – personnel, matériel et géographique –, qui
rendent imperméables les dispositions d'une convention bilatérale par rapport à une autre, sauf
accord des parties pour étendre le bénéfice de la convention.
Une convention bilatérale ne peut donc inclure un pays tiers qu'avec l'accord des deux pays
signataires, et non uniquement de la France. Pour cette raison, de nombreuses conventions
bilatérales ne reconnaissent pas encore, à ce stade, les périodes d'activité effectuées dans des
pays tiers.
Il existe certes un arrêt d'une cour d'appel faisant droit à la demande d'un requérant que soit
pris en compte simultanément des périodes d'assurance, même si celles-ci relèvent de deux
conventions bilatérales différentes. Selon la juridiction, bien qu'il n'existe pas de convention
entre la Nouvelle-Calédonie et le Gabon en la matière, le cumul est possible, car il n'est pas
interdit.
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Toutefois, ce raisonnement, qui ne tient pas compte de la limite des engagements réciproques
agréés entre États souverains dans le cadre de conventions internationales, ne peut être
considéré comme étant à l'origine d'une jurisprudence ayant été validée par l'arrêt de la Cour
de cassation du 21 septembre 2004.
En effet, le recours en cassation de la caisse régionale d'assurance maladie de Normandie
portait uniquement sur la restitution de la portion de pension de l'intéressé correspondant au
versement qu'il avait effectué au titre de l'assurance volontaire pour atteindre le taux plein au
titre de sa pension française.
L'arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2004 ne se prononce donc pas sur la solution
proposée par la cour d'appel. Il confirme simplement que le remboursement des sommes
versées par le requérant au titre d'un rachat volontaire de périodes ne doit pas donner lieu à la
restitution des sommes perçues par celui-ci, car c'est à bon droit que la cour d'appel a jugé
souverainement que ce supplément de pension constituait les dommages et intérêts demandés
par le requérant.
Toutefois, une telle difficulté peut effectivement se révéler délicate à gérer, en particulier
quand un assuré ne peut se prévaloir du taux plein pour sa retraite, faute de reconnaissance
réciproque entre les États parties dans le cadre des conventions bilatérales de sécurité sociale.
Pour remédier à l'absence de prise en compte simultanée des périodes acquises sous l'empire
de deux ou plusieurs conventions bilatérales, les conventions de sécurité sociale signées ou
modifiées récemment prennent en compte cette préoccupation, puisqu'elles incluent les pays
tiers dès lors qu'ils sont liés par convention aux deux autres pays signataires.
C'est le cas, par exemple, des conventions signées récemment avec l'Uruguay et l'Inde. Un tel
souci sous-tend ainsi la dynamique actuelle d'élaboration des conventions et s'étend même
progressivement aux conventions déjà signées, comme, notamment, celle avec le Maroc.
Par ailleurs, il convient de rappeler que les Français expatriés qui le souhaitent peuvent cotiser
volontairement à l'assurance volontaire vieillesse, l'AVV, qui permet une reconstitution
parfaite des droits à l'assurance vieillesse de l'affilié, quel que soit le pays où il se trouve.
Enfin, la loi portant réforme des retraites de novembre 2010 prévoit un droit à l'information
des assurés expatriés en matière de retraite. En conséquence, un groupe de travail dédié à ce
sujet a été mis en place en avril 2011 au sein du GIP Info Retraite. Il traitera notamment de la
manière optimale d'informer les futurs expatriés sur leurs droits, ainsi que sur leur possibilité
d'adhérer à l'assurance volontaire vieillesse.
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Madame la ministre, j'entends bien vos arguments, qui ont d'ailleurs
été déjà invoqués ici : nous avons en effet obtenu quasiment les mêmes réponses à cette
question !
Vous nous dites que ces assurés n'ont qu'à prendre une assurance complémentaire. Or, si la
France a signé des conventions de sécurité sociale, c'est précisément pour leur éviter de payer
deux fois, puisqu'ils sont obligés, dans ces pays étrangers, de cotiser pour leur retraite.
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On a l'impression que le droit, en dépit des décisions rendues, ne sert à rien ! Certes, l'affaire
est délicate, et je ne vous accuse pas personnellement, madame la ministre, ni même le
gouvernement auquel vous appartenez. En effet, les réponses qui m'ont été faites sous les
gouvernements précédents étaient identiques.
À quelqu'un qui a déjà payé ses cotisations durant quarante-deux ans, on répond qu'il aurait dû
prendre une assurance complémentaire ! Peut-être aurait-il fallu le lui dire plus tôt. Vous
affirmez que, désormais, l'information sera donnée. Mais à tous ceux dont la carrière est
derrière eux et qui ont déjà payé, que proposez-vous ? Repartir pour quarante-deux ans
maintenant qu'ils sont informés ?
Je suis très naïf, madame la ministre, car j'ai cru que nous arriverions à faire comprendre le
problème. Malheureusement, malgré tous les moyens que j'ai pu mettre en œuvre, je n'ai
obtenu que des réponses négatives. Ayant posé la même question orale au gouvernement
précédent, j'avais eu à peu près la même réponse. La vôtre, certes, est beaucoup plus
technique et complète. Nous allons l'étudier. Mais je vous le dis franchement, je sais bien ce
que me diront les retraités à qui je la montrerai : mon cher ami sénateur, nous espérions plus
d'un gouvernement socialiste !
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