1. 1
50e anniversaire
de la répression
de la manifestation
de Charonne
8 février 1962 / 8 février 2012
Une manifestation contre les attentats de l’OAS.
Le 8 février 1962, les syndicats, le Parti Au matin du 8 février, Maurice Papon, préfet
communiste français, le Parti socialiste unifié de police de Paris, reçoit une délégation
et le Mouvement de la paix organisent une syndicale et interdit la manifestation. Les
manifestation en réponse aux attentats syndicats décident de la maintenir et donnent
perpétrés par l’Organisation armée secrète des consignes pour qu’elle soit brève et
(OAS). Par ces actions violentes, l’OAS - créée pacifique. Environ 20 000 manifestants
en mars 1961 par des opposants à l’indépen- défilent avec pour slogan « OAS assassins »,
dance de l’Algérie - tente d’empêcher les « Paix en Algérie », « Le fascisme ne passera
négociations entre le gouvernement français pas », « Unité antifasciste ». Maurice Papon
et les représentants algériens du Front de donne à ses troupes l’ordre de réprimer la ma-
libération nationale (FLN). Au début de l’an- nifestation. Il a l’accord implicite du général
née 1962, elle multiplie ses actions en région de Gaulle, président de la République, de
parisienne. Le 7 février, alors que se déroule Michel Debré, Premier ministre, et de Roger
à l’initiative du Mouvement de la paix, une se- Frey, ministre de l’Intérieur. Les manifestants
maine d’action « pour la paix en Algérie, devront être dispersés et arrêtés en cas de
conte l’OAS et le fascisme », dix charges de refus. Les forces de police sont autorisés à
plastic explosent au domicile de plusieurs utiliser des « bâtons de défense » en bois, les
personnalités. L’une d’elles vise André « bidules » qui avaient déjà été utilisés lors de
Malraux, ministre gaulliste de la Culture : elle la répression de la manifestation des Algériens
défigure une petite voisine âgée de quatre ans. le 17 octobre 1961.
Appel des syndicats
et partis politiques
à manifester paru
dans L’Humanité
du 8 février 1962.
Archives municipales.
2. 2
50e anniversaire
de la répression
de la manifestation
de Charonne
8 février 1962 / 8 février 2012
Metro Charonne.
Pour rejoindre la place de la Bastille, cinq Au métro Charonne, boulevard Voltaire, la
cortèges de manifestants sont formés à 18 h 30 bousculade est telle qu’elle entraîne la chute
à hauteur des stations de métro Ledru-Rollin, de plusieurs dizaine de personnes sur
Sully-Morland, Filles du Calvaire, Gare de lesquelles d’autres manifestants s’entassent.
Lyon et de la rue Saint-Antoine. Un groupe Sur les corps amoncelés, les policiers jettent
qui se dirige vers la place de la Nation est des grilles métalliques de protection d’arbres
chargé par une unité des compagnies et d’aération du métro.
spéciales d’intervention de la Préfecture de Cette violence aveugle fait huit victimes,
police. Les manifestants, pris en tenaille, se mortes par étouffement ou par fractures du
réfugient dans les bouches du métro, les rues crâne. Un neuvième blessé meurt quelques
latérales et les portes cochères des immeubles. mois plus tard.
Archives municipales
Manifestants dans les rues de Paris. Forces de l’ordre Les blessés se
armées de « bidules ». comptent par dizaines.
Les victimes de Charonne,
militantes de la CGT fanny dewerpe.
et, à l’exception de
l’une d’elles, membres
Archives municipales
Née le 29 mai 1931 à Paris (XIIe arr.),
du Parti communiste :
Fanny Kapciuch, est la fille d’un militant
> Jean-Pierre Bernard, syndical des cuirs et peaux et d’une
30 ans, dessinateur
ouvrière du textile qui avaient fuit la
> Fanny Dewerpe, Pologne dans les années vingt. Elle
31 ans, secrétaire adhère aux Jeunesses communistes en
> Daniel Féry, 1945 puis au Parti communiste en 1949.
16 ans, apprenti Cette même année, elle épouse André
> Anne-Claude Godeau, Dewerpe. Blessé lors de la manifestation
24 ans, employée PTT du 28 mai 1952 contre la venue du
> Édouard Lemarchand, général américain Ridgway à Paris, il meurt en 1954.
41 ans, menuisier Mère d’un enfant, Fanny Dewerpe habite rue Oberkampf à
> Suzanne Martorell, Paris. Secrétaire sténo-dactylo dans le XXe arrondissement, elle
36 ans, employée milite au syndicat CGT des Employés et Ouvriers du commerce
au journal L’Humanité de la région parisienne. Le 8 février 1962, elle participe à la
> Hippolyte Pina, manifestation et meurt étouffée, dans l’escalier de la station de
58 ans, maçon métro Charonne.
> Raymond Wintgens, Le 11 février 1963, le conseil municipal d’Ivry décide d’attribuer
44 ans, typographe au centre municipal de santé le nom de Fanny Dewerpe « vic-
> Maurice Pochard, time de la manifestation pacifiste du 8 février 1962 pour que
48 ans cessent les atrocités commises par les organisations fascistes ».
3. 3
50e anniversaire
de la répression
de la manifestation
de Charonne
8 février 1962 / 8 février 2012
une grande emotion.
La répression de la manifestation du 8 février les plus considérables dans la France du
provoque une vive émotion. Dès le lendemain, XXe siècle.
une grève de protestation est organisée par les Un an plus tard, le 8 février 1963, une plaque
syndicats. Elle aurait mobilisée deux millions à la mémoire des victimes de Charonne et du
de grévistes. Selon le journal local Le maire socialiste d’Evian, assassiné par l’OAS,
Travailleur, trente-neuf entreprises d’Ivry est dévoilée à l’hôtel de ville d’Ivry. À
participent ce jour-là à un débrayage d’une l’occasion de ce jour anniversaire de la mani-
heure. Trois manifestations de rue sont festation de Charonne, un rassemblement
organisées et des fonds sont collectés pour était également prévu à Paris. Sur ordre du
venir en aide aux familles des victimes. ministre de l’Intérieur, Roger Frey, ce défilé a
Le 13 février, une grève de 8h à midi est été interdit. Le 13 février 1963, le nom de
organisée. Les corps des victimes sont exposés Fanny Dewerpe, est donné au centre munici-
à la Bourse du travail de Paris. Plusieurs pal de santé. Une plaque de marbre noir
centaines de milliers de personnes, massées de « À Fanny Dewerpe, victime et martyre de la
la place de la République jusqu’au cimetière liberté, le 8 février 1962 » est apposée à
du Père Lachaise, suivent les obsèques faisant l’entrée du centre municipal de santé.
de ce rassemblement, une des manifestations
Obsèques des victimes de Charonne (à gauche).
Quatre victimes sont inhumées au cimetière du
Père Lachaise : Jean-Pierre Bernard, Daniel Féry,
Suzanne Martorell, et Raymond Wintgens (ci-dessous).
Archives municipales
Plaque à la mémoire
de Camille Blanc
et des victimes
de la manifestation
de Charonne,
hall de l’hôtel de ville.