1. 8 N° 05 - Mars 2010
Témoignages
Le dernier numéro d’AVM vous a proposé un dossier consacré à la grippe A H1-N1. Nous étions
alors au début de la campagne de vaccination et de l’épidémie.
Début janvier, après quelques semaines de campagne, nous avons interviewé des internes sur
leur participation. Voici pour vous leurs réponses aux questions d’AVM !
Comment as-tu été sollicité
pour participer à la
vaccination ?
La gestion des internes s’est faite
différemment selon les zones
géographiques de la subdivision.
Pour la Roche sur Yon, il a été
proposé aux internes, dès le début
du stage, de se porter volontaires
et de s’inscrire pour des vacations
sur différents sites en Vendée.
Pour ma part, je ne m’étais pas
porté volontaire car j’étais limité
en temps par mon semestre aux
urgences. Finalement, quelques
semaines après, j’ai été joint par la
DDASS un jeudi pour vacciner le
samedi alors que je travaillais. J’ai
trouvé un remplaçant et lorsque
j’ai appelé le lendemain, on m’a
réquisitionné pour le jour-même
à 16h ! Donc pour moi tout s’est
fait dans la précipitation. Ça a été
souvent le cas pour des internes qui,
comme moi, n’avaient pas participé
dès le début. La DDASS a utilisé un
système de tirage au sort pour les
plages où il manquait du monde.
Comment sʼest déroulée
cette expérience ?
Je me suis présenté au centre de
vaccination de Montaigu.
Il m’a fallu un petit temps
d’adaptation de 10/15 minutes pour
connaître les différents vaccins
disponibles, leurs indications et
contre-indications, leurs modalités
de prescription. Après, ça allait
beaucoupplusvite;lesconsultations
étaient rapides. Il arrivait qu’on
aborde d’autres sujets comme la
vaccination contre l’hépatite B. Ça
s’est bien passé. Le contact était
très cordial. En général, ceux qui
venaient au centre de vaccination
étaient pour se faire vacciner.
J’étais loin d’imaginer que j’aurais
4 heures de boulot non stop. Je
n’aurais pas pensé voir autant de
patients. Il a fallu faire des annonces
ensalled’attentepourfairepatienter
les gens et leur expliquer qu’on était
que deux prescripteurs.
Par ailleurs, l’ambiance était très
agréable avec les pompiers qui
géraient le centre et avec l’autre
médecin.
As-tu gardé une anecdote, un
souvenir particulier ?
Oui, je me souviens très bien d’un
couple de septuagénaires. Monsieur
se faisait vacciner car il considérait
cela comme un acte civique et
Madame à côté, elle, refusait
catégoriquement. Donc j’ai eu droit
à une belle dispute entre les deux.
Lui garantissait qu’il amènerait son
épouse à se faire vacciner. Je ne
sais pas si elle est revenue par la
suite, ce dont je suis sûr, c’est que
la discussion a dû se poursuivre à
domicile!
Est-ce que tu as dʼautres
vacations de prévues ?
Non, je verrai, mais c’est compliqué
à associer avec le rythme de travail
des urgences. Je reste un peu
inquiet quant à d’autres réquisitions
de dernières minutes. Je préférerai
savoir avant s’il y a besoin de
monde et m’organiser.
François Mounier, DES
de médecine générale,
Nantes, Service urgences/
SAMU à la Roche sur Yon
Les internes
danslacampagne
devaccination.
Revue AVM 05.indd 8 24/02/2010 15:59:59
2. N° 05 - Mars 2010 9
Témoignages
Sandrine Valade,
DES médecine interne,
Paris, Service de
médecine interne à
l’hôpital Beaujon.
Comment as-tu été sollicitée
pour participer à la
vaccination ?
La direction des affaires médicales
de l’hôpital a adressé un mail
aux internes dont elle avait les
coordonnées pour chercher des
volontaires. J’en ai aussi entendu
parler par des copains en médecine
générale qui participaient déjà à la
campagne. Je n’avais pas répondu à
ce premier mail car c’était très flou.
Ensuite nous avons été convoqués à
une réunion deux heures seulement
avant qu’elle ait lieu, par un mail
que je n’ai personnellement pu
lire que le soir même. Finalement
une autre réunion a été organisée
une semaine plus tard pour qu’on
remplisse un planning à notre
convenance, à raison de deux
vacations par semaine, pour 6
centres de vaccination du 92. Sinon,
nous risquions d’être réquisitionnés
à des moments qui ne nous iraient
pas.
J’ai préféré prendre 8 heures
d’affilées pour n’avoir qu’une
absence du service et n’avoir
qu’une fois l’aller-retour à faire.
De plus on a évité de prendre des
matinées pour ne pas trop perturber
l’organisation du service.
Combien de vacations as-tu
faites ?
Finalement après avoir été sollicités
tous pendant un mois, j’ai fait, pour
ma part, deux fois deux vacations.
La troisième session a été annulée
pour cause de fermeture du centre.
J’en ai une autre de prévue dans
quelques jours.
Ils viennent de nous afficher les
nouveaux plannings en salle de
garde. Donc on va se réinscrire,
mais c’est compliqué pour nous,
à 3 dans le service, entre deux
vacations chacune et les gardes.
Surtout quand régulièrement, on
constate qu’il n’y avait en fait pas
besoin de nous...
Comment se sont déroulées
ces expériences ?
La première fois, on m’avait dit
7h30-16h30. J’ai appelé le centre
qui m’a dit de venir une heure plus
tard seulement car ils n’ouvriraient
pas avant. Quand je suis arrivée au
gymnase, on était 5 médecins ce
qui était trop, et on me demandait
de revenir plutôt à 11h. Sachant que
j’avais mis 1h30 pour venir et que je
n’avais rien à faire à Gennevilliers
sous la neige, j’ai demandé à rester
ou rentrer pour la journée. Un autre
médecin a demandé à la préfecture
l’autorisation de partir. En fait la
préfecture recrutait via l’hôpital
et le centre recrutait aussi via la
mairie sans que chacun ne sache ce
qu’avait prévu l’autre... Du coup,
ils avaient parfois trop de monde,
parfois pas assez. J’ai une amie qui
s’y est déplacée pour rien. D’autres
fois ce sont les horaires qui ne sont
pas les bons. Déjà que ces horaires
changent d’un centre à l’autre ;
même les gens qui doivent se faire
vacciner n’ont pas l’information.
Il a aussi fallu expliquer ce qu’était
un interne et notre rôle.
Pour les consultations, on avait des
petites tables et quelques paravents.
Il n’y avait pas vraiment de respect
du secret médical, parce que nous
étions près des autres personnes qui
attendaient et qui entendaient tout.
Il y avait pas mal de gens qui ne
savaient pas bien lire, qui parlaient
et comprenaient moyennement
le français. Donc j’adaptais les
explications et la reprise du
questionnaire en fonction.
L’ambiance était assez conviviale
avec les patients et les équipes,
avec une bonne entente et entraide
entre les médecins présents. C’est
l’organisation qui n’allait pas.
As-tu gardé une anecdote, un
souvenir particulier ?
Il y avait beaucoup de gens, surtout
des mères pour leurs enfants,
qui revenaient pour la deuxième
injection avant la fin des 3 semaines
de délai et qui ne comprenaient pas
qu’on ne pouvait pas la faire.
Plusieurs personnes n’avaient
pas mentionné leurs prescriptions
d’anticoagulants.
D’autres venaient en réclamant un
vaccin sans adjuvants. Il y avait
vraiment une psychose avec ces
adjuvants. Certains préféraient
ne pas se faire vacciner plutôt
que d’avoir l’adjuvant. Tous
connaissaient le terme de Guillain
Barré, pensaient qu’il y avait plein
de morts à cause de ce vaccin. On
a préféré vacciner sans adjuvant
ceux qu’on n’arrivait pas à rassurer
plutôt que de ne pas le faire du
tout. Certains étaient même venus
avec un certificat de leur médecin
traitant qui certifiait la nécessité
d’un vaccin sans adjuvants en
l’absence de contre-indications au
vaccin avec !
J’ai eu aussi le cas d’une mère qui
voulait à tout prix faire vacciner
son enfant qui était fébrile pour ne
pas avoir à revenir.
Revue AVM 05.indd 9 24/02/2010 16:00:04
3. 10 N° 05 - Mars 2010
Témoignages
Comment as-tu été sollicité
pour participer à la
vaccination ?
Une fois que j’ai su via le syndicat
des internes qui contacter, j’ai
prévenu la DDASS que j’étais
volontaire. Ils avaient des créneaux
horaires dans plusieurs centres à
proposer et j’ai choisi ceux qui
m’arrangeaient en fonction de mes
disponibilités, et de celles de mes
co-internes.
Combien de vacations as-tu
faites ?
J’ai fait une vacation et j’en ai
deux autres de programmées pour
l’instant.
Comment sʼest déroulée
cette expérience ?
Jesuisarrivédanslecentred’Oullins
où j’ai retrouvé un médecin du
travail qui avait déjà vacciné
plusieurs fois. Il m’a expliqué deux
ou trois choses. J’avais aussi lu
avant de venir les documents sur la
vaccination qu’on avait mis en ligne
sur le site internet pour les internes,
pour ne pas arriver « à blanc ». Nous
étions convoqués un peu avant
l’ouverture du centre, le temps de
nous installer. Donc j’attendais en
bout de chaîne que les gens soient
passés par l’admission, qu’ils aient
rempli le questionnaire. Je revoyais
ce dernier avec eux, éliminais la
présence de contre-indications.
Ça s’est pas mal passé. Il y a eu
quelques situations qui sortaient un
peu de l’ordinaire, dont une allergie
à l’œuf. Comme souvent dès
qu’on sort des schémas classiques,
personne ne savait vraiment ce qu’il
fallait faire. Donc ça prenait un peu
de temps. Mais j’ai eu la chance
de ne pas avoir trop de patients et
ça n’a pas été gênant. On avait le
temps de discuter avec les gens. Ce
n’était pas l’usine à vaccinations.
As-tu gardé une anecdote, un
souvenir particulier ?
Le médecin du travail avec qui
j’étais avait été contacté plus tôt que
nous pour venir vacciner. Lorsqu’il
a reçu les plannings, il a indiqué
de nombreuses plages horaires
possibles, dans l’idée qu’ils lui en
donnent une partie. La DDASS l’a
gardé comme réquisitionné pour
une grande partie de ces dates donc
il avait une quinzaine de vacations
à faire ! Finalement, comme il
travaillait à mi-temps, il les a faites
pour la plupart...
Sinon, c’est vrai qu’en dehors
de la médecine générale, comme
moi qui suis en ORL, on voit
habituellement des gens qui ont déjà
vu leur médecin traitant avant, qui
ne viennent que si c’est vraiment
requis. Donc ça écrème pas mal la
population de patients qu’on reçoit
en consultations. Là, c’était sympa
parce que ça n’était pas les gens
qu’on voit d’habitude. Ça change
un peu, c’est bien !
Alexis Ambrun,
DES d’ORL, Lyon,
Service d’ORL au Centre
Hospitalier Lyon Sud.
Elodie Toussaint,
DES de Santé Publique,
Reims, Service DRDASS
Champagne-Ardenne
et Marne.
Comment as-tu été sollicitée
pour participer à la
vaccination ?
Je m’étais proposée comme
volontaire auprès de l’association
des internes. Ils avaient récupéré les
plannings des DDASS et les avaient
mis à disposition des internes pour
qu’ils puissent s’inscrire. Ensuite
les plannings étaient complétés au
niveaudesDDASS.Ainsi,iln’yaeu
aucun interne réquisitionné de force
et on n’a pu choisir nos créneaux.
Mais il y a eu pas mal de couacs
au début de l’organisation avec des
difficultés de communication entre
les DDASS et l’association des
internes. Mes premières vacations
ont été annulées.
Finalement, je me suis retrouvée
en stage à la DRDASS début
novembre. Je me suis donc inscrite
directement sur place. J’essayais
plutôt de remplir les trous. J’ai
dû faire en tout 5 vacations ; les
premières très très remplies, de
l’ordre de 700 patients sur 5 heures
et le week-end dernier, j’ai été
libérée avant la fin parce qu’il n’y
avait plus personne.
Comment se sont déroulées
ces expériences ?
En pratique, ce n’était pas très
compliqué. On avait un dossier
documentaire bien fait avec un
rappel des règles de prescriptions.
Et souvent dans les centres, il y
avait un médecin thésé qui était
désigné comme responsable et
qui s’assurait avant de démarrer
des connaissances des autres
prescripteurs. C’est à lui qu’on
Revue AVM 05.indd 10 24/02/2010 16:00:08
4. N° 05 - Mars 2010 11
Témoignages
faisait appel en cas de doutes, de
questions.
Il y avait un certain matériel sur
place. Moi je suis quand même
venue avec mon propre dossier
avec les recommandations et autres
documents, avec mon Dorosz pour
vérifier les traitements.
J’ai trouvé ça plutôt sympa. En
plus je ne vois pas de patients en
étant en stage à la DRDASS et
j’ai trouvé agréable le contexte
de consultations que les internes
de santé publique n’expérimen-
tent pas du tout par ailleurs. Les
gens étaient agréables. Ils avaient
déjà posé leurs questions à leur
médecin traitant et ils venaient avec
quelques demandes d’éclaircisse-
ments seulement, comme de savoir
si le squalène venait bien du requin.
Donc plutôt sympathique, mais
beaucoup de travail quand c’étaient
des sessions de 5 heures et demi
non-stop. C’était bien organisé et
agréable une fois sur place, avec
un chef de centre plutôt disponible.
Les couacs étaient en amont, avec
des internes qui se sont présentés
alors que le centre était fermé ou
qu’il y avait déjà assez de monde.
As-tu gardé une anecdote, un
souvenir particulier ?
Je repense à une situation assez
touchante avec une jeune femme
venue vacciner sa fille autiste de
5 ou 6 ans. Elle avait beaucoup
de questions et l’entretien a bien
duré 20 minutes. Elle était encore
hésitante en arrivant, surtout
qu’elle associait l’autisme de sa fille
à un effet du ROR. En plus sa fille
avait été un peu traumatisée par une
prise de sang qui avait provoqué
une réaction exacerbée, une régres-
sion ; il semble qu’elle n’ait alors
pas compris ce qui se passait. Du
coup, on a vu avec les infirmières
pour qu’elle soit prise en charge
par quelqu’un d’assez expérimenté,
prévenu du contexte, en prenant le
temps nécessaire.
Un peu plus tard, elle est repassée
me voir et me remercier, donc ça
s’était pas mal passé !
Quel est ton point de vue
en tant quʼinterne à la
DRDASS ?
C’est mon premier stage dans une
administration. Et ma première
impression est que l’administration,
c’est compliqué !
Les internes disaient toujours
que c’était la DDASS qui posait
problème. Mais le problème, c’est
que la DDASS n’avait pas plus
d’informations que les autres gens.
Par exemple, la ministre a annoncé
que les généralistes pouvaient
vacciner mais la circulaire n’est
arrivée que plusieurs jours après.
Ensuite les gens appellent pour
vérifier s’ils peuvent prendre
rendez-vous chez leur médecin
traitant ; les médecins généralistes
appellent pour savoir comment
faire ; les chefs de centre appellent
pour savoir comment ils peuvent
donner des vaccins aux généralistes.
Et la DDASS s’organise dans
le vide parce qu’il n’y a pas de
modalités précises déterminées.
On ne sait pas plus que les autres
comment ça va se passer !
Ça n’est pas au niveau local que
ça patauge. Il y a une grosse
machinerie à mettre en route pour
que l’information arrive du national
au local. Ça permet de comprendre
cette lourdeur institutionnelle qui
frappe au premier abord. Mais il y
a aussi des gens de bonne volonté,
qui sont réactifs malgré le retard
des informations, qui sont efficaces
et garantissent une capacité
d’organisation. Vraiment les
informations nationales n’arrivent
pas très vite.
C’était intéressant pour moi de voir
l’organisation administrative et
l’organisation sur le terrain.
C’était aussi intéressant que
les médecins inspecteurs de
santé publique participent à la
campagne parce que ça permettait
un retour direct sur les éventuels
dysfonctionnements ou au contraire
sur ce qui marchait bien.
Est-ce que tu as dʼautres
vacations de prévues ?
A la fin de la semaine, ça va être
très très réduit. J’en ai plus de
prévu personnellement. On devrait
limiter la participation des internes.
Je ne sais pas encore exactement
comment ça va évoluer.
Alice Deschenau
Interne en psychiatrie à Lyon
Vice-présidente ISNIH
Revue AVM 05.indd 11 24/02/2010 16:00:11