SlideShare uma empresa Scribd logo
1 de 10
Comment fabriquer une politique sociale ?
                                            Les acteurs des politiques sociales




              Le rôle des lobbies
              dans la politique familiale
              Michel Chauvière – sociologue




                                En France, on dit souvent que la famille est une affaire d’État.
                                Il ne faudrait pas, pour autant, mésestimer le rôle du
                                mouvement familial dans les très nombreux domaines qui
                                concernent de près ou de loin les familles. En effet, la
                                mobilisation pour les familles est aussi une mobilisation des
                                familles elles-mêmes, entre services et lobbying. Légalement
                                représentées dans de nombreux institutions et organismes,
                                les familles organisées sont ainsi devenues un partenaire
                                incontournable de l’action publique.


                                Le cas du champ familial paraît assez exemplaire du point de vue des lobbies.
                                Si lobby il y a en l’espèce, car cette qualification fait d’emblée problème tant,
                                dans notre pays, ce type de groupe d’intérêt et de pression a connu une
                                institutionnalisation ancienne, forte et originale.
                                Au demeurant, c’est souvent une sorte d’angle mort dans l’analyse des
                                politiques sociales. Trop peu de travaux monographiques décrivent
                                l’espace/temps, les modes d’action et l’impact des lobbies. Plus rares encore
                                sont ceux qui analysent le fonctionnement concret des institutions intermé-
                                diaires, pourtant très nombreuses, entre démocratie consultative, partenariat
                                et régulation concurrentielle. C’est pourtant là que les lobbies s’efforcent d’être
                                présents, ne serait-ce que pour rencontrer les pouvoirs qu’ils cherchent à
                                influencer.
                                Nous procéderons ici en trois temps. Après un rappel des caractéristiques du
                                champ familial français sous l’angle des acteurs, des institutions et des
                                politiques, nous évoquerons quelques exemples pour illustrer et relativiser la
                                thèse du lobbying. Enfin, nous proposerons une réflexion sur quelques
                                déterminants de l’action publique.

                                Les mobilisations pour la famille
                                Le mouvement familial français naît au tournant du XXe siècle, parmi
                                d’autres mobilisations sociales (Talmy, 1962 ; Chauvière, 2000). Il se



70   Informations sociales n° 157
Comment fabriquer une politique sociale ?
                                 Les acteurs des politiques sociales



compose d’associations d’action générale et d’associations plus sectorielles ou
spécialisées, souvent regroupées en fédérations et en confédérations. Les
problèmes de la natalité émergent, en milieu
républicain, grâce à l’Alliance nationale
                                                   “        (...) la stratégie catholique face
contre la dépopulation du D Bertillon en à la question ouvrière et au péril socialiste passe
                                 r


1896, une stratégie de pression politique à notamment par le réarmement moral des familles  “
l’instigation d’une partie de l’élite. Ces               et par la création de services ad hoc.
experts sont fortement relayés au Parlement.
Aux mêmes dates, la stratégie catholique face à la question ouvrière et au péril
socialiste passe notamment par le réarmement moral des familles et par la
création de services ad hoc. L’abbé Viollet crée, au début du XXe siècle à Paris,
des associations pour le logement ouvrier et les œuvres du Moulin-vert
(Gardet, 2004). D’autres initiatives sont plus locales : celles du patronat
catholique du Nord durant la période 1914-1918, relayées par les jésuites,
pendant que les associations catholiques de chefs de famille défenseurs de
l’école privée se créent après 1905, etc. Pour rechristianiser les classes popu-
laires, l’action doit être globale, morale, éducative et sociale tout à la fois.
Enfin, des familles nombreuses s’organisent, avec la singulière Ligue
populaire des pères et mères de familles nombreuses du capitaine Simon
Maire, à partir de 1908. Encore marquée par l’idéologie catholique de la
famille et par le projet d’une moralisation de la société contre le néo-
malthusianisme, cette ligue innove par sa forme quasi syndicale et par ses
modes d’action. Sans oublier le vote familial (Le Naour, 2005). Après 1945,
ces courants constitueront la fédération Familles de France.
Une autre vague d’associations apparaît à la fin des années trente, dans le
sillage de l’action catholique spécialisée. Partant d’un mouvement de foyers
Joc (Jeunesse ouvrière chrétienne)/JOCF (Jeunesse ouvrière chrétienne fémi-
nine), apparaît en 1941 le MPF (Mouvement populaire des familles), ancêtre
de l’actuelle CSF (Confédération syndicale des familles) et de la CLCV
(Consommation, logement et cadre de vie, qui est hors champ familial depuis
1975). S’impose une conception syndicale des intérêts familiaux populaires,
impliquant un système de représentation, des services et des revendications
collectives (GRMF, 1985 et 2002). Côté rural, la CNFR (Confédération
nationale de la famille rurale), aujourd’hui Familles rurales, naît de la Jac
(Jeunesse agricole chrétienne) et de la Corporation paysanne. Les associations
familiales laïques ne voient le jour qu’en 1967.
Au plan politique, c’est en 1942 (avec la loi Gounot) qu’aboutit la revendica-
tion ancienne d’une représentation des « intérêts familiaux » (matériels et
moraux). Après républicanisation par ordonnance en 1945, se créent l’Unaf
(Union nationale des associations familiales) et les Udaf (Unions départe-
mentales des associations familiales). Il s’agit de représenter officiellement les
familles auprès des pouvoirs publics, de donner des avis à ces derniers sur les
questions d’ordre familial, de gérer des services d’intérêt familial, comme,



                                                                          n° 157 Informations sociales   71
Comment fabriquer une politique sociale ?
                                                Les acteurs des politiques sociales



                          plus tard, la tutelle aux prestations familiales. Depuis une loi de 1953, le
                          dispositif est financé sur fonds publics (grâce à l’assiette des allocations fami-
                          liales), ce qui installe solidement et durablement le mouvement familial et son
                                                               institution dans l’espace public, comme

     “      Les fédérations historiques constituent

           autour duquel gravite tout un ensemble
                                                    “
                                                               lobby officiel. Il peut ainsi légitimement
       le noyau dur du familialisme institutionnel (...) peser sur l’action publique, en disposant par
                                                               exemple de dix représentants au Conseil
                                                               économique et social. Cette présence des
            d’organisations d’orientation familiale,           « familiaux » est importante, quoique sou-
                     parentale ou sociale.                     vent ignorée (Minonzio et Vallat, 2006).
                                                               Les fédérations historiques constituent le
                          noyau dur du familialisme institutionnel (1) autour duquel gravite tout un
                          ensemble d’organisations d’orientation familiale, parentale ou sociale. Mais il
                          est aussi des absences significatives : ainsi des fédérations de parents d’élèves,
                          de l’École des parents et des éducateurs, des mouvements féministes, des
                          mouvements homoparentaux et des familles étrangères. Ce n’est pas le cas
                          dans tous les pays européens.

                                    Un groupe d’intérêt en actes
                                    Dès avant la création de l’impôt sur le revenu (1914), sur pression des nata-
                                    listes et des « familiaux », des dégrèvements fiscaux favorisent les familles
                                    nombreuses nécessiteuses. Il existe toujours diverses réductions accordées
                                    aux familles pour la consommation de certains biens ou services, tant au
                                    niveau national que communal, sans oublier les stratégies commerciales. Par
                                    exemple, sur les transports ferroviaires. C’est pendant la Première Guerre
                                    mondiale que certaines compagnies de chemin de fer commencent à
                                    accorder des « billets de famille » pour favoriser la rencontre des familles
                                    nombreuses avec leurs soldats (pères ou fils). Puis, en 1920, les associations
                                    familiales et leurs porte-parole à l’Assemblée font adopter une loi instaurant
                                    une carte de réduction « Familles nombreuses » (de 30 % à 70 % selon le
                                    nombre d’enfants) sur les tarifs de chemin de fer qui venaient d’être sensi-
                                    blement relevés, carte qui fera office de carte d’identité familiale. Cette
                                    mesure ne devait plus jamais être remise en question jusqu’à tout récem-
                                    ment. Ce qui n’a pas manqué de susciter une vive polémique et un ajustement
                                    rapide du projet gouvernemental.
                                    Il en va de même de toutes sortes d’arrangements, le plus souvent sans
                                    conditions de ressources, progressivement obtenus au bénéfice de la famille
                                    sous ses différentes formes : les congés pour événements familiaux, les
                                    congés de maternité, l’allocation parentale d’éducation, l’allocation de
                                    présence parentale, le supplément familial pour les fonctionnaires, le
                                    rapprochement de conjoints…
                                    Plus près de nous, les lobbies se réclamant de la famille ont été actifs dans la
                                    plupart des débats des IVe et Ve Républiques (Chauvière et Kertudo, 2006) :



72   Informations sociales n° 157
Comment fabriquer une politique sociale ?
                                   Les acteurs des politiques sociales



qu’il s’agisse de la spécificité des Caf dans la Sécurité sociale (Bussat, 2003),
du logement ou du niveau des allocations, sans oublier la bataille contre
l’avortement, en 1975, puis l’exigence de son
application sans discrimination, ensuite
                                                 “     Une action symbolique significative est
(Chauvière et Carouge, 1982). Une action la déclaration des droits de la famille, en 1989,
symbolique significative est la déclaration des par l’Unaf, en congrès à Bordeaux, en présence
                                                                                                 “
droits de la famille, en 1989, par l’Unaf, en            du président François Mitterrand.
congrès à Bordeaux, en présence du prési-
dent François Mitterrand. Cependant, l’Unaf n’ayant pas d’autorité législa-
tive, cette déclaration reste sans valeur normative.

Les conférences de la famille
La création de ce rendez-vous annuel représente une innovation pour la
politique familiale. Un premier cycle de conférences apparaît en 1982 et
fonctionne jusqu’en 1991. Il ne réunit que le gouvernement et le mouve-
ment familial. Peu de décisions concrètes en sortent. Un second cycle
commence en 1996. Les conférences sont présidées par le Premier ministre
et réunissent, outre les représentants familiaux, les partenaires sociaux et des
élus. Le gouvernement y annonce sa politique, ce qui consolide cette « mise
en scène » de la politique familiale. La stratégie de l’Unaf étant de « familia-
liser » les questions sociales, ces manifestations en sont l’occasion, dans une
conjoncture favorable, vu les attentes à l’égard de la famille dans la lutte
contre l’exclusion ou pour l’accueil du troisième âge – ce que l’on appelle la
« solidarité familiale » (Chauvière et Messu, 2003). Pour la droite comme
pour la gauche, c’est un thème consensuel et une solution qui ne coûte pas
trop cher.
Certains analystes n’y ont vu que promotion
                                               “    (...) ces conférences de la famille n’ont plus
gouvernementale et pure communication. été réunies depuis l’élection de Nicolas Sarkozy
L’Unaf et des observateurs ont, au contraire,
considéré que ce « grand oral » annuel gardait
                                                               à la présidence française.
                                                                                          “
toute son importance au plan concret et symbolique. Ces conférences
confirment en tout cas la position institutionnelle privilégiée du mouvement
familial organisé. C’est là un lieu de consultation – certes parmi beaucoup
d’autres – où le mouvement familial est présent et actif pour tenter de peser
sur la décision publique. Pour autant, ces conférences de la famille n’ont plus
été réunies depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence française.

Contre la mise sous conditions de ressources
des allocations familiales
En juin 1997, Lionel Jospin annonce haut et fort la mise sous conditions de
ressources des allocations familiales ainsi qu’une modulation de l’Allocation
de garde d’enfant à domicile (Aged) (2) (Chauvière, 1999). C’est sans comp-
ter avec le lobbying familial, de l’Unaf à la Cnaf, à droite mais aussi à gauche.



                                                                                n° 157 Informations sociales   73
Comment fabriquer une politique sociale ?
                                               Les acteurs des politiques sociales



                            La stratégie est classique mais efficace : animation du débat public via diffé-
                            rents quotidiens et hebdomadaires, avec deux principaux thèmes – égalité
                            contre équité, parfois solidarité contre politique sociale et droits de l’enfant –,
                            mobilisation d’experts, relais des syndicats (surtout de la Confédération fran-
                            çaise des travailleurs chrétiens - CFTC), saisie des députés dans leurs
                            circonscriptions et même une manifestation de rue à l’instigation des milieux
                            les plus conservateurs, sur le thème « On tue la famille ». Si bien que moins
                            d’un an plus tard, lors de la conférence de la famille du 12 juin 1998, le même
                            gouvernement rétablit l’universalité de ces prestations, choisissant plutôt
                            d’abaisser le plafond du quotient familial. Loin d’être un simple changement
                            technique, cette réorientation révèle le poids réel du familialisme politique
                            dans l’action publique quand l’enjeu est de cette nature. Dans le domaine du
                            familial, il existe, en effet, quelques difficultés récurrentes concernant les
                            valeurs et les modalités de la solidarité. Les réformateurs s’y sont heurtés.
                            Pour l’Unaf, les arguments sont assez simples : la politique familiale n’est
                            pas une politique sociale, mais une politique de solidarité destinée à com-
                            penser le coût de l’enfant ; le Premier ministre fait l’impasse sur les familles
                            dans le pacte républicain ; pour atteindre les objectifs sociaux visés, il faut
                            avant tout engager une vraie réforme fiscale… La CFTC, qui veille spéciale-
                            ment sur la Cnaf, apparaît tout à la fois comme étant la plus ferme sur les
                            principes et la plus ouverte à des solutions alternatives, telles que la fiscalisa-
                                                                tion sous certaines conditions. Face à ce

      “      Les mouvements familiaux porteurs                  front, tout en attendant la prochaine confé-
        d’intérêts tout à la fois particuliers et globaux rence de la famille en juin 1998 pour en
       (à défaut d’incarner l’intérêt général) y gagnent « rediscuter avec les partenaires sociaux », le
                                                            “   gouvernement confie à quatre experts
       en légitimité, et avec eux une certaine forme de l’analyse de la nouvelle question familiale.
             démocratie sociale contre les experts.             Finalement, le débat retombe assez vite. Il
                                                                révèle cependant de la part des autorités
                            politiques une relative méconnaissance des acteurs sociaux concernés et de
                            l’histoire. Les mouvements familiaux porteurs d’intérêts tout à la fois
                            particuliers et globaux (à défaut d’incarner l’intérêt général) y gagnent en
                            légitimité, et avec eux une certaine forme de démocratie sociale contre les
                            experts.

                                    De la famille à la parentalité
                                    La politique de la parentalité apparaît en France au milieu des années 1990,
                                    notamment dans les Réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des
                                    parents (Réaap). Cette orientation profite d’un fort consensus normatif
                                    (Chauvière, 2002). Les plus moralistes dans le clan familial jugent beaucoup
                                    de parents notoirement irresponsables et soutiennent l’urgence d’agir contre
                                    la maltraitance. Les autres retrouvent des accents d’éducation populaire ou
                                    d’autoformation. Le bilan le plus complet des Réaap est d’ailleurs concocté



74   Informations sociales n° 157
Comment fabriquer une politique sociale ?
                                        Les acteurs des politiques sociales



à l’Unaf (Ribes, 2003). Le lien à l’enfant étant considéré comme indissoluble,
le parent devient l’acteur incontournable de tout travail socio-éducatif ; c’est
assurément une catégorie mieux adaptée aux changements contemporains,
notamment à l’essor du commerce des servi-
ces à la personne ou à la famille (Chauvière,
2003). Le « soutien à la parentalité » se fait
désormais tout en propositions, sans être
                                                            “
                                                           Le « soutien à la parentalité »
                                                       se fait désormais tout en propositions,
jamais trop prescriptif, ne serait-ce que pour sans être jamais trop prescriptif, ne serait-ce          “
ne pas attenter aux libertés individuelles et          que pour ne pas attenter aux libertés
publiques. Le familial en sort fortifié et les                 individuelles et publiques.
mouvements les plus militants, tels que la
CSF, sont localement très engagés dans le soutien actif à la responsabilité
parentale. Cependant, les grandes associations qui militent pour la défense
des « intérêts matériels et moraux » des familles continuent de réclamer
envers et contre tout une politique globale, en profitant conjoncturellement
des conférences de la famille et du rapport de forces créé par le projet Jospin
de mise sous conditions de ressources des allocations familiales.

       Les grandes dates de l’incorporation progressive du familial dans l’action publique

    1913 : Des textes visent la situation des « familles nombreuses nécessiteuses ». En 1914, le quotient
 familial valide le slogan : « familles créancières de la nation » (Antomarchi, 2000).
    1920 : « Chambre bleu horizon » et première politique familiale globale. Plusieurs « familiaux » sont
 ministres (comme le socialiste Jules-Louis Breton, au ministère de la Prévoyance, de l’Hygiène et de
 l’Assistance) ; apparaissent un Conseil supérieur de la natalité, une déclaration des droits de la famille,
 des lois d’« encouragement » et d’autres répressives (relatives à l’avortement et à la contraception).
    1932 : Loi sur la généralisation des allocations familiales. Celles-ci deviennent un droit et un système
 d’aide aux familles mais aussi une occasion de contrôle et d’intervention publique.
    1939 : Code de la famille et de la natalité françaises (Chauvière et Bussat, 2000). Il vise les aides
 accordées à la famille, la protection de la famille et diverses dispositions fiscales, toutes mesures
 reconnaissant le fait familial (ancêtre du Code de l’action sociale et des familles, 2001).
    1940-1942 : Vichy et « Travail, Famille, Patrie » changent les objectifs et les modalités de l’action
 publique. La loi Gounot, inspirée du corporatisme d’État, donne un statut exorbitant aux associations de
 familles et dote le « corps familial » d’un monopole de représentation des familles.
    1945 : Le gouvernement provisoire républicanise par ordonnance l’héritage juridique et institutionnel
 de la loi Gounot, en allégeant la tutelle et en libéralisant l’édifice à sa base. Maintien du principe d’unicité
 nationale et départementale, ainsi que des missions spécifiques (à l’exclusion de la propagande).
    1946 : La Sécurité sociale intègre une branche famille, avec conflits entre les forces politiques du
 tripartisme (Parti communiste, socialistes et Mouvement républicain populaire), ce qui hisse la question
 familiale au rang de priorité nationale. « Âge d’or de la politique familiale » (Antoine Prost) et de
 l’administration de la « population ».
    1975 : Réforme de l’Unaf, cogestion interne entre Udaf et mouvements d’action générale.
    1981 : Retour du référentiel « Famille » dans l’écriture administrative, avec un secrétariat d’État à la
 famille (Georgina Dufoix). Puis premières conférences annuelles de la famille, avec les mouvements
 familiaux.




                                                                                             n° 157 Informations sociales   75
Comment fabriquer une politique sociale ?
                                                Les acteurs des politiques sociales



                                    À ces quelques exemples, on devrait encore ajouter les actions au plan
                                    européen (Vallat, 2008), notamment via la Confédération des organisations
                                    familiales près des communautés européennes (Coface), et au plan interna-
                                    tional, notamment via l’Union internationale des organismes familiaux
                                    (UIOF). La pression française a été spécialement déterminante sur la
                                    décision d’une Année internationale de la famille en 1994 et sur le choix du
                                    slogan : la famille « plus petite unité démocratique au cœur de la société ».
                                    Au final, on peut voir dans cette activité permanente de représentation, de
                                    veille, de contrôle, d’expertise, de propositions et parfois même de création
                                    normative, une sorte de néofamilialisation du social, plus officielle que privée,
                                    opérant dans les nombreux plis de la vie quotidienne, là où la famille est
                                    concernée pour ses membres et comme telle, mais aussi par où la famille se
                                    relégitime en s’adaptant comme « regard sur le monde » et petite souveraineté
                                    opposable (Chauvière, 2006).

                           Entre représentation institutionnelle et lobbying
                           Avec la solution institutionnelle trouvée entre 1942 et 1945, les familles orga-
                           nisées sont considérées non seulement comme représentant les « intérêts
                           matériels et moraux des familles de France » selon la formule consacrée,
                           mais encore comme dépositaires d’une part de citoyenneté, du moins à partir
                           de la Libération et lors des élections sociales des années 1940. S’incorporant


     “     L’intérêt familial ne vaut pas seulement
           comme l’intérêt bien compris des familles
             ou encore de tel ou tel type de famille.
                                                              à l’action publique, les familles deviennent
                                                              “
                                                              ainsi légalement représentables dans de
                                                              nombreuses instances et institutions inter-
                                                              médiaires (Chauvière et Jaeger, 2005). À ce
                                                              titre, les « familiaux » participent à la gestion
                           paritaire des caisses d’allocations familiales. Les droits des usagers y trou-
                           vent une origine. Le bénéfice en est élargi et imposé par la loi à toutes les
                           familles de France, mais beaucoup l’ignorent. Depuis 1945, ce montage est
                           pérenne dans le paysage institutionnel, d’une République à l’autre, quoique
                           controversé dans certains milieux, notamment laïques et féministes.
                           L’intérêt familial ne vaut pas seulement comme l’intérêt bien compris des
                           familles ou encore de tel ou tel type de famille. L’institutionnalisation et le
                           monopole marquent aussi la reconnaissance de la légitimité publique de ces
                           intérêts et des moyens « démocratiques » de les défendre. Mais le groupe
                           d’intérêt en question reste relativement clos sur lui-même, avec des règles
                           d’entrée (prévues dans le Code de l’action sociale et des familles - CASF), des
                           exclusions malgré des demandes réitérées (notamment de la part de
                           l’Association des parents gays et lesbiens - APGL) et un système discutable
                           de partage des avantages matériels (le « fonds spécial »).
                           Le lobby familial montre une forte structuration verticale et horizontale, avec
                           un processus interne de professionnalisation qui le dispute aux militants.
                           D’où un certain pluralisme interne et des marges de manœuvre dans les



76   Informations sociales n° 157
Comment fabriquer une politique sociale ?
                                   Les acteurs des politiques sociales



organisations fédérées, mais aussi des majorités parfois à front renversé et des
oppositions feutrées, traitées en interne. Le poids du financement est plus
que jamais déterminant dans l’institution et dans les organisations concernées


                                                “
qui en bénéficient.
Si on analyse les répertoires d’action, on voit        Les « familiaux » ne participent guère
que les moyens utilisés sont particulièrement       à la lutte pour le pouvoir gouvernemental,
socialisés, opérant notamment dans tous les         se contentant de questionner, d’interpeller,
espaces intermédiaires de concertation ou de
                                                        voire de soumettre des dossiers aux
consultation, en périphérie des autorités
publiques. Les « familiaux » ne participent
guère à la lutte pour le pouvoir gouverne-                    politiques en compétition.
                                                                                           “
                                                        candidats des différentes formations

mental, se contentant de questionner,
d’interpeller, voire de soumettre des dossiers aux candidats des différentes
formations politiques en compétition. Ils ne se confondent pas avec les admi-
nistrations que pourtant ils fréquentent très assidûment, parfois jusqu’à la
connivence. Partout, ils veulent incarner une expertise autorisée. Pour autant,
malgré cette forte intégration, quand les circonstances les y obligent, ils s’au-
torisent des pas de côté et des critiques en langage diplomatique.
En somme, en accueillant nombre d’idées et des représentants dans les insti-
tutions légitimes de second ordre (du type Conseil économique et social), le
pouvoir politique coupe tout risque majeur d’opposition sur ce front. C’est
un système néocorporatiste, puisque c’est l’État qui a accordé le monopole
de la représentation des intérêts familiaux à une unique organisation fédérale.
Cependant, son pluralisme interne et le fait que nulle famille n’est obligée
d’adhérer à ce type de mouvement en modulent singulièrement la portée.
Finalement, le lobby est plus instrumentalisé dans le jeu démocratique qu’il ne
le menace par son existence et par ses prises de position.
                                        ***
Comment apprécier l’impact de ce mouvement social sur la définition et le
cours des politiques familiales ? Est-il déterminant ou insignifiant ? Comment
en juger ?
Rappelons d’abord que, par-delà les performances affichées par les diffé-
rents pays membres de l’Union européenne, qui ne sont pratiquement jamais
rapportées à l’existence ou non d’un mouvement familial national, la France
se caractérise en Europe par une politique familiale des plus explicites, dont
les niveaux sont estimés comme globalement généreux et qui est peut-être
même l’une des mieux assumées, y compris par la gauche gouvernementale.
C’est le paradoxe d’une République qui s’est largement construite contre la
souveraineté familiale, puis qui l’a incorporée. Le lobbying officiel des mouve-
ments et des unions n’est pas seul engagé dans ce résultat, mais il est l’une des
pièces maîtresses d’un vaste réseau institutionnel qui, jusqu’à ce jour, résiste
assez bien à l’usure du temps. La Cnaf y figure également, sorte d’alter ego de
l’Unaf.



                                                                                n° 157 Informations sociales   77
Comment fabriquer une politique sociale ?
                                                   Les acteurs des politiques sociales



                                    Si les points d’appui de ce familialisme à la française, unique en Europe, sont
                                    anciens, ils sont aussi bien enracinés dans la société. Au plan philosophique,
                                    il a incarné, et sans doute continue-t-il de le faire pour partie, une réactivité,
                                    plus ou moins totalisante, contre les excès de l’individualisme républicain (3).
                                    Aujourd’hui, la parentalité renouvelle cette perspective (Chauvière, 2008).
                                    Au plan social, il porte des initiatives proches du mutuellisme et de l’écono-
                                    mie sociale. Certaines pratiques annoncent effectivement le syndicalisme des
                                    locataires, des consommateurs et, plus largement, celui des usagers. De
                                    même, la philosophie familialiste reste très proche des thèses d’origine catho-
                                    lique sur la subsidiarité, sur l’autonomie sociale locale ou de voisinage, thèses
                                    réactivées et même légitimées depuis la décentralisation, les politiques de la
                                    ville, aux risques du communautarisme, et aussi depuis la construction euro-
                                    péenne. Voilà aussi pourquoi le lobby perdure, même s’il recrute moins et si la
                                    présidence Sarkozy semble, pour l’heure, en faire beaucoup moins cas que
                                    ses prédécesseurs.



                                    Notes

                                    1 - Le familialisme peut être défini comme une forme d’action collective, marquée par l’hypertrophie de
                                    la raison familiale dans la conception et dans la conduite des affaires publiques, bien au-delà de la seule
                                    sphère domestique ou des prestations familiales. Il fait de la famille – et pas seulement de l’individu
                                    (homme, femme ou enfant) – l’unité référentielle de politiques publiques en matière de population, de
                                    protection, de redistribution, d’emploi, de citoyenneté… Celle-ci devient la médiation principale entre
                                    l’État et les citoyens, constituant même un modèle de société « démocratique », concurremment à l’in-
                                    dividualisme citoyen. En Angleterre, par exemple, la question familiale reste consubstantielle à la société
                                    et n’est pas détachée comme chez nous (Bussat et Chauvière, 1997).

                                    2 - L’Aged allégeait les charges sociales pour l’employé(e) de maison gardant les enfants d’un couple qui
                                    travaille. C’était aussi, indirectement, une mesure en faveur de l’emploi.

                                    3 - Les travaux de quelques juristes tels que Maurice Hauriou ou Emmanuel Gounot ont été décisifs sur
                                    ce terrain.




                                    Bibliographie
                                      Antomarchi V., 2000, Politique et famille sous la IIIe République (1870-1914),
                                    Paris, L’Harmattan.
                                     Bussat V., 2003, « Les “familiaux” : genèse d’un groupe d’acteurs en 1913 et
                                    consolidation institutionnelle sous la IVe République », thèse de sociologie,
                                    Université Paris-I-Sorbonne.
                                      Bussat V. et Chauvière M., 1997, « Les intérêts familiaux à l’épreuve d’une com-
                                    paraison France-Angleterre. Étude sur une catégorie d’action publique »,
                                    Gapp/CNRS, rapport pour la Cnaf, 185 p., inédit ; en partie repris dans
                                    « Approches comparées du champ familial. Les réseaux de défense des inté-
                                    rêts familiaux en France et en Angleterre », Recherches et Prévisions, Cnaf, n° 52,
                                    juin 1998.




78   Informations sociales n° 157
Comment fabriquer une politique sociale ?
                                     Les acteurs des politiques sociales



  Chauvière M., 1999, « Équité, mon beau souci. Retour sur quelques enjeux
de la réforme des allocations familiales », Sociétés et représentations, hors-série
« Protection sociale : quelle réforme ? », Credhess, septembre, p. 184-204 ; 2000,
« Mobilisations familiales et intérêts familiaux », in Chauvière M., Sassier M. et al.
(dir.), Les implicites de la politique familiale, approches historiques, juridiques et
politiques, Paris, Dunod, p. 75-86 ; 2002, « De la famille à la parentalité. Simple
ajustement ou redéfinition normative ? », in Vossier B. (dir.), La parentalité en
questions. Problématiques et pratiques professionnelles, Andesi/ESF, p. 55-67 ;
2003, « Quatre cibles pour le familial, dans une perspective historique »,
Informations sociales, n° 108, « Le ciblage en question(s) », p. 38-47 ; 2004, Le
travail social dans l’action publique. Sociologie d’une qualification controver-
sée, Paris, Dunod ; 2006, « Enjeux de la néofamilialisation de l’État social »,
colloque Matisse, Paris-I, « État et régulation sociale », septembre, accès sur
http://matisse.univ-paris1.fr/colloque-es/pdf/articles/chauviere.pdf ; 2008, « La
parentalité comme catégorie de l’action publique », Informations sociales,
n° 149, « Nouvelles figures de la parentalité », p. 16-29.
   Chauvière M. et Bussat V., 2000, Famille et codification. Le périmètre du fami-
lial dans la production des normes, Paris, La Documentation française.
   Chauvière M. et Carouge F., 1982, « L’Unaf, le droit de la famille et l’intérêt de
l’enfant », Actes, cahiers d’action juridique, nos 35-36, premier trimestre, p. 13-20.
  Chauvière M. et Jaeger M., 2005, « Démocratie consultative ou administra-
tion consultative ? Les enjeux des conseils », Vie sociale, Cédias, n° 2, « Vingt
ans de Conseil supérieur du travail social », p. 97-106.
  Chauvière M. (coord.) avec la collaboration de Kertudo P., 2006, Les mouve-
ments familiaux et leur institution en France. Anthologie historique et sociale,
Paris, Cahier d’histoire de la Sécurité sociale, n° 3, 640 p.
   Chauvière M. et Messu M., 2003, « Les apories de la solidarité familiale.
Contribution à la sociologie des configurations de justice entre les familles et
l’État, dans le cas français », Sociologie du travail, vol. 45, n° 3.
  Gardet M., 2004, Jean Viollet et l’apostolat laïc. Les œuvres du Moulin-Vert
(1902-1956), Paris, Beauchesne.
  Groupement pour la recherche sur les mouvements familiaux (GRMF), 1985,
« L’action familiale ouvrière et la politique de Vichy », Les Cahiers du GRMF,
n° 3 ; 2002, « La solidarité en actes. Services collectifs et expression des usa-
gers dans le Mouvement populaire des familles (1940-1955) », Les Cahiers du
GRMF, n° 11.
  Le Naour J.-Y., 2005, La famille doit voter. Le suffrage familial contre le vote
individuel, Paris, Hachette littératures.
  Minonzio J. et Vallat J.-P., 2006, « Évolution de la représentation des intérêts
familiaux et des politiques familiales : rôle et spécificités de l’Union nationale
des associations familiales (Unaf) », in Chauvière M. (coord.), 2006.
 Ribes B., 2003, L’accompagnement des parents, Paris, Dunod.
 Talmy R., 1962, Histoire du mouvement familial (1896-1939), Paris, éd. Uncaf,
2 tomes, préface du Dr Montsaingeon.
 Vallat J.-P., 2008, « La représentation des intérêts familiaux en Europe »,
Recherches familiales, Unaf, n° 5, « Familles et Europe », p. 15-32.




                                                                                     n° 157 Informations sociales   79

Mais conteúdo relacionado

Destaque

Defenseure des enfants rapport 2010
Defenseure des enfants rapport 2010Defenseure des enfants rapport 2010
Defenseure des enfants rapport 2010Jerome Messinguiral
 
Observatoire Parentalite Entreprise 2009
Observatoire Parentalite Entreprise 2009Observatoire Parentalite Entreprise 2009
Observatoire Parentalite Entreprise 2009Jerome Messinguiral
 
Symposium de la médiation professionnelle 2015
Symposium de la médiation professionnelle 2015Symposium de la médiation professionnelle 2015
Symposium de la médiation professionnelle 2015Jerome Messinguiral
 
Simulation Cnav Non Cumul Mda Avpf Sept 2008
Simulation Cnav Non Cumul Mda Avpf Sept 2008Simulation Cnav Non Cumul Mda Avpf Sept 2008
Simulation Cnav Non Cumul Mda Avpf Sept 2008Jerome Messinguiral
 
De l histoire des meres clio 2005
De l histoire des meres clio 2005De l histoire des meres clio 2005
De l histoire des meres clio 2005Jerome Messinguiral
 
Fichier Bva La Matinale 12 11 200903a74
Fichier Bva La Matinale 12 11 200903a74Fichier Bva La Matinale 12 11 200903a74
Fichier Bva La Matinale 12 11 200903a74Jerome Messinguiral
 
La participation des pères aux soins et à l’éducation des enfants
La participation des pères aux soins et à l’éducation des enfantsLa participation des pères aux soins et à l’éducation des enfants
La participation des pères aux soins et à l’éducation des enfantsJerome Messinguiral
 
Bilan activité 2013 conseil général Aveyron
Bilan activité 2013 conseil général AveyronBilan activité 2013 conseil général Aveyron
Bilan activité 2013 conseil général AveyronJerome Messinguiral
 
Pere Satisfaction Memoire Psycho Dir Castealain Meunier +++
Pere Satisfaction Memoire Psycho Dir Castealain Meunier +++Pere Satisfaction Memoire Psycho Dir Castealain Meunier +++
Pere Satisfaction Memoire Psycho Dir Castealain Meunier +++Jerome Messinguiral
 
Rapport Enquete Peres Equilibres
Rapport Enquete Peres EquilibresRapport Enquete Peres Equilibres
Rapport Enquete Peres EquilibresJerome Messinguiral
 

Destaque (18)

Homophobie tetu 2011 complet
Homophobie tetu 2011 completHomophobie tetu 2011 complet
Homophobie tetu 2011 complet
 
Forumdesimagesprogmars2010
Forumdesimagesprogmars2010Forumdesimagesprogmars2010
Forumdesimagesprogmars2010
 
La mediation professionnelle
La mediation professionnelleLa mediation professionnelle
La mediation professionnelle
 
Defenseure des enfants rapport 2010
Defenseure des enfants rapport 2010Defenseure des enfants rapport 2010
Defenseure des enfants rapport 2010
 
Etude enfant en europe 2010
Etude enfant en europe 2010Etude enfant en europe 2010
Etude enfant en europe 2010
 
Observatoire Parentalite Entreprise 2009
Observatoire Parentalite Entreprise 2009Observatoire Parentalite Entreprise 2009
Observatoire Parentalite Entreprise 2009
 
Symposium de la médiation professionnelle 2015
Symposium de la médiation professionnelle 2015Symposium de la médiation professionnelle 2015
Symposium de la médiation professionnelle 2015
 
Simulation Cnav Non Cumul Mda Avpf Sept 2008
Simulation Cnav Non Cumul Mda Avpf Sept 2008Simulation Cnav Non Cumul Mda Avpf Sept 2008
Simulation Cnav Non Cumul Mda Avpf Sept 2008
 
Domination masculine
Domination masculineDomination masculine
Domination masculine
 
De l histoire des meres clio 2005
De l histoire des meres clio 2005De l histoire des meres clio 2005
De l histoire des meres clio 2005
 
Egalite En Question
Egalite En QuestionEgalite En Question
Egalite En Question
 
Abc ArrêT Jeu Du Foulard, J..1
Abc ArrêT Jeu Du Foulard, J..1Abc ArrêT Jeu Du Foulard, J..1
Abc ArrêT Jeu Du Foulard, J..1
 
Fichier Bva La Matinale 12 11 200903a74
Fichier Bva La Matinale 12 11 200903a74Fichier Bva La Matinale 12 11 200903a74
Fichier Bva La Matinale 12 11 200903a74
 
La Folie Des MèRes
La Folie Des MèResLa Folie Des MèRes
La Folie Des MèRes
 
La participation des pères aux soins et à l’éducation des enfants
La participation des pères aux soins et à l’éducation des enfantsLa participation des pères aux soins et à l’éducation des enfants
La participation des pères aux soins et à l’éducation des enfants
 
Bilan activité 2013 conseil général Aveyron
Bilan activité 2013 conseil général AveyronBilan activité 2013 conseil général Aveyron
Bilan activité 2013 conseil général Aveyron
 
Pere Satisfaction Memoire Psycho Dir Castealain Meunier +++
Pere Satisfaction Memoire Psycho Dir Castealain Meunier +++Pere Satisfaction Memoire Psycho Dir Castealain Meunier +++
Pere Satisfaction Memoire Psycho Dir Castealain Meunier +++
 
Rapport Enquete Peres Equilibres
Rapport Enquete Peres EquilibresRapport Enquete Peres Equilibres
Rapport Enquete Peres Equilibres
 

Semelhante a Lobbies Et Politique Familiale

21 - Volumes meetup 5
21 - Volumes meetup 521 - Volumes meetup 5
21 - Volumes meetup 5Source(s)
 
M1 exposé comment les classes supérieures protestent-elles
M1 exposé   comment les classes supérieures protestent-elles M1 exposé   comment les classes supérieures protestent-elles
M1 exposé comment les classes supérieures protestent-elles Benjamin Bakouch
 
Webinar EEIE #11 : Lobbying et éthique
Webinar EEIE #11 : Lobbying et éthiqueWebinar EEIE #11 : Lobbying et éthique
Webinar EEIE #11 : Lobbying et éthiqueGroupe EEIE
 
La laïcité à l'épreuve du multiculturel et du multireligieux (Jean-Claude Ricci)
La laïcité à l'épreuve du multiculturel et du multireligieux (Jean-Claude Ricci)La laïcité à l'épreuve du multiculturel et du multireligieux (Jean-Claude Ricci)
La laïcité à l'épreuve du multiculturel et du multireligieux (Jean-Claude Ricci)icm13
 
L’association communautaire comme processus d’intégration ? - Une étude compa...
L’association communautaire comme processus d’intégration ? - Une étude compa...L’association communautaire comme processus d’intégration ? - Une étude compa...
L’association communautaire comme processus d’intégration ? - Une étude compa...MuslimVlogger
 
Rapport faire societe commune
Rapport faire societe communeRapport faire societe commune
Rapport faire societe communeUNI
 
Dossier : La Gouvernance
Dossier : La GouvernanceDossier : La Gouvernance
Dossier : La GouvernanceRachel Bocher
 
Memoire gestion-dministrative-financiere-institutions-sociales 2
Memoire gestion-dministrative-financiere-institutions-sociales 2Memoire gestion-dministrative-financiere-institutions-sociales 2
Memoire gestion-dministrative-financiere-institutions-sociales 2essa1988
 
Le socle programmatique de Sens commun
Le socle programmatique de Sens communLe socle programmatique de Sens commun
Le socle programmatique de Sens communAgathe Mercante
 
Bepa intergenerationnel
Bepa intergenerationnelBepa intergenerationnel
Bepa intergenerationnelIna Piperaki
 
La fin prochaine de l’homo economicus
La fin prochaine de l’homo economicusLa fin prochaine de l’homo economicus
La fin prochaine de l’homo economicusespenel
 
Rapport connaissance reconnaissance
Rapport   connaissance reconnaissanceRapport   connaissance reconnaissance
Rapport connaissance reconnaissanceUNI
 
Rapprocher la culture et l’économie sociale et solidaire
Rapprocher la culture et l’économie sociale et solidaireRapprocher la culture et l’économie sociale et solidaire
Rapprocher la culture et l’économie sociale et solidaireLa French Team
 
parentalite
parentaliteparentalite
parentaliteelanoita
 
Quand l’ESS et la culture se rencontrent
Quand l’ESS et la culture se rencontrentQuand l’ESS et la culture se rencontrent
Quand l’ESS et la culture se rencontrentLa French Team
 
Article ess notes_de_recherches_14-06
Article ess notes_de_recherches_14-06Article ess notes_de_recherches_14-06
Article ess notes_de_recherches_14-06Karim Mono
 
Comparaison Conciliation France Suede Uk Sciences Po 2005
Comparaison Conciliation France Suede Uk Sciences Po 2005Comparaison Conciliation France Suede Uk Sciences Po 2005
Comparaison Conciliation France Suede Uk Sciences Po 2005Jerome Messinguiral
 
Cours socio école
Cours socio écoleCours socio école
Cours socio écoleJulia Doz
 
Famille, familles: aspects sociologiques
Famille, familles: aspects sociologiquesFamille, familles: aspects sociologiques
Famille, familles: aspects sociologiquesCWEHF
 

Semelhante a Lobbies Et Politique Familiale (20)

21 - Volumes meetup 5
21 - Volumes meetup 521 - Volumes meetup 5
21 - Volumes meetup 5
 
M1 exposé comment les classes supérieures protestent-elles
M1 exposé   comment les classes supérieures protestent-elles M1 exposé   comment les classes supérieures protestent-elles
M1 exposé comment les classes supérieures protestent-elles
 
Webinar EEIE #11 : Lobbying et éthique
Webinar EEIE #11 : Lobbying et éthiqueWebinar EEIE #11 : Lobbying et éthique
Webinar EEIE #11 : Lobbying et éthique
 
La laïcité à l'épreuve du multiculturel et du multireligieux (Jean-Claude Ricci)
La laïcité à l'épreuve du multiculturel et du multireligieux (Jean-Claude Ricci)La laïcité à l'épreuve du multiculturel et du multireligieux (Jean-Claude Ricci)
La laïcité à l'épreuve du multiculturel et du multireligieux (Jean-Claude Ricci)
 
L’association communautaire comme processus d’intégration ? - Une étude compa...
L’association communautaire comme processus d’intégration ? - Une étude compa...L’association communautaire comme processus d’intégration ? - Une étude compa...
L’association communautaire comme processus d’intégration ? - Une étude compa...
 
Rapport faire societe commune
Rapport faire societe communeRapport faire societe commune
Rapport faire societe commune
 
Dossier : La Gouvernance
Dossier : La GouvernanceDossier : La Gouvernance
Dossier : La Gouvernance
 
Politiques De Vichy
Politiques De VichyPolitiques De Vichy
Politiques De Vichy
 
Memoire gestion-dministrative-financiere-institutions-sociales 2
Memoire gestion-dministrative-financiere-institutions-sociales 2Memoire gestion-dministrative-financiere-institutions-sociales 2
Memoire gestion-dministrative-financiere-institutions-sociales 2
 
Le socle programmatique de Sens commun
Le socle programmatique de Sens communLe socle programmatique de Sens commun
Le socle programmatique de Sens commun
 
Bepa intergenerationnel
Bepa intergenerationnelBepa intergenerationnel
Bepa intergenerationnel
 
La fin prochaine de l’homo economicus
La fin prochaine de l’homo economicusLa fin prochaine de l’homo economicus
La fin prochaine de l’homo economicus
 
Rapport connaissance reconnaissance
Rapport   connaissance reconnaissanceRapport   connaissance reconnaissance
Rapport connaissance reconnaissance
 
Rapprocher la culture et l’économie sociale et solidaire
Rapprocher la culture et l’économie sociale et solidaireRapprocher la culture et l’économie sociale et solidaire
Rapprocher la culture et l’économie sociale et solidaire
 
parentalite
parentaliteparentalite
parentalite
 
Quand l’ESS et la culture se rencontrent
Quand l’ESS et la culture se rencontrentQuand l’ESS et la culture se rencontrent
Quand l’ESS et la culture se rencontrent
 
Article ess notes_de_recherches_14-06
Article ess notes_de_recherches_14-06Article ess notes_de_recherches_14-06
Article ess notes_de_recherches_14-06
 
Comparaison Conciliation France Suede Uk Sciences Po 2005
Comparaison Conciliation France Suede Uk Sciences Po 2005Comparaison Conciliation France Suede Uk Sciences Po 2005
Comparaison Conciliation France Suede Uk Sciences Po 2005
 
Cours socio école
Cours socio écoleCours socio école
Cours socio école
 
Famille, familles: aspects sociologiques
Famille, familles: aspects sociologiquesFamille, familles: aspects sociologiques
Famille, familles: aspects sociologiques
 

Mais de Jerome Messinguiral

Symposium de la médiation professionnelle 2015
Symposium de la médiation professionnelle 2015Symposium de la médiation professionnelle 2015
Symposium de la médiation professionnelle 2015Jerome Messinguiral
 
Presentation dev co - cabinet alteem
Presentation   dev co - cabinet alteemPresentation   dev co - cabinet alteem
Presentation dev co - cabinet alteemJerome Messinguiral
 
Forum de la médiation professionnelle en AQuitaine
Forum de la médiation professionnelle en AQuitaineForum de la médiation professionnelle en AQuitaine
Forum de la médiation professionnelle en AQuitaineJerome Messinguiral
 
La médiation professionnelle, votre atout qualité relationnelle
La médiation professionnelle, votre atout qualité relationnelleLa médiation professionnelle, votre atout qualité relationnelle
La médiation professionnelle, votre atout qualité relationnelleJerome Messinguiral
 
Petite enfance et parentalité, Gérard Neyrand
Petite enfance et parentalité, Gérard NeyrandPetite enfance et parentalité, Gérard Neyrand
Petite enfance et parentalité, Gérard NeyrandJerome Messinguiral
 
Conference autorite parentale novembre 2011
Conference autorite parentale novembre 2011Conference autorite parentale novembre 2011
Conference autorite parentale novembre 2011Jerome Messinguiral
 
Divorces, ils ont reveille leur paternite.
Divorces, ils ont reveille leur paternite.Divorces, ils ont reveille leur paternite.
Divorces, ils ont reveille leur paternite.Jerome Messinguiral
 
Résultats du questionnaire de satisfaction client des usagers de la médiation...
Résultats du questionnaire de satisfaction client des usagers de la médiation...Résultats du questionnaire de satisfaction client des usagers de la médiation...
Résultats du questionnaire de satisfaction client des usagers de la médiation...Jerome Messinguiral
 
Brochure autorite parentale en milieu scolaire
Brochure autorite parentale en milieu scolaireBrochure autorite parentale en milieu scolaire
Brochure autorite parentale en milieu scolaireJerome Messinguiral
 

Mais de Jerome Messinguiral (20)

Symposium de la médiation professionnelle 2015
Symposium de la médiation professionnelle 2015Symposium de la médiation professionnelle 2015
Symposium de la médiation professionnelle 2015
 
Presentation dev co - cabinet alteem
Presentation   dev co - cabinet alteemPresentation   dev co - cabinet alteem
Presentation dev co - cabinet alteem
 
Forum de la médiation professionnelle en AQuitaine
Forum de la médiation professionnelle en AQuitaineForum de la médiation professionnelle en AQuitaine
Forum de la médiation professionnelle en AQuitaine
 
La médiation professionnelle, votre atout qualité relationnelle
La médiation professionnelle, votre atout qualité relationnelleLa médiation professionnelle, votre atout qualité relationnelle
La médiation professionnelle, votre atout qualité relationnelle
 
1 semainesur2
1 semainesur21 semainesur2
1 semainesur2
 
Petite enfance et parentalité, Gérard Neyrand
Petite enfance et parentalité, Gérard NeyrandPetite enfance et parentalité, Gérard Neyrand
Petite enfance et parentalité, Gérard Neyrand
 
Conference autorite parentale novembre 2011
Conference autorite parentale novembre 2011Conference autorite parentale novembre 2011
Conference autorite parentale novembre 2011
 
Journée du Genre Toulon
Journée du Genre ToulonJournée du Genre Toulon
Journée du Genre Toulon
 
Programme colloque lfsm 2011
Programme colloque lfsm 2011Programme colloque lfsm 2011
Programme colloque lfsm 2011
 
Invitation "ne dis rien"
Invitation "ne dis rien"Invitation "ne dis rien"
Invitation "ne dis rien"
 
Flyer "ne dis rien"
Flyer "ne dis rien"Flyer "ne dis rien"
Flyer "ne dis rien"
 
Divorces, ils ont reveille leur paternite.
Divorces, ils ont reveille leur paternite.Divorces, ils ont reveille leur paternite.
Divorces, ils ont reveille leur paternite.
 
Ag inavem 2011
Ag inavem 2011Ag inavem 2011
Ag inavem 2011
 
Résultats du questionnaire de satisfaction client des usagers de la médiation...
Résultats du questionnaire de satisfaction client des usagers de la médiation...Résultats du questionnaire de satisfaction client des usagers de la médiation...
Résultats du questionnaire de satisfaction client des usagers de la médiation...
 
Cine conference sos femmes
Cine conference sos femmesCine conference sos femmes
Cine conference sos femmes
 
Homophobie tetu 2011 lite
Homophobie tetu 2011 liteHomophobie tetu 2011 lite
Homophobie tetu 2011 lite
 
Homophobie tetu 2011 lite
Homophobie tetu 2011 liteHomophobie tetu 2011 lite
Homophobie tetu 2011 lite
 
Brochure autorite parentale en milieu scolaire
Brochure autorite parentale en milieu scolaireBrochure autorite parentale en milieu scolaire
Brochure autorite parentale en milieu scolaire
 
Grenoble mars 2011
Grenoble mars 2011Grenoble mars 2011
Grenoble mars 2011
 
Center presse APH IRFA Sud
Center presse APH IRFA SudCenter presse APH IRFA Sud
Center presse APH IRFA Sud
 

Lobbies Et Politique Familiale

  • 1. Comment fabriquer une politique sociale ? Les acteurs des politiques sociales Le rôle des lobbies dans la politique familiale Michel Chauvière – sociologue En France, on dit souvent que la famille est une affaire d’État. Il ne faudrait pas, pour autant, mésestimer le rôle du mouvement familial dans les très nombreux domaines qui concernent de près ou de loin les familles. En effet, la mobilisation pour les familles est aussi une mobilisation des familles elles-mêmes, entre services et lobbying. Légalement représentées dans de nombreux institutions et organismes, les familles organisées sont ainsi devenues un partenaire incontournable de l’action publique. Le cas du champ familial paraît assez exemplaire du point de vue des lobbies. Si lobby il y a en l’espèce, car cette qualification fait d’emblée problème tant, dans notre pays, ce type de groupe d’intérêt et de pression a connu une institutionnalisation ancienne, forte et originale. Au demeurant, c’est souvent une sorte d’angle mort dans l’analyse des politiques sociales. Trop peu de travaux monographiques décrivent l’espace/temps, les modes d’action et l’impact des lobbies. Plus rares encore sont ceux qui analysent le fonctionnement concret des institutions intermé- diaires, pourtant très nombreuses, entre démocratie consultative, partenariat et régulation concurrentielle. C’est pourtant là que les lobbies s’efforcent d’être présents, ne serait-ce que pour rencontrer les pouvoirs qu’ils cherchent à influencer. Nous procéderons ici en trois temps. Après un rappel des caractéristiques du champ familial français sous l’angle des acteurs, des institutions et des politiques, nous évoquerons quelques exemples pour illustrer et relativiser la thèse du lobbying. Enfin, nous proposerons une réflexion sur quelques déterminants de l’action publique. Les mobilisations pour la famille Le mouvement familial français naît au tournant du XXe siècle, parmi d’autres mobilisations sociales (Talmy, 1962 ; Chauvière, 2000). Il se 70 Informations sociales n° 157
  • 2. Comment fabriquer une politique sociale ? Les acteurs des politiques sociales compose d’associations d’action générale et d’associations plus sectorielles ou spécialisées, souvent regroupées en fédérations et en confédérations. Les problèmes de la natalité émergent, en milieu républicain, grâce à l’Alliance nationale “ (...) la stratégie catholique face contre la dépopulation du D Bertillon en à la question ouvrière et au péril socialiste passe r 1896, une stratégie de pression politique à notamment par le réarmement moral des familles “ l’instigation d’une partie de l’élite. Ces et par la création de services ad hoc. experts sont fortement relayés au Parlement. Aux mêmes dates, la stratégie catholique face à la question ouvrière et au péril socialiste passe notamment par le réarmement moral des familles et par la création de services ad hoc. L’abbé Viollet crée, au début du XXe siècle à Paris, des associations pour le logement ouvrier et les œuvres du Moulin-vert (Gardet, 2004). D’autres initiatives sont plus locales : celles du patronat catholique du Nord durant la période 1914-1918, relayées par les jésuites, pendant que les associations catholiques de chefs de famille défenseurs de l’école privée se créent après 1905, etc. Pour rechristianiser les classes popu- laires, l’action doit être globale, morale, éducative et sociale tout à la fois. Enfin, des familles nombreuses s’organisent, avec la singulière Ligue populaire des pères et mères de familles nombreuses du capitaine Simon Maire, à partir de 1908. Encore marquée par l’idéologie catholique de la famille et par le projet d’une moralisation de la société contre le néo- malthusianisme, cette ligue innove par sa forme quasi syndicale et par ses modes d’action. Sans oublier le vote familial (Le Naour, 2005). Après 1945, ces courants constitueront la fédération Familles de France. Une autre vague d’associations apparaît à la fin des années trente, dans le sillage de l’action catholique spécialisée. Partant d’un mouvement de foyers Joc (Jeunesse ouvrière chrétienne)/JOCF (Jeunesse ouvrière chrétienne fémi- nine), apparaît en 1941 le MPF (Mouvement populaire des familles), ancêtre de l’actuelle CSF (Confédération syndicale des familles) et de la CLCV (Consommation, logement et cadre de vie, qui est hors champ familial depuis 1975). S’impose une conception syndicale des intérêts familiaux populaires, impliquant un système de représentation, des services et des revendications collectives (GRMF, 1985 et 2002). Côté rural, la CNFR (Confédération nationale de la famille rurale), aujourd’hui Familles rurales, naît de la Jac (Jeunesse agricole chrétienne) et de la Corporation paysanne. Les associations familiales laïques ne voient le jour qu’en 1967. Au plan politique, c’est en 1942 (avec la loi Gounot) qu’aboutit la revendica- tion ancienne d’une représentation des « intérêts familiaux » (matériels et moraux). Après républicanisation par ordonnance en 1945, se créent l’Unaf (Union nationale des associations familiales) et les Udaf (Unions départe- mentales des associations familiales). Il s’agit de représenter officiellement les familles auprès des pouvoirs publics, de donner des avis à ces derniers sur les questions d’ordre familial, de gérer des services d’intérêt familial, comme, n° 157 Informations sociales 71
  • 3. Comment fabriquer une politique sociale ? Les acteurs des politiques sociales plus tard, la tutelle aux prestations familiales. Depuis une loi de 1953, le dispositif est financé sur fonds publics (grâce à l’assiette des allocations fami- liales), ce qui installe solidement et durablement le mouvement familial et son institution dans l’espace public, comme “ Les fédérations historiques constituent autour duquel gravite tout un ensemble “ lobby officiel. Il peut ainsi légitimement le noyau dur du familialisme institutionnel (...) peser sur l’action publique, en disposant par exemple de dix représentants au Conseil économique et social. Cette présence des d’organisations d’orientation familiale, « familiaux » est importante, quoique sou- parentale ou sociale. vent ignorée (Minonzio et Vallat, 2006). Les fédérations historiques constituent le noyau dur du familialisme institutionnel (1) autour duquel gravite tout un ensemble d’organisations d’orientation familiale, parentale ou sociale. Mais il est aussi des absences significatives : ainsi des fédérations de parents d’élèves, de l’École des parents et des éducateurs, des mouvements féministes, des mouvements homoparentaux et des familles étrangères. Ce n’est pas le cas dans tous les pays européens. Un groupe d’intérêt en actes Dès avant la création de l’impôt sur le revenu (1914), sur pression des nata- listes et des « familiaux », des dégrèvements fiscaux favorisent les familles nombreuses nécessiteuses. Il existe toujours diverses réductions accordées aux familles pour la consommation de certains biens ou services, tant au niveau national que communal, sans oublier les stratégies commerciales. Par exemple, sur les transports ferroviaires. C’est pendant la Première Guerre mondiale que certaines compagnies de chemin de fer commencent à accorder des « billets de famille » pour favoriser la rencontre des familles nombreuses avec leurs soldats (pères ou fils). Puis, en 1920, les associations familiales et leurs porte-parole à l’Assemblée font adopter une loi instaurant une carte de réduction « Familles nombreuses » (de 30 % à 70 % selon le nombre d’enfants) sur les tarifs de chemin de fer qui venaient d’être sensi- blement relevés, carte qui fera office de carte d’identité familiale. Cette mesure ne devait plus jamais être remise en question jusqu’à tout récem- ment. Ce qui n’a pas manqué de susciter une vive polémique et un ajustement rapide du projet gouvernemental. Il en va de même de toutes sortes d’arrangements, le plus souvent sans conditions de ressources, progressivement obtenus au bénéfice de la famille sous ses différentes formes : les congés pour événements familiaux, les congés de maternité, l’allocation parentale d’éducation, l’allocation de présence parentale, le supplément familial pour les fonctionnaires, le rapprochement de conjoints… Plus près de nous, les lobbies se réclamant de la famille ont été actifs dans la plupart des débats des IVe et Ve Républiques (Chauvière et Kertudo, 2006) : 72 Informations sociales n° 157
  • 4. Comment fabriquer une politique sociale ? Les acteurs des politiques sociales qu’il s’agisse de la spécificité des Caf dans la Sécurité sociale (Bussat, 2003), du logement ou du niveau des allocations, sans oublier la bataille contre l’avortement, en 1975, puis l’exigence de son application sans discrimination, ensuite “ Une action symbolique significative est (Chauvière et Carouge, 1982). Une action la déclaration des droits de la famille, en 1989, symbolique significative est la déclaration des par l’Unaf, en congrès à Bordeaux, en présence “ droits de la famille, en 1989, par l’Unaf, en du président François Mitterrand. congrès à Bordeaux, en présence du prési- dent François Mitterrand. Cependant, l’Unaf n’ayant pas d’autorité législa- tive, cette déclaration reste sans valeur normative. Les conférences de la famille La création de ce rendez-vous annuel représente une innovation pour la politique familiale. Un premier cycle de conférences apparaît en 1982 et fonctionne jusqu’en 1991. Il ne réunit que le gouvernement et le mouve- ment familial. Peu de décisions concrètes en sortent. Un second cycle commence en 1996. Les conférences sont présidées par le Premier ministre et réunissent, outre les représentants familiaux, les partenaires sociaux et des élus. Le gouvernement y annonce sa politique, ce qui consolide cette « mise en scène » de la politique familiale. La stratégie de l’Unaf étant de « familia- liser » les questions sociales, ces manifestations en sont l’occasion, dans une conjoncture favorable, vu les attentes à l’égard de la famille dans la lutte contre l’exclusion ou pour l’accueil du troisième âge – ce que l’on appelle la « solidarité familiale » (Chauvière et Messu, 2003). Pour la droite comme pour la gauche, c’est un thème consensuel et une solution qui ne coûte pas trop cher. Certains analystes n’y ont vu que promotion “ (...) ces conférences de la famille n’ont plus gouvernementale et pure communication. été réunies depuis l’élection de Nicolas Sarkozy L’Unaf et des observateurs ont, au contraire, considéré que ce « grand oral » annuel gardait à la présidence française. “ toute son importance au plan concret et symbolique. Ces conférences confirment en tout cas la position institutionnelle privilégiée du mouvement familial organisé. C’est là un lieu de consultation – certes parmi beaucoup d’autres – où le mouvement familial est présent et actif pour tenter de peser sur la décision publique. Pour autant, ces conférences de la famille n’ont plus été réunies depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence française. Contre la mise sous conditions de ressources des allocations familiales En juin 1997, Lionel Jospin annonce haut et fort la mise sous conditions de ressources des allocations familiales ainsi qu’une modulation de l’Allocation de garde d’enfant à domicile (Aged) (2) (Chauvière, 1999). C’est sans comp- ter avec le lobbying familial, de l’Unaf à la Cnaf, à droite mais aussi à gauche. n° 157 Informations sociales 73
  • 5. Comment fabriquer une politique sociale ? Les acteurs des politiques sociales La stratégie est classique mais efficace : animation du débat public via diffé- rents quotidiens et hebdomadaires, avec deux principaux thèmes – égalité contre équité, parfois solidarité contre politique sociale et droits de l’enfant –, mobilisation d’experts, relais des syndicats (surtout de la Confédération fran- çaise des travailleurs chrétiens - CFTC), saisie des députés dans leurs circonscriptions et même une manifestation de rue à l’instigation des milieux les plus conservateurs, sur le thème « On tue la famille ». Si bien que moins d’un an plus tard, lors de la conférence de la famille du 12 juin 1998, le même gouvernement rétablit l’universalité de ces prestations, choisissant plutôt d’abaisser le plafond du quotient familial. Loin d’être un simple changement technique, cette réorientation révèle le poids réel du familialisme politique dans l’action publique quand l’enjeu est de cette nature. Dans le domaine du familial, il existe, en effet, quelques difficultés récurrentes concernant les valeurs et les modalités de la solidarité. Les réformateurs s’y sont heurtés. Pour l’Unaf, les arguments sont assez simples : la politique familiale n’est pas une politique sociale, mais une politique de solidarité destinée à com- penser le coût de l’enfant ; le Premier ministre fait l’impasse sur les familles dans le pacte républicain ; pour atteindre les objectifs sociaux visés, il faut avant tout engager une vraie réforme fiscale… La CFTC, qui veille spéciale- ment sur la Cnaf, apparaît tout à la fois comme étant la plus ferme sur les principes et la plus ouverte à des solutions alternatives, telles que la fiscalisa- tion sous certaines conditions. Face à ce “ Les mouvements familiaux porteurs front, tout en attendant la prochaine confé- d’intérêts tout à la fois particuliers et globaux rence de la famille en juin 1998 pour en (à défaut d’incarner l’intérêt général) y gagnent « rediscuter avec les partenaires sociaux », le “ gouvernement confie à quatre experts en légitimité, et avec eux une certaine forme de l’analyse de la nouvelle question familiale. démocratie sociale contre les experts. Finalement, le débat retombe assez vite. Il révèle cependant de la part des autorités politiques une relative méconnaissance des acteurs sociaux concernés et de l’histoire. Les mouvements familiaux porteurs d’intérêts tout à la fois particuliers et globaux (à défaut d’incarner l’intérêt général) y gagnent en légitimité, et avec eux une certaine forme de démocratie sociale contre les experts. De la famille à la parentalité La politique de la parentalité apparaît en France au milieu des années 1990, notamment dans les Réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (Réaap). Cette orientation profite d’un fort consensus normatif (Chauvière, 2002). Les plus moralistes dans le clan familial jugent beaucoup de parents notoirement irresponsables et soutiennent l’urgence d’agir contre la maltraitance. Les autres retrouvent des accents d’éducation populaire ou d’autoformation. Le bilan le plus complet des Réaap est d’ailleurs concocté 74 Informations sociales n° 157
  • 6. Comment fabriquer une politique sociale ? Les acteurs des politiques sociales à l’Unaf (Ribes, 2003). Le lien à l’enfant étant considéré comme indissoluble, le parent devient l’acteur incontournable de tout travail socio-éducatif ; c’est assurément une catégorie mieux adaptée aux changements contemporains, notamment à l’essor du commerce des servi- ces à la personne ou à la famille (Chauvière, 2003). Le « soutien à la parentalité » se fait désormais tout en propositions, sans être “ Le « soutien à la parentalité » se fait désormais tout en propositions, jamais trop prescriptif, ne serait-ce que pour sans être jamais trop prescriptif, ne serait-ce “ ne pas attenter aux libertés individuelles et que pour ne pas attenter aux libertés publiques. Le familial en sort fortifié et les individuelles et publiques. mouvements les plus militants, tels que la CSF, sont localement très engagés dans le soutien actif à la responsabilité parentale. Cependant, les grandes associations qui militent pour la défense des « intérêts matériels et moraux » des familles continuent de réclamer envers et contre tout une politique globale, en profitant conjoncturellement des conférences de la famille et du rapport de forces créé par le projet Jospin de mise sous conditions de ressources des allocations familiales. Les grandes dates de l’incorporation progressive du familial dans l’action publique 1913 : Des textes visent la situation des « familles nombreuses nécessiteuses ». En 1914, le quotient familial valide le slogan : « familles créancières de la nation » (Antomarchi, 2000). 1920 : « Chambre bleu horizon » et première politique familiale globale. Plusieurs « familiaux » sont ministres (comme le socialiste Jules-Louis Breton, au ministère de la Prévoyance, de l’Hygiène et de l’Assistance) ; apparaissent un Conseil supérieur de la natalité, une déclaration des droits de la famille, des lois d’« encouragement » et d’autres répressives (relatives à l’avortement et à la contraception). 1932 : Loi sur la généralisation des allocations familiales. Celles-ci deviennent un droit et un système d’aide aux familles mais aussi une occasion de contrôle et d’intervention publique. 1939 : Code de la famille et de la natalité françaises (Chauvière et Bussat, 2000). Il vise les aides accordées à la famille, la protection de la famille et diverses dispositions fiscales, toutes mesures reconnaissant le fait familial (ancêtre du Code de l’action sociale et des familles, 2001). 1940-1942 : Vichy et « Travail, Famille, Patrie » changent les objectifs et les modalités de l’action publique. La loi Gounot, inspirée du corporatisme d’État, donne un statut exorbitant aux associations de familles et dote le « corps familial » d’un monopole de représentation des familles. 1945 : Le gouvernement provisoire républicanise par ordonnance l’héritage juridique et institutionnel de la loi Gounot, en allégeant la tutelle et en libéralisant l’édifice à sa base. Maintien du principe d’unicité nationale et départementale, ainsi que des missions spécifiques (à l’exclusion de la propagande). 1946 : La Sécurité sociale intègre une branche famille, avec conflits entre les forces politiques du tripartisme (Parti communiste, socialistes et Mouvement républicain populaire), ce qui hisse la question familiale au rang de priorité nationale. « Âge d’or de la politique familiale » (Antoine Prost) et de l’administration de la « population ». 1975 : Réforme de l’Unaf, cogestion interne entre Udaf et mouvements d’action générale. 1981 : Retour du référentiel « Famille » dans l’écriture administrative, avec un secrétariat d’État à la famille (Georgina Dufoix). Puis premières conférences annuelles de la famille, avec les mouvements familiaux. n° 157 Informations sociales 75
  • 7. Comment fabriquer une politique sociale ? Les acteurs des politiques sociales À ces quelques exemples, on devrait encore ajouter les actions au plan européen (Vallat, 2008), notamment via la Confédération des organisations familiales près des communautés européennes (Coface), et au plan interna- tional, notamment via l’Union internationale des organismes familiaux (UIOF). La pression française a été spécialement déterminante sur la décision d’une Année internationale de la famille en 1994 et sur le choix du slogan : la famille « plus petite unité démocratique au cœur de la société ». Au final, on peut voir dans cette activité permanente de représentation, de veille, de contrôle, d’expertise, de propositions et parfois même de création normative, une sorte de néofamilialisation du social, plus officielle que privée, opérant dans les nombreux plis de la vie quotidienne, là où la famille est concernée pour ses membres et comme telle, mais aussi par où la famille se relégitime en s’adaptant comme « regard sur le monde » et petite souveraineté opposable (Chauvière, 2006). Entre représentation institutionnelle et lobbying Avec la solution institutionnelle trouvée entre 1942 et 1945, les familles orga- nisées sont considérées non seulement comme représentant les « intérêts matériels et moraux des familles de France » selon la formule consacrée, mais encore comme dépositaires d’une part de citoyenneté, du moins à partir de la Libération et lors des élections sociales des années 1940. S’incorporant “ L’intérêt familial ne vaut pas seulement comme l’intérêt bien compris des familles ou encore de tel ou tel type de famille. à l’action publique, les familles deviennent “ ainsi légalement représentables dans de nombreuses instances et institutions inter- médiaires (Chauvière et Jaeger, 2005). À ce titre, les « familiaux » participent à la gestion paritaire des caisses d’allocations familiales. Les droits des usagers y trou- vent une origine. Le bénéfice en est élargi et imposé par la loi à toutes les familles de France, mais beaucoup l’ignorent. Depuis 1945, ce montage est pérenne dans le paysage institutionnel, d’une République à l’autre, quoique controversé dans certains milieux, notamment laïques et féministes. L’intérêt familial ne vaut pas seulement comme l’intérêt bien compris des familles ou encore de tel ou tel type de famille. L’institutionnalisation et le monopole marquent aussi la reconnaissance de la légitimité publique de ces intérêts et des moyens « démocratiques » de les défendre. Mais le groupe d’intérêt en question reste relativement clos sur lui-même, avec des règles d’entrée (prévues dans le Code de l’action sociale et des familles - CASF), des exclusions malgré des demandes réitérées (notamment de la part de l’Association des parents gays et lesbiens - APGL) et un système discutable de partage des avantages matériels (le « fonds spécial »). Le lobby familial montre une forte structuration verticale et horizontale, avec un processus interne de professionnalisation qui le dispute aux militants. D’où un certain pluralisme interne et des marges de manœuvre dans les 76 Informations sociales n° 157
  • 8. Comment fabriquer une politique sociale ? Les acteurs des politiques sociales organisations fédérées, mais aussi des majorités parfois à front renversé et des oppositions feutrées, traitées en interne. Le poids du financement est plus que jamais déterminant dans l’institution et dans les organisations concernées “ qui en bénéficient. Si on analyse les répertoires d’action, on voit Les « familiaux » ne participent guère que les moyens utilisés sont particulièrement à la lutte pour le pouvoir gouvernemental, socialisés, opérant notamment dans tous les se contentant de questionner, d’interpeller, espaces intermédiaires de concertation ou de voire de soumettre des dossiers aux consultation, en périphérie des autorités publiques. Les « familiaux » ne participent guère à la lutte pour le pouvoir gouverne- politiques en compétition. “ candidats des différentes formations mental, se contentant de questionner, d’interpeller, voire de soumettre des dossiers aux candidats des différentes formations politiques en compétition. Ils ne se confondent pas avec les admi- nistrations que pourtant ils fréquentent très assidûment, parfois jusqu’à la connivence. Partout, ils veulent incarner une expertise autorisée. Pour autant, malgré cette forte intégration, quand les circonstances les y obligent, ils s’au- torisent des pas de côté et des critiques en langage diplomatique. En somme, en accueillant nombre d’idées et des représentants dans les insti- tutions légitimes de second ordre (du type Conseil économique et social), le pouvoir politique coupe tout risque majeur d’opposition sur ce front. C’est un système néocorporatiste, puisque c’est l’État qui a accordé le monopole de la représentation des intérêts familiaux à une unique organisation fédérale. Cependant, son pluralisme interne et le fait que nulle famille n’est obligée d’adhérer à ce type de mouvement en modulent singulièrement la portée. Finalement, le lobby est plus instrumentalisé dans le jeu démocratique qu’il ne le menace par son existence et par ses prises de position. *** Comment apprécier l’impact de ce mouvement social sur la définition et le cours des politiques familiales ? Est-il déterminant ou insignifiant ? Comment en juger ? Rappelons d’abord que, par-delà les performances affichées par les diffé- rents pays membres de l’Union européenne, qui ne sont pratiquement jamais rapportées à l’existence ou non d’un mouvement familial national, la France se caractérise en Europe par une politique familiale des plus explicites, dont les niveaux sont estimés comme globalement généreux et qui est peut-être même l’une des mieux assumées, y compris par la gauche gouvernementale. C’est le paradoxe d’une République qui s’est largement construite contre la souveraineté familiale, puis qui l’a incorporée. Le lobbying officiel des mouve- ments et des unions n’est pas seul engagé dans ce résultat, mais il est l’une des pièces maîtresses d’un vaste réseau institutionnel qui, jusqu’à ce jour, résiste assez bien à l’usure du temps. La Cnaf y figure également, sorte d’alter ego de l’Unaf. n° 157 Informations sociales 77
  • 9. Comment fabriquer une politique sociale ? Les acteurs des politiques sociales Si les points d’appui de ce familialisme à la française, unique en Europe, sont anciens, ils sont aussi bien enracinés dans la société. Au plan philosophique, il a incarné, et sans doute continue-t-il de le faire pour partie, une réactivité, plus ou moins totalisante, contre les excès de l’individualisme républicain (3). Aujourd’hui, la parentalité renouvelle cette perspective (Chauvière, 2008). Au plan social, il porte des initiatives proches du mutuellisme et de l’écono- mie sociale. Certaines pratiques annoncent effectivement le syndicalisme des locataires, des consommateurs et, plus largement, celui des usagers. De même, la philosophie familialiste reste très proche des thèses d’origine catho- lique sur la subsidiarité, sur l’autonomie sociale locale ou de voisinage, thèses réactivées et même légitimées depuis la décentralisation, les politiques de la ville, aux risques du communautarisme, et aussi depuis la construction euro- péenne. Voilà aussi pourquoi le lobby perdure, même s’il recrute moins et si la présidence Sarkozy semble, pour l’heure, en faire beaucoup moins cas que ses prédécesseurs. Notes 1 - Le familialisme peut être défini comme une forme d’action collective, marquée par l’hypertrophie de la raison familiale dans la conception et dans la conduite des affaires publiques, bien au-delà de la seule sphère domestique ou des prestations familiales. Il fait de la famille – et pas seulement de l’individu (homme, femme ou enfant) – l’unité référentielle de politiques publiques en matière de population, de protection, de redistribution, d’emploi, de citoyenneté… Celle-ci devient la médiation principale entre l’État et les citoyens, constituant même un modèle de société « démocratique », concurremment à l’in- dividualisme citoyen. En Angleterre, par exemple, la question familiale reste consubstantielle à la société et n’est pas détachée comme chez nous (Bussat et Chauvière, 1997). 2 - L’Aged allégeait les charges sociales pour l’employé(e) de maison gardant les enfants d’un couple qui travaille. C’était aussi, indirectement, une mesure en faveur de l’emploi. 3 - Les travaux de quelques juristes tels que Maurice Hauriou ou Emmanuel Gounot ont été décisifs sur ce terrain. Bibliographie Antomarchi V., 2000, Politique et famille sous la IIIe République (1870-1914), Paris, L’Harmattan. Bussat V., 2003, « Les “familiaux” : genèse d’un groupe d’acteurs en 1913 et consolidation institutionnelle sous la IVe République », thèse de sociologie, Université Paris-I-Sorbonne. Bussat V. et Chauvière M., 1997, « Les intérêts familiaux à l’épreuve d’une com- paraison France-Angleterre. Étude sur une catégorie d’action publique », Gapp/CNRS, rapport pour la Cnaf, 185 p., inédit ; en partie repris dans « Approches comparées du champ familial. Les réseaux de défense des inté- rêts familiaux en France et en Angleterre », Recherches et Prévisions, Cnaf, n° 52, juin 1998. 78 Informations sociales n° 157
  • 10. Comment fabriquer une politique sociale ? Les acteurs des politiques sociales Chauvière M., 1999, « Équité, mon beau souci. Retour sur quelques enjeux de la réforme des allocations familiales », Sociétés et représentations, hors-série « Protection sociale : quelle réforme ? », Credhess, septembre, p. 184-204 ; 2000, « Mobilisations familiales et intérêts familiaux », in Chauvière M., Sassier M. et al. (dir.), Les implicites de la politique familiale, approches historiques, juridiques et politiques, Paris, Dunod, p. 75-86 ; 2002, « De la famille à la parentalité. Simple ajustement ou redéfinition normative ? », in Vossier B. (dir.), La parentalité en questions. Problématiques et pratiques professionnelles, Andesi/ESF, p. 55-67 ; 2003, « Quatre cibles pour le familial, dans une perspective historique », Informations sociales, n° 108, « Le ciblage en question(s) », p. 38-47 ; 2004, Le travail social dans l’action publique. Sociologie d’une qualification controver- sée, Paris, Dunod ; 2006, « Enjeux de la néofamilialisation de l’État social », colloque Matisse, Paris-I, « État et régulation sociale », septembre, accès sur http://matisse.univ-paris1.fr/colloque-es/pdf/articles/chauviere.pdf ; 2008, « La parentalité comme catégorie de l’action publique », Informations sociales, n° 149, « Nouvelles figures de la parentalité », p. 16-29. Chauvière M. et Bussat V., 2000, Famille et codification. Le périmètre du fami- lial dans la production des normes, Paris, La Documentation française. Chauvière M. et Carouge F., 1982, « L’Unaf, le droit de la famille et l’intérêt de l’enfant », Actes, cahiers d’action juridique, nos 35-36, premier trimestre, p. 13-20. Chauvière M. et Jaeger M., 2005, « Démocratie consultative ou administra- tion consultative ? Les enjeux des conseils », Vie sociale, Cédias, n° 2, « Vingt ans de Conseil supérieur du travail social », p. 97-106. Chauvière M. (coord.) avec la collaboration de Kertudo P., 2006, Les mouve- ments familiaux et leur institution en France. Anthologie historique et sociale, Paris, Cahier d’histoire de la Sécurité sociale, n° 3, 640 p. Chauvière M. et Messu M., 2003, « Les apories de la solidarité familiale. Contribution à la sociologie des configurations de justice entre les familles et l’État, dans le cas français », Sociologie du travail, vol. 45, n° 3. Gardet M., 2004, Jean Viollet et l’apostolat laïc. Les œuvres du Moulin-Vert (1902-1956), Paris, Beauchesne. Groupement pour la recherche sur les mouvements familiaux (GRMF), 1985, « L’action familiale ouvrière et la politique de Vichy », Les Cahiers du GRMF, n° 3 ; 2002, « La solidarité en actes. Services collectifs et expression des usa- gers dans le Mouvement populaire des familles (1940-1955) », Les Cahiers du GRMF, n° 11. Le Naour J.-Y., 2005, La famille doit voter. Le suffrage familial contre le vote individuel, Paris, Hachette littératures. Minonzio J. et Vallat J.-P., 2006, « Évolution de la représentation des intérêts familiaux et des politiques familiales : rôle et spécificités de l’Union nationale des associations familiales (Unaf) », in Chauvière M. (coord.), 2006. Ribes B., 2003, L’accompagnement des parents, Paris, Dunod. Talmy R., 1962, Histoire du mouvement familial (1896-1939), Paris, éd. Uncaf, 2 tomes, préface du Dr Montsaingeon. Vallat J.-P., 2008, « La représentation des intérêts familiaux en Europe », Recherches familiales, Unaf, n° 5, « Familles et Europe », p. 15-32. n° 157 Informations sociales 79