4. Y A-T-IL EU PLAFONNEMENT
DE NOTRE CROISSANCE NON AGRICOLE ?
Durant la dernière décennie, les vannes du
financement bancaire ont été ouvertes à
leur débit maximum…
3
Cela dit, la croissance du PIB n’a pas suivi
la même courbe de progression que celle
qu’ont connue les crédits à l’économie…
Cela s’explique peut-être par le fait que le
financement bancaire ait été davantage
canalisé vers le financement immobilier
(promotion et acquisition) que vers
l’investissement industriel…
…alors que l’investissement immobilier
revêt une dimension sociale très importante
qui n’est pas quantifiable en points
de PIB…
Economiste
Rabie Baddou
+212 522 43 68 01
r.baddou@attijariwafa.com
5.
6. Y a-t-il eu plafonnement de notre croissance non agricole ?
Préambule................................................................................................. 7
Durant la dernière décennie, les flux du financement bancaire ont été
ouverts à leur débit maximum................................................................ 9
La distribution des crédits s’est effectuée largement en faveur des crédits
immobiliers ................................................................................................................ 10
…en grande partie, grâce à la politique du logement social ................................ 10
Le financement bancaire s’est davantage dirigé vers le financement immobilier
- Promotion et acquisition - que vers l’investissement industriel… ....................... 11
…alors que cet investissement immobilier revêt une dimension sociale très
importante qui n’est pas quantifiable en points de PIB. ........................................ 12
5
En 2009, la croissance des crédits a largement décéléré,
demeurant tout de même à un niveau très convenable..................... 13
Une accélération de la croissance des crédits à l’équipement en 2009… ............. 13
…ce qui traduit le maintien de confiance dans une croissance économique
soutenue à long terme. ............................................................................................ 13
Malgré tout, en absolu comme en relatif, une croissance des crédits
à un rythme de 10% demeure un niveau très appréciable. ................................... 14
C’est au niveau des ressources que les inquiétudes ressurgissent. ....................... 15
Dans les années à venir, la croissance des crédits devrait connaître
une nouvelle phase d’accélération…
Le PIB non agricole y sera sans doute un peu plus corrélé. ................ 16
En 2010, la croissance des crédits continue sa décélération,
sa croissance ne devrait pas être inférieure à 8%................................................... 17
Dès 2011, une nouvelle phase d’accélération devrait lui succéder ........................ 19
Elle sera bien plus douce que celle que nous avons connue en 2006…
et ce n’est pas plus mal. ............................................................................................ 19
7.
8. Y a-t-il eu plafonnement de notre croissance non agricole ?
Préambule
L
e lien qui existe entre le rythme de la été 6,5% en 2007, et il faut revenir 17 années
croissance économique et celui de la plus tôt, c’est-à-dire en 1990 pour retrouver un
croissance des crédits est très étroit. Le niveau similaire (6,4%).
deuxième explique souvent le premier. Cela dit,
Selon nous, la réponse à cette impression de
la corrélation entre les deux composantes n’est
plafonnement ne pouvait se retrouver que dans
pas toujours parfaite. Pour le cas de l’économie
l’analyse des catégories de crédits qui furent
marocaine, la constatation de cette dispropor-
accordés durant cette période au financement
tionalité a attiré notre attention en comparant,
de notre économie.
sur les dix dernières années, d’une part l’évo-
lution des crédits à l’économie et d’autre part Il fallait donc trouver une réponse ; d’autant plus
celle du PIB non agricole (1). que cette impression de plafonnement laissait
la place à une autre impression, celle que nos
Ainsi, sur la période allant de 2001 à 2005, la
crédits contribuent de manières très peu effica-
croissance moyenne des crédits à l’économie
ces à notre croissance globale. N’est-il pas vrai
a été de 6% pour une croissance non agricole
qu’un pays comme la Chine, érigé en modèle
moyenne de 4%. Sur les trois années qui sui-
en matière de croissance économique, connaît
virent (2006-2008), la croissance moyenne des
depuis 10 ans une croissance à deux chiffres, 7
crédits s’est multipliée par quatre pour atteindre
alors que la croissance moyenne de ses crédits
plus de 24%. Au même moment, celle du PIB
n’est qu’à « seulement » 16%.
non agricole n’a progressé que de 1,4 points,
soit une moyenne de 5,4%. Or cette hypothèse de manque d’efficacité ne
pouvait pas être crédible si l’on tient compte du
Cela donnait l’impression que notre croissance
degré de maturité que notre système bancaire
non agricole était en train de trouver ses limi-
a aujourd’hui atteint. Un niveau de maturité
tes et qu’elle trouvait tout le mal du monde
qui est considéré parmi les plus élevés de l’en-
à atteindre la barre des 7%. Le plafond ayant
semble de la région MENA. Le FMI, dans son
Comparaison entre les taux de croissance dernier rapport sur les consultations au titre de
du PIB non agricole vs encours des crédits l’article IV a d’ailleurs été très élogieux à l’égard
de notre système bancaire et en particulier à
30% Croissance Non Agricole Croissance des crédits 7% l’égard de la Banque Centrale.
25% 6% C’est d’ailleurs grâce à cette maturité que le
rythme de progression des crédits a pu attein-
5%
20% dre des niveaux qui n’ont jusque-là jamais été
4% atteints. L’implication des banques dans le pro-
15%
3% cessus de croissance économique est devenue
10% bien plus effective. Désormais, les banques
2%
jouent un rôle fondamental dans la transmis-
5% 1% sion et la réalisation des objectifs de la politique
économique de manière générale et de la poli-
0% 0%
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 tique monétaire en particulier.
(1) Le fait que nous ayons restreint cette étude uniquement au PIB non agricole, et non au PIB global tient
au fait que la valeur ajoutée agricole, qui représente encore près de 15% de la valeur ajoutée globale, reste
très dépendante du facteur climatique, ce qui rend son évolution très volatile. De plus, le secteur agricole se
caractérise par son faible accès au crédit ce qui limite forcément la corrélation entre ces deux composantes
(PIB agricole et crédits à l’économie).
9.
10. Y a-t-il eu plafonnement de notre croissance non agricole ?
Durant la dernière décennie, les flux de financement bancaire ont été
ouverts à leur débit maximum. Les crédits immobiliers en ont le plus pro-
fité. Les crédits à l’équipement beaucoup moins. Cela a certainement induit
une reconfiguration sectorielle du PIB non agricole, et explique probable-
ment l’impression de plafonnement de son rythme de progression.
La réforme des statuts de Bank Al Maghrib qui • une inflation maîtrisée, et
est intervenu en février 2006 a agi comme un • un contexte macroéconomique très promet-
catalyseur au processus qui a permis au système teur.
bancaire de consolider son rôle central dans la
Ainsi, sur la période allant de 2005 à 2009,
transmission de la politique économique. Cette
la croissance annuelle moyenne des crédits à
réforme avait surtout permis à la Banque Cen-
l’économie a été de 18,2% contre 7,9% pour
trale de consolider son indépendance, d’éten-
celle du PIB nominal. Le rapport Crédits sur
dre ses prérogatives et d’inscrire la maîtrise de
PIB a sensiblement augmenté passant de 53%
l’inflation comme principal objectif de la politi-
à 77%.
que monétaire.
Le poids de l’ensemble des activités financiè- 9
A cette époque, toutes les conditions nécessai-
res dans le PIB s’est sensiblement amélioré. Il a
res à l’ouverture des vannes du crédit étaient
gagné 0,9 point entre 1998 et 2008 passant de
présentes :
4,8% à 5,7%. Seuls deux secteurs ont vu leurs
• un système bancaire sur-liquide alimenté par
parts relatives dans le PIB s’améliorer davantage.
une balance des paiements excédentaire,
Il s’agit du secteur des télécommunications et
• des taux d’intérêt orientés à la baisse, de celui des BTP qui ont gagné respectivement
• des créances en souffrance qui se réduisent, 1,3 et 1,8 points.
Variation des parts sectorielles dans le PIB de 1998 à 2008
3%
2% 1,8%
1,3%
1% 0,9% Industrie
0,4% Electricité (hors raffinage
et eau Transports Commerce de pétrole)
0%
BTP Postes et Activités Hôtels et
télécommunications financières restaurants -0,4%
-1%
-0,9%
-2% -1,8%
-3% -2,7%
Source : Ministère des finances
11. Y a-t-il eu plafonnement de notre croissance non agricole ?
La distribution des crédits a été L’explication est simple : Il y a dix ans, Le Maroc
largement favorable aux crédits souffrait d’un déficit de plus de 1 million de
immobiliers… logements, et ce déficit n’arrêtait pas de s’élar-
gir chaque année de plus en plus. Une action
Le financement bancaire a donc été disponible gouvernementale devait être lancée pour remé-
au moment où l’économie en avait besoin. Cela dier à cela. Ce fut la politique du logement
dit, l’ensemble de ces crédits qui sont venus ali- social à 200 000 dirhams l’unité.
menter la croissance n’ont pas été distribués de
manière homogène entre les différentes catégo- Le secteur était donc très demandeur, et l’Etat
ries1 Il s’en est suivi une modification de la confi- a mis à sa disposition plusieurs mesures fisca-
guration des parts respectives2. Entre les trois les encourageantes. Les banques lui ont donc
grandes catégories de crédits, ce sont les crédits ouvert l’accès au financement. Ainsi, sur la
immobiliers qui en ont le plus profité. De 2000 à période 2000–2009, il y a eu 369 milliards
2009, leur part dans le total des crédits a gagné d’encours additionnels de crédits dont 145 mil-
plus de 15 points passant de 14% à 30%. Ce liards, soit près de 40% ont concerné les crédits
gain de part s’est effectué au détriment des cré- immobiliers.
dits de trésorerie qui eux ont perdu sur la même
Cela dit, la forte progression des crédits immo-
période près de 13 points. La part des crédits à
l’équipement est restée stable autour de 22%. biliers ne s’est pas réalisée sans qu’il y ait quel-
10
ques excès. Cela est constaté lorsqu’on analyse
séparément les crédits accordés à la promotion
...en grande partie, grâce à la
immobilière et ceux destinés à l’acquisition. On
politique du logement social.
relève alors que les premiers avaient littérale-
Cette évolution hétérogène nous pousse à ment explosé. Sur un an glissant, leur taux de
poser la question suivante : croissance avait atteint un pic de 222% au mois
Pour quelles raisons les crédits immobiliers de novembre 2008. Leur part dans les crédits
ont-ils progressé bien plus rapidement que les immobiliers se situait autour de 5% en 2003.
autres segments ? Aujourd’hui elle culmine à 36%.
Encours des crédits immobiliers en MDh
200 000
180 000
160 000
140 000 Crédits pour l'acquisition Crédits pour la promotion
120 000
100 000
80 000
60 000
40 000
20 000
0
jan-04
avr-04
juil-04
oct-04
jan-05
avr-05
juil-05
oct-05
jan-06
avr-06
juil-06
oct-06
jan-07
avr-07
juil-07
oct-07
jan-08
avr-08
juil-08
oct-08
jan-09
avr-09
juil-09
oct-09
jan-10
Source : GPBM
(1) On parle ici de la classification que l’on retrouve dans les statistiques de Bank Al Maghrib à savoir :
crédits à l’équipement, crédits immobiliers, crédits de trésorerie…
(2) L’effet reclassement peut être négligé : en 2000, les crédits de trésorerie promoteur n’étant pas significatifs.
En 2008, année du reclassement, l’effet comptait entre 2,5 et 3,5 points.
12. Y a-t-il eu plafonnement de notre croissance non agricole ?
Indice des prix à l’habilitation
5%
4% Variation annuelle Variation mensuelle
4%
3%
3%
2%
2%
1%
1%
0%
juil-99
jan-00
juil-00
jan-01
juil-01
jan-02
juil-02
jan-03
juil-03
jan-04
juil-04
jan-05
juil-05
jan-06
juil-06
jan-07
juil-07
jan-08
juil-08
jan-09
juil-09
oct-09
jan-99
Source : HCP
L’excès a peut être atteint son paroxysme au Le financement bancaire
moment où, sur une année glissante, l’encours s’est davantage dirigé vers
additionnel des crédits promoteurs a dépassé
le financement immobilier
celui des crédits acquéreurs. Cela a eu lieu au 11
(Promotion et acquisition) que
1er trimestre 2008 et a perduré jusqu’au 3e tri-
mestre 2009. Sur une période de près de deux vers l’investissement industriel…
ans, le financement de l’offre a été supérieur à Analysons maintenant les faits avec du recul et
celui de la demande. Cela a tout naturellement penchons-nous sur l’évolution de l’investisse-
succédé puis accompagné la formation d’une ment global à travers la FBCF (Formation Brute
bulle. Les prix ont brutalement progressé et de Capital Fixe). D’abord, il faut signaler que
cela se reflète parfaitement sur l’indice des prix d’un point de vue macroéconomique, l’achat
à l’habitation publié par le HCP. d’un logement est catégorisé en tant qu’inves-
tissement, or cet investissement a la particula-
rité de ne pas être « productif ». Il a par contre
une dimension sociale qui est tout aussi impor-
tante.
Comparaison entre les taux de croissance des investissements vs
encours des crédits à l’équipement et immobiliers
40%
35%
30% Formation brute du capital fixe
Crédits à l'équipement + crédits Immobiliers
25%
20%
15%
10%
5%
0%
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Sources : BAM, Ministères des finances
13. Y a-t-il eu plafonnement de notre croissance non agricole ?
Ainsi, lorsqu’on additionne l’encours des crédits qué précédemment, la dimension sociale de
immobiliers à celui des crédits à l’équipement, l’investissement immobilier a une importance
on constate que cet ensemble présente une capitale et peut être considérée comme un
évolution parfaitement corrélée à celle de la préalable pour la mise en place des conditions
FBCF, et cela depuis 10 ans. nécessaires à une croissance soutenue à plus
long terme. D’ailleurs, pour reprendre l’exem-
Les banques, qui jouent un rôle de liaison entre
ple de la Chine, il faut signaler que plusieurs
l’Epargne et l’Investissement, semblent avoir
économistes sont aujourd’hui très inquiets du
favorisé durant la dernière décennie, l’investis-
risque social encouru par l’Empire du Milieu
sement « non productif » (achats de logements)
avec ses centaines de millions de travailleurs
au détriment de l’investissement « productif »
qui vivent dans des conditions précaires. Début
(Achats de machines et de biens d’équipement
2010, une enquête avait révélé que 54% de la
durables). Dès lors, il est tout à fait normal que
population chinoise considérait le problème du
la croissance potentielle (non agricole) soit pla-
logement comme étant son principal souci. La
fonnée à [6% - 7%]. En effet, notre modèle
situation sociale en Chine est parfois comparée
économique est complètement différent de
à une sorte de bombe à retardement qui risque
celui de la Chine, en l’occurrence, où l’épargne
drainée est essentiellement canalisée vers l’in- d’exploser et de provoquer une crise sociale
vestissement industriel exportateur et créateur qui peut ruiner les bienfaits accumulés par des
12 de valeur ajoutée. années de croissance.
Au Maroc, le déficit en logement s’est stabilisé.
…alors que cet investissement Il tourne toujours autour du million de loge-
immobilier revêt une dimension ments et a même enregistré pour la première
sociale très importante qui n’est fois une légère baisse en 2008. Les conditions
sont donc là pour que, sur la décennie que
pas quantifiable en points de PIB.
nous entamons, la prochaine vague du finan-
Précisons tout de même nos propos : Ce que cement bancaire s’oriente plutôt vers les crédits
nous avançons ici n’est certainement pas une à l’équipement. Cela semble déjà être le cas en
critique. En effet, comme nous l’avons expli- 2009.
14. Y a-t-il eu plafonnement de notre croissance non agricole ?
En 2009, et malgré une forte décélération, la croissance des crédits est à
peine revenue en dessous de sa moyenne sur dix ans, grâce notamment
aux crédits à l’équipement. C’est une année qui marque sans doute une
transition vers une nouvelle réallocation du financement bancaire qui
verra la part de ce segment devenir de plus en plus prépondérante.
En 2009, la décélération de Contribution de la croissance des crédits
par catégorie (2009)
la croissance du financement
bancaire a été sensiblement
58%
60,0%
amortie par le comportement des
50,0%
crédits à l’équipement… 40%
40,0%
Comme nous l’avons signalé plus haut, la décé- 30,0%
lération de la croissance des crédits a commencé 20,0% Comptes
débiteurs 10%
en 2008 et s’est poursuivie tout au long de 10,0% et crédits Créances
de trésorerie diverses 0% 1%
2009. Alors que nos premières prévisions esti- 0,0%
Crédits à Crédits à Crédits à la Créances en Sociétés de
-3% l'équipement immobiliers consommation souffrance financement
maient un taux de progression compris entre -10,0%
-5%
13
13% et 14%, celui-ci s’est finalement situé à
des niveaux plus bas pour se chiffrer aux alen-
tours de 10%.
Cela dit, la décélération aurait été bien plus
Contribution de la croissance des crédits
importante s’il n’y avait pas eu la bonne per- par catégorie (2008)
formance des crédits à l’équipement. Ce sont
d’ailleurs les seuls qui ont vu leur rythme de 60,0% 53,1%
progression s’accélérer et aller à contre cou- 50,0%
rant de toutes les autres composantes (crédits 40,0%
de trésorerie, crédits immobiliers et crédits à la 30,0%
consommation). De manière chiffrée, l’encours 20,0% 14,3%
10,3%
global des concours à l’économie a progressé 10,0%
8,7%
5,6%
9,5%
Créances en
de 48,8 milliards de dirhams en 2009. Au même 0,0%
souffrance
Comptes Crédits à Crédits à Crédits à la Créances Sociétés de
-2,2%
moment, les crédits à l’équipement ont vu leur -10,0%
débiteurs l'équipement immobiliers consommation diverses financement
et crédits
encours progresser de 28,2 milliards. Ils contri- de trésorerie
buent ainsi à hauteur de 57% à la progression
globale. Source : BAM
…ce qui traduit le maintien de
la confiance dans une croissance mation. Précisons ici que ce n’est pas de la
économique soutenue à long consommation des ménages dont il s’agit, mais
terme. de la consommation au sens générale. Il ne faut
donc pas se méprendre, et croire que les entre-
Ce constat laisse supposer que le financement prises marocaines n’ont pas subi une sorte de
bancaire a privilégié la préservation de la dyna- rationnement du crédit. La preuve de ce que
mique de l’investissement « au sens propre » nous disons est illustrée par la baisse de 1%
au détriment de la dynamique de la consom- qu’a connu l’encours des crédits de trésorerie.
15. Y a-t-il eu plafonnement de notre croissance non agricole ?
Evolution des crédits en glissement annuel
35%
30%
25%
Zone Euro Maroc
20%
15%
10%
5%
0%
mars-01
juin-01
sep-01
déc-01
mars-02
juin-02
sep-02
déc-02
mars-03
juin-03
sep-03
déc-03
mars-04
juin-04
sep-04
déc-04
mars-05
juin-05
sep-05
déc-05
mars-06
juin-06
sep-06
déc-06
mars-07
juin-07
sep-07
déc-07
mars-08
juin-08
sep-08
déc-08
mars-09
juin-09
sep-09
déc-09
Source : Reuters, BAM
Quoi qu’il en soit, si les crédits à l’investissement Malgré tout, en absolu comme en
se sont accélérés c’est que la vision « long-ter- relatif, une croissance des crédits
14 miste » des perspectives de croissance écono-
au rythme de 10% demeure un
mique demeure totalement optimiste. Et c’est
niveau très appréciable
à juste titre. Le Maroc est probablement le seul
pays où la croissance 2009 a été supérieure à Essayons maintenant d’appréhender de manière
la moyenne des cinq dernières années. Et pour relative la croissance des crédits en 2009. A
2010, il y a aujourd’hui un consensus entre première vue, on trouvera choquant que cette
organisme publics et privés sur le fait que la croissance soit trois fois moins importante que
croissance non agricole serait supérieure à 3%. celle réalisée deux années plus tôt. Cependant,
lorsqu’on remonte un peu plus loin dans le
Le financement bancaire semble avoir fait un
passé, on constaterait qu’une progression à
arbitrage en faveur des cycles longs de produc-
10% aurait été considérée comme excellente.
tion, matérialisés ici par les crédits à l’équipe-
En effet, entre 2001 et 2005, la croissance
ment, au détriment des cycles courts représen-
annuelle moyenne des crédits a été d’à peine
tés par les crédits de trésorerie. Un arbitrage
5,9%. Elle n’a pourtant pas empêché le PIB non
raisonnable qui justifie que le Maroc n’a pas
agricole de réaliser une croissance moyenne de
connu une situation similaire à celle qui a pré-
4% sur la même période.
valu aux Etats-Unis ou encore en Zone Euro, et
où le rationnement du crédit est parti à l’excès En restant dans le relatif, on pourrait réaliser
pour atteindre le « crédit crunch ». Dans ces un comparatif avec les pays dont les économies
pays, les banques ont tellement limité l’octroi sont comparables à la notre. Nous constate-
de crédits qu’elles ont failli asphyxier leurs éco- rions alors, que malgré la forte décélération de
nomies. Et comme tout le monde le sait, s’il 2009, on réalise tout de même un niveau de
n’y avait pas eu les interventions musclées et croissance des encours quasiment identique à
concertées des différents gouvernements et celui qu’a connu la Tunisie ou encore l’Egypte.
banques centrales, pour injecter des liquidités
comme il n’y en a jamais eu, c’est fort proba-
blement une deuxième Grande Dépression que
le monde aurait connue.
16. Y a-t-il eu plafonnement de notre croissance non agricole ?
Croissance annuelle des crédits à l’économie sur la dernière décennie
En MDh
800 000 50%
45%
700 000
Crédits à l'économie 40%
600 000 Croissance annuelle TCAM 22,8%
35%
500 000 30%
TCAM 25%
400 000
9,5%
20%
300 000 TCAM 5,9%
15%
200 000
10%
100 000 5%
0 0%
mars-00 mars-01 mars-02 mars-03 mars-04 mars-05 mars-06 mars-07 mars-08 mars-09 mars-10
Source : BAM
Comparatif régional des taux de croissance annuelle des crédits
35%
15
30% Tunisie Maroc Egypte
25%
20%
15%
10%
5%
0%
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Sources : Reuters, BAM
C’est au niveau des ressources que de tendance est corrélé à la situation macroé-
les inquiétudes ressurgissent. conomique globale. En réalité c’est l’ensemble
de notre économie qui est passé d’une situation
Sur un autre registre non moins important, d’excédent de financement à une situation de
l’analyse de l’évolution des crédits n’est pas per-
besoin de financement. Le rapport économique
tinente sans une étude du comportement des
et financier, qui a accompagné la loi de finances
ressources qui les alimentent. Et, en analysant
2010, dit que sur la période 2001-2006 l’éco-
cette composante, on constate que quelques
nomie marocaine a pu dégager une capacité de
risques sont en train de surgir. En effet, sur la
financement de 14,5 milliards de dirhams en
période 2006-2009, la croissance moyenne des
dépôts a été de sept points inférieure à celle des moyenne. En 2007, la situation s’est transfor-
crédits. Cette situation est à l’opposé de celle mée en un petit besoin de financement proche
qui a prévalu sur la période 2002-2005, où la de 1 milliards de dirhams. Ce besoin a ensuite
croissance des dépôts a dépassé de 2,2 points explosé en 2008 pour atteindre près de 35 mil-
en moyenne celle des crédits. Ce changement liards de dirhams.
17. Y a-t-il eu plafonnement de notre croissance non agricole ?
Evolution comparée des taux de croissance dépôt et crédits
35%
30%
Dépôt Crédits
25%
20%
15%
10%
5%
0%
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Source : BAM
Cette situation s’explique par le fait qu’une part Réduire cette dépendance ne peut être
non négligeable de l’épargne nationale émane mené qu'à travers une phase de forte
des transferts de nos migrants. Cette source, croissance économique. Encore faut-il que
qui est à l’origine de plus de 20% des dépôts cette croissance puisse réduire structurelle-
16 de notre système bancaire, a subi de plein fouet ment notre déficit commercial en captant
la crise internationale. On se rend compte que davantage de ressources dans la demande
l’épargne marocaine est fortement dépendante extérieure ?
de l’extérieur et un choc exogène qui l’affecte
peut tout de suite affecter la capacité globale
de financement et limiter ainsi l’investissement.
La croissance des crédits continue de décélérer mais devrait se maintenir
au-dessus du seuil de 8% en 2010. Dès 2011, une nouvelle phase d’accé-
lération devrait lui succéder. Elle sera bien plus douce que celle que nous
avons connue en 2006… et ce n’est pas plus mal.
Nous avons essayé, dans ce qui précède, de • Premier point : Il y a aujourd’hui unanimité
mettre en relief l’évolution récente des crédits que, hormis le secteur agricole, l’ensemble
à l’économie et le rôle qu’ils ont joué dans le des autres secteurs économiques devrait
palier de croissance que le Maroc a atteint dans connaître une croissance meilleure que celle
la dernière décennie. Il serait maintenant inté-
enregistrée en 2009.
ressant d’essayer d’approcher ce que serait le
rythme de leur évolution dans les dix années à • Deuxième point : l’inflation a peu de chan-
venir. ces de dériver dans un sens comme dans
l’autre, et les prévisions de la Banque Cen-
Avant de se projeter sur un horizon plus loin-
trale restent conformes à l’objectif de stabi-
tain, essayons d’abord d’estimer ce que serait
lité des prix. Dans ce contexte, aucun mouve-
leur croissance en 2010. En effet, pour cette
année, nous avons désormais suffisamment de ment sur le taux directeur n’est à prévoir d’ici
visibilité pour bien apprécier le contexte macro- la fin de l’année.
économique global. On citera ici deux points
fondamentaux :
18. Y a-t-il eu plafonnement de notre croissance non agricole ?
Les crédits à la consommation auront prévalu tout au long de 2008, soit un volume
le soutien de la demande émanant des compris entre 15 et 17 milliards de dirhams.
ménages qui devrait connaître une légère Pour les seconds, après la phase de forte accé-
reprise en 2010. lération abordée plus haut, Il est fort probable
qu’une grande partie de ces crédits arrive à
L’évolution des crédits à la consommation est
échéance cette année. Nous aurons alors des
très corrélée à celle de la consommation privée
remboursements conséquents et l’encours glo-
et plus particulièrement à la consommation des
ménages. Celle-ci a sensiblement décéléré en bal ne devrait pas progresser de plus de 3 voir 4
2009 passant d’une croissance de 14% à 7%. milliards de dirhams.
En 2010, nous devrons nous attendre à ce que
Les crédits à l’équipement continueront à
cette consommation redémarre et ce pour au
moins deux raisons. suivre la dynamique que leur insufflent les
investissements publics.
• La première raison viendrait de la dernière
baisse survenue au niveau de l’impôt sur le La vision optimiste qui a permis aux crédits des-
revenu et qui injectera près de 4 milliards de tinés à l’équipement de bien performer en 2009
dirhams dans le pouvoir d’achat global. est en train de se confirmer. Il est donc naturel
que leur rythme de progression se maintienne
• La deuxième trouve sa source dans la nette encore en 2010. Par ailleurs, l’investissement
reprise que connaissent depuis plusieurs 17
public budgétisé à 160 milliards de dirhams
mois les transferts des MRE. Cette compo-
dans la loi de finances, en hausse de 20% par
sante a toujours constitué un réel soutien à la
rapport à l’année précédente jouera sans doute
consommation des ménages. A fin juin, leur
un effet multiplicateur sur la demande en inves-
progression s’est chiffrée à 11% par rapport
tissement de manière générale. Un volume net
à la même période de l’année dernière.
additionnel de 20 à 25 milliards de dirhams est
Dans ces conditions, l’encours des crédits à la donc à prévoir. Ceci serait équivalent à un taux
consommation devrait croître avec un volume de progression compris entre 16% et 20%.
équivalent à ceux constatés en 2008 ou en
2009, à savoir entre 4 et 5 milliards de dirhams Après avoir connu une baisse en 2009, les
(soit un taux de croissance compris entre 13% crédits de trésorerie ont peu de chances
et 17%). de se réduire à nouveau, surtout dans un
contexte économique bien meilleur.
Les crédits immobiliers vont bénéficier des
La décélération de la croissance des crédits de
incitations fiscales introduites dans la loi
de finances. trésorerie semble avoir atteint son point d’in-
flexion.
La redynamisation du logement social à travers
les incitations fiscales introduites dans la loi de Par ailleurs, la progression escomptée du PIB
finances devrait avoir ses effets dès 2010. En non agricole va nécessiter un volume d’activité
effet, ces mesures s’étendent aussi aux loge- supérieur à celui de 2009. Cela devrait aug-
ments déjà construits, mais qui n’ont pas encore menter mécaniquement les besoins de trésore-
obtenu le permis d’habiter. L’offre concernée rie des entreprises. Les crédits de trésorerie vont
par ces mesures existe donc déjà sur le marché. très certainement s’accroître en 2010, mais leur
En 2010, les crédits immobiliers devraient donc évolution historiquement très volatile rend dif-
continuer à progresser, mais là aussi, il y a lieu ficile une quelconque estimation. Cela dit, on
de séparer entre crédits acquisition et crédits pourrait estimer une croissance comprise entre
promotion. Pour les premiers, l’encours devrait 3% et 6%, soit un volume additionnel compris
connaître une progression similaire à celle qui a entre 4 et 8 milliards de dirhams.
19. Y a-t-il eu plafonnement de notre croissance non agricole ?
Croissance non agricole
(Simulation du taux de croissance annuel)
8%
7%
6%
5%
4%
3%
2%
1%
0%
2010 BAM
1990
1991
1992
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2011
2012
2013
2014
2015
-1%
1993
-2%
Ainsi, globalement, l’encours additionnel Le deuxième levier viendra des crédits à l’équi-
des crédits à l’économie serait au moins pement qui continueront à bénéficier du multi-
18 égal à 47 milliards de dirhams. Ce niveau plicateur keynésien. La demande publique va se
est légèrement en dessous de celui réalisé renforcer à travers les grandes stratégies secto-
en 2009. Il correspondrait à une progres- rielles (Plan Emergence, Plan Maroc Vert, Maroc
sion de 8%. Numeric, Plan Rawaj…). Les investissements
dans ces différents chantiers sont estimés à plu-
A plus long terme, la croissance des crédits
sieurs centaines de milliards de dirhams. Pour
devrait par contre s’accélérer. Elle aurait deux
les deux principaux que sont le Plan Maroc Vert
leviers principaux.
(160 milliards de dirhams) et le Plan Emergence
Le premier résidera dans les crédits immobiliers Industrielle (50 milliards), l’objectif ultime est de
à travers notamment toutes ces incitations mises pouvoir améliorer la capacité exportatrice maro-
en place pour accompagner la nouvelle straté- caine à travers l’amélioration de la compétitivité
gie du logement social. L’une de ces incitations dans des segments industriels biens définis.
étant celle qui a permis d’élargir le périmètre
La réussite de ces plans devrait sans doute
d’éligibilité à des petits promoteurs puisque le
permettre aux échanges extérieurs de
volume minimal de logements à construire pour
contribuer positivement, et de manière
pouvoir signer une convention avec l’Etat a été
structurelle, à la croissance globale. La
réduit à 500 unités. La majorité de ces promo-
croissance potentielle du PIB non agricole
teurs fera certainement appel au financement
pourra alors passer à un pallier supérieur,
bancaire. Côté demande, les acquéreurs poten-
au-delà des 7%, et s’approcher ainsi un
tiels existent déjà (le déficit est toujours proche
peu plus des niveaux de croissance que
du million de logements) et leur nombre conti-
connaissent « l’élite » des pays émergents
nuera à augmenter dans les années à venir.
telles que la Chine, l’Inde ou encore la
Aujourd’hui, plus de 20% de la population,
Corée du Sud.
soit plus de 6 millions d’individus, ont un âge
compris entre 14 et 25 ans. Ce sont eux qui
représenteront l’essentiel de la demande addi-
tionnelle en logement dans les 10 prochaines
années.
20. Y a-t-il eu plafonnement de notre croissance non agricole ?
Crédits à l’économie
(Simulation du taux de croissance annuel glissant)
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
avr-11
oct-11
avr-01
oct-01
avr-02
oct-02
avr-03
oct-03
avr-04
oct-04
avr-05
oct-05
avr-06
oct-06
avr-07
oct-07
avr-08
oct-08
avr-09
oct-09
avr-10
oct-10
avr-12
oct-12
avr-13
oct-13
avr-14
oct-14
Atteindre cet objectif de croissance doit obliga- La réussite de ce programme est néanmoins
toirement transiter par une nouvelle reconfigu- conditionnée par la disponibilité du finance-
ration de notre PIB. Il s’agira en particulier de ment bancaire, préalable que les banques se 19
tracer le chemin vers l’industrialisation de notre sont engagées à remplir. Dès 2011, une nou-
économie. Ce processus reposera en premier velle phase de ré-accélération de la croissance
lieu sur le Plan Emergence dont l’esprit consiste des crédits devrait s’engager. Elle sera bien plus
à concentrer les efforts des pouvoirs publics modérée que celle que nous avons connue en
(subventions, formation, allégements fiscaux…) 2006.
sur quelques secteurs dénommés « métiers
Quoi qu’il en soit, les prévisions sur lesquelles
mondiaux du Maroc ».
nous nous engageons, que ce soit au niveau de
Les secteurs concernés sont au nombre de six : la croissance du PIB ou à celui de la croissance
il s’agit de l’automobile, de l’aéronautique, du des crédits, sont fondées sur une hypothèse
textile et cuir, de l’agroalimentaire, de l’électro- assez forte qui est celle de dire que la croissance
nique et de l’offshoring. mondiale ira en se renforçant dans les années à
venir. Notre hypothèse privilégie un scénario qui
A terme, c’est-à-dire en 2015, la réussite de
ressemblerait le plus à un scénario sous forme
ce programme devrait permettre la création
de « V » qu’a celui sous forme de « W » ou de
de 220 000 emploi, d’apporter 50 milliards de
« L ». La théorie du découplage ayant volé en
dirhams additionnels au PIB industriel et de
éclat, la croissance marocaine est intimement
générer 95 milliards de dirhams d’exportations
liée à celle de ses principaux partenaires com-
supplémentaires.
merciaux et à leur tête l’Union Européenne.
21. AVERTISSEMENT
Risques
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seurs avertis.
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l’évolution des taux d’intérêt, des taux de change devises, de l’offre et la demande sur les marchés.
Les performances antérieures n’assurent pas une garantie pour les réalisations postérieures. Aussi, les
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concrétiser.
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ponsabilité de ces choix d’investissement. Attijari Intermédiation ne peut en aucun moment être considéré
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