1. DANS CE NUMÉRO
P.3 PAROLES DE P.11 MÉDIATHÈQUE> P.16 RÉSIDENCE>
PROFESSIONNEL> 2 nouvelles médiathèques en Au mois d’avril dernier, l’Arpel
Entretien avec Robert Amutio Aquitaine : Gradignan & Aquitaine a accueilli l’écrivain
la M.270 de Floirac Alfredo Pita
80
SEPTEMBRE
N°
JUILLET
AOÛT
2008
QUÉBEC n.
Signifiant, là où
le fleuve se rétrécit. BOUTIQUE n. f.
La grande Bibliothèque nationale
de Montréal a remplacé
une boutique de livres usagés.
CRAC n. m.
Coup de cœur. Exemple : Le crac
d’un libraire, montrer ses cracs.
CHATOUILLEUX adj.
BIBLIOTHÈQUE n. f.
Ce sont de vrais lieux d’accueil La question identitaire
pour lesquels nous réfléchissons
beaucoup à la vocation sociale. au Québec est quelque
Tout le monde peut entrer dans
le lieu, même les indésirables.
peu chatouilleuse.
Son accès est entièrement gratuit.
Par exemple, ici, nous comptons
soixante-seize heures hebdomadaires
d’ouverture de la bibliothèque au public.
Un pont
Extrait de Blablabla 2 : Petit dictionnaire illustré - Sous la direction de Carole Lataste - N'a qu'1 œil - À paraître en 2009
entre l’Aquitaine
et le Québec,
Bibliothèque Saint Jean Baptiste de Québec - Cliché : Marina Klymus -
Du 14 au 20 avril, une délégation de professionnels
du livre d’Aquitaine s’est rendue à Québec.
L’Arpel Aquitaine – Agence régionale pour l’écrit et le livre –
L’Arpel Aquitaine soutient la candidature de Bordeaux
reçoit le soutien du Conseil régional d’Aquitaine et de
pour le titre de capitale européenne de la culture. la direction régionale des Affaires culturelles (Drac Aquitaine).
www.arpel.aquitaine.fr
2. LETTRES D’AQUITAINE N°80
02
SOMMAIRE
DANS CE NUMÉRO
P.3 ENTRETIEN avec un traducteur : Robert Arnutio
P.4 AUTEUR : Portrait de Christian Cailleaux
P.5 NOTES DE LECTURE
P.8 UN PONT ENTRE AQUITAINE ET QUÉBEC
P.10 ÉDITEUR / LIBRAIRIE
P.11 BIBLIOTHÈQUES : médiathèques de Gradignan et Floirac
P.12 PATRIMOINE : Monumérique
P.13 QUE DIT LA LOI ? : Une réforme pour les archives
P.14 L’AGENDA DU LIVRE EN AQUITAINE
P.15 LA VIE DE L’ARPEL
P.16 RÉSIDENCE... Alfredo Pita
ÉDITO Un amendement qui annonce...
La mobilisation commune des auteurs, des éditeurs, des libraires, des agences du livre à travers leurs organisations professionnelles et
représentatives, ainsi que celle du ministère de la Culture et de la Communication a permis d’alerter les parlementaires sur les dangers et
les risques de ces amendements et ainsi favoriser son retrait. Si cette disposition avait été adoptée par notre Assemblée, elle aurait signi-
fié la fin de la loi du 10 août 1981 relative au prix unique du livre, et donc le risque d’une complète transformation du marché du livre,
écosystème précaire alliant culture et économie, déontologie et complémentarité.
Le choix de déréguler le marché du livre, comme bien d’autres marchés aujourd’hui, obéit à une logique libérale qui pénaliserait en premier
chef les lecteurs, donc pour puiser dans le glossaire adapté : le consommateur… le client.
Cette loi, dite Loi Lang, est un formidable régulateur économique et culturel :
– elle garantit une offre éditoriale riche et variée
– elle a permis de maintenir un prix moyen du livre très compétitif
– elle a assuré le maintien sur nos territoires d’un réseau de librairies indépendantes, véritable acteur culturel de nos villes.
N’est-ce pas déjà un bilan qui mérite : respect ?
Cette loi, qui permet « Aux libraires de donner du poids aux livres, et non de vendre les livres au poids », cette loi qui propose des garan-
ties démontrées pour le consommateur, cette loi qui a traversé bien des alternances politiques, demeure comprise et reconnu par le seul
univers des professionnels du livre…
C’est essentiel mais cela ne suffit plus. Il faut en faire une loi reconnue par le public, la faire entrer dans le « domaine public ». Cela sera
sûrement la seule garantie face au futur combat que nous aurons à mener demain pour sa défense. Nous aurons l’occasion d’en reparler
dans ces colonnes.
Ce numéro d’été est l’occasion d’aller voir « ailleurs ». À commencer par la littérature qui nous vient justement d’ailleurs. Nous nous en
sommes entretenus avec un traducteur : Robert Amutio dans notre dialogue désormais régulier avec des professionnels du livre.
Puis, c’est au tour de Christian Cailleaux de nous inviter à un tour du monde, lui qui n’a cessé de rouler sa bosse pour donner corps à son
art : la bande dessinée.
L’été est souvent propice à de petites transgressions. C’est pourquoi, contrairement aux habitudes, une partie des notes de lectures de ce
numéro vous permettra de découvrir les ouvrages des éditeurs par thèmes : bandes dessinées, saveurs gourmandes, balades littéraires,
Lettres d’Aquitaine est une publication
de l’Arpel Aquitaine, association loi 1901 polar… le genre de livres que l’on aime emmener dans sa valise…
137, rue Achard 33300 Bordeaux Voyage encore avec un tour d’horizon de la délégation de professionnels du livre aquitains qui a séjourné à Québec en avril dernier à la
Tél. 05 57 22 40 40 Fax : 05 57 22 40 49
Courriel : arpel@arpel.aquitaine.fr
rencontre de leurs homologues québécois : chaque membre de la délégation à sa manière livre ses impressions, ses coups de cœur, tire
Internet : www.arpel.aquitaine.fr des enseignements.
Nous retrouvons aussi les rubriques habituelles en lecture publique avec deux nouveaux équipements à Gradignan et Floirac, l’actualité
Directeur de la publication : Claude Villers
Rédacteur en chef : Patrick Volpilhac
de l’édition et de la librairie, un coup de projecteur sur une action fort intéressante intitulée Monumérique et dont l’objet est la sensibili-
Rédaction et suivi de fabrication : sation des jeunes au patrimoine par le biais du numérique, sans oublier la page juridique consacrée à la réforme du régime des archives.
Catherine Lefort & Claude Chambard Et nous terminons notre périple avec un dernier voyage que nous a offert Alfredo Pita lors de sa résidence qu’il a refermée avec un entretien.
Ont collaboré à ce numéro :
Nathalie André, Jérôme Baylac-Domengetroy, Bonne lecture et bon voyage !
Stéphanie Benson, Lucie Braud, Patrick Volpilhac, directeur de l’Arpel Aquitaine
Jean-Luc Coudray, Bernard Daguerre,
Évelyne Danré, Christophe Dupuis,
Françoise Favretto, Sylvain Gérald, Nicolas Géraud,
Romuald Giulivo, Marina Klymus, Meriem Lacour,
Carole Lataste, Catherine Lefort, Xavier Mouginet,
Alexandre Piboyeux, Dominique Rateau,
Mathilde Rimaud, Hélène Rio, Michèle Sales,
Marc Torralba, Guillaume Trouillard,
Marie-Laure Vallée.
Photos : Arpel Aquitaine sauf mention contraire
Diffusion : Catherine Lefort
Corrections : Jean Bernard-Maugiron
BP 56 33031 Bordeaux cedex
Design graphique : kubik/www.kubik.fr
Imprimeur : Imprimerie BM (IMPRIM’VERT),
ZI de Canéjan – 14, rue Pierre Paul de Riquet
33610 Canéjan
Lettres d’Aquitaine est imprimée avec des encres
végétales sur un papier recyclé : Cyclus Offset. Bibliothèque de Québec (succursale) - Cliché de Marina Klymus.
ISSN : 1621-5397 – Dépôt légal : 07-2008
3. LETTRES D’AQUITAINE N°80
Paroles de professionnel
Robert
Traducteur
Amutio PROPOS RECUEILLIS par Catherine Lefort
envoûtante, mêlant le phrasé mexicain nor-
teño et la prosodie espagnole du XVIIe siè-
cle, dont il m’a été très difficile de rendre
compte. Mais c’est justement ce genre de
texte qui m’attire, en tant que lecteur et que
traducteur.
C.L. Selon vous, le travail du traducteur
Robert Amutio DR
est-il suffisamment reconnu ? Et un
traducteur peut-il vivre de son activité ?
R.A. Le travail du traducteur n’est pas tou-
ous avons pris l’habitude dans Je me suis dit que cet auteur pourrait bien La rencontre avec Roberto Bolaño, je parle
N cette page d’entretenir des pro-
fessionnels de la chaîne du livre
autour de leur métier pour une mise en
intéresser les lecteurs français et il ne
m’aura fallu que quelques années avant que
je trouve un éditeur attentif.
ici de l’homme et des textes, a été pour moi
un moment exceptionnel et émouvant.
Même maintenant que je sais que la ren-
jours reconnu. Combien de fois trouve-t-on
encore des comptes rendus sans la mention
du traducteur ? Or, si critiques et lecteurs
peuvent lire ces textes, c’est parce qu’ils
lumière de leur travail et une meilleure Par un heureux concours de circonstances, contre en mars 2003 était la dernière, je
ont été traduits. C’est sans doute frustrant
compréhension des difficultés qu’ils ren- je venais d’écrire à Christian Bourgois en résiste à y penser en termes d’adieu : tout
pour eux, mais ils ne lisent pas le texte ori-
contrent dans l’exercice de leur activité. lui joignant quelques pages traduites du en lui était projet, humour, chaleur.
ginal. Une bonne partie de l’histoire de la
Nous avons souhaité cette fois donner la roman Étoile distante, lorsqu’il a rencontré La parution de ses livres en France a mal-
littérature française est l’histoire de la tra-
parole à un traducteur. Métier ou acti- Herralde, l’éditeur de Bolaño en Espagne. heureusement coïncidé avec la fin de sa
duction, dont les acteurs sont les traduc-
vité difficile – entre liberté et fidélité – Ils ont parlé de celui-ci et la décision de le vie. Nous avons souvent échangé sur les
teurs. Ceux-ci, par leur connaissance à la
exercé dans l’ombre et la solitude. Et traduire a été prise. Bourgois m’a contacté textes – il lisait parfaitement le français –
fois des langues, des œuvres et des socié-
pourtant si indispensable à la connais- ensuite pour me confier la traduction de sur certaines notions, expressions ou allu-
tés, peuvent recommander des textes aux
sance des textes étrangers. Robert Nocturne du Chili et Étoile distante. Ainsi sions… Je garde l’image d’un écrivain
éditeurs. Il est donc nécessaire que l’acti-
Amutio, enseignant et traducteur de l’es- est née ma longue collaboration avec lui : généreux, ouvert, alors même que ses
vité du traducteur soit reconnue comme
pagnol, a accepté de répondre à quelques deux à trois livres de Bolaño par an… textes peuvent être très durs vis-à-vis de ses
celle d’un auteur.
questions. En 2002, ces deux livres étaient présentés à contemporains.
Vivre de la traduction est difficile. Si en
la Maison de l’Amérique latine à Paris, en Il avait aussi une grande reconnaissance à
France la traduction est relativement bien
C.L. Comment êtes-vous venu à la tra- même temps qu’un autre livre de Bolaño l’égard de ses traducteurs et je crois qu’il
duction ? payée – surtout si l’on compare à d’autres
aux éditions Les Allusifs. Ce jour-là, j’ai ne pouvait pas concevoir les choses sans
R.A. Cette activité est venue en plusieurs pays comme l’Espagne où les niveaux de
fait la connaissance à la fois de Bolaño et une certaine affinité avec eux. À cet égard,
étapes. Dans ma préhistoire, il y a eu rémunération sont souvent beaucoup plus
de Brigitte Bouchard, fondatrice des je partage avec son traducteur australien,
d’abord la traduction de quelques dizaines bas, les traductions envisagées sous l’angle
Allusifs. Cette éditrice m’a proposé de tra- Chris Andrews, un grand privilège : Bolaño
de pages de Roulements de tambour pour de la rentabilité simple, et les auteurs et lec-
duire un petit livre de Daniel Sada, L’Une nous a dédié une de ses nouvelles.
Rancas du Péruvien Manuel Scorza, du teurs méprisés – malgré tout, à 18-22 € la
est l’autre, un magnifique texte, qui n’a
temps où j’étais étudiant en lettres page lorsque cette page peut exiger 3 ou 4
pourtant pas eu les lecteurs qu’il méritait. C.L. Dans ce travail sur la langue et l’écri-
modernes à Aix-en-Provence en 1975. Ce ture, qu’est-ce qui est le plus difficile ? heures de travail… c’est finalement peu. Si
Depuis, j’entretiens un échange régulier
fut une première expérience sans suite. R.A. Certains passages des écrits de Bolaño l’on veut obtenir des traductions de qualité,
avec Brigitte Bouchard. J’ai ensuite ren-
Bien des années après je suis parti au sont opaques pour le lecteur de la péninsule une rémunération à la hauteur du travail
contré à Bordeaux, David Vincent, une des
Mexique, à Monterrey, comme directeur Ibérique. Ainsi, dans 2666, emploie-t-il des exigeant est nécessaire.
branches maîtresses avec Nicolas Étienne
d’une Alliance française. Un jour, un jeune mots ou des expressions de l’argot mexi- Mes rapports avec les éditeurs sont sim-
de L’Arbre vengeur, qui m’a confié une
écrivain mexicain m’a contacté et demandé cain, certains, inconnus des dictionnaires, ples. Comme je ne vis pas de la traduction,
collection de textes oubliés ou inconnus.
de traduire quelques-unes de ses poésies en je peux refuser si le prix ne me paraît pas
français. Au-delà de ce second « essai », raisonnable. J’ai des relations de confiance
mon expérience mexicaine a été détermi-
« Une bonne partie de l’histoire de la litté- avec mes éditeurs. Mes travaux font tou-
jours l’objet d’un contrat de traduction, très
nante : elle m’a permis un véritable retour
vers ma langue d’origine – mes parents
rature française est l’histoire de la traduc- complet, qui explore toutes les possibilités,
y compris les adaptations au cinéma par
sont des exilés politiques espagnols – et
une exploration de la littérature latino-amé-
tion, dont les acteurs sont les traducteurs. » exemple. Mais hélas, je le sais, cela ne se
ricaine. ou des termes spécifiquement chiliens, ou passe pas toujours ainsi : il peut y avoir
Et plus récemment, j’ai pu m’entretenir avec
Ma véritable entrée en traduction s’est pro- argentins, etc. Il aurait été ridicule et source pression sur les prix, parfois le règlement
les très jeunes Nadia Beugnet et Vincent
duite à mon retour du Mexique, quand je de malentendus de traduire par un équiva- ne vient pas… Je lis que la Direction du
Lafaille. J’ajouterai que je conseille égale-
me suis installé à Bordeaux au début des lent local français. livre est menacée, que la loi sur le prix
ment des écrivains latino-américains à des
années 90. Danièle Robert et Christian À force de poser des questions, je me suis unique du livre est encore une fois atta-
amis éditeurs eux-mêmes latino-améri-
Tarting, deux amis, m’ont mis en contact constitué un réseau d’amis mexicains, sur- quée… Le monde de l’édition est bien une
cains, mais c’est une autre histoire.
avec l’éditeur André Dimanche à Marseille, tout, mais aussi chiliens, argentins et péru- partie de notre monde. o
lequel m’a confié la traduction d’un recueil C.L. Vous avez traduit le roman pos- viens, pour essayer de trouver avec eux des
1. 2666, de Roberto Bolaño
de lettres d’un grand écrivain espagnol, thume de Roberto Bolaño, 2666, paru équivalents en espagnol « standard ». Mes Traduit de l’espagnol
Ramon Gomez de la Serna. Par la suite, je aux éditions Bourgois en mars 20081. interlocuteurs ont été parfois perplexes, car par Robert Amutio
Quels souvenirs gardez-vous de cet Éditions Bourgois
lui ai proposé de traduire un recueil de certains passages sont de l’argot inventé par
Isbn : 978-2-267-01966-7
« fables » du Guatémaltèque Augusto imposant travail ? Bolaño… J’ai donc dû faire des choix qui
Monterroso. Cette expérience a été révéla- R.A. Le point final de la traduction n’est ont abouti à rendre certains passages plus
trice. J’ai réalisé que j’aimais ce travail de pas la fin de la relation avec le texte. Une compréhensibles et, d’une certaine manière,
défrichage, de lecture des auteurs pour fois finie la traduction, j’ai été à la fois heu- mon texte traduit est plus clair pour un
ensuite les proposer aux éditeurs. reux et triste. Pendant les deux ans que Français que le texte original pour un
Un jour, j’ai découvert un écrivain chilien, cette traduction a duré, j’ai été en totale Espagnol…
Roberto Bolaño, à travers deux textes : La immersion dans l’univers mental et intel- Reproduire le rythme, le battement de la
Littérature nazie en Amérique et Étoile dis- lectuel de l’auteur. langue, est une autre difficulté. Je prendrais
tante. l’exemple du roman de Daniel Sada, un
texte au rythme très particulier, une langue
03
PAROLES DE PROFESSIONNELS
4. LETTRES D’AQUITAINE N°80
Auteur
Christian Cailleaux
ou la nécessité du départ
pour l’ailleurs
Difficile d’imaginer un béret à pompon rouge vissé sur le crâne
de ce grand personnage ténébreux à la voix grave et chaleu-
reuse… Difficile d’imaginer au premier regard que cet homme
a roulé sa bosse, beaucoup en Afrique, quelque temps en Inde,
ici et là un peu partout, qu’il aime ça et que certainement, il ne
s’arrêtera pas. Mais il est si facile de se poser et d’écouter ses
récits, de se laisser porter par le son de cette voix comme une
mélodie chaude et lente sur les sinuosités d’un parcours qui l’a
fait auteur de bande dessinée. Par Lucie Braud.
C
C
hristian Cailleaux s’est orienté natu- Christian Cailleaux DR
rellement vers des études d’art. Il
suit les cours de l’Enaec (École
Christian Cailleaux
nationale d’art et d’environnement de
Cergy-Pontaise), en banlieue parisienne, n’est pas né dans une famille
c’est de là qu’il vient. Il interrompt ce cycle
d’études pour travailler comme illustrateur
et graphiste-designer pour un patron. La
de voyageurs mais il les a lus.
voie semble se tracer d’elle-même. Les
perspectives ne sont pas réjouissantes : ce Et il ramène de ces voyages des récits plus d’écrire. Bibliographie
ne sont pas ses rêves qu’il voit au bord du personnels, Le Café du voyageur et Le Il a vu le film de Giraudeau, Les Caprices R97, Les Hommes à terre, texte
chemin. Lui qui pense déjà à l’ailleurs, il Troisième Thé. Ces deux titres lui apportent d’un fleuve, tourné à Saint-Louis du Sénégal, Bernard Giraudeau, Casterman,
faut qu’il fasse son service militaire. La une reconnaissance professionnelle et ville qu’il connaît bien pour y avoir vécu et paru en 2008
coopération. Brazzaville, Congo. 1990- Tchaï Masala, monologue hindi,
assoient son identité graphique. Dupuy et pour y avoir écrit Le Troisième Thé.
1991. Il est chargé de communication au Treize Étrange, 2007
Berberian, qui dirigent alors la collection Giraudeau ne connaît rien à la bande dessi- Frankenstein : une histoire de Marie
centre culturel français. Pendant un an et Tohu-Bohu aux Humanoïdes Associés, le née, mais il est curieux, attiré et attachant. Shelley, adaptation Michel Piquemal,
demi, il redécouvre le plaisir et l’envie de repèrent et le sollicitent suite à la sortie du Il lui propose la lecture de son livre Le Albin Michel Jeunesse, 2006
dessiner. Il y fait la connaissance de Café du Voyageur. Mais l’aventure s’arrête Marin à l’ancre, une correspondance qu’il Harmattan : le vent des fous, Treize
Bernard Sallé, écrivain et metteur en scène prématurément. Treize Étrange publie Le a entretenue avec l’un de ses amis tout au étrange, 2003 (réédition)
de théâtre qui veut écrire pour la bande des- Troisième Thé. long de ses voyages et où il évoque sa jeu- Le Café du voyageur, Treize étrange,
sinée. Se mettant à l’œuvre, ils présentent Nouvelle rencontre, nouveau tournant. nesse de marin mécanicien, à bord de la 2000
un projet commun chez Dargaud pour une Christian Cailleaux fait la connaissance de Le Troisième Thé, Treize étrange, 2002
Jeanne d’Arc, lorsqu’il avait dix-sept ans.
collection ouverte à de jeunes auteurs Blue train, Laurent Bouhnik,
Guillaume Prieur, directeur artistique chez De cette lecture, Christian Cailleaux impro-
(Génération Dargaud). Arthur Blanc-Nègre Le 9e monde, 2003
Casterman. Il travaille à un projet de livre vise un tour du monde sur la Jeanne. Les Tout autour du monde : carnets de
est accepté. Deux tomes paraîtront sur les qui abandonne le récit intimiste. Il a des deux hommes échangent, réécrivent, voyage, Treize étrange, 2003 (épuisé)
trois prévus initialement. La collaboration envies d’histoires romanesques, qui font mêlent leurs idées et leurs envies. Puis ils Haëllifa : conte oriental à propos des
avec Bernard Sallé s’éteint. Le jeune dessi- référence à ses goûts : le jazz, le cinéma s’embarquent sur la Jeanne pendant cinq femmes et de l’ivresse, Dargaud, 1997
nateur continue seul et propose un livre américain des années quarante et cinquante semaines, étalent leurs feuilles, investissent (épuisé)
illustré aux éditions Dargaud : Haëllifa : et la littérature de gare anglaise à l’humour le bateau. R97 Les Hommes à terre est le
conte oriental à propos des femmes et de caustique et distancié. Pour mêler ces trois fruit de ce lien tissé, de ces deux voyageurs Arthur Blanc-Nègre,
l’ivresse. Très vite suit Harmattan : le vent texte Bernard Sallé, Génération,
ingrédients, il s’inspire du théâtre, du jeu qui ont pu se rencontrer au bon moment.
des fous, toujours chez Dargaud, dans la Dargaud
des apparences, de la représentation. Et il Monfreid, Melville… Christian Cailleaux Volume 2, Les Barricades,
collection Roman BD. Ce dernier marque en fait Les Imposteurs. Il a la sensation de n’est pas né dans une famille de voyageurs 1994 (épuisé)
un tournant. Les premiers albums lui ont s’accomplir dans son art. Il ralentit les mais il les a lus. Pourquoi, à cause de quoi Volume 1, Le Gecko blanc,
permis d’apprendre le métier d’auteur de interventions, privilégie quelques rencon- éprouve-t-on le besoin de partir ? Qu’est- 1993 (épuisé)
bande dessinée, il est sur la voie de son tres avec des étudiants en art dans les ce qu’on en fait après ? Le voyage n’est
identité graphique. Il s’interroge sur le Alliances françaises. Il continue les pas une parenthèse dans la vie de Christian Les Imposteurs,
choix du « grand » éditeur, cela ne voyages, en Inde pour une résidence d’au- Cailleaux, comme si le temps s’arrêtait un Un monde, Casterman
convient plus à cet univers qu’il dégage au teur de trois mois (2003-2004), pour Acte 3, 2005
instant puis la vie reprendrait là où on
fil de pages. Il revient à l’amour de l’art et Acte 2, 2004
construire ses projets personnels. Pendant l’avait laissée une fois la parenthèse fer-
se tourne vers un éditeur qui pourra lui per- Acte 1, 2003
un mois, il travaille pour lui. Pendant deux mée. Non, ce n’est pas ça. Les voyages tis-
mettre d’exprimer cela : Treize étrange. À mois, il sillonne les routes sur plusieurs sent le fil de sa vie. Des moments néces-
côté, il préserve son travail d’illustrateur de milliers de kilomètres. Il peint. Il prépare saires à la contemplation du monde,
presse (Bayard) et de voyage (Grands Tchaï Massala, monologue hindi. Un an comme lorsque Corto Maltese se pose en
Reportages), et dessine Max et Dina dans plus tard, il revient en Inde exposer ses plein récit, et que son regarde traîne sur la
la revue Planète Enfants, sur et pour peintures avec Baudoin. L’exposition ligne bleue des Vosges, au milieu d’une
l’Afrique francophone. De son retour du tourne pendant presque un an, jusqu’au grande case silencieuse. Corto pense, c’est
Congo, pendant les dix ans qui suivent, il Pakistan. évident. À l’avant, à l’après, à ce moment
part entre quatre et six mois par an, le plus Mai 2005. Saint-Malo. Rencontre avec ? À tout ça en même temps ou peut-être à
souvent en Afrique et à Madagascar. Il Bernard Giraudeau, à qui il a envoyé ses autre chose. o
anime des ateliers de bande dessinée pour livres une dizaine de jours auparavant. Il
les enfants, mais aussi pour les auteurs. veut changer de voix dans sa manière
04
AUTEUR
5. LETTRES D’AQUITAINE N°80
NOTES
JUILLET
AOÛT
SEPTEMBRE 2008
DE LECTURE
DANS CE NUMÉRO, DÉCOUVREZ NOS SÉLECTIONS THÉMATIQUES
BANDES DESSINÉES SAVEURS GOURMANDES BALADES LITTÉRAIRES
& PATRIMONIALES
Les Éditions Féret Alexandrines
24, allées de Tourny – 33000 Bordeaux 31, rue Ducouédic – 75014 Paris
de la cerise www.editions-feret.fr www.alexandrines.fr
54, rue de la Rousselle – 33000 Bordeaux
http://www.editionsdelacerise.com Préface de Claude Villers
Balade en Gironde
Grégory Elbaz Collection Sur les pas des écrivains, n° 23
Bix 21x12 cm ; 295 p. ; 24,50 € ;
confrères en écriture, de ses lieux et de ses
18x30 cm ; bichromie ; illustrations en noir et blanc ;
passions, de ce qui fut son enfance, des ren-
48 p. ; 16 € ; Isbn : Isbn : 978-2-912319-40-1
contres de hasard et des grandes amitiés, on
978-2-9519498-6-7
croyait déjà en savoir beaucoup.
Bix, de son vrai nom Leon On pourrait croire, en ouvrant cet ouvrage,
Mais voilà qu’Éric des Garets s’en mêle et
Bismarck Beider-becke, que l’on tient entre ses mains un simple guide
prend le parti d’une entrée alphabétique, un
talentueux pionnier du jazz de voyage. Si tel était le cas, il s’avérerait par-
« dictionnaire » qui est ouvertement subjectif
– il était cornettiste blanc ticulièrement riche. Les lieux visités sont
tant les items choisis ne respectent ni la chro-
et autodidacte – marqua profondément son nombreux, sur le Bassin d’Arcachon, à
nologie, ni toute autre logique.
époque. Grégory Elbaz se réapproprie et réin- Bordeaux, dans l’Entre-deux-Mers ou encore
Lui qui a tant lu Mauriac ne parle pas de l’œuvre
terprète ce mythe. Chaque planche est conçue dans le Libournais. Le choix des auteurs pré-
mais de l’homme, dans un mouvement empa-
comme un tableau bichrome, coupé en deux sentés s’équilibre entre attentes et décou-
thique d’accompagnement, de proximité. Et
par le texte en légende comme dans les pre- vertes. Qu’ils soient vivants ou disparus,
ce qu’on y apprend donne à chaque page l’en-
mières bandes dessinées. Les dessins de incontournables (comme Montaigne,
vie d’en savoir plus. Au-delà des textes
Grégory en noir et blanc ont quelque chose Montesquieu, Mauriac et tant d’autres) ou
s’éveille une curiosité pour ce personnage et
d’étrange. Les modelées ultra réalistes pro- moins convenus, comme par exemple
Béatrice Hénot, Raymond Guérin, tous ont leur place. Et, pour
son époque si proche et déjà disparue, pour un
viennent de la technique de réalisation :
Serge Fourton, Roland contexte politique passionnant, pour un écri-
Grégory a fabriqué des bustes pour chaque ne rien gâcher, leurs biographies sont de
vain qui fut aussi journaliste, si présent à son
figurant, il les a ensuite éclairés puis dessinés. Garcia, Gilles de Revel, grande qualité et bien documentées.
siècle. Un homme droit et confronté aux
D'où cette impression de marionnettes qui se Cependant, cette balade en Gironde peut être
Philippe Roy lue différemment, non pas pour visiter mais
doutes, un homme libre.
débattent dans un univers sans point d'hori-
Découvrir la dégustation Michèle Sales
zon. Il ne manque plus que la musique de Bix pour se perdre au hasard des chemins des
pour se plonger dans les cases muettes de 24,2x27 cm ; 112 p. ; quadri ; 25 € ; écrivains qui souvent se croisent (avec parfois
cette histoire fantasmagorique. Isbn : 978-2-35156-015-0 quelques années de différence) dans les plus À signaler aussi :
Évelyne Danré Voilà un ouvrage fort utile pour qui veut se beaux lieux de Gironde. Ainsi, au final, cette le numéro 66 de la revue Le Festin
lancer à l’aventure des découvertes que lui balade sera bien une invitation au plus riche Ce numéro d’été s’intéresse plus que jamais
réservent ses papilles. Sous forme ludique, le des voyages, la littérature. aux patrimoines culturels et naturels dans ses
Les éditions de la Cerise ont conçu une expo-
livre invite à questionner ses sensations, à Alexandre Piboyeux déambulations aquitaines et propose pour la
sition des cases-tableaux de Grégory Elbaz
décrire les univers qui se dévoilent au palais, première fois un supplément guide des expo-
comprenant 29 cadres de 110 x 70 cm qui for-
à affiner et classer les goûts, les couleurs, les sitions et manifestations estivales en région.
ment une fresque de plus de 20 mètres de long.
Pour tout renseignement :
caractéristiques propres aux vins. Confluences
Vocabulaire, exercices pratiques, cartes des 13, rue de la Devise - 33000 Bordeaux
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complet, pas cher et simple d’accès : il met cet exer-
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Futuropolis cice savoureux à la portée de toutes les bouches !
MR
Jean-Joël Le Fur 12, rue Jacques-Cartier – 33300 Bordeaux
www.pleinepage.com
132, rue du Faubourg-Saint-Denis (photographies et textes)
75010 Paris – www.futuropolis.fr et Charles Daney (textes), Textes de Michel Suffran
À savourer également :
Sur les traces de Félix Arnaudin Photographies de Didier Periz
Récit et texte : Chez le même éditeur : Féret ou Les métamorphoses des Landes,
Christophe Dabitch Isabelle Bunisset,
Illustrations de Jacques
22x23,5 cm ; 144 p. ; 29 € ;
Dessin et couleur : David Nakache Isbn : 978-2-35527-004-8 Guibillon
Jean-Denis Pendanx
Le Cannelé : ce mystère nommé désir Félix Arnaudin a consacré sa vie à la Grande 15 maisons d’écrivains
29 € ; Isbn : 978-2-35156-011-2 Lande dont il a été le témoin. Il a laissé entre
Jeronimus, un homme neuf d’Aquitaine qu’il faut connaître
autres des centaines de photographies
Coédition Savoir-Faire d’Aquitaine
(première partie) « d’avant l’exploitation des pins ». Jean-Joël
Collection L’Aquitaine qu’il faut savoir
30,5x24,5 cm ; 80 p ; 17 € ; Le Fur et Charles Daney ont eu l’idée de
24x16 cm + 1 dépliant ; 157 p. ; 23 € ;
Isbn : 978-2-7548-0185-0 refaire de nouvelles images des Landes
Isbn : 978-2-913406-75-9
Dabitch et Pendanx, tous deux aquitains, nous actuelles sur 50 sites et à partir des mêmes
Découvrir la demeure d’un écrivain est un
transportent au XVIIe siècle, dans le monde points de vue immortalisés par Félix
bon moyen pour parcourir son univers artis-
du commerce maritime hollandais, aux pre- Arnaudin il y a un siècle. Une jolie balade
tique et son espace de création. Elles sont
mières heures du capitalisme. Malgré son dans le patrimoine landais et son évolution.
nombreuses en Aquitaine. Certaines ont
lourd passé, Jeronimus embarque à bord du l’avantage d’être ouvertes au public. C’est le
Batavia comme second du commandant
Pelsae. Ce premier volume d’un triptyque
Le Festin cas des 15 maisons présentées dans cet
ouvrage coédité par Pleine Page éditeur et
relate les prémices de la lente descente aux Bâtiment G2 – 1, quai Armand-Lalande
Chez Confluences Savoir-faire Aquitaine à travers les textes de
enfers des passagers du navire. Le voyage 33300 Bordeaux – http://www.lefestin.net
Sous la direction d’Éric Audinet Michel Suffran et les photographies de Didier
avait mal commencé – un ouragan dès le Les Quatre Saisons gourmandes Periz.
deuxième jour – il finira dans un bain de sang. d’Aquitaine Éric des Garets
Les planches de Pendanx sont de véritables 17x24 cm ; 250 p. ; 25€ ; Petit dictionnaire Mauriac
tableaux où le bleu domine à la façon des Isbn : 978-2-35527-007-9 21x14 cm ; 244 p. ; illust. N&B ; 20 € ;
peintres hollandais de l’époque. Ses coups de Une visite guidée des savoir-faire gourmands Isbn : 978-2-915262-67-4
pinceau traduisent bien la tension et l’étouffe- aquitains… De Mauriac, de ses œuvres et de ses engage-
ment qui s’insinuent peu à peu le long des cases. ments, de ses amis et de ses ennemis, de ses
E.D
05
NOTES DE LECTURE
6. LETTRES D’AQUITAINE N°80
NOTES
JUILLET
AOÛT
SEPTEMBRE 2008
DE LECTURE
POLAR
explose, laissant des adolescents meurtris,
sinon meurtriers et des parents loin de tout ÉDITEURS AQUITAINS
Si Arsène-Henri a un sacré coup de crayon, il
a aussi une jolie plume et le lecteur prendra
principe de vie, l’auteur présente au fond les autant de plaisir à lire ses textes où il évoque
résultats effarants d’une enquête morale sur son enfance, sa passion du dessin, ses médita-
un état de déliquescence sociale assez avancé. tions sur la création, la beauté des choses, le
Élytis Aubéron métier d’architecte, l’identité, l’héritage. À
51, avenue Jeanne-d’Arc – 33000 Bordeaux La collection Gaïa polar aborde, pour le plus 7, allée du Coût, 64600 Anglet cet égard, Arsène-Henry nous rappelle qu’il
http://www.elytis-edition.com grand plaisir du lecteur, des thèmes du thriller www.auberon.fr faut veiller à notre environnement. En guise
contemporain : la disparition, dans l’immense de conclusion, il nous livre une vision – terri-
et ténébreuse Russie actuelle, de l’épouse fiante – du village ostréicole de Piraillan… en
Viviane Moore d’un homme d’affaires danois (L’Épouse
Hélène Tierchant
l’an 3000.
Tokyo des ténèbres serbe de Leif Davidsen), le climat politique Mademoiselle Georges, C.L
15x12 cm ; 265 p. ; 13 € ; d’un Danemark hanté par la xénophobie sous La Tragédienne de Napoléon
Isbn : 978-2-914659-99-4 fond de guerre d’Irak et de manœuvres de la
C’est un paysage presse (L’Otage d’Olav Hergel), les manipula-
14x22 cm ; 316 p. ; 19 € ; À signaler aussi
Isbn : 978-2-84498-114-1
sombre, roma- tions criminelles des médias dans une France La toute jeune Marguerite Weimer, dite
nesque certes, très contemporaine (Le Complot Gutenberg Chez Élytis : Triglia, l’Aventure colorée de
Mademoiselle George (1787-1867) n’a pas Christiane Courbon, consacré à l’univers
puisqu’il s’agit d’un de Philippe Mouche). encore seize ans quand elle débute à la
roman policier, que BD pictural de Didier Triglia, artiste peintre origi-
Comédie-Française dans une pièce de Racine. naire de Perpignan et autodidacte.
Viviane Moore C’est un triomphe. Dès lors qu’elle conquiert
dresse de la ville de À SIGNALER AUSSI 22x30 cm ; 68 p. ; illust. en couleurs ; 33 € ;
son public, Mademoiselle George charme le Isbn : 978-2-35639-001-1.
Tokyo. Un journa- futur empereur Napoléon Bonaparte, com-
liste français, qui Chez Pleine page Édition, L’Ours pécheur plote avec Talleyrand, subjugue les grands
prépare un essai sur de Philippe Cougrand 21x15 cm ; monarques, collectionne les amants et se pro-
les otaku, ces mil-
liers de jeunes Japonais retranchés volontaires
318 p. ; 19 € ; Isbn : 978-2-913406-58-2
Voici un polar qui enracine son intrigue dans
duit à travers l’Europe. Le bleu du ciel
Au siècle des romantiques, elle inspire les BP 38 – 33230 Coutras
du monde, participe à l’enquête sur les meur- la terre landaise et dans un nœud de vipères jeunes Alexandre Dumas et Victor Hugo. Ils
tres en série dont les victimes sont des bura- familial. Il aurait pu être, tout simplement un http://editionlebleuduciel.free.fr/
enchaînent pour elle les créations. Sublime
kumin (littéralement « les gens des hameaux roman aux accents régionalistes comme Le dans La Tour de Nesle, Lucrèce Borgia sacre
spéciaux », descendants des parias dont l’ori- Jeune Homme de novembre de Bernard sa carrière.
gine se perd dans la nuit des temps historiques Manciet : lorsque, dans la forêt landaise, le En parallèle à l’existence enivrante d’une
japonais mais dont l’existence actuelle est narrateur, Frédéric, décrit « l’ennui [qui] vient femme de théâtre admirée, Hélène Tierchant
bien réelle). Un parallèle s’impose entre les surtout à la fin de l’automne, lorsqu’il pleut décrit au cœur d’une œuvre romanesque plus
relégués des temps anciens et les jeunes et interminablement sur la forêt sans lumière. d’un demi-siècle d’histoire emporté par les
mortifères ermites modernes : le champ Quand tout ce vert vire au noir », je crois y bouleversements de l’Empire. Un récit pas-
croisé des meurtres fait d’ailleurs se rencon- reconnaître l’ennui ou plus encore l’accable- sionnant ou le portrait trépidant d’une amou-
trer ces deux mondes, à travers les figures ment mortifère qui pèse sur les épaules du reuse de la liberté qui n’écouta jamais que son
d’Européens fascinés, sans être pour autant jeune homme héros du récit de Manciet. Mais cœur.
séduits, par la civilisation japonaise. Ce récit ici Frédéric a quarante-cinq ans bien sonnés et Marie-Laure Vallée
oppressant que le talent de la romancière sait c’est une jeune femme, Juliette, et son fils,
rendre palpable est une réédition bienvenue Max qui vont faire sortir de sa retraite fores-
d’un livre qui s’inscrit dans une série de tière cet adolescent attardé, en quête à la fois Elytis
polars sur le Japon contemporain. d’une paternité et d’un sens à sa vie. Pour 51, avenue Jeannne d’Arc – 33000 Bordeaux
Bernard Daguerre tomber dans une espèce d’intrigue mauria- www.elytis-edition.com
cienne, où l’appât de la possession des biens
de ce monde est bien mal contrebalancé par la Ouvrage coordonné par
Gaïa foi d’une douairière et de son prêtre de fils, Jean-Pierre Moussaron
Boissec – 40250 Larbey lié au redoutable Opus Dei. L ’affaire se com- Grand cahier Michel Deguy
http://www.gaia-editions.com plique quand on apprend que Max pourrait 21x28,5 cm : 350 p. ; 30 € ;
prétendre à l’héritage de la vieille dame. Dès Isbn : 978-2-915232-46-2
Jón Hallur lors fleurissent complots, meurtre, et affleu- Une anthologie ? Non. Plutôt un balayage
rent du sable de la lande des histoires qu’on éclairé d’une aventure intellectuelle d’une
Stefánsson croyait bien enfouies. Une jolie réussite. opiniâtre honnêteté qui, depuis les années
Brouillages BD 1960, a porté le poète (toujours revendiqué),
Traduit de l’islandais par l’écrivain, le philosophe, l’inlassable anima-
Éric Boury Aux éditions de l’Atelier In8 (collection teur de revues vers des rencontres de cœur,
24x13 cm ; 299 p. ; 21 € ; Noires de Pau), À l’ombre des humains de d’écriture, de pensées avec lesquelles il fait le
Isbn : 978-2-84720-110-9 Lalie Walker propose une nouvelle version,
Xavier Arsène-Henry
point. Un hommage aux amitiés aussi et une
La société islandaise n’a peut-être pas de entre polar et fantastique, de La Cité de l’indicible Cap-Ferret, Un autre regard délectation à retrouver, à découvrir, des
beaux jours devant elle, s’il faut en croire ses peur de Jean Ray. sur le Cap-Ferret œuvres à travers les hommes et des dates
auteurs de romans noirs. Après Indridason et 14 € ; Isbn : 978-2-916159-50-0 Préface : Philippe Starck devenus historiques (Aragon, Cocteau,
son sombre commissaire Erlandur, enquêteur 22x30 cm ; 144 p. ; Barthes, Michon, Derrida, Granel, Cohen-
au sens littéral des couches profondes de son Aux éditions Yago (12, rue du Lac – 40130 reproductions en N&B ; 35 € € Lévinas, Koch…). Mais aussi des saluts (à
pays, Thorarinsson et sa jeunesse plutôt à la Capbreton – http://www.editions-yago.com), Isbn : 978-2-91-465996-3 Chaillou, Gaspar, Mouchard, Rolin, Dorny),
dérive, voici un autre aperçu assez dramatique Dans la peau d’un flic, enquêtes Depuis une cinquantaine d’années, Xavier des confessions (critiques), des entretiens et
de l’Islande. Le roman de Stefánsson se pré- de Daniel Mounicq Arsène-Henry conserve dans ses cartons plus un long poème, enfin réédité, Les Meurtrières
sente comme un puzzle qui, petit à petit, fait 18 € ; Isbn : 978-2-916209-14-2 de trois cents dessins. Les éditions Élytis ont – perdu lors de la saisie du fonds de son pre-
converger des existences d’adolescents et de Daniel Mounicq, ancien flic, raconte ce qu’il eu l’idée géniale de rassembler dans ce mier éditeur, en 1959.
leurs parents, et celles des policiers enquêteurs, a vécu et nous fait pénétrer de plain-pied dans superbe album les dessins et les textes de l’il- Une sorte d’œuvre-portrait (dédiée à son
autour d’un homicide et d’une disparition. le monde du crime et sa réalité la plus crue. lustre architecte-urbaniste bordelais dont la petit-fils Raphaël) d’un indomptable.
Sans oublier l’apparition, plutôt burlesque, petite enfance a été baignée par la beauté, la N. A
d’un tueur à gages japonais, qui ne comprend De Marin Ledun, un auteur vivant dans les quiétude des paysages de la presqu’île du
pas comment, diable, on peut être islandais. Landes : Marketing viral (éditions Au diable Cap-Ferret.
Utilisant avec talent les ressorts d’une Vauvert) ouvre les portes vertigineuses de Il existe encore des architectes qui savent dessi-
enquête criminelle pour mettre à jour l’état l’alliance des techniques commerciales de ner. Xavier Arsène-Henry en fait partie et de
catastrophique d’une société où le cadre familial pointe avec les nanosciences. quelle manière ! Le trait restitue avec précision et
20 € ; Isbn : 978-2-84626-157-9 subtilité l’originalité – un mélange de rectitude et
de désordre – des paysages du Cap-Ferret.
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NOTES DE LECTURE