Air Algérie, crash du AH 5017 : Réponses dans l’intérêt des familles des victimes au Figaro, à Me Courtois et à Me Busy
Me Gérard Samet 27 juillet 2015
La requête en autorisation de recours collectif déposée au Québec, est très différente d’une class action telle que pratiquée aux États-Unis. Elle est régie par les dispositions des Codes Civil et de Procédure civile du Québec. La faute d’Air Algérie est présumée et résulte de l’absence de respect de son obligation de résultat, puisque les passagers ne sont pas arrivés à destination. Il appartiendra à Air Algérie de démontrer qu’elle n’est pas responsable et n’a pas commis de faute, selon les principes de l’aviation civile internationale.
2015 07-26 la requête en autorisation de recours collectif déposé au québec
1. Air Algérie, crash du AH 5017 : Réponses dans l’intérêt des familles des victimes
au Figaro, à Me Courtois et à Me Busy
Me Gérard Samet 27 juillet 2015
La requête en autorisation de recours collectif déposée au Québec, est très différente
d’une class action telle que pratiquée aux États-Unis. Elle est régie par les dispositions
des Codes Civil et de Procédure civile du Québec. La faute d’Air Algérie est présumée
et résulte de l’absence de respect de son obligation de résultat, puisque les passagers
ne sont pas arrivés à destination. Il appartiendra à Air Algérie de démontrer qu’elle n’est
pas responsable et n’a pas commis de faute, selon les principes de l’aviation civile
internationale.
1ere
affirmation : la priorité des familles n’est pas l’argent, mais la recherche de la
vérité, il faut une enquête judiciaire.
Personne ne dit le contraire. Mais il n’est pas interdit de rechercher également la vérité
centralisée et exhaustive, sans se heurter à la résistance éventuelle des différents juges
d’instruction nationaux en matière pénale, le tout devant un seul tribunal civil aux larges
pouvoirs et bien outillé, comme l’est la Cour Supérieure du Québec à Montréal.
En droit civil québécois, chaque procès comporte une partie enquête avec témoignage
d’experts. Et la preuve ne repose pas sur l’intime conviction, mais sur la prépondérance
des probabilités en matière civile, avec prestation de serment des témoins directs ou
experts devant le juge. Quoi de différent que lors d’une instruction? Il s’agit aussi de
recherche de la vérité, sans connotation pénale, mais tout de même au sens de faute et
de responsabilité.
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2. À Montréal, nous avons les meilleurs experts aéronautiques du monde ( OACI, IATA,
Université McGill, CAE, Pratt & Whitney, Bombardier, ainsi que les sous-traitants de
Boeing et Airbus dans l’une des principales capitales aéronautiques, que ce soit à titre
scientifique ou à titre juridique), et les données récoltées au Mali et actuellement entre
les mains des juges espagnols, burkinabés et français, ainsi que du BEA, peuvent de la
même façon y être transmises et analysées.
La recherche indépendante de toute la vérité est le premier but de ce recours fondé sur
la trilogie de la responsabilité civile : faute, préjudice et lien de causalité.
2ème
affirmation : Le juge peut se déclarer incompétent en application du principe
du forum non conveniens et les droits pourraient être perdus.
Certes, cela est théoriquement possible. Dans ce cas les droits ne seraient pas perdus,
mais simplement transmis au tribunal de renvoi.
Mais la Cour Supérieure ne se déclare incompétente qu’à titre exceptionnel. Selon
l’article 3135 du Code Civil du Québec, qui codifie le Forum non conveniens américain
dans un cadre civiliste rigoureux, «Bien qu'elle soit compétente pour connaître d'un
litige, une autorité du Québec peut, exceptionnellement et à la demande d'une partie,
décliner cette compétence si elle estime que les autorités d'un autre État sont mieux à
même de trancher le litige».
Le mot important est «exceptionnellement».
Le cas le plus évident est lorsqu’une procédure civile identique à vocation indemnitaire
a été déposée antérieurement devant un autre tribunal civil, ce qui n’est pas le cas.
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3. Les procédures pénales ne sont pas considérées au Québec comme de futures
procédures civiles et n’empêchent absolument pas une procédure civile immédiate,
puisqu’au Québec, il est possible de poursuivre une procédure civile en parallèle à une
action pénale. Ici, le pénal ne tient pas le civil en l’état.
Selon la jurisprudence dominante, pour que cette incompétence exceptionnelle
soit constatée :
-il serait nécessaire que la compétence géographique du tribunal ne soit pas
sérieusement établie. Ce n’est pas le cas ici, puisque selon les Conventions de
Montréal et de Varsovie, les ayants-droit des personnes à destination de Montréal
peuvent choisir cette juridiction. (L’exemple du Costa Concordia dont s’est occupé Me
Courtois n’est donc pas pertinent).
-les droits applicables seraient très différents : ce n’est pas le cas ici, puisque les
Conventions de Montréal et de Varsovie représentent le seul droit international,
applicable obligatoirement.
-un recours collectif est-il possible devant un autre tribunal prévu par les Conventions
précitées? Aucun autre tribunal possible dans l’accident de l’AH5017 ne connait le
véhicule procédural du recours collectif qui évite la séparation des familles entre
plusieurs juridictions, que ce soit la France, l’Algérie ou le Burkina Faso,…. Par ailleurs
le recours collectif est la seule procédure qui permet de représenter TOUS les ayants-
droit, notamment les familles africaines dont tous les noms ne sont pas connus.
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4. -un autre tribunal civil est-il préalablement saisi d’une action indemnitaire? Pas à ce
jour. La procédure montréalaise est la première en la matière.
-L’intérêt de la justice et des ayants-droit penche-t-il en faveur de l’incompétence?
Autrement dit, existerait-il un autre tribunal naturel susceptible de rassembler tous les
ayants-droit? Ce n’est pas le cas.
-La Cour Supérieure de Montréal pourrait-elle accepter d’accueillir dans sa compétence
des Groupes multinationaux ayant les mêmes questions juridiques, et non
nécessairement les mêmes dommages? La jurisprudence québécoise et canadienne
en matière de recours collectifs transnationaux va dans ce sens, celui de la
globalisation des litiges. Surtout face à une communauté de destin des victimes de 14
nationalités qui sont toutes décédées dans le même crash aérien et au même moment.
-Le recours collectif devrait être autorisé devant la Cour Supérieure de Montréal en
application des traités internationaux, puisque seul le demandeur, qui a le choix, peut
choisir sa juridiction. Parmi ses choix figure le tribunal de destination, ce qui est le cas
ici.
-S’il ne l’était pas, la Cour devrait indiquer quel serait le tribunal approprié, sans que les
requérants ne perdent leurs droits, puisque la cause serait renvoyée vers un autre
tribunal.
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5. 3ème
argument : la priorité des familles n’est pas l’argent.
Mon expérience des crashs aériens m’a enseigné qu’une reconnaissance de
responsabilité dans un délai décent et en conséquence la meilleure indemnisation DE
TOUS les ayants-droit, sont des priorités qui contribuent au processus de deuil. La
réparation financière du pretium doloris (prix de la douleur), et celle des traumatismes
psychologiques et parfois corporels des victimes par ricochet que sont les ayants-droit,
sont par exemple des éléments importants de reconnaissance des dommages subis et
contribuent à apaiser les proches des victimes. La procédure pénale du crash du
Concorde a duré dix ans, la réparation a été versée 18 mois après l’accident au meilleur
taux indemnitaire jamais versé en Europe, grâce à la compétence alléguée du tribunal
civil de New-York. J’en sais quelque chose, puisque je l’ai négocié. Il n’est d’ailleurs pas
inutile de savoir que la juridiction montréalaise vient de condamner dans le cadre d’un
recours collectif les principales compagnies de tabac à verser 15 milliards de $ aux
fumeurs québécois qui ont été atteints de maladies graves à cause de la consommation
de cigarettes.
4ème
argument : choisir la recherche de la vérité en se constituant partie civile en
France est indispensable et interdit de participer à une procédure indemnitaire
devant un autre tribunal.
Cette affirmation est doublement inexacte.
D’abord les personnes qui ne sont pas de nationalité française sont interdites de
participer à la principale enquête judiciaire pénale sur cet accident, qui a effectivement
lieu en France. (Les juges d’instruction parisiens ont rendu une ordonnance
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6. d’incompétence à l’égard des parties civiles étrangères). Par ailleurs les juges
d’instruction algériens, espagnols, maliens et burkinabés ne dirigent pas cette enquête,
de notoriété publique. Or, les victimes françaises représentent moins de la moitié de
l’avion. Il est donc nécessaire pour les ayants-droit des victimes qui ne sont pas
françaises de rechercher la meilleure juridiction possible pour la recherche de la vérité
et pour leur indemnisation.
Ensuite, la constitution de partie civile en France pour les ayants-droits de victimes
françaises peut être limitée par écrit à la recherche de la vérité en indiquant qu’elle ne
vaut pas choix définitif de cette juridiction pénale française comme futur juge
indemnitaire. Il est aussi possible de laisser seulement l’Association qui a été
constituée, comme seule partie civile, pour avoir accès au dossier et rechercher la
vérité. Cela n’empêche nullement de saisir une juridiction étrangère en indemnisation,
alors que la juridiction civile de Montréal n’est pas immobilisée par la procédure pénale,
contrairement aux règles françaises.
La Cour de cassation admet depuis très longtemps que demander la réparation de son
préjudice n’est pour la partie civile qu’une simple faculté dont elle est libre de ne pas
user. Sa constitution peut n’être motivée que par le seul souci de corroborer l’action
publique et d’obtenir l’établissement de la culpabilité du prévenu, indépendamment de
toute réparation du dommage (Crim. 19 oct. 1982, Bull. n° 222 ; 10 févr. 1987, Bull. n°
64).
Le législateur a d’ailleurs, dans certains cas, limité le droit de la partie lésée de se
constituer partie civile au seul but d’établir la culpabilité de l’auteur d’un crime ou d’un
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7. délit dont elle serait victime. Il en est ainsi en application de l’article L. 622-9 du Code
de commerce (Crim. 21 mars 2000, Bull. n° 123).
Le droit de la partie civile de porter son action devant les juridictions répressives est
reconnu alors même que la réparation de son dommage échappe à la compétence de
celles-ci pour ressortir, par exemple, à celles des juridictions sociales en cas
d’accidents du travail (Crim. 10 mars 1993, Bull. n° 105), ou à celles des juridictions
administratives en cas d’infraction commise par un fonctionnaire dont la faute n’est pas
détachable du service (Crim. 15 févr. 2000, Bull. n° 70).
En matière aérienne, la meilleure juridiction est civile et non pénale, même si cette
dernière peut statuer sur les dommages dans le cas d’un accident d’avion.
Pour éviter toute ambigüité, il suffit d’indiquer que la constitution de partie civile est
fondée d’abord dans le but d’établir la culpabilité et de participer à la recherche de la
vérité, et que la personne réserve ses droits de demander la réparation du dommage
devant le tribunal qu’elle choisira lorsque la personne responsable pénalement sera
connue.
Il serait souhaitable que les familles françaises précisent par écrit que leur partie civile
ne signifie pas que la juridiction pénale française sera obligatoirement la juridiction
indemnitaire. Sinon, cela pourrait les priver de la procédure canadienne
Il est aussi recommandé de demander à l’association qui représente les victimes de se
déclarer partie civile. Cela peut suffire pour la recherche de la vérité.
5ème
argument : Les avocats nord-américains sont des rapaces qui n’agissent
que pour l’argent.
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8. Au Québec, le système est codifié, même si les règles de preuve et de procédure sont
de common law, comme dans tous les pays de système britannique.
Le recours collectif est considéré comme un moyen plus facile d’accéder au droit : les
honoraires des avocats sont inférieurs de moitié aux pourcentages appliqués aux États-
Unis. Par ailleurs, un Fonds d’aide aux recours collectif couvre les premiers frais, et
prend en charge les frais d’expertise, ce qui permet aux avocats de pratiquer des
honoraires abordables. Aucune provision sur honoraires ou frais n’est demandée aux
ayants-droit et les avocats sont payés en fin de processus (judiciaire ou transactionnel)
sous l’arbitrage d’un juge. Une convention d’honoraires a été passée avec le seul
représentant désigné et elle ne sera validée que par le juge.
6ème
argument : Le rôle des Associations de Victimes
Dans la mesure où l'accident aérien est, par nature, souvent collectif, le rôle des
Associations de Victimes est essentiel, dans l'aide et l'assistance immédiates apportées
à celles-ci, avant de les orienter dans la défense des intérêts de leurs ayants droit.
Rappelons que l'article 76 de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux
évolutions de la criminalité a modifié la rédaction de l'article 215 du code de procédure
pénale afin de permettre aux fédérations d’associations dont l'objet statutaire est la
défense des victimes d'accidents collectifs d’exercer les droits reconnus à la partie civile
en ce qui concerne un accident collectif survenu dans les transports collectifs. Cette
possibilité n’est toutefois réservée qu’aux fédérations inscrites auprès du ministère de la
justice.
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9. On peut penser que, dans un certain nombre de cas, les ayants droit de plusieurs
victimes françaises du même accident pourraient se grouper, afin de négocier la charge
des frais et honoraires d'un même Conseil, souvent calculés sur la base d'un
pourcentage sur l'ensemble des indemnisations.
Ce groupement de victimes pourrait intervenir à l'initiative des associations de victimes,
voire dans le cadre de "class actions", à la française…. C’est exactement ce que nous
avons fait à Montréal, puisque les actions de groupe ne sauraient être assimilées
aux class actions à la Française.
C'est ainsi que des associations ponctuelles se sont constituées ensuite de récents
drames aériens, et notamment :
Site des victimes de la catastrophe aérienne du Mont Saint-Odile
"ECHO" :
www.associationecho.com
Site officiel de l'Association des Victimes de la Catastrophe Aérienne du 16 Août 2005
(AVCA)
www.fivaa.com : Site de la Fédération Internationale des Victimes d'Accidents Aériens
(FIVAA)
www.inavem.org : Site de l'Institut National d’Aide aux Victimes et de Médiation
(INAVEM)
www.fenvac.com : Site de la Fédération Nationale des Victimes d'Accidents Collectifs
(FENVAC)
26/7/2015 JURISQUES : Catastrophes aériennes et responsabilités
http://www.jurisques.com/jfcvoy2.htm 14/17
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