2. +
INTRODUCTION (1)
Qu’est-ce qu’une religion ?
• On constate à la fois la diversité des phénomènes
religieux et leur universalité : la religion apparaît comme
l’un des éléments constitutifs de toute culture.
La religion n’existe pas au singulier. Il y a des religions : le
christianisme, le judaïsme, l’islam, l’hindouisme, le
bouddhisme, etc.
Au cours de l’histoire, la religion, certes, prend des formes
différentes, mais est toujours présente : elle apparaît comme
une « constante anthropologique ».
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3. +
INTRODUCTION (2)
• L’étymologie du mot « religion » est problématique.
Deux traditions s’opposent :
« religion »
religio (latin)
religare : relier (Tertullien,
Lactance)
relegere : recueillir, relire,
prendre soin (Cicéron)
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4. +
INTRODUCTION (3)
• La double étymologie est néanmoins instructive.
→ Selon la première étymologie, la religion est ce qui relie à la
fois le croyant à son dieu (verticalement), et les croyants entre
eux (horizontalement).
Paradoxe : force est de constater que la religion, au lieu de
relier, n’a fait que diviser les hommes.
→ Selon la seconde étymologie, la religion est ce qu’on
recueille, et qui fait l’objet d’un soin particulier. L’homme
religieux se définit par son attitude consciencieuse. Tout ce qui
est relatif au divin est « sacré », c’est-à-dire fait l’objet d’un
respect absolu et inconditionnel.
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5. +
INTRODUCTION (4)
• On retrouve ces différents éléments dans la définition
proposée par Émile Durkheim :
« Une religion est un système solidaire de croyances et de
pratiques relatives à des choses sacrées, c’est-à-dire
séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en
une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui
y adhérent. » (Les formes élémentaires de la vie
religieuse,1912)
→ Durkheim définit la religion sans faire référence à un
ou des dieux. C’est que toute religion n’est pas théiste : il
y a des religions qui ne vénèrent aucun dieu. Ex : le
bouddhisme.
→ Il met l’accent sur la fonction sociale de la religion.
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6. +
INTRODUCTION (5)
Problématisation
• De prime abord, les croyances religieuses semblent
« irrationnelles ». Pourquoi ?
1) Le croyant croit en dieu, alors qu’il n’a aucune
« raison » de croire. Objectivement, les éléments qui
pourraient attester de l’existence de dieu sont
beaucoup trop fragiles. Il serait plus rationnel de
suspendre son jugement !
Une croyance est rationnelle si elle peut être justifiée.
Mais le croyant peut-il seulement justifier sa croyance ?
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7. +
INTRODUCTION (6)
2) Le croyant non seulement ne peut pas justifier sa
croyance, mais il ne doute pas : il a la foi.
La foi n’est pas une croyance comme les autres. Elle
se caractérise par une forte adhésion du sujet à ce qui
est cru.
Cf. Kant, Critique de la raison pure.
Justification
objective
Degré de
certitude
L’opinion Faible Faible
La foi Faible Fort
Le savoir Forte Fort
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8. +
INTRODUCTION (7)
→ Faut-il en conclure que la foi est nécessairement
irrationnelle ? Celui qui a la foi doit-il renoncer à l’usage
de la raison ?
Cf. Tertullien : « Credo quia absurdum » (je crois parce
que c’est absurde).
• Mais, si la foi est complètement étrangère à la raison,
qu’est-ce qui la distingue de la simple superstition ?
La foi, à défaut d’avoir des raisons, n’a-t-elle pas des
causes ? Si c’est le cas, on ne peut pas la justifier, mais
on peut au moins l’expliquer par des causes, par
exemple, psychologiques ou sociales.
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9. +
1. Les raisons de croire (1)
a) Les preuves de l’existence de Dieu
Pendant longtemps, philosophes et théologiens ont
cherché à concilier la foi et la raison.
Ils ont ainsi élaboré une théologie rationnelle. Ils
prétendent établir l’existence de dieu, par la seule raison,
sans tenir compte de l’enseignement des religions
révélées.
Traditionnellement, on distingue trois preuves : la preuve
ontologique, la preuve cosmologique et la preuve
téléologique.
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10. +
1. Les raisons de croire (2)
La preuve ontologique
• Cette preuve repose seulement sur la raison : elle
ne fait pas intervenir l’expérience. Elle consiste à
déduire l’existence de dieu de son concept.
1. Dieu est, par définition, l’être parfait.
2. Comme il est parfait, il ne lui manque rien.
3. Donc il existe, car s’il n’existait pas, il lui manquerait
quelque chose (à savoir l’existence), et donc il ne
serait pas parfait.
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11. +
1. Les raisons de croire (3)
→ On retrouve cette preuve chez Saint Anselme (XIe) et
Descartes (XVIIe).
Cf. Méditations métaphysiques, V.
• Si par « dieu » on entend « un être souverainement
parfait », alors dieu existe par définition : son existence
découle nécessairement de son essence.
• Certes, je peux imaginer librement des choses qui
n’existent pas. Mais il faut distinguer l’imagination et la
raison. Si l’imagination est libre, la raison ne l’est pas.
Concevoir un dieu qui n’existe pas revient à concevoir un
être parfait qui n’est pas parfait, ce qui revient à se
contredire. La raison ne peut concevoir qu’un dieu
existant.
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12. +
1. Les raisons de croire (4)
• Objections
1) La preuve relève d’une pétition de principe : Descartes
présuppose ce qu’il veut démontrer. La conclusion de son
raisonnement est, en fait, contenue implicitement dans sa
définition initiale. Il admet, au départ, que dieu est « un être
souverainement parfait ». Mais on pourrait contester et
changer cette définition.
2) On ne peut pas déduire l’existence de quelque chose de son
concept. C’est la critique de Kant. L’existence n’est pas une
propriété comme les autres : elle n’est pas déductible. Pour
savoir si une chose existe, je dois passer par l’expérience.
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13. +
1. Les raisons de croire (5)
La preuve cosmologique
• Cette preuve n’est pas a priori (comme la preuve
ontologique), mais a posteriori. Elle part, non pas
d’une définition, mais d’un fait, facile à constater, et
incontestable.
1. Le monde existe.
2. Or, tout ce qui existe a une cause.
3. Il faut donc admettre l’existence de dieu comme
cause première. Si on ne le fait pas, on tombe dans
une régression à l’infini.
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14. +
1. Les raisons de croire (6)
→ On retrouve, par exemple, cette preuve chez Saint
Thomas d’Aquin (XIIIe) :
« Si l’univers est compréhensible, alors tout a une cause,
la cause a elle-même une cause et ainsi de suite. Si la
suite est infinie, alors l’univers n’est pas compréhensible ;
dans le cas contraire, il existe une cause ultime qui n’est
causée par rien et que l’on peut appeler Dieu ».
On la retrouve aussi chez Leibniz (XVIIe) : c’est la
preuve « par la contingence du monde ». Le monde étant
contingent (il aurait pu ne pas être), pour l’expliquer, on
doit supposer l’existence d’un être nécessaire (qui existe
par lui-même) : Dieu.
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15. +
1. Les raisons de croire (7)
• Objections
1) Cette preuve repose sur le principe de causalité (ou de
raison suffisante). Cf. Leibniz : « nihil est sine ratione » (rien
n’est sans raison). Or, ce principe n’est pas démontré : il est
seulement postulé.
2) Supposons que le monde ait une cause première. Pourquoi
serait-ce dieu ? On peut expliquer l’origine du monde, sans
faire référence à dieu. Ex : la théorie du Big Bang.
3) La référence à dieu n’est pas seulement arbitraire. Elle est
aussi inutile. On explique quelque chose qu’on ne comprend
pas (l’origine du monde) par quelque chose qu’on comprend
encore moins (dieu). Le gain explicatif est faible !
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16. +
1. Les raisons de croire (8)
La preuve téléologique
Il s’agit aussi d’une preuve a posteriori. Mais,
contrairement à la preuve précédente, elle fait
intervenir la notion, non pas de causalité, mais de
finalité (telos en grec : la fin).
1. Il y a dans la nature un certain « ordre ».
2. Cet « ordre » ressemble à celui qu’on retrouve dans
une machine.
3. Comme la machine a été créée par l’homme, on en
déduit par analogie que la nature a été créée par un
être supérieur : dieu.
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17. +
1. Les raisons de croire (9)
→ Cette preuve a eu du succès au XVIIIe. Elle a été
défendue par les partisans de la religion naturelle. Pour
avoir la foi, c’est inutile de lire la Bible. Il suffit de
contempler la nature !
Cf. par exemple, Voltaire :
« L’univers m’embarrasse, et je ne puis songer
Que cette horloge existe et n’ait point d’horloger. »
Hume présente cette preuve par le biais de Cléanthe
dans ses Dialogues sur la religion naturelle (1779).
L’ordre qu’on retrouve dans la nature n’est pas le fruit du
hasard : il révèle l’existence d’une intelligence
supérieure.
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18. +
1. Les raisons de croire (10)
• Objections
1) Le problème de l’analogie. Cf. Hume : Philon fait remarquer
à Cléanthe que le raisonnement analogique, lorsqu’il est
appliqué à des cas trop dissemblables, ne prouve rien.
2) Le problème de l’anthropomorphisme : Cléanthe pense la
nature à partir de la machine, dieu à partir de l’homme.
3) Le problème du mal : le monde n’est pas aussi parfait qu’on
le prétend. Si dieu existe, comment expliquer l’existence du
mal ? Cf. Stendhal : « La seule excuse de dieu, c’est qu’il
n’existe pas ».
4) La réfutation de la preuve par Darwin. Cf. la théorie de
l’évolution par la sélection naturelle.
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19. « Ou bien Dieu veut éliminer le
mal et ne le peut ; ou il le peut et
ne le veut ; ou il ne le veut ni ne le
peut ; ou il le veut et le peut. S’il le
veut et ne le peut, il est
impuissant, ce qui ne convient
pas à Dieu ; s’il le peut et ne le
veut, il est méchant, ce qui est
étranger à Dieu. S’il ne le peut ni
le veut, il est à la fois impuissant
et méchant, il n’est donc pas
Dieu. S’il le veut et le peut, ce qui
convient seul à Dieu, d’où vient
donc le mal, ou pourquoi Dieu
ne le supprime-t-il pas ? ».
ÉPICURE (selon un témoignage de
Lactance).
Le problème du mal
DIEU VEUT NE VEUT
PAS
PEUT ? Méchant
NE PEUT
PAS
Impuissant Méchant et
impuissant
Le tremblement de terre de Lisbonne (1755)
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20. +
1. Les raisons de croire (11)
b) La complémentarité de la raison et du cœur
La foi : une affaire de cœur
Il ne suffit pas de raisonner pour acquérir la foi : les
preuves de l’existence de dieu non seulement ne sont
pas valides, mais, en outre, elles ne font aucun effet sur
l’individu.
Cf. Pascal : « Les preuves de Dieu métaphysiques sont si
éloignées du raisonnement des hommes et si impliquées, qu’elles
frappent peu ; et quand cela servirait à quelques uns, cela ne
servirait que pendant l’instant qu’ils voient la démonstration, mais une
heure après ils craignent de s’être trompés. » (Pensées, éd. LG
n°179)
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21. +
1. Les raisons de croire (12)
→ On accède à la foi véritable, non par la raison, mais
par le cœur :
« C’est le cœur qui sent Dieu, non la raison. Voilà ce qu’est la
foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison. » (Pensées, éd. LG
n°397)
NB : chez Pascal, la notion de cœur a un sens particulier.
Par « cœur », Pascal entend la faculté qui permet à
l’homme de connaître ce que la raison ne peut pas
connaître.
Contrairement à la raison qui est une faculté discursive,
le cœur est une faculté intuitive.
« Intuition » > intueri (latin) : regarder.
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22. +
1. Les raisons de croire (13)
« Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais
encore par le cœur. » (Pensées, éd. LG n°101)
Loin de s’opposer, raison et cœur sont deux facultés
complémentaires. Grâce au cœur, l’homme a une
connaissance immédiate de certains principes. Grâce à
la raison, il peut élargir ses connaissances, en déduisant,
à partir des principes établis par le cœur, de nouvelles
propositions.
→ Pascal souligne l’importance du cœur, mais sans
dénigrer pour autant la raison. Il veut éviter, en effet,
« deux excès » : « exclure la raison, n’admettre que la
raison » (Pensées, éd. LG n°172).
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23. +
1. Les raisons de croire (14)
L’argument du pari
Pascal envisage donc deux manières d’acquérir la foi. La
première passe par le cœur. Le seconde passe par la
raison.
Le croyant véritable – celui qui a été touché par la grâce
– n’a pas besoin de raisonner : le cœur lui suffit ; il
« sent » que dieu existe.
Ce n’est pas le cas du libertin. Pour ce dernier, Pascal
envisage une solution de dernier recours : c’est
« l’argument du pari » (Pensées, éd. LG n°397).
Paradoxe : il peut être rationnel de croire en dieu !
Pourquoi ?
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24. Que
dois-je
parier ?
Dieu
existe
Dieu
n’existe
pas
Je crois
en Dieu 1 2
Je ne
crois pas
en Dieu
4 3
Le pari pascalien
1 : le plus grand bien. J’ai gagné « une éternité
de vie et de bonheur » (paradis).
2 : le bien inférieur (second best). J’ai perdu
mon pari, mais ma perte est limitée. J’ai
seulement renoncé à certains plaisirs de la vie
terrestre.
3 : le moindre mal. J’ai profité de ma vie
terrestre, mais en prenant un risque
considérable.
4 : le plus grand mal. J’ai perdu mon pari. J’ai
perdu la vie éternelle. Mon salut est compromis
(l’enfer).
• La raison ne peut pas prouver que dieu existe. Mais elle ne peut pas prouver
non plus que dieu n’existe pas. Il serait plus prudent de suspendre son
jugement : « le juste est de ne point parier ».
• Pourtant, nous sommes « embarqués ». Nous sommes mortels : tôt ou tard,
nous mourrons. Il faut donc prendre parti : à défaut d’avoir une preuve, nous
devons croire ce qui nous est avantageux.
• Si le libertin est rationnel, étant donné que la probabilité que dieu existe n’est
pas nulle, pour maximiser ses gains et minimiser ses pertes, il doit parier que
dieu existe.
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25. +
2. Les causes des croyances (1)
a) L’ignorance
Cf. Spinoza, Éthique, I, appendice.
• Les hommes, ignorant les causes véritables des
phénomènes qu’ils observent, les interprètent comme les
effets de la volonté de dieu.
C’est l’ignorance qui les pousse à croire. Selon Spinoza,
la foi n’est qu’une forme de superstition.
Il a recours à deux exemples :
1) La mort d’un homme ;
2) La structure du corps humain.
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26. Un
homme
est mort.
POURQUOI ?
Une pierre est tombée
d’un toit sur sa tête…
… alors qu’il
marchait dans la
rue !
Le vent
soufflait
La mer s’est
agitée
Il a été invité
par un ami.
DIEU l’a
voulu !
Enchaînement nécessaire de causes et d’effets
Mais
pourquoi ?
Mais
pourquoi ?
La raison de l’action
La pierre est tombée
pour tuer l’homme
(cause finale).
L’événement a donc un
sens. L’homme a dû
faire quelque chose
pour mériter son sort !
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27. +
2. Les causes des croyances (2)
• Les hommes ont tendance à devenir superstitieux, parce que,
dans leur vie, ils sont soumis à des événements extérieurs
qu’ils ne contrôlent pas. L’ignorance et la peur de l’avenir les
conduisent à chercher des explications : à défaut de
connaître, ils interprètent.
Ils donnent ainsi un sens aux événements qu’ils redoutent. Si
la pierre est tombée sur la tête du passant, ce n’est pas par
hasard : Dieu l’a voulu. Le passant a dû faire quelque chose de
mal. Pour conjurer le mauvais sort, il faut donc prier dieu.
Mais :
1) Dieu est-il la cause de tout ce qui arrive ?
2) Tout fait ou événement a-t-il nécessairement un sens ? Peut-on
tout interpréter ?
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28. +
2. Les causes des croyances (3)
• La mort accidentelle de l’homme, aussi étonnante soit-elle, n’a
rien de surnaturel : elle résulte d’un enchaînement, certes
complexe, mais naturel de causes et d’effets.
1) La pierre n’est pas tombée « pour tuer l’homme ». Il n’y a
pas de causes finales, mais seulement des causes
efficientes : telle cause produit tel effet et ainsi de suite. La
finalité n’existe que dans l’imagination de l’homme religieux.
2) La pierre n’est pas tombée, parce que « Dieu l’a voulu ».
Dieu n’a pas de volonté. Prêter à dieu une volonté, c’est
tomber dans l’anthropomorphisme. Spinoza défend une autre
conception de dieu : « deus sive natura ».
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29. +
2. Les causes des croyances (4)
b) Les causes psychologiques
Selon Freud, la religion remplit trois fonctions :
• La fonction théorique : « elle satisfait la curiosité humaine et
c’est d’ailleurs par là qu’elle entre en conflit avec la science ».
• La fonction psychologique : elle contribue à « apaiser la
crainte de l’homme devant les dangers et les hasards de la
vie » ou « à lui apporter quelque consolation dans les
épreuves ».
• La fonction morale et politique : elle « formule des
préceptes, des interdictions, des restrictions » (Nouvelles
conférences sur la psychanalyse, VII).
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30. +
2. Les causes des croyances (5)
→ Selon Freud, seule la fonction psychologique permet
d’expliquer l’universalité des phénomènes religieux et
leur permanence au cours de l’histoire.
Les deux autres fonctions sont devenues moins
importantes, du fait du progrès scientifique et de la
sécularisation de la société.
Freud défend une triple thèse :
1) Les croyances religieuses sont des illusions.
2) Elles ont pour origine la détresse infantile.
3) L’homme n’est pas par nature un animal religieux : il
peut se libérer de la religion.
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31. +
2. Les causes des croyances (6)
1) La croyance religieuse comme illusion
Cf. L’avenir d’une illusion, 1927.
L’illusion est un type particulier de croyance. Celui qui
s’illusionne tient pour vrai ce qu’il désire être vrai.
L’illusion est une croyance qui découle de certains désirs.
Elle est irrationnelle : celui qui s’illusionne croit ce qu’il
désire, malgré les faits ; il peut aller jusqu’à occulter la
réalité. Ex : le mari cocu.
Selon Freud, c’est donc parce que les hommes désirent
que dieu existe qu’ils y croient. Mais d’où vient ce désir ?
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32. +
2. Les causes des croyances (7)
2) La genèse des croyances religieuses
Freud avance l’hypothèse selon laquelle le désir, à
l’origine des croyances religieuses, est le désir de
protection que ressent tout enfant.
Chaque enfant ferait l’expérience de ce que Freud
nomme « la détresse infantile ». Pour apaiser son
angoisse, il aurait besoin d’une puissance protectrice :
son père.
Or, la détresse ne disparaît pas à l’âge adulte : l’homme
a toujours besoin de protection. Le désir du père,
toujours actif, devient désir du Père, désir de Dieu.
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33. Détresse
infantile
Désir de
protection =
désir du père
L’enfance
Désir de
Dieu = FOI
L’âge adulte
Transfert
• Désir de protection face
aux aléas de l’existence
• Désir d’une vie après la
mort
• Désir d’une Providence
qui fasse triompher la
justice
Selon Freud, il y a un lien entre la figure paternelle et dieu : « Le dieu
créateur est surnommé "le père". La psychanalyse en conclut qu’il s’agit
bien là du père majestueux, tel qu’il apparut autrefois au petit enfant »
(Nouvelles conférences sur la psychanalyse).
34. +
2. Les causes des croyances (8)
3) La sortie de la religion
Selon Freud, la religion ne serait qu’une étape dans
l’évolution dans l’humanité : en aucun cas, elle n’est
l’essence de l’homme.
Il faut une « éducation en vue de la réalité ». De même
que l’enfant doit apprendre à vivre sans ses parents,
l’humanité doit apprendre à vivre sans religion, en
acceptant sa finitude et sa petitesse dans l’univers.
La psychanalyse peut y contribuer, en permettant à
chacun de se libérer du traumatisme initial qu’est la
détresse infantile.
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35. +
2. Les causes des croyances (9)
c) Les causes sociales
Cf. Marx, Pour une critique de la philosophie du droit
de Hegel (1843).
Selon Marx, on ne peut pas comprendre la religion
indépendamment du contexte social dans lequel elle
s’inscrit. Ce n’est pas tant le psychisme humain que
l’injustice sociale qui rend la religion nécessaire.
Trois thèses : 1) la religion est un produit de la société ;
2) elle a une fonction sociale ; 3) l’homme peut vivre sans
religion.
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36. +
2. Les causes des croyances (10)
1) La religion comme produit de la société
Marx refuse de considérer la religion comme un trait
essentiel à l’homme. L’homme n’est pas par nature un
« animal religieux ». Mais il peut le devenir : tout dépend
du type de société dans lequel il vit.
La religion en tant que phénomène spirituel s’explique
par des causes matérielles, à savoir les rapports
économiques et sociaux.
« Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur
existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur
conscience. » (Critique de l’économie politique)
GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
37. Charb, Marx, Mode d’emploi, avec Daniel Bensaïd, La découverte, 2009.
Marx : « C’est l’homme
qui fait la religion, et
non la religion qui fait
l’homme. »
38. +
2. Les causes des croyances (11)
2) La religion comme opium du peuple
C’est l’ordre social injuste qui génère le besoin de croire.
Comme l’opium, la religion a une double fonction.
D’un côté, elle calme la douleur de ceux qui sont
exploités, en leur faisant oublier leur malheur présent et
en leur donnant l’espoir d’un bonheur supraterrestre.
D’un autre côté, elle les endort : au lieu de se révolter, ils
se résignent et acceptent l’ordre social tel qu’il est.
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39. +
2. Les causes des croyances (12)
3) De la critique de religion à la critique de la société
Comme Freud, Marx considère la religion comme l’effet
d’une cause extérieure. Supprimer la cause permettrait
de supprimer l’effet.
Pour mettre fin aux illusions religieuses, il suffirait de
mettre fin à la situation sociale qui les a fait naître. Dans
la mesure où c’est l’aliénation économique qui conduit à
l’aliénation religieuse, seule une révolution peut
permettre au peuple de vivre sans religion.
GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
40. +
2. Les causes des croyances (13)
Transition : on pourrait reprocher à Marx et à Freud
d’avoir une approche réductrice de la religion. L’un
et l’autre expliquent les phénomènes religieux par
des facteurs non-religieux.
Or, la religion n’est-elle pas un phénomène culturel
spécifique, irréductible à sa dimension sociale et à
sa dimension psychologique ?
GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
41. +
Suggestions de lecture
(pour aller plus loin)
André Comte-Sponville, L’Esprit de l’athéisme. Introduction à
une spiritualité sans Dieu, Le Livre de poche, 2006.
Luc Ferry et Marcel Gauchet, Le religieux après la religion, Le
livre de poche, 2007.
Bernard Sève, La question philosophique de l’existence de
Dieu, PUF, 1994 (2ème éd. 2010).
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