Le Lean sur une ligne de production : Formation et mise en application directe
La conscience d’être libre est-elle illusoire? (G.Gay-Para)
1. La conscience d’être libre est-elle
illusoire ?
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2. INTRODUCTION (1)
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• Liberté d’agir et liberté de choisir
1. Je suis libre si et seulement si je peux faire ce que je
veux.
→ Tout ce qui m’empêche d’agir réduit ma liberté : je ne
dois pas rencontrer d’obstacles ou d’entraves.
→ Je ne dois pas être soumis à la volonté d’une autre
personne.
La liberté est donc une notion négative : elle désigne
l’absence de contraintes extérieures.
3. INTRODUCTION (2)
2. Je suis libre si et seulement si j’ai une volonté libre. La
liberté extérieure ne suffit pas. Je peux faire ce que je
veux, et pourtant ne pas être libre. Je suis libre si je
suis capable de choisir par moi-même d’accomplir telle
action plutôt que telle autre. Cette liberté intérieure se
nomme « libre arbitre ».
Une telle liberté suppose :
a) Que le sujet soit à l’origine de sa décision : il doit
s’autodéterminer ;
b) Que son choix soit contingent : le sujet aurait pu, s’il
avait voulu, choisir autre chose.
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4. INTRODUCTION (3)
• Problématisation
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La liberté extérieure est souvent contestée : nous sommes
sensibles aux contraintes extérieures (comme la loi juridique)
qui nous empêchent de faire ce que nous voulons.
La liberté intérieure, en revanche, est moins contestée. Elle
semble être acquise. Elle relève d’un sentiment immédiat que
nous partageons tous. Nous sentons que nous sommes libres,
parce que nous sommes, à première vue, maîtres de notre
volonté.
Or, suffit-il de se sentir libre pour l’être effectivement ?
Pouvons-nous nous fier aux données de notre conscience ?
5. INTRODUCTION (4)
• Les enjeux
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Le libre arbitre soulève un problème métaphysique, dont
les enjeux sont considérables. Ils concernent :
1. La différence entre l’homme et l’animal
Cf. Rousseau : « La nature seule fait tout dans les opérations
de la bête, au lieu que l’homme concourt aux siennes, en qualité
d’agent libre. L’un choisit ou rejette par instinct, et l’autre par
un acte de liberté. » (Second discours, Première partie).
6. INTRODUCTION (5)
2. La morale et le droit
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L’existence des lois morales et juridiques présuppose
que l’homme a un libre arbitre. Si ce n’était pas le cas,
on ne pourrait pas le tenir pour responsable de ses
actes, ni le juger.
Cf. Nietzsche : « Nous n’accusons pas la nature
d’immoralité quand elle nous envoie un orage et nous
trempe : pourquoi disons-nous donc immoral l’homme qui
a fait quelque chose de mal ? Parce que nous supposons ici
une volonté libre aux décrets arbitraires, là une nécessité. »
(Humain, trop humain, I, §102).
7. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
1. Les arguments en faveur du libre
arbitre (1)
a) Le témoignage de la conscience
Cf. Henri Bergson, Leçons clermontoises.
L’action humaine se décompose en trois étapes :
1. La délibération : moment de réflexion (moyens/fins,
motifs) ;
2. La décision : fin de la réflexion, choix du projet, et
déclenchement de l’action ;
3. L’exécution ou l’accomplissement du projet.
8. 1. Les arguments en faveur du libre
arbitre (2)
Constat de Bergson : nous sentons que nous sommes
libres, avant d’agir, mais aussi après avoir agi.
1. Avant l’action : nous délibérons et décidons librement.
Nous pourrions ne pas agir, nous pourrions agir
autrement.
2. Après l’action : nous éprouvons des sentiments comme
des regrets ou des remords. Nous savons que, si nous
avions voulu, nous aurions pu agir autrement.
→ « Donc, un fait est indiscutable, c’est que notre conscience
témoigne de notre liberté ».
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9. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
1. Les arguments en faveur du libre
arbitre (3)
Bergson retrouve une idée de Descartes : « La liberté
de la volonté se connaît sans preuve, par la seule
expérience que nous en avons ».
• Pour Descartes, l’existence du libre arbitre est une
évidence. Il est donc impossible d’en douter.
• Descartes suppose que les données de la conscience
sont fiables : je suis ce que j’ai conscience d’être ; si j’ai
conscience d’être libre, c’est que je suis libre.
Or, est-ce si simple ?
→ La conscience « témoigne », mais ne prouve rien.
10. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
1. Les arguments en faveur du libre
arbitre (4)
b) Les preuves de la liberté
Cf. Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique.
• La preuve a posteriori
« L’homme est libre ; sans quoi conseils, exhortations,
préceptes, interdictions, récompenses et châtiments seraient
vains ».
Cette preuve fait intervenir un raisonnement par
l’absurde.
11. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
1. Les arguments en faveur du libre
arbitre (5)
Raisonnement par l’absurde
Soit une proposition quelconque : p.
1. Je veux prouver p, mais je n’y arrive pas
directement. Je fais donc l’hypothèse de la
proposition contraire : non p.
2. Si non p est vraie, alors il s’ensuit une
contradiction ou une absurdité. Donc, non p est
fausse.
3. Or, si non p est fausse, alors p est vraie.
12. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
1. Les arguments en faveur du libre
arbitre (6)
→ Supposons que l’homme ne soit pas libre. Quelles seraient les
conséquences d’un point de vue pratique ? Certaines actions de la
vie quotidienne deviennent impossibles ou perdent leur sens :
conseiller, encourager, ordonner, interdire, etc.
→ Nous agissons toujours comme si nous étions libres. On peut
faire remarquer « au philosophe qui prétend douter de l’acte libre
que son doute n’est pas entièrement convaincant puisqu’en réalité il
ne renonce nullement à faire comme si les gens autour de lui
pouvaient agir d’eux-mêmes. Par exemple, il leur parle pour leur
demander des services » (Vincent Descombes, Le complément de
sujet. Enquête sur le fait d’agir de soi-même, 2004, p.18).
13. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
1. Les arguments en faveur du libre
arbitre (7)
• La preuve a priori
Exemples Types d’être Types d’action
« La pierre » Être matériel
Action « sans jugement ».
Mouvement nécessaire, conformément aux
lois de la nature.
« La brebis » Être vivant
Action d’après un jugement « non libre »,
car déterminé par « l’instinct naturel ».
→ Action nécessaire.
« L’homme » Être doué de
raison
Action d’après un jugement « libre », car
déterminé par la raison, laquelle « peut
faire des choix opposés ».
→ Action contingente.
14. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
1. Les arguments en faveur du libre
arbitre (8)
«Par conséquent, il est nécessaire que l’homme soit doué
du libre arbitre, du fait même qu’il est doué de raison ».
• Thomas d’Aquin procède ici à une déduction : si on
admet que l’homme a une raison, alors on doit aussi
admettre qu’il a un libre arbitre.
• Contrairement à l’animal, l’homme peut, dans une
situation donnée, accomplir des actions différentes : tout
dépend de son jugement, de sa manière de considérer ou
d’examiner la situation (« acte de synthèse »). Le
jugement étant libre, l’action qui en découle l’est aussi.
15. 2. La critique du libre arbitre.
Liberté et déterminisme (1)
a) L’illusion du libre arbitre
Cf. Spinoza, Lettre à Schuler.
Rejet des deux arguments précédents :
1) L’argument de la conscience (Descartes)
2) L’argument relatif au statut particulier de l’homme
(Thomas d’Aquin)
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16. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
2. La critique du libre arbitre.
Liberté et déterminisme (2)
1) La conscience d’être libre est illusoire :
« Les hommes se trompent en ce qu’ils se pensent libres,
opinion qui consiste seulement en ceci, qu’ils sont
conscients de leurs actions, et ignorants des causes qui les
déterminent » (Ethique, II, proposition 35, scolie).
• J’ai conscience de ma volonté, et non des causes
qui agissent sur celle-ci et qui la déterminent.
• Ma volonté, loin d’être une cause première, n’est
que l’effet de certaines causes antécédentes dont je
n’ai pas conscience.
17. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
Volonté Action
Raisons d’agir
(motifs )
Contraintes
extérieures
(obstacles, lois)
CONSCIENCE
Le corps
(Spinoza)
La société
(Marx)
L’inconscient
(Freud)
Causes inconscientes
18. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
2. La critique du libre arbitre.
Liberté et déterminisme (3)
2) L’homme n’a pas de statut privilégié : comme la
pierre, comme l’animal, il est soumis aux lois de la
nature. Il n’y a pas d’exception humaine.
Les partisans du libre arbitre ont le tort de concevoir
l’homme « comme un empire dans un empire », et de
croire qu’il « perturbe l’ordre de la nature plutôt qu’il
ne le suit » (Ethique, III, préface).
→ Spinoza est déterministe : le monde est
intégralement régi par le principe de causalité.
19. L’homme n’est pas « comme un empire
L’homme
ou le règne
de la
liberté
La nature
ou le règne
de la
nécessité
dans un empire »
Selon Spinoza, l’homme n’est pas un
« empire » à part, à l’intérieur du plus grand
« empire » que serait la nature. Comme toute
chose, il fait partie de celle-ci, et obéit donc à
ses lois. Il n’y a donc qu’un seul règne : le règne
de la nature, c’est-à-dire, celui de la nécessité.
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20. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
2. La critique du libre arbitre.
Liberté et déterminisme (4)
b) La liberté comme libre nécessité
• Spinoza dénonce l’illusion du libre arbitre. Mais, il
conserve l’idée d’une liberté de l’homme :
1. Paradoxalement, on peut concilier déterminisme et
liberté ;
2. Pour cela, il faut redéfinir le mot « liberté ».
→ Spinoza propose une nouvelle définition de la liberté :
« Vous voyez donc que je ne situe pas la liberté dans un
libre décret, mais dans une libre nécessité ».
21. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
2. La critique du libre arbitre.
Liberté et déterminisme (5)
• Il faut distinguer déterminisme et fatalisme.
Cf. Alain : « L’idée fataliste c’est que ce qui est écrit ou prédit se
réalisera quelles que soient les causes (…). Au lieu que, selon le
déterminisme, le plus petit changement écarte de grands malheurs,
ce qui fait qu’un malheur bien clairement prédit n’arriverait point
» (Éléments de philosophie).
→ Selon le fatalisme, on ne peut pas agir, car, quoi qu’on fasse, ce
qui doit arriver arrivera.
→ Selon le déterminisme, tout ce qui a lieu n’est qu’un
enchaînement nécessaire de causes et d’effets, mais il n’y a pas de
fin inéluctable.
22. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
2. La critique du libre arbitre.
Liberté et déterminisme (6)
• Il faut redéfinir l’idée de liberté :
« Pour ma part, je dis que cette chose est libre qui existe et
agit par la seule nécessité de sa nature, et contrainte
cette chose qui est déterminée par une autre à exister
et à agir selon une modalité précise et déterminée ».
Paradoxe : une action peut être nécessaire et pourtant
libre !
Liberté = Nécessité
Liberté ≠ Contrainte
23. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
2. La critique du libre arbitre.
Liberté et déterminisme (7)
• On peut devenir libre.
Cf. Ricoeur : « C’est la leçon de Spinoza : on se découvre
d’abord esclave, on comprend son esclavage, on se retrouve
libre dans la nécessité comprise » (De l’interprétation).
→ L’homme n’est pas d’emblée libre, mais il peut le
devenir. Pour être libre, il faut, au préalable, se libérer.
→ Cette libération suppose un usage de la raison :
l’homme doit prendre conscience des causes qui le
déterminent, et donc apprendre à se connaître.
24. 2. La critique du libre arbitre.
Liberté et déterminisme (8)
c) Objections
1) Non seulement Spinoza n’apporte aucune preuve en faveur du
déterminisme, mais il commet une faute d’extension, en
appliquant le principe de causalité, valide pour les phénomènes
naturels, aux actions humaines.
→ C’est la critique de Bergson : les partisans du déterminisme
comme Spinoza « ne font qu’étendre arbitrairement aux actions
volontaires une loi vérifiée dans les cas où la volonté n’intervient
pas » (« L’âme et le corps » in L’énergie spirituelle).
2) Nier le libre arbitre a des conséquences désastreuses pour la
morale et le droit.
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25. Fritz LANG, M Le Maudit, 1931.
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Scène finale
1) L’argument de M : « Ce
n’est pas ma faute ». M
prétend agir par nécessité,
soumis à une force intérieure.
2) La réponse du chef de la
pègre : si M ne peut pas ne
pas tuer, il est donc une
menace pour l’ordre public. Il
faut le tuer comme une bête
fauve.
3) L’intervention de la
défense : « Là où il y a
contrainte, il n’y a plus libre
arbitre. Là où il n’y a pas de
responsabilité, aucune peine
ne peut être prononcée ».
26. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
Intermède : M le maudit de F. Lang.
M est-il responsable ?
• Cette scène interroge le rapport entre conscience, liberté et
responsabilité. Seul un être conscient et libre peut être tenu pour
responsable de son action.
• Or, M prétend agir sous l’emprise d’une force intérieure qui le
pousse à assassiner les jeunes filles. Il semble souffrir d’un
dédoublement de la personnalité, et agir de manière inconsciente. Il
n’est donc pas, à première vue, responsable.
• Mais, s’il n’est pas responsable, faut-il pour autant le considérer
comme innocent ? Il faut distinguer la responsabilité et la
culpabilité, car les deux notions ne se recoupent pas
nécessairement. On peut être responsable et non coupable, et
inversement, coupable mais non responsable.
27. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
3. Liberté et morale (1)
a) La liberté comme postulat de la raison
pratique
• Pour Kant, on ne peut pas trancher le débat entre libre
arbitre et déterminisme. La raison théorique peut
argumenter en faveur de l’un comme de l’autre : elle est face
à une antinomie.
→ La liberté ne peut pas faire l’objet d’une connaissance ; on
n’a aucune preuve suffisante (contre Descartes).
→ Mais il ne faut pas non plus admettre la thèse déterministe
(contre Spinoza) : à défaut d’être prouvée, la liberté doit
être postulée. Pourquoi ?
28. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
3. Liberté et morale (2)
• La liberté est la ratio essendi de la loi morale.
L’action morale suppose, en effet, que le sujet puisse agir
par pur respect pour la loi morale, sans être déterminé
par ses inclinations sensibles. Si l’homme n’était pas
libre, il ne pourrait pas agir moralement.
→ La liberté n’est rien d’autre que la condition de
possibilité de la morale.
→ Au nom de la morale, il faut donc admettre que
l’homme est libre. La liberté est une exigence de la
raison pratique.
29. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
3. Liberté et morale (3)
• La loi morale est la ratio cognoscendi de la
liberté.
Cf. Kant, Critique de la raison pratique, §6, scolie.
Nous n’avons aucune preuve de la liberté. Et pourtant,
nous savons que nous sommes libres. Comment ?
Il y a une expérience première, qu’on ne peut pas
remettre en question : nous avons conscience de la loi
morale.
30. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
3. Liberté et morale (4)
1. Nous avons conscience de notre devoir.
2. Or, si nous devons accomplir notre devoir, c’est que nous
pouvons aussi le faire.
3. Par conséquent, nous sommes libres.
« Tu dois, donc tu peux ».
→ L’expérience morale révèle à l’homme sa
propre liberté : il reconnaît ainsi que, s’il veut, il peut
toujours accomplir son devoir, indépendamment de ses
inclinations sensibles.
31. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
3. Liberté et morale (5)
b) Liberté et culpabilité : le libre arbitre
comme fiction.
Cf. Nietzsche, Le crépuscule des idoles (« Les quatre
grandes erreurs », §7).
Comme Kant, Nietzsche affirme la primauté du fait moral.
Mais il en tire une autre conclusion :
• Le libre arbitre n’est pas un postulat de la raison pratique,
mais une pure fiction.
• Il est l’oeuvre de certains hommes – moralistes et
théologiens – qui désirent punir et juger les autres.
32. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
3. Liberté et morale (6)
→ Le libre arbitre, comme les valeurs morales, a été
inventé par les « faibles », pour culpabiliser les « forts »,
et finalement, les affaiblir. Parce que tu es « libre », tu es
responsable, et donc tu dois être puni pour tes
« mauvaises » actions.
• Or, pour Nietzsche, il s’agit d’une interprétation
contestable de la réalité : on prête à l’homme un
pouvoir imaginaire – le libre arbitre – pour
mieux le dresser.
• Nietzsche plaide en faveur de « l’innocence du
devenir ».
33. 3. Liberté et morale (7)
c) L’homme est liberté. Déterminisme et
mauvaise foi.
Cf. Sartre, L’existentialisme est un humanisme (1945).
• Si on accepte l’idée selon laquelle Dieu n’existe pas,
cela a deux conséquences :
1) Sur la question de la nature de l’homme : « l’homme est
liberté »;
2) Sur la question de la morale : l’homme est
« délaissé ».
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34. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
3. Liberté et morale (8)
L’essentialisme L’existentialisme
L’essence précède l’existence
Sartre prend l’exemple du coupe-papier
qui, avant d’être produit, a été
conçu.
On peut appliquer, par analogie, ce
principe à l’homme :
«Ainsi, le concept d’homme, dans
l’esprit de Dieu, est assimilable au
concept de coupe-papier dans l’esprit
de l’industriel. »
Si Dieu existe, l’homme aurait
donc une essence ou une nature
prédéfinie.
L’existence précède l’essence
Dieu n’existe pas. L’homme est
un être indéterminé.
« Cela signifie que l’homme existe
d’abord, se rencontre, surgit dans le
monde, et qu’il se définit après.
L’homme, tel que le conçoit
l’existentialiste, s’il n’est pas
définissable, c’est qu’il n’est d’abord
rien. Il ne sera qu’ensuite, et il sera tel
qu’il se sera fait. »
35. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
3. Liberté et morale (8)
• La liberté ne relève pas de l’avoir, mais de l’être.
La liberté n’est pas une propriété que nous pouvons
acquérir ou perdre. La liberté définit notre humanité.
La liberté n’est pas « une qualité surajoutée » : elle est,
dit Sartre, « très précisément l’étoffe de mon être »
(L’être et le néant).
• Cette liberté est à la fois absolue et inaliénable.
Quelle que soit la situation (même sous l’occupation
allemande!), quels que soient les obstacles, je suis libre
– libre de me choisir, et d’être telle personne ou telle
autre (résistant, par exemple, ou collaborateur).
36. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
3. Liberté et morale (9)
• D’où le paradoxe : « l’homme est condamné à être
libre ». Il n’est pas libre d’être libre. La liberté apparaît
comme un fardeau. Comment échapper à la liberté ?
• Pour Sartre, l’homme qui nie sa liberté est de mauvaise
foi.
D’une part, il se trompe sur lui-même : il croit qu’il
est déterminé à être ce qu’il est, parce qu’il a une nature ;
il s’attribue le mode d’être des choses.
D’autre part, il cherche à échapper au sentiment
d’angoisse qui accompagne l’expérience de la liberté. Il
est donc lâche, et au lieu d’assumer ses actes, cherche
des excuses.
37. Dieu n’existe pas
GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
Problème moral : le
« délaissement »
« L’existence précède l’essence »
« L’homme est condamné à être libre »
Angoisse et
sentiment de
responsabilité
La liberté
est un
fardeau
Mauvaise
foi
Le déterminisme
comme excuse
38. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
Conclusion (1)
• Comment trancher ? On ne dispose d’aucune preuve décisive en
faveur d’un camp ou d’un autre. Le débat entre libre arbitre et
déterminisme semble résulter de l’opposition indépassable
entre deux fortes croyances :
1. La croyance au libre arbitre : croyance non seulement
immédiate et naturelle, mais aussi essentielle pour la vie en
société, la morale et le droit.
2. La croyance au principe de causalité : croyance non moins
essentielle, car la science en dépend. Expliquer un phénomène,
c’est remonter de l’effet à sa cause.
• Chacun croit ce qu’il désire, en fonction de ses
préoccupations. Soit l’homme est libre : on peut le juger, mais il
faut renoncer à le connaître. Soit l’homme n’est pas libre : on peut le
connaître, mais on ne peut plus le juger.
39. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
Conclusion (2)
• Mais la liberté, avant d’être un problème métaphysique, est un
problème politique. La liberté consiste d’abord à ne pas être
soumis à la volonté d’autrui. On oppose ainsi l’homme libre et
l’esclave. Historiquement, ce sens de la liberté est premier.
Cf. Hannah Arendt, « Qu’est-ce que la liberté? » in La crise de la
culture (1961) :
« Avant de devenir un attribut de la volonté, la liberté a été
comprise comme le statut de l’homme libre, qui lui permettait
de se déplacer, de sortir de son foyer, d’aller dans le monde… »
• Problème : comment pouvons-nous vivre ensemble sans être
soumis les uns aux autres ? Est-il possible de concilier les exigences
de la vie collective (l’obéissance aux lois) et le respect des libertés
individuelles ?
40. GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015
Suggestions de lecture
(pour aller plus loin)
• Arthur Schopenhauer, Essai sur le libre arbitre
(1841), Rivages poche, Petite Bibliothèque, 1992.
• Bertrand Russell, Science et religion (1935), Gallimard,
Folio, 1971. En particulier, le chapitre IV : « Le
déterminisme », p.107-125.
• Cyril Michon, Qu’est-ce que le libre arbitre ?, Vrin,
Collection « Chemins philosophiques », 2011.