Article publié dans le numéro spécial urgences oculaires du Point vétérinaire Décembre 2012.
Article published in the Special Issue of the Point Veterinaire about Ocular emergencies in December 2012
Planification familiale en situations de crise et post-crise - AZ.ppt
Ulcères cornéens profonds
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UrgEncEs à
prédominancE
chirUrgicalE
OPHTALMOLOGIE CANINE ET FÉLINE
les ulcères cornéens
Frank Famose
42, avenue Lucien-Servanty
31700 Blagnac
profonds chez le chien
0,05 cFc
par article lu et le chat
Les ulcères cornéens profonds sont dus à un traumatisme initial compliqué d’un processus de
destruction stromale, associé ou non à une infection bactérienne. L’instauration d’un traitement
agressif et précoce permet d’en limiter les conséquences.
fLes ulcères
cornéens profonds
conservation de l’œil
et de la vision.
Le traitement
chirurgical a FacTeurS De riSque
sont, par leur Leur diagnostic pour objectifs Le risque traumatique est lié à des facteurs différents,
fréquence et repose sur de maintenir tels que l’hyperexposition de la cornée rencontrée chez
leur gravité, l’évaluation précise ou de rétablir les brachycéphales, qui présentent une moindre sensi-
une dominante de l’atteinte du l’intégrité de bilité cornéenne. Les anomalies palpébrales conduisant
pathologique en stroma et sur la cornée, et
Résumé
à un traumatisme cornéen chronique, l’hyposécrétion
ophtalmologie chez l’identification des d’apporter des
lacrymale s’accompagnant d’une modification profonde
le chien et le chat. facteurs favorisants facteurs trophiques
Ils représentent ou aggravants. tout en permettant de la surface cornéenne, ou le comportement ou l’utili-
une réelle urgence Le traitement des une conservation sation de l’animal l’exposant à des traumatismes variés
par la sévérité ulcères profonds de la fonction (chiens de chasse, chats des rues) sont des facteurs de
de leur évolution est avant tout visuelle après risque identifiés.
qui compromet la anti-infectieux. la cicatrisation. Les facteurs infectieux quantitatifs (charge bactérienne
élevée lors de traumatisme souillé tel que les corps étran-
gers végétaux) ou qualitatifs, avec la présence à la surface
L
de la cornée d’agents pathogènes majeurs (bactéries à
es ulcères cornéens sont définis comme une perte Gram négatif du genre Pseudomonas ou herpèsvirus félin)
de substance de la cornée de profondeur variable sont également des éléments de risque [4].
[6]. Selon les structures cornéennes intéressées se Les traitements locaux préalables comme les corticoïdes
distinguent : ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), en
- l’exulcération ou l’érosion épithéliale, qui correspond à favorisant l’activation des protéases et des collagénases
une perte de substance exclusivement épithéliale ; endogènes, peuvent aggraver des ulcères superficiels.
- l’ulcère stromal, qui est une atteinte du stroma soit super- L’épaisseur cornéenne initiale conditionne la gravité de
ficielle (moins de la moitié de l’épaisseur de celui-ci), soit l’atteinte stromale et la capacité de cicatrisation. Chez le
profonde (plus de la moitié de l’épaisseur) ; chaton, la cornée est relativement mince (380 µm envi-
- la descemétocèle, dans laquelle seuls la membrane de ron, contre 580 µm chez l’adulte) et les ulcérations pro-
Descemet (MD) et l’endothélium maintiennent l’étan- fondes sont d’autant plus sévères [12].
chéité du globe oculaire ;
- l’ulcère perforant, dans lequel toute l’épaisseur de la
cornée est impliquée et l’étanchéité perdue(1). PaThOgÉnie
Ces différents types d’ulcères peuvent être évolutifs ou Le développement des ulcères profonds fait intervenir
non. successivement deux mécanismes :
- un traumatisme initial qui correspond à une lésion au
iMPOrTance moins épithéliale et dont la nature est variable ;
- un processus de destruction du collagène du stroma. Les
Les ulcères cornéens sont fréquents chez les carnivores collagénases et les protéases sécrétées par les kératocytes
domestiques et en particulier chez le chien [11]. et les fibroblastes interviennent dans la cicatrisation cor-
Les ulcères cornéens profonds ont des conséquences néenne normale. Leur action peut être accentuée par des
graves, telles que : stimulations ou des sécrétions endogènes (lors d’afflux de
(1) Voir l’article “Les
- une perte de vision par perforation du globe ou cicatri- polynucléaires neutrophiles) ou exogènes (production par
ulcères superficiels sation non fonctionnelle de la cornée ; des bactéries du genre Pseudomonas). Cette hyperactivité
chez le chien et - une douleur oculaire ; des protéases et des collagénases conduit à la fonte de la
le chat” d’Hélène
Arnold-Tavernier, - parfois des symptômes généraux ; cornée (collagénolyse) et s’accompagne d’une aggravation
dans ce numéro. - un risque esthétique par cicatrisation fibreuse. dramatique des lésions cornéennes (encadré 1) [2].
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Urgences à prédominance chirUrgicale
les ulcères cornéens profonds chez le chien et le chat
SigneS cliniqueS Encadré 1
Les symptômes rencontrés dans les ulcères cornéens stro- Causes d’une ulcération cornéenne
maux sont d’ordre fonctionnel ou physique. f Traumatismes directs aigus - entropion ;
Les signes fonctionnels sont associés à la fois à la perte - coups de griffe ; - sutures palpébrales ou
de la vision de l’œil atteint et à la douleur. Celle-ci se - corps étrangers ; conjonctivales ;
manifeste par des signes locaux, tels que le blépharos- - blessures et abrasions - herpèsvirose féline ;
pame et le larmoiement, et généraux (baisse d’activité superficielles ; - dessèchement cornéen ;
ou irritabilité). - brûlures (chimiques, thermiques). - kératoconjonctivite sèche et
Les signes physiques sont matérialisés par la présence f Traumatismes directs chroniques anomalies lacrymales qualitatives
de l’ulcère dont la profondeur peut être évaluée à l’aide - distichiasis (présence d’une (muciniques notamment) ;
d’une lampe à fente. En ophtalmologie humaine, cet rangée supplémentaire de cils - lagophtalmie, exposition
examen est complété par un OCT (examen tomogra- ou de cils émergeant sur la face cornéenne excessive ;
phique par cohérence optique) qui permet la mesure conjonctivale de la paupière) ; - paralysie faciale ;
précise des différents compartiments cornéens (photo 1). - trichiasis (contact entre la cornée - traitements locaux
D’autres symptômes cornéens sont décelables à des et des poils implantés à proximité (corticostéroïdes, anti-
degrés variables. L’œdème cornéen, habituellement péri- [plis nasaux des brachycéphales]) ; inflammatoires, anesthésiques).
phérique à l’ulcère, s’accompagne d’un épaississement
de la cornée et se manifeste par un aspect blanc bleuté
de celle-ci (photo 2). La néovascularisation est d’origine
limbique. Elle accompagne soit l’évolution chronique des
ulcères superficiels (vascularisation superficielle et arbo- d’un pus oculaire abondant. Ce processus peut s’étendre à
rescente), soit l’évolution aiguë des ulcères profonds (vas- la totalité de la cornée et conduit à la perforation (photo 3). 1. Ulcère
cornéen de
cularisation profonde courte et droite). La collagénolyse Avant celle-ci, une descemétocèle est parfois observée. profondeur
se manifeste par la fonte de la cornée qui prend une teinte La membrane de Descemet et l’endothélium forment un moyenne sans
complication
jaunâtre ou grisâtre. Elle s’accompagne de la production relief au fond de l’ulcère (photo 4). infectieuse
chez un chat.
le contour et
la profondeur
de l’ulcère
sont visibles
à l’œil nu. la
vascularisation
périphérique est
superficielle et
limitée.
2. Ulcère
cornéen de
profondeur
importante avec
collagénolyse
chez un chat.
l’ulcère central
est entouré d’une
cornée gris-jaune
en cours de
liquéfaction. la
vascularisation
périphérique est
profonde.
3. Ulcère
cornéen perforé
1 2 chez un chien.
le centre de
la cornée est
occupé par une
masse fibrino-
hémorragique
pigmentée.
le mucus est
abondant.
4.
descemétocèle
chez un chien. le
centre de l’ulcère
présente un
relief. les marges
de l’ulcère sont
nettes (pas de
collagénolyse).
3 4 Photos : F. Famose
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PriSe en charge de ces informations, l’antibiothérapie locale des ulcères
stromaux repose sur l’utilisation d’antibiotiques classiques
1. diagnostic disponibles dans la pharmacopée [16]. Les bactéries
Les moyens de diagnostic de l’ulcère cornéen sont nom- contaminant les ulcères cornéens sont habituellement
breux et complémentaires (encadré 2). présentes dans les culs-de-sac conjonctivaux et compor-
Le diagnostic de l’ulcère proprement dit comprend l’éva- tent une flore dominante d’agents pathogènes à Gram
luation de sa localisation (limbique ou centrale), de son positif (staphylocoques, streptocoques, Bacillus), mais
étendue, de sa profondeur (stroma antérieur ou pro- parfois également à Gram négatif (Klebsiella, Pseudomo-
fond, descemétocèle, perforation), et la recherche d’une nas). Selon la gravité de l’ulcère et son évolution sponta-
collagénolyse. née, le choix se porte sur des molécules à spectre large
La mise en évidence de facteurs de risque est une étape (bacitracine, polymyxine, gentamicine), voire très large
essentielle de la prise en charge, comme des anomalies (tobramycine, ciprofloxacine). L’usage d’antibiotiques
palpébrales (entropion, malimplantation ciliaire, etc.), en collyres dits “renforcés” offre une meilleure efficacité
une hyposécrétion lacrymale ou une exposition excessive grâce à une concentration active plus élevée (tableau 1).
de la cornée, mal protégée par les paupières. Le traitement antibiotique doit être intensif, de l’ordre de
8 à 10 instillations par jour jusqu’à la rémission clinique.
2. Traitement TablEaU 1
L’objectif du traitement est de restaurer l’épaisseur cor-
néenne en minimisant les cicatrices invalidantes et en Collyres renforcés
limitant la douleur. AnTibioTiquE ConCEnTrATion ConCEnTrATion du ConsErvATion
du CollyrE CollyrE rEnforCÉ
Traitement médical Gentamicine 3 mg/ml 14 mg/ml 30 jours
Le traitement médical seul est à réserver à des lésions
Tobramycine 0,3 mg/ml 14,5 mg/ml ?
n’excédant pas la moitié du stroma antérieur.
La préparation de ces collyres est réalisée par dilution d’une ampoule de gentamicine injectable
Idéalement fondée sur les résultats de l’analyse bacté- (Gentalline injectable®(1), 160 mg/2 ml) dans 10 ml de Viskyal® ou d’une ampoule de tobramycine
riologique, mais le plus souvent conduite en l’absence injectable (Tobramycine mylan®(1), 75 mg/1,5 ml) dans 5 ml de Viskyal®. D’après [16].
(1) Médicament humain
Encadré 2
Étapes diagnostiques d’un ulcère cornéen profond
f Examen clinique de l’œil. La douleur, être mis en œuvre pour obtenir une transparent (la hernie de cette membrane
l’écoulement oculaire, et la présence ou mesure précise de l’épaisseur cornéenne basale n’est pas systématique, surtout
non d’une perte de substance cornéenne au fond de l’ulcère et à ses marges chez l’animal âgé) non coloré par la
sont déterminés. (photo 5). La profondeur de la lésion est fluorescéine, à la différence du stroma
f Examen avec la lampe à fente. un élément déterminant du choix du périphérique(1).
Il permet d’objectiver la perte de traitement. f Analyse bactériologique. L’isolement
substance cornéenne et de mesurer f Test de fixation de la fluorescéine. Ce et l’antibiogramme de la bactérie
la profondeur de l’ulcère. D’autres colorant, hydrophile, se fixe sur le stroma permettent d’ajuster le traitement
moyens diagnostiques (tomographie cornéen, mais pas sur l’épithélium, ni antibiotique [14]. Cependant, les délais
en cohérence optique, pachymétrie), sur l’endothélium et la membrane de d’obtention des résultats conduisent à
utilisés en ophtalmologie humaine, Descemet. Lors de descemétocèle, cet mettre en place un traitement empirique
sont peu répandus chez les carnivores examen permet la mise en évidence choisi selon des critères de probabilité
domestiques [10]. Cependant, ils peuvent d’une “bulle” ou d’un “plancher” profond d’efficacité.
Épithélium 1 100 µm
5. coupe de cornée en
tomographie par cohérence optique
Stroma Infiltration (ocT) chez un chien présentant
250 µm
cellulaire un ulcère avec une infiltration
cellulaire. la taille et la profondeur
de l’ulcère sont mesurables.
Membrane de Descemet
Endothélium
5
(1) Voir l’article “Les ulcères superficiels chez le chien et le chat” d’Hélène Arnold-Tavernier, dans ce numéro.
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Urgences à prédominance chirUrgicale
les ulcères cornéens profonds chez le chien et le chat
TablEaU 2
Ses objectifs sont multiples :
Choix de la technique chirurgicale en fonction - renforcer la cornée pour prévenir la perforation (effet
des caractéristiques de l’ulcère tectonique) ;
- apporter des facteurs de croissance (action trophique) ;
TAillE ProfondEur CollAgÉnolysE TrAiTEmEnT
- protéger la cornée des traumatismes ultérieurs ;
< 3 mm Plus de la moitié Non • Colle chirurgicale - lutter contre la prolifération bactérienne.
du stroma • Suture cornéenne Les critères principaux de choix du traitement d’un ulcère
Étendue Moins de la moitié Non • Lentille collagène cornéen sont :
du stroma • Suture de la membrane - sa profondeur ;
nictitante - son étendue ;
< 6 mm Prédescemétique Oui Greffe conjonctivale - la présence ou non d’une collagénolyse (tableau 2).
pédiculée Le nettoyage de la cornée est le premier geste indispen-
> 6 mm ou Plus de la moitié Oui Greffe conjonctivale sable à la guérison. Il permet d’éliminer les tissus nécrosés
multiple du stroma totale et une partie de la charge bactérienne. Ce nettoyage est
réalisé sous sédation ou anesthésie. Il consiste en l’élimi-
nation mécanique par grattage et rinçage délicat de tous
La supplémentation lacrymale est un point clé du trai- les tissus infiltrés ou nécrotiques.
tement. Elle permet d’éliminer les débris oculaires et Les lentilles de contact (VetShield 72® [iMed Pharma,
d’améliorer le confort de l’animal en maintenant l’hy- Québec, Canada]), rarement utilisées seules, offrent une
dratation de la surface cornéenne. Elle est conseillée en excellente protection de la cornée, qui reste visible pour
association avec de l’atropine (VT doses atropine 1 %®), le suivi. Les lentilles résorbables sont imprégnées de solu-
qui réduit la douleur oculaire en levant le spasme ciliaire tions antibiotiques et peuvent rester jusqu’à 72 heures au
(cycloplégique). Ses effets sont prolongés après quelques contact de la cornée [20].
instillations et son utilisation doit donc être limitée dans La suture temporaire de la membrane nictitante après
le temps. Les recommandations actuelles sont de ne pas scarification de sa face bulbaire amène des éléments tro-
dépasser 3 jours de traitement (qui permettent souvent phiques d’origine sanguine au contact de la cornée et
d’obtenir une mydriase pouvant durer 15 jours). Chez le protège des traumatismes ultérieurs. Le sérum au contact
chat, sa tolérance est parfois limitée, avec une salivation de la cornée aurait, par ce moyen, un effet anticollagé-
profuse due à son amertume. Dans cette espèce, des col- nase. Cependant, l’évolution de la cicatrisation ou de l’ag-
lyres d’atropine à 0,3 % ou à 0,5 % sont à préférer. gravation ne peut être suivie aisément car la cornée est
Les molécules à activité anticollagénase sont indiquées masquée. Cette technique est indiquée pour des ulcères
pour diminuer la collagénolyse excessive qui apparaît peu profonds et sans collagénolyse marquée.
dans les ulcères évolutifs. Les produits disponibles sont la Les colles chirurgicales (cyanoacrylates) sont réservées
N-acétyl-cystéine (NAC collyre®), l’EDTA (acide éthylène à des ulcères profonds de faible diamètre (au maximum
diamine tétracétique), la doxycycline (10 mg/kg/j per os) 2 mm). Elles apportent un soutien tectonique à la cornée
et le sérum autologue (utilisé après dilution à 20 % dans tout en déclenchant une réaction inflammatoire péri-
du sérum physiologique, il peut être conservé au frais phérique qui facilite le comblement des lésions [19]. La
jusqu’à 10 jours). L’inhibition de l’activité des protéases goutte de colle est appliquée sur une cornée sèche et
requiert des applications très fréquentes (8 à 10 fois par saine (sans collagénolyse), de manière délicate, car la
jour) jusqu’à la rémission clinique [2, 15]. couche déposée doit être très fine. Dans le cas contraire,
Depuis peu de temps, le RGTA (Clerapliq®) est disponible le frottement de la paupière sur le bouchon de colle est
sur le marché. Le rôle de ces biopolymères est d’améliorer douloureux et contribue à son élimination prématurée.
la qualité de la matrice extracellulaire de la cornée et de Normalement, celui-ci est évacué par la cornée dans un
réduire la sensation douloureuse. Ce collyre s’utilise selon délai de quelques jours à quelques semaines (photo 6).
un protocole discontinu (une ou deux gouttes deux ou
trois fois par semaine).
Récemment, l’emploi topique du miel a été proposé
dans le traitement des infections et des inflammations
cornéennes. L’application pluriquotidienne de cette subs-
Points forts
tance aurait à la fois une efficacité antibactérienne et des € Les ulcères cornéens profonds sont consécutifs à une blessure
effets anti-inflammatoires et antiangiogéniques [18]. superficielle compliquée d’une infection bactérienne.
La difficulté de l’observance du traitement médical réside
dans le nombre d’instillations quotidiennes des collyres.
€ Sans traitement, l’évolution des ulcères cornéens profonds conduit à
la perforation du globe oculaire.
Lorsque la disponibilité des propriétaires est limitée, la
priorité doit être donnée aux antibiotiques et aux molé- € Le diagnostic repose sur l’évaluation de la profondeur de l’atteinte
cules à activité anticollagénase. cornéenne et sur l’identification des facteurs de risque.
€ Le traitement médical est essentiellement dirigé contre l’infection
Traitement chirurgical cornéenne.
Lorsque la profondeur de l’ulcère dépasse la moitié de
l’épaisseur cornéenne, un traitement chirurgical est mis
€ Le traitement chirurgical vise à conserver l’intégrité du globe et à
préserver la transparence cornéenne.
en œuvre, en complément des collyres.
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6 7a 7b
6. Traitement chirurgical d’un ulcère cornéen profond de petite taille par un bouchon de colle cyanoacrylate chez un chien.
le bouchon provoque la formation d’un granulome volumineux.
7a et 7b. Traitement chirurgical d’un ulcère profond à collagénase chez un chat par une greffe de sous-muqueuse
intestinale porcine.
7a. le biomatériau est maintenu au fond de l’ulcère par des points en U dans la cornée périphérique après nettoyage de la
cornée lysée. deux points perpendiculaires suffisent.
7b. Vue postopératoire à 1 mois.
Photos : F. Famose
Les greffes de membrane amniotique (ou d’autres mem- Les greffes conjonctivales sont souvent réalisées lors d’ul-
branes telles que le péricarde bovin, le fascia lata, la sous- cères profonds [8]. Elles apportent à la fois les facteurs
muqueuse intestinale de porc, etc.) permettent un soutien trophiques et le soutien tectonique à la cornée. La forme
tectonique de la cornée pendant le temps nécessaire à et l’étendue de la greffe dépendent de l’importance de la
sa cicatrisation [1, 3, 17]. Ces membranes sont suturées perte de substance cornéenne, et de nombreuses tech-
sur la cornée en une à trois épaisseurs (photos 7a et 7b). niques sont disponibles (greffes libres ou pédiculées,
La sous-muqueuse intestinale porcine (SIS®, Vetbiosis®) partielles ou totales) (photos 8a, 8b et 8c). L’inconvénient
donnait d’excellents résultats, mais elle n’est plus com- majeur de ce procédé est la perte de transparence de la
mercialisée [7]. zone greffée.
La transposition cornéo-sclérale est une méthode de
plastie par glissement de la cornée. Elle concerne habi-
tuellement le compartiment superficiel de celle-ci et est
réservée à des lésions de petite taille (inférieures à 5 mm).
Elle permet une conservation de la transparence, mais ne
doit être pratiquée qu’une fois l’infection maîtrisée [5].
Les kératoplasties lamellaires et les homogreffes trans-
fixiantes sont mises en œuvre pour reconstituer une
8a
8b
8a, 8b et 8c. greffes conjonctivales.
8a. greffe pédiculée chez un chien, aspect à 1 mois.
8b et 8c. greffe totale (360°) chez un chien.
8b. aspect préopératoire. l’indication de cette greffe est
l’ulcère très étendu ou les ulcères multiples.
8c. aspect postopératoire immédiat.
8c Photos : F. Famose
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Urgences à prédominance chirUrgicale
les ulcères cornéens profonds chez le chien et le chat
cornée transparente. Elles sont entreprises lorsque le foyer
infectieux a été contrôlé [5].
Les traitements d’avenir, utilisés en ophtalmologie
humaine, reposent sur l’emploi de biomatériaux transpa-
rents et sur l’usage courant des greffes cornéennes. Le
cross-linking du collagène (polymérisation de celui-ci sous
l’effet d’un rayonnement ultraviolet [UV] après imprégna-
tion du stroma par la riboflavine) semble être une tech-
nique efficace dans la gestion des kératites bactériennes
(photo 9) [9, 13]. Sa mise en œuvre en ophtalmologie vété-
rinaire en est à ses débuts. Ses effets sont l’augmentation
des liaisons entre les fibres de collagène, ce qui majore
leur résistance à la digestion enzymatique. Les UV asso-
ciés à la riboflavine possèdent une action antibactérienne.
conclusion
La gestion d’un ulcère cornéen profond est un double
9
challenge. Sur le plan diagnostique, la réalisation d’un
9. réticulation du collagène cornéen par cross-linking chez un chat. la zone de protocole complet permet d’en déterminer à la fois la
fluorescence correspond à la région de la cornée imprégnée de riboflavine sous cause et les facteurs aggravants. Sur le plan thérapeutique,
illumination aux ultraviolets.
la mise en œuvre précoce de moyens médicaux et chirur-
Photo : F. Famose
gicaux adaptés permet de limiter les conséquences de
l’ulcération profonde et de conserver un œil fonctionnel. ❚
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