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Éléments de réflexion pour une typologie des objets numériques



   Éléments de réflexion pour une typologie des objets numériques
                                                François Revol
                                              Association TripleA
                                               <revol@free.fr>


     Introduction
La question de la définition du périmètre d'un musée de l'informatique en France se pose comme un
préalable à la création d'une telle institution. La vocation exhaustive et universelle d'un tel
établissement nécessite une couverture aussi large que possible du spectre des objets numériques,
prenant en compte le travail muséographique remarquable déjà effectué par de nombreuses
associations et institutions. La formalisation d'une typologie des objets numériques se doit donc
d'inclure non seulement les parties évidentes connues du grand-public, mais également les
nombreuses sous-cultures qui ont émergé depuis l'avènement de l'informatique. Cet article propose
quelques pistes de réflexion et références en vue de l'élaboration d'une telle typologie.

 1 Axes de classification
Plusieurs directions peuvent être choisies pour classifier les objets numériques. On peut citer :
    •   Leur statut légal
    •   Les marques et modèles (pour les objets physiques et virtuels)
    •   La plateforme (pour les objets virtuels)
    •   La catégorie (ordinateur, périphérique… ; jeu, logiciel utilitaire, démo…)
    •   La chronologie…

 2 Aspect légal
Alors que droit d'auteur par défaut est assez restrictif, et que les grand éditeurs de contenus
numériques sont souvent très stricts sur les possibilités d'utilisation et de distribution, les différentes
utilisations ou contournements des lois sur le droit d'auteur ont des implications sur l'histoire de
l'informatique. On peut distinguer plusieurs cas.

2.1 Droits réservés
Le droit par défaut s'applique, un musée devra donc acheter une copie de l'œuvre en question.

2.1.1            Les DRM
Les Mesures Techniques de Protection (MTP) ou DRM (Digital Rights Management) sont des
verrous mis en place par les éditeurs pour empêcher la copie des œuvres. Historiquement, il est
intéressant de noter que l'esprit de compétition créé par les tentatives de contournement de ce qui ne
s'appelait pas encore ainsi est ce qui a donné naissance à la « démoscène ». Indépendamment de
leur efficacité, ils posent des problèmes éthiques (accessibilité) et légaux (loi DADVSI).


Colloque « Vers un musée de l’Informatique et de la Société Numérique en France ? »
CNAM, Paris, 7-8/11/2012                                                                                1/5
Éléments de réflexion pour une typologie des objets numériques

2.1.2            Le cas des « fandubs » et des ROM traduites
Parfois le contournement du droit d'auteur est pratiqué dans un but de création. Ainsi certaines
séries télévisées ou manga ont été traduits par des fans, puis redistribués sans l'autorisation des
éditeurs. Il en est de même pour les jeux vidéos, certains fans distribuant des copies modifiées par
leur soins de ROM ou cartouches de jeux. Nonobstant le problème légal, ça n'en reste pas moins
une création numérique.

2.1.3            Abandonware
Le concept d'« abandonware » n'a pas d'existence légale à priori. Il est parfois invoqué pour justifier
l'utilisation de jeux ou logiciels qui ne sont plus commercialisés ou supportés par un éditeur. Le
concept peut s'apparenter à celui des œuvres orphelines. La question se pose d'ailleurs pour un
musée du besoin de sauvegarder des œuvres qui parfois ne sont plus disponibles que sous forme de
copies illégales sur Internet.

2.2 Redistribution autorisée (Creative Commons -NC et/ou -ND)
Ici, l'auteur autorise expressément la copie de l'œuvre, mais interdit les dérivés ou leur utilisation
commerciale. (La définition du terme « utilisation commerciale » étant d'ailleurs très floue, il faudra
se poser la question pour un musée.) Creative Commons propose une famille de licences à utiliser.

2.3 Licences libres avec ou sans copyleft
L'auteur autorise expressément la copie, l'étude et la modification d'un œuvre. Les licences dites
« copyleft » obligent les travaux dérivés à conserver les mêmes conditions de licence. Des variantes
plus adaptées existent pour la musique, le matériel (électronique)...

 3 Notion de plateforme
La notion de plateforme peut s'exprimer à plusieurs niveaux. Elle pourrait se définir comme
l'« ensemble des modèles de machines qui peuvent exécuter le logiciel ». Cependant on parle
également de plateforme pour la machine virtuelle Java par exemple.

 4 Des distinctions « Réel-Virtuel » et « Matériel-Logiciel »
N'oublions pas que les données, logiciel inclus, ne sont au final que des informations exprimées
physiquement sous de nombreuses forme. Souvent les deux sont liés et non différenciés (ex.
cartouche de jeu, qui elle même contient le jeu sous forme logicielle).
De plus, aujourd'hui même le matériel peut être virtualisé, bien que pas toujours parfaitement. On
peut ainsi se demander ce qu'est un fichier VHDL décrivant le contenu d'un FPGA, logiciel ou
matériel ? Les pratiques de conception actuelles incluent d'ailleurs le « co-design », l'évolution
conjointe du matériel et du logiciel lors des phases de développement. Il existe par exemple des ré-
implémentations sous forme de FPGA de l'architecture de nombreux ordinateurs 8bit (cf. les projets
de Grégory Estrade, Multiple Classic Computer), des machines Amiga (MiniMig, MiniMigAGA) et
des clones plus ou moins compatibles avec les Atari Falcon (Atari ColdFire Project)
Et cependant les objets matériels et les objets virtuels ont des méthodes et besoins de conservation
bien différents.

Colloque « Vers un musée de l’Informatique et de la Société Numérique en France ? »
CNAM, Paris, 7-8/11/2012                                                                            2/5
Éléments de réflexion pour une typologie des objets numériques


 5 Éléments matériels
Divers types d'objets matériels peuvent avoir de l'intérêt. Outre les ordinateurs et consoles, classés
suivant marque et modèle, les différents périphériques compatibles, ainsi que leurs consommables
(cartouches, stylos et rubans d'imprimantes…) sont utiles si l'on veut pouvoir montrer en
fonctionnement.
Les supports des jeux (cartouches, cassettes, disquettes, CD, DVD) sont des objets connus, bien que
légèrement différents des versions audio/vidéo habituelles.
Les câbles spécifiques aux machines sont également nécessaires à leur utilisation, mais pas toujours
documentés. Des sites comme pinouts.ru et Hardware Book recensent les câblages existant suivant
les machines. Les documentations techniques et plans des machines sont également d'intérêt.

 6 Éléments logiciels

6.1 Binaire et code source
On peut distinguer plusieurs cas suivant l'accès que l'on a au logiciel. Il peut être contenu dans un
objet matériel sans possibilité de faire de sauvegarde (cartouche avec un DRM), disponible sous
forme de fichier binaire exécutable, ou bien sous forme de code source. Très souvent le code source
est inconnu. Mais l'inverse peut arriver, parfois seul le code source est connu car publié, mais aucun
binaire n'est à disposition, ni les compilateurs nécessaires pour en générer à partir du code source,
ou bien encore aucune machine n'est disponible pour faire fonctionner le binaire, cf. les sources de
Multics. Dans ce cas le code source reste un objet intéressant à étudier d'un point de vue historique.

6.2 Logiciel libre
Le logiciel libre est un logiciel dont le code source est connu, et dont les libertés d'utilisation, étude,
modification et reproduction sont acquises. Il fait partie des « biens communs ».
Le projet GNU a été reconnu comme « Ami des trésors du monde » à l'UNESCO.

6.3 Démos
Les démos sont des œuvres numériques multimédia créées initialement dans le but de montrer les
possibilités des machines. Contrairement à des vidéos générées à l'avance, l'ordinateur calcule la
scène en temps-réel autant que possible. La « démoscène » est une véritable sous-culture, avec ses
codes et ses rituels (démoparties). La nomenclature des démos, comme par exemple celle de
pouet.net, a évolué avec le temps, pour intégrer de nouvelles plateformes en plus des machines
« old-school » elles-mêmes :
    •   Systèmes d'exploitation « new-school » (Windows, Mac OS X, GNU/Linux, BeOS, iOS…)
    •   Langages (Flash, PHP, Web (HTML, CSS, JavaScript)…)
Certaines démo-parties sont mêmes consacrées à ces nouvelles plateformes, comme DemoJS.
Également, de nouveaux types de démos sont apparus avec le temps, certains n'ayant plus grand
chose à voir avec l'informatique, comme les « Wild », ou des catégories de taille encore plus petites
(256 octets et moins) rendues possibles grâce au code génératif et aux cartes graphiques 3D.


Colloque « Vers un musée de l’Informatique et de la Société Numérique en France ? »
CNAM, Paris, 7-8/11/2012                                                                                3/5
Éléments de réflexion pour une typologie des objets numériques


 7 Éléments de données
Outre les éléments purement logiciels (ie. le « code »), les objets informatiques peuvent être
constitués soit en partie soit uniquement de données, sous forme d'image, de sons ou autres,
représentées dans des formats plus ou moins connus et documentés. Les « démoparties » incluent
souvent des concours spécifiques de « graphs » et musiques, les créations proposées, surtout celles
réalisées sur des machines anciennes, étant souvent créées dans un format très spécifique,
dépendant des caractéristiques et limites de la machine.

7.1 Graphismes
Les graphismes « old-school » dépendent fortement des capacités de la machine, de même que le
format de fichier utilisé. Par exemple, sur Atari ST, certains formats d'images se résument
uniquement à une copie du contenu de la mémoire vidéo, l'extension du fichier indiquant quel mode
vidéo doit être employé pour l'afficher. cf. formats supportés par Grafx2.
Par contraste les graphiques créés avec les outils moderne (modélisation 3D, retouche…) sont
généralement proposés dans des formats standardisés, mais les données sources (calques 2D,
description de la scène) plus complexes sont rarement publiées, malgré l'intérêt qu'elles pourraient
avoir pour la compréhension de l'œuvre.

7.2 Musiques

7.2.1            Chiptune
Les musiques dites « chiptune » sont conçues pour un synthétiseur numérique spécifique. Les plus
connus sont le « SID » (Sound Interface Device) utilisé uniquement dans le C64, et le « YM », une
puce Yamaha YM2149 utilisée dans les ordinateurs 16bit Atari, et avant dans de nombreuses
machines 8bit comme les ORIC. Les formats de fichier utilisés pour stocker les chiptunes
contiennent la suite des valeurs à écrire dans les registres de la puce ainsi que les intervalles de
temps. Les fichiers YM peuvent néanmoins nécessiter une adaptation pour être lus sur une autre
machine, du fait de la différence de câblage des différents canaux de sortie de la puce.
cf. Atari SAP Music Archive, SNDH, High Voltage SID Collection, Nectarine radio.

7.2.2            Modules (.MOD)
Les « modules » sont des fichiers audio à mi chemin entre un fichier MIDI et un enregistrement
audio, ils contiennent des échantillonnages des instruments ainsi que la partition. Originaires du
monde Amiga, ils sont créés par des logiciels spécifiques, les « trackers ». De nombreux formats
sont apparus après le format MOD original (S3M…). Les œuvres en modules sont soit des œuvres
originales, soit des retranscriptions d'oeuvres connues en tenant compte des limites de la machine
(nombre limité de canaux sonores). cf. MOD Archive, Amiga Music Preservation.

7.2.3            Musiques libres / Creative Commons
Comme le reste de la musique actuelle, elle est souvent créée sur ordinateur.
cf. Dogmazic, Jamendo.


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Éléments de réflexion pour une typologie des objets numériques

7.3 Vidéos
Le début de la vidéo numérique a vu de nombreux formats et « codecs » conçus et aussi rapidement
oubliés, et bien sûr très peu documentés, puisque déjà considérés comme des « secrets industriels »,
compliquant la relecture ou conversion des fichiers vidéo les plus anciens. Des projets comme
ffmpeg/libav intègrent une implémentation en logiciel libre des codecs récents mais aussi des plus
obscurs, y compris certains utilisés par certaines consoles de jeux vidéo. Ainsi il peut être possible
pour un jeu pour lequel la console est introuvable de néanmoins extraire et lire les sons et vidéos.

 8 Éléments d'interaction homme-machine
Si des captures d'écran ou une vidéo peuvent donner des indications sur un logiciel, ceux-ci ne
peuvent remplacer une « expérience utilisateur » qui est indissociable de l'apparence lorsque l'on
souhaite appréhender une œuvre numérique. Cette dualité peut également se désigner par la locution
anglaise « Look-and-feel ». Elle inclut également l'utilisation des périphériques d'entrée-sortie
habituels de la machine à laquelle elle est destinée. Si le duo « clavier-souris » reste une norme
encore aujourd'hui bien que les surfaces tactiles gagnent en utilisation, d'autres modes d'interaction
ont été utilisés, comme le stylo optique, le trackball, pédales et volants, différentes versions du
joystick... plus récemment de dispositifs intégrant des accéléromètres (manette de la Wii), ou des
détecteur de mouvement comme le Kinect.
L'émulation permet en partie de conserver l'expérience d'interaction homme-machine en la
transposant sur une machine plus récente, même si les périphériques disponibles sont différents.
Ceci pose néanmoins des questions quand à la pérennité des émulateurs eux-mêmes, y compris ceux
écrits en logiciel libre, qui ne sont parfois plus maintenus, ou sont à l'opposé souvent cassés pour
certaines cibles du fait d'un développement intensif.
cf. QEMU – A Crucial Building Block in Digital Preservation Strategies (Klaus Rechert, Dirk von
Suchodoletz, Achille N. Tchayep ; QEMU User Forum 2011).

 9 Éléments composites

9.1 Œuvres interactives
Avec l'électronique, puis l'informatique, sont apparues des œuvres d'art interactives utilisant tout
d'abord du matériel de plus en plus complexe, puis des ordinateurs grand-public ou embarqués
utilisant un logiciel spécifiquement développé pour cette œuvre. Des matériels récents comme
l'Arduino (petite carte électronique embarquant un micro-contrôleur facilement programmable)
permettent aujourd'hui de créer rapidement et à faible coût des objets interactifs et communicants.

     Conclusion
Si de prime abord l'utilité d'un musée de l'informatique peut sembler restreinte si l'on s'en tient à le
considérer comme une collection de consoles de jeux et quelques cartouches, l'avènement de
l'informatique a engendré de nombreuses sous-cultures dignes d'intérêt. L'élaboration d'une
typologie des objets numériques est donc un préalable indispensable à la définition même de l'objet
d'un tel musée.



Colloque « Vers un musée de l’Informatique et de la Société Numérique en France ? »
CNAM, Paris, 7-8/11/2012                                                                              5/5

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  • 2. Éléments de réflexion pour une typologie des objets numériques 2.1.2 Le cas des « fandubs » et des ROM traduites Parfois le contournement du droit d'auteur est pratiqué dans un but de création. Ainsi certaines séries télévisées ou manga ont été traduits par des fans, puis redistribués sans l'autorisation des éditeurs. Il en est de même pour les jeux vidéos, certains fans distribuant des copies modifiées par leur soins de ROM ou cartouches de jeux. Nonobstant le problème légal, ça n'en reste pas moins une création numérique. 2.1.3 Abandonware Le concept d'« abandonware » n'a pas d'existence légale à priori. Il est parfois invoqué pour justifier l'utilisation de jeux ou logiciels qui ne sont plus commercialisés ou supportés par un éditeur. Le concept peut s'apparenter à celui des œuvres orphelines. La question se pose d'ailleurs pour un musée du besoin de sauvegarder des œuvres qui parfois ne sont plus disponibles que sous forme de copies illégales sur Internet. 2.2 Redistribution autorisée (Creative Commons -NC et/ou -ND) Ici, l'auteur autorise expressément la copie de l'œuvre, mais interdit les dérivés ou leur utilisation commerciale. (La définition du terme « utilisation commerciale » étant d'ailleurs très floue, il faudra se poser la question pour un musée.) Creative Commons propose une famille de licences à utiliser. 2.3 Licences libres avec ou sans copyleft L'auteur autorise expressément la copie, l'étude et la modification d'un œuvre. Les licences dites « copyleft » obligent les travaux dérivés à conserver les mêmes conditions de licence. Des variantes plus adaptées existent pour la musique, le matériel (électronique)... 3 Notion de plateforme La notion de plateforme peut s'exprimer à plusieurs niveaux. Elle pourrait se définir comme l'« ensemble des modèles de machines qui peuvent exécuter le logiciel ». Cependant on parle également de plateforme pour la machine virtuelle Java par exemple. 4 Des distinctions « Réel-Virtuel » et « Matériel-Logiciel » N'oublions pas que les données, logiciel inclus, ne sont au final que des informations exprimées physiquement sous de nombreuses forme. Souvent les deux sont liés et non différenciés (ex. cartouche de jeu, qui elle même contient le jeu sous forme logicielle). De plus, aujourd'hui même le matériel peut être virtualisé, bien que pas toujours parfaitement. On peut ainsi se demander ce qu'est un fichier VHDL décrivant le contenu d'un FPGA, logiciel ou matériel ? Les pratiques de conception actuelles incluent d'ailleurs le « co-design », l'évolution conjointe du matériel et du logiciel lors des phases de développement. Il existe par exemple des ré- implémentations sous forme de FPGA de l'architecture de nombreux ordinateurs 8bit (cf. les projets de Grégory Estrade, Multiple Classic Computer), des machines Amiga (MiniMig, MiniMigAGA) et des clones plus ou moins compatibles avec les Atari Falcon (Atari ColdFire Project) Et cependant les objets matériels et les objets virtuels ont des méthodes et besoins de conservation bien différents. Colloque « Vers un musée de l’Informatique et de la Société Numérique en France ? » CNAM, Paris, 7-8/11/2012 2/5
  • 3. Éléments de réflexion pour une typologie des objets numériques 5 Éléments matériels Divers types d'objets matériels peuvent avoir de l'intérêt. Outre les ordinateurs et consoles, classés suivant marque et modèle, les différents périphériques compatibles, ainsi que leurs consommables (cartouches, stylos et rubans d'imprimantes…) sont utiles si l'on veut pouvoir montrer en fonctionnement. Les supports des jeux (cartouches, cassettes, disquettes, CD, DVD) sont des objets connus, bien que légèrement différents des versions audio/vidéo habituelles. Les câbles spécifiques aux machines sont également nécessaires à leur utilisation, mais pas toujours documentés. Des sites comme pinouts.ru et Hardware Book recensent les câblages existant suivant les machines. Les documentations techniques et plans des machines sont également d'intérêt. 6 Éléments logiciels 6.1 Binaire et code source On peut distinguer plusieurs cas suivant l'accès que l'on a au logiciel. Il peut être contenu dans un objet matériel sans possibilité de faire de sauvegarde (cartouche avec un DRM), disponible sous forme de fichier binaire exécutable, ou bien sous forme de code source. Très souvent le code source est inconnu. Mais l'inverse peut arriver, parfois seul le code source est connu car publié, mais aucun binaire n'est à disposition, ni les compilateurs nécessaires pour en générer à partir du code source, ou bien encore aucune machine n'est disponible pour faire fonctionner le binaire, cf. les sources de Multics. Dans ce cas le code source reste un objet intéressant à étudier d'un point de vue historique. 6.2 Logiciel libre Le logiciel libre est un logiciel dont le code source est connu, et dont les libertés d'utilisation, étude, modification et reproduction sont acquises. Il fait partie des « biens communs ». Le projet GNU a été reconnu comme « Ami des trésors du monde » à l'UNESCO. 6.3 Démos Les démos sont des œuvres numériques multimédia créées initialement dans le but de montrer les possibilités des machines. Contrairement à des vidéos générées à l'avance, l'ordinateur calcule la scène en temps-réel autant que possible. La « démoscène » est une véritable sous-culture, avec ses codes et ses rituels (démoparties). La nomenclature des démos, comme par exemple celle de pouet.net, a évolué avec le temps, pour intégrer de nouvelles plateformes en plus des machines « old-school » elles-mêmes : • Systèmes d'exploitation « new-school » (Windows, Mac OS X, GNU/Linux, BeOS, iOS…) • Langages (Flash, PHP, Web (HTML, CSS, JavaScript)…) Certaines démo-parties sont mêmes consacrées à ces nouvelles plateformes, comme DemoJS. Également, de nouveaux types de démos sont apparus avec le temps, certains n'ayant plus grand chose à voir avec l'informatique, comme les « Wild », ou des catégories de taille encore plus petites (256 octets et moins) rendues possibles grâce au code génératif et aux cartes graphiques 3D. Colloque « Vers un musée de l’Informatique et de la Société Numérique en France ? » CNAM, Paris, 7-8/11/2012 3/5
  • 4. Éléments de réflexion pour une typologie des objets numériques 7 Éléments de données Outre les éléments purement logiciels (ie. le « code »), les objets informatiques peuvent être constitués soit en partie soit uniquement de données, sous forme d'image, de sons ou autres, représentées dans des formats plus ou moins connus et documentés. Les « démoparties » incluent souvent des concours spécifiques de « graphs » et musiques, les créations proposées, surtout celles réalisées sur des machines anciennes, étant souvent créées dans un format très spécifique, dépendant des caractéristiques et limites de la machine. 7.1 Graphismes Les graphismes « old-school » dépendent fortement des capacités de la machine, de même que le format de fichier utilisé. Par exemple, sur Atari ST, certains formats d'images se résument uniquement à une copie du contenu de la mémoire vidéo, l'extension du fichier indiquant quel mode vidéo doit être employé pour l'afficher. cf. formats supportés par Grafx2. Par contraste les graphiques créés avec les outils moderne (modélisation 3D, retouche…) sont généralement proposés dans des formats standardisés, mais les données sources (calques 2D, description de la scène) plus complexes sont rarement publiées, malgré l'intérêt qu'elles pourraient avoir pour la compréhension de l'œuvre. 7.2 Musiques 7.2.1 Chiptune Les musiques dites « chiptune » sont conçues pour un synthétiseur numérique spécifique. Les plus connus sont le « SID » (Sound Interface Device) utilisé uniquement dans le C64, et le « YM », une puce Yamaha YM2149 utilisée dans les ordinateurs 16bit Atari, et avant dans de nombreuses machines 8bit comme les ORIC. Les formats de fichier utilisés pour stocker les chiptunes contiennent la suite des valeurs à écrire dans les registres de la puce ainsi que les intervalles de temps. Les fichiers YM peuvent néanmoins nécessiter une adaptation pour être lus sur une autre machine, du fait de la différence de câblage des différents canaux de sortie de la puce. cf. Atari SAP Music Archive, SNDH, High Voltage SID Collection, Nectarine radio. 7.2.2 Modules (.MOD) Les « modules » sont des fichiers audio à mi chemin entre un fichier MIDI et un enregistrement audio, ils contiennent des échantillonnages des instruments ainsi que la partition. Originaires du monde Amiga, ils sont créés par des logiciels spécifiques, les « trackers ». De nombreux formats sont apparus après le format MOD original (S3M…). Les œuvres en modules sont soit des œuvres originales, soit des retranscriptions d'oeuvres connues en tenant compte des limites de la machine (nombre limité de canaux sonores). cf. MOD Archive, Amiga Music Preservation. 7.2.3 Musiques libres / Creative Commons Comme le reste de la musique actuelle, elle est souvent créée sur ordinateur. cf. Dogmazic, Jamendo. Colloque « Vers un musée de l’Informatique et de la Société Numérique en France ? » CNAM, Paris, 7-8/11/2012 4/5
  • 5. Éléments de réflexion pour une typologie des objets numériques 7.3 Vidéos Le début de la vidéo numérique a vu de nombreux formats et « codecs » conçus et aussi rapidement oubliés, et bien sûr très peu documentés, puisque déjà considérés comme des « secrets industriels », compliquant la relecture ou conversion des fichiers vidéo les plus anciens. Des projets comme ffmpeg/libav intègrent une implémentation en logiciel libre des codecs récents mais aussi des plus obscurs, y compris certains utilisés par certaines consoles de jeux vidéo. Ainsi il peut être possible pour un jeu pour lequel la console est introuvable de néanmoins extraire et lire les sons et vidéos. 8 Éléments d'interaction homme-machine Si des captures d'écran ou une vidéo peuvent donner des indications sur un logiciel, ceux-ci ne peuvent remplacer une « expérience utilisateur » qui est indissociable de l'apparence lorsque l'on souhaite appréhender une œuvre numérique. Cette dualité peut également se désigner par la locution anglaise « Look-and-feel ». Elle inclut également l'utilisation des périphériques d'entrée-sortie habituels de la machine à laquelle elle est destinée. Si le duo « clavier-souris » reste une norme encore aujourd'hui bien que les surfaces tactiles gagnent en utilisation, d'autres modes d'interaction ont été utilisés, comme le stylo optique, le trackball, pédales et volants, différentes versions du joystick... plus récemment de dispositifs intégrant des accéléromètres (manette de la Wii), ou des détecteur de mouvement comme le Kinect. L'émulation permet en partie de conserver l'expérience d'interaction homme-machine en la transposant sur une machine plus récente, même si les périphériques disponibles sont différents. Ceci pose néanmoins des questions quand à la pérennité des émulateurs eux-mêmes, y compris ceux écrits en logiciel libre, qui ne sont parfois plus maintenus, ou sont à l'opposé souvent cassés pour certaines cibles du fait d'un développement intensif. cf. QEMU – A Crucial Building Block in Digital Preservation Strategies (Klaus Rechert, Dirk von Suchodoletz, Achille N. Tchayep ; QEMU User Forum 2011). 9 Éléments composites 9.1 Œuvres interactives Avec l'électronique, puis l'informatique, sont apparues des œuvres d'art interactives utilisant tout d'abord du matériel de plus en plus complexe, puis des ordinateurs grand-public ou embarqués utilisant un logiciel spécifiquement développé pour cette œuvre. Des matériels récents comme l'Arduino (petite carte électronique embarquant un micro-contrôleur facilement programmable) permettent aujourd'hui de créer rapidement et à faible coût des objets interactifs et communicants. Conclusion Si de prime abord l'utilité d'un musée de l'informatique peut sembler restreinte si l'on s'en tient à le considérer comme une collection de consoles de jeux et quelques cartouches, l'avènement de l'informatique a engendré de nombreuses sous-cultures dignes d'intérêt. L'élaboration d'une typologie des objets numériques est donc un préalable indispensable à la définition même de l'objet d'un tel musée. Colloque « Vers un musée de l’Informatique et de la Société Numérique en France ? » CNAM, Paris, 7-8/11/2012 5/5