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1. Philippe RIVIÈRE
CLOHARS-FOUESNANT
Les difficultés financières de la commune
Pour qui s'intéresse tant soit peu à
la vie sociale et politique de CloharsFouesnant, il est clair qu'en ce début de
siècle et de millénaire, la situation
financière de la commune est saine. Mais
cela est loin d'avoir toujours été le cas! La
pauvreté et l'endettement ont régné sur le
village, de façon endémique, il n'y pas si
longtemps encore, et rien ne semblait
pouvoir y remédier. En témoignent ces
phrases, extraites des délibérations du
conseil municipal :
- 19 novembre 1882 : « la commune est
l'une des plus pauvre du département » ;
- 9 avril 1883 : « la commune est si petite,
et si pauvre, que son budget est en déficit
permanent »
- plus près de nous, le 26 juin 1892, « la
situation financière de le commune fait
ressortir un déficit écrasant ».
Remontons le temps aussi loin que
le permettent les registres du conseil
présents en mairie, c'est à dire en 1879. Au
plan national, la III ème République
s'installe péniblement ; après Thiers, c'est
au tour de Mac Mahon de démissionner, ce
qui fait que depuis le début de l'année, la
France a un nouveau Président de la
République, en la
personne de Jules
Grévy. Ces soubresauts ne doivent pas
perturber outre mesure M. le maire de
Clohars qui réunit son équipe, en ce 5
octobre: Ici, on a assez de ses propres
soucis !
Cette réunion se fait en vertu de
l'autorisation de M. le Préfet ; M. Gouézec
Jean-Marie préside, assisté « des plus
imposés » de la commune. (Le Code des
Communes, hérité du second Empire, mais
toujours en vigueur à l’époque, prévoit en
effet que dans les communes dont les
revenus sont inférieurs à 100 000 F, le
conseil municipal, quand il délibère sur
une imposition extraordinaire ou sur un
projet d’emprunt, doit être assisté par les
habitants les plus imposés, en nombre égal
à celui des membres du conseil en
exercice. Rappelons encore que si les
conseillers municipaux sont élus, le maire,
lui, est nommé par le Préfet). Le conseil
comporte donc vingt personnes en tout, ne
formant qu'un seul corps délibérant.
L'unique objet de cette assemblée est la
recherche d'une solution afin de solder une
dette communale qui perdure depuis
1856.... Soit 23 ans! Il s’agit d'un arriéré de
582 F dû à M. Gassis, entrepreneur chargé
des travaux de construction de la maison
d'école de garçons.
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2. Comment a- t-on pu en arriver là ?
Reculons encore un peu dans le siècle : en
1834 les époux Le Quilliec, par un acte
authentique en date du 7 août, font
donation à la commune de CloharsFouesnant d'une ferme nommée Kerper.
Ce legs, fort généreux, comprend des
bâtiments et des terres; il est fait « avec
l'intention de préparer à cette commune
les moyens d'établir par la suite une
maison d'école et un presbytère. » Ce qui
veut dire de, faire fructifier ces biens, avant
d'engager les travaux.
Les donateurs semblaient bien conscients
des difficultés de la commune !
Visiblement, le conseil de l'époque
avait bien saisi le message, puisqu'il
décidait, par une délibération en date du 24
février 1851, de louer les terrains annexés
à la maison d'école, « le produit de la
location devant servir à éteindre la dette
contractée par la commune envers M
Cassis. »
«Conformément à lavolonté des
donateurs, un arrêté préfectoral, en date
du 29 novembre 1850, à déterminé la part
d'immeubles affectés à chacun des
établissements communaux désignés par
les donateurs à l'exclusion de tout autre,
soitune maison d'école de garçons, et un
presbytère. »
En 1856 les travaux sont
achevés, mais 23 ans plus tard, la mairie a
encore quelques difficultés à régler la
facture : c'est que le prix de la location n'a
pas été consacré chaque année au remboursement de la dette ; en fait, on a disposé de
cette ressource pour faire face à des
dépenses tant ordinaires qu’extraordinaires, et ce, durant plusieurs années
consécutives. Le maire explique alors ce que M. le Préfet
de 1879 : employer à éteindre la dette deux
reliquats, l'un de 270 F, l'autre de 312 F,
soit au total 582 F, provenant d'une
imposition extraordinaire votée en son
temps mais aujourd'hui expirée, pour
permettre à
la communede
rembourser un emprunt.
Il est quelque peu surprenant de
découvrir des reliquats inemployés, dans
une commune
qui
gémit
perpétuellement à propos
de
son
manque de finances ; encore plus
surprenant de voir la somme de deux «
reliquats » faire exactement le montant de
la dette, non ? Subtilité administrative,
sans doute. . .
M. le Préfet souhaite voir
l'assemblée, adopter sa proposition, afin de
mettre fin à une gênante pour la
commune....
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3. M. Gassis, quant à lui, semble plutôt
diplomate: visiblement il n'attend pas après
cet argent pour partir en vacances! Depuis
plus de deux décennies que traîne son
contentieux avec la mairie, il a quand
même fait face, préférant sans doute
travailler pour le particulier que pour la
collectivité. . . Toujours est-il que par une
missive du 1er octobre,
il a fait savoir
qu'une somme de 300 F suffirait à le payer
intégralement.
Ce qui fait: 582-300 = 282 F de
surplus, auquel il convient de rajouter 60 F
provenant de la location des fameux
terrains annexes pour l'année échue le 21
septembre. Si bien qu'au final la commune
« encaisse » 342 F après avoir mis 23
années pour s'acquitter de sa dette! Le vieil
adage que l'on attribut à Balzac, « qui perd
ses dettes s'enrichit », prend ici toute sa
dimension. . . .
Evidemment, après une discussion
approfondie, la proposition de M. le Préfet
est adoptée, et le conseil vote à l'unanimité
un crédit qui sera affecté à l'extinction de
la dette de la maison d'école.
Quant au « bénéfice » (mot inusité à
Clohars à cette époque) de 342 F, il est
décidé de l'employer, pour une part à bâtir
un bâtiment de services attenant à l'école,
pour une autre part à faire face aux frais
d'entretien et de réparations des immeubles
faisant partie de la donation des époux Le
Quilliec au lieu dit Kerper. Enfin l'on peut
lire en post-scriptum « qu'il est entendu,
dans la délibération, que l'on a accordé à M
Ramon un bâtiment à construire au pignon
de la maison d'école, du côté de la cuisine.
Lequel bâtiment devra être suffisant pour
deux vaches et en plus un lieu de
décharge» ! Une similitude avec la
situation actuelle: quand le nombre
d’élèves augmente, il faut agrandir l'école
et la cantine scolaire. . . Ce que nous
appelons aujourd'hui « la deuxième
tranche».
A la lecture de tout cela, l'on
pourrait penser que la situation financière
de la commune est en phase
d'assainissement, mais il ne faut pas se
bercer d'illusions: le 16 novembre de cette
même année 1879, six semaines après le
dernier conseil, M. le maire fait part à son
assemblée que toutes les résolutions prises
lors de leur dernière réunion sont nulles et
non avenues ! L'intégralité de la somme «
récupérée » après le solde de la dette de
l'école suffira tout juste à effacer, sur les
bâtiments de la donation Le Quilliec, les
traces de trente années sans entretien. Il ne
reste donc rien pour démarrer la petite
extension de la maison d'école, dont le
devis, qui vient de parvenir en mairie, se
monte à 1509,59 F, « somme que M le
maire se propose de demander, tout
entière, à la bienveillance de messieurs les
membres
de
la
commission
départementale» !
Après discussion, plan et devis sont
acceptés, et « en raison des sacrifices que
s'est imposés la commune pour bâtir un
presbytère,
une
maison
d’école,
rembourser ses emprunts, et surtout en
considération de sa situation financière ...
elle sollicite un secours de 1000F auprès
de 1a commission
départementale».
Pourquoi pas l'intégralité du devis ? C'est
que pour rogner encore sur la dépense, la
commune aurait aimé se charger ellemême du transport des matériaux à pied
d'oeuvre. Mais on ne s'improvise pas
transporteur comme ça, Clohars ne compte
qu'un trop petit nombre de bons attelages.
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4. M. le maire réussit encore à faire
voter un crédit de 40 F pour faire face aux
dépenses occasionnées par un concours
agricole qui a eu lieu au bourg le mois
précédent.
1880, 29 février: petite curiosité, on
apprend que la demande de secours faite au
département pour l'école, le 16 novembre
précédent, aurait été de 1509,59 F, montant
total du devis, et non pas de 1000 F),
comme noté ce jour là. Erreur d'écriture ou
changement d'avis du conseil ?
Qu'importe, la demande de
subvention a été accordée, à hauteur
de...500 F. Cette aide est complètement
insuffisante, mais M. le maire rebondit, se
faisant fournisseur de matériaux de
construction: Mm d'alléger le devis, il
propose et « demande l'autorisation de
faire abattre sur les terrains de la maison
d"école, les arbres (chênes, châtaigniers et
sapins) nécessaires à la confection de la
charpente, des poutres, linteaux, fenêtres,
portes, et planches de couverture . .
L'assemblée
déclare
clairement
et
nettement que la fourniture de tous les
matériaux de construction (honnis donc les
bois d’oeuvre) incomberont exclusivement
à l'entrepreneur. Celui-ci, M. Hamon, a dû
avoir du mal à avaler la pilule, et voir se
profiler
un
chantier
long,
semé
d'embûches, avec peut être au bout un
chèque en bois.
Session du 22 mai 1880: la première
affaire débattue ce jour concerne, encore et
toujours, l'agrandissement de la maison
d'école des garçons. Surprise, le conseil «
approuve les traités de gré à gré passés en
vue de cette construction, en vertu de la
délibération de l'assemblée municipale du
29 février dernier, avec :
-1- M L'Horloger François, maître maçon,
demeurant à Fouesnan ;
-2- M Lharidon Jean-Marie, maître
charpentier, demeurant à CloharsFouesnant ;
-3- M Pennec Yves, maître couvreur,
demeurant à Fouesnant.
Le conseil décide que les travaux de
construction de l'annexe projetée, seront
commencés immédiatement.
Ce qui veut certainement dire « exit M.
Hamon ». . .
Il transparaît lorsque l'on dissèque
attentivement toutes ces délibérations, sans
même lire entre les lignes, un manque
de suivi assez surprenant. On sent
bien que le secrétaire ne se relit pas d'une
session à l'autre (ou ne relit pas son
prédécesseur). Il est vrai que sa fonction ne
consiste qu'à enregistrer les décisions
prises lors de chaque session par les
municipalités successives, qui sont les
véritables
responsables
de
ces
incohérences. Fort heureusement, il s'agit
là d'errements qui n'ont plus cours: de nos
jours, la presse ne manquerait pas d'en
faire des gorges chaudes, si cela se
produisait !
Dans un ancien bulletin de Foen
Izella, Hubert BOUCHÉ s'étonnait à juste
titre des atermoiements des municipalités
successives de Clohars face à l'obligation
légale de posséder un bâtiment à usage
scolaire. (« 22 ans pour ouvrir une école »,
n° 5/6, janvier 1990)
L'école ayant enfin vu le jour,
grâce au legs Quilliec, il n'a donc fallu que
. . . 23 ans pour payer l’entrepreneur ! Si le
« Livre des records » avait existé à
l'époque, Clohars aurait certainement
connu la notoriété !
A suivre. . .
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