Lettre Exprimeo : François Hollande et le socialisme des synthèses
1. N°236- semaine du 12 au 18 octobre 2010
François
Hollande :
la synthèse des
socialismes ?
2. François Hollande :
la synthèse des
socialismes ?
La politique a toujours été
l'art de la transforma-
tion : transformation des
mécontentements en vo-
tes d'espoir, transforma-
tion d'aspirations collecti-
ves diffuses en visions
claires de société.
Pour mettre en œuvre cet
«art de la transforma-
tion», l'homme public doit
communiquer son messa-
ge.
C’est à ce stade que Fran-
çois Hollande est confron-
té à trois difficultés ma-
jeures :
• son style personnel
qui est entièrement à
repositionner dans
l’opinion,
• son rapport avec un
PS qui est toujours
en convalescence car
tiraillé par des extrê-
mes éloignés des
contraintes d’une
gouvernance moder-
ne,
• des partenaires
(Verts et Parti de
Gauche) particulière-
ment turbulents.
S’il est de bon ton actuel-
lement de conclure à une
présidentielle 2012 per-
due par le Président sor-
tant, l’examen de la réali-
té matérielle des faits
éloigne rapidement d’une
telle conclusion hâtive
tant le PS n’a pas sérieu-
sement traité les maux
qui l’ont durablement
éloigné des victoires na-
tionales.
Premier défi pour F.
Hollande : son style ou
comment passer du
plus petit dénomina-
teur commun au leader
charismatique
Le style n'est pas une ap-
parence. C'est l'apparition
en surface de la nature
profonde des êtres et des
choses.
Le style doit permettre
d'assurer la rencontre en-
tre un individu et l’opi-
nion.
Le style, c'est l'arme qui
va toucher l'attention des
citoyens.
Chaque jour, une person-
ne est exposée en
moyenne à 500 messa-
ges. Elle en perçoit de 30
à 80. Moins de 10 d'entre
eux vont influencer son
comportement.
Ce premier point techni-
que permet de ramener
les enjeux à leur juste
proportion.
Si le style d'une campa-
gne ou d’une personnalité
n'est pas incisif, il n'y a
aucune possibilité de s'in-
troduire parmi ces 10
messages qui vont in-
fluencer un comporte-
ment.
Tout l’enjeu de la commu-
nication de François Hol-
lande réside dans ce
constat.
Il n’est pas assez incisif
pour s’inscrire dans le
champ d’attention de l’o-
pinion.
2
3. François Hollande : la synthèse des socialismes ?
3
Les Verts ou comment
dépasser le simple âge
de la rage ?
Eva Joly va-t-elle recentrer les
Verts ou les radicaliser ? Si
elle les recentre, n’ouvre-t-elle
pas un espace pour le Parti de
Gauche le rapprochant alors
du seuil des 10 % d’intentions
de votes ? Ces questions peu-
vent paraître lointaines, voire
futiles. Mais, lors d’une prési-
dentielle, il y a toujours une
étape décisive qui est celle de
la préfiguration de l’équipe
gouvernementale. Il est alors
incontournable de dépasser le
simple âge de la rage.
4. Pendant des années, la
force de François Hollan-
de a été le positionne-
ment de «plus petit déno-
minateur commun» au
sein de la formation so-
cialiste. Ce positionne-
ment est devenu un bou-
let pour son image de
marque auprès de l’opi-
nion.
Le parti avait besoin de
modération quand l’opi-
nion attendait des messa-
ges forts.
Le parti attend de la dis-
crétion quand l’opinion
appelle de l’enthousias-
me.
Le parti suppose de la
nuance quand l’opinion vit
désormais d’absolu.
François Hollande a fait
vivre un positionnement
de Premier Secrétaire qui
est la perte de tout candi-
dat à une fonction électo-
rale présidentielle.
En conséquence, le court
terme de François Hollan-
de semble pavé de diffi-
cultés.
Il est en effet très difficile
de décoller une image
puis d’en faire naître une
autre.
Second défi : où est le
jeune PS avec une re-
lève séduisante ?
Le PS ne parvient tou-
jours pas à se sortir du
piège des éléphants.
Il est toujours un parti
tourné vers le passé : les
années Mitterrand et ses
porteurs de symboles.
Par ce lien, même les lea-
ders plus prometteurs
semblent immédiatement
contaminés par leurs aî-
nés et ne plus échapper
aux réflexes que l’opinion
tolère de moins en moins
bien.
Par cette identification, ils
deviennent vieux avant
même d’avoir existé.
Or l’opinion attend du
neuf.
Elle attend du «hors nor-
me».
Elle attend du «hors hié-
rarchie».
Cette jeune génération
du PS ne respecte donc
pas les attentes de l’opi-
nion.
Elle ne donne pas du
«hors norme» puisqu’elle
participe aux débats ha-
bituels avec des dogmes
indéboulonnables à
l’exemple du programme
de M. H. Emmanuelli qui
écarte à peine des va-
gues de … nationalisa-
tions.
Elle ne donne pas du
«hors hiérarchie» puisque
cette génération contri-
bue directement à la
composition ou à la dé-
testation des majorités
internes.
François Hollande : la synthèse des socialismes ?
4
5. Par ses pratiques, cette
génération s’écarte des
attitudes innovantes at-
tendues et elle donne le
sentiment de refuser d’ê-
tre unique.
Elle se fond dans un mou-
le socialiste qu’elle dé-
nonce mais ne casse pas.
Avec ce constat, la jeune
génération PS passe à cô-
té de son positionne-
ment. Le positionnement
d’un leader politique,
c’est d’abord lui-même :
sa volonté, sa personnali-
té, sa capacité à faire.
Le rôle de la communica-
tion, c’est de donner tou-
te sa force à cette vérité
ancrée dans la réalité de
la personnalité de l’inté-
ressé.
C’est de la faire vivre et
de la faire grandir à cha-
que étape.
C’est de la faire partager
par le plus grand nombre.
Comme cette nouvelle
génération passe à côté
du socle qui est la créa-
tion de tempéraments
hors norme et hors hié-
rarchie ; elle se prive de
toute communication effi-
cace.
Progressivement, au lieu
d’incarner des alternati-
ves c'est-à-dire d’être la
clé de ce que peut repré-
senter un «nouveau de-
main», ces leaders se
fondent dans un passé
dépourvu de toute séduc-
tion pour l’opinion.
Cette nouvelle généra-
tion dénonce les faillites
assurées d’un système
sans prendre des actes
concrets pour changer ce
déterminisme ; ce qui
conduit à une forme de
désarroi généralisé de-
vant l’absurde.
Qu’est ce que l’absurde :
ce à quoi il ne peut être
donné de sens.
C’est être prisonnier de
phénomène sans fonde-
ment ni finalité.
Cette jeune génération
vit des poussées de ré-
volte contre l’absurde
avec des tentatives de
réaffirmations ponctuelles
de certains sujets. Mais
dans cette quête du sens
aucun d’entre eux n’offre
de solution pratique par
l’affirmation d’une réelle
liberté, par l’affirmation
d’une nouvelle éthique au
sein du PS …
S’il y a crise, elle naît d’a-
bord dans ce constat de
blocage car aucun autre
destin ne se dégage.
Le destin est l’accomplis-
sement de l’être person-
nel comme de l’être social
lié aux autres. Personne
ne dégage cette transcen-
dance qui conditionne
probablement le change-
ment de statut du PS
avec l’émergence d’une
nouvelle génération avide
Jean Luc Mélenchon ou
la chance de la droite
S’il n’existait pas, la droite
aurait probablement tout
fait pour l’inventer.
Jean Luc Mélenchon, c’est le
profil type du ciment de la
droite. Il incarne un populis-
me de gauche tellement
provocateur, agressif, cari-
catural qu’il ressoude la
droite en quelques minutes
d’interventions.
La crise a radicalisé la gau-
che du PS dans des condi-
tions qui placent ce pôle à
quasi-égalité avec le PS
(Verts + Parti de Gauche).
Cette radicalisation est l’a-
tout majeur pour la campa-
gne 2012 de Nicolas Sarko-
zy. Il a deux armes stratégi-
ques. D’une part, la concur-
rence entre Dominique de
Villepin et François Bayrou
qui peuvent se neutraliser
pour franchir un seuil signi-
ficatif. D’autre part, une
gauche tellement caricatu-
rale qu’elle assure d’elle-
même une bipolarisation cli-
vante qui fait disparaître
tout espace de centre ou de
rassemblement.
Quand l’électorat de droite
choqué par le style Sarkozy
se pose des questions, il lui
suffit de voir apparaître
Jean Luc Mélenchon pour
revenir au bercail dans une
logique du «tout sauf cette
gauche agressive». Avec de
tels alliés, le candidat du PS
sera confronté à des diffi-
cultés considérables pour
attirer à lui un électorat du
centre droit aujourd’hui
pourtant disponible.
François Hollande : la synthèse des socialismes ?
5
6. Une «bulle PS» ?
Le PS doit compter avec trois handicaps ma-
jeurs.
Tout d’abord, le calendrier de sa pri-
maire : plus cette primaire débutera dans
un calendrier rapproché de la présidentielle,
plus il écartera un temps de respiration de
nature à permettre de cicatriser les tensions
de la compétition interne. Pour l’instant, le
calendrier de cette primaire est très décalé
sur 2011.
Ensuite, la rareté de nouveaux talents
de la société civile : le PS a peu assuré
l’éclosion de nouveaux visages. En 1981,
l’opinion découvrait une multitude de nou-
veaux tempéraments à la dimension intel-
lectuelle de haut niveau : Badinter, Attali,
Dumas, Bredin, Cheysson, Rousselet … Au-
jourd’hui, ce foisonnement fait manifeste-
ment défaut.
Enfin, le pouvoir local s’érode. Dans de
très nombreuses localités, la gauche est au
pouvoir depuis 1995. Elle est frappée par
une forme d’usure. La preuve locale a du
mal à vivre. Bon nombre des collectivités
locales sont en crise financière. Les budgets
de fonctionnement ont explosé. Les clienté-
lismes locaux sont révélés. Les relations
avec les Verts sont difficiles. Celles avec le
Modem, parfois supplétif des Verts en 2008,
tournent dans le vide politique tant cette
formation politique est dépourvue d’existen-
ce réelle depuis 2008.
La comparaison entre la droite au pouvoir
national et la gauche au pouvoir local ne
s’annonce pas aussi défavorable à la droite
qu’en 2007. La gauche a probablement vécu
ses «belles heures de la décentralisation».
Le temps des bilans locaux est ouvert et il
s’annonce considérablement plus mitigé que
les belles envolées initiales sous l’impact des
dettes toxiques et des blocages divers ...
de faire ses preuves sur
le chemin de la modernité
internationale.
Bien davantage, le PS se
tourne vers deux impas-
ses. La première a pour
nom les «années Mitter-
rand» : comment séduire
des jeunes quand la réfé-
rence demeure un Prési-
dent ayant quitté le pou-
voir en 1995, il y a 15
ans !
La seconde impasse est la
poussée de la «gauche
dure» et son cortège de
mesures impossibles à
respecter car trop éloi-
gnées de toute réalité de
gouvernance moderne.
Une gauche dure qui radi-
calise les choix, qui refuse
de regarder des réalités,
bref qui éloigne trop du
centre où tout se joue
lors d’une présidentielle.
Le PS va mal. Il est en
crise. Quoi de plus naturel
quand deux familles de
pensées opposées doivent
cohabiter au sein de la
même formation politi-
que.
Les premiers sont ceux
qui croient au développe-
ment personnel, à l’indivi-
dualisation des vies et à
l’internationalisation dont
l’Europe.
Les seconds refusent de
fait ce qu’ils pensent être
le nouveau millénaire par-
ce qu’il est pour eux le
siècle de toutes les
peurs et s’en remettent
toujours aux vieilles re-
cettes pour faire face aux
nouveaux défis : la place
de l’Etat, les alliances de
gauche … Ce clivage a été
explosif le 29 mai 2005 à
l’occasion du référendum
sur le traité européen. Ce
fut le scrutin qui a consa-
cré aussi manifestement
la confrontation de deux
écoles de pensées. Lau-
rent Fabius est l’emblème
de cette confrontation. A
cette époque et pour la
première fois, il a quitté
son positionnement de
«techno-crake» moderne
pour revenir aux coali-
tions de l’ancien siècle.
Il a tourné la page de la
seconde moitié des an-
nées 80 qui l’avait vu pro-
clamé champion d’une
«société moderne», la
«France branchée» qui
accepte le marché, l’Euro-
François Hollande : la synthèse des socialismes ?
6
7. -pe et les nouvelles tech-
nologies.
Rien n’a été réglé depuis
cette époque renvoyant à
l’entretien de Michel Ro-
card dans le Nouvel Ob-
servateur du 20/08/05.
Avec la qualité d’analyse
qui le caractérise, Michel
Rocard exposait les en-
jeux incontournables.
Il dénonçait les dangers
de la synthèse qu’il quali-
fiait même «d’ennemie» :
« la synthèse est une ca-
pitulation des guesdistes,
pourquoi pas?
Mais je n’y crois pas par-
ce que j’estime mes ad-
versaires. Je crois la dé-
marche de Fabius profon-
dément opportuniste.
Mais Emmanuelli est un
guesdiste sincère.
Mélenchon, un intellec-
tuel, presque un philoso-
phe de la politique. Je ne
mets pas leur honnêteté
en doute. Et je ne minimi-
se pas nos désaccords.
Quand je lis les tenants
du non à la Constitution
européenne, je me rends
compte à quel point des
gens comme moi sont un
boulet pour eux.
Ils pensent que le choix
de l’Europe est un piège
qui nous entraîne dans le
néolibéralisme en nous
privant de nos leviers de
commande.
Ils croient au retour de la
politique nationale. Je
pense exactement le
contraire.
Au fond, nous deve-
nons de jour en jour
insupportables les uns
aux autres. Nous nous
paralysons mutuellement.
Nous devons nous libé-
rer ».
Rien n’a été réglé depuis
cette date. Existe-t-il un
espace politique pour un
Pour rappel : la spécificité de 2007
Un sondage CSA (Mai 2007) a montré la
spécificité du second tour de la présidentiel-
le 2007.
Une spécificité qui explique l’importance de
l’écart global entre Nicolas Sarkozy et Ségo-
lène Royal.
Qui pouvait imaginer Nicolas Sarkozy devan-
çant Ségolène Royal dans le segment des
CSP moins ?
De même qui pouvait imaginer Nicolas Sar-
kozy devançant largement Ségolène Royal
dans le segment des 25 à 29 ans ?
L’image de marque du candidat de droite
d’alors dans une ambiance globale d’attente
d’une énergie neuve avait bousculé les fron-
tières traditionnelles.
La situation a beaucoup évolué depuis. La
déception est née sur le bilan présidentiel
mais l’espoir solide n’accompagne pas pour
autant le projet du PS.
François Hollande : la synthèse des socialismes ?
7
8. elles sont éloignées de
contraintes incontourna-
bles, voire même tout
simplement des autres
programmes de «gauche»
dans l’Union Européenne.
A force de trop jouer sur
le vieux réflexe français
de l’égalité au mépris de
la liberté, ces composan-
tes se marginalisent pro-
gressivement en radicali-
sant une part très impor-
tante de la population.
Quand la compétition
pour 2012 va réellement
s’engager pour désigner
celui ou celle qui peut oc-
cuper la fonction de Prési-
dent, l’opinion se range
d’abord du côté des réali-
tés. L’opinion connait
l’importance décisive du
pouvoir présidentiel sur la
vie quotidienne. Elle entre
alors en responsabilité. Il
ne s’agit plus seulement
de protester.
Ce tour d’horizon montre
qu’à force d’avoir refusé
de régler ses vieilles que-
relles y compris de doctri-
nes, le PS réunit beau-
coup de facteurs d’implo-
sion lors du dernier sprint
de 2012 comme en 2007
d’ailleurs où en 45 jours
le désir de candidature
n’avait jamais été trans-
formé en désir d’élection
tant les vieux démons du
PS avaient inquiété l’opi-
nion.
parti social démocrate eu-
ropéen en France ?
Est-il possible de créer un
«New Labour» à la Fran-
çaise et si oui quelles en
seraient les conséquen-
ces ?
C’est le débat majeur qui
s’est posé à cette forma-
tion politique qui a sans
cesse repoussé les arbi-
trages.
La cohabitation entre
la course au centre et
celle de la course à
gauche est devenue
progressivement im-
possible
La synthèse est impossi-
ble. Ce terme de
«synthèse» est d’ailleurs
inadapté. Celui de
«compromis» paraîtrait
plus conforme aux réali-
tés.
Mais l’esprit même de
compromis est récusé par
les partenaires incontour-
nables mais turbulents
que sont les Verts et le
Parti de Gauche. Selon les
circonstances, en forces
cumulées, ces deux com-
posantes égalisent le PS.
Or, ces deux composan-
tes ont-elles une volonté
véritable de gouverner
nationalement ? Pas sûr à
lire leurs déclarations tant
Editeur :
Newday
www.exprimeo.fr
François Hollande : la synthèse des socialismes ?
8
9. Obama : alerte ou divorce ? 9
Le 2 novembre 2010, à
l’occasion des élections
dites du mid term, l’opi-
nion Américaine s’apprê-
te à effectuer un vote
sanction contre la politi-
que conduite par Barack
Obama. Est-ce une alerte
dans une lune de miel
rompue ou une cassure
plus profonde vers un
divorce durable ?
Parution le : 19 octobre
2010