1. Les PME/PMI camerounaises et leurs besoins
de financement : Le rôle moteur des grandes
entreprises
Face aux nombreux problèmes de financement que les PME/PMI camerounaises
rencontrent quotidiennement, l’auteur montre que les grandes entreprises en payant
les factures des PME/PMI dans des délais raisonnables, pourraient contribuer à
renforcer la solvabilité à court terme et la croissance à moyen terme des PME/PMI.
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Dans le Document de Stratégie de Croissance et d’Emploi du Cameroun,
l’un des objectifs de croissance et d’emploi est de ramener le sous emploi
actuel, de 75,8% à moins de 50% en 2020 à travers la création de dizaines de
milliers d’emplois formels par an pendant les dix prochaines années en
s’appuyant sur un tissu de plus en dense de PME/PMI. Le Gouvernement a
donc mis les PME/PMI au cœur de la stratégie de relance de la croissance et
de l’emploi. Officiellement les PME/PMI qui représentent plus de 94% de la
population totale des entreprises au Cameroun (DSF de 2007), offrent plus de
200 000 emplois permanents.
Cependant, malgré la loi N° 2010/001 du 13 avril 2010 portant promotion
des Petites et Moyennes Entreprises au Cameroun, force est de constater que
peu ou presque rien n'est fait pour s'attaquer de façon significative et de façon
conséquente au problème majeur que rencontrent les PME, à savoir le
financement de leurs investissements et/ou de leurs exploitations courantes.
Malgré le génie des camerounais, en plus des autres problèmes tels que celui
de l’information ou des ressources humaines, le manque de financement
empêche l’éclosion de millions de PME, pendant que l’insuffisance de
ressources financières précipitent dans la cessation de paiement et la faillite de
milliers d’autres.
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2. Il s’agit dans cet article de montrer qu’en attendant que l’Etat trouve des
solutions institutionnelles pérennes, les grandes entreprises peuvent jouer un
rôle moteur pour le financement des PME/PMI camerounaises.
1. Le manque de financement est le problème numéro 1 des PME/PMI
camerounaises.
Les PME camerounaises, malgré leur contribution significative à l'économie
nationale, malgré le dynamisme avéré des leurs promoteurs, et/ou dirigeants,
ont du mal à trouver auprès des différentes institutions financières les
ressources nécessaires pour couvrir leurs dépenses d'investissement et
d'exploitation. Seulement 6% des crédits bancaires en direction des PME/PMI
pour l'année 2009.
Les PME/PMI sont pratiquement exclus des financements des
investissements.
Dans leur ensemble, les banques camerounaises sont réservées à
financer les investissements des entreprises. Pour justifier leur refus ou leur
réserve à financer les équipements, les banques évoquent la nature de leurs
propres dépôts qui sont essentiellement des dépôts à vue et ne peuvent donc
raisonnablement être utilisés pour des financements à moyen et long termes.
Les grandes entreprises offre des garanties qui leur permettent de contourner
ces réticences des banques.
Les choses sont cependant plus compliquées pour les PME. En effet à
l'absence des garanties matérielles ou financières (Fonds de garanties) elles se
retrouvent souvent en train d'emprunter à court terme pour financer les
investissements, ce qui fragilise l'exploitation, freine leur développement et les
expose aux risques de cessation d'activités de paiement voire d'activité.
Quant au financement de l'exploitation, le comportement des banques
est paradoxal.
Ici les ressources sont disponibles mais les banques sont frileuses à cause
disent-elles du risque très élevé du secteur des PME, et les chiffres semblent
leur donner raison : A titre d'exemple, 47% des crédits accordés aux PME en
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3. 2009 sont soit en situation litigieuse, soit en cessation de paiement et ces
crédits ont été pour la plupart accordés sur la base de critères qui classent ces
entreprises comme rentables et solvables. Et partant du principe que les
banques ont accordé des crédits sur la base de critères objectifs, qu'est-ce qui
pourrait être à l'origine de cette défaillance relative des PME ? Pourquoi est-
ce qu'une PME jugée rentable et solvable par les banques, se retrouverait-elle
en situation compromise, voire de cessation de paiement ?
Parmi les raisons souvent avancées, la mauvaise gestion des fonds par les
promoteurs occupe la première place. Ces derniers orienteraient les emprunts
vers des activités autres que celles pour lesquelles elles ont été planifiées en
accord avec les banques.
S'il est vrai que les patrons des PME détournent les crédits à d'autres
fins, il faut reconnaître que certaines de ces destinations leurs sont imposées
par l'environnement de la PME. Parmi celles-ci il faut relever le financement du
compte clients et plus particulièrement le financement des comptes clients des
grandes entreprises qui achètent et se font livrer des biens ou des services dans
les PME et attendent trop longtemps pour payer les factures. En attendant et
pour assurer la continuité du cycle d’exploitation, ces PME fonctionnent grâce
à des découverts et de petits crédits bancaires dont les frais financiers
deviennent rapidement insoutenables et précipitent les PME dans une
situation chronique d’insolvabilité. Les banques qui en passant sont pour la
plupart des grandes entreprises ignorant tout ou semblent ignorer de cette
situation qui est certaine est certainement l'une des principales raisons de la
non solvabilité des PME ?
En définitive nous sommes dans une situation paradoxale où c'est la PME
qui finance la grande entreprise.
2. La grande entreprise au secours des PME en matière de financement !
C'est possible !
Examinons un des éléments de mesure du risque d'insolvabilité à court
terme qui est le nombre de jours de besoin de financement. Il est égal à la
somme de la durée du crédit client et de la durée de rotation des stocks
diminué de la durée du crédit fournisseur.
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4. C'est pour le financement de ce besoin que les entreprises vont auprès
banques et la réduction de ce besoin suppose soit l'augmentation de la durée
du crédit fournisseur, soit la diminution du crédit client et une plus grande
rotation des stocks. Du fait que de façon générale la grande entreprise est en
amont et en aval de la PME, son comportement est déterminant dans la
solvabilité et le développement de cette catégorie d'entreprise. Une grande
entreprise consciente que les fournisseurs PME sont des partenaires pourrait :
• Accorder des conditions et de délais de paiement raisonnables afin
qu’elles améliorent leur capacité d’autofinancement
En ce qui concerne l'augmentation du crédit fournisseur ; la PME
camerounaise est généralement obligé de payer comptant à des durées très
contraignantes ses matières premières surtout quand il s'agit des grandes
entreprises (eau, électricité, téléphone, frais financiers…). Les délais sont
relativement plus longs quand il s'agit des PME entre elles ce qui pénalise
l'ensemble du secteur.
• Payer les factures dans des délais raisonnables pour contribuer à
réduire les charges financières
Tandis que les PME/PMI paient leurs fournisseurs grandes entreprises
dans des délais fortement contraignants, par contre, elles par contre sont
payées par ces derniers dans les délais non négociables (60-90 jours) et très
souvent ces délais ne sont pas respectés et atteignent régulièrement 120 voire
180 jours. Par ce comportement les grandes entreprises contribuent à allonger
le nombre de jours de besoin de financement, et comme elles ne respectent
pas les délais de paiement, les PME ne peuvent honorer pas les engagements
pris auprès des banques.
Dans cette situation les frais financiers augmentent sans que les
conditions d'exploitation ne garantissent la création d'une capacité de
remboursement de dettes qui s’accumulent progressivement. L'utilisation des
nouvelles ressources étant de plus en plus destinée à l'exploitation, les
nouveaux investissements nécessaires pour augmenter ou renforcer la capacité
de production font défaut et les PME entrent dans un cercle vicieux de
surendettement dont la banque semble être l’unique bénéficiaire à travers des
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5. frais financiers qui s’alourdissent chaque jour pour les PME. Il y a donc double
pénalisations des PME : difficulté à bénéficier des crédits pour financer
l'exploitation encore moins pour financer investissements pourtant rentables.
Devrait-on passer par une loi spécifique portant réduction des délais
de paiement interentreprises ?
A titre d’exemple, en partant du constat que les délais de paiement en
France étaient en moyenne plus long que d’autres pays membres de l’Union
Européenne (66 jours contre 57), le législateur français est venu au secours des
P¨ME/PMI à travers la Loi de Modernisation de l’Economie (LME) du 4 Août
2008. Cette loi instaure une surveillance en vue de la réduction de délais de
paiement interentreprises. Ainsi, grâce à l'application de cette loi, dès la fin de
2009, il était attendu un transfert de trésorerie des grandes entreprises vers
les PME/PMI de plus de 4 milliards d'euros, soit plus de 2 628 milliards de nos
francs CFA, du simple fait que les grandes entreprises paient plus vite, les
factures émises par les PME/PMI. La loi prévoit que le non respect des délais de
paiement peut entrainer des sanctions pénales dont une amende maximale de
15 000 Euros.
En attendant que les pouvoirs publics mettent en place des structures
pour faciliter l'accès des PME/PMI au financement, un partenariat gagnant -
gagnant avec les grandes entreprises, constituerait une première solution à ce
problème de financement. Il est possible que les grandes entreprises jouent un
rôle moteur dans la recherche des solutions aux problèmes d’insuffisances
chroniques de financement des PME/PMI camerounaises.
Par THEODORET-MARIE FANSI (*)
Article publié dans le Journal Mutations du 29 Oct 2010
(*) Chargé de cours à l’ESSEC, Directeur du Cabinet CIBLE
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