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Clio Dupouy, À propos de…, Catherine Chabert, Dominique Cupa, René Kaës et René 
Roussillon (sous la direction de), Didier Anzieu : le Moi-peau et la psychanalyse des 
limites Toulouse, érès, 2009. 
À l’occasion du vingtième anniversaire de la parution de l’ouvrage Le Moi-peau de Didier 
Anzieu, différents auteurs, psychanalystes et chercheurs émérites, ce sont penchés sur son 
oeuvre majeure pour lui rendre un hommage collectif dans le Carnet/Psy, édition de 2009. 
Sous la direction de C. Chabert, D. Cupa, R. Kaës et R. Roussillon : C. Anzieu-Premmereur, 
M. Emmanuelli, B. Golse, A. Green, É. Séchaud et D. Widlöcher décortiquent le travail de 
Didier Anzieu au travers de thématiques variées, encadrant les théories de l’auteur de leur 
propre expertise. 
Dans une première partie, Évelyne Séchaud décrit la force créatrice de la pensée de Didier 
Anzieu, pensée vivante, en prise directe entre le corps et la clinique, s’appuyant sur le mot 
d’esprit et l’ironie. Elle dresse une brève biographie de l’auteur et retourne à la source de son 
inspiration, à savoir Pascal dont il a réédité en 1960, sous la direction de Zacharie Tourneur, 
l’ouvrage Pensées. S’étant déclaré fils spirituel de Pascal, il a d’abord présenté son mémoire 
de philosophie sur la pensée politique de ce dernier. Mais, en 1948, il décida de se consacrer à 
la psychologie et à la psychopathologie, et travailla alors sur l’autoanalyse de Freud. C’est en 
ayant regardé penser ce dernier qu’il remarqua finalement que « la séance constitue un 
observatoire privilégié pour regarder penser les autres, pour se regarder penser soi-même » 
(p. 13). Dès lors, il s’attaqua aux difficultés de penser, au vide de la pensée, à la douleur de 
penser qui caractérisent notamment les structures de la psychose. Depuis, il défendit la 
préexistence des pensées sur le penser : « Elles sont en expansion illimitée comme l’univers 
des étoiles. Le bord où elles s’arrêteraient et s’effondreraient dans le vide absolu est 
impensable et cependant toujours esquissé à l’horizon » (p. 14). Pour lui, c’est Le penser qui 
protège du vide, c’est lui qui contient les pensées et leur donne forme. Inspiré par le concept 
pascalien de « vide », il interrogera les angoisses, les phobies qui y sont liées, pour dégager 
finalement les propriétés de la pensée : c’est le désir d’infini qui la caractérise. Et c’est au 
travers de l’analyse de l’oeuvre de Beckett qu’il approfondira le fonctionnement psychique des 
états-limites, de ces troubles de distinction dedans/dehors, contenant/contenu… 
Un peu plus loin, É. Séchaud s’appuie sur le travail psychanalytique de la métaphore qui 
permit à Anzieu de transformer la peau en une métaphore de l’enveloppe corporelle et d’en 
découler huit fonctions essentielles qu’elle détaille dans son chapitre : la maintenance, la 
contenance, la constance, la signifiance, la correspondance, l’individuation, la sexualisation et 
l’énergisation. Elle aide également à la compréhension de la création du concept, en signalant 
que le trait d’union entre le mot « Moi » et le mot « peau » marque une ellipse, une figure 
englobante à double foyer : la mère et l’enfant. « L’enfant acquiert un Moi-peau qui lui est 
propre par une double intériorisation, celle de l’interface qui devient une enveloppe psychique 
contenante des contenus psychiques, et celle de l’entourage maternant qui devient le monde 
intérieur des pensées, des images, des affects » (p. 24). 
À son tour, Catherine Chabert s’intéresse au transfert paradoxal et décrit comment l’enfant 
confronté à l’injonction paradoxale (double-bind) de son parent devient alors susceptible de 
présenter d’importantes failles narcissiques ou des états-limites. Elle considère dans son 
chapitre la complémentation qu’Anzieu a apporté à l’oeuvre de Freud, notamment au travers 
d’une perspective topographique de l’appareil psychique (organisation spatiale entre un Moi 
corporel et un Moi psychique), ou encore par l’étude des fantasmes concernant les contenants 
psychiques, par la notion de double interdit du toucher qui constituerait le précurseur de
l’interdit oedipien, etc. Un des exemples qu’elle fournit est l’idée de dualité des interdits 
développée par Anzieu. Il mentionne par exemple : 1) le fait que l’interdit porte à la fois sur 
les pulsions sexuelles et agressives ; 2) le fait que tout interdit possède une face interne et une 
externe ; et, par là même, il offre une interface qui sépare deux régions de l’appareil 
psychique. L’interdit du toucher sépare le familier – protégé, protecteur – et l’étranger – 
inquiétant, dangereux. Et l’interdit oedipien inverse ces données : ce qui est familier (familial) 
devient dangereux par l’investissement pulsionnel, inquiétant par la force des fantasmes 
incestueux et parricidaires. 
Clôturant la première partie dédiée à l’introduction de la pensée d’Anzieu, Daniel Widlöcher 
traite de la question de l’espace psychique unifié, et questionne l’existence d’une pluralité 
d’espaces psychiques, avant d’analyser cet espace dans l’écoute analytique des années 1950 à 
nos jours. Il souligne l’évolution d’un modèle interprétatif dirigé par une écoute pure et une 
pratique rigoureuse de la neutralité vers une coconstruction analyste/patient au travers de la 
dynamique des mouvements associatifs, chacun prêtant son espace psychique à l’autre dans 
un parcours d’aller-retour de la pensée de l’un vers l’autre. Il définit le terme de « copensée » 
comme « le véhicule de la communication d’inconscient à inconscient » (p. 57). 
D’un inconscient à l’autre, René Kaës se rappelle les nombreux entretiens partagés avec 
Anzieu au sujet de leurs difficultés cliniques à traiter leurs propres « angoisses paniquantes 
devant les grands groupes ». Il développe dans son chapitre le passage du Moi-peau au 
concept des enveloppes psychiques au travers des éléments biographiques qui ont permis à 
Anzieu de penser (panser) la peau coupée, expérience d’une appendicite vers ses 5-6 ans, 
vécue psychiquement de façon très douloureuse, réveillant les angoisses de vidage de la 
substance du corps et des pensées. C’est notamment cette atteinte « profonde au corps, à la 
peau, et au contenant […] qui avait imposé à son Moi qu’il trouvât dans une métaphore […] 
la symbolisation de cette coupure surmontée par un trait d’union, valant point de suture entre 
le Moi et la peau » (p. 70). Et c’est de la même façon, à travers son expérience personnelle, 
qu’il réalisa que les couches de pelures que ses parents lui posaient sur le dos pour le protéger 
du dehors n’étaient autres que « des enveloppes superposées de soins, de soucis et de 
chaleur » (p. 71). C’est en s’inspirant des travaux de Winnicott sur les couvertures et le 
transitionnel, de ceux de Bion sur le modèle contenant/contenu, et de Bowlby sur la théorie de 
l’attachement, qu’il en viendra à penser que la première différenciation du moi au sein de 
l’appareil psychique s’étaye sur les sensations de la peau et consiste en une figuration 
symbolique de celle-ci. C’est ce qu’il nommera le Moi-peau. Ce sont les fonctions de ce Moi-peau 
qui seront généralisées dans l’apparition du concept des enveloppes psychiques, 
permettant de penser une plus large diversité des manifestations intra- et interpsychiques 
(enveloppes oniriques, sonores, groupales, familiales, etc.). 
Un peu plus loin, René Roussillon traite de l’intersensorialité (transmodalité) et de la 
réflexivité pour expliquer le décollement du peau à peau mère-bébé et la transformation du 
proprement corporel à la représentance psychique. 
Quant à Bernard Golse, il débat du rôle des signifiants formels dans le développement 
psychique du nourrisson. Ces signifiants – autrement dits archaïques – auraient valeur de 
protoreprésentations, socle des représentations mentales à venir ; il met en avant une fonction 
autothéorisante de la psyché. Selon son analyse des termes délivrés par Anzieu, ce serait ces 
signifiants, « transformations d’une caractéristique géométrique ou physique d’un corps, ou 
d’une portion de l’espace », qui joueraient un rôle fondamental dans la constitution des 
enveloppes psychiques ; ce sont ces signifiants, aisément métaphorisables qui introduiraient
au repérage des enveloppes psychiques et de leurs altérations. Pour Golse, ils sont des 
matériaux aux antipodes du fantasme, qui parfois, cassés, ou cachés, « n’ayant pu être 
contenus, repris et transformés par le travail psychique de l’autre, […] viennent bloquer la 
suite de l’ontogenèse psychique de l’enfant » (p. 119). 
Dominique Cupa propose une articulation du concept d’hallucination négative (développé 
notamment par Green) avec celui du Moi-peau. Elle développe les apports de Bowlby au sujet 
de la pulsion d’attachement : si cette dernière est suffisamment satisfaite, elle apporte au 
nourrisson « la base sur laquelle peut se manifester l’élan intégratif du Moi », c’est-à-dire le 
Moi-peau (p. 128). L’objet de la pulsion d’attachement est le Moi-peau maternel stimulant et 
communicant. Le chapitre de D. Cupa porte sur l’importance de l’affect et de la tendresse, 
recherchée par le nourrisson envers sa mère et qui amène à la création d’une structure 
encadrante offrant à la psyché d’autres formes de contacts internalisés. Mais, parfois, un 
attachement au négatif, empreint de destructivité, renvoie le psychisme en construction « à un 
effacement de la représentation maternelle, à un vide représentationnel mobilisant le Moi qui 
va rechercher des représentations » (p. 142). 
Se représenter le « penser debout » décrit par Anzieu, voilà une difficulté évoquée par André 
Green. En effet, pour Anzieu, le penser est un analogon de l’érection du corps, ce corps pris 
dans la peau souple et ferme, pris par une masse d’organes enserrant un squelette flexible. Ce 
corps, relié au penser par analogie de sa verticalité, nous renvoie encore à la problématique de 
la limite, à celle de l’intériorité et à la question de ce qui sert d’échafaudage à ces supports, 
conteneurs des matières palpables du corps ou irreprésentables du penser. Green distingue 
trois éléments permettant de déboucher sur la triple croyance en sa propre existence, celle des 
autres et celle du monde extérieur. Il existerait à l’origine un soi psychique primaire, inné, non 
encore structuré ou investi libidinalement. Puis viendrait un moi corporel, construit au travers 
des expériences de plaisir et de douleur. Enfin, « un Moi psychique doté de sentiments 
d’identité et de continuité se différencierait à partir du soi psychique primaire sous la forme 
intermédiaire d’un Moi-peau, par l’intériorisation de la relation contenant-contenu avec la 
mère et l’environnement familial unis dans un même appareil psychique » (p. 156-157). 
Michèle Emmanuelli travaille le lien entre le processus de création et le développement du 
Moi-peau : « L’oeuvre compose une peau imaginaire, analogue à celle du rêve, et une peau 
symbolique de mots, dans un entrelacs d’images plastiques et sonores. » Elle revient sur 
l’analyse par Anzieu des oeuvres de Bacon et Beckett, comme illustrant complémentairement 
l’impact « catastrophique » de sensations sur la psyché, et expose comment tous deux tentent, 
au travers de l’oeuvre, d’attraper cette sensation, et de l’expulser au-dehors, en quête de 
contenant et de transformateurs dans l’agora contemplatrice. 
Le mot de la fin est laissé à Christine Anzieu-Premmereur, fille de Didier, également 
psychanalyste et pédopsychiatre. Elle s’attache au développement du sens de l’humour chez 
l’enfant dans la cure, et le présente comme une défense du Moi face aux blessures infligées 
par la réalité. Elle retrace l’étude que Freud a faite sur ce processus en trois temps : entre 2 et 
3 ans, ce serait le jeu, le plaisir de jouer qui représenterait la première amorce à l’humour. 
Entre 4 et 6 ans apparaîtraient les railleries et plaisanteries sur fond de sadisme et de sexualité 
infantile. Puis à 7 ans se développeraient enfin les blagues, les mots d’esprit et les farces. Cet 
humour renverrait à la capacité de surmonter ce qui est menaçant, qu’il s’agisse de peurs 
infantiles ou d’un savoir récent non encore assuré. Il affirme le Moi qui se prétend 
invulnérable tout en révélant ce qui fait souffrir. La capacité à rire de soi en est un 
merveilleux exemple, l’autodérision n’est autre qu’une capacité du Moi à s’éloigner du soi en
prenant la mesure de cet écart, sans craindre de perdre l’essence qui le constitue, sans 
s’effrayer d’en déchirer une enveloppe : « L’humour est un jeu avec les limites […] limites du 
corps, limite entre la réalité et le fantasme, limites de soi et de la différence avec les autres, 
limites avec l’angoisse comme avec la décharge pulsionnelle » (p. 190). Il reflète autant une 
défense qu’une capacité de penser, mais ce, seulement quand le Moi est en place et a 
développé une conscience de ce qu’il éprouve. 
Les différents auteurs ayant participé à la rédaction de ce numéro ont su partager leurs 
interprétations des divers concepts amenés par Anzieu, et ce, bien au-delà du concept connu et 
reconnu du Moi-peau. Ils y livrent les apports de sa théorie, donnant à cette dernière même le 
statut d’enveloppe psychique qu’elle a su créer autour de leurs théories personnelles. Ils nous 
donnent ici à voir la fulgurance de la pensée d’Anzieu, et sa remarquable créativité qui permet 
à cette dernière de traverser les décennies en enrichissant et en s’enrichissant (réflexivité, 
quand tu nous tiens !) de la pensée de chacun. Replacée dans un contexte psychanalytique 
actuel, la théorie du Moi-peau ne perd rien de sa force et de sa constance, contenant « prêt-à-penser 
» des théories encore à développer.

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There is no_such_thing_as_a_social_science_intro
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  • 1. Clio Dupouy, À propos de…, Catherine Chabert, Dominique Cupa, René Kaës et René Roussillon (sous la direction de), Didier Anzieu : le Moi-peau et la psychanalyse des limites Toulouse, érès, 2009. À l’occasion du vingtième anniversaire de la parution de l’ouvrage Le Moi-peau de Didier Anzieu, différents auteurs, psychanalystes et chercheurs émérites, ce sont penchés sur son oeuvre majeure pour lui rendre un hommage collectif dans le Carnet/Psy, édition de 2009. Sous la direction de C. Chabert, D. Cupa, R. Kaës et R. Roussillon : C. Anzieu-Premmereur, M. Emmanuelli, B. Golse, A. Green, É. Séchaud et D. Widlöcher décortiquent le travail de Didier Anzieu au travers de thématiques variées, encadrant les théories de l’auteur de leur propre expertise. Dans une première partie, Évelyne Séchaud décrit la force créatrice de la pensée de Didier Anzieu, pensée vivante, en prise directe entre le corps et la clinique, s’appuyant sur le mot d’esprit et l’ironie. Elle dresse une brève biographie de l’auteur et retourne à la source de son inspiration, à savoir Pascal dont il a réédité en 1960, sous la direction de Zacharie Tourneur, l’ouvrage Pensées. S’étant déclaré fils spirituel de Pascal, il a d’abord présenté son mémoire de philosophie sur la pensée politique de ce dernier. Mais, en 1948, il décida de se consacrer à la psychologie et à la psychopathologie, et travailla alors sur l’autoanalyse de Freud. C’est en ayant regardé penser ce dernier qu’il remarqua finalement que « la séance constitue un observatoire privilégié pour regarder penser les autres, pour se regarder penser soi-même » (p. 13). Dès lors, il s’attaqua aux difficultés de penser, au vide de la pensée, à la douleur de penser qui caractérisent notamment les structures de la psychose. Depuis, il défendit la préexistence des pensées sur le penser : « Elles sont en expansion illimitée comme l’univers des étoiles. Le bord où elles s’arrêteraient et s’effondreraient dans le vide absolu est impensable et cependant toujours esquissé à l’horizon » (p. 14). Pour lui, c’est Le penser qui protège du vide, c’est lui qui contient les pensées et leur donne forme. Inspiré par le concept pascalien de « vide », il interrogera les angoisses, les phobies qui y sont liées, pour dégager finalement les propriétés de la pensée : c’est le désir d’infini qui la caractérise. Et c’est au travers de l’analyse de l’oeuvre de Beckett qu’il approfondira le fonctionnement psychique des états-limites, de ces troubles de distinction dedans/dehors, contenant/contenu… Un peu plus loin, É. Séchaud s’appuie sur le travail psychanalytique de la métaphore qui permit à Anzieu de transformer la peau en une métaphore de l’enveloppe corporelle et d’en découler huit fonctions essentielles qu’elle détaille dans son chapitre : la maintenance, la contenance, la constance, la signifiance, la correspondance, l’individuation, la sexualisation et l’énergisation. Elle aide également à la compréhension de la création du concept, en signalant que le trait d’union entre le mot « Moi » et le mot « peau » marque une ellipse, une figure englobante à double foyer : la mère et l’enfant. « L’enfant acquiert un Moi-peau qui lui est propre par une double intériorisation, celle de l’interface qui devient une enveloppe psychique contenante des contenus psychiques, et celle de l’entourage maternant qui devient le monde intérieur des pensées, des images, des affects » (p. 24). À son tour, Catherine Chabert s’intéresse au transfert paradoxal et décrit comment l’enfant confronté à l’injonction paradoxale (double-bind) de son parent devient alors susceptible de présenter d’importantes failles narcissiques ou des états-limites. Elle considère dans son chapitre la complémentation qu’Anzieu a apporté à l’oeuvre de Freud, notamment au travers d’une perspective topographique de l’appareil psychique (organisation spatiale entre un Moi corporel et un Moi psychique), ou encore par l’étude des fantasmes concernant les contenants psychiques, par la notion de double interdit du toucher qui constituerait le précurseur de
  • 2. l’interdit oedipien, etc. Un des exemples qu’elle fournit est l’idée de dualité des interdits développée par Anzieu. Il mentionne par exemple : 1) le fait que l’interdit porte à la fois sur les pulsions sexuelles et agressives ; 2) le fait que tout interdit possède une face interne et une externe ; et, par là même, il offre une interface qui sépare deux régions de l’appareil psychique. L’interdit du toucher sépare le familier – protégé, protecteur – et l’étranger – inquiétant, dangereux. Et l’interdit oedipien inverse ces données : ce qui est familier (familial) devient dangereux par l’investissement pulsionnel, inquiétant par la force des fantasmes incestueux et parricidaires. Clôturant la première partie dédiée à l’introduction de la pensée d’Anzieu, Daniel Widlöcher traite de la question de l’espace psychique unifié, et questionne l’existence d’une pluralité d’espaces psychiques, avant d’analyser cet espace dans l’écoute analytique des années 1950 à nos jours. Il souligne l’évolution d’un modèle interprétatif dirigé par une écoute pure et une pratique rigoureuse de la neutralité vers une coconstruction analyste/patient au travers de la dynamique des mouvements associatifs, chacun prêtant son espace psychique à l’autre dans un parcours d’aller-retour de la pensée de l’un vers l’autre. Il définit le terme de « copensée » comme « le véhicule de la communication d’inconscient à inconscient » (p. 57). D’un inconscient à l’autre, René Kaës se rappelle les nombreux entretiens partagés avec Anzieu au sujet de leurs difficultés cliniques à traiter leurs propres « angoisses paniquantes devant les grands groupes ». Il développe dans son chapitre le passage du Moi-peau au concept des enveloppes psychiques au travers des éléments biographiques qui ont permis à Anzieu de penser (panser) la peau coupée, expérience d’une appendicite vers ses 5-6 ans, vécue psychiquement de façon très douloureuse, réveillant les angoisses de vidage de la substance du corps et des pensées. C’est notamment cette atteinte « profonde au corps, à la peau, et au contenant […] qui avait imposé à son Moi qu’il trouvât dans une métaphore […] la symbolisation de cette coupure surmontée par un trait d’union, valant point de suture entre le Moi et la peau » (p. 70). Et c’est de la même façon, à travers son expérience personnelle, qu’il réalisa que les couches de pelures que ses parents lui posaient sur le dos pour le protéger du dehors n’étaient autres que « des enveloppes superposées de soins, de soucis et de chaleur » (p. 71). C’est en s’inspirant des travaux de Winnicott sur les couvertures et le transitionnel, de ceux de Bion sur le modèle contenant/contenu, et de Bowlby sur la théorie de l’attachement, qu’il en viendra à penser que la première différenciation du moi au sein de l’appareil psychique s’étaye sur les sensations de la peau et consiste en une figuration symbolique de celle-ci. C’est ce qu’il nommera le Moi-peau. Ce sont les fonctions de ce Moi-peau qui seront généralisées dans l’apparition du concept des enveloppes psychiques, permettant de penser une plus large diversité des manifestations intra- et interpsychiques (enveloppes oniriques, sonores, groupales, familiales, etc.). Un peu plus loin, René Roussillon traite de l’intersensorialité (transmodalité) et de la réflexivité pour expliquer le décollement du peau à peau mère-bébé et la transformation du proprement corporel à la représentance psychique. Quant à Bernard Golse, il débat du rôle des signifiants formels dans le développement psychique du nourrisson. Ces signifiants – autrement dits archaïques – auraient valeur de protoreprésentations, socle des représentations mentales à venir ; il met en avant une fonction autothéorisante de la psyché. Selon son analyse des termes délivrés par Anzieu, ce serait ces signifiants, « transformations d’une caractéristique géométrique ou physique d’un corps, ou d’une portion de l’espace », qui joueraient un rôle fondamental dans la constitution des enveloppes psychiques ; ce sont ces signifiants, aisément métaphorisables qui introduiraient
  • 3. au repérage des enveloppes psychiques et de leurs altérations. Pour Golse, ils sont des matériaux aux antipodes du fantasme, qui parfois, cassés, ou cachés, « n’ayant pu être contenus, repris et transformés par le travail psychique de l’autre, […] viennent bloquer la suite de l’ontogenèse psychique de l’enfant » (p. 119). Dominique Cupa propose une articulation du concept d’hallucination négative (développé notamment par Green) avec celui du Moi-peau. Elle développe les apports de Bowlby au sujet de la pulsion d’attachement : si cette dernière est suffisamment satisfaite, elle apporte au nourrisson « la base sur laquelle peut se manifester l’élan intégratif du Moi », c’est-à-dire le Moi-peau (p. 128). L’objet de la pulsion d’attachement est le Moi-peau maternel stimulant et communicant. Le chapitre de D. Cupa porte sur l’importance de l’affect et de la tendresse, recherchée par le nourrisson envers sa mère et qui amène à la création d’une structure encadrante offrant à la psyché d’autres formes de contacts internalisés. Mais, parfois, un attachement au négatif, empreint de destructivité, renvoie le psychisme en construction « à un effacement de la représentation maternelle, à un vide représentationnel mobilisant le Moi qui va rechercher des représentations » (p. 142). Se représenter le « penser debout » décrit par Anzieu, voilà une difficulté évoquée par André Green. En effet, pour Anzieu, le penser est un analogon de l’érection du corps, ce corps pris dans la peau souple et ferme, pris par une masse d’organes enserrant un squelette flexible. Ce corps, relié au penser par analogie de sa verticalité, nous renvoie encore à la problématique de la limite, à celle de l’intériorité et à la question de ce qui sert d’échafaudage à ces supports, conteneurs des matières palpables du corps ou irreprésentables du penser. Green distingue trois éléments permettant de déboucher sur la triple croyance en sa propre existence, celle des autres et celle du monde extérieur. Il existerait à l’origine un soi psychique primaire, inné, non encore structuré ou investi libidinalement. Puis viendrait un moi corporel, construit au travers des expériences de plaisir et de douleur. Enfin, « un Moi psychique doté de sentiments d’identité et de continuité se différencierait à partir du soi psychique primaire sous la forme intermédiaire d’un Moi-peau, par l’intériorisation de la relation contenant-contenu avec la mère et l’environnement familial unis dans un même appareil psychique » (p. 156-157). Michèle Emmanuelli travaille le lien entre le processus de création et le développement du Moi-peau : « L’oeuvre compose une peau imaginaire, analogue à celle du rêve, et une peau symbolique de mots, dans un entrelacs d’images plastiques et sonores. » Elle revient sur l’analyse par Anzieu des oeuvres de Bacon et Beckett, comme illustrant complémentairement l’impact « catastrophique » de sensations sur la psyché, et expose comment tous deux tentent, au travers de l’oeuvre, d’attraper cette sensation, et de l’expulser au-dehors, en quête de contenant et de transformateurs dans l’agora contemplatrice. Le mot de la fin est laissé à Christine Anzieu-Premmereur, fille de Didier, également psychanalyste et pédopsychiatre. Elle s’attache au développement du sens de l’humour chez l’enfant dans la cure, et le présente comme une défense du Moi face aux blessures infligées par la réalité. Elle retrace l’étude que Freud a faite sur ce processus en trois temps : entre 2 et 3 ans, ce serait le jeu, le plaisir de jouer qui représenterait la première amorce à l’humour. Entre 4 et 6 ans apparaîtraient les railleries et plaisanteries sur fond de sadisme et de sexualité infantile. Puis à 7 ans se développeraient enfin les blagues, les mots d’esprit et les farces. Cet humour renverrait à la capacité de surmonter ce qui est menaçant, qu’il s’agisse de peurs infantiles ou d’un savoir récent non encore assuré. Il affirme le Moi qui se prétend invulnérable tout en révélant ce qui fait souffrir. La capacité à rire de soi en est un merveilleux exemple, l’autodérision n’est autre qu’une capacité du Moi à s’éloigner du soi en
  • 4. prenant la mesure de cet écart, sans craindre de perdre l’essence qui le constitue, sans s’effrayer d’en déchirer une enveloppe : « L’humour est un jeu avec les limites […] limites du corps, limite entre la réalité et le fantasme, limites de soi et de la différence avec les autres, limites avec l’angoisse comme avec la décharge pulsionnelle » (p. 190). Il reflète autant une défense qu’une capacité de penser, mais ce, seulement quand le Moi est en place et a développé une conscience de ce qu’il éprouve. Les différents auteurs ayant participé à la rédaction de ce numéro ont su partager leurs interprétations des divers concepts amenés par Anzieu, et ce, bien au-delà du concept connu et reconnu du Moi-peau. Ils y livrent les apports de sa théorie, donnant à cette dernière même le statut d’enveloppe psychique qu’elle a su créer autour de leurs théories personnelles. Ils nous donnent ici à voir la fulgurance de la pensée d’Anzieu, et sa remarquable créativité qui permet à cette dernière de traverser les décennies en enrichissant et en s’enrichissant (réflexivité, quand tu nous tiens !) de la pensée de chacun. Replacée dans un contexte psychanalytique actuel, la théorie du Moi-peau ne perd rien de sa force et de sa constance, contenant « prêt-à-penser » des théories encore à développer.