1. Echos d’EDEN
Des acquis et un avenir à organiser
À l’occasion du Cinquième Atelier de recherche du réseau européen EDEN1 ,
Geneviève Jacquinot-Delaunay, membre du comité éditorial de Distances et
savoirs, A participé à la table ronde au cours de laquelle, avec deux autres
observateurs2 elle a fait part des réflexions que lui ont inspiré les travaux présentés.
Ces conclusions concernent étroitement le champ de Distances et savoirs et
soulignent des pistes d’exploration que nous avons tenu à les faire partager à nos
lecteurs.
Le double intérêt de ce Cinquième Research Worshop d’EDEN aura été d’avoir
voulu nous orienter sur les problèmes de la recherche – pour éviter les classiques
récits de pratiques et de mise en place de dispositifs - et ce, à travers un thème fort et
ouvert à la fois : fort car le droit à l’éducation a encore et toujours partout à être
défendu et ouvert car, cette problématique de l’accès à l’éducation permettait
d’aborder les problèmes aussi bien juridiques, économiques, technologiques,
sociologiques, que pédagogiques. Dans certains pays et partout pour certaines
catégories de publics, il y a urgence à faciliter l’accès à l’éducation : qu’il s’agisse
de l’alphabétisation numérique des « 100.000 femmes en 2012 » du projet
camerounais soutenu par l’Agence universitaire de la francophonie ou du
programme rural chinois « Un étudiant par village » pour ne donner que ces
exemples !
Quelles sont les évolutions notables dans la contribution des diverses modalités de
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formation à distance à l’accès à l’éducation ?
La formation à distance n’est plus un recours, « faute de mieux », mais un véritable
mode d’éducation à part entière, peu à peu reconnu par les diverses instances de
régulation nationales et internationales. Plus même, elle est parvenue à un
changement d’échelle qu’il s’agisse du nombre de plus en plus important des
dispositifs à distance ou de leur extension parfois à l’échelle de plusieurs continents.
S’il a encore été question du nombre d’ordinateurs, des chiffres d’accès à Internet ou
de tout autre merveille technologique, il semble que désormais l’on situe bien la
technique là ou elle doit être : une condition nécessaire mais pas suffisante.
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Cf. www.eden-online.org et www.canalc2.tv
2
Les deux autres observateurs étaient :
Gila Kurtz Gila Kurtz, The Centre for Academic Studies, Bar Ilan University & University of
Maryland University College, Israel & USA
Terry Anderson, Professor and Canada research Chair, Athabasca University, Canada
2. Echos d’EDEN
Les contributions ont mis en évidence aussi bien la diversification des publics, que
celle des formations, des moyens et des environnements d’apprentissage :
amélioration de l’accès physique aux ressources, non discrimination des publics,
respect de la diversité culturelle, situationnelle et linguistique – pour résister à
l’emprise anglophone notamment – recherche de l’égalité dans la différentiation
pour triompher de tous les types de distance tout en prenant en compte la complexité
des apprentissages. La question de l’exigence de « qualité » de l’offre a émergé de
façon insistante, et certains se sont préoccupés de mieux cerner que sont cet Homme
et cette Education visés par la formation « tout au long de la vie ».
Quelles tendances et quels constats par rapport à la recherche ?
La recherche est encore très (trop ?) souvent descriptive : études de cas, tableaux
statistiques, panoramas, enquêtes de satisfaction… qui certes sont utiles mais ne
permettent pas de construire un cadre de savoirs stabilisés. On a constaté et regretté
une fois de plus une sorte d’ « inertie théorique » et une recherche « pas assez liée
au terrain », « surtout en Europe » précise certain. De plus, les travaux sont plus
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souvent orientés sur les enseignants et formateurs que sur les étudiants et les
bénéficiaires et plus axés sur les représentations que sur les processus
d’appropriation des savoirs et d’actualisation des potentialités offertes par les
dispositifs qui articulent éléments humains et non–humains : comment sont gérés les
espaces-temps de formation, quelles sont les communautés qui s’organisent et
comment, quels sont les objets techniques ou non qui circulent entre tous les acteurs
impliqués dans l’environnement proposé ? Quant aux technologies, si on a eu
tendance à les surestimer dans le court terme, n’a-t-on pas tendance à les sous-
estimer dans le long terme, alors que peu à peu s’organise une vie sociale « à
distance » et que de nouvelles compétences et une véritable culture numérique sont
à construire « tout au long de la vie » ?
Au-delà des diagnostics…
En ouvrant le Cinquième atelier, l’ancien Directeur du Cned français et Recteur
d’Académie Michel Moreau rappelait les différentes fonctions assumées par
l’éducation à distance : d’abord précurseur, puis partenaire et maintenant éclaireur ?
Qu’il nous soit permis d’aller plus loin encore en parlant d’un rôle de provocateur.
Et de regretter, comme certains l’ont dit, ou écrit, la surdité de la communauté
enseignante et notamment universitaire mais aussi du système éducatif en son
ensemble à l’urgence des changements qu’appellent les besoins éducatifs et dont
témoignent si massivement les diverses opérations de formations ouvertes et à
distances : recentrage sur l’apprenant et les processus d’apprentissage plus que sur
l’enseignant et l’enseignement ; restructuration organisationnelle, spatiale et
temporelle des environnements, recherche de partenariats et de nouveaux modèles
économiques qui ne se limitent pas à la plate reproduction des systèmes
consuméristes, notamment dans les rapports entre le public et le privé ; construction
d’une nouvelle professionnalité enseignante et étudiante et réexamen des statuts des
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Certains étudiants étaient présents heureusement dans les « crakerbarrel sessions » qui se
sont agréablement déroulées autour de tables… servant aussi à la dégustation de vins !
3. Echos d’EDEN
enseignants et divers autres formateurs ; adoption réfléchie de normes et standards
qui conditionnent la mutualisation des ressources numériques… en un mot ce qui
est au cœur des processus d’innovation.
Peut-on risquer de dire que ce n’est pas seulement pour un droit pour tous à
l’éducation qu’il faut désormais défendre mais un droit à une nouvelle éducation
pour tous ? Comment ne pas faire des formations à distance des ghettos fussent-ils
dorés ? Comment innerver l’ensemble des systèmes éducatifs et notamment
comment contribuer à repenser les modes de fonctionnement des universités du
21ème siècle ? On a souligné à plusieurs reprises la tendance partout dans le monde
au développement de l‘enseignement hybride ou bi-modal : et certains de s’inquiéter
que ce faisant on en oublie la formation à distance comme mode spécifique. Ne
risque-t-on pas tout aussi bien de ne rien changer de fondamental dans le système en
place… et de ne faire qu’ « enrichir » l’enseignement face–à-face comme on le lit si
souvent ? Le chercheur a une responsabilité à exercer et ses travaux se jaugent aussi
à l’aune de leur utilité sociale. Il a paru utile à certains de se poser la question de
savoir qui doit s’engager dans les recherches sur la formation à distance pour en
assurer la rigueur et l’honnêteté, mais aussi avec quelles types de recherche qui
permettent à la fois d’accroître nos connaissances et de contribuer à l’amélioration
des dispositifs : recherche-action, recherche-action-formation, recherche sur et pour
l’innovation, recherche en innovation ? Ce pourrait être le thème d’un prochain
atelier d’EDEN.