1. l’Action
universitaire ❚ LE JOURNAL DE L’UNION NATIONALE INTER-UNIVERSITAIRE ❚ N°237 ❚ mai 2004 ❚ 2 Euros ❚
Hommage au recteur DURAND
Le monde universitaire est en deuil. Le recteur Yves Durand nous a quittés le 21 avril 2004, victime de la
maladie la plus meurtrière aujourd’hui dans notre pays, le cancer.
Pour nous, la perte est particulièrement cruelle. Nous avons en effet perdu non seulement un ami très
cher, mais également le compagnon de tous les combats que nous avons menés depuis la création de
notre mouvement.
Grand historien, grand universitaire, grand serviteur de l’Etat, Yves Durand était avant tout un grand ser-
viteur de la France, un chevalier servant de la civilisation française.
Nous publions ici l’hommage rendu à Yves Durand par le professeur Jacques Rougeot lors de ses obs-
èques en l’église Saint-Similien le 24 avril 2004 à Nantes.
❚ Mor t d’un grand Français
Yves DU RAN D
Par Jacques Rougeot
I l y a des circonstances où
l’on éprouve que le cours
des jours auquel on s’était
présente. Je me suis alors avisé,
nous nous sommes tous avisés,
que la présence d’Yves Durand
côte, sans l’ombre d’une hésitation
ou d’un retardement. Avant toute
espèce de raisonnement, nos fib-
habitué subit une rupture. Cette parmi nous était beaucoup plus res les plus profondes nous
sensation, ce choc brutal, je l’ai qu’une habitude : une évidence, avaient assigné notre place. C’est
ressenti à la minute où j’ai appris une sorte de nécessité. Lui, c’était en fonction de ces réactions spon-
qu’Yves Durand était atteint d’une nous, et nous, c’était lui. tanées que nous nous sommes
maladie qui pouvait mettre ses trouvés d’abord, rassemblés
jours en danger. Certes, nous Cette communion qui existait ensuite. Rassemblés d’abord au
avons longtemps conservé de entre nous tient d’abord à la durée sein du Syndicat autonome des
l’espoir, mais une éventualité s’est
de nos relations, qui remontent à Facultés des lettres, puis, très vite
imposée à nous, c’est qu’il pour-
mai 1968. Les événements les plus et jusqu’à la fin, au sein de l’UNI,
rait n’être plus ici, avec nous.
malheureux présentent au moins l’Union Nationale Inter-universi-
Nous le savons à propos de nous-
un avantage, c’est qu’ils servent de taire. Immédiatement et tout natu-
mêmes et de chacun de nous,
mais généralement de façon intel- révélateurs des personnalités. rellement, il a été des nôtres et a
lectuelle. Tout à coup, l’éventualité Nous ne nous connaissions pas accepté d’être vice-président de
devenait terriblement concrète et antérieurement et, tout d’un coup, notre mouvement. C’était sa façon
nous nous sommes trouvés côte à à lui de s’engager, sans ostentation,
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Directeur de la publication : J. Rougeot - CPPAP 51358 - dépôt légal deuxième trimestre 2004
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2. mais publiquement, sans ambiguï- de parangon de la fonction. Alice moindre doute.
té, de façon désintéressée, sans Saunier-Séïté, ministre d’élite, que
considération de carrière. nous avons eu la tristesse de per- On peut dire que cet universitaire
dre il y a quelques mois, me éminent, reconnu par ses pairs
Il avait d’autant plus de mérite à confiait qu’elle avait eu sous son comme une autorité, se considé-
s’engager qu’il était habité par autorité d’excellents recteurs, mais rait comme un militant. Au nom
trois vocations, toutes élevées et que la place éminente qu’avait de valeurs anciennes, spirituelles,
exigeantes : une vocation universi- occupée Yves Durand n’apparte- morales, civiques, c’est bien le
taire, celle d’un historien, d’un nait qu’à lui seul. combat d’aujourd’hui, avec les
professeur et d’un chercheur ; une moyens d’aujourd’hui qu’il menait
vocation de grand serviteur de Quant à la cause qu’il servait, il lui inlassablement. Cet homme si vis-
l’Etat ; une vocation de défenseur était dévoué, consacré, comme un céralement étranger à toute espèce
d’une cause qui dépasse nos per- chevalier du Moyen Age. Il la défi- de démagogie savait trouver les
sonnes, nos vies, qui dépasse le nissait en termes intellectuels, mots qui touchaient les « militants
temps dans lequel nous vivons. mais en réalité, il lui était attaché de base » aussi bien que les plus
Ces vocations étaient apparem- de façon passionnée, quasi char- hautes personnalités. Que ce soit
ment rivales, parce que chacune nelle. C’était, comme pour le géné- sous l’égide de l’UNI ou du MIL
réclamait qu’il lui consacrât un ral de Gaulle, pour lui la défense (Mouvement Initiative et Liberté,
temps considérable. Pourtant, le d’une France d’inspiration et de dont il faisait partie en tant que
miracle est qu’il ait rempli chacu- tradition chrétiennes, nourrie de membre du comité d’honneur), il
ne de ces vocations de façon émi- culture antique, fleuron de la civi- était l’orateur vedette de toutes
nente, comme s’il avait consacré à lisation occidentale. Il nous avait nos réunions annuelles. Il y
chacune la totalité de son temps. Il fait le grand honneur et l’amitié de déployait une éloquence toute per-
a pu y parvenir parce que c’était considérer que c’est dans notre sonnelle, une éloquence qui se
un travailleur infatigable et aussi mouvement, l’UNI, qu’il trouvait moque de l’éloquence, qui tirait
parce que ces trois vocations l’instrument le plus approprié au une bonne partie de son efficacité
étaient parfaitement convergentes service de cette cause. Il l’a fait d’un humour imperturbable et
et se rejoignaient dans l’idée qu’il bénéficier de tous ses talents, y ravageur.
se faisait de ce qui rend une vie compris de ses compétences uni-
digne d’être vécue. Il a pu y par- versitaires en dirigeant de la façon Depuis plusieurs années, le thème
venir surtout parce que ces voca- la plus active notre collection d’é- qu’il abordait le plus souvent était
tions faisaient toutes appel à son tudes sur des sujets de fond, en y le danger qu’un islam conquérant
sens du devoir, un devoir qu’il donnant lui-même des contribu- faisait courir à la civilisation occi-
identifiait grâce à sa pénétration tions essentielles et, depuis dentale chrétienne. Il traitait ce
d’esprit et qu’il accomplissait quelques années, en animant cette sujet sans recourir aux facilités,
grâce à sa volonté. revue, “Conflits actuels”, à laquelle aux édulcorations ou aux lâchetés
il a insufflé ses rigoureuses exigen- de la langue de bois. C’est dans ce
A sa vocation de grand serviteur ces de qualité. même esprit que nous rappelons
de l’Etat, couronnée par la rosette ce qui fut l’une des préoccupa-
de la Légion d’honneur remise par Quand je repense à ce que fut tions majeures de la fin de sa vie.
Jacques Foccart, il a consacré plu- notre action commune, ce qui me
sieurs années de sa vie à plein frappe, c’est qu’elle a toujours été Jusqu’au bout, Yves Durand a tenu
temps, d’abord comme recteur, sans aspérité. Même avec certains une place éminente dans toutes
puis comme conseiller de Jacques de nos amis, dans des circonstan- nos activités. A son instigation et
Chirac, alors premier ministre, en ces délicates, nous nous deman- sous son autorité se réunissait un
1986-88. Dans ce dernier poste, il dons parfois comment ils vont groupe d’universitaires et autres
a fait preuve d’une clairvoyance, réagir. Avec Yves Durand, nous ne personnalités préoccupés par les
d’une fermeté, d’un courage et nous sommes jamais posés la aspects inquiétants de la situation
d’un sens de l’Etat exceptionnels, question et en effet, elle ne s’est actuelle. Il se réunit encore pour
vertus trop peu répandues et qui jamais posée après coup. Avec lui, poursuivre l’œuvre entreprise.
lui ont valu les attaques les plus les choses allaient de soi. Ni son Nous avions été intrigués quand,
basses et les plus acharnées. En analyse, ni son engagement, ni son l’an dernier, il nous avait dit qu’il
tant que recteur, il était une sorte action ne faisaient pour nous le serait peut-être amené à ne plus
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3. pouvoir le présider. Nous avons compris
ensuite ce que cachait cette discrétion. Ses BIOGRAPHIE D’YVES DURAND
derniers mois ont été à l’image de sa vie :
spirituellement, il se rattachait au grand Extrait de la notice du Who’s Who
courant du stoïcisme chrétien, l’une des
expressions les plus riches de la civilisa- DURAND Yves, René, Universitaire. Né le 14 avril 1932 à
tion française. Reims (Marne).
Mon cher Yves, je me tourne maintenant Diplômes : Agrégé d’histoire, Docteur ès lettres.
vers toi. Je te dis « tu » pour la première
fois. Pardonne-moi d’avoir prononcé bien Carrière : Professeur agrégé au lycée de Meaux (1958-59),
des paroles banales, mais tu sais bien que au Prytanée national militaire de la Flèche, Assistant (1962),
les sentiments les plus vrais se coulent Maître-assistant à la Sorbonne (1966-67), Chargé d’ensei-
trop facilement dans des moules convenus. gnement d’histoire moderne et contemporaine à la Faculté
Je vais ajouter une banalité en disant que, des lettres et sciences humaines de Nantes (1969) puis
sans te remplacer évidemment, nous conti- Maître de conférences, Professeur titulaire d’histoire à
nuerons à faire vivre ton exemple. l’Université de Nantes (1971), Vice-président de
l’Université de Nantes (1976), Directeur de l’unité d’ensei-
Ton indulgence me pardonnera sans doute gnement et de recherche (UER) des sciences historiques et
mes banalités, mais ta pudeur ne me per- du Centre de recherches sur l’histoire de la France
mettrait certainement pas des déborde- Atlantique (Nantes) (1973-77), Recteur de l’Académie de
ments sentimentaux. Nous n’avons jamais Rouen (1977-79), d’Aix-Marseille (1979-81), Professeur
parlé entre nous de sentiments (ce n’était d’histoire moderne à Paris IV-Sorbonne (1986), Professeur
pas ton style, ni d’ailleurs le nôtre). Nous émérite (1997), Conseiller pour l’Education et la Recherche
nous contentions de les éprouver. de Jacques Chirac, premier ministre (1986-88), Membre de
la Société d’histoire moderne, de la Société d’études du
Nous savons quel compagnon d’armes XVIIe siècle, de la Société d’études du XVIIIe siècle, de la
prestigieux et efficace nous avons perdu, Commission des Monumenta Europae Historica.
de quel serviteur, de quel chevalier servant
la France est désormais privée. Mais ce qui Œuvres : Cahiers de doléances des paroisses du bailliage
domine aujourd’hui, c’est le chagrin d’a- de Troyes pour les Etats Généraux de 1614 (1966), les
voir perdu un ami. Fermiers Généraux au XVIIIe siècle (1971, rééd. 1996), les
Républiques au temps des monarchies (1973), la Maison de
Je voudrais enfin corriger une expression Durfort à l’époque moderne (1975), Finance et mécénat, les
que j’ai employée précédemment. Lorsque Fermiers généraux au XVIIIe siècle (1976), Vivre au pays
j’ai dit : « Lui c’était nous, nous c’était lui au XVIIIe siècle (1984), Histoire du diocèse de Nantes
», j’ai commis une erreur de temps. Ce qui (1985), les Solidarités dans les sociétés humaines (1987), la
est vrai, c’est que toi c’est nous, nous c’est Société française au XVIIIe siècle (1992), Un couvent dans
toi, puisque, toi comme nous, nous som- la ville, les grandes carmes de Nantes (1997), collabore à
mes bien persuadés que nous ne disparais- Problèmes de stratification sociale (1965), Pionniers et
sons pas dans le néant. colons en Amérique du Nord (1974), la Bataille de
l’Encyclopédie (1973), Histoire de Nantes (1977), Histoire
Je te dis adieu, c’est-à-dire « à Dieu » et générale de l’Europe (1980), l’Ordre du monde. Idéal poli-
aussi (dernière banalité) au revoir, puisque, tique et valeurs sociales en France, du XVIe au XVIIIe siè-
en somme, tu ne fais que nous précéder cle (2001).
Décorations : Officier de la Légion d’honneur, Chevalier
de l’ordre national du Mérite, Officier des Palmes acadé-
miques.
Distinctions : Prix de l’Académie française (1972 et
1976).
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4. Election au conseil d’administration du CNOUS Le bureau national de l’UNI
reçu par François Fillon
L’UNI confirme Cette rencontre a permis de faire
un tour d’horizon de la situation
ses bons résultats
de l’enseignement supérieur. L’UNI
a ainsi rappelé au ministre les
principaux thèmes de préoccupa-
tions étudiantes au premier rang
desquels leur avenir professionnel.
Le dépouillement des élections des La Fage est la grande
représentants étudiants au Conseil perdante du scrutin L’UNI se réjouit, par ailleurs, d’a-
d’administration du CNOUS, qui
voir été entendu par le ministre
s’est déroulé jeudi 27 mai 2004,
La FAGE est la seule et la grande quant au rôle central que doit
confirme les bons résultats engran-
perdante de ce scrutin. Elle perd jouer l’égalité des chances au sein
gés par l’UNI à l’occasion des der-
un siège et plus de 28 % des voix. du projet universitaire français. Au
nières élections au CROUS.
Elle paie ainsi son suivisme mou- moment où ce principe est tout à
tonnier qui l’a conduit à n’être que la fois menacé par les tenants du
communautarisme et les apôtres
Liste Pourcentage de Pourcentage de Nombre de Nombre de de la discrimination positive, le
votants 2002 votants 2004 siège obtenus siège obtenus
ministre a réaffirmé son opposi-
en 2002 en 2004
tion à un modèle de société qui
UNI 17,93 % 18,13 % 1 1 trouverait son fondement dans
une politique discriminatoire
UNEF 40,20 % 47,8 % 4 5 aboutissant, sur le modèle améri-
cain, à des quotas.
FAGE 25,54 % 18,68 % 2 1
PDE 10,86 % 11,5 % 1 1
@
Ces résultats illustrent, une nou-
la pâle copie de la gauche étudian-
velle fois, la tendance à la bipolari- L’actualité universitaire
te. Il faut croire que certains élus
sation du monde étudiant. En sur internet :
auront préféré l’original à la copie.
effet, l’UNI conforte son siège et
progresse même légèrement en
pourcentage. Quant à l’UNEF, elle www.uni.asso.fr
retrouve le siège perdu en 2002,
tout en restant en deçà des résul-
tats qu’elle obtenait en 2000.
l’Action Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
universitaire
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