L'ÉVOLUTION DE L'ÉDUCATION AU BRÉSIL À TRAVERS L'HISTOIRE ET LES EXIGENCES DE...
Dct cgj-18 juillet2012
1. La famille Cohen-Tanoudji
Une histoire séfarade maghrébine
Denis Cohen-Tannoudji
Congrès de Généalogie Juive
Paris, 18 Juillet 2012
2. Objectif
Apporter un nouveau
regard sur l’Histoire des
Juifs d’Afrique du Nord à
travers un marqueur
patronymique
3. Le contexte
Une faible conscience sur l’Histoire des Juifs d’Afrique du Nord
– En particulier parmi les Juifs maghrébins, et plus singulièrement les
Cohen-Tanoudji
Un historiographie séfarade maghrébine relativement peu travaillée
– Peu d’historiens ont travaillé sur cette histoire, comparativement à celle
des Ashkénazes ou des Séfarades d’Occident
50 ans après l’exode des Juifs Séfarades du monde arabo-musulman
– Pourquoi les Juifs sont-ils partis ?
– La création de l’Etat d’Israël en est-elle la seule raison ?
– Le dernier Cohen-Tanoudji qui vivait au Maghreb est décédé en 2003
La difficulté à appréhender le « nouvel antisémitisme » apparu en France
depuis l’an 2000
– Est-ce seulement du à l’importation de la seconde « Intifada » en France ?
4. Une approche originale
Un nom de famille unique
Une continuité généalogique à travers
plusieurs siècles, utilisée comme marqueur
historique
A chaque génération, un ou plusieurs membres
de la famille a laissé des sources écrites
6. Méthodologie
La Bible est le canon du récit historique
Pourtant, après la destruction du Second Temple, les Sages qui ont
rédigé le Talmud n’ont pas considéré l’histoire postbiblique comme une
priorité
En effet, l’étude de la Torah, du Midrash, du Mishnah, de la Guemarah et
de la Kabbale, le développement des lois rabbiniques, ont alors été jugés
plus important
Avec la Haskala, la rencontre du Judaïsme et des Lumières, certains
savants juifs ont commencé à s’intéresser à l’Histoire du peuple juif
Pour construire cette Histoire, les historiens ont utilisé une nombreuse
littérature rabbinique qui n’avait pas été produite à cet effet
8. Cette histoire familiale n’a pas été transmise mais
indirectement découverte grâce à de nombreuses
sources écrites rabbiniques laissées par la famille
9. Un nouveau regard sur
l’Histoire des Juifs d’Afrique du Nord
• Les origines des Juifs d’Afrique du Nord et de la civilisation séfarade
• Les deux âges d’or espagnols
• L’Empire Ottoman, du refuge régénérateur à l’étouffement
• De la crainte hispanique à l’attirance française
• « Ni colonisés, ni colonisateurs »
• Emportés dans la Seconde Guerre Mondiale
• L’Exode des Juifs du monde arabo-musulman
10. Les origines des Juifs d’Afrique du Nord
et de la civilisation séfarade
Les Juifs sont présents en Afrique du Nord dès l’époque romaine
– L’archéologie, à Carthage notamment
– La littérature chrétienne ancienne (Tertullien, Saint Augustin)
La population berbère partiellement judaïsée, mais pas plus qu’ailleurs
Les premiers Juifs d’Afrique du Nord sont surtout des exilés de Judée qui
se berbérisent une fois installés en Afrique du Nord
– Cohen-Tanoudji (Le Pontife de Tanger), un patronyme provenant de Judée
avec une touche berbère
Selon certains historiens, la reine des Aurès, la Kahina, était sans doute
chrétienne
– Aucune source écrite rabbinique la concernant
11. Les origines des Juifs d’Afrique du Nord
et de la civilisation séfarade
Une nouvelle vague de peuplement juif
depuis le Levant avec l’ascension du
Califat arabe
Des rabbins babyloniens migrent vers
l’Ouest, entre Kairouan et Cordoue
Le Talmud Babli et la loi d’Al-dhimma
façonnent la civilisation séfarade
L’Afrique du Nord et l’Andalousie sont un
même monde
– Pour les Musulmans, c’est le Maghreb,
pour les Juifs, c’est Sefarad
– Tanger, une ville à la jonction des deux
Al-Fassi (1013-1103), né à Qalad Hammad,
étudie à Kairouan, Fès puis Lucène, est le
symbole de l’émancipation andalouse et
maghrébine par rapport à Babylone
12. Les deux âges d’or espagnols
1492, marquant la fin de l’âge d’or judéo-espagnol, est bien connu et ancré dans
les mémoires collectives
C’est pourtant bien plus compliqué… il y a eu deux âges d’or judéo-espagnols, un
premier sous les Omeyyades, un autre, plus tardif, sous les royaumes chrétiens
Les Beni Hilâl (1060) puis les Almohades (1147) forcent toutes les populations non
musulmanes de l’Afrique du nord et de l’Andalousie à se convertir à l’islam, fuir ou
mourir
Les chrétiens maghrébins disparaissent, les Juifs andalous se réfugient en Castille
et en Aragon, les Juifs maghrébins se convertissent facialement à l’islam ou
partent pour l’Egypte et la Sicile
– Une famille Cohen de Tanger s’enfuit du Maroc pour la Sicile où le patronyme est
repéré en 1354 à Palerme parmi une communauté juive maghrébine établie dans l’île
La civilisation séfarade se déplace de Kairouan et Cordoue, à Tolède et Le Caire
15. Les deux âges d’or espagnols
Après le pogrom de 1391, certains Juifs s’enfuient
d’Espagne pour l’Afrique du Nord, qui, entre temps,
a cessé d’être sous la coupe des Almohades,
permettant ainsi au judaïsme maghrébin de renaître
(les Duran et les Enkaoua)
En 1492, Isabelle la Catholique n’a pas expulsé les
Juifs de Grenade, il n’y en avait plus depuis 1147
– Les Juifs sont expulsés de Castille et d’Aragon
– Le Palais de l’Alhambra est le symbole d’un âge
d’or qui n’a jamais existé dans ce lieu là
Comme la Sicile était aragonaise, puis espagnole,
les Juifs sont expulsés de l’Île en 1493
– Les Cohen-Tanoudji « reviennent » en Afrique du
Nord, à Tunis en particulier
En 1535, Charles Quint envahi Tunis et la plupart
des lettrés rabbiniques se refugient en Egypte, au
Levant et dans les Balkans
– Yishmael ha-Cohen Tanoudji devient grand rabbin
d’Egypte vers 1540
16. L’Empire Ottoman,
du refuge régénérateur à l’étouffement
Un nouvel âge d’or pour les Juifs sous les règnes de Sulaiman et Selim II
– Un havre pour les Juifs réfugiés d’Espagne et du Portugal
– Un renouveau politique, intellectuel et religieux, en particulier en Galilée
• Les actions politiques de Gracia et Yosef Nassi, les prémices du Sionisme
• Yosef Caro unifiant les lois juives avec sa codification rabbinique
• Yitzhaq Luria Ashkenazi, inspirant un nouveau messianisme, le Tikkun Olam
Le rabbin Yishmael ha-Cohen Tanoudji participe à ce renouveau
– Son « Livre de la Mémoire », publié en 1555 à Ferrara (Italie), n’est en effet
pas un livre d’histoire mais un guide rabbinique
– Sollicité en 1570 par Yosef Nassi à propos du Herem contre son médecin
Toutefois, après la mort de Selim II, l’Empire Ottoman, enclenchant son
lent et long déclin, devient une période de difficultés pour les Juifs
– Al-Dhimma devient plus stricte pour les minorités non musulmanes
– L’immigration des Marranes cessent, au profit d’Amsterdam, de Livourne et
de Bordeaux
17. L’Empire Ottoman,
du refuge régénérateur à l’étouffement
Malgré les difficultés, Erets Yisrael reste un élément d’unité pour le
peuple juif, en particulier parmi les Séfarades d’Occident et d’Orient
– Shabbatai Zvi, le faux Messie en 1666
Les Émissaires des Yeshivot palestiniennes soutenues financièrement
par les riches communautés juives d’Amsterdam et de Livourne
– Ya’acov Vega à Livourne
– Ya’acov Pereira à Amsterdam
Les Cohen-Tanoudji comme acteurs de ce mouvement historique
– Shalom Cohen-Tanoudji, émissaire de Jérusalem, s’installe à Tunis in 1680
– Son frère ou son cousin, Shmuel Cohen-Tanoudji, émissaire de Jérusalem
en Afrique du nord, Rishon le-Tsion en 1700
– Son fils, Yehuda Cohen-Tanoudji, émissaire de Jérusalem, signe en 1708
un Herem à l’encontre de Nehemiah Hayoun, un disciple de Shabbatai Zvi
18. La Régence de Tunis au XVIIIème siècle,
un âge d’or juif méconnu
Un pouvoir politique stable et indépendant vis-à-vis de la Sublime Porte
Les lois d’Al-Dhimma pas trop sévèrement appliquées aux Juifs par
rapport à d’autres provinces ottomanes
Une immigration séfarade depuis Livourne qui devient significative à
partir de 1650
Tunis possède la plus grande population juive urbaine d’Afrique du Nord
Un centre de commerce essentiel entre l’Afrique du Nord et l’Europe
La littérature hébraïque d’Afrique du Nord la plus nombreuse, publiée très
généralement à Livourne
19. La famille Cohen-Tanoudji incarne
cet âge d’or juif en Tunisie
Caids des Bey de Tunis, tout au long du
XVIIIème siècle
– Le premier d’entre eux, l’émissaire Shalom Cohen
Tanoudji de Jérusalem
– Ministres des Finances, collectant les taxes de la
Djezia prévues dans le code d’Al-Dhimma
– Impliquées dans l’activité diplomatique
– Dirigeants de la communauté juive
Grands commerçants entre Tunis et Livourne et
entre Tunis et Constantine
Lettrés rabbiniques
Editeurs
– Soutien à l’édition de livres hébraïques à Livourne
– Le premier livre hébraïque publié à Tunis en 1768
20. De la crainte hispanique à l’attirance française
Les échecs des invasions espagnoles et portugaises au Maghreb étaient
célébrées par les Juifs comme des « petits » Pourim
L’émancipation séfarade et les Lumières françaises commence à se
diffuser parmi les élites juives maghrébines bien avant l’invasion
française de l’Algérie en 1830
– Les Juifs de Livourne et d’Amsterdam sont les premiers émancipés
d’Europe, bien avant la Révolution Française et la Haskala allemande
– Le commerce avec la France l’Italie française expose les Juifs de Tunis et
d’Alger aux idées des Lumières
– Joseph Coen Tanugi de Livourne, le premier membre de la famille à devenir
citoyen français en 1798, bien avant ses cousins établis depuis 1780 à
Constantine, conquise par la France en 1837
En parallèle, la situation des Juifs de l’Empire Ottoman se détériore
– Pogroms à Alger en 1805, à Tunis en 1857 et Tétouan en 1860
– L’Affaire de Damas en 1840
La colonisation française a au moins apporté un élément positif, c’est
d’avoir libéré les Juifs de la servitude induites par les lois d’Al-Dhimma
21. « Ni colonisés, ni colonisateurs »
Les Juifs nord-africains deviennent des sujets français dès 1830
en Algérie, en 1881 en Tunisie et en 1912 au Maroc
En 1870, les Juifs d’Algérie reçoivent collectivement la
citoyenneté française, sans l’avoir demandée
– Pourtant le Sénatus Consult de 1865 permettait déjà aux Juifs,
comme aux musulmans, de devenir citoyen français, mais
seulement quelques centaines l’ont acquise (sur plus de 30 000
Juifs)
Tradition, émancipation, auto-émancipation
– Scolarisation de masse avec l’Alliance Israélite Universelle et les
écoles françaises
– Pluralité politique: traditionaliste, socialiste, sioniste, nationaliste
– Renouveau de la littérature rabbinique, nouveaux champs
culturels et intellectuels
23. « Ni colonisés, ni colonisateurs »
Un fort antisémitisme provenant de la
société coloniale, en particulier en
Algérie entre 1895 et 1905
Un autre antisémitisme se maintient au
sein de certaines parties de la population
musulmane
– Les réminiscences d’Al-Dhimma, un
ressentiment social et politique
– Pogroms à Fès en 1912, à Tunis en
1917, à Constantine en 1934
La fin de l’Affaire Dreyfus, l’engagement
sans faille des Juifs d’Algérie durant la
Première Guerre Mondiale, un nouveau
dialogue avec les élites musulmanes,
réduisent l’antisémitisme
24. Emportés dans la Seconde Guerre Mondiale
L’Afrique du Nord sous le régime de Vichy dès Juillet 1940
– Exclusion sociale, économique et politique des Juifs
– Les Juifs d’Algérie perdent leur nationalité, avec l’abrogation du décret Crémieux
Regain de l’antisémitisme colonial et musulman
La Conférence de Wansee incluait les Juifs maghrébins dans le quota de Juifs
français à exterminer
– Des milliers de Juifs nés en Afrique du Nord, et vivant en France, sont exterminés
L’invasion Anglo-américaine en Algérie et au Maroc en Novembre 1942 sauve les
Juifs maghrébins du destin d’anéantissement
La Tunisie, comme la Libye, est sous occupation nazie jusqu’en mai 1943
– Des milliers de Juifs déportés dans des camps de travail, une douzaine à Auschwitz
Giraud dirige l’Afrique du Nord et maintient les Juifs dans un statut inférieur
– Seconde abrogation du décret Crémieux
– Les soldats juifs dans des camps de travail créés spécialement pour eux par Vichy
C’est seulement quand la Tunisie est finalement libérée, et quand De Gaulle prend
le dessus sur Giraud, que les Juifs maghrébins retrouvent tout leur droits
26. L’Exode des Juifs du monde arabo-musulman
Si la décolonisation et la renaissance de l’Etat d’Israël a affaibli la
condition du millions de Juifs vivant dans le monde arabo-musulman…
… bien d’autres raisons ont toutefois poussé les populations séfarades à
quitter ou fuir leur pays
– Contre les pogroms sporadiques, ils étaient assez protégés par le pouvoir
colonial, la France ou la Grande Bretagne
– Ils avaient en général davantage de droits politiques que les populations
colonisées, suscitant un ressentiment de la part de ces derniers
– Ils ne voulaient pas revenir dans le cadre d’Al-Dhimma, ou bien être
marginalisés par l’arabisation et l’islamisation de leur pays
– Une partie de la population séfarade, qu’elle soit traditionaliste ou sioniste
laïc, a été attirée par Israël
– Certains régimes arabes comme l’Egypte, l’Irak ou la Libye, ont
explicitement usé de politiques antisémites, forçant leurs Juifs à partir
– Les Juifs ont quitté l’Algérie avec le reste de la population française
Israël est devenu le refuge pour 600 000 Juifs du monde musulman
– La France est le sanctuaire pour 300 000, par exemple les Cohen-Tanoudji
28. Où sont-ils et qui sont-ils aujourd’hui ?
La plupart des populations séfarades réfugiées en Israël ont été
amputées de leurs élites parties en France, au Canada, en Argentine, en
Grande Bretagne ou aux Etats Unis
– Le plupart étaient des Juifs traditionalistes et arabophones
– Installation dans des camps (Ma’abarot) à la périphérie du pays
– Marginalisation sociale et culturelle par la société de pionniers ashkénazes
et laïcs du jeune Etat d’Israël
– Cela prendra des décennies pour réduire le retard social et économique
pour ce qui représente aujourd’hui la petite majorité juive de l’Etat d’Israël
Les Juifs séfarades qui ont émigré en France ont réussi leur intégration
sociale et économique
– La plupart étaient déjà francophones, un majorité de nationalité française
– Ils ont pu bénéficier entre 1945 et 1975 des Trente Glorieuses, même si une
partie rencontre toujours des difficultés sociales dans les Banlieues
– Ils participent à la créativité française dans les sciences et les arts
• Un emblème, le Prix Nobel attribué à Claude Cohen-Tannoudji en 1997
29. Pour conclure
S’il reste de nos jours quelques milliers de Juifs au Maroc, en Iran et en Turquie, quelques
centaines en Tunisie, la présence juive en terre d’islam est révolue
Le nationalisme arabe a réussi là où les Almohades avaient échoué, vider l’Afrique du Nord de
ses Juifs…
Les Juifs originaires d’Afrique du Nord ne sont pas des « Pieds noirs », leur identité culturel
et historique est bien plus complexe
Dans les Banlieues françaises, les jeunes auteurs d’actes antisémites ne sont pas seulement
des victimes sociales, ils rejouent des vieux mécanismes de haine antijuive préexistant au
Maghreb
Développer la connaissance historique est la façon appropriée pour déconstruire les mythes,
tout en évitant d’en reconstruire de nouveaux et lacrymaux
– Les âges d’or judéo-musulman ont certes existé
– Au Moyen Âge, la condition des Juifs a été comparativement meilleure dans le monde musulman
qu’en environnement chrétien (Mark Cohen, Entre le Croissant et la Croix, Princeton)
– Mais ils ont existé à des moments précis de l’Histoire, quand les lois d’Al-Dhimma étaient
permissives