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Lille : gaspillage alimentaire : le «
doggy bag » n’emballe pas les Lillois
PUBLIE LE 11/03/2014
JUSTINE COHENDET
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Répandu outre-Atlantique et en Asie, le « doggy bag » est l’une des
solutions retenues par le gouvernement pour lutter contre le
gaspillage. Pourtant, à Lille, comme dans le reste de l’Hexagone, la
pratique a du mal à s’imposer chez les restaurateurs, comme chez
les consommateurs.
Le gérant du restaurant À Taaable est fier d’avoir les plus petites poubelles de la rue de
Gand.
À l’image de la France, les restaurateurs lillois goûtent peu aux « boîtes à restes ». Si
aucun ne dit refuser lorsqu’un client demande à emporter la fin de son assiette, peu
nombreux sont ceux qui proposent spontanément le mal-aimé « doggy bag ». Sur huit
restaurateurs contactés, un seul affirme offrir cette possibilité aux consommateurs.
Présenté dans M Le Magazine du Monde comme l’un des établissements qui répondrait
positivement aux clients souhaitant repartir avec leurs restes, La Ducasse, rue de
Solférino, ne semble pas en faire une habitude. « C’est déjà chaud en cuisine, s’il faut en
plus emballer… explique un des cuisiniers, Michael Sonneville. Ça nous arrive, mais
c’est très rare, uniquement sur demande du client. »
2. Des portions plus importantes outre-Atlantique
Visiblement gênés par la question, de nombreux restaurateurs assurent que leurs
assiettes reviennent systématiquement vides, ou presque. « Nos clients finissent
généralement leur repas », explique Nathalie Ledieu, gérante de L’Opéra Corner, rue de
Roubaix. Même son de cloche du côté du Café Citoyen. « Il est très rare que nous ayons
des retours en cuisine, lance Olivier Verarra, le cuisinier. On dépanne si les gens veulent
emporter un bout de tarte, mais on ne va pas s’équiper pour. Le but d’un restaurateur est
de donner à manger, pas d’en donner trop », se justifie-t-il.
Si la « take away box » est courante Outre-Atlantique, difficile de comparer la France et
les États-Unis où les repas sont bien plus conséquents. « Là-bas, les clients sont
habitués à prendre une entrée, un plat, un dessert. Et si l’on ne mange pas tout, on
emporte », explique François Caudrelier, gérant du restaurant À Taaable, rue de Gand.
Plus petites en France, les portions ne permettent pas d’éviter le gaspillage alimentaire.
En moyenne, et selon les estimations du gouvernement, 230 grammes de denrées
seraient perdus par personne et par repas. « Il est impossible que les assiettes
reviennent systématiquement vides, assume François Caudrelier. Nous n’avons pas tous
le même appétit. S’il n’y a jamais de restes, c’est que les portions sont trop faibles. »
Pour Bernard Boutboul, directeur général du cabinet Gira Conseil, spécialisé dans la
consommation alimentaire hors domicile, la France a « un problème avec cette pratique.
C’est culturel : on ne repart d’un restaurant avec ses restes, il y a une certaine gêne à le
faire. »
Signifiant littéralement « sac à chien », le terme « doggy bag » renvoie à une notion
négative et les restaurateurs sont loin d’être les seuls à déprécier la pratique.
François Caudrelier dit proposer à ses clients d’emballer ce qui n’a pas été consommé,
mais se heurte souvent à des refus. « Les gens ont honte de repartir avec la fin de leur
assiette. C’est comme s’ils glanaient. Ils ne veulent pas donner l’impression qu’ils n’ont
pas de sous. »
Ségolène Couture, en deuxième année de médecine à Lille, vient confirmer ces propos.
«Lorsque j’étais aux États-Unis, dès que j’allais dans un bon restaurant on me proposait
undoggy bag. En France, il m’arrive de ne pas finir mon plat, mais je n’ose jamais
demander de l’emporter. »
Peu courante dans les restaurants chics et traditionnels, la pratique du « doggy bag »
s’est développée dans les établissements proposant de la nourriture à emporter, à
l’instar du restaurant Kim in the Box, rue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny. « Ça ne me
viendrait pas à l’esprit de réclamer une boîte dans une brasserie classique, raconte le
cuisinier de La Ducasse. En revanche, je demande souvent d’emballer la fin de ma
pizza. »
Objectif anti-gaspi
Signé à la mi-juin par tous les acteurs de l’alimentation, le Plan anti-gaspi du
gouvernement doit conduire à réduire de moitié le gaspillage d’ici à 2025. Aujourd’hui,
les Français jettent en moyenne 20 kg de nourriture par an.
3. Selon des estimations, les restaurants traditionnels et gastronomiques seraient les
mauvais élèves de la lutte contre le gaspillage alimentaire, loin derrière la restauration
rapide.
Afin d’enrayer ce phénomène, plusieurs solutions ont été retenues par le gouvernement.
Outre le « doggy bag », les restaurateurs sont invités à donner aux associations et à
adapter la taille de leurs portions aux besoins des convives.
« L’art d’accommoder les restes », c’est ce que préconisent, à l’instar de François
Caudrelier, certains restaurateurs. « Les fanes des radis peuvent être utilisées pour faire
une soupe. Je garde également la queue du persil pour la mettre dans des bouillons. Il
est nécessaire de former les cuisiniers à utiliser toutes les parties d’un produit. »