Charline MADENAZ - Latitudes hautes
Les Quarantièmes Rugissants, dans les latitudes hautes, ont la même violence que mon histoire. Aujourd’hui ma vie est apaisée. Ce titre est une catharsis.
C’est un pacte de vérité envers moi-même et mon lecteur. J’ai écrit mon moi. Et je l’assume. Charline M.
http://charline.madenaz.monsite-orange.fr
1. CHARLINE MADENAZ
Les Quarantièmes Rugissants, dans les latitudes hautes, ont la même violence
que mon histoire. Aujourd’hui ma vie est apaisée. Ce titre est une catharsis.
C’est un pacte de vérité envers moi-même et mon lecteur.
J’ai écrit mon moi.
Et je l’assume.
Charline M.
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2. J'ai poursuivi jusqu'à la rue Crébillon pour découvrir le passage Pommeraye si cher au cinéaste et à
André Pieyre de Mandiargues l'écrivain érotomane. Tous, à la différence de Gracq qui n'y voyait
qu'une rue piétonne couverte, le tiennent pour un haut lieu du rêve et du fantasme. J'étais
impatiente de mettre mes pas dans les leurs. Depuis la place Royale, en remontant l'artère la plus
fréquentée de cette ville, j'ai revu la foule des métallos en grève dans " Une chambre en ville ". Et
j'ai découvert le coeur caché de Nantes. Celui qui va du réel à l'imaginaire.
Les verrières diffusaient une lumière terne plongeant la galerie dans une pénombre qu'éclairaient
les torchères tenues par des angelots nus. Je me suis mêlée au flot des passants qui, curieusement,
semblaient ralentir leur pas. L'atmosphère si particulière des passages parisiens avec leurs
commerces démodés, ici, se chargeait de mystère. Au-dessus des boutiques, des fenêtres closes
rythmaient les travées décorées en abondance par des stucs vieillots. Que pouvaient-elles
dissimuler ? Je suis parvenue au centre du passage où trois galeries en étages se superposent. Aux
quatre coins de chacune d'elles une porte étroite donnait sur un escalier en colimaçon resserré,
plongé dans la pénombre. J'ai immédiatement revu Dominique Sanda. Laquelle avait-elle
empruntée pour rejoindre une chambre secrète et y faire l'amour avec son amant ? Mes années de
passion avec Tim ont aussitôt ressurgi. N'étions-nous pas comme eux ?
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Nantes
3. Tout dans ce lieu invite à l'éclosion des fantasmes, à l'érotisme, à la promesse d'étreintes torrides
loin des regards. Je revis l'actrice nue sous son manteau de fourrure et je me vis, moi aussi, à La
Chamade, en Chantal Thomass, posant pour le plaisir de Tim qui me photographiait avant que nous
fassions l'amour nous aussi. Combien de bourgeoises, de femmes honnêtes et insoupçonnables, en
fréquentant ce passage séculaire ont éprouvé l'émoi qui, reminiscence de mes belles années
enfuies, me saisissait encore à la fin de ma cinquantaine ? J'ai éprouvé une crainte. Les travaux de
rénovation qu'on allait semble-t-il entreprendre n'allaient-ils pas transformer ce haut lieu du désir
secret en galerie marchande anonyme et sans âme ?
Le passage Pommeraye ne devrait être, par décision municipale jamais prise par le prude Jean-Marc
Ayrault, réservé qu'aux boutiques de lingerie spécialisées dans les dessous chics, aux fourreurs s'il
en existe encore, aux librairies poussiéreuses recélant dans des recoins cachés le meilleur de la
littérature amoureuse et libertine. Aux antiquaires, aux marchands d'estampes licencieuses, aux
fleuristes, aux parfumeurs, aux orfèvres et aux bijoutiers. On y trouverait aussi des relieurs, des
maroquiniers, un philatéliste-numismate, des boutiques proposant colifichets et brimborions, des
diseuses de bonne aventure, des marchands d'illusions. Il flotterait dans cet espace clos un parfum
mêlé de musc et de cuir, de néroli et de santal, propre à enivrer les femmes les plus dignes.
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Nantes
4. Rêveuse, j'ai regagné la rue d'Orléans toute proche. Je rentrais le lendemain à Paris. J'ai emprunté
un très court passage couvert lui aussi donnant sur une place dominée par une belle église
fraîchement ravalée elle aussi, Saint Nicolas. J'avais remarqué la papeterie Radigois, une enseigne
d'un autre âge où je pouvais trouver tout ce qu'il me fallait pour offrir à mon amie Suzanne - en plus
des chocolats fins de Georges Gautier, le plus beau magasin de Nantes qu'il faudrait classer s'il ne
l'est déjà, juste à côté de chez Coiffard, un bonheur de librairie où j'ai acheté Blitz et autres
histoires, un livre écrit par Esther Kreitman, la soeur de Bashevis Singer - un souvenir de mon court
séjour chez elle. J'ai acheté une ramette de papier Canson ainsi qu'une grande feuille de carton
gaufré ivoire. J'ai consacré ma soirée à confectionner une couverture contenant un sonnet qui, au
long de mes déambulations du côté de la Loire, m'était venu spontanément à l'esprit. Je l'ai baptisé
L'Ile de Nantes.
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Nantes
5. Quand ton pas malgré toi sur les quais te ramène
Où tu allais enfant t'enivrer des rumeurs
S'élevant du vieux port chargé d'âpres odeurs
Emanant des cargos, accablante est ta peine.
L'île de Nantes est morte, entends-tu la sirène
Qui autrefois hurlait en t' indiquant les heures ?
Sur la Prairie au Duc aujourd'hui les torpeurs
En ont chassé la vie, la suite est incertaine.
On dit qu'ici naîtra un nouvel art de vivre,
Que sans doute l'écran remplacera le livre ;
Où s'élançaient les nefs s'agitent des pantins
Géants embarrassés quand leurs bras se soulèvent
Feront-ils oublier les bateaux, les marins
Qui descendaient le fleuve en emportant tes rêves ?
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Nantes