1. ISLAM ET LE DÉVELOPPEMENT
1. Dimension spirituelle et universelle
Parmi nous qui jeûnons durant le mois du Ramadan, y a-t-il un seul être qui puisse
affirmer avec certitude que Dieu acceptera son jeûne ? Le Prophète (saw) disait
que certains n’en auraient rien en retour que de la faim et de la fatigue. De même
pour la prière de certains qui ne seraient que des « voleurs » dans leurs rituels, ne
faisant pas attention à leurs inclinations et leurs prosternations. L’on trouve aussi
ceux qui annulent leur charité par un rappel, ou un tort, envers ceux qui la
reçoivent.
Au-delà de la dimension matérielle, les premiers musulmans avaient une
conscience intime du sens de leurs actes. Ils furent profondément troublés par la
révélation suivante :
« … Que vous manifestiez ce qui est en vous ou que vous la cachiez, Dieu vous
en demandera compte… » (Le Coran 2 : 284)
Les premiers musulmans avaient peur des choses qu’ils savaient en eux et qui les
dépassaient ; de leur imperfection, et des idées ou des sentiments indésirables qui
leur parvenaient à leur insu. Ils craignaient affreusement de devoir rendre des
comptes pour leur oubli, leur ignorance ou leur impuissance. Et pourtant, ils
étaient loin de ceux dont la charité, les prières ou les jeûnes souffraient dans la
forme !
Dieu leur répondit en affirmant qu’Il « n’impose à aucune âme une charge
supérieure à sa capacité » (Le Coran 2 : 285). A chaque être de chercher à
atteindre la proximité de l’Unique en faisant de son mieux, matériellement ici-bas,
en toute humilité et en purifiant son âme. Le développement en islam se définit
comme suit : une purification, une croissance, une quête de perfection tant sur le
1
2. plan physique que des valeurs, des principes et des fondements de la foi. Il s’agit
bien d’un épanouissement tout aussi matériel qu’éthique, moral et spirituel. Et le
seul développement durable devient celui qui repose sur ce qui est intemporel, au-
delà des limites mondaines.
Nous comprenons, un peu mieux ainsi, pourquoi la révélation qui fit tant peur aux
compagnons du Prophète (saw) commençait, sans aucun hasard, par un rappel
fondamental : « Tout ce qui est dans les cieux et sur la terre appartient à Dieu »
(Le Coran 2 : 284). Certes, ils n’avaient aucun doute en la souveraineté absolue
du Créateur. Toutefois, ils découvraient là la responsabilité formidable qui leur
incombait. Elle ne pourrait prendre un sens que dans l’engagement à gérer « les
cieux et la terre », en toute humilité devant Dieu à qui « appartient » la création.
La création entière est un dépôt, un « amana », entre nos mains. Sa vice-gérance,
ou « khilafah », incombe universellement à tous les êtres humains. Ils ont la
responsabilité de gérer de la meilleure façon qui soit « tout ce qui est dans les
cieux et sur la terre », tâche intrinsèquement liée à la purification de leur âme. Ils
auront à répondre de leurs actes devant Dieu. N’ont-ils agi que de manière
égoïste ? Ont-ils respecté l’équilibre de la création ? Ont-ils été justes, équitables,
raisonnables et dignes ? Ont-ils cherché à atteindre l’excellence dans l’acte de
bien ? Ou alors, ont-ils fait preuve de transgression ? Et surtout, qu’ont-ils fait
lorsqu’ils ont pris conscience qu’ils étaient dans la mauvaise voie ? Ont-ils
reconnu leur égarement, tout en œuvrant sincèrement en vue d’effacer leurs
fautes ?
« A réussi, certes, celui qui la purifie. Et est perdu, certes, celui qui la corrompt. »
(Le Coran 91 : 9-10)
Individuellement, la réussite, donc le progrès, est mesurée par la purification de
l’âme. Et l’échec, par sa corruption. Si les piliers de la foi apportent la purification
de l’être, une société ne connaît le succès que s’il existe, pour tous, la protection
2
3. de la foi, de la vie, de la raison, des liens de sang et des biens de chacun. A ces
objectifs, s’ajoutent, entre autres, aussi la réalisation d’une justice sociale, le
respect de la dignité humaine et la sauvegarde de l’équilibre de la nature. En
somme, ce sont là les objectifs de la Shari’a, trop souvent réduite à un code pénal
qui fait l’objet d’une mauvaise interprétation par certains et décrié par d’autres
sans une bonne compréhension.
Concluons par cette belle métaphore qui évoque à la fois le développement
mondain et l’élévation spirituelle, un rappel profond à méditer sur notre lien avec
Dieu.
« Et ceux qui dépensent leurs biens cherchant l'agrément de Dieu, et bien rassurés
(de Sa récompense), ils ressemblent à un jardin sur une colline.
Qu'une averse l'atteigne, il double ses fruits ; à défaut d'une averse qui l'atteint,
c'est la rosée (qui suffit). Et Dieu voit parfaitement ce que vous faites.
L'un de vous aimerait-il voir un jardin de dattiers et de vignes sous lequel coulent
les ruisseaux, et qui lui donne toutes espèces de fruits, que la vieillesse le rattrape,
tandis que ses enfants sont encore petits, et qu'un tourbillon contenant du feu
s'abatte sur son jardin et le brûle ?
Ainsi Dieu vous explique les signes afin que vous méditiez ! » (Le Coran 2 : 265-
266)
On ne peut évoquer la dimension familiale et sociale dans l’islam sans nous
référer, d’abord, à l’individu. Ce dernier est responsable de sa propre personne, de
son corps, de son esprit, de son cœur comme de son temps et de ses biens. Il devra
répondre à propos de ce qu’il fait de son être et de ses avoirs, une charge
(amanah) devant Dieu. Ainsi, la conception de l’être humain dans l’islam nous
mène à considérer, par exemple, nos mains, nos yeux, notre intelligence, nos
3
4. désirs, nos revenus ou nos caractères comme des signes de la création dont la
gestion nous incombe. Notre vie et notre mort sont des épreuves.
Notre être existe en tant qu’âme avant même notre naissance. Nous venons en ce
monde, chacun issu d’une femme et d’un homme. L’ordre islamique ne permet
cette union que dans le cadre du mariage. La question du mariage homosexuel ne
se pose pas dans l’islam. La famille, à partir d’un contrat social entre les deux
époux, est l’élément fondateur de la société. Elle procure à l’enfant le cadre de
son épanouissement, de son développement, qui tient compte de la dimension
spirituelle et de tout ce qui touche à son bien-être matériel.
2. Famille
L’enfant est le fruit de deux êtres, chacun responsable devant Dieu. La Révélation
ne cesse de nous rappeler qu’Il a placé entre eux « de l’affection et de la bonté »
(Le Coran 30 : 21), ou encore, « elles sont un vêtement pour vous et vous êtes un
vêtement pour elles » (Le Coran 2 : 187). Ce verset fut révélé dans le contexte du
mois du Ramadan, soulignant que la cohabitation entre époux est permise après le
jeûne. Même si la relation entre le mari et la femme ne se résume pas à la
sexualité, moins encore à la procréation, il y a là un autre aspect fondamental à
l’épanouissement familial. A défaut d’un développement sain de cet élément, des
problèmes peuvent émerger tant au plan de l’équilibre de la personnalité du mari
ou de la femme que de la société elle-même. Souvent le développement de
l’enfant en souffre.
Rien ne résume autant la valeur de la relation intime au sein du couple dans
l’islam comme l’histoire de cet homme qui se présente au Prophète (saw), troublé
pour avoir cohabité avec sa femme, rompant ainsi le jeûne obligatoire. L’acte est
grave, et il en est pleinement conscient. Il se dit « ruiné » ! Et au Prophète (saw)
de lui demander de libérer un esclave, de jeûner deux mois consécutifs ou de
nourrir soixante pauvres. À chaque fois, l’homme lui répond, sans ambages, qu’il
4
5. en est incapable. Alors, il lui demande de s’asseoir. Lorsqu’arrive quelqu’un avec
un panier de dattes destiné au Prophète (saw), celui-ci le remet à l’homme
« ruiné » afin qu’il en fasse la distribution aux pauvres.
« Dois-je les donner à plus pauvre que moi ? », dit-il.
« Oui », répond le Prophète (saw). « Alors je jure qu’il n’y a personne plus
méritant que ma famille et moi-même dans cette ville », dit-il.
« Vas le donner à ta famille », conclut le Prophète (saw), souriant alors que part
l’homme « ruiné » avec le panier de dattes.
L’homme avait commis un péché, mais s’il avait agi hors du cadre du mariage
cela aurait été infiniment plus grave. Il était dans la misère, mais sa famille était
sa richesse. Le jeûne lui imposait de se contrôler, d’apprendre à gérer sa
« richesse » ensemble avec sa femme. Il voulait repentir sincèrement, mais était
aussi conscient qu’il avait des limites. Il se remettait complètement à Dieu et
savait qu’il pouvait se confier au Prophète (saw). « Ruiné » au début, cet homme
repartait avec de la nourriture pour sa famille ; il obtint le pardon grâce à la
miséricorde divine.
3. Société
Cette histoire nous permet de voir comment s’intègrent parfaitement les
dimensions spirituelle, familiale et sociale du développement dans l’islam. Il est
de même évident qu’il n’y a pas de conflit entre les droits de l’individu et ceux de
la société, l’homme « ruiné » devenant aussi le bénéficiaire social de l’acte
compensatoire. Ce n’est pas un hasard que le développement social, à la lumière
de cette anecdote, commence par le commandement de libérer ceux qui sont des
esclaves. Mieux que le fait d’imposer une mesure inefficace dans le contexte de
l’époque, l’islam propose et applique une méthodologie et une pédagogie dont
5
6. l’objectif consiste à mettre fin à toutes les dominations des hommes par les
hommes.
Selon l’enseignement islamique une grande considération envers les parents est de
mise. Le Prophète (saw) disait que même si un fils libère son père de l’esclavage,
il n’aurait pas rendu à ce dernier tout ce qu’il lui doit. Nous avons connaissance
de la narration prophétique qui situe le Paradis aux pieds de la mère. Nos proches
ont des droits sur nous. Le Prophète (saw) pensait même que la Révélation allait
descendre afin d’inclure ceux qui vivent près de nous, nos voisins, parmi nos
héritiers. « Nul n’est vraiment croyant s’il dort à son aise alors que ses voisins ont
faim », et « Le croyant est celui dont le voisin n’a rien à craindre de sa langue ou
ses mains », disait le Prophète (saw). Ici, il convient de rappeler que les
« voisins » ne se limitent pas aux musulmans.
L’éducation constitue un des piliers du développement social dans l’islam tant
pour les femmes que les hommes. En parlant d’esclaves, par exemple, certains
achetaient leur liberté en retour de l’éducation qu’ils donnaient aux autres.
Revenons au mois du Ramadan pour rappeler que les compagnons du Prophète
(saw) inculquaient à leurs enfants le sens des rituels dès leur plus jeune âge même
si ces derniers n’étaient soumis à aucune obligation de jeûne ou de prière. Il
s’agissait bien d’une vraie éducation couvrant toutes les dimensions d’un
développement holistique, et non d’un bourrage de crâne comme tel est le cas de
nos jours. Ali, le cousin du Prophète (saw), disait qu’il faut préparer nos enfants à
une époque qui ne nous appartient pas.
Nous aborderons plus tard, séparément, les aspects économique, politique,
culturel et environnemental du développement. Suffit-il de rappeler que, comme
pour la dimension spirituelle, le volet social est incontournable lorsque nous
évoquons tous ces aspects ? Plus qu’un idéal théorique, la musulmane et le
musulman ont aussi un devoir d’engagement, individuellement et collectivement,
chacun selon ses capacités. Le sens universel de l’islam implique aussi que le
6
7. développement ne doit pas être qu’une initiative des musulmans pour les
musulmans. Ni encore dans l’intérêt d’une ethnie, d’une race ou d’une classe
sociale au détriment d’une autre.
La justice est aussi un commandement de Dieu, sans distinction aucune entre
femmes ou hommes, noirs ou blancs, riches ou pauvres, musulmans ou non-
musulmans. Ceux qui ont la foi doivent ordonner le bien et interdire le mal, agir et
se rappeler mutuellement à la vérité et à la persévérance face aux épreuves de la
vie et de la mort.
A l’heure des troubles sociaux dans le monde « développé », il faut revoir notre
modèle de développement afin de ne pas négliger la dimension sociale. Les
drames familiaux qui ne se comptent plus doivent nous contraindre à repenser
aussi le fondement spirituel, moral et éthique de notre société. Le cinéma
politique local comme la menace d’une autre crise économique sont d’autres
raisons qui doivent nous motiver à concevoir le développement autrement, pour
l’individu comme pour la société. Et ce vers l’émergence d’une culture de la
dignité, un autre environnement plus propre dans tous les sens. C’est un défi
universel aux femmes et aux hommes de bonne volonté.
A qui appartient toute chose? A qui est le pouvoir ? L’islam nous ramène à Dieu.
Apparemment, il y a là une vision du monde à l’opposé des systèmes économique
et politique actuels. Dans la réalité, la souveraineté absolue de Dieu se situe au-
delà de ce que les hommes inventent afin de gérer leurs affaires. La dimension
spirituelle dans l’islam nous interpelle sur la finalité de notre conception du
développement. Certes, elle exige de nous une méthodologie cohérente, une
éthique digne, une morale nourrie par notre foi monothéiste pure. Mais notre lien
avec l’Unique ne s’oppose nullement à notre liberté d’agir avec discernement, de
manière rationnelle et responsable, y compris en présence de ceux qui peuvent
être différents de nous. Notre rapport transcendantal avec l’Unique libère notre
créativité et place aussi tous les êtres humains sur le pied d’égalité, chacun
7
8. responsable de ses actes. Le développement devient un engagement de partager,
d’innover et de construire, ensemble, afin de répondre à ce besoin intime de se
purifier et de se rapprocher de l’Absolu.
Le troisième pilier de l’islam, la zakat, est plus qu’une aumône obligatoire sur les
biens des riches à l’intention des pauvres. Il s’agit bien d’un instrument
de tazkiyah, notre définition même du développement. Les deux mots ont la
même racine, signifiant une purification, une croissance dans la valeur. C’est le
contraire de l’usure ou l’intérêt sur l’emprunt, que l’islam interdit et compare à un
acte d’insanité ; on ne peut devenir plus riche tout simplement parce qu’on est
riche, au détriment de ceux qui sont dans le besoin. L’islam est aux antipodes de
certaines pratiques financières néolibérales où des privilégiés font des bonus
faramineux à partir de biens toxiques, de leur position d’influence, de rien du tout
sinon des risques et des efforts qu’entreprend autrui. L’islam condamne de même
la spéculation et tous les jeux de hasard. Les commerces comme la prostitution ou
l’alcool ne sont pas autorisés car ils s’opposent à l’éthique dans l’islam. Vivre au-
dessus de nos moyens, le luxe, la surconsommation et le gaspillage sont aussi
interdits. La circulation des biens est nécessaire, mais elle doit se faire dans le
cadre de transactions justes, sans dérive consumériste ou productiviste. La
modération, la solidarité et l’équilibre doivent primer sur notre gourmandise dans
l’utilisation des ressources de la planète.
La générosité est une valeur qui prend toute son importance au plan des affaires
économiques. Envers celui qui est vulnérable, nous devons faire preuve de
flexibilité et de compassion. Investir dans la faune et la flore est un acte
hautement méritoire. Autre exemple, il peut nous incomber d’effacer les dettes de
personnes en situation précaire, en toute transparence, au lieu de les mettre
davantage en difficulté. Par ailleurs, l’islam nous exhorte à éviter l’endettement,
la dépendance sur autrui, et évidemment, l’assistanat et la mendicité. Selon la
Révélation, les vrais nécessiteux sont ceux qui ne demandent rien aux hommes, en
8
9. dépit de leur malheur. Ils font des efforts humblement, patiemment et dignement
dans la persévérance.
Les monopoles et cartels qui font obstacle à la compétition saine et
l’entrepreneuriat libre sont aussi contraires à l’éthique islamique. Le droit et la
jurisprudence islamique reconnaissent que les ressources essentielles, dont l’eau,
font partie du bien commun. La propriété privée est un droit, mais des régions
entières sont des réserves où la faune et la flore sont protégées. Outre la zakat,
d’autres mécanismes financiers sont élaborés afin de garantir les droits
socioéconomiques de chaque individu, les femmes comme les hommes ; en
particulier, le waqf ou fondation d’utilité publique instituée à partir d’un bien
donné en usufruit, permettra la mise sur pied d’universités et d’hôpitaux gratuits,
par exemple, qui rivalise même avec l’Etat-providence financé de fonds publics.
L’économie n’est pas une finalité en soi, mais un instrument. Les principes
susmentionnés doivent être appliqués avec intelligence dans le respect des
contextes respectifs. Le vice-gérant qu’est l’être humain doit élaborer des
solutions novatrices afin que le développement ne soit pas un vain mot, à
commencer par son fondement spirituel et universel. C’est là qu’intervient la
dimension politique de l’islam. Les politiques, aujourd’hui, sont souvent au
service d’une économie qui s’est complexifiée et globalisée. Ils devraient être les
maîtres de cet instrument, assurer son orientation morale et rationaliser son
fonctionnement éthique. Ils sont devenus les pions de ceux qui jouissent des
déséquilibres du système dominant.
Comme c’est d’actualité, prenons en compte la situation locale pour illustrer ce
qui fait défaut à notre système politico-économique. Au premier chef,
demandons-nous ce que nous proposent comme vision de développement celles et
ceux qui aspirent à nous gouverner ? Nous verrons peut-être un vide, sinon une
volonté à assurer le « business as usual » et à défendre des « vested interests ».
De quoi discutent nos politiciens ces jours-ci si ce n’est comment ils vont
9
10. accaparer le pouvoir ? Pourquoi ne négocient-ils pas un modèle pour les
générations à venir, tout en faisant abstraction de leurs ambitions personnelles ?
4. Politique
Le Prophète (saw) enseignait qu’il ne fallait pas octroyer le pouvoir à celui qui en
avait soif. La volonté de servir, et non de se servir ainsi que ses proches, est
importante mais rien ne remplace l’intégrité et la compétence. « Celui qui place
dans une position quelqu’un qui ne le mérite pas a trahi Dieu, Son Prophète et la
communauté », soulignait aussi le dernier Envoyé (saw). L’islam mit fin au
tribalisme, au népotisme et au clientélisme des temps de l’Ignorance. Bilal,
esclave affranchi abyssinien deviendra le premier muezzin ; Zayd, autre
affranchi, commandera une armée; ou encore Ibn Um Mactoum, pauvre et
aveugle, gouvernera Médine en l’absence du Prophète (saw). La méritocratie est
une exigence de l’éthique politique islamique. Le corrupteur et le corrompu
devront répondre devant Dieu, que ce soit dans le cas du financement des partis
politiques (on s’attend à ce que l’on renvoie l’ascenseur) ou de l’achat de voix aux
urnes contre un avantage.
A l’heure des élections, nous ne choisissons pas un imam pour diriger la prière, la
plus belle femme ou un cousin que nous aimons, mais un digne représentant de
notre circonscription au-delà de son appartenance religieuse, la couleur de sa peau
ou sa relation familiale. Le « communalisme » est anti-islamique. Une élection est
un pacte entre l’élu et ses mandants, jamais un marchandage en faveur d’une
communauté ou d’un groupe spécifique défiant toute justice. Contrairement à ce
que veulent nous faire croire certains, les citoyens ne votent pas à priori pour une
alliance ou pour un parti. Un candidat ne peut être un pantin, pire une girouette
dont la fidélité a un prix. Autant faut-il décentraliser le pouvoir dans notre
système politique en déléguant l’autorité de manière plus large vers le bas, autant
faut-il aussi responsabiliser davantage ceux en haut de la hiérarchie.
10
11. En tant que deuxième calife de l’islam, Omar avait évoqué sa peur d’avoir à
répondre devant Dieu si une monture trébuche, loin en Iraq, parce qu’il n’y aurait
pas développé une voie appropriée. Au fait, il mettra un terme à l’expansion du
monde musulman lorsqu’il ressentira qu’un territoire trop vaste rend sa proximité
avec son peuple impossible. Il prendra soin à ne pas s’enrichir, n’utilisant même
pas une seule goutte d’huile des fonds publics pour s’éclairer le soir lorsqu’il fait
des travaux personnels. Il refusera de mettre ses proches dans des postes officiels,
excluant catégoriquement que ce soit son fils qui lui succède. Il rappellera à
l’ordre sévèrement le gouverneur d’Egypte lorsque le fils de ce dernier abusera de
la position de son père. Il mettra à l’épreuve l’ego du grand commandant Khalid
bine Walid lui demandant de servir comme simple soldat.
Omar marchait incognito le soir dans les rues de Médine cherchant à s’assurer que
tous dormaient en paix, que personne n’était affamé. Une femme le contredit
concernant le droit des épouses lors d’un sermon qu’il livrait à la Mosquée et il
reconnut immédiatement son erreur. Il entra à Jérusalem sans aucune effusion de
sang, rendit aux juifs de ses propres mains leur lieu le plus sacré et inaugura une
époque de vivre-ensemble harmonieux dans la vieille ville. Afin de choisir son
successeur, il privilégia la consultation, la concertation et le consensus. Pour
toutes ces raisons, Omar demeure une référence en matière d’éthique politique.
Le Prophète (saw) enseignait qu’il ne fallait pas octroyer le pouvoir à celui qui en
avait soif. La volonté de servir, et non de se servir ainsi que ses proches, est
importante mais rien ne remplace l’intégrité et la compétence. « Celui qui place
dans une position quelqu’un qui ne le mérite pas a trahi Dieu, Son Prophète et la
communauté », soulignait aussi le dernier Envoyé (saw). L’islam mit fin au
tribalisme, au népotisme et au clientélisme des temps de l’Ignorance. Bilal,
esclave affranchi abyssinien deviendra le premier muezzin ; Zayd, autre
affranchi, commandera une armée; ou encore Ibn Um Mactoum, pauvre et
aveugle, gouvernera Médine en l’absence du Prophète (saw). La méritocratie est
11
12. une exigence de l’éthique politique islamique. Le corrupteur et le corrompu
devront répondre devant Dieu, que ce soit dans le cas du financement des partis
politiques (on s’attend à ce que l’on renvoie l’ascenseur) ou de l’achat de voix aux
urnes contre un avantage.
A l’heure des élections, nous ne choisissons pas un imam pour diriger la prière, la
plus belle femme ou un cousin que nous aimons, mais un digne représentant de
notre circonscription au-delà de son appartenance religieuse, la couleur de sa peau
ou sa relation familiale. Le « communalisme » est anti-islamique. Une élection est
un pacte entre l’élu et ses mandants, jamais un marchandage en faveur d’une
communauté ou d’un groupe spécifique défiant toute justice. Contrairement à ce
que veulent nous faire croire certains, les citoyens ne votent pas à priori pour une
alliance ou pour un parti. Un candidat ne peut être un pantin, pire une girouette
dont la fidélité a un prix. Autant faut-il décentraliser le pouvoir dans notre
système politique en déléguant l’autorité de manière plus large vers le bas, autant
faut-il aussi responsabiliser davantage ceux en haut de la hiérarchie.
En tant que deuxième calife de l’islam, Omar avait évoqué sa peur d’avoir à
répondre devant Dieu si une monture trébuche, loin en Iraq, parce qu’il n’y aurait
pas développé une voie appropriée. Au fait, il mettra un terme à l’expansion du
monde musulman lorsqu’il ressentira qu’un territoire trop vaste rend sa proximité
avec son peuple impossible. Il prendra soin à ne pas s’enrichir, n’utilisant même
pas une seule goutte d’huile des fonds publics pour s’éclairer le soir lorsqu’il fait
des travaux personnels. Il refusera de mettre ses proches dans des postes officiels,
excluant catégoriquement que ce soit son fils qui lui succède. Il rappellera à
l’ordre sévèrement le gouverneur d’Egypte lorsque le fils de ce dernier abusera de
la position de son père. Il mettra à l’épreuve l’ego du grand commandant Khalid
bine Walid lui demandant de servir comme simple soldat.
Omar marchait incognito le soir dans les rues de Médine cherchant à s’assurer que
tous dormaient en paix, que personne n’était affamé. Une femme le contredit
12
13. concernant le droit des épouses lors d’un sermon qu’il livrait à la Mosquée et il
reconnut immédiatement son erreur. Il entra à Jérusalem sans aucune effusion de
sang, rendit aux juifs de ses propres mains leur lieu le plus sacré et inaugura une
époque de vivre-ensemble harmonieux dans la vieille ville. Afin de choisir son
successeur, il privilégia la consultation, la concertation et le consensus. Pour
toutes ces raisons, Omar demeure une référence en matière d’éthique politique
Environnement
Avant la venue de l’islam en Egypte, il pouvait être coutume de sacrifier un
enfant comme rituel afin de faire monter le niveau du Nil. Evidemment, Omar
mit fin à cela, mais de quelle manière ? Il fit lâcher dans le fleuve une lettre qui
lisait :
« De Omar au Nil. Si tu montes par ta propre volonté, alors je te demande de ne
pas le faire. Si tu montes par la volonté de Dieu, je L’implore à te faire
monter ».
Cette histoire reflète parfaitement la relation entre l’homme et la nature en islam.
Le premier n’est pas le maître et propriétaire de cette dernière. Aucune
domination n’est permise car l’homme aura des comptes à rendre par rapport à
l’utilisation de toute ressource. Il ne peut prendre que ce dont il a besoin,
nécessitant au préalable une permission de Dieu car la nature est sacrée, soumise à
l’adoration d’un Créateur commun. C’est cela le sens de ce qui est ‘halal’. Il lui
est interdit ‘’d’altérer la création ’’ dont il fait partie et dont il dépend. Il n’y a
que Dieu qui ne dépend de rien. L’homme n’a le monopole ni sur l’eau, l’air, la
faune ou la flore au détriment d’autres créatures que le Coran décrivent, aussi,
comme des communautés. La vice-gérance est une responsabilité et une épreuve,
jamais un marque de pouvoir. Les références dans le Coran et la tradition
prophétique abondent aux signes de la création, ou ayah. Ce même terme est
employé pour désigner les versets purs et sacrés de la Révélation.
13
14. Le consumérisme moderne, pilier de l’économie néolibérale, qui nous pousse à
dilapider notre planète est anti-islamique. Comme est aussi cette culture fondée
sur le dictat du court terme, de l’instantané, et du va-vite . De l’assouvissement
des moindres désirs à la mobilité en passant par l’information ou la profitabilité,
tout se conjugue à la vitesse V. Notre vie devient un séquence d’habitudes qui
s’exécute mécaniquement, sans trop comprendre le sens de nos actes, de nos
paroles et de nos pensées.
La dimension spirituelle est essentielle afin de nous permettre de rompre d’une
culture qui tue notre humanité. Cette culture superficielle et simpliste qui fait
abstraction de l’au-delà, de l’invisible et de l’infini bloque aussi notre
développement dans des domaines comme l’art, la philosophie, les relations
humaines, le pluralisme ou les matières multidisciplinaires. Contre cela, le jeûne
du mois du Ramadan, par exemple, devient une école de formation afin de nous
purifier, réformer et libérer de tant d’accoutumances qui ont colonisé nos cœurs,
nos esprits, nos corps, nos familles et nos sociétés.
Le développement en islam se situe non seulement dans un cadre qui relève du
long terme, de l’intemporel même, mais repose aussi sur une conviction
résolument positive. La survie de la planète ne dépend pas de nous, même si nous
avons la responsabilité de faire de notre mieux. Et si nous ne sommes pas à la
hauteur, Dieu a le pouvoir de nous remplacer par une autre génération ou une
autre communauté qui sera digne de l’engagement qui incombe aux vice-gérants
de la terre. Le Créateur est à l’origine de toute la création, la répète, la nourrit, la
maintient, la contrôle absolument. Il la fera durer aussi longtemps qu’Il le veut,
comme Il le veut.
« La corruption est apparue sur la terre et en mer à cause de ce que les gens ont
accompli de leurs propres mains ; afin que (Dieu) leur fasse goûter une partie de
ce qu’ils ont fait ; peut-être reviendront-ils (vers Dieu). » ( Le Coran 30 :41)
14
15. Ce développement aboutit à l’épanouissement d’un environnement propre, tant
naturel que culturel. Tout commence à partir de notre conscience intime de
Dieu, le souffle originel - al fitra - qui est en chaque être. Se servant des
domaines de la politique et de l’économie, une harmonie s’établit entre la nature
et la société.
Abu Abdallah
15