1. Extrait de « Comment maîtriser l’acidité du vin ? »
Journée Technique (compte-rendu)
L’ACIDITE DU MOUT AU VIN :
D’AUTRES ALTERNATIVES A L’ACIDIFICATION PAR L’ACIDE TARTRIQUE
Auteur : François Davaux – ITV France Midi-Pyrénées
Contact : V’innopôle – BP 22 – 81310 Lisle sur Tarn – Tél. 05.63.33.62.62.
Date de publication : 29 novembre 2001
2. SOMMAIRE
1 – MAITRISE DE L’ACIDITE FML PARTIELLE 3
2 – D’AUTRES OPTIMISATIONS DE L’ACIDITE PAR ACIDE TARTRIQUE 4
3 – ACIDIFICATION PAR D’AUTRES ACIDES 4
4 – UTILISATION DE RESINES ECHANGEUSES D’IONS 6
5 – CONCLUSIONS 6
3. L’acidité du mout au vin : d’autres alternatives à l’acidification par l’acide tartrique
L’acidité du vin constitue une de ses caractéristiques de base, tant sur le plan analytique que sensoriel.
Elle conditionne le déroulement de la fermentation malo-lactique (FML), la conservation, le pouvoir
antiseptique de l’anhydride sulfureux, la clarification du vin. Tout au long de la chaîne d’élaboration,
les paramètres Acidité Totale et pH sont les indicateurs de « l’état de santé » du produit, de son
équilibre.
Des niveaux d’acidité faibles, et des pH élevés, peuvent avoir des effets néfastes plus importants sur
les vins rouges que sur les vins blancs.
Dès la fermentation alcoolique et la cuvaison, plus le pH est élevé, plus la FML s’enclenche
rapidement, avec des risques de déviations lactiques. La seule solution est alors le décuvage, faisant
très souvent perdre le potentiel polyphénolique des pellicules du fait de la séparation des parties
liquide-solide.
La technique la plus courante pour corriger une acidité déficitaire est l’ajout d’acide tartrique.
Encadrée réglementairement, elle repose encore sur un grand empirisme et sa mise en œuvre se fait
par test au laboratoire.
D’autres techniques existent pour acidifier les moûts et les vins. Elles sont utilisées plus ou moins,
selon les pays, et la réglementation en vigueur.
Sur ce thème, un groupe de travail national a été constitué en 1994, afin d’acquérir des références
précises sur tous les travaux relatifs à l’acidité d’un vin.
Nous présenterons les principaux résultats sur les pistes suivantes, alternatives à l’acidification par
acide tartrique :
• Optimisation de l’acide tartrique
• Acidification par d’autres acides organiques
• Utilisation de résines échangeuses d’ions
• Préservation de l’acidité malique par FML partielle
1 - MAITRISE DE L’ACIDITE FML PARTIELLE
La fermentation malolactique (FML) permet la transformation de l’acide malique en acide lactique.
Cette dégradation s’accompagne en règle générale d’une baisse d’acidité totale conséquente (entre 1 et
3 g/l H2SO4 selon les millésimes, comme l’observait Leglise (1)), et d’une élévation du pH de 0.15 à
0.30 unité (Champagnol (2)).
Sur certains produits, il est possible d’envisager un déroulement partiel de la FML, afin de préserver
une acidité intéressante. Cependant, la technique d’assemblage entre deux lots d’un même vin, dont un
a subi la FML et l’autre non, est plus aisée pour mettre en œuvre cette pratique.
Nous avons étudié un protocole expérimental sur cépage Négrette, traditionnellement connu pour sa
faible acidité et son pH élevé, dans le cas de l’élaboration d’un vin rosé de Fronton.
A partir d’un même vin, en fin de fermentation alcoolique, une partie a été soutirée, sulfitée et mise au
froid, en absence de FML (notée lot 0 % FML). Une deuxième partie a subi la FML, puis soutirée,
sulfitée (notée : 100 % FML).
L’acidité du mout au vin : d’autres alternatives à l’acidification par l’acide tartrique – page 3
4. Des assemblages successifs sont réalisés de la manière suivante :
• FML 25 % : assemblage équivalent à la dégradation de 25 % de l’acide malique, soit 75 % de
lot 0 % FML et 25 % de lot 100 % FML
• FML 50 % : assemblage équivalent à la dégradation de la moitié de l’acide malique, soit 50 %
de lot 0 % FML, et 50 % de lot 100 % FML
• FML 75 % : assemblage équivalent à la dégradation de 75 % de l’acide malique initial, soit 25
% de lot 0 % FML et 75 % de lot 100 % FML
Nous constatons dans tous les cas une variation parfaitement linéaire, pour les deux critères
considérés. Sur un plan analytique, cette voie permet donc facilement d’ajuster l’acidité au niveau
souhaité.
Au niveau organoleptique, un jury-expert de professionnels de l’Appellation Fronton a classé les lots 0
% FML et FML 25 % comme meilleurs ; les lots FML 50 %, FML 75 % et FML 100 % étant
systématiquement rejetés car trop peu acides, manquant de fraîcheur et de vivacité. Cette pratique est
désormais devenue courante dans l’appellation, où elle s’applique surtout aux vins rosés « de
printemps », pour lesquels les risques microbiologiques sont faibles, associés à une bonne hygiène
vinaire et une consommation rapide du produit. L’emploi du lysosyme peut alors s’avérer très
intéressant, pour minimiser encore les risques de FML intempestive en bouteilles, tout en réduisant les
doses de SO2.
2 - D’AUTRES OPTIMISATIONS DE L’ACIDITE PAR ACIDE TARTRIQUE
L’acidification courante repose sur l’usage de l’acide tartrique seul. Les travaux qui ont été présentés
essayent de positionner le stade opportun de l’acidification, et la dose. Or, cet acide faible ne permet
pas, dans tous les cas, la réduction du pH du vin au niveau souhaité.
Le vin possède en effet un très fort pouvoir tampon, de telle sorte que même si l’acidité totale
s’accroît, l’acidification n’a que de très faibles conséquences sur la valeur du pH.
Les travaux de Gomez Benitez et al (3), relatent l’utilisation couplée du gypse (CaSO4 – 2H2O) à celle
de l’acide tartrique. Celle-ci permet d’abaisser le pouvoir tampon du vin et l’alcalinité des cendres,
afin d’accroître l’efficacité ultérieure de l’acidification.
Ces travaux ont été reproduits en Midi-Pyrénées, sur cépages Négrette et Duras des zones Fronton et
Gaillac, en positionnant les ajouts à l’encuvage, selon le protocole suivant :
• ajout d’acide tartrique à 1,5 g/l : noté lot + 1,5 TH2
• ajout de CaSO4 à 2 g/l, puis 0,5 g/l d’acide tartrique : noté lot gypse + 0,5 TH2
• ajout de CaSO4 à 2 g/l, puis 1,5 g/l d’acide tartrique : noté lot gypse + 1,5 TH2
Nous constatons un grand effet « booster » conféré à l’acide tartrique par l’utilisation du CaSO4.
L’emploi de 2 g/l de ce produit, a permis de diviser par trois la dose d’acide tartrique à employer pour
atteindre un résultat équivalent.
Le risque encouru avec cette pratique réside dans la cristallisation ultérieure de tartrate neutre de
calcium, sel dont la solubilité est très basse et pour lequel les conditions de nucléation sont mal
connues. Les mêmes résultats ont été obtenus en positionnant l’ajout de gypse et l’acidification après
fermentation malolactique et avant passage au froid.
3 - ACIDIFICATION PAR D’AUTRES ACIDES
La bibliographie (Rankine (4,5), Zoeckin (6), Usseglio-Tomasset (7)) rapporte de nombreux travaux
sur l’utilisation d’acides secondaires pour corriger l’acidité des vins. Ces travaux ont tous été
développés dans les nouveaux pays producteurs : Australie, Afrique du Sud, Nouvelle Zélande,
L’acidité du mout au vin : d’autres alternatives à l’acidification par l’acide tartrique – page 4
5. Californie, pour lesquels la réglementation est beaucoup plus tolérante que la notre. La règle est
simple : usage autorisé dès lors que le produit final voit ses qualités améliorées, dans le respect de la
santé du consommateur.
Nous avons cherché à comparer l’efficacité du pouvoir acidifiant de ces différents acides sur un vin
rouge de faible niveau d’acidité (Négrette – Essais ITV), et sur un vin blanc de Vermentinu (CIVAM
Corse).
Les résultats des acidifications sont reportés sur les figures n°1 et 2.
Vermentinu et acides organiques Négrette et acidesorganiques(ITV France)
(CIVAM Corse)
0,4 0,00
0,4 0,00 0,35
Acidité totale
0,35
Acidité totale
0,3 -0,05
0,3 -0,05 0,25
pH
0,25 0,2 -0,10
0,2 -0,10 pH 0,15
0,15
0,1 -0,15 0,1 -0,15
0,05 0,05
0 -0,20 0 -0,20
D AT D pH
elta elta D AT D pH
elta elta
Figures n° 1 et 2 : Variations de l’acidité totale (exprimée en g/l H2SO4) et du pH par rapport au vin témoin lors de
l’acidification par acides organiques secondaires - Essais Groupe National Acidité 1998
La variation de pH est quasi nulle. Aux doses utilisées et sur les vins concernés, l’acidification par ces
acides organiques ne provoque pas de variation de pH. L’incidence sur l’acidité totale est plus sensible
et permet d’ajouter une pointe d’acidité.
En dégustation, aucune préférence ou rejet significatif au seuil de 5 % ne sont détectés. Toutefois,
dans les deux cas, le lot acide tartrique est le plus apprécié.
L’utilisation des acides n’a pas induit de différences de couleur ni de défaut olfactif détectable.
Les acides organiques présentent à doses égale d’utilisation, des « forces acides » moins importantes
que l’acide tartrique. Ils devront être utilisés pour pallier une légère déficience acide, ou bien à
concentration plus élevée pour des effets analytiques plus significatifs. Toutefois, compte tenu des
résultats obtenus et indépendamment de l‘aspect réglementaire, ces techniques ne peuvent être mises
en œuvre qu’après essais préalables en petit volume pour adapter doses et acides. Ceci tant du point de
vue organoleptique qu’analytique.
Notons enfin que l’approche explicative proposée par le logiciel Mextar (issu des travaux conjoints de
la Chambre d’agriculture de la Gironde et de l’Institut National Polytechnique de Toulouse-
ENSIACET) permet de simuler l’équilibre acide obtenu dans le vin à partir de la connaissance de sa
composition initiale. Il est alors possible de « prévoir » les paramètres acidimétriques du vin après
acidification (ou aussi désacidification) et une fois la stabilité tartrique atteinte. Ce concept permet de
guider les interventions sur l’acidité du vin, pour ne retenir expérimentalement que les pistes et/ou
doses d’acides les plus pertinents.
L’acidité du mout au vin : d’autres alternatives à l’acidification par l’acide tartrique – page 5
6. 4 - UTILISATION DE RESINES ECHANGEUSES D’IONS
Acidifier peut vouloir dire rajouter des composés acides au vin, mais une alternative réside par
l’élimination des composés basiques. Les résines échangeuses de cations peuvent contribuer à
atteindre cet objectif.
Leur principe est simple : lors de son écoulement sur la résine, le vin échange son potassium contre
des ions H+, provoquant son acidification immédiate.
Cette technique est utilisée sur les moûts concentrés rectifiés, et uniquement. La législation
communautaire en interdit l’emploi à l’heure actuelle.
Une série d’essais a été réalisée à l’échelon expérimental (volume de 10 litres) à la Station Régionale
ITV Midi-Pyrénées en 1994, sur une colonne remplie de 3 litres de résine cationique.
Les travaux ont porté sur cépages Négrette et Cabernet Franc en positionnant le traitement soit avant la
fermentation alcoolique, soit après la FML avant passage au froid. Les résultats présentent ici ne
rapportent que ce dernier essai.
Lors du traitement, l’Acidité Totale a été augmentée à 5.6 g/l H2SO4, le pH abaissé à 2.1. Après
assemblage de 25 % de vin traité, les composantes analytiques sont les suivantes :
AT (g/l H2SO4) pH
AVANT DESIONISATION 2.62 4.01
DESIONISATION DE 25% 3.24 3.64
Tableau n°1 : Effet de la désionisation conduite sur vin fini après FML - Essais ITV Midi-Pyrénées 1994
Dans ce cas également, l’effet est très net. Le traitement de 25 % du volume permet une variation
d’Acidité Totale de 0.6 g/l H2SO4. Ce procédé technologique doit donc être raisonné prudemment, par
assemblages successifs pour déterminer la proportion de vin à traiter. Il est d’une très grande efficacité
et simplicité de mise en œuvre sur vin fini.
La réglementation américaine autorise cette technique pour la stabilisation tartrique, avec des bornes
sur les paramètres Acidité fixe et pH très souples.
5 - CONCLUSIONS
De nombreuses alternatives ou pistes existent pour maîtriser le niveau d’acidité du vin :
1. l’emploi de nouveaux additifs, acides organiques du vin ou du raisin, gypses,... repose au
préalable sur l’évolution de la réglementation. Leurs incidences sur les paramètres pH et
Acidité Totale sont variables, et leur mise en oeuvre ne peut s’envisager qu’avec test
préalable. Aux doses utilisées et préconisées dans les nouveaux pays producteurs, pas ou peu
de déviations organoleptiques sont mises en évidence.
2. Les résines échangeuses de cations ont démontré leur « redoutable » efficacité, grâce à
l’élimination du potassium et à son échange avec des protons. Mais, la technique est à utiliser
avec beaucoup de précaution, du fait de son caractère « excessif ». La régénération des résines
n’a pas été étudiée.
3. Selon les produits à élaborer, le maintien d’acide malique, par FML incomplète via
assemblage de lots ayant ou n’ayant pas réalisé cette étape, est une voie d’acidification
« naturelle », et simple à mettre en oeuvre. Au-delà du seul aspect analytique, l’assemblage
préalable en laboratoire permet d’atteindre précisément l’équilibre organoleptique recherché
par le vinificateur.
L’acidité du mout au vin : d’autres alternatives à l’acidification par l’acide tartrique – page 6
7. 4. Le vigneron dispose de plusieurs alternatives pour maîtriser l’acidité de son vin. La
réglementation actuelle définit précisément les degrés de liberté, mais doit pouvoir évoluer
vers plus de souplesse et de maîtrise. Notons enfin, la note interprétative 14/93/1999 du
règlement européen CEE n°822/87, qui explicite la règle suivante : « l’acidification et
l’enrichissement, sauf dérogation à décider cas par cas, ainsi que l’acidification et la
désacidification d’un même produit, s’excluent mutuellement ».
Son auteur, R. Mildon, précise :
« Cependant, il résulte de l’article 1, paragraphe 2 de ce règlement que les raisins et les vins sont
des produits différents. L’article 21, paragraphe 1, 2ème alinéa, précise que les raisins frais, le
moût de raisin, le moût de raisin partiellement fermenté, le vin nouveau encore en fermentation
sont des produits « autres que le vin ». Il est donc licite, au regard du paragraphe 3 de l’article
21, de pratiquer l’enrichissement en vue d’augmenter le titre alcoométrique naturel par les
moyens prévus à l’article 19, pour les produits visés au paragraphe 1, lettre a) et b) de cet article,
et ultérieurement d’acidifier le vin issu de la fermentation de ce produit, dans les conditions
prévues à l’article 21.
Dans le cas où serait souhaité l’acidification, prévue à l’article 21, paragraphe 1, d’un moût
enrichi conformément aux dispositions de l’article 19, paragraphe 1, une dérogation expresse
comme prévue à l’article 21, paragraphe 3, reste prévue ».
Plus simplement, les travaux sur l’emploi de l’acide tartrique et son stade d’utilisation (résultats non
présentés ici), montrent que :
• sur les critères analytiques, l’acidification à l’encuvage est moins efficace que celle réalisée en
fin de fermentation alcoolique ou malolactique
• sur les critères sensoriels, l’acidification à forte dose en fin de fermentation malolactique est
préjudiciable à la qualité finale du produit
et donc posent la nécessaire question de savoir si tous les moyens ont été mis en oeuvre pour prévenir
une situation où l’acidification est la seule alternative envisageable (conduite de la vigne, date de
récolte, traitement physique de la vendange,....).
En conséquences, l’œnologue doit mettre en oeuvre les moyens adéquats pour bien connaître les
composantes acides de sa vendange. Cela passe nécessairement par le dosage des acides tartrique et
malique, et du potassium, pour compléter la seule mesure du pH et de l’acidité totale.
BIBLIOGRAPHIE
(1) Léglise M. : L’évolution des acidités et l’évolution de leurs connaissances. Revue des Œnologues
(2) Champagnol F. : L’acidité des moûts et des vins. Revue Française d’œnologie n°104 (1986)
(3) Gomez Benitez J., Grandal Delgado M.M., Diez Martin J. : Study of the Acidification of sherry
musts with gypsum and tartaric Acid. Am. J. Enol. Vitic., Vol 44, n°4 – 1993
(4) Rankine B.C. : Malic acid – a key acid in grappes and wines. Aust. Grapegrower Winemaker
313 : 14 (1990)
(5) Rankine B.C. : Succinic acid in wine – Aust. Grapegrower 266 : 17 (1986)
(6) Zoecklin B.W., Fugelsang K.C., Gump B.H., Nury F.S. : Wine analysis and production.
Chapmann and Hall Enology Library, New-York (1995)
(7) Usseglio-Tomasset L. Osservazioni sulla désacidificazione et sull’acidificazione dei vini. Riv.
Vitic. Enol., 36, 71 (1983)
L’acidité du mout au vin : d’autres alternatives à l’acidification par l’acide tartrique – page 7