SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  56
Télécharger pour lire hors ligne
Les journées techniques de l'ARENE
             Territoires – Agenda 21 local




          LA CONCERTATION :
OUTILS ET PRATIQUES DANS LES PROJETS
              DE TERRITOIRE




              Compte-rendu synthétique




        Journée technique du jeudi 9 octobre 2003
                      14h00-18h00
        Forum de Grenelle, 15ème Arrondissement
                          Paris
Les journées techniques de l’ARENE


   LA CONCERTATION : OUTILS ET PRATIQUES DANS LES PROJETS DE TERRITOIRE



                                                SOMMAIRE




Présentation du contexte de la rencontre et des interventions                               4
Claude BASSIN-CARLIER
Directeur de l’ARENE

Introduction                                                                                5
Philippe MARZOLF
Vice-Président de la Commission nationale du débat public (CNDP)

Les démarches de concertation : un contexte porteur, des enjeux majeurs, des repères pour
l’amélioration des pratiques actuelles                                                  8
Claude CHARDONNET
C&S Conseils

Débat                                                                                      17

Les acquis de la concertation dans les domaines de l’aménagement et du renouvellement
urbains : qualification des acteurs, réflexion sur les impacts globaux d’un projet, expression
d’une « demande des habitants » argumentée                                                  20

Mobilisation locale et contre-expertise autour d’un projet d’aménagement d’une ligne de
tramway : l’atelier d’urbanisme de l’Ile-Saint-Denis                                 20
Christian COLLIN
Architecte-conseil

Concertation dans le cadre d’un contrat de ville (2000-2006) et d’une opération de
renouvellement urbain : l’exemple du Blanc-Mesnil et des Ateliers de l’avenir   28
Patrick NORYNBERG
Chef de projet du contrat de ville

Débat                                                                                      33

Concertation et réflexion prospective sur « le développement durable d’un territoire » :
intérêt général et générations futures, réflexion « systémique », implication dans une
stratégie de long terme                                                              36

La concertation à l’échelle d’une agglomération : le rôle d’un conseil de développement dans
l’élaboration du projet d’agglomération et d’une démarche Agenda 21                       36
Gabriel VITRE
Animateur du conseil de développement de la communauté urbaine de Nantes

Impliquer les habitants dans l’élaboration d’un Agenda 21 communal ; rôle et fonctionnement
d’une instance de concertation ad hoc : le forum 21 et les ateliers thématiques de Bessancourt
(Val-d’Oise)                                                                               41
Jean-Christophe POULET
                                          Paris, le 9 octobre 2003                          2
                                           ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


Maire de Bessancourt

Débat                                                                                                          45

Clôture                                                                                                        48
Michel VAMPOUILLE
Vice-Président du Conseil régional chargé de l’environnement et du cadre de vie, de la maîtrise de l’énergie et des
contrats régionaux et ruraux




Annexes                                                                                                        51




                                           Paris, le 9 octobre 2003                                              3
                                            ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


             Les débats sont animés par Claude BASSIN-CALIER, directeur de l’ARENE.



    Présentation du contexte de la rencontre et des interventions
                                  Claude BASSIN-CARLIER
                                       Directeur de l’ARENE


Merci d’avoir répondu à notre invitation pour cette réunion consacrée à la concertation, aux outils et
aux pratiques qui lui sont associés dans le cadre des projets de territoire.

L'ARENE, agence régionale de l'environnement et des nouvelles énergies, a investi depuis 1994 une
série de champs thématiques qui constituent aujourd'hui autant de programmes d'activités. Sur
chacun de ces programmes, notre agence cherche à identifier et diffuser des pratiques innovantes
s'inscrivant dans une perspective de développement durable. Ces programmes concernent :

•    Le renouvellement urbain et la haute qualité environnementale des bâtiments ;
•    les entreprises et l'environnement ;
•    les activités et emplois liés à l’environnement ;
•    l’éducation à l’environnement ;
•    la maîtrise de la demande en énergie et les énergies renouvelables ;
•    les transports propres et la mobilité durable ;
•    le développement territorial et tout particulièrement la promotion des Agendas 21 locaux ;


La concertation nous est apparue comme une question transversale pour l’ensemble de ces
programmes.

Parallèlement au débat de fond sur les poids respectifs de la démocratie participative et de la
démocratie élective, l’adaptation des moyens et du temps de la concertation aux projets publics, en
particulier aux projets de territoire, est un domaine où les questions restent majeures. C’est
pourquoi, comme nous l’avons déjà fait dans d’autres domaines d’activités (transports propres,
HQE…), nous avons pensé organiser une réunion d'information et d’échange. En fonction de la
qualité des débats et de vos suggestions, nous examinerons la question de renouveler ce type de
réunion.

Notre orientation est plutôt technique. Six intervenants vont se succéder au cours de cette
demi-journée. Nous avons pensé que la participation du Vice-président de la Commission nationale
du débat public serait intéressante, dans la mesure où il dispose d’une vision nationale.




                                       Paris, le 9 octobre 2003                                     4
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE



                                         Introduction
                                      Philippe MARZOLF
              Vice-Président de la Commission nationale du débat public (CNDP)


Je me propose de vous exposer dans quelle mesure la Commission nationale du débat public
s’intègre dans le champ de la concertation. Je vais ensuite développer l’exemple du projet CDG
Express, qui permettra de relier directement Paris à Roissy.


I.     Statuts de la Commission
La Commission nationale du débat public a été instaurée par la loi Barnier, dite de « renforcement de
la protection de la nature », en 1995. Elle fonctionne depuis 1997. Elle est devenue autorité
administrative indépendante en février 2002, par l’intermédiaire de la loi de démocratie de proximité.

Elle est composée de :

•    six élus locaux ;
•    un député ;
•    un sénateur ;
•    quatre magistrats ;
•    deux associations environnementales ;
•    deux associations de consommateurs ;
•    deux personnalités qualifiées.

Elle examine les conditions financières et techniques de projets d’intérêt national (autoroutes, lignes
ferroviaires à grande vitesse, aéroports, etc.) et décide de la nécessité d’organiser un débat public.
Elle peut également, au vu des conséquences potentielles sur l’économie et l’environnement, décider
d’une simple concertation.


II. Organisation d’un débat public
Le débat public, à la différence de la concertation, permet de débattre sur l’opportunité même du
projet. Il se situe très en amont de l’élaboration du projet, soit quatre ou cinq ans après les
premières études préliminaires. En fonction du résultat du débat public pourront suivre les avant-
projets sommaires et détaillés et ensuite seulement, l’enquête publique.

Lorsque la CNDP décide d’organiser un débat public, une commission particulière indépendante du
maître d’ouvrage et du responsable du projet est constituée. Cela lui permet de faciliter la tenue du
débat public. A l’issue du débat, la Commission rend compte des résultats du débat public, sans
livrer sa propre opinion. Le maître d’ouvrage doit ensuite publier les principes et les conditions de
réalisation du projet au Journal officiel. Au cours d’un débat public, chacun doit être informé sur
demande. Toutes les questions doivent faire l’objet d’une réponse.




                                       Paris, le 9 octobre 2003                                      5
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


III. Principes fondamentaux d’un débat public
Trois principes président le déroulement d’un débat public. Il ne s’agit pas de dogmes, car chaque
projet est particulier.


1. La transparence

Chacun peut prétendre à la transparence. Lorsqu’un organisme indépendant se charge de recueillir
toutes les informations nécessaires auprès du maître d’ouvrage, cela apporte en plus une garantie
d’objectivité.


2. L’équivalence

Chacun doit pouvoir s’exprimer et obtenir une réponse à ses questions. Le citoyen de base a autant
de poids dans le débat public que le Président du Conseil régional. Même si dans les faits, les
représentants associatifs prendront plus souvent la parole que les simples citoyens, ces derniers
sont parfaitement libres de s’exprimer.


3. L’argumentation

En contrepartie de cette équivalence, nous demandons à chacun d’argumenter ses interventions. Les
opposants aux projets doivent ainsi exprimer la raison de leur position et éventuellement des
solutions alternatives. Très souvent, des acteurs ont étudié le projet et sont à même de proposer des
solutions alternatives.


IV. Mesures appliquées par le CNDP pour faciliter le débat
1. Les cahiers d’acteurs

Dans la plupart des débats publics, l’expression des solutions alternatives est facilitée par la
possibilité offerte à chacun d’éditer un cahier d’acteur. Le coût de réalisation de ces cahiers est
intégré dans les frais d’organisation du débat. Le niveau de diffusion de ces cahiers d’acteurs est le
même que celui offert au maître d’ouvrage. Lors des concertations, les acteurs se plaignent d’une
inégalité des moyens ; dans le cadre des débats publics que nous organisons, cette équité est garantie.

La commission particulière d’un débat public permet de faciliter le débat. Elle peut accueillir les
acteurs qui le souhaitent dans ses locaux. Toutes les études élaborées par le maître d’ouvrage sont
mises à disposition du public. La commission particulière peut également servir d’intermédiaire
entre le maître d’ouvrage et un acteur. Les informations sont fréquemment mises en ligne.


2. Communication

La plupart du temps, nous utilisons des cartes T. Pour le projet CDG Express, entre Gare de l’Est
et Roissy, nous avons distribué 400 000 lettres décrivant le projet et offrant la possibilité d’obtenir
une information complémentaire gratuitement. Nous avons reçu plus de 2 000 réponses.
                                       Paris, le 9 octobre 2003                                      6
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


Nous avons installé une boîte aux lettres pour que les acteurs puissent poser des questions. Nous
avons reçu plus de 700 questions relatives à CDG Express. Nous constatons, à travers la précision
des questions, que ces acteurs ont vraiment réfléchi au projet.

Nous incitons enfin les citoyens concernés à participer au débat public, qui n’est pas exclusivement
constitué de réunions publiques. Nous organisons généralement des réunions portant sur
l’opportunité du projet, puis des réunions thématiques. Par exemple, pour le projet CDG Express,
nous examinons plus particulièrement la question du développement de Roissy, des conséquences
du projet sur les infrastructures de transport, sur l’environnement et sur l’économie. Nous
organisons également des ateliers pédagogiques à la demande. Par exemple, nous sensibilisons le
public à la réglementation relative à la sécurité du tunnel ferroviaire. Dans quelques débats publics,
nous organisons des auditions publiques : chaque acteur peut exprimer pleinement sa position
devant la Commission. Enfin, nous tenons des réunions de proximité, qui sont nécessaires pour
limiter les déplacements des riverains et qui facilitent l’interactivité. Nous installons même des
permanences dans les mairies le lendemain des réunions.

Nous sommes régulièrement confrontés au point de vue des riverains de l’infrastructure de transport
qui ne pourront pas l’utiliser. Selon le nombre de personnes touchées par le projet, la participation
aux réunions sera plus ou moins importante. Nous avons dénombré jusqu’à 2 000 ou 2 500
personnes par réunion pour certains projets, alors que nous en dénombrons à peine 150 à 200 pour
CDG Express.

Le débat public permet de débattre sur l’opportunité du projet, ce qui n’est guère possible lors de
l’enquête publique, le projet étant déjà bien avancé. Il est important que l’organisateur de ce débat
soit neutre par rapport au maître d’ouvrage et au territoire concerné. Enfin, le maître d’ouvrage est
tenu de justifier la poursuite de son projet au regard des arguments présentés pendant le débat.




                                      Paris, le 9 octobre 2003                                      7
                                       ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE



  Les démarches de concertation : un contexte porteur, des
enjeux majeurs, des repères pour l’amélioration des pratiques
                          actuelles
                                 Claude CHARDONNET
                                         C&S Conseils



Claude BASSIN-CARLIER

Je passe maintenant la parole à Claude Chardonnet, du cabinet C&S Conseils, spécialisé notamment
dans les méthodes de concertation. Veillez à aborder dans votre intervention les repères en vue de
l’amélioration des pratiques.




                                     Paris, le 9 octobre 2003                                   8
                                      ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE



                                         Présentation

I.    Présentation de C&S Conseil
Notre cabinet est spécialisé dans l’accompagnement des maîtres d’ouvrages (collectivités, Etat,
entreprises) lors des phases de concertation, de débat public et d’enquête publique. Depuis une
dizaine d’années, nous sommes sur le terrain pour des projets de toute nature (transport, stockage
de déchets, aménagements urbains, etc.).

Nous avons également produit des documents méthodologiques dans le cadre de missions menées
pour le compte de certaines institutions ou instances publiques (Agence de l’eau Seine-Normandie,
Commission nationale du débat public, Conseil général des ponts et chaussées).


II. Premiers constats
Je n’entends pas livrer ici des « recettes » mais plutôt poser la problématique générale d’un débat
public ou d’une concertation, sachant que dans chaque cas de figure, la problématique est
particulière. Celle des projets de territoires est différente de celle d’un projet d’équipement. Dans
certains cas, le contexte est plus conflictuel que dans d’autres, ce qui nécessite d’adapter les
méthodes de concertation.

De manière générale toutefois, soulignons que la concertation est avant tout associée au stress, tout
simplement car elle nécessite d’aller au-devant du public.

Par ailleurs, la concertation est source de frustration : les décideurs comme les acteurs y placent
beaucoup d’espoir mais les uns et les autres sont souvent déçus : ce n’est jamais le bon moment
– trop tôt ou trop tard –, jamais les bons interlocuteurs, jamais les bonnes informations, etc.

Enfin, aujourd’hui, la concertation est à l’origine d’une forte demande d’appui et de formation. Les
services déconcentrés de l’Etat et certaines grandes entreprises ressentent un fort besoin de
formation et de préparation pour aborder les phases de concertation et/ou de débat public. Face à
cette demande, il s’agit moins de répondre par une formation académique à la concertation que par
une aide à la capitalisation d’expérience. C’est là la voie la plus prometteuse pour que les pratiques
s’améliorent. Une Journée technique comme celle de l’ARENE s’inscrit bien dans cet esprit de
partage et d’évaluation.


III. Un contexte porteur
1. Genèse de la concertation

Premier constat : la concertation est fille de la contestation. C’est bien parce que, depuis trente ans,
des projets de grandes infrastructures ont été rejetés, que la concertation s’est peu à peu imposée.

La concertation n’est pas une mode. Elle exprime une demande sociale profonde : construire
progressivement un intérêt général qui ne peut plus être octroyé.


                                       Paris, le 9 octobre 2003                                       9
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


La concertation tire sa légitimité d’un triple mouvement, ainsi que l’a montré Sandrine RUI,
sociologue (Centre d'analyse et d'intervention sociologique, EHESS et Université de Bordeaux 2) :

•   un mouvement politique : la démocratisation et la décentralisation ;
•   un mouvement administratif : la modernisation de l’Etat ;
•   un mouvement citoyen.

L’évolution réglementaire comporte, selon elle, deux aspects :

•   le passage d’un processus d’information et de consultation à un dialogue continu ;
•   l’élargissement du champ des interlocuteurs à l’ensemble des citoyens.


2. Evolution du débat public des années 1970 à nos jours

Nous sommes ainsi passés, depuis les années 1970, du principe de publicité à celui de démocratie de
proximité. A la fin des années 1970 apparaissent les notions de droit à l’information et de devoir
d’informer. A la fin des années 80 naissent les prémisses de la concertation. Au cours des années
1990, le débat public s’est institutionnalisé.

a. Les années 1970

Dans les années 1970, le seul principe réglementaire était l’article 15 de la Déclaration des droits de
l’homme : la société a le droit de demander des comptes à tout agent public ou à son administration.
Durant les années 1970, la notion de Médiateur de la République est apparue. La procédure
d’enquête préalable à la déclaration d’intérêt public a été réformée en 1976. La CADA (Commission
d’accès aux documents administratifs) a été créée en 1978.

b. Les années 1980

Dans les années 1980, les lois de décentralisation ont été votées. La loi-cadre proclame dans son
article premier que toutes les lois ultérieures devaient déterminer notamment « le développement de
la participation des citoyens à la vie locale ». En 1983 est votée la loi sur la démocratisation des
enquêtes publiques. Les articles L. 301 à L. 303 du Code d’urbanisme, qui occupent encore
aujourd’hui un rôle central dans l’organisation des opérations d’aménagement, datent de 1986. Ils
obligent les collectivités locales à organiser une concertation pour tout aménagement touchant au
développement et à l’aménagement de leur territoire.

c. Les années 1990

Les années 1990 voient naître les premières concertations générales sur toute une série de
thématiques. Citons également la Loi d’orientation sur la Ville, qui date de 1991 et qui pose le
principe de la concertation avec les habitants pour toute action ou opération d’aménagement. Dans
un autre domaine, la Loi sur l’eau, en 1992, institue les commissions locales de l’eau. La Loi –cadre
de 1992 sur les déchets pourrait également être mentionnée. Cette floraison de réglementations
aboutit peut-être aujourd’hui à une situation de saturation. La circulaire Bianco (1992) a bouleversé
la méthodologie des ingénieurs en instaurant les débats amont sur les grands projets d’infrastructure.
Cette procédure a été de fait remplacée par les nouvelles règles sur l’organisation du débat public, en
1995 avec la Loi sur le renforcement de la protection de l’Environnement, dite Loi Barnier. Le
5 juillet 1996 est publiée au Journal Officiel la Charte de la concertation qui met l’accent sur les
                                       Paris, le 9 octobre 2003                                     10
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


conditions à respecter pour qu’une concertation se déroule de manière satisfaisante pour toutes les
parties. Enfin, la Loi sur l’Orientation et l’Aménagement Durable du Territoire a instauré
notamment les conseils de développement.

d. Les années 2000

Au cours des années 2000, la Loi SRU a étendu l’enquête publique à tous les documents
d’urbanisme. L’article L. 302 du Code d’urbanisme a également vu, par l’intermédiaire de cette loi,
son champ élargi au SCOT et au PLU. Enfin, la loi sur la démocratie de proximité du 27 février 2002
instaure des conseils de quartier obligatoires pour toute ville de plus de 80 000 habitants et renforce
la Commission nationale du débat public, qui non seulement organise les débats publics d’intérêt
national mais acquiert un rôle prescripteur pour presque toutes les concertations.


Philippe MARZOLF

Une telle accumulation de lois pourrait paraître suspecte.


Claude CHARDONNET

Effectivement, certains ont le sentiment que trop de concertation tue la concertation. Comment
discerner l’essentiel au sein de ce paysage réglementaire ? Aujourd’hui, nous souhaitons poser le
problème de la façon suivante : quel que soit le contexte réglementaire, quels sont les principes qui
doivent guider le décideur dans ses relations avec son territoire et les acteurs locaux ? Peut-on parler
de co-élaboration, notamment pour les projets de territoire et les d’Agenda 21 ?

C’est dans ce contexte où la réglementation en matière de concertation et de débat public fait florès
qu’il est important de revenir sur certains enjeux.


IV. Les enjeux majeurs
Nos trois constats sont les suivants :

•   la décision publique est en panne ;
•   le débat public est déficitaire, non pas sur le plan réglementaire, mais dans une acception plus
    générale ;
les outils et méthodes sont inadaptés.

C’est dans un premier temps, en creux, que je vous propose d’explorer certains repères pour
l’amélioration des pratiques de concertation, en en regardant les limites actuelles.


1. La décision publique en panne

C’est bien le blocage de nombreuses décisions qui a favorisé l’émergence d’un nouvel état d’esprit
dans la conduite des projets.

a. Absence de valeurs et de finalités fédératives

                                         Paris, le 9 octobre 2003                                    11
                                          ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


Est apparue tout d’abord l’absence de valeurs et de finalités fédératives. La valeur du progrès est
désormais systématiquement mise en question. La fin des grands mythes a joué un rôle
prépondérant dans l’éclatement des visions de l’avenir. Enfin, la notion de développement durable
offre une vision d’avenir en rupture avec le passé.

b. Croissance de la complexité et montée des incertitudes

La décision publique est devenue plus difficile du fait également de la croissance de la complexité de
l’environnement et de la montée des incertitudes. La mondialisation de l’économie se joue au niveau
local dans une relation d’interdépendance difficile à décrypter et à maîtriser. Le caractère versatile
des résultats des entreprises ajoute à l’instabilité ambiante. Conséquence, dans ce contexte, l’exercice
prospectif est plus que périlleux.

c. Dilution des lieux de décision

Ajoutant à la complexité, les lieux de décision sont devenus plus diffus. Les transferts de
compétence qui découlent de la décentralisation et de l’intégration européenne ont produit une
dilution des lieux de décision, ce qui nuit à la légitimité de cette dernière. Qui peut aujourd’hui se
déclarer et être perçu comme décideur légitime sur un projet ?


2. Le déficit de débat public

Alors que la prise de décision publique est rendue incertaine, les outils préconisés pour la relancer
souffrent d’un certain nombre de lacunes.

a. La faible incidence des débats sur la décision

Premièrement, les participants au débat public regrettent la faible prise en compte des résultats des
débats. A quoi cela sert-il de discuter si le projet présenté in fine aux décideurs n’a qu’un rapport
lointain avec la nature des débats ?

b. La difficulté d’instaurer un climat serein

Deuxièmement, il est difficile d’instaurer un climat favorable à la discussion. Cela est
particulièrement vrai pour les concertations sur les projets d’équipement de l’Etat, mais ce peut
aussi être le cas à l’échelle d’une commune. J’ai le souvenir d’élus paniquant avant chaque réunion
publique, s’attendant à voir ressurgir des sujets sensibles « politiquement ». Il est parfois difficile
d’élever le débat dans un tel contexte. Par ailleurs, il est difficile pour un élu de s’impliquer dans un
débat lorsqu’il y est chahuté.

c. La difficulté de traiter de l’opportunité d’un projet

Il est souvent reproché aux décideurs de proposer des solutions « clés en main », ne laissant que peu
de place au diagnostic et au débat sur l’opportunité et la motivation du projet. Souvent, occulter cet
aspect du projet est considéré comme un handicap pour le débat. Il est nécessaire d’être toujours
disponible au cours de la discussion et d’être prêt à revenir sur les raisons fondatrices d’un projet.

d. Des interlocuteurs sans pouvoir de décision

                                        Paris, le 9 octobre 2003                                      12
                                         ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


Il est souvent reproché à l’organisation d’un débat public le fait que les interlocuteurs ne sont pas
les décideurs. Les réunions publiques n’aboutissent finalement à rien de concret car les acteurs sont
conscients que la décision se prendra ailleurs. Cela alimente la défiance à l’égard de l’intérêt du débat
public.

e. Le désintérêt des médias

Enfin, les médias se désintéressent largement de ces discussions. Les procédures de concertation
sont trop longues et trop complexes à leurs yeux et pourtant, les porteurs des projets trouveraient
en eux un relais de mobilisation très important.


3. L’inadaptation des outils et méthodes

a. Les limites des outils trop « savants »

La confiance dans les chiffres s’est, en effet, émoussée du fait de l’augmentation du niveau de
formation moyen des Français : la population est désormais beaucoup plus critique. La part des
cadres a augmenté dans la société. Les experts et les décideurs sont par conséquents confrontés à des
individus mieux outillés pour combattre un projet ou pour s’y impliquer. Les chiffres fournis par les
décideurs pour appuyer leur démonstration sont ainsi relativisés.

b. La fin du monopole des experts

Les associations sont aujourd’hui capables de mobiliser leurs propres experts, qui sont à égalité de
compétences avec ceux choisis par les décideurs. Comment arbitrer aujourd’hui ?

La confiance est finalement moins accordée sur le fond que sur la manière d’exposer son point de
vue et de répondre aux préoccupations de chacun.


V.    Repères pour améliorer les pratiques

1. Repères sémantiques

Sans en faire un absolu car nous savons tous qu’une langue est vivante, nous n’accordons peut-être
pas toujours assez d’importance à la sémantique. Beaucoup ont tendance à négliger les nuances entre
des notions qui ne sont pas tout à fait interchangeables. A ce titre, il me semble utile de rappeler la
gradation qui existe entre information, consultation, début public, etc.

L’information ne constitue qu’une première étape. L’information est par essence unilatérale. Une
information de qualité est complète et disponible. Aujourd’hui si l’information est nécessaire, elle
n’est pas suffisante pour créer le dialogue.

La consultation consiste simplement à recueillir un avis ; le débat n’y est pas associé.




                                       Paris, le 9 octobre 2003                                       13
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


Le débat public peut s’entendre sous deux acceptions. Il peut s’agir d’une réunion publique, auquel
cas il s’agit d’un outil de concertation, ou du débat public dans son acception légale, qui a déjà été
explicitée.

La participation est une notion qui possède une forte identité française. Elle est apparue pendant
les années 1970 et a été réintroduite par l’intermédiaire de l’Europe (Directive eau, notamment). La
concertation est probablement l’application « à la française » de la participation. La participation
implique d’être partenaire tout au long du processus d’élaboration, tandis que la décision intervient
dans un domaine différent.

Le terme de « communication » comporte également deux acceptions. L’on pense de prime abord à
la communication publicitaire, dans une perspective de vente, tandis que la communication, prise
dans son sens littéral, signifie « entrer en relation avec l’autre » : elle implique la notion d’empathie.
Communiquer signifie confronter son opinion avec celle de l’autre, au prix de changer son propre
point de vue.

La notion de concertation, quant à elle, renvoie d’une part au cadre législatif et réglementaire mais
également, et plus largement, à un processus d’informations et de débats impliquant le maître
d’ouvrage et les acteurs concernés par son projet tout au long de l’élaboration de celui-ci.

La concertation renvoie à trois dimensions : temporelle, relationnelle et spatiale. Avant de lancer une
concertation, il convient de s’interroger sur le moment, sur le public et les modalités de relation, et
suret le périmètre.

De manière récurrente, la concertation est considérée comme le fruit d’un apprentissage. Au-delà des
textes réglementaires, il s’agit avant tout d’une attitude, d’un comportement, d’un état d’esprit :
laisser la place au point de vue de l’autre. Cela exige de prévoir les moyens pour pratiquer une
relation permanente et continue et traiter les informations provenant des acteurs. Les organisations
de travail doivent s’adapter, pour assumer la réactivité nécessaire des services et/ou des réunions en
soirée, par exemple.

La concertation est une démarche itérative : des échanges ont lieu tout au long de l’élaboration du
projet entre le responsable du projet et les acteurs. La concertation ne se limite pas à une réunion
publique.

Enfin, la concertation est une méthode au service du développement durable. La concertation est
certes fille de la contestation, mais c’est aussi dans une certaine mesure « la mère » du
développement durable. La concertation et le débat public sont les instruments qui permettent de
réfléchir collectivement et de construire des politiques / des actions de développement durable.


2. Repères méthodologiques

a. Expliciter les règles du jeu

Quelle que soit la nature du projet, l’objet de la concertation et la finalité à laquelle elle est censée
aboutir sont souvent confondus. Eclaircir la démarche est le meilleur moyen de lever cette ambiguïté.
C’est pourquoi, il convient de préciser et rendre publics :

•   les modalités des échanges ;
                                        Paris, le 9 octobre 2003                                       14
                                         ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


•   le périmètre de la concertation et sa durée ;
•   les conditions d’élaboration du bilan ;
•   les suites de la concertation.

La concertation doit être située au sein du processus de décision.

b. Faire preuve d’une réelle capacité d’écoute

La fonction première de la concertation est l’écoute. Le projet sortira amélioré de la concertation si
son initiateur sait écouter. Il s’agit de se mettre à la portée des participants,de reconnaître et de bien
analyser leurs remarques. Cela exige une réelle disponibilité de la part du décideur et/ou du
responsable du projet. Une telle capacité ne s’improvise pas. Cela suppose des compétences dont
les collectivités et les administrations ne disposent pas assez mais également un changement de
posture.

c. Garantir la place de la controverse

Cette règle est liée à la précédente. La concertation ne saurait se limiter à une juxtaposition de points
de vue. Le débat doit pouvoir faire évoluer les points de vue. Ne pas avoir peur de la controverse est
souvent constructif. Il est erroné de croire que les participants n’évoluent pas au cours d’une
concertation. Pour un Agenda 21 ou un projet de territoire se pose aussi la question des moyens
d’expertise mis à la disposition des associations et des citoyens. Leur offrir la capacité de produire
des propositions réellement argumentées permet d’équilibrer le débat et de faciliter leur mobilisation
lors de la mise en œuvre des actions qui auront été retenues.

d. Débattre du diagnostic avant de débattre des solutions

Quel que soit le moment où la concertation se produit, le porteur du projet doit être prêt à revenir
sur ses motivations. Il doit être disponible aux questions portant sur l’opportunité du projet, sur le
diagnostic du territoire.

e. Conserver la souplesse dans les dispositifs

Un projet de territoire nécessite un calendrier souple. Procéder par étapes et organiser des réunions
supplémentaires en cas de besoin est nécessaire.

f. Instaurer une continuité du dialogue entre le maître d’ouvrage et les acteurs

Les participants doivent pouvoir distinguer les différentes étapes de la concertation. Dans le cas
contraire, le sentiment de frustration ressurgit car la fin d’une étape signifie la fin du processus.


3. Quelques bonnes questions

a. Préparer la concertation

Il est capital de consacrer du temps pour préparer une concertation. Il faut pour cela constituer une
équipe pluridisciplinaire et lui permettre de comprendre l’état de l’opinion afin de préparer un
système de concertation qui intègre déjà les thèmes principaux de préoccupation du public.

                                        Paris, le 9 octobre 2003                                       15
                                         ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


b. Choisir le moment

Le choix de la date de la concertation est relativement simple pour un Agenda 21 ou un projet de
territoire, mais se révèle parfois difficile pour un projet d’équipement. Cette question a une forte
connotation politique. Il vaut mieux organiser la concertation le plus en amont possible, mais le
risque demeure de la tenir trop en amont, ce qui est contre-performant.

c. Fixer l’objet et la finalité

Ces deux notions sont souvent confondues. Il s’agit de déterminer tour à tour sur quoi porte la
concertation (l’objet) et à quoi elle servira (la finalité).

d. Identifier les acteurs

Il convient de ne négliger personne. Il faut considérer l’ensemble des milieux associatifs, politiques et
économiques concernés par le projet. Les acteurs de la santé et de l’éducation s’estiment souvent
négligés dans les concertations de projets de territoire.

e. Etablir les modalités de concertation

Il faut prendre du temps pour recenser les attentes et élaborer, avec une équipe pluridisciplinaire, le
système de concertation le plus souple et le plus ouvert possible.

f. Adopter des comportements ouverts

La démarche qui consiste à entamer une concertation dans l’esprit de défendre son projet a toutes les
chances d’échouer. Il convient de laisser des marges de manœuvre dans le projet. Exposer clairement
les points qui ne sont pas encore définis est également utile pour ouvrir le débat.

g. Capitaliser les expériences

Ceci vous permettra d’améliorer vos démarches en revenant sur vos propres expériences ou celles de
vos voisins. Il convient de produire des évaluations afin d’améliorer le déroulement des
concertations futures.




                                       Paris, le 9 octobre 2003                                       16
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE



                                                Débat

Claude BASSIN-CARLIER

Vous avez débuté votre intervention en associant la concertation au stress. Avez-vous pu trouver
des solutions pratiques pour faire face à des situations de stress ? Votre point de vue est-il partagé
par tous et ne dramatise-t-il pas finalement la démarche de concertation ?

J’aimerais également revenir sur les médias. Vous pensez qu’ils peuvent être des alliés de la
concertation. Or l’expérience a prouvé qu’ils étaient aussi à même d’entretenir le trouble.

J’aimerais préciser aux participants, avant la première question, que nos débats sont enregistrés. Un
compte-rendu sera élaboré par la société Ubiqus, dont vous recevrez une copie.


De la salle

Je suis Président d’Environnement 92. Nous comptons environ 5 000 adhérents dans les Hauts-de-
Seine. Nous participons à toutes les concertations qui ont lieu dans le département, que leur
initiateur soit une commune ou l’Etat. Nous y retrouvons tous les aspects cités par les intervenants.

J’aimerais insister sur le fait que nous confinons, après quinze ans de développement, aux limites
congénitales de la concertation. Actuellement se déroulent des concertations sur deux chantiers
importants : celui des anciennes usines Renault et celui de Nanterre (1 000 000 et 600 000 mètres
carrés respectivement).

Dans un cas, nous retrouvons les caractéristiques d’une information et d’une concertation idéale.
Des commissions thématiques ont été constituées et les réunions plénières sont même parfois
présidées par un ancien ministre.

A Nanterre, nous assistons plutôt à une concertation dite « traditionnelle », c’est-à-dire que les
associations sont reçues séparément, ce qui les frustre énormément. Elles ont surtout l’impression
d’avoir beaucoup travaillé et qu’aucune de leurs propositions n’est finalement retenue.

S’agit-il, dans le cas de Boulogne-Billancourt, de créer une nouvelle ville de 20 000 habitants ? Les
associations ont le sentiment de ne pas pouvoir influencer le projet. A travers les schémas que vous
avez développés, vous n’avez pas évoqué l’intérêt économique à court terme des choix et l’intérêt
général de la population. La confrontation de ces deux intérêts est inégale. Madame Chardonnet a
insisté sur la communication.

L’Etat retient des conventions qui ne rendent pas obligatoires les consultations. A propos d’un
aéroport, les associations doivent payer elles-mêmes des études pour mesurer les nuisances
aériennes et les influences de la pollution de l’air sur la santé. Malgré le nombre de textes législatifs,
la concertation ne se déroule pas dans des conditions satisfaisantes et sereines.

Le maillon faible du dispositif de la concertation se situe au niveau de la communication. Les
solutions alternatives discutées par les commissions n’arrivent pas jusqu’à la population. Si elles
étaient publiées dans toutes les revues financées par les impôts (celles de la Ville ou de la Région),
                                        Paris, le 9 octobre 2003                                       17
                                         ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


nous serions plus efficaces. Le milieu associatif ne représente qu’une partie de la société civile et il
est pourtant déjà porteur de projets intelligents.


Claude CHARDONNET

Les moyens offerts aux différents partenaires sont inégaux. Vous suggérez d’en offrir davantage à
ceux qui en ont le moins pour qu’ils défendent mieux leurs arguments. Les cahiers d’acteurs
instaurés par la CNDP, permettent de mettre en avant les solutions alternatives aussi bien que le
projet du maître d’ouvrage. Mais votre demande semble aller au-delà : vous désirez une équivalence
de traitement pour les différents points de vue.


Philippe MARZOLF

Peut-être s’agit-il également d’un manque d’implication du citoyen de base. Il se sent représenté par
ses élus et par les associations. Ce phénomène est peut-être d’ailleurs spécifique à la région
parisienne. En province, la population est plus fortement mobilisée.

Les journaux municipaux ne sont pas toujours le canal idéal pour communiquer les informations,
compte tenu du délai de réalisation important et du fait qu’ils ne transmettent pas toutes les
informations qui seraient utiles.

Nous essayons de disposer de moyens d’information importants. Peut-être les citoyens ne
réagissent-ils pas, soit par individualisme, soit par sentiment de ne pas être écouté quoi qu’il arrive.


Claude BASSIN-CARLIER

Quel est votre sentiment sur le stress ?


Claude CHARDONNET

Cela fait partie, en effet, de nos constats. Je ne sais pas si celui-ci est partagé. A mon sens, ce stress
est généré par plusieurs sources.

Tout d’abord, les fonctionnaires, les ingénieurs et les cadres d’entreprise ont rarement été préparés à
s’exprimer dans des « arènes » publiques.

Par ailleurs, la posture du porteur de projet est inconfortable. Sa fonction est avant tout de défendre
une opinion, d’argumenter pour un projet, là est son mandat, et il sera compliqué pour lui d’adopter
une posture ouverte.

Il est difficile également de faire la part entre ce qui touche personnellement et ce qui touche
l’institution que l’on représente. La plupart du temps, les attaques ne sont pas dirigées contre les
personnes : ce sont les idées qui sont attaquées. Une fois que l’on a pris conscience de cela, la
discussion est possible.

Concernant les médias, je n’ai pas de solution à proposer. Ils sont principalement intéressés par les
débats qui tournent au pugilat, ce qui est à l’opposé de ce que nous recherchons. Je ne sais pas s’il
                                        Paris, le 9 octobre 2003                                       18
                                         ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


est utile que les médias couvrent en permanence un débat au niveau communal. En revanche, pour
les débats publics…


Philippe MARZOLF

Nous avons essayé de monter des partenariats avec les médias. Les médias sont tout d’abord
réticents au terme de partenariat car ils souhaitent préserver leur indépendance. Je partage le constat
de Claude Chardonnet : les médias couvrent l’événement à condition que les débats soient agités. A
mon sens, les médias ne remplissent pas leur rôle d’information. Nous n’avons pas de solution pour
l’instant.




                                       Paris, le 9 octobre 2003                                     19
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


            Les acquis de la concertation dans les domaines de
            l’aménagement urbain et de la politique de la ville

      Qualification des acteurs, réflexion sur les impacts globaux d’un projet,
               expression d’une "demande des habitants" argumentée




                                                    I

   Mobilisation locale et contre-expertise autour d’un projet
d’aménagement d’une ligne de tramway : l’atelier d’urbanisme
                      de l’Ile-Saint-Denis
                                       Christian COLLIN
                                         Architecte-conseil



I.    Introduction au contexte
Une longue bande de terre au milieu de la Seine, un peu au nord de la capitale… L’Île-Saint-
Denis, à la fois île et ville, est une rareté géographique. De ce territoire très particulier, urbain et
villageois, insulaire et ouvert sur ses environs, les Îlodionysiens tirent leur force et leur faiblesse.
Ce lieu plein de charme et de magie peut s’avérer fragile. Il mérite d’être préservé et parfois
même défendu contre des aménagements urbains et de voirie qui ne respecteraient pas son
identité.

C’est ce que fait l’Atelier public d’urbanisme et de déplacements en réunissant autour du projet
d’insertion du tramway des habitants, des experts et des élus. Depuis plus d’un an, cet atelier
réfléchit et propose des solutions techniques innovantes et adaptées à la géographie de la ville.
Portés par les habitants, ces projets respectent le patrimoine de la commune, prévoient des
espaces publics de qualité, et permettent aux différents modes de déplacements de cohabiter.

Concilier débats de techniciens et concertation de la population ne fut pas une chose simple. Il a
fallu tout le savoir-faire des experts sollicités par l’Apud et la volonté des élus pour que le
dialogue s’installe, qu’au cours de réunions des idées émergent, qu’elles soient étudiées,
débattues et défendues.

Les plans présentés par l’Apud prennent en compte les contraintes propres au tramway, les flux
de circulation et la requalification du centre ville attendu par les habitants. Tout un projet qui
projette l’Île-Saint-Denis au cœur de l’écologie urbaine…




                                       Paris, le 9 octobre 2003                                      20
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


L'atelier d'urbanisme de l'Ile-Saint-Denis a été créé à l'initiative de la municipalité dans un contexte
bien particulier : celui du projet de traversée de la commune par la ligne de tramway T1 qui doit
relier Saint-Denis à Colombes. En plus du tramway, de nombreux bus empruntent l'itinéraire
concerné par l'aménagement, et le flux de piétons doit passer de 35 000 à 80 000 personnes par jour.

Le projet initial, conçu par la DDE, prévoyait d'aménager deux voies de tramway en site propre et
deux voies pour la circulation automobile sur le tracé. Cette option nécessitait de détruire les deux
ponts "historiques" qui relient l'Ile-Saint-Denis à Saint-Denis d'une part, à Villeneuve-la-Garenne
d'autre part, pour les remplacer par deux ouvrages plus larges. Le projet prévoyait aussi d'élargir la
rue qui relie les deux ponts, l'artère principale du centre-ville de l'Ile-Saint-Denis, c'est-à-dire de
"reculer" les façades d'une partie des immeubles et bâtiments existants.

L'atelier d'urbanisme a été créé en réaction à ce projet jugé inacceptable pour la commune comme
pour les associations locales. Plus largement, il s'agissait aussi pour le maire de promouvoir une vie
associative très intense sur sa commune et une dynamique solidaire internationale. Si la concertation
est fille de la contestation, elle est aussi à mon sens fille de la vie associative.

Notre atelier n’est ni maître d’œuvre, ni maître d’ouvrage, ces derniers étant respectivement le
Conseil régional d’Ile-de-France et la RATP. La DDE est quant à elle en charge des travaux de voirie.
Son objectif initial était bien de produire une "contre-expertise citoyenne", de dépasser la simple
opposition au projet de la DDE en proposant un projet alternatif crédible, issu de la réflexion
collective des participants.


II.   Synthèse des travaux de l’atelier
Au cours de cet atelier, nous avons appliqué une dynamique d’écologie et d’ingénierie très
innovante. Nous avons tenu compte des contraintes globales. Nous avons prévu une offre de
déplacement compatible avec les capacités des sites actuels. Pour la première fois en Ile-de-France,
les automobiles et les tramways partagerons un même espace de voirie. Nous avons ainsi décidé
d’installer des ronds-points percés en leur centre pour permettre au tramway de les traverser. Afin
que la circulation automobile n’entrave pas l’avancée du tramway, nous avons fait en sorte de
fluidifier le trafic.

Un aperçu général des propositions de l'atelier est visible sur le schéma suivant (ci-contre) :




                                       Paris, le 9 octobre 2003                                      21
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


Schéma fichier Powerpoint (Diapo 1)




      Paris, le 9 octobre 2003         22
       ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE




1. Aménagement de la rue Méchin

La rue Méchin, située dans le centre historique, était originellement un lieu partagé entre les
différents moyens de transport. La vie locale l’emportait sur le transit. Actuellement, cette rue
comporte trois voies de circulation.

Pour préparer la concertation, nous avons effectué des photomontages qui montrent l’aspect futur
de la rue, plus explicites que des plans sur Autocad. Nous souhaitons profiter du projet pour
réaménager la voirie et créer un véritable espace public. Ainsi, au lieu d’être un élément nuisant à
l’environnement, le passage du tramway permet de le requalifier. Il ne s’agit pas de faire traverser
l’île par un tramway à grande vitesse.

Maintenir trois voies de circulation nécessite de partager une voie entre les voitures et le tramway.
Les voitures y circuleront toujours derrière le tramway. Nous nous sommes inspirés d’un
aménagement déjà existant à Nantes, à la suite d'une visite organisée pour les participants à l'atelier.


2. Aménagement de la station

La station est au centre de la voirie. Dans le projet initial, les quatre voies de circulation laissaient un
trottoir d’un mètre de large aux piétons. Vous pouvez voir sur cette photographie une station à
quatre voies à Nantes (voir la photographie ci-contre). Elle est située dans un quartier difficile.
Depuis que les voitures circulent derrière les tramways, les courses de voitures ont eu tendance à
disparaître. L'atelier d'urbanisme propose une voirie totalement partagée entre les voitures et le
tramway à l’intérieur de la station. Grâce à cet aménagement, le trottoir mesure 1,80 mètre de large.

A chaque carrefour, nous avons prévu des dispositifs qui permettent de « stocker » les voitures
pour que le tramway ne soit jamais bloqué. Il faut par ailleurs que le tramway arrive à la station en
ligne droite.


3. Aménagement des ponts

La DDE suggérait de refaire les ponts. Nous avions réussi à obtenir le maintien de l’alignement des
ponts avec la rue qui traversait l’île. Casser les ponts aurait eu un impact sur notre patrimoine.

Chaque petit aménagement est relié à des enjeux globaux dans notre contre-proposition. Le simple
fait d’inclure une bordure de trottoir peut modifier les comportements. Nous avons évalué les
différents aménagements selon divers critères (sécurité, fluidité, qualité, économie). Nous avons
décidé que les piétons seraient prioritaires, devant les cyclistes, les transports en commun et enfin
les automobiles. Le passage du tramway provoque automatiquement le passage des feux des voies
perpendiculaires au rouge.




                                        Paris, le 9 octobre 2003                                         23
                                         ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


Photographie fichier Powerpoint (Diapo 2)




         Paris, le 9 octobre 2003           24
          ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE




4. Construction de ronds-points

Notre projet a nécessité quelques innovations, comme il en existe à Nantes. Par exemple, nous avons
inversé la priorité aux ronds-points, c’est-à-dire que les voitures sortant du rond-point sont
prioritaires sur celles qui y entrent. Cette solution permet de fluidifier le trafic car elle évite qu’une
voiture ne soit bloquée sur le carrefour et n’empêche d’autres véhicules d’y entrer. Selon les
simulations dynamiques que nous avons effectuées, c’était la seule solution viable. De plus, cet
aménagement dévie les trajectoires des voitures et limite leur vitesse. Le comportement des
conducteurs est ainsi rendu plus respectueux.


5. Aménagement des axes adjacents

Il fallait pour que notre système fonctionne, que le tramway ne soit pas bloqué au carrefour par une
file de voitures. Nous avons dû réfléchir à un réaménagement de l’axe perpendiculaire à la voie du
tramway. Grâce à un passage sous le pont, les piétons peuvent traverser le carrefour sans difficulté.

La configuration de la voirie en deux fois deux voies en ville n’est pas optimale. Nous observons un
phénomène de compétition entre les voitures, il peut être difficile de tourner à gauche ou à droite,
etc. Le nombre d’accident était très élevé sur cet axe. Nous passons de deux fois deux voies à deux
fois une voie pour les véhicules automobiles, pour un débit presque identique. Cela nous a permis de
prévoir l'installation d'une voie pour les cyclistes.


III. Canaliser les usages
Une importance toute particulière a été accordée aux usages de l'espace public dans les débats de
l'atelier. La "mémoire d'usage" est un élément à prendre en considération dans tout aménagement,
c'est même une base pour la concertation. Ainsi, les habitudes de circulation des piétons sont à
étudier peuvent circuler librement car ils sont considérés comme prioritaires.

Dans une configuration où la voirie est partagée, il convient d'envisager un aménagement spécifique
des carrefours. Les carrefours que nous avons envisagé sont constitués d’un double rond-point percé
en centre. Il s’agit d’un carrefour dit « à l’indonésienne » : les voitures ne font pas le tour du
rond-point.


Claude BASSIN-CARLIER

Outre les aspects techniques de la circulation, vous avez évoqué un voyage à Nantes. Comment
avez-vous tenu compte des orientations suggérées au cours de l’atelier ?


Christian COLLIN

Nous ne nous posons même plus la question. Nous avons demandé qu’un local soit installé dans la
rue pour que l’on ne base pas notre réflexion simplement sur les paroles des usagers mais également
sur leurs pratiques. Par exemple, il est interdit de tourner à gauche et les voitures le font, en tournant

                                        Paris, le 9 octobre 2003                                       25
                                         ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


précisément « à l’indonésienne ». En mettant en place ces aménagements, nous avons en fait canalisé
les usages existants. Les plans ont l’air complexes mais le système fonctionne très bien.


IV. La valeur du patrimoine
Nous avons constaté que nos administrés étaient très fortement attachés aux deux ponts,
témoignages de l'architecture du XIXème siècle. Nous ne confrontons pas un projet aux usagers mais
nous suivons l'avis des associations, des habitants mobilisés au sein de l'atelier d'urbanisme et des
acteurs du domaine de l’environnement. La DDE voulait démolir le pont car il était construit en
fonte. Nous avons nommé un expert et finalement il a été décidé de ne pas le démolir. Pour l’élargir,
la DDE a avancé la raison qu’il n’y avait pas assez de place pour les gros gabarits et qu’il fallait
pouvoir stocker les voitures. Nous avons fait tomber les arguments de la DDE en montrant,
simulations dynamiques à l’appui, que notre schéma était le plus fonctionnel.

Nous avons fait éditer des cartes postales, que nous avons proposées à la signature de tous les
habitants de l'Ile-Saint-Denis. Nous avons par exemple réalisé un photomontage avec la légende
suivante : "Voulez-vous sauver le pont ?". Nous avons recueilli plus de 2 000 signatures.
Finalement, le pont comportera toujours trois voies, dont une partagée.

Ce pont était également un lieu à vivre. Nous souhaiterions retrouver cette convivialité du lieu, ce
sens de la "communauté urbaine" en fouillant dans la mémoire collective. Nous avons installé un
dispositif d’éclairage du pont pour le valoriser (voir la photographie ci-contre). Il nous a été
proposé de réaliser des encorbellements, mais les participants à l'atelier d'urbanisme ont rejeté la
proposition, car cela qui aurait enlaidi l'ouvrage. Nous avons l’impression que la nature d'un lieu,
"l'ambiance urbaine" créée par les aménagements et la configuration d'un espace public ont une
influence sur les comportements des personnes qui le traversent où l'"habitent" un moment. Nous
avons ainsi organisé une fête pour l’inauguration de l’éclairage du pont. Certains habitants ont dansé
des rondes, comme autrefois. Le pont est désormais éclairé tous les soirs, de 20 heures 30 à minuit.

La mobilisation suscitée par le projet d'aménagement de la ligne du tramway et le succès de l'atelier
d'urbanisme montrent à mon avis qu'il existe un lien entre la solidarité des personnes et le potentiel
des territoires.




                                      Paris, le 9 octobre 2003                                     26
                                       ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


Photographie fichier Powerpoint (Diapo 3)




         Paris, le 9 octobre 2003           27
          ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE



                                                   II
  Concertation et co-élaboration dans le cadre d’un contrat de
ville (2000-2006) et d’une opération de renouvellement urbain :
      l’exemple du Blanc-Mesnil et des Ateliers de l’Avenir
                                    Patrick NORYNBERG
                          DGA/ Chef de projet du contrat de ville/ ORU



I.    Description du Blanc-Mesnil
Le Blanc-Mesnil compte un peu moins de 50 000 habitants. Depuis 2000, l’ensemble de la ville est
concerné par un contrat de ville. Les quartiers nord, dont le grand ensemble des Tilleuls, face à
l’aéroport du Bourget, étaient régis par la politique de la ville depuis 1994. 15 000 habitants vivent
dans cette partie de la commune, qui compte près de 4 500 logements sociaux. Le quartier fait
aujourd’hui l’objet d’une opération de renouvellement urbain : une convention a été signée en
mars 2002. Nous allons signer prochainement une convention de gestion urbaine de proximité. La
politique de la ville s’est ainsi concentrée sur ce quartier. Nous avons utilisé ce levier pour
transformer ce territoire et travailler auprès de la population.


II. Observations sur les interventions précédentes
Avant de présenter notre outil, j’aimerais relier mon intervention à celle de mes prédécesseurs.
J’adhère à la présentation effectuée par la représentante de C&S Conseil. Nous parlons d’outils et
de pratiques, y compris sur la plaquette de la journée. La volonté politique est nécessaire pour
engager une large concertation avec les habitants mais les outils également. Il faut s’accorder le droit
à l’expérimentation. Il est nécessaire de disposer d’une démarche durable.


III. Intérêts de l’outil
1. Un outil modulable

L’outil que je vais vous présenter s’inscrit bien dans cette démarche. Il s’agit bien, non d’un outil
« gadget » que l’on pourrait utiliser pour une concertation ponctuelle, mais d’un outil facilement
personnalisable et réutilisable. Il peut être facilement reproduit dans un contexte professionnel ou
associatif.


2. Un outil interactif

Une autre interrogation essentielle porte sur la prise en compte des suggestions. L’outil que je
présente apporte des garanties fortes sur ce point. La parole des citoyens est non seulement


                                       Paris, le 9 octobre 2003                                      28
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


entendue mais exploitée. Il est rare qu’une restitution soit organisée vers les habitants pour dresser
le bilan des propositions retenues et de celles qui n’ont pu l’être, c’est le cas avec cet outil.

S’engager dans ce type de démarche implique naturellement d’instaurer un débat public durable avec
ses concitoyens. Les conflits ne doivent pas être soigneusement évités mais plutôt perçus comme
sources de richesse.


3. Un outil pédagogique

Travailler avec les habitants peut également être formateur pour le « citoyen de base ». Nous avons
travaillé sur un quartier dont le potentiel est élevé mais dont également les faiblesses sont
importantes. Le niveau de qualification est très faible dans ce quartier et le taux de chômage, très
important. Nous devons prendre en compte les difficultés des habitants du territoire enquêté.

Une circulaire de Lionel Jospin sur les contrats de ville préconisait de concerter les habitants en
amont des projets qui les concernent. Dès octobre 1999, nous avons engagé un cycle de
coélaboration pour un projet qui a été finalement signé en novembre 2002 et pour l’ORU en mars
2002.

L’esprit de l’Atelier de l’Avenir est d’accroître la capacité d’intervention des citoyens. Il s’agit en
quelque sorte de les former à la prise de parole en public et à prendre part au débat public. Par
ailleurs, ce dispositif accroît la capacité de chacun des acteurs. La mobilisation des acteurs du
territoire concerné est essentielle pour engager une démarche de concertation approfondie. Il faut
sensibiliser, et même former les professionnels à ce type de démarche.


IV. Méthodologie de travail
L’Atelier de l’Avenir consiste, à partir d’un diagnostic commun, à construire un projet ensemble.
Cet outil, conçu par des psychosociologues allemands, a été utilisé précédemment aux Pays-Bas et
en Allemagne. A partir d’une description des causes du mal-être, cette technique consiste à créer une
utopie créative pour finalement déboucher sur des projets concrets. Il n’est pas possible de travailler
sans avoir cerné les problèmes du territoire. Cette démarche laisse une place centrale aux habitants :
il s’agit de chercher avec eux des solutions à leurs problèmes. Les solutions seront d’autant plus
intéressantes et acceptées des habitants qu’elles correspondront à leurs préoccupations réelles. Dans
le cas présent, les projets issus de cette concertation ont été inscrits dans le contrat de ville 2000-
2006.


1. Les différentes phases

A l’issue la première phase, dite « de colère » (description des problèmes), les participants sont
autorisés à imaginer des solutions sans aucune contrainte physique ou financière. Enfin, les habitants
ont l’occasion de rêver à leur quartier idéal. Au cours de la troisième et dernière phase, dite « de
construction », les projets sont élaborés. Cette dernière phase n’est possible que si les deux
premières phases se sont correctement déroulées.



                                       Paris, le 9 octobre 2003                                     29
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


Il est souvent reproché aux habitants de se plaindre de la crotte de chien ou du trou dans le trottoir
devant leur porte. Toutefois, ces éléments peuvent servir de base à la réflexion et à l’élaboration de
projets structurés.


2. Le recours systématique à l’écrit

Les ateliers et les groupes de travail font l’objet d’un compte-rendu complet. Les ateliers démarrent
par deux jours de travail consécutifs (généralement, une soirée suivie d’une journée entière). Il existe
des techniques particulières pour réunir le maximum de personnes ; je vous en livrerai
quelques-unes.


3. Une démarche durable

L’organisation d’un Atelier de l’Avenir implique de s’engager dans une démarche exhaustive et
durable. Toutes les paroles prononcées seront consignées. L’expression écrite est facilitée, ce qui
nécessite une attention particulière dans les quartiers difficiles.

A l’issue des trois phases, se constituent des groupes de travail. Ils se réunissent en fin de week-end
et sont constitués pour la durée de préparation du projet.


4. Une dynamique mobilisatrice

Le compte-rendu complet est une trace utile pour mesurer le chemin parcouru. Il se présente sous
forme d’un livret illustré de photographies, qui sont souvent plus évocatrices que des discours. Ce
livret peut être utilisé pour créer un effet de « boule de neige ». Le nombre d’habitants présents
(nous étions 80 au Blanc-Mesnil), n’est pas nécessairement représentatif du nombre d’habitants
total du quartier. Le livret peut être un moyen de parler de l’expérience enrichissante que l’on a
vécue au cours de l’atelier et de sensibiliser de nouvelles personnes. Les 80 personnes du premier
atelier peuvent alors devenir 150 en quelques semaines.


V.    Pratique de l’outil
1. L’organisation préalable

Un Atelier de l’Avenir peut se réaliser avec 20 ou 100 personnes (au-delà, cela devient compliqué).
Plusieurs conditions doivent être réunies pour que la mobilisation soit importante. Il faut organiser
des réunions de sensibilisation et de préparation, y compris avec les services municipaux. Nous
avons réuni au sein d’un collectif l’ensemble des chefs de services de la Ville du Blanc-Mesnil, ainsi
que des partenaires extérieurs. Nous avons diffusé une invitation, dont les termes ont été choisis par
les professionnels et par les premiers habitants mobilisés.

Il existe toujours sur un territoire une quantité d’acteurs potentiels (les gardiens d’immeubles, les
éducateurs, les puéricultrices, etc.), qui sont en contact quotidien avec les habitants. Ils sont
« utilisés » comme relais pour mobiliser en vue de la première réunion de l’atelier.


                                       Paris, le 9 octobre 2003                                      30
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


Nous créons également les conditions pour que le maximum de personnes puisse venir. Une
objection fréquente est que les horaires de réunion ne correspondent pas aux horaires de
disponibilité. Une solution peut être apportée simplement en prévoyant une pièce pour que les
enfants puissent jouer pendant que leurs parents participent à l’atelier. Les horaires et les jours de
réunion sont décidés collectivement, ce qui permet également de prendre en considération les
contraintes des habitants. Ceux-ci sont reconnaissants lorsque ces précautions sont observées.


2. La phase de critique

La question de l’Atelier de l’Avenir peut être, par exemple : « Que faire ensemble pour mieux vivre
dans le quartier ? » Dans un premier temps, nous distribuons des post-it aux participants. La
réunion commence ainsi par une sorte de brainstorming, tout en observant quelques règles
élémentaires parmi lesquelles :

•   toute idée est bonne ;
•   il est autorisé de s’inspirer de l’idée de son voisin ;
•   il faut respecter son voisin ;
•   on ne doit nommer personne...

Nous demandons aux habitants d’exprimer les problèmes qu’ils rencontrent, puis nous ramassons
tous les post-it et nous les lisons en nous assurant que l’anonymat de leurs auteurs soit respecté.
Ensuite, les participants eux-mêmes trient les post-it sous différents thèmes. En trois quarts
d’heure, nous avons récupéré près de 300 post-it portant sur des thèmes divers, tels
l’environnement et la propreté, les lieux pour les jeunes, la sécurité routière, etc.

Voici quelques exemples de post-it que nous pouvons retrouver sur le thème de la propreté et de
l’environnement :

•   « Les espaces verts : pas de respect. »
•   « Il n’y a pas de jardin, c’est une cité. »
•   « Les cités ne sont pas entretenues. »
•   « Il n’y a pas assez d’espaces verts. »
•   « Le quartier est trop moche. »

Pour chacun des thèmes, des groupes sont constitués, qui ont la charge de synthétiser les
observations. Sur le thème de l’environnement et de la propreté, la phrase obtenue était :

« Cités dégradées, abondance de crottes, ordures, boîtes aux lettres fracturées, manque d’espaces
verts, manque de gaîté, les gens s’enferment chez eux… »


3. La phase d’utopie créative

Nous procédons selon le même mode opératoire mais à partir d’une série de post-it positifs. Les
phrases synthétiques de la phase négative sont ensuite reprises et rendues sous un tour positif.
Nous obtenons ainsi, toujours sur le thème de l’environnement et de la propreté :



                                         Paris, le 9 octobre 2003                                  31
                                          ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


« Vivre dans un air non pollué, profiter enfin de tous les espaces, prendre son courrier dans une
boîte aux lettres en bon état… »

Les post-it de la phase positive sont regroupés suivant les mêmes thèmes. Des propositions
élémentaires commencent alors à apparaître.

Cette façon de procéder peut paraître anecdotique mais permet réellement de révéler les
préoccupations des habitants du quartier et conditionne fortement la troisième phase.


4. L’élaboration d’un projet collectif

Nous aimerions tous que nos intérêts individuels soient pris en compte dans l’intérêt collectif – je
préfère cette notion à celle « d’intérêt général ». Le processus consiste à dépasser le stade de la
complainte individuelle pour entrer dans une dynamique collective.

Au cours de la troisième phase, nous donnons des repères de la démarche du projet. Nous
expliquons aux différents groupes les objectifs et examinons quels sont les acteurs qui pourraient
être impliqués, ainsi que la nature des obstacles éventuels à lever.


5. La réalisation du projet

A l’issue de ce premier week-end, nous avons deux groupes de travail : le premier s’est intéressé au
thème de l’environnement et de la propreté et le second a travaillé à un projet d’espace collectif,
partant du constat de l’absence d’équipement public dans le quartier. Ce dernier projet est
aujourd’hui validé par la municipalité et le financement est assuré. Le premier coup de pioche est
prévu pour 2004.

Il aura fallu attendre cinq ans entre la conception et la réalisation du projet, ce qui peut paraître long.
Le temps d’attente peut être celui du découragement mais aussi celui de l’apprentissage. Nous avons
travaillé avec les habitants tout au long du processus. Nous étions il est vrai très ambitieux car nous
avons commencé très tôt dans la construction du projet. Nous avons sollicité les habitants lors de la
recherche des moyens de financement, de la conception des locaux avec les architectes, les
programmistes, etc.

Je parle plus largement de cette démarche dans un livre qui s’intitule : Faire la ville autrement ; la
démocratie et la parole des habitants*. Il retrace cette expérience, qui n’est pas la seule que nous
ayons mise en œuvre dans cet esprit de co-élaboration avec les habitants.




*
    Collection "Acteurs sociaux" – Editions Yves Michel, Barret-sur-Méouge, 2001, 140 pages.   04.92.65.52.24
                                             Paris, le 9 octobre 2003                                           32
                                              ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE



                                                Débat

Marc COLMOU, Ministère de l’agriculture

J’ai quinze ans d’expérience en vie associative dans le domaine de l’environnement et de la
démocratie locale participative. Deux lacunes semblent apparaître dans les exposés que nous avons
entendus.

Les agents de développement territorial et ceux dépendant de municipalités ou de communautés
d’agglomération n’ont pas été formés aux techniques d’animation. Cela fait l’objet de discussions,
notamment au sein de la DATAR et de la Direction générale des collectivités locales (DGCL,
Ministère de l'Intérieur). L’agent de développement n’est pas uniquement un technicien mais c’est
également un animateur du projet. Il doit intervenir, non pas de façon défensive, mais susciter
l’élaboration de projets « ascendants », en s’appuyant sur l’avis de la population.

Les agents chargés de mettre en œuvre la démocratie participative consomment des fonds publics.
Les élus n’ont pas forcément la possibilité de consacrer beaucoup de temps et de moyens à une
concertation. Une évaluation leur est nécessaire. Le but réel d’une concertation est-il de fluidifier le
trafic ou de limiter les votes du Front national ? Quels sont les critères d’évaluation d’une initiative
de démocratie participative ?


Christian COLLIN

Je ne saurais répondre concernant les critères d’évaluation. En revanche, il me semble essentiel
d’inverser la dynamique d’élaboration du projet. Il s’agit de tenir compte de la mémoire des lieux et
de la mémoire de l’usage, liée elle-même à l’environnement. Etant donné que l’homme est lié à son
environnement, lorsqu’on nuit au second, le premier souffre également. Cette dualité prolonge les
solidarités déjà mises en place. Il faut tenir compte des éléments écologiques et de la capacité des
sites. Il faut également bâtir sur l’existant. Sans la vie associative, j’ignore ce que nous serions
aujourd’hui. Lors de l’élaboration d’un projet, il ne s’agit plus tellement de défendre son point de
vue. Le but de mon exposé était de montrer comment nous pouvions entrer dans le vingt-et-unième
siècle tout en valorisant notre patrimoine. Le chemin est plus important que l’objectif. Si les acteurs
sont séduits par un projet se produit un phénomène de boule de neige. A travers ce courant de
sympathie, nous arrivons à trouver des alliés dans des instances que l’on aurait pu croire trop
centralisées et inflexibles. A mon sens, il est impossible de s’affranchir de l’histoire et du patrimoine
des territoires pour établir un projet. L’information n’est accessible qu’au moyen de l’immersion, et
certainement pas en voulant faire passer un projet en force.


Patrick NORYNBERG

La formation est un aspect essentiel de la préparation de la concertation. J’ai été conduit à travailler
avec des collègues de diverses origines. Ils n’ont pas nécessairement été sensibilisés ou formés à ce
type de démarche. Il s’agit véritablement d’un processus nouveau. Nous sommes poussés dans une
dynamique de l’échange, qui rend cette évolution incontournable. En prenant le temps de l’échange,
il est possible de rassurer l’interlocuteur et d’éliminer le stress. Nous avons préparé l’action dont je
vous ai parlé pendant près de six mois avec les professionnels. Il fallait s’assurer d’une volonté
                                       Paris, le 9 octobre 2003                                       33
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


politique, condition sine qua non pour que le projet fonctionne. Si les élus n’ont pas envie
d’entendre des voix discordantes sur leur territoire, il est inutile d’engager la démarche. Certains élus
ne savent pas comment procéder autrement qu’en organisant des séances de questions-réponses.
Nous disposons aujourd’hui de méthodes plus efficaces. Il est nécessaire de former également les
habitants eux-mêmes, car il n’est pas facile de prendre la parole devant cent personnes !


Gérard DABIN, Maire-adjoint chargé du développement durable et des transports, Ville de
Pantin

J’aimerais que vous indiquiez très précisément les moyens dont vous disposez pour chacun des
deux projets que vous avez décrits. Au Blanc-Mesnil, le projet de couverture de l’autoroute A1
mobilise des moyens importants. D’autres projets d’une importance comparable existent
probablement. Les services municipaux ont-ils la capacité de se former et d’intervenir sur des
concertations secondaires ? De quels moyens, et en particulier financiers, disposez-vous ? Il me
semble que nous touchons là une limite de la concertation.


Patrick NORYNBERG

Dans le cas présent, nous avons précisé aux habitants que nous utiliserions les moyens de la
municipalité prévus pour la politique de la ville. Nous avons expliqué les modes de financement
possibles et le fonctionnement des finances publiques. Notre démarche a ainsi inclus une part
pédagogique. Les projets nés des ateliers se retrouvent aujourd’hui dans la programmation du
contrat de ville, soit au sein des dépenses de fonctionnement, soit en tant qu’investissements.

Notre démarche consiste à écouter les préoccupations des habitants, y compris hors du cadre des
Ateliers de l’Avenir. Nous entretenons une mémoire du travail des ateliers. Nous avons organisé une
restitution du premier atelier, en présence des élus. L’absence des élus pendant les deux premiers
jours a permis aux participants de s’exprimer sans retenue. Ce sont les habitants eux-mêmes qui ont
présenté leurs projets aux élus. Ces derniers ont été impressionnés par la qualité du travail accompli.
Afin de suivre le développement de ces divers projets, des Conseils de Ville et de Voisinage ont été
constitués. Ces instances, un peu équivalentes aux Conseils de quartier, ont été construites sur cette
base au Blanc-Mesnil. Encore aujourd’hui, les habitants rendent compte aux élus et aux techniciens.
Les différents participants évoquent ensuite de nouveaux projets et les financements
correspondants.

Vous avez fait allusion à la couverture de l’autoroute A1, qui fait l’objet d’une mobilisation des
habitants depuis vingt ans. Les travaux sont en cours actuellement. L’architecte urbaniste a été mis à
la disposition des habitants pour travailler au projet de couverture de l’autoroute. Les habitants se
sont regroupés dans une coordination des habitants de l’autoroute et ont monté un projet. La DDE
en a tenu compte pour établir son projet définitif.

Bien entendu, tous les projets ne sont pas voués au succès. Des groupes de travail de nos Ateliers
de l’Avenir ont été abandonnés, faute de participants.

En conclusion, co-élaborer des projets permet aussi de réfléchir au financement de ceux-ci. Certaines
municipalités ont constitué des budgets participatifs, qui permettent de monter des projets avec les
citoyens et de les financer plus facilement avec le budget communal.
                                       Paris, le 9 octobre 2003                                       34
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE




Christian COLLIN

Pour notre part, notre atelier était financé pour un an sur les moyens du projet de prolongement du
tramway. La Ville ne disposait pas de moyens propres suffisants pour prendre à sa charge un projet
d’intérêt général.

Observons qu’un petit projet comme celui-ci a permis d’aboutir à des solutions innovantes, qui
pourront être réutilisées ailleurs en Ile-de-France. Les dépenses engagées sont pleinement justifiées.
Il ne s’agit pas de contenter des contestataires mais de faire profiter l’ensemble de la communauté
d’une expérience acquise.

Il ne faut pas hésiter à financer des contre-expertises. Nul ne pensait que nous pourrions arriver à un
tel résultat. Sans une mobilisation de l’ensemble des acteurs et un travail en osmose, l’on n’aboutit à
rien.




                                       Paris, le 9 octobre 2003                                     35
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


     Concertation et réflexion prospective sur le développement
                       durable d’un territoire

 Intérêt général et générations futures, réflexion " systémique ", implication dans
                           une stratégie de long terme




                                                     I
 La concertation à l’échelle d’une agglomération : le rôle d’un
     conseil de développement dans l’élaboration du projet
        d’agglomération et d’une démarche Agenda 21
                                           Gabriel VITRE
       Animateur du conseil de développement de la Communauté urbaine de Nantes



I.    Commentaires sur les interventions précédentes
J’aimerais tout d’abord réagir à l’intervention de Madame Chardonnet. Il est souvent question d’une
confrontation de l’intérêt général, porté par les décideurs, et de l’intérêt particulier, porté par les
habitants. La question est en fait plus complexe. Par exemple, il existe des conflits d’intérêts
généraux. Certains riverains se positionnent parfois en défenseurs de leur environnement, par
exemple. L’intérêt général est une notion difficile à identifier. Vu par l’Etat ou les riverains, l’intérêt
prend un tour différent.

Ma deuxième réaction concerne l’intervention de Monsieur Marzolf. Nous avons connu un exemple
de débat très bien conduit à propos du projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes. Les
associations ont considérablement enrichi le débat en obligeant les porteurs du projet à mener à bien
des études complémentaires.


II. Historique du conseil de développement de la communauté urbaine de
    Nantes

1. La naissance d’une assemblée représentative de la société civile

L’expérience nantaise remonte à 1996, soit avant la Loi Voynet. Jean-Marc Ayraud, le maire de
Nantes, avait introduit dans son programme électoral l’idée d’une assemblée représentant la société
civile au niveau intercommunal.

Nous n’avions aucune expérience dans ce domaine et nous avons donc procédé de façon assez
instinctive. Nous avons essayé de représenter tous les principaux secteurs de la vie associative au

                                        Paris, le 9 octobre 2003                                        36
                                         ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


sein d’une assemblée de 70 personnes. Nous avons octroyé des moyens propres à cette assemblée
et lui avons confié la préparation du Projet de l'agglomération à l'horizon 2005.

Certains élus étaient méfiants par rapport à cette assemblée : du fait qu’aucun d’entre eux n’y
siégeait, ils craignaient qu’elle n’exerce une forme de contre-pouvoir. Jean-Marc Ayrault a choisi,
pour diriger cette assemblée, Jean-Joseph Régent, qui a notamment dirigé la Chambre de commerce,
le Port et un groupe spécialisé dans l'environnement, et qui avait même failli être candidat contre lui
aux élections municipales. En choisissant cette personne pour présider cette assemblée, Jean-Marc
Ayrault ne pouvait pas être suspecté de vouloir la piloter à distance.

Cette assemblée a fonctionné. Une esquisse du projet d’agglomération lui a été soumise et a suscité
une participation très active. Le Président avait sensibilisé les membres de l’assemblée, lors de la
première session, sur la nécessité d’être productifs pour que l’instance puisse perdurer. Des
contributions écrites individuelles ont été remises aux élus. Ces derniers ont pu constater que la
motivation était plus importante que prévu (n’oublions pas que les membres de l’assemblée étaient
bénévoles).


2. La transformation en conseil de développement

Devant le succès de l’expérience, l’assemblée a été installée de manière permanente a été saisie de
différents sujets (plan de déplacements urbains, aire métropolitaine Nantes-Saint-Nazaire,
agriculture périurbaine), jusqu’à l’arrivée de la Loi Voynet. Constatant que cette assemblée
remplissait le rôle d’un conseil de développement, nous l’avons rebaptisée conseil de
développement le 1er janvier 2001. Le nombre de ses membres est passé de 70 à une centaine, afin
de couvrir plus largement le spectre de la vie associative de l’agglomération nantaise. Le conseil de
développement peut aujourd’hui se saisir lui-même de dossiers.


III. Fonctionnement du conseil de développement
1. Moyens

Les moyens sont assez restreints. Le fonctionnement ordinaire du conseil de développement coûte
aujourd’hui 500 000 francs par an à la Communauté urbaine et les locaux, à peu près autant. Le coût
est modeste au regard de la taille de la Communauté urbaine. Ces moyens permettent à l’assemblée
de fonctionner de manière autonome par rapport à la Communauté urbaine. Elle peut s’appuyer sur
des structures existantes, comme l’agence d'urbanisme.


2. Participants

Le conseil de développement implique largement plus d’une centaine de personnes : en effet, les
représentations ne sont pas nominatives et chaque association membre peut dépêcher les personnes
qu’elle souhaite. Ainsi, ce sont près de 250 personnes qui sont concernées de façon plus ou moins
directe par les travaux de l’assemblée. Plus une association envoie de personnes différentes au sein
du conseil, plus la diffusion de l’information sera efficace.



                                       Paris, le 9 octobre 2003                                     37
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


3. Influence

Les élus tiennent-ils seulement compte des propositions du conseil ? Il est possible de répondre à
cette question de deux façons. Tout d’abord, l’on peut examiner la proportion des propositions du
conseil de développement reprises par la Communauté urbaine. La seconde manière est de mesurer
l'influence du conseil à plus long terme. Une anecdote est révélatrice : en étudiant les professions de
foi des candidats aux dernières élections municipales, on a retrouvé des textes entiers rédigés par le
conseil de développement, chez des candidats de gauche comme de droite, dans l’ensemble de la
Communauté urbaine.

Le conseil de développement a également prouvé son influence lorsque le district nantais a dû choisir
entre le statut de Communauté d’agglomération et de celui de Communauté urbaine. Alors que les
communes raisonnaient de manière traditionnelle, et que leur débat était fortement teinté d’identité
communale, les membres du conseil sont allés au-delà de cette problématique. Il était évident pour
eux qu’il fallait que l’on opte pour le statut de Communauté urbaine. Nantes avait la vocation de
jouer dans la même cour que les sept ou huit autres grandes villes françaises et pas dans celle des
Communautés d’agglomération. La vraie question était la nature du projet de Communauté urbaine
et ses implications, pour Nantes comme pour Saint-Nazaire. La personnalité du Président a
peut-être joué un rôle mais toujours est-il que la nature du débat entre les communes a évolué.


IV. Les enjeux
1. Mobiliser

Bien entendu, il existe des écueils. Il est difficile de mobiliser des bénévoles sur la durée, en ne leur
proposant d’autre reconnaissance qu’intellectuelle, alors que les membres du CESR touchent un
jeton de présence de 1 500 francs par réunion. Il faut donc trouver des modes de reconnaissance du
travail de cette institution. Il est utile de lui permettre de recourir à des experts extérieurs, de
dispenser des formations, d’organiser des séminaires, etc. Il faut également que les élus interagissent
avec le conseil de développement. Des réunions communes doivent être organisées.


2. Offrir un lieu d’échange

En dépit du constat de désaffection pour la politique, il est indéniable que certains citoyens
demandent toujours plus de participation. L’offre démocratique date du dix-neuvième siècle
(communes, départements, Etat) tandis que la prise de décision intervient dans des instances
beaucoup plus modernes (intercommunalité, région, Europe). Le pouvoir du maire est contraint au
sein d’une intercommunalité, laquelle échappe au suffrage universel direct. Dans le même ordre
d’idée, la moitié des lois françaises est la transposition de lois européennes.


3. Modifier les processus décisionnels

La culture de la décision doit nécessairement changer. Une décision prise par trois ou quatre
personnes ne fonctionne plus nécessairement. La demande d’échange est de plus en plus forte, que
ce soit pour la construction d’un aéroport ou celle d’un simple rond-point. Le climat est de plus en
plus tendu : les défenseurs des projets paraissent de plus en plus suspects aux yeux des opposants,
qui sont parfois même mieux formés. Le couple traditionnel maire-technicien, qui détenait autrefois
                                       Paris, le 9 octobre 2003                                       38
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


le pouvoir de décision, est aujourd’hui confronté à la société civile. A travers cette situation, ce sont
deux modes de fonctionnement qui s’opposent : celui du couple traditionnel et celui de la démocratie
participative.

La relation entre la société civile et les élus n’est pas nécessairement la plus difficile. Les techniciens
ne se présentent jamais devant les électeurs et pourtant leur pouvoir n’est pas négligeable,
notamment au sein des structures intercommunales. Les élus sont plus sensibles à l’avis de leurs
électeurs que les techniciens.


4. Coordonner les conseils de développement

Nous avons essayé de constituer un réseau national des conseils de développement. Nous avons
organisé trois rencontres (à Nantes, l’an dernier, à Nancy, en juin, et à Grenoble, en janvier). Nous
avons constaté que les modes de fonctionnement des conseils de développement sont très variables
d’une Communauté à l’autre. Les structures sont plus ou moins encadrées. Le fonctionnement des
conseils de développement est le produit de l’histoire et de la culture locales. La loi Voynet présente
l’avantage de laisser une très grande liberté de manœuvre dans la constitution et le fonctionnement
des conseils de développement. Ces derniers deviendront ce que les participants voudront qu’ils
deviennent. L’inconnue majeure est le positionnement politique des conseils de développement. La
position du conseil de développement de Nantes n’est pas de s’autoproclamer comme un juge
politique mais plutôt de se présenter comme un porte-parole de la société civile. Les élus ont tout
intérêt à tirer profit des expériences des différents acteurs et peuvent appréhender plus facilement
les évolutions sociales.


V.    Exemples concrets de contributions
Les citoyens peuvent apporter des contributions tout à fait intéressantes. J’aimerais citer un
exemple dans le domaine de la gestion du temps. Cette problématique est devenue très importante
dans les grandes villes. Toute la réflexion est partie d’un simple constat de l’affluence très
importante à une certaine heure sur la ligne de tramway nantais qui dessert l’université. Un
professeur d’université a alors signalé que depuis trente ans, il s’est avéré impossible de décaler les
horaires des cours d’un quart d’heure. La gestion du temps se décline à travers de nombreux
aspects : faut-il par exemple prévoir deux fois deux voies ou deux fois trois voies sur le
périphérique, ou doubler un pont ? La gestion du temps est au moins aussi importante que le trajet
des lignes de tramway. Est-il raisonnable, par exemple, d’investir autant pour des bâtiments comme
les universités, qui sont vides six mois par an ? De tels investissements seraient-ils consentis pour
un autre secteur d’activité ?

Les membres du conseil construisent également des réseaux entre eux. Ils apportent leur savoir-faire,
indépendamment de leurs idées. Le mélange des expériences de personnes de domaines différents est
bénéfique, et tout particulièrement pour les élus. Le conseil de développement est une instance où le
débat est plus libre, notamment pour les experts invités. Les lieux de réel débat sont rares car chacun
se pose en défenseur de sa propre institution et surveille ses propos. Nous avons réalisé que les
experts peuvent livrer au sein du conseil de développement des idées qu’ils n’auraient pas osé
formaliser ailleurs.


                                        Paris, le 9 octobre 2003                                        39
                                         ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE


Je pense que cette instance est intéressante. Elle témoigne d’une réelle implication citoyenne. La
désaffection du politique est une réalité mais peut-être le comportement citoyen est-il plus devenu
civique que politique. Il faut organiser cette expression plutôt que de la laisser se manifester au cours
de confrontations brutales. Les conseils de développement sont à mon sens porteurs d’espoir en ce
sens. Cela dit, il existe toute une variété de possibilités en matière de démocratie participative.




                                       Paris, le 9 octobre 2003                                       40
                                        ARENE Ile-de-France
Les journées techniques de l’ARENE



   Impliquer les habitants dans l’élaboration d’un Agenda 21
     communal ; rôle et fonctionnement d’une instance de
 concertation ad hoc : le forum 21 et les ateliers thématiques de
                   Bessancourt (Val-d’Oise)
                                  Jean-Christophe POULET
                                        Maire de Bessancourt



I.    Présentation de Bessancourt
Bessancourt est une ville de 7 600 habitants, située entre Paris et Cergy. 60 % du territoire de la
commune n’est pas urbanisé. La plupart de la zone non urbanisée est agricole, et une partie est
polluée de façon quasi systématique par des métaux lourds à la suite d’épandages réalisés par la Ville
de Paris et des villes voisines. Il existe une centaine d’hectares urbanisables situés en zone non
polluée. La plus grande partie du site du centre de commandement des forces nucléaires de Taverny
est également située sur le territoire de la commune.

Bessancourt compte également l’une des plus vieilles sociétés de chasse d’Ile-de-France. Il existe
une forte polémique entre agriculteurs et écologistes à Bessancourt. En effet, les écologistes ont
dénoncé la pollution aux métaux lourds de façon parfois maladroite, ce qui a provoqué l’hostilité des
agriculteurs à leur égard. Ces mêmes agriculteurs se sont sentis abusés dans la mesure où ils ont
fourni les terrains nécessaires à l'épandage des boues. Dans ce contexte particulier, un maire vert a
été élu en 2001.

Il existe également à Bessancourt un quartier HLM qui représente 25 % de la population. Il s’agit
d’un quartier assez agité.


II. Les groupes citoyens
L'équipe municipale élue en 2001 est plutôt à dominante associative que politique. Nous avons
choisi de ne pas utiliser directement le concept d’Agenda 21, qui nous est apparu trop obscur pour
la population. Nous avions besoin de faire d’abord comprendre notre mode opératoire.

Pour mener la concertation sur l’Agenda 21, nous avons donc commencé par conduire des
concertations sur des petits projets. Nous organisions tout d’abord des réunions publiques pour
poser le problème puis nous constituions un groupe citoyen composé d’élus, d’habitants et d’agents
de la Ville.

Tout d’abord, nous avons travaillé sur la démolition d’un centre socio-culturel. Cela peut paraître
paradoxal si l’on ne sait pas que ce centre a été détruit et reconstruit à plusieurs reprises. Nous
avons décidé de réaliser un véritable audit dans le quartier où était situé le centre socio-culturel pour
savoir ce que nous allions installer à la place. Nous devions également décider de la construction
d’un autre lieu culturel sur la commune.


                                       Paris, le 9 octobre 2003                                       41
                                        ARENE Ile-de-France
 La concertation_outil
 La concertation_outil
 La concertation_outil
 La concertation_outil
 La concertation_outil
 La concertation_outil
 La concertation_outil
 La concertation_outil
 La concertation_outil
 La concertation_outil
 La concertation_outil
 La concertation_outil
 La concertation_outil
 La concertation_outil
 La concertation_outil

Contenu connexe

Similaire à La concertation_outil

Débat public : port Seine Ouest Metropole
Débat public : port Seine Ouest MetropoleDébat public : port Seine Ouest Metropole
Débat public : port Seine Ouest MetropoleFrédéric GASNIER
 
Observatoire de la ville
Observatoire de la villeObservatoire de la ville
Observatoire de la villesp281062
 
Lettre dinformation de_la commission du débat public n°3 - 30 Septembre 2014
Lettre dinformation de_la commission du débat public n°3 -  30 Septembre 2014Lettre dinformation de_la commission du débat public n°3 -  30 Septembre 2014
Lettre dinformation de_la commission du débat public n°3 - 30 Septembre 2014Frédéric GASNIER
 
Urbanisme et énergie
Urbanisme et énergie Urbanisme et énergie
Urbanisme et énergie Hala Sassane
 
Le financement des eco quartiers
Le financement des eco quartiersLe financement des eco quartiers
Le financement des eco quartiersAdequation
 
Les outils numériques de participation citoyenne
Les outils numériques de participation citoyenneLes outils numériques de participation citoyenne
Les outils numériques de participation citoyenneCap'Com
 
130409 cp commun réaction remise rapports ago
130409 cp commun réaction remise rapports ago130409 cp commun réaction remise rapports ago
130409 cp commun réaction remise rapports agoPGrosvalet
 
Pce ivry synthèse atelier mobilité et aménagement durables 18 février
Pce ivry   synthèse atelier mobilité et aménagement durables 18 févrierPce ivry   synthèse atelier mobilité et aménagement durables 18 février
Pce ivry synthèse atelier mobilité et aménagement durables 18 févrierAssociation Villes Internet
 
Rapport ACN France
Rapport ACN FranceRapport ACN France
Rapport ACN FranceMutadis
 
Jeru innovation
Jeru innovationJeru innovation
Jeru innovationFabMob
 
Solidarité et transition énergétique
Solidarité et transition énergétiqueSolidarité et transition énergétique
Solidarité et transition énergétiqueCap'Com
 
Les cahiers de la profession : Le renforcement des mesures de protection des ...
Les cahiers de la profession : Le renforcement des mesures de protection des ...Les cahiers de la profession : Le renforcement des mesures de protection des ...
Les cahiers de la profession : Le renforcement des mesures de protection des ...Groupe SFC, cabinet d'expertise comptable
 
Guide PLU durable
Guide PLU durableGuide PLU durable
Guide PLU durableRAREreseau
 
091123_AFD_clement guillaume.ppt
091123_AFD_clement guillaume.ppt091123_AFD_clement guillaume.ppt
091123_AFD_clement guillaume.pptIRRSK
 
2018.11.20 . v1.1. services numerique et elaboration du reglement
2018.11.20 . v1.1. services numerique et elaboration du reglement2018.11.20 . v1.1. services numerique et elaboration du reglement
2018.11.20 . v1.1. services numerique et elaboration du reglement3dd espace de concertation
 
La Politique Fédérale des agglomérations Unil
La Politique Fédérale des agglomérations UnilLa Politique Fédérale des agglomérations Unil
La Politique Fédérale des agglomérations UnilPierreyvesdelcourt
 
2018.12.14 - [CAS MATIS] services informationnels et elaboration du reglement
2018.12.14 - [CAS MATIS] services informationnels et elaboration du reglement2018.12.14 - [CAS MATIS] services informationnels et elaboration du reglement
2018.12.14 - [CAS MATIS] services informationnels et elaboration du reglement3dd espace de concertation
 
Design Public Local, la synthèse
Design Public Local, la synthèseDesign Public Local, la synthèse
Design Public Local, la synthèseStéphane VINCENT
 

Similaire à La concertation_outil (20)

Débat public : port Seine Ouest Metropole
Débat public : port Seine Ouest MetropoleDébat public : port Seine Ouest Metropole
Débat public : port Seine Ouest Metropole
 
Observatoire de la ville
Observatoire de la villeObservatoire de la ville
Observatoire de la ville
 
Lettre dinformation de_la commission du débat public n°3 - 30 Septembre 2014
Lettre dinformation de_la commission du débat public n°3 -  30 Septembre 2014Lettre dinformation de_la commission du débat public n°3 -  30 Septembre 2014
Lettre dinformation de_la commission du débat public n°3 - 30 Septembre 2014
 
Relocalisons
 Relocalisons Relocalisons
Relocalisons
 
Urbanisme et énergie
Urbanisme et énergie Urbanisme et énergie
Urbanisme et énergie
 
Le financement des eco quartiers
Le financement des eco quartiersLe financement des eco quartiers
Le financement des eco quartiers
 
Les outils numériques de participation citoyenne
Les outils numériques de participation citoyenneLes outils numériques de participation citoyenne
Les outils numériques de participation citoyenne
 
130409 cp commun réaction remise rapports ago
130409 cp commun réaction remise rapports ago130409 cp commun réaction remise rapports ago
130409 cp commun réaction remise rapports ago
 
Pce ivry synthèse atelier mobilité et aménagement durables 18 février
Pce ivry   synthèse atelier mobilité et aménagement durables 18 févrierPce ivry   synthèse atelier mobilité et aménagement durables 18 février
Pce ivry synthèse atelier mobilité et aménagement durables 18 février
 
Rapport ACN France
Rapport ACN FranceRapport ACN France
Rapport ACN France
 
Jeru innovation
Jeru innovationJeru innovation
Jeru innovation
 
JTR 2017
JTR 2017JTR 2017
JTR 2017
 
Solidarité et transition énergétique
Solidarité et transition énergétiqueSolidarité et transition énergétique
Solidarité et transition énergétique
 
Les cahiers de la profession : Le renforcement des mesures de protection des ...
Les cahiers de la profession : Le renforcement des mesures de protection des ...Les cahiers de la profession : Le renforcement des mesures de protection des ...
Les cahiers de la profession : Le renforcement des mesures de protection des ...
 
Guide PLU durable
Guide PLU durableGuide PLU durable
Guide PLU durable
 
091123_AFD_clement guillaume.ppt
091123_AFD_clement guillaume.ppt091123_AFD_clement guillaume.ppt
091123_AFD_clement guillaume.ppt
 
2018.11.20 . v1.1. services numerique et elaboration du reglement
2018.11.20 . v1.1. services numerique et elaboration du reglement2018.11.20 . v1.1. services numerique et elaboration du reglement
2018.11.20 . v1.1. services numerique et elaboration du reglement
 
La Politique Fédérale des agglomérations Unil
La Politique Fédérale des agglomérations UnilLa Politique Fédérale des agglomérations Unil
La Politique Fédérale des agglomérations Unil
 
2018.12.14 - [CAS MATIS] services informationnels et elaboration du reglement
2018.12.14 - [CAS MATIS] services informationnels et elaboration du reglement2018.12.14 - [CAS MATIS] services informationnels et elaboration du reglement
2018.12.14 - [CAS MATIS] services informationnels et elaboration du reglement
 
Design Public Local, la synthèse
Design Public Local, la synthèseDesign Public Local, la synthèse
Design Public Local, la synthèse
 

Plus de IFIC performance et management intelligence collective

Plus de IFIC performance et management intelligence collective (20)

Pitch Philippe olivier CLEMENT DIRIGEANT ET MANAGER DE TRANSITION avril 2014 v10
Pitch Philippe olivier CLEMENT DIRIGEANT ET MANAGER DE TRANSITION avril 2014 v10Pitch Philippe olivier CLEMENT DIRIGEANT ET MANAGER DE TRANSITION avril 2014 v10
Pitch Philippe olivier CLEMENT DIRIGEANT ET MANAGER DE TRANSITION avril 2014 v10
 
Manager de transition philippe olivier clement
Manager de transition philippe olivier clementManager de transition philippe olivier clement
Manager de transition philippe olivier clement
 
CV Manager de TRANSITION Philippe Olivier CLEMENT 032014 v3
CV Manager de TRANSITION Philippe Olivier CLEMENT 032014 v3CV Manager de TRANSITION Philippe Olivier CLEMENT 032014 v3
CV Manager de TRANSITION Philippe Olivier CLEMENT 032014 v3
 
Conférence su 28 avril 2014 sur hangouts
Conférence su 28 avril 2014 sur hangoutsConférence su 28 avril 2014 sur hangouts
Conférence su 28 avril 2014 sur hangouts
 
Coaching politique
Coaching politiqueCoaching politique
Coaching politique
 
Coaching politique
Coaching politiqueCoaching politique
Coaching politique
 
6 postures de l'aglité
6 postures de l'aglité6 postures de l'aglité
6 postures de l'aglité
 
Mind mapping-et-efficacite-cognitive
Mind mapping-et-efficacite-cognitiveMind mapping-et-efficacite-cognitive
Mind mapping-et-efficacite-cognitive
 
Www.caissedesdepots.fr fileadmin pdf_06._solutionsdurables_tv_em02-proches_de...
Www.caissedesdepots.fr fileadmin pdf_06._solutionsdurables_tv_em02-proches_de...Www.caissedesdepots.fr fileadmin pdf_06._solutionsdurables_tv_em02-proches_de...
Www.caissedesdepots.fr fileadmin pdf_06._solutionsdurables_tv_em02-proches_de...
 
Doc 83
Doc 83Doc 83
Doc 83
 
Guide du-routard-de-l-intelligence-economique-2012
Guide du-routard-de-l-intelligence-economique-2012Guide du-routard-de-l-intelligence-economique-2012
Guide du-routard-de-l-intelligence-economique-2012
 
Les profils de_leadership_evaluation_pdf_3
Les profils de_leadership_evaluation_pdf_3Les profils de_leadership_evaluation_pdf_3
Les profils de_leadership_evaluation_pdf_3
 
Accomex100
Accomex100Accomex100
Accomex100
 
Art d eposer des questions
Art d eposer des questionsArt d eposer des questions
Art d eposer des questions
 
Taxonomie bloom aquops2010_final
Taxonomie bloom aquops2010_finalTaxonomie bloom aquops2010_final
Taxonomie bloom aquops2010_final
 
Tic participation citoyenne
Tic participation citoyenneTic participation citoyenne
Tic participation citoyenne
 
Pablo -audeladuvotedemocratique
Pablo  -audeladuvotedemocratiquePablo  -audeladuvotedemocratique
Pablo -audeladuvotedemocratique
 
Jmm exercer-soi-autrui
Jmm exercer-soi-autruiJmm exercer-soi-autrui
Jmm exercer-soi-autrui
 
2314,strategie de-la-bienveillance-docum
2314,strategie de-la-bienveillance-docum2314,strategie de-la-bienveillance-docum
2314,strategie de-la-bienveillance-docum
 
Conscience l2
Conscience l2Conscience l2
Conscience l2
 

La concertation_outil

  • 1. Les journées techniques de l'ARENE Territoires – Agenda 21 local LA CONCERTATION : OUTILS ET PRATIQUES DANS LES PROJETS DE TERRITOIRE Compte-rendu synthétique Journée technique du jeudi 9 octobre 2003 14h00-18h00 Forum de Grenelle, 15ème Arrondissement Paris
  • 2. Les journées techniques de l’ARENE LA CONCERTATION : OUTILS ET PRATIQUES DANS LES PROJETS DE TERRITOIRE SOMMAIRE Présentation du contexte de la rencontre et des interventions 4 Claude BASSIN-CARLIER Directeur de l’ARENE Introduction 5 Philippe MARZOLF Vice-Président de la Commission nationale du débat public (CNDP) Les démarches de concertation : un contexte porteur, des enjeux majeurs, des repères pour l’amélioration des pratiques actuelles 8 Claude CHARDONNET C&S Conseils Débat 17 Les acquis de la concertation dans les domaines de l’aménagement et du renouvellement urbains : qualification des acteurs, réflexion sur les impacts globaux d’un projet, expression d’une « demande des habitants » argumentée 20 Mobilisation locale et contre-expertise autour d’un projet d’aménagement d’une ligne de tramway : l’atelier d’urbanisme de l’Ile-Saint-Denis 20 Christian COLLIN Architecte-conseil Concertation dans le cadre d’un contrat de ville (2000-2006) et d’une opération de renouvellement urbain : l’exemple du Blanc-Mesnil et des Ateliers de l’avenir 28 Patrick NORYNBERG Chef de projet du contrat de ville Débat 33 Concertation et réflexion prospective sur « le développement durable d’un territoire » : intérêt général et générations futures, réflexion « systémique », implication dans une stratégie de long terme 36 La concertation à l’échelle d’une agglomération : le rôle d’un conseil de développement dans l’élaboration du projet d’agglomération et d’une démarche Agenda 21 36 Gabriel VITRE Animateur du conseil de développement de la communauté urbaine de Nantes Impliquer les habitants dans l’élaboration d’un Agenda 21 communal ; rôle et fonctionnement d’une instance de concertation ad hoc : le forum 21 et les ateliers thématiques de Bessancourt (Val-d’Oise) 41 Jean-Christophe POULET Paris, le 9 octobre 2003 2 ARENE Ile-de-France
  • 3. Les journées techniques de l’ARENE Maire de Bessancourt Débat 45 Clôture 48 Michel VAMPOUILLE Vice-Président du Conseil régional chargé de l’environnement et du cadre de vie, de la maîtrise de l’énergie et des contrats régionaux et ruraux Annexes 51 Paris, le 9 octobre 2003 3 ARENE Ile-de-France
  • 4. Les journées techniques de l’ARENE Les débats sont animés par Claude BASSIN-CALIER, directeur de l’ARENE. Présentation du contexte de la rencontre et des interventions Claude BASSIN-CARLIER Directeur de l’ARENE Merci d’avoir répondu à notre invitation pour cette réunion consacrée à la concertation, aux outils et aux pratiques qui lui sont associés dans le cadre des projets de territoire. L'ARENE, agence régionale de l'environnement et des nouvelles énergies, a investi depuis 1994 une série de champs thématiques qui constituent aujourd'hui autant de programmes d'activités. Sur chacun de ces programmes, notre agence cherche à identifier et diffuser des pratiques innovantes s'inscrivant dans une perspective de développement durable. Ces programmes concernent : • Le renouvellement urbain et la haute qualité environnementale des bâtiments ; • les entreprises et l'environnement ; • les activités et emplois liés à l’environnement ; • l’éducation à l’environnement ; • la maîtrise de la demande en énergie et les énergies renouvelables ; • les transports propres et la mobilité durable ; • le développement territorial et tout particulièrement la promotion des Agendas 21 locaux ; La concertation nous est apparue comme une question transversale pour l’ensemble de ces programmes. Parallèlement au débat de fond sur les poids respectifs de la démocratie participative et de la démocratie élective, l’adaptation des moyens et du temps de la concertation aux projets publics, en particulier aux projets de territoire, est un domaine où les questions restent majeures. C’est pourquoi, comme nous l’avons déjà fait dans d’autres domaines d’activités (transports propres, HQE…), nous avons pensé organiser une réunion d'information et d’échange. En fonction de la qualité des débats et de vos suggestions, nous examinerons la question de renouveler ce type de réunion. Notre orientation est plutôt technique. Six intervenants vont se succéder au cours de cette demi-journée. Nous avons pensé que la participation du Vice-président de la Commission nationale du débat public serait intéressante, dans la mesure où il dispose d’une vision nationale. Paris, le 9 octobre 2003 4 ARENE Ile-de-France
  • 5. Les journées techniques de l’ARENE Introduction Philippe MARZOLF Vice-Président de la Commission nationale du débat public (CNDP) Je me propose de vous exposer dans quelle mesure la Commission nationale du débat public s’intègre dans le champ de la concertation. Je vais ensuite développer l’exemple du projet CDG Express, qui permettra de relier directement Paris à Roissy. I. Statuts de la Commission La Commission nationale du débat public a été instaurée par la loi Barnier, dite de « renforcement de la protection de la nature », en 1995. Elle fonctionne depuis 1997. Elle est devenue autorité administrative indépendante en février 2002, par l’intermédiaire de la loi de démocratie de proximité. Elle est composée de : • six élus locaux ; • un député ; • un sénateur ; • quatre magistrats ; • deux associations environnementales ; • deux associations de consommateurs ; • deux personnalités qualifiées. Elle examine les conditions financières et techniques de projets d’intérêt national (autoroutes, lignes ferroviaires à grande vitesse, aéroports, etc.) et décide de la nécessité d’organiser un débat public. Elle peut également, au vu des conséquences potentielles sur l’économie et l’environnement, décider d’une simple concertation. II. Organisation d’un débat public Le débat public, à la différence de la concertation, permet de débattre sur l’opportunité même du projet. Il se situe très en amont de l’élaboration du projet, soit quatre ou cinq ans après les premières études préliminaires. En fonction du résultat du débat public pourront suivre les avant- projets sommaires et détaillés et ensuite seulement, l’enquête publique. Lorsque la CNDP décide d’organiser un débat public, une commission particulière indépendante du maître d’ouvrage et du responsable du projet est constituée. Cela lui permet de faciliter la tenue du débat public. A l’issue du débat, la Commission rend compte des résultats du débat public, sans livrer sa propre opinion. Le maître d’ouvrage doit ensuite publier les principes et les conditions de réalisation du projet au Journal officiel. Au cours d’un débat public, chacun doit être informé sur demande. Toutes les questions doivent faire l’objet d’une réponse. Paris, le 9 octobre 2003 5 ARENE Ile-de-France
  • 6. Les journées techniques de l’ARENE III. Principes fondamentaux d’un débat public Trois principes président le déroulement d’un débat public. Il ne s’agit pas de dogmes, car chaque projet est particulier. 1. La transparence Chacun peut prétendre à la transparence. Lorsqu’un organisme indépendant se charge de recueillir toutes les informations nécessaires auprès du maître d’ouvrage, cela apporte en plus une garantie d’objectivité. 2. L’équivalence Chacun doit pouvoir s’exprimer et obtenir une réponse à ses questions. Le citoyen de base a autant de poids dans le débat public que le Président du Conseil régional. Même si dans les faits, les représentants associatifs prendront plus souvent la parole que les simples citoyens, ces derniers sont parfaitement libres de s’exprimer. 3. L’argumentation En contrepartie de cette équivalence, nous demandons à chacun d’argumenter ses interventions. Les opposants aux projets doivent ainsi exprimer la raison de leur position et éventuellement des solutions alternatives. Très souvent, des acteurs ont étudié le projet et sont à même de proposer des solutions alternatives. IV. Mesures appliquées par le CNDP pour faciliter le débat 1. Les cahiers d’acteurs Dans la plupart des débats publics, l’expression des solutions alternatives est facilitée par la possibilité offerte à chacun d’éditer un cahier d’acteur. Le coût de réalisation de ces cahiers est intégré dans les frais d’organisation du débat. Le niveau de diffusion de ces cahiers d’acteurs est le même que celui offert au maître d’ouvrage. Lors des concertations, les acteurs se plaignent d’une inégalité des moyens ; dans le cadre des débats publics que nous organisons, cette équité est garantie. La commission particulière d’un débat public permet de faciliter le débat. Elle peut accueillir les acteurs qui le souhaitent dans ses locaux. Toutes les études élaborées par le maître d’ouvrage sont mises à disposition du public. La commission particulière peut également servir d’intermédiaire entre le maître d’ouvrage et un acteur. Les informations sont fréquemment mises en ligne. 2. Communication La plupart du temps, nous utilisons des cartes T. Pour le projet CDG Express, entre Gare de l’Est et Roissy, nous avons distribué 400 000 lettres décrivant le projet et offrant la possibilité d’obtenir une information complémentaire gratuitement. Nous avons reçu plus de 2 000 réponses. Paris, le 9 octobre 2003 6 ARENE Ile-de-France
  • 7. Les journées techniques de l’ARENE Nous avons installé une boîte aux lettres pour que les acteurs puissent poser des questions. Nous avons reçu plus de 700 questions relatives à CDG Express. Nous constatons, à travers la précision des questions, que ces acteurs ont vraiment réfléchi au projet. Nous incitons enfin les citoyens concernés à participer au débat public, qui n’est pas exclusivement constitué de réunions publiques. Nous organisons généralement des réunions portant sur l’opportunité du projet, puis des réunions thématiques. Par exemple, pour le projet CDG Express, nous examinons plus particulièrement la question du développement de Roissy, des conséquences du projet sur les infrastructures de transport, sur l’environnement et sur l’économie. Nous organisons également des ateliers pédagogiques à la demande. Par exemple, nous sensibilisons le public à la réglementation relative à la sécurité du tunnel ferroviaire. Dans quelques débats publics, nous organisons des auditions publiques : chaque acteur peut exprimer pleinement sa position devant la Commission. Enfin, nous tenons des réunions de proximité, qui sont nécessaires pour limiter les déplacements des riverains et qui facilitent l’interactivité. Nous installons même des permanences dans les mairies le lendemain des réunions. Nous sommes régulièrement confrontés au point de vue des riverains de l’infrastructure de transport qui ne pourront pas l’utiliser. Selon le nombre de personnes touchées par le projet, la participation aux réunions sera plus ou moins importante. Nous avons dénombré jusqu’à 2 000 ou 2 500 personnes par réunion pour certains projets, alors que nous en dénombrons à peine 150 à 200 pour CDG Express. Le débat public permet de débattre sur l’opportunité du projet, ce qui n’est guère possible lors de l’enquête publique, le projet étant déjà bien avancé. Il est important que l’organisateur de ce débat soit neutre par rapport au maître d’ouvrage et au territoire concerné. Enfin, le maître d’ouvrage est tenu de justifier la poursuite de son projet au regard des arguments présentés pendant le débat. Paris, le 9 octobre 2003 7 ARENE Ile-de-France
  • 8. Les journées techniques de l’ARENE Les démarches de concertation : un contexte porteur, des enjeux majeurs, des repères pour l’amélioration des pratiques actuelles Claude CHARDONNET C&S Conseils Claude BASSIN-CARLIER Je passe maintenant la parole à Claude Chardonnet, du cabinet C&S Conseils, spécialisé notamment dans les méthodes de concertation. Veillez à aborder dans votre intervention les repères en vue de l’amélioration des pratiques. Paris, le 9 octobre 2003 8 ARENE Ile-de-France
  • 9. Les journées techniques de l’ARENE Présentation I. Présentation de C&S Conseil Notre cabinet est spécialisé dans l’accompagnement des maîtres d’ouvrages (collectivités, Etat, entreprises) lors des phases de concertation, de débat public et d’enquête publique. Depuis une dizaine d’années, nous sommes sur le terrain pour des projets de toute nature (transport, stockage de déchets, aménagements urbains, etc.). Nous avons également produit des documents méthodologiques dans le cadre de missions menées pour le compte de certaines institutions ou instances publiques (Agence de l’eau Seine-Normandie, Commission nationale du débat public, Conseil général des ponts et chaussées). II. Premiers constats Je n’entends pas livrer ici des « recettes » mais plutôt poser la problématique générale d’un débat public ou d’une concertation, sachant que dans chaque cas de figure, la problématique est particulière. Celle des projets de territoires est différente de celle d’un projet d’équipement. Dans certains cas, le contexte est plus conflictuel que dans d’autres, ce qui nécessite d’adapter les méthodes de concertation. De manière générale toutefois, soulignons que la concertation est avant tout associée au stress, tout simplement car elle nécessite d’aller au-devant du public. Par ailleurs, la concertation est source de frustration : les décideurs comme les acteurs y placent beaucoup d’espoir mais les uns et les autres sont souvent déçus : ce n’est jamais le bon moment – trop tôt ou trop tard –, jamais les bons interlocuteurs, jamais les bonnes informations, etc. Enfin, aujourd’hui, la concertation est à l’origine d’une forte demande d’appui et de formation. Les services déconcentrés de l’Etat et certaines grandes entreprises ressentent un fort besoin de formation et de préparation pour aborder les phases de concertation et/ou de débat public. Face à cette demande, il s’agit moins de répondre par une formation académique à la concertation que par une aide à la capitalisation d’expérience. C’est là la voie la plus prometteuse pour que les pratiques s’améliorent. Une Journée technique comme celle de l’ARENE s’inscrit bien dans cet esprit de partage et d’évaluation. III. Un contexte porteur 1. Genèse de la concertation Premier constat : la concertation est fille de la contestation. C’est bien parce que, depuis trente ans, des projets de grandes infrastructures ont été rejetés, que la concertation s’est peu à peu imposée. La concertation n’est pas une mode. Elle exprime une demande sociale profonde : construire progressivement un intérêt général qui ne peut plus être octroyé. Paris, le 9 octobre 2003 9 ARENE Ile-de-France
  • 10. Les journées techniques de l’ARENE La concertation tire sa légitimité d’un triple mouvement, ainsi que l’a montré Sandrine RUI, sociologue (Centre d'analyse et d'intervention sociologique, EHESS et Université de Bordeaux 2) : • un mouvement politique : la démocratisation et la décentralisation ; • un mouvement administratif : la modernisation de l’Etat ; • un mouvement citoyen. L’évolution réglementaire comporte, selon elle, deux aspects : • le passage d’un processus d’information et de consultation à un dialogue continu ; • l’élargissement du champ des interlocuteurs à l’ensemble des citoyens. 2. Evolution du débat public des années 1970 à nos jours Nous sommes ainsi passés, depuis les années 1970, du principe de publicité à celui de démocratie de proximité. A la fin des années 1970 apparaissent les notions de droit à l’information et de devoir d’informer. A la fin des années 80 naissent les prémisses de la concertation. Au cours des années 1990, le débat public s’est institutionnalisé. a. Les années 1970 Dans les années 1970, le seul principe réglementaire était l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme : la société a le droit de demander des comptes à tout agent public ou à son administration. Durant les années 1970, la notion de Médiateur de la République est apparue. La procédure d’enquête préalable à la déclaration d’intérêt public a été réformée en 1976. La CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) a été créée en 1978. b. Les années 1980 Dans les années 1980, les lois de décentralisation ont été votées. La loi-cadre proclame dans son article premier que toutes les lois ultérieures devaient déterminer notamment « le développement de la participation des citoyens à la vie locale ». En 1983 est votée la loi sur la démocratisation des enquêtes publiques. Les articles L. 301 à L. 303 du Code d’urbanisme, qui occupent encore aujourd’hui un rôle central dans l’organisation des opérations d’aménagement, datent de 1986. Ils obligent les collectivités locales à organiser une concertation pour tout aménagement touchant au développement et à l’aménagement de leur territoire. c. Les années 1990 Les années 1990 voient naître les premières concertations générales sur toute une série de thématiques. Citons également la Loi d’orientation sur la Ville, qui date de 1991 et qui pose le principe de la concertation avec les habitants pour toute action ou opération d’aménagement. Dans un autre domaine, la Loi sur l’eau, en 1992, institue les commissions locales de l’eau. La Loi –cadre de 1992 sur les déchets pourrait également être mentionnée. Cette floraison de réglementations aboutit peut-être aujourd’hui à une situation de saturation. La circulaire Bianco (1992) a bouleversé la méthodologie des ingénieurs en instaurant les débats amont sur les grands projets d’infrastructure. Cette procédure a été de fait remplacée par les nouvelles règles sur l’organisation du débat public, en 1995 avec la Loi sur le renforcement de la protection de l’Environnement, dite Loi Barnier. Le 5 juillet 1996 est publiée au Journal Officiel la Charte de la concertation qui met l’accent sur les Paris, le 9 octobre 2003 10 ARENE Ile-de-France
  • 11. Les journées techniques de l’ARENE conditions à respecter pour qu’une concertation se déroule de manière satisfaisante pour toutes les parties. Enfin, la Loi sur l’Orientation et l’Aménagement Durable du Territoire a instauré notamment les conseils de développement. d. Les années 2000 Au cours des années 2000, la Loi SRU a étendu l’enquête publique à tous les documents d’urbanisme. L’article L. 302 du Code d’urbanisme a également vu, par l’intermédiaire de cette loi, son champ élargi au SCOT et au PLU. Enfin, la loi sur la démocratie de proximité du 27 février 2002 instaure des conseils de quartier obligatoires pour toute ville de plus de 80 000 habitants et renforce la Commission nationale du débat public, qui non seulement organise les débats publics d’intérêt national mais acquiert un rôle prescripteur pour presque toutes les concertations. Philippe MARZOLF Une telle accumulation de lois pourrait paraître suspecte. Claude CHARDONNET Effectivement, certains ont le sentiment que trop de concertation tue la concertation. Comment discerner l’essentiel au sein de ce paysage réglementaire ? Aujourd’hui, nous souhaitons poser le problème de la façon suivante : quel que soit le contexte réglementaire, quels sont les principes qui doivent guider le décideur dans ses relations avec son territoire et les acteurs locaux ? Peut-on parler de co-élaboration, notamment pour les projets de territoire et les d’Agenda 21 ? C’est dans ce contexte où la réglementation en matière de concertation et de débat public fait florès qu’il est important de revenir sur certains enjeux. IV. Les enjeux majeurs Nos trois constats sont les suivants : • la décision publique est en panne ; • le débat public est déficitaire, non pas sur le plan réglementaire, mais dans une acception plus générale ; les outils et méthodes sont inadaptés. C’est dans un premier temps, en creux, que je vous propose d’explorer certains repères pour l’amélioration des pratiques de concertation, en en regardant les limites actuelles. 1. La décision publique en panne C’est bien le blocage de nombreuses décisions qui a favorisé l’émergence d’un nouvel état d’esprit dans la conduite des projets. a. Absence de valeurs et de finalités fédératives Paris, le 9 octobre 2003 11 ARENE Ile-de-France
  • 12. Les journées techniques de l’ARENE Est apparue tout d’abord l’absence de valeurs et de finalités fédératives. La valeur du progrès est désormais systématiquement mise en question. La fin des grands mythes a joué un rôle prépondérant dans l’éclatement des visions de l’avenir. Enfin, la notion de développement durable offre une vision d’avenir en rupture avec le passé. b. Croissance de la complexité et montée des incertitudes La décision publique est devenue plus difficile du fait également de la croissance de la complexité de l’environnement et de la montée des incertitudes. La mondialisation de l’économie se joue au niveau local dans une relation d’interdépendance difficile à décrypter et à maîtriser. Le caractère versatile des résultats des entreprises ajoute à l’instabilité ambiante. Conséquence, dans ce contexte, l’exercice prospectif est plus que périlleux. c. Dilution des lieux de décision Ajoutant à la complexité, les lieux de décision sont devenus plus diffus. Les transferts de compétence qui découlent de la décentralisation et de l’intégration européenne ont produit une dilution des lieux de décision, ce qui nuit à la légitimité de cette dernière. Qui peut aujourd’hui se déclarer et être perçu comme décideur légitime sur un projet ? 2. Le déficit de débat public Alors que la prise de décision publique est rendue incertaine, les outils préconisés pour la relancer souffrent d’un certain nombre de lacunes. a. La faible incidence des débats sur la décision Premièrement, les participants au débat public regrettent la faible prise en compte des résultats des débats. A quoi cela sert-il de discuter si le projet présenté in fine aux décideurs n’a qu’un rapport lointain avec la nature des débats ? b. La difficulté d’instaurer un climat serein Deuxièmement, il est difficile d’instaurer un climat favorable à la discussion. Cela est particulièrement vrai pour les concertations sur les projets d’équipement de l’Etat, mais ce peut aussi être le cas à l’échelle d’une commune. J’ai le souvenir d’élus paniquant avant chaque réunion publique, s’attendant à voir ressurgir des sujets sensibles « politiquement ». Il est parfois difficile d’élever le débat dans un tel contexte. Par ailleurs, il est difficile pour un élu de s’impliquer dans un débat lorsqu’il y est chahuté. c. La difficulté de traiter de l’opportunité d’un projet Il est souvent reproché aux décideurs de proposer des solutions « clés en main », ne laissant que peu de place au diagnostic et au débat sur l’opportunité et la motivation du projet. Souvent, occulter cet aspect du projet est considéré comme un handicap pour le débat. Il est nécessaire d’être toujours disponible au cours de la discussion et d’être prêt à revenir sur les raisons fondatrices d’un projet. d. Des interlocuteurs sans pouvoir de décision Paris, le 9 octobre 2003 12 ARENE Ile-de-France
  • 13. Les journées techniques de l’ARENE Il est souvent reproché à l’organisation d’un débat public le fait que les interlocuteurs ne sont pas les décideurs. Les réunions publiques n’aboutissent finalement à rien de concret car les acteurs sont conscients que la décision se prendra ailleurs. Cela alimente la défiance à l’égard de l’intérêt du débat public. e. Le désintérêt des médias Enfin, les médias se désintéressent largement de ces discussions. Les procédures de concertation sont trop longues et trop complexes à leurs yeux et pourtant, les porteurs des projets trouveraient en eux un relais de mobilisation très important. 3. L’inadaptation des outils et méthodes a. Les limites des outils trop « savants » La confiance dans les chiffres s’est, en effet, émoussée du fait de l’augmentation du niveau de formation moyen des Français : la population est désormais beaucoup plus critique. La part des cadres a augmenté dans la société. Les experts et les décideurs sont par conséquents confrontés à des individus mieux outillés pour combattre un projet ou pour s’y impliquer. Les chiffres fournis par les décideurs pour appuyer leur démonstration sont ainsi relativisés. b. La fin du monopole des experts Les associations sont aujourd’hui capables de mobiliser leurs propres experts, qui sont à égalité de compétences avec ceux choisis par les décideurs. Comment arbitrer aujourd’hui ? La confiance est finalement moins accordée sur le fond que sur la manière d’exposer son point de vue et de répondre aux préoccupations de chacun. V. Repères pour améliorer les pratiques 1. Repères sémantiques Sans en faire un absolu car nous savons tous qu’une langue est vivante, nous n’accordons peut-être pas toujours assez d’importance à la sémantique. Beaucoup ont tendance à négliger les nuances entre des notions qui ne sont pas tout à fait interchangeables. A ce titre, il me semble utile de rappeler la gradation qui existe entre information, consultation, début public, etc. L’information ne constitue qu’une première étape. L’information est par essence unilatérale. Une information de qualité est complète et disponible. Aujourd’hui si l’information est nécessaire, elle n’est pas suffisante pour créer le dialogue. La consultation consiste simplement à recueillir un avis ; le débat n’y est pas associé. Paris, le 9 octobre 2003 13 ARENE Ile-de-France
  • 14. Les journées techniques de l’ARENE Le débat public peut s’entendre sous deux acceptions. Il peut s’agir d’une réunion publique, auquel cas il s’agit d’un outil de concertation, ou du débat public dans son acception légale, qui a déjà été explicitée. La participation est une notion qui possède une forte identité française. Elle est apparue pendant les années 1970 et a été réintroduite par l’intermédiaire de l’Europe (Directive eau, notamment). La concertation est probablement l’application « à la française » de la participation. La participation implique d’être partenaire tout au long du processus d’élaboration, tandis que la décision intervient dans un domaine différent. Le terme de « communication » comporte également deux acceptions. L’on pense de prime abord à la communication publicitaire, dans une perspective de vente, tandis que la communication, prise dans son sens littéral, signifie « entrer en relation avec l’autre » : elle implique la notion d’empathie. Communiquer signifie confronter son opinion avec celle de l’autre, au prix de changer son propre point de vue. La notion de concertation, quant à elle, renvoie d’une part au cadre législatif et réglementaire mais également, et plus largement, à un processus d’informations et de débats impliquant le maître d’ouvrage et les acteurs concernés par son projet tout au long de l’élaboration de celui-ci. La concertation renvoie à trois dimensions : temporelle, relationnelle et spatiale. Avant de lancer une concertation, il convient de s’interroger sur le moment, sur le public et les modalités de relation, et suret le périmètre. De manière récurrente, la concertation est considérée comme le fruit d’un apprentissage. Au-delà des textes réglementaires, il s’agit avant tout d’une attitude, d’un comportement, d’un état d’esprit : laisser la place au point de vue de l’autre. Cela exige de prévoir les moyens pour pratiquer une relation permanente et continue et traiter les informations provenant des acteurs. Les organisations de travail doivent s’adapter, pour assumer la réactivité nécessaire des services et/ou des réunions en soirée, par exemple. La concertation est une démarche itérative : des échanges ont lieu tout au long de l’élaboration du projet entre le responsable du projet et les acteurs. La concertation ne se limite pas à une réunion publique. Enfin, la concertation est une méthode au service du développement durable. La concertation est certes fille de la contestation, mais c’est aussi dans une certaine mesure « la mère » du développement durable. La concertation et le débat public sont les instruments qui permettent de réfléchir collectivement et de construire des politiques / des actions de développement durable. 2. Repères méthodologiques a. Expliciter les règles du jeu Quelle que soit la nature du projet, l’objet de la concertation et la finalité à laquelle elle est censée aboutir sont souvent confondus. Eclaircir la démarche est le meilleur moyen de lever cette ambiguïté. C’est pourquoi, il convient de préciser et rendre publics : • les modalités des échanges ; Paris, le 9 octobre 2003 14 ARENE Ile-de-France
  • 15. Les journées techniques de l’ARENE • le périmètre de la concertation et sa durée ; • les conditions d’élaboration du bilan ; • les suites de la concertation. La concertation doit être située au sein du processus de décision. b. Faire preuve d’une réelle capacité d’écoute La fonction première de la concertation est l’écoute. Le projet sortira amélioré de la concertation si son initiateur sait écouter. Il s’agit de se mettre à la portée des participants,de reconnaître et de bien analyser leurs remarques. Cela exige une réelle disponibilité de la part du décideur et/ou du responsable du projet. Une telle capacité ne s’improvise pas. Cela suppose des compétences dont les collectivités et les administrations ne disposent pas assez mais également un changement de posture. c. Garantir la place de la controverse Cette règle est liée à la précédente. La concertation ne saurait se limiter à une juxtaposition de points de vue. Le débat doit pouvoir faire évoluer les points de vue. Ne pas avoir peur de la controverse est souvent constructif. Il est erroné de croire que les participants n’évoluent pas au cours d’une concertation. Pour un Agenda 21 ou un projet de territoire se pose aussi la question des moyens d’expertise mis à la disposition des associations et des citoyens. Leur offrir la capacité de produire des propositions réellement argumentées permet d’équilibrer le débat et de faciliter leur mobilisation lors de la mise en œuvre des actions qui auront été retenues. d. Débattre du diagnostic avant de débattre des solutions Quel que soit le moment où la concertation se produit, le porteur du projet doit être prêt à revenir sur ses motivations. Il doit être disponible aux questions portant sur l’opportunité du projet, sur le diagnostic du territoire. e. Conserver la souplesse dans les dispositifs Un projet de territoire nécessite un calendrier souple. Procéder par étapes et organiser des réunions supplémentaires en cas de besoin est nécessaire. f. Instaurer une continuité du dialogue entre le maître d’ouvrage et les acteurs Les participants doivent pouvoir distinguer les différentes étapes de la concertation. Dans le cas contraire, le sentiment de frustration ressurgit car la fin d’une étape signifie la fin du processus. 3. Quelques bonnes questions a. Préparer la concertation Il est capital de consacrer du temps pour préparer une concertation. Il faut pour cela constituer une équipe pluridisciplinaire et lui permettre de comprendre l’état de l’opinion afin de préparer un système de concertation qui intègre déjà les thèmes principaux de préoccupation du public. Paris, le 9 octobre 2003 15 ARENE Ile-de-France
  • 16. Les journées techniques de l’ARENE b. Choisir le moment Le choix de la date de la concertation est relativement simple pour un Agenda 21 ou un projet de territoire, mais se révèle parfois difficile pour un projet d’équipement. Cette question a une forte connotation politique. Il vaut mieux organiser la concertation le plus en amont possible, mais le risque demeure de la tenir trop en amont, ce qui est contre-performant. c. Fixer l’objet et la finalité Ces deux notions sont souvent confondues. Il s’agit de déterminer tour à tour sur quoi porte la concertation (l’objet) et à quoi elle servira (la finalité). d. Identifier les acteurs Il convient de ne négliger personne. Il faut considérer l’ensemble des milieux associatifs, politiques et économiques concernés par le projet. Les acteurs de la santé et de l’éducation s’estiment souvent négligés dans les concertations de projets de territoire. e. Etablir les modalités de concertation Il faut prendre du temps pour recenser les attentes et élaborer, avec une équipe pluridisciplinaire, le système de concertation le plus souple et le plus ouvert possible. f. Adopter des comportements ouverts La démarche qui consiste à entamer une concertation dans l’esprit de défendre son projet a toutes les chances d’échouer. Il convient de laisser des marges de manœuvre dans le projet. Exposer clairement les points qui ne sont pas encore définis est également utile pour ouvrir le débat. g. Capitaliser les expériences Ceci vous permettra d’améliorer vos démarches en revenant sur vos propres expériences ou celles de vos voisins. Il convient de produire des évaluations afin d’améliorer le déroulement des concertations futures. Paris, le 9 octobre 2003 16 ARENE Ile-de-France
  • 17. Les journées techniques de l’ARENE Débat Claude BASSIN-CARLIER Vous avez débuté votre intervention en associant la concertation au stress. Avez-vous pu trouver des solutions pratiques pour faire face à des situations de stress ? Votre point de vue est-il partagé par tous et ne dramatise-t-il pas finalement la démarche de concertation ? J’aimerais également revenir sur les médias. Vous pensez qu’ils peuvent être des alliés de la concertation. Or l’expérience a prouvé qu’ils étaient aussi à même d’entretenir le trouble. J’aimerais préciser aux participants, avant la première question, que nos débats sont enregistrés. Un compte-rendu sera élaboré par la société Ubiqus, dont vous recevrez une copie. De la salle Je suis Président d’Environnement 92. Nous comptons environ 5 000 adhérents dans les Hauts-de- Seine. Nous participons à toutes les concertations qui ont lieu dans le département, que leur initiateur soit une commune ou l’Etat. Nous y retrouvons tous les aspects cités par les intervenants. J’aimerais insister sur le fait que nous confinons, après quinze ans de développement, aux limites congénitales de la concertation. Actuellement se déroulent des concertations sur deux chantiers importants : celui des anciennes usines Renault et celui de Nanterre (1 000 000 et 600 000 mètres carrés respectivement). Dans un cas, nous retrouvons les caractéristiques d’une information et d’une concertation idéale. Des commissions thématiques ont été constituées et les réunions plénières sont même parfois présidées par un ancien ministre. A Nanterre, nous assistons plutôt à une concertation dite « traditionnelle », c’est-à-dire que les associations sont reçues séparément, ce qui les frustre énormément. Elles ont surtout l’impression d’avoir beaucoup travaillé et qu’aucune de leurs propositions n’est finalement retenue. S’agit-il, dans le cas de Boulogne-Billancourt, de créer une nouvelle ville de 20 000 habitants ? Les associations ont le sentiment de ne pas pouvoir influencer le projet. A travers les schémas que vous avez développés, vous n’avez pas évoqué l’intérêt économique à court terme des choix et l’intérêt général de la population. La confrontation de ces deux intérêts est inégale. Madame Chardonnet a insisté sur la communication. L’Etat retient des conventions qui ne rendent pas obligatoires les consultations. A propos d’un aéroport, les associations doivent payer elles-mêmes des études pour mesurer les nuisances aériennes et les influences de la pollution de l’air sur la santé. Malgré le nombre de textes législatifs, la concertation ne se déroule pas dans des conditions satisfaisantes et sereines. Le maillon faible du dispositif de la concertation se situe au niveau de la communication. Les solutions alternatives discutées par les commissions n’arrivent pas jusqu’à la population. Si elles étaient publiées dans toutes les revues financées par les impôts (celles de la Ville ou de la Région), Paris, le 9 octobre 2003 17 ARENE Ile-de-France
  • 18. Les journées techniques de l’ARENE nous serions plus efficaces. Le milieu associatif ne représente qu’une partie de la société civile et il est pourtant déjà porteur de projets intelligents. Claude CHARDONNET Les moyens offerts aux différents partenaires sont inégaux. Vous suggérez d’en offrir davantage à ceux qui en ont le moins pour qu’ils défendent mieux leurs arguments. Les cahiers d’acteurs instaurés par la CNDP, permettent de mettre en avant les solutions alternatives aussi bien que le projet du maître d’ouvrage. Mais votre demande semble aller au-delà : vous désirez une équivalence de traitement pour les différents points de vue. Philippe MARZOLF Peut-être s’agit-il également d’un manque d’implication du citoyen de base. Il se sent représenté par ses élus et par les associations. Ce phénomène est peut-être d’ailleurs spécifique à la région parisienne. En province, la population est plus fortement mobilisée. Les journaux municipaux ne sont pas toujours le canal idéal pour communiquer les informations, compte tenu du délai de réalisation important et du fait qu’ils ne transmettent pas toutes les informations qui seraient utiles. Nous essayons de disposer de moyens d’information importants. Peut-être les citoyens ne réagissent-ils pas, soit par individualisme, soit par sentiment de ne pas être écouté quoi qu’il arrive. Claude BASSIN-CARLIER Quel est votre sentiment sur le stress ? Claude CHARDONNET Cela fait partie, en effet, de nos constats. Je ne sais pas si celui-ci est partagé. A mon sens, ce stress est généré par plusieurs sources. Tout d’abord, les fonctionnaires, les ingénieurs et les cadres d’entreprise ont rarement été préparés à s’exprimer dans des « arènes » publiques. Par ailleurs, la posture du porteur de projet est inconfortable. Sa fonction est avant tout de défendre une opinion, d’argumenter pour un projet, là est son mandat, et il sera compliqué pour lui d’adopter une posture ouverte. Il est difficile également de faire la part entre ce qui touche personnellement et ce qui touche l’institution que l’on représente. La plupart du temps, les attaques ne sont pas dirigées contre les personnes : ce sont les idées qui sont attaquées. Une fois que l’on a pris conscience de cela, la discussion est possible. Concernant les médias, je n’ai pas de solution à proposer. Ils sont principalement intéressés par les débats qui tournent au pugilat, ce qui est à l’opposé de ce que nous recherchons. Je ne sais pas s’il Paris, le 9 octobre 2003 18 ARENE Ile-de-France
  • 19. Les journées techniques de l’ARENE est utile que les médias couvrent en permanence un débat au niveau communal. En revanche, pour les débats publics… Philippe MARZOLF Nous avons essayé de monter des partenariats avec les médias. Les médias sont tout d’abord réticents au terme de partenariat car ils souhaitent préserver leur indépendance. Je partage le constat de Claude Chardonnet : les médias couvrent l’événement à condition que les débats soient agités. A mon sens, les médias ne remplissent pas leur rôle d’information. Nous n’avons pas de solution pour l’instant. Paris, le 9 octobre 2003 19 ARENE Ile-de-France
  • 20. Les journées techniques de l’ARENE Les acquis de la concertation dans les domaines de l’aménagement urbain et de la politique de la ville Qualification des acteurs, réflexion sur les impacts globaux d’un projet, expression d’une "demande des habitants" argumentée I Mobilisation locale et contre-expertise autour d’un projet d’aménagement d’une ligne de tramway : l’atelier d’urbanisme de l’Ile-Saint-Denis Christian COLLIN Architecte-conseil I. Introduction au contexte Une longue bande de terre au milieu de la Seine, un peu au nord de la capitale… L’Île-Saint- Denis, à la fois île et ville, est une rareté géographique. De ce territoire très particulier, urbain et villageois, insulaire et ouvert sur ses environs, les Îlodionysiens tirent leur force et leur faiblesse. Ce lieu plein de charme et de magie peut s’avérer fragile. Il mérite d’être préservé et parfois même défendu contre des aménagements urbains et de voirie qui ne respecteraient pas son identité. C’est ce que fait l’Atelier public d’urbanisme et de déplacements en réunissant autour du projet d’insertion du tramway des habitants, des experts et des élus. Depuis plus d’un an, cet atelier réfléchit et propose des solutions techniques innovantes et adaptées à la géographie de la ville. Portés par les habitants, ces projets respectent le patrimoine de la commune, prévoient des espaces publics de qualité, et permettent aux différents modes de déplacements de cohabiter. Concilier débats de techniciens et concertation de la population ne fut pas une chose simple. Il a fallu tout le savoir-faire des experts sollicités par l’Apud et la volonté des élus pour que le dialogue s’installe, qu’au cours de réunions des idées émergent, qu’elles soient étudiées, débattues et défendues. Les plans présentés par l’Apud prennent en compte les contraintes propres au tramway, les flux de circulation et la requalification du centre ville attendu par les habitants. Tout un projet qui projette l’Île-Saint-Denis au cœur de l’écologie urbaine… Paris, le 9 octobre 2003 20 ARENE Ile-de-France
  • 21. Les journées techniques de l’ARENE L'atelier d'urbanisme de l'Ile-Saint-Denis a été créé à l'initiative de la municipalité dans un contexte bien particulier : celui du projet de traversée de la commune par la ligne de tramway T1 qui doit relier Saint-Denis à Colombes. En plus du tramway, de nombreux bus empruntent l'itinéraire concerné par l'aménagement, et le flux de piétons doit passer de 35 000 à 80 000 personnes par jour. Le projet initial, conçu par la DDE, prévoyait d'aménager deux voies de tramway en site propre et deux voies pour la circulation automobile sur le tracé. Cette option nécessitait de détruire les deux ponts "historiques" qui relient l'Ile-Saint-Denis à Saint-Denis d'une part, à Villeneuve-la-Garenne d'autre part, pour les remplacer par deux ouvrages plus larges. Le projet prévoyait aussi d'élargir la rue qui relie les deux ponts, l'artère principale du centre-ville de l'Ile-Saint-Denis, c'est-à-dire de "reculer" les façades d'une partie des immeubles et bâtiments existants. L'atelier d'urbanisme a été créé en réaction à ce projet jugé inacceptable pour la commune comme pour les associations locales. Plus largement, il s'agissait aussi pour le maire de promouvoir une vie associative très intense sur sa commune et une dynamique solidaire internationale. Si la concertation est fille de la contestation, elle est aussi à mon sens fille de la vie associative. Notre atelier n’est ni maître d’œuvre, ni maître d’ouvrage, ces derniers étant respectivement le Conseil régional d’Ile-de-France et la RATP. La DDE est quant à elle en charge des travaux de voirie. Son objectif initial était bien de produire une "contre-expertise citoyenne", de dépasser la simple opposition au projet de la DDE en proposant un projet alternatif crédible, issu de la réflexion collective des participants. II. Synthèse des travaux de l’atelier Au cours de cet atelier, nous avons appliqué une dynamique d’écologie et d’ingénierie très innovante. Nous avons tenu compte des contraintes globales. Nous avons prévu une offre de déplacement compatible avec les capacités des sites actuels. Pour la première fois en Ile-de-France, les automobiles et les tramways partagerons un même espace de voirie. Nous avons ainsi décidé d’installer des ronds-points percés en leur centre pour permettre au tramway de les traverser. Afin que la circulation automobile n’entrave pas l’avancée du tramway, nous avons fait en sorte de fluidifier le trafic. Un aperçu général des propositions de l'atelier est visible sur le schéma suivant (ci-contre) : Paris, le 9 octobre 2003 21 ARENE Ile-de-France
  • 22. Les journées techniques de l’ARENE Schéma fichier Powerpoint (Diapo 1) Paris, le 9 octobre 2003 22 ARENE Ile-de-France
  • 23. Les journées techniques de l’ARENE 1. Aménagement de la rue Méchin La rue Méchin, située dans le centre historique, était originellement un lieu partagé entre les différents moyens de transport. La vie locale l’emportait sur le transit. Actuellement, cette rue comporte trois voies de circulation. Pour préparer la concertation, nous avons effectué des photomontages qui montrent l’aspect futur de la rue, plus explicites que des plans sur Autocad. Nous souhaitons profiter du projet pour réaménager la voirie et créer un véritable espace public. Ainsi, au lieu d’être un élément nuisant à l’environnement, le passage du tramway permet de le requalifier. Il ne s’agit pas de faire traverser l’île par un tramway à grande vitesse. Maintenir trois voies de circulation nécessite de partager une voie entre les voitures et le tramway. Les voitures y circuleront toujours derrière le tramway. Nous nous sommes inspirés d’un aménagement déjà existant à Nantes, à la suite d'une visite organisée pour les participants à l'atelier. 2. Aménagement de la station La station est au centre de la voirie. Dans le projet initial, les quatre voies de circulation laissaient un trottoir d’un mètre de large aux piétons. Vous pouvez voir sur cette photographie une station à quatre voies à Nantes (voir la photographie ci-contre). Elle est située dans un quartier difficile. Depuis que les voitures circulent derrière les tramways, les courses de voitures ont eu tendance à disparaître. L'atelier d'urbanisme propose une voirie totalement partagée entre les voitures et le tramway à l’intérieur de la station. Grâce à cet aménagement, le trottoir mesure 1,80 mètre de large. A chaque carrefour, nous avons prévu des dispositifs qui permettent de « stocker » les voitures pour que le tramway ne soit jamais bloqué. Il faut par ailleurs que le tramway arrive à la station en ligne droite. 3. Aménagement des ponts La DDE suggérait de refaire les ponts. Nous avions réussi à obtenir le maintien de l’alignement des ponts avec la rue qui traversait l’île. Casser les ponts aurait eu un impact sur notre patrimoine. Chaque petit aménagement est relié à des enjeux globaux dans notre contre-proposition. Le simple fait d’inclure une bordure de trottoir peut modifier les comportements. Nous avons évalué les différents aménagements selon divers critères (sécurité, fluidité, qualité, économie). Nous avons décidé que les piétons seraient prioritaires, devant les cyclistes, les transports en commun et enfin les automobiles. Le passage du tramway provoque automatiquement le passage des feux des voies perpendiculaires au rouge. Paris, le 9 octobre 2003 23 ARENE Ile-de-France
  • 24. Les journées techniques de l’ARENE Photographie fichier Powerpoint (Diapo 2) Paris, le 9 octobre 2003 24 ARENE Ile-de-France
  • 25. Les journées techniques de l’ARENE 4. Construction de ronds-points Notre projet a nécessité quelques innovations, comme il en existe à Nantes. Par exemple, nous avons inversé la priorité aux ronds-points, c’est-à-dire que les voitures sortant du rond-point sont prioritaires sur celles qui y entrent. Cette solution permet de fluidifier le trafic car elle évite qu’une voiture ne soit bloquée sur le carrefour et n’empêche d’autres véhicules d’y entrer. Selon les simulations dynamiques que nous avons effectuées, c’était la seule solution viable. De plus, cet aménagement dévie les trajectoires des voitures et limite leur vitesse. Le comportement des conducteurs est ainsi rendu plus respectueux. 5. Aménagement des axes adjacents Il fallait pour que notre système fonctionne, que le tramway ne soit pas bloqué au carrefour par une file de voitures. Nous avons dû réfléchir à un réaménagement de l’axe perpendiculaire à la voie du tramway. Grâce à un passage sous le pont, les piétons peuvent traverser le carrefour sans difficulté. La configuration de la voirie en deux fois deux voies en ville n’est pas optimale. Nous observons un phénomène de compétition entre les voitures, il peut être difficile de tourner à gauche ou à droite, etc. Le nombre d’accident était très élevé sur cet axe. Nous passons de deux fois deux voies à deux fois une voie pour les véhicules automobiles, pour un débit presque identique. Cela nous a permis de prévoir l'installation d'une voie pour les cyclistes. III. Canaliser les usages Une importance toute particulière a été accordée aux usages de l'espace public dans les débats de l'atelier. La "mémoire d'usage" est un élément à prendre en considération dans tout aménagement, c'est même une base pour la concertation. Ainsi, les habitudes de circulation des piétons sont à étudier peuvent circuler librement car ils sont considérés comme prioritaires. Dans une configuration où la voirie est partagée, il convient d'envisager un aménagement spécifique des carrefours. Les carrefours que nous avons envisagé sont constitués d’un double rond-point percé en centre. Il s’agit d’un carrefour dit « à l’indonésienne » : les voitures ne font pas le tour du rond-point. Claude BASSIN-CARLIER Outre les aspects techniques de la circulation, vous avez évoqué un voyage à Nantes. Comment avez-vous tenu compte des orientations suggérées au cours de l’atelier ? Christian COLLIN Nous ne nous posons même plus la question. Nous avons demandé qu’un local soit installé dans la rue pour que l’on ne base pas notre réflexion simplement sur les paroles des usagers mais également sur leurs pratiques. Par exemple, il est interdit de tourner à gauche et les voitures le font, en tournant Paris, le 9 octobre 2003 25 ARENE Ile-de-France
  • 26. Les journées techniques de l’ARENE précisément « à l’indonésienne ». En mettant en place ces aménagements, nous avons en fait canalisé les usages existants. Les plans ont l’air complexes mais le système fonctionne très bien. IV. La valeur du patrimoine Nous avons constaté que nos administrés étaient très fortement attachés aux deux ponts, témoignages de l'architecture du XIXème siècle. Nous ne confrontons pas un projet aux usagers mais nous suivons l'avis des associations, des habitants mobilisés au sein de l'atelier d'urbanisme et des acteurs du domaine de l’environnement. La DDE voulait démolir le pont car il était construit en fonte. Nous avons nommé un expert et finalement il a été décidé de ne pas le démolir. Pour l’élargir, la DDE a avancé la raison qu’il n’y avait pas assez de place pour les gros gabarits et qu’il fallait pouvoir stocker les voitures. Nous avons fait tomber les arguments de la DDE en montrant, simulations dynamiques à l’appui, que notre schéma était le plus fonctionnel. Nous avons fait éditer des cartes postales, que nous avons proposées à la signature de tous les habitants de l'Ile-Saint-Denis. Nous avons par exemple réalisé un photomontage avec la légende suivante : "Voulez-vous sauver le pont ?". Nous avons recueilli plus de 2 000 signatures. Finalement, le pont comportera toujours trois voies, dont une partagée. Ce pont était également un lieu à vivre. Nous souhaiterions retrouver cette convivialité du lieu, ce sens de la "communauté urbaine" en fouillant dans la mémoire collective. Nous avons installé un dispositif d’éclairage du pont pour le valoriser (voir la photographie ci-contre). Il nous a été proposé de réaliser des encorbellements, mais les participants à l'atelier d'urbanisme ont rejeté la proposition, car cela qui aurait enlaidi l'ouvrage. Nous avons l’impression que la nature d'un lieu, "l'ambiance urbaine" créée par les aménagements et la configuration d'un espace public ont une influence sur les comportements des personnes qui le traversent où l'"habitent" un moment. Nous avons ainsi organisé une fête pour l’inauguration de l’éclairage du pont. Certains habitants ont dansé des rondes, comme autrefois. Le pont est désormais éclairé tous les soirs, de 20 heures 30 à minuit. La mobilisation suscitée par le projet d'aménagement de la ligne du tramway et le succès de l'atelier d'urbanisme montrent à mon avis qu'il existe un lien entre la solidarité des personnes et le potentiel des territoires. Paris, le 9 octobre 2003 26 ARENE Ile-de-France
  • 27. Les journées techniques de l’ARENE Photographie fichier Powerpoint (Diapo 3) Paris, le 9 octobre 2003 27 ARENE Ile-de-France
  • 28. Les journées techniques de l’ARENE II Concertation et co-élaboration dans le cadre d’un contrat de ville (2000-2006) et d’une opération de renouvellement urbain : l’exemple du Blanc-Mesnil et des Ateliers de l’Avenir Patrick NORYNBERG DGA/ Chef de projet du contrat de ville/ ORU I. Description du Blanc-Mesnil Le Blanc-Mesnil compte un peu moins de 50 000 habitants. Depuis 2000, l’ensemble de la ville est concerné par un contrat de ville. Les quartiers nord, dont le grand ensemble des Tilleuls, face à l’aéroport du Bourget, étaient régis par la politique de la ville depuis 1994. 15 000 habitants vivent dans cette partie de la commune, qui compte près de 4 500 logements sociaux. Le quartier fait aujourd’hui l’objet d’une opération de renouvellement urbain : une convention a été signée en mars 2002. Nous allons signer prochainement une convention de gestion urbaine de proximité. La politique de la ville s’est ainsi concentrée sur ce quartier. Nous avons utilisé ce levier pour transformer ce territoire et travailler auprès de la population. II. Observations sur les interventions précédentes Avant de présenter notre outil, j’aimerais relier mon intervention à celle de mes prédécesseurs. J’adhère à la présentation effectuée par la représentante de C&S Conseil. Nous parlons d’outils et de pratiques, y compris sur la plaquette de la journée. La volonté politique est nécessaire pour engager une large concertation avec les habitants mais les outils également. Il faut s’accorder le droit à l’expérimentation. Il est nécessaire de disposer d’une démarche durable. III. Intérêts de l’outil 1. Un outil modulable L’outil que je vais vous présenter s’inscrit bien dans cette démarche. Il s’agit bien, non d’un outil « gadget » que l’on pourrait utiliser pour une concertation ponctuelle, mais d’un outil facilement personnalisable et réutilisable. Il peut être facilement reproduit dans un contexte professionnel ou associatif. 2. Un outil interactif Une autre interrogation essentielle porte sur la prise en compte des suggestions. L’outil que je présente apporte des garanties fortes sur ce point. La parole des citoyens est non seulement Paris, le 9 octobre 2003 28 ARENE Ile-de-France
  • 29. Les journées techniques de l’ARENE entendue mais exploitée. Il est rare qu’une restitution soit organisée vers les habitants pour dresser le bilan des propositions retenues et de celles qui n’ont pu l’être, c’est le cas avec cet outil. S’engager dans ce type de démarche implique naturellement d’instaurer un débat public durable avec ses concitoyens. Les conflits ne doivent pas être soigneusement évités mais plutôt perçus comme sources de richesse. 3. Un outil pédagogique Travailler avec les habitants peut également être formateur pour le « citoyen de base ». Nous avons travaillé sur un quartier dont le potentiel est élevé mais dont également les faiblesses sont importantes. Le niveau de qualification est très faible dans ce quartier et le taux de chômage, très important. Nous devons prendre en compte les difficultés des habitants du territoire enquêté. Une circulaire de Lionel Jospin sur les contrats de ville préconisait de concerter les habitants en amont des projets qui les concernent. Dès octobre 1999, nous avons engagé un cycle de coélaboration pour un projet qui a été finalement signé en novembre 2002 et pour l’ORU en mars 2002. L’esprit de l’Atelier de l’Avenir est d’accroître la capacité d’intervention des citoyens. Il s’agit en quelque sorte de les former à la prise de parole en public et à prendre part au débat public. Par ailleurs, ce dispositif accroît la capacité de chacun des acteurs. La mobilisation des acteurs du territoire concerné est essentielle pour engager une démarche de concertation approfondie. Il faut sensibiliser, et même former les professionnels à ce type de démarche. IV. Méthodologie de travail L’Atelier de l’Avenir consiste, à partir d’un diagnostic commun, à construire un projet ensemble. Cet outil, conçu par des psychosociologues allemands, a été utilisé précédemment aux Pays-Bas et en Allemagne. A partir d’une description des causes du mal-être, cette technique consiste à créer une utopie créative pour finalement déboucher sur des projets concrets. Il n’est pas possible de travailler sans avoir cerné les problèmes du territoire. Cette démarche laisse une place centrale aux habitants : il s’agit de chercher avec eux des solutions à leurs problèmes. Les solutions seront d’autant plus intéressantes et acceptées des habitants qu’elles correspondront à leurs préoccupations réelles. Dans le cas présent, les projets issus de cette concertation ont été inscrits dans le contrat de ville 2000- 2006. 1. Les différentes phases A l’issue la première phase, dite « de colère » (description des problèmes), les participants sont autorisés à imaginer des solutions sans aucune contrainte physique ou financière. Enfin, les habitants ont l’occasion de rêver à leur quartier idéal. Au cours de la troisième et dernière phase, dite « de construction », les projets sont élaborés. Cette dernière phase n’est possible que si les deux premières phases se sont correctement déroulées. Paris, le 9 octobre 2003 29 ARENE Ile-de-France
  • 30. Les journées techniques de l’ARENE Il est souvent reproché aux habitants de se plaindre de la crotte de chien ou du trou dans le trottoir devant leur porte. Toutefois, ces éléments peuvent servir de base à la réflexion et à l’élaboration de projets structurés. 2. Le recours systématique à l’écrit Les ateliers et les groupes de travail font l’objet d’un compte-rendu complet. Les ateliers démarrent par deux jours de travail consécutifs (généralement, une soirée suivie d’une journée entière). Il existe des techniques particulières pour réunir le maximum de personnes ; je vous en livrerai quelques-unes. 3. Une démarche durable L’organisation d’un Atelier de l’Avenir implique de s’engager dans une démarche exhaustive et durable. Toutes les paroles prononcées seront consignées. L’expression écrite est facilitée, ce qui nécessite une attention particulière dans les quartiers difficiles. A l’issue des trois phases, se constituent des groupes de travail. Ils se réunissent en fin de week-end et sont constitués pour la durée de préparation du projet. 4. Une dynamique mobilisatrice Le compte-rendu complet est une trace utile pour mesurer le chemin parcouru. Il se présente sous forme d’un livret illustré de photographies, qui sont souvent plus évocatrices que des discours. Ce livret peut être utilisé pour créer un effet de « boule de neige ». Le nombre d’habitants présents (nous étions 80 au Blanc-Mesnil), n’est pas nécessairement représentatif du nombre d’habitants total du quartier. Le livret peut être un moyen de parler de l’expérience enrichissante que l’on a vécue au cours de l’atelier et de sensibiliser de nouvelles personnes. Les 80 personnes du premier atelier peuvent alors devenir 150 en quelques semaines. V. Pratique de l’outil 1. L’organisation préalable Un Atelier de l’Avenir peut se réaliser avec 20 ou 100 personnes (au-delà, cela devient compliqué). Plusieurs conditions doivent être réunies pour que la mobilisation soit importante. Il faut organiser des réunions de sensibilisation et de préparation, y compris avec les services municipaux. Nous avons réuni au sein d’un collectif l’ensemble des chefs de services de la Ville du Blanc-Mesnil, ainsi que des partenaires extérieurs. Nous avons diffusé une invitation, dont les termes ont été choisis par les professionnels et par les premiers habitants mobilisés. Il existe toujours sur un territoire une quantité d’acteurs potentiels (les gardiens d’immeubles, les éducateurs, les puéricultrices, etc.), qui sont en contact quotidien avec les habitants. Ils sont « utilisés » comme relais pour mobiliser en vue de la première réunion de l’atelier. Paris, le 9 octobre 2003 30 ARENE Ile-de-France
  • 31. Les journées techniques de l’ARENE Nous créons également les conditions pour que le maximum de personnes puisse venir. Une objection fréquente est que les horaires de réunion ne correspondent pas aux horaires de disponibilité. Une solution peut être apportée simplement en prévoyant une pièce pour que les enfants puissent jouer pendant que leurs parents participent à l’atelier. Les horaires et les jours de réunion sont décidés collectivement, ce qui permet également de prendre en considération les contraintes des habitants. Ceux-ci sont reconnaissants lorsque ces précautions sont observées. 2. La phase de critique La question de l’Atelier de l’Avenir peut être, par exemple : « Que faire ensemble pour mieux vivre dans le quartier ? » Dans un premier temps, nous distribuons des post-it aux participants. La réunion commence ainsi par une sorte de brainstorming, tout en observant quelques règles élémentaires parmi lesquelles : • toute idée est bonne ; • il est autorisé de s’inspirer de l’idée de son voisin ; • il faut respecter son voisin ; • on ne doit nommer personne... Nous demandons aux habitants d’exprimer les problèmes qu’ils rencontrent, puis nous ramassons tous les post-it et nous les lisons en nous assurant que l’anonymat de leurs auteurs soit respecté. Ensuite, les participants eux-mêmes trient les post-it sous différents thèmes. En trois quarts d’heure, nous avons récupéré près de 300 post-it portant sur des thèmes divers, tels l’environnement et la propreté, les lieux pour les jeunes, la sécurité routière, etc. Voici quelques exemples de post-it que nous pouvons retrouver sur le thème de la propreté et de l’environnement : • « Les espaces verts : pas de respect. » • « Il n’y a pas de jardin, c’est une cité. » • « Les cités ne sont pas entretenues. » • « Il n’y a pas assez d’espaces verts. » • « Le quartier est trop moche. » Pour chacun des thèmes, des groupes sont constitués, qui ont la charge de synthétiser les observations. Sur le thème de l’environnement et de la propreté, la phrase obtenue était : « Cités dégradées, abondance de crottes, ordures, boîtes aux lettres fracturées, manque d’espaces verts, manque de gaîté, les gens s’enferment chez eux… » 3. La phase d’utopie créative Nous procédons selon le même mode opératoire mais à partir d’une série de post-it positifs. Les phrases synthétiques de la phase négative sont ensuite reprises et rendues sous un tour positif. Nous obtenons ainsi, toujours sur le thème de l’environnement et de la propreté : Paris, le 9 octobre 2003 31 ARENE Ile-de-France
  • 32. Les journées techniques de l’ARENE « Vivre dans un air non pollué, profiter enfin de tous les espaces, prendre son courrier dans une boîte aux lettres en bon état… » Les post-it de la phase positive sont regroupés suivant les mêmes thèmes. Des propositions élémentaires commencent alors à apparaître. Cette façon de procéder peut paraître anecdotique mais permet réellement de révéler les préoccupations des habitants du quartier et conditionne fortement la troisième phase. 4. L’élaboration d’un projet collectif Nous aimerions tous que nos intérêts individuels soient pris en compte dans l’intérêt collectif – je préfère cette notion à celle « d’intérêt général ». Le processus consiste à dépasser le stade de la complainte individuelle pour entrer dans une dynamique collective. Au cours de la troisième phase, nous donnons des repères de la démarche du projet. Nous expliquons aux différents groupes les objectifs et examinons quels sont les acteurs qui pourraient être impliqués, ainsi que la nature des obstacles éventuels à lever. 5. La réalisation du projet A l’issue de ce premier week-end, nous avons deux groupes de travail : le premier s’est intéressé au thème de l’environnement et de la propreté et le second a travaillé à un projet d’espace collectif, partant du constat de l’absence d’équipement public dans le quartier. Ce dernier projet est aujourd’hui validé par la municipalité et le financement est assuré. Le premier coup de pioche est prévu pour 2004. Il aura fallu attendre cinq ans entre la conception et la réalisation du projet, ce qui peut paraître long. Le temps d’attente peut être celui du découragement mais aussi celui de l’apprentissage. Nous avons travaillé avec les habitants tout au long du processus. Nous étions il est vrai très ambitieux car nous avons commencé très tôt dans la construction du projet. Nous avons sollicité les habitants lors de la recherche des moyens de financement, de la conception des locaux avec les architectes, les programmistes, etc. Je parle plus largement de cette démarche dans un livre qui s’intitule : Faire la ville autrement ; la démocratie et la parole des habitants*. Il retrace cette expérience, qui n’est pas la seule que nous ayons mise en œuvre dans cet esprit de co-élaboration avec les habitants. * Collection "Acteurs sociaux" – Editions Yves Michel, Barret-sur-Méouge, 2001, 140 pages. 04.92.65.52.24 Paris, le 9 octobre 2003 32 ARENE Ile-de-France
  • 33. Les journées techniques de l’ARENE Débat Marc COLMOU, Ministère de l’agriculture J’ai quinze ans d’expérience en vie associative dans le domaine de l’environnement et de la démocratie locale participative. Deux lacunes semblent apparaître dans les exposés que nous avons entendus. Les agents de développement territorial et ceux dépendant de municipalités ou de communautés d’agglomération n’ont pas été formés aux techniques d’animation. Cela fait l’objet de discussions, notamment au sein de la DATAR et de la Direction générale des collectivités locales (DGCL, Ministère de l'Intérieur). L’agent de développement n’est pas uniquement un technicien mais c’est également un animateur du projet. Il doit intervenir, non pas de façon défensive, mais susciter l’élaboration de projets « ascendants », en s’appuyant sur l’avis de la population. Les agents chargés de mettre en œuvre la démocratie participative consomment des fonds publics. Les élus n’ont pas forcément la possibilité de consacrer beaucoup de temps et de moyens à une concertation. Une évaluation leur est nécessaire. Le but réel d’une concertation est-il de fluidifier le trafic ou de limiter les votes du Front national ? Quels sont les critères d’évaluation d’une initiative de démocratie participative ? Christian COLLIN Je ne saurais répondre concernant les critères d’évaluation. En revanche, il me semble essentiel d’inverser la dynamique d’élaboration du projet. Il s’agit de tenir compte de la mémoire des lieux et de la mémoire de l’usage, liée elle-même à l’environnement. Etant donné que l’homme est lié à son environnement, lorsqu’on nuit au second, le premier souffre également. Cette dualité prolonge les solidarités déjà mises en place. Il faut tenir compte des éléments écologiques et de la capacité des sites. Il faut également bâtir sur l’existant. Sans la vie associative, j’ignore ce que nous serions aujourd’hui. Lors de l’élaboration d’un projet, il ne s’agit plus tellement de défendre son point de vue. Le but de mon exposé était de montrer comment nous pouvions entrer dans le vingt-et-unième siècle tout en valorisant notre patrimoine. Le chemin est plus important que l’objectif. Si les acteurs sont séduits par un projet se produit un phénomène de boule de neige. A travers ce courant de sympathie, nous arrivons à trouver des alliés dans des instances que l’on aurait pu croire trop centralisées et inflexibles. A mon sens, il est impossible de s’affranchir de l’histoire et du patrimoine des territoires pour établir un projet. L’information n’est accessible qu’au moyen de l’immersion, et certainement pas en voulant faire passer un projet en force. Patrick NORYNBERG La formation est un aspect essentiel de la préparation de la concertation. J’ai été conduit à travailler avec des collègues de diverses origines. Ils n’ont pas nécessairement été sensibilisés ou formés à ce type de démarche. Il s’agit véritablement d’un processus nouveau. Nous sommes poussés dans une dynamique de l’échange, qui rend cette évolution incontournable. En prenant le temps de l’échange, il est possible de rassurer l’interlocuteur et d’éliminer le stress. Nous avons préparé l’action dont je vous ai parlé pendant près de six mois avec les professionnels. Il fallait s’assurer d’une volonté Paris, le 9 octobre 2003 33 ARENE Ile-de-France
  • 34. Les journées techniques de l’ARENE politique, condition sine qua non pour que le projet fonctionne. Si les élus n’ont pas envie d’entendre des voix discordantes sur leur territoire, il est inutile d’engager la démarche. Certains élus ne savent pas comment procéder autrement qu’en organisant des séances de questions-réponses. Nous disposons aujourd’hui de méthodes plus efficaces. Il est nécessaire de former également les habitants eux-mêmes, car il n’est pas facile de prendre la parole devant cent personnes ! Gérard DABIN, Maire-adjoint chargé du développement durable et des transports, Ville de Pantin J’aimerais que vous indiquiez très précisément les moyens dont vous disposez pour chacun des deux projets que vous avez décrits. Au Blanc-Mesnil, le projet de couverture de l’autoroute A1 mobilise des moyens importants. D’autres projets d’une importance comparable existent probablement. Les services municipaux ont-ils la capacité de se former et d’intervenir sur des concertations secondaires ? De quels moyens, et en particulier financiers, disposez-vous ? Il me semble que nous touchons là une limite de la concertation. Patrick NORYNBERG Dans le cas présent, nous avons précisé aux habitants que nous utiliserions les moyens de la municipalité prévus pour la politique de la ville. Nous avons expliqué les modes de financement possibles et le fonctionnement des finances publiques. Notre démarche a ainsi inclus une part pédagogique. Les projets nés des ateliers se retrouvent aujourd’hui dans la programmation du contrat de ville, soit au sein des dépenses de fonctionnement, soit en tant qu’investissements. Notre démarche consiste à écouter les préoccupations des habitants, y compris hors du cadre des Ateliers de l’Avenir. Nous entretenons une mémoire du travail des ateliers. Nous avons organisé une restitution du premier atelier, en présence des élus. L’absence des élus pendant les deux premiers jours a permis aux participants de s’exprimer sans retenue. Ce sont les habitants eux-mêmes qui ont présenté leurs projets aux élus. Ces derniers ont été impressionnés par la qualité du travail accompli. Afin de suivre le développement de ces divers projets, des Conseils de Ville et de Voisinage ont été constitués. Ces instances, un peu équivalentes aux Conseils de quartier, ont été construites sur cette base au Blanc-Mesnil. Encore aujourd’hui, les habitants rendent compte aux élus et aux techniciens. Les différents participants évoquent ensuite de nouveaux projets et les financements correspondants. Vous avez fait allusion à la couverture de l’autoroute A1, qui fait l’objet d’une mobilisation des habitants depuis vingt ans. Les travaux sont en cours actuellement. L’architecte urbaniste a été mis à la disposition des habitants pour travailler au projet de couverture de l’autoroute. Les habitants se sont regroupés dans une coordination des habitants de l’autoroute et ont monté un projet. La DDE en a tenu compte pour établir son projet définitif. Bien entendu, tous les projets ne sont pas voués au succès. Des groupes de travail de nos Ateliers de l’Avenir ont été abandonnés, faute de participants. En conclusion, co-élaborer des projets permet aussi de réfléchir au financement de ceux-ci. Certaines municipalités ont constitué des budgets participatifs, qui permettent de monter des projets avec les citoyens et de les financer plus facilement avec le budget communal. Paris, le 9 octobre 2003 34 ARENE Ile-de-France
  • 35. Les journées techniques de l’ARENE Christian COLLIN Pour notre part, notre atelier était financé pour un an sur les moyens du projet de prolongement du tramway. La Ville ne disposait pas de moyens propres suffisants pour prendre à sa charge un projet d’intérêt général. Observons qu’un petit projet comme celui-ci a permis d’aboutir à des solutions innovantes, qui pourront être réutilisées ailleurs en Ile-de-France. Les dépenses engagées sont pleinement justifiées. Il ne s’agit pas de contenter des contestataires mais de faire profiter l’ensemble de la communauté d’une expérience acquise. Il ne faut pas hésiter à financer des contre-expertises. Nul ne pensait que nous pourrions arriver à un tel résultat. Sans une mobilisation de l’ensemble des acteurs et un travail en osmose, l’on n’aboutit à rien. Paris, le 9 octobre 2003 35 ARENE Ile-de-France
  • 36. Les journées techniques de l’ARENE Concertation et réflexion prospective sur le développement durable d’un territoire Intérêt général et générations futures, réflexion " systémique ", implication dans une stratégie de long terme I La concertation à l’échelle d’une agglomération : le rôle d’un conseil de développement dans l’élaboration du projet d’agglomération et d’une démarche Agenda 21 Gabriel VITRE Animateur du conseil de développement de la Communauté urbaine de Nantes I. Commentaires sur les interventions précédentes J’aimerais tout d’abord réagir à l’intervention de Madame Chardonnet. Il est souvent question d’une confrontation de l’intérêt général, porté par les décideurs, et de l’intérêt particulier, porté par les habitants. La question est en fait plus complexe. Par exemple, il existe des conflits d’intérêts généraux. Certains riverains se positionnent parfois en défenseurs de leur environnement, par exemple. L’intérêt général est une notion difficile à identifier. Vu par l’Etat ou les riverains, l’intérêt prend un tour différent. Ma deuxième réaction concerne l’intervention de Monsieur Marzolf. Nous avons connu un exemple de débat très bien conduit à propos du projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes. Les associations ont considérablement enrichi le débat en obligeant les porteurs du projet à mener à bien des études complémentaires. II. Historique du conseil de développement de la communauté urbaine de Nantes 1. La naissance d’une assemblée représentative de la société civile L’expérience nantaise remonte à 1996, soit avant la Loi Voynet. Jean-Marc Ayraud, le maire de Nantes, avait introduit dans son programme électoral l’idée d’une assemblée représentant la société civile au niveau intercommunal. Nous n’avions aucune expérience dans ce domaine et nous avons donc procédé de façon assez instinctive. Nous avons essayé de représenter tous les principaux secteurs de la vie associative au Paris, le 9 octobre 2003 36 ARENE Ile-de-France
  • 37. Les journées techniques de l’ARENE sein d’une assemblée de 70 personnes. Nous avons octroyé des moyens propres à cette assemblée et lui avons confié la préparation du Projet de l'agglomération à l'horizon 2005. Certains élus étaient méfiants par rapport à cette assemblée : du fait qu’aucun d’entre eux n’y siégeait, ils craignaient qu’elle n’exerce une forme de contre-pouvoir. Jean-Marc Ayrault a choisi, pour diriger cette assemblée, Jean-Joseph Régent, qui a notamment dirigé la Chambre de commerce, le Port et un groupe spécialisé dans l'environnement, et qui avait même failli être candidat contre lui aux élections municipales. En choisissant cette personne pour présider cette assemblée, Jean-Marc Ayrault ne pouvait pas être suspecté de vouloir la piloter à distance. Cette assemblée a fonctionné. Une esquisse du projet d’agglomération lui a été soumise et a suscité une participation très active. Le Président avait sensibilisé les membres de l’assemblée, lors de la première session, sur la nécessité d’être productifs pour que l’instance puisse perdurer. Des contributions écrites individuelles ont été remises aux élus. Ces derniers ont pu constater que la motivation était plus importante que prévu (n’oublions pas que les membres de l’assemblée étaient bénévoles). 2. La transformation en conseil de développement Devant le succès de l’expérience, l’assemblée a été installée de manière permanente a été saisie de différents sujets (plan de déplacements urbains, aire métropolitaine Nantes-Saint-Nazaire, agriculture périurbaine), jusqu’à l’arrivée de la Loi Voynet. Constatant que cette assemblée remplissait le rôle d’un conseil de développement, nous l’avons rebaptisée conseil de développement le 1er janvier 2001. Le nombre de ses membres est passé de 70 à une centaine, afin de couvrir plus largement le spectre de la vie associative de l’agglomération nantaise. Le conseil de développement peut aujourd’hui se saisir lui-même de dossiers. III. Fonctionnement du conseil de développement 1. Moyens Les moyens sont assez restreints. Le fonctionnement ordinaire du conseil de développement coûte aujourd’hui 500 000 francs par an à la Communauté urbaine et les locaux, à peu près autant. Le coût est modeste au regard de la taille de la Communauté urbaine. Ces moyens permettent à l’assemblée de fonctionner de manière autonome par rapport à la Communauté urbaine. Elle peut s’appuyer sur des structures existantes, comme l’agence d'urbanisme. 2. Participants Le conseil de développement implique largement plus d’une centaine de personnes : en effet, les représentations ne sont pas nominatives et chaque association membre peut dépêcher les personnes qu’elle souhaite. Ainsi, ce sont près de 250 personnes qui sont concernées de façon plus ou moins directe par les travaux de l’assemblée. Plus une association envoie de personnes différentes au sein du conseil, plus la diffusion de l’information sera efficace. Paris, le 9 octobre 2003 37 ARENE Ile-de-France
  • 38. Les journées techniques de l’ARENE 3. Influence Les élus tiennent-ils seulement compte des propositions du conseil ? Il est possible de répondre à cette question de deux façons. Tout d’abord, l’on peut examiner la proportion des propositions du conseil de développement reprises par la Communauté urbaine. La seconde manière est de mesurer l'influence du conseil à plus long terme. Une anecdote est révélatrice : en étudiant les professions de foi des candidats aux dernières élections municipales, on a retrouvé des textes entiers rédigés par le conseil de développement, chez des candidats de gauche comme de droite, dans l’ensemble de la Communauté urbaine. Le conseil de développement a également prouvé son influence lorsque le district nantais a dû choisir entre le statut de Communauté d’agglomération et de celui de Communauté urbaine. Alors que les communes raisonnaient de manière traditionnelle, et que leur débat était fortement teinté d’identité communale, les membres du conseil sont allés au-delà de cette problématique. Il était évident pour eux qu’il fallait que l’on opte pour le statut de Communauté urbaine. Nantes avait la vocation de jouer dans la même cour que les sept ou huit autres grandes villes françaises et pas dans celle des Communautés d’agglomération. La vraie question était la nature du projet de Communauté urbaine et ses implications, pour Nantes comme pour Saint-Nazaire. La personnalité du Président a peut-être joué un rôle mais toujours est-il que la nature du débat entre les communes a évolué. IV. Les enjeux 1. Mobiliser Bien entendu, il existe des écueils. Il est difficile de mobiliser des bénévoles sur la durée, en ne leur proposant d’autre reconnaissance qu’intellectuelle, alors que les membres du CESR touchent un jeton de présence de 1 500 francs par réunion. Il faut donc trouver des modes de reconnaissance du travail de cette institution. Il est utile de lui permettre de recourir à des experts extérieurs, de dispenser des formations, d’organiser des séminaires, etc. Il faut également que les élus interagissent avec le conseil de développement. Des réunions communes doivent être organisées. 2. Offrir un lieu d’échange En dépit du constat de désaffection pour la politique, il est indéniable que certains citoyens demandent toujours plus de participation. L’offre démocratique date du dix-neuvième siècle (communes, départements, Etat) tandis que la prise de décision intervient dans des instances beaucoup plus modernes (intercommunalité, région, Europe). Le pouvoir du maire est contraint au sein d’une intercommunalité, laquelle échappe au suffrage universel direct. Dans le même ordre d’idée, la moitié des lois françaises est la transposition de lois européennes. 3. Modifier les processus décisionnels La culture de la décision doit nécessairement changer. Une décision prise par trois ou quatre personnes ne fonctionne plus nécessairement. La demande d’échange est de plus en plus forte, que ce soit pour la construction d’un aéroport ou celle d’un simple rond-point. Le climat est de plus en plus tendu : les défenseurs des projets paraissent de plus en plus suspects aux yeux des opposants, qui sont parfois même mieux formés. Le couple traditionnel maire-technicien, qui détenait autrefois Paris, le 9 octobre 2003 38 ARENE Ile-de-France
  • 39. Les journées techniques de l’ARENE le pouvoir de décision, est aujourd’hui confronté à la société civile. A travers cette situation, ce sont deux modes de fonctionnement qui s’opposent : celui du couple traditionnel et celui de la démocratie participative. La relation entre la société civile et les élus n’est pas nécessairement la plus difficile. Les techniciens ne se présentent jamais devant les électeurs et pourtant leur pouvoir n’est pas négligeable, notamment au sein des structures intercommunales. Les élus sont plus sensibles à l’avis de leurs électeurs que les techniciens. 4. Coordonner les conseils de développement Nous avons essayé de constituer un réseau national des conseils de développement. Nous avons organisé trois rencontres (à Nantes, l’an dernier, à Nancy, en juin, et à Grenoble, en janvier). Nous avons constaté que les modes de fonctionnement des conseils de développement sont très variables d’une Communauté à l’autre. Les structures sont plus ou moins encadrées. Le fonctionnement des conseils de développement est le produit de l’histoire et de la culture locales. La loi Voynet présente l’avantage de laisser une très grande liberté de manœuvre dans la constitution et le fonctionnement des conseils de développement. Ces derniers deviendront ce que les participants voudront qu’ils deviennent. L’inconnue majeure est le positionnement politique des conseils de développement. La position du conseil de développement de Nantes n’est pas de s’autoproclamer comme un juge politique mais plutôt de se présenter comme un porte-parole de la société civile. Les élus ont tout intérêt à tirer profit des expériences des différents acteurs et peuvent appréhender plus facilement les évolutions sociales. V. Exemples concrets de contributions Les citoyens peuvent apporter des contributions tout à fait intéressantes. J’aimerais citer un exemple dans le domaine de la gestion du temps. Cette problématique est devenue très importante dans les grandes villes. Toute la réflexion est partie d’un simple constat de l’affluence très importante à une certaine heure sur la ligne de tramway nantais qui dessert l’université. Un professeur d’université a alors signalé que depuis trente ans, il s’est avéré impossible de décaler les horaires des cours d’un quart d’heure. La gestion du temps se décline à travers de nombreux aspects : faut-il par exemple prévoir deux fois deux voies ou deux fois trois voies sur le périphérique, ou doubler un pont ? La gestion du temps est au moins aussi importante que le trajet des lignes de tramway. Est-il raisonnable, par exemple, d’investir autant pour des bâtiments comme les universités, qui sont vides six mois par an ? De tels investissements seraient-ils consentis pour un autre secteur d’activité ? Les membres du conseil construisent également des réseaux entre eux. Ils apportent leur savoir-faire, indépendamment de leurs idées. Le mélange des expériences de personnes de domaines différents est bénéfique, et tout particulièrement pour les élus. Le conseil de développement est une instance où le débat est plus libre, notamment pour les experts invités. Les lieux de réel débat sont rares car chacun se pose en défenseur de sa propre institution et surveille ses propos. Nous avons réalisé que les experts peuvent livrer au sein du conseil de développement des idées qu’ils n’auraient pas osé formaliser ailleurs. Paris, le 9 octobre 2003 39 ARENE Ile-de-France
  • 40. Les journées techniques de l’ARENE Je pense que cette instance est intéressante. Elle témoigne d’une réelle implication citoyenne. La désaffection du politique est une réalité mais peut-être le comportement citoyen est-il plus devenu civique que politique. Il faut organiser cette expression plutôt que de la laisser se manifester au cours de confrontations brutales. Les conseils de développement sont à mon sens porteurs d’espoir en ce sens. Cela dit, il existe toute une variété de possibilités en matière de démocratie participative. Paris, le 9 octobre 2003 40 ARENE Ile-de-France
  • 41. Les journées techniques de l’ARENE Impliquer les habitants dans l’élaboration d’un Agenda 21 communal ; rôle et fonctionnement d’une instance de concertation ad hoc : le forum 21 et les ateliers thématiques de Bessancourt (Val-d’Oise) Jean-Christophe POULET Maire de Bessancourt I. Présentation de Bessancourt Bessancourt est une ville de 7 600 habitants, située entre Paris et Cergy. 60 % du territoire de la commune n’est pas urbanisé. La plupart de la zone non urbanisée est agricole, et une partie est polluée de façon quasi systématique par des métaux lourds à la suite d’épandages réalisés par la Ville de Paris et des villes voisines. Il existe une centaine d’hectares urbanisables situés en zone non polluée. La plus grande partie du site du centre de commandement des forces nucléaires de Taverny est également située sur le territoire de la commune. Bessancourt compte également l’une des plus vieilles sociétés de chasse d’Ile-de-France. Il existe une forte polémique entre agriculteurs et écologistes à Bessancourt. En effet, les écologistes ont dénoncé la pollution aux métaux lourds de façon parfois maladroite, ce qui a provoqué l’hostilité des agriculteurs à leur égard. Ces mêmes agriculteurs se sont sentis abusés dans la mesure où ils ont fourni les terrains nécessaires à l'épandage des boues. Dans ce contexte particulier, un maire vert a été élu en 2001. Il existe également à Bessancourt un quartier HLM qui représente 25 % de la population. Il s’agit d’un quartier assez agité. II. Les groupes citoyens L'équipe municipale élue en 2001 est plutôt à dominante associative que politique. Nous avons choisi de ne pas utiliser directement le concept d’Agenda 21, qui nous est apparu trop obscur pour la population. Nous avions besoin de faire d’abord comprendre notre mode opératoire. Pour mener la concertation sur l’Agenda 21, nous avons donc commencé par conduire des concertations sur des petits projets. Nous organisions tout d’abord des réunions publiques pour poser le problème puis nous constituions un groupe citoyen composé d’élus, d’habitants et d’agents de la Ville. Tout d’abord, nous avons travaillé sur la démolition d’un centre socio-culturel. Cela peut paraître paradoxal si l’on ne sait pas que ce centre a été détruit et reconstruit à plusieurs reprises. Nous avons décidé de réaliser un véritable audit dans le quartier où était situé le centre socio-culturel pour savoir ce que nous allions installer à la place. Nous devions également décider de la construction d’un autre lieu culturel sur la commune. Paris, le 9 octobre 2003 41 ARENE Ile-de-France