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Le primitivisme en peinture dans la continuité
de l’istoria albertienne
Une partie remaniée, extraite de mon second mémoire de
master, "Hippolyte Flandrin ou le christianisme mis en récit",
soutenu en 2010…
L’istoria albertienne, un dispositif contradictoire
La peinture religieuse de Flandrin s’inscrit dans la lignée d’Alberti et de la peinture
d’histoire dont il assume les tensions internes et les ultimes évolutions.
Dans le De Pictura, qu’il adressa en 1435 au marquis de Mantoue, Alberti fut le
premier à définir les principes formels de l’histoire, conçue comme représentation
d’un thème narratif, en transposant à la peinture le modèle rhétorique du discours,
qu’il découvrait chez Cicéron et Quintilien. Dans cette optique, il reprit le terme de
compositio, « le procédé par lequel les parties sont disposées dans l’œuvre de
peinture »1
, ce qui lui permettait de rendre compte de l’articulation de l’istoria en
« surfaces », « membres » et « corps », s’engendrant les uns les autres suivant une
structuration rigoureusement syntaxique. De cette manière, Alberti élevait la peinture
à la dignité d’art libéral, au même titre que l’Histoire et la poésie. Mais, ce faisant, il
établissait implicitement une hiérarchie des différents types de peinture dominés par
l’istoria, comme il ressort de sa déclaration, suivant laquelle « le plus grand travail du
peintre », le meilleur emploi de son talent, « n’est pas de faire un colosse mais une
histoire »2
Paradoxalement, la peinture d’histoire telle qu’elle a été théorisée par Alberti, se voit
dès l’origine travaillée par une incompatibilité interne à son dispositif rhétorique,
incompatibilité sur laquelle Thomas Kirchner a particulièrement insisté, décelant
« deux stratégies formelles qui empruntent des voies différentes et finalement se
contredisent »3
.
Au paragraphe 40 du De Pictura, Alberti soutient que l’istoria susceptible d’apporter
du plaisir (voluptà) au spectateur est celle qui se caractérise par l’abondance (copia)
ainsi que par le principe régulateur de la variété (varietà) des figures, dans la mesure
où chacune se rapporte à l’action unitaire. Mais dans un second temps, il s’en prend
aux peintres qui, « pour avoir l’air abondant et pour ne laisser rien de vide »4
, mettent
en péril la clarté de la composition et l’unité d’action. Aussi préconise-il, afin de
sauvegarder l’ordre du discours, que l’abondance soit « pondérée et modérée »5
par
1
ALBERTI Leon Battista, De Pictura, Paris, Macula, Dédale, 1992, IIe partie, § 33, p.
153.
2
ALBERTI Leon Battista, ibid, § 35, p. 159.
3
KIRCHNER Thomas, Le héros épique. Peinture d’histoire et politique artistique
dans la France du XVIIe siècle, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 2008, p.
143.
4
ALBERTI Leon Battista, op. cit., § 40, p. 171.
5
ALBERTI Leon Battista, Ibid.
1
l’impression de dignité (dignità) et de retenue (gravità), impliquant pour ce faire une
certaine restriction des éléments du tableau qui heurte de front l'assertion précédente
– déjà indiquée – selon laquelle l’abondance et la variété des choses constituent
« d’emblée » le plaisir propre à l’istoria.
La première stratégie, conformément à l’injonction initiale d’Alberti de faire une istoria
plutôt qu’un colosse, « vise, comme l’explique Thomas Kirchner, une narration
différenciée »6
où chaque détail remplit un rôle déterminé dans l’économie
d’ensemble du système représentatif de la peinture, répondant au désir qu’à le
spectateur de lire le tableau à la manière d’un texte, découvrant étape par étape les
différentes parties d’un récit que lui offrent l’abondance et la variété des objets sur
lesquels son regard se pose. Par contre, explique Kirchner, la dignità, prenant ses
distances avec le récit différencié que devrait impliquer l’istoria du fait de ses
exigences de réduction narrative et figurative, apporte « une information directe,
efficace et durable »7
, qui s’impose au spectateur par l’immédiateté de sa perception.
Ce que Kirchner met par conséquent en exergue dans le De Pictura, ce sont deux
stratégies formelles antagonistes, propres à des « modes de réception différents », la
première faisant droit au plaisir esthétique, la seconde répondant aux nécessités
politiques de clarté et d’impact du message. Ainsi, pour montrer l’avantage de la
copia et de la varietà, Alberti énumère toutes sortes de détails convenant
parfaitement à la composition de scènes bucoliques, c’est-à-dire extérieures aux
lieux de pouvoir. Mais lorsqu’il recommande aux peintres de respecter une certaine
dignità, le modèle auquel il se réfère est celui du prince dont « la rareté des
paroles », quand il commande, « ajoute à la majesté ». Ce dédoublement des
fonctions, Kirchner en voit une nouvelle confirmation au paragraphe 56 du De
Pictura : La nécessité de se reporter à la nature est d’abord présentée comme
condition de l’élaboration du beau, en dehors de toute fidélité à un modèle précis,
avant d’être justifiée par le fait que l’identification du « visage d’un homme connu »
exerce plus d’attraits sur le spectateur que « d’autres figures plus brillamment
exécutées »8
. Une distinction implicite est ainsi établie entre les peintures à
destination esthétique et narrative et celles à destination politique et iconique.
La cohérence de l’istoria, partagée entre le plaisir d’une narration complexe et
l’exigence d’une noble restriction, est donc dès l’abord problématique, puisque, ce
faisant, Alberti cherchait à associer de façon équilibrée dans un même dispositif le
principe qui la conditionne (abondance, variété) et celui qui lui contrevient (dignité).
Dans les faits, il proposait aux artistes deux façons de concevoir et de pratiquer la
peinture d’histoire. Bien que le De Pictura ait consacré le triomphe théorique de la
forme narrative en peinture, il n’a toutefois pas entièrement aboli l’opposition
conceptuelle qui structurait précédemment les images : l’imago et l’istoria9
. L’une, qui
remplissait une fonction cultuelle dans l’église, visualisait, hors de tout récit articulé,
l’objet de la dévotion des fidèles. L’autre instruisait les illettrés sur le contenu de leur
foi, à travers une mise en scène de l’histoire sainte. Ces catégories, sécularisées et
absorbées par l’istoria albertienne, ont en réalité survécu sous le mode de
6
KIRCHNER Thomas, op. cit., p. 142.
7
KIRCHNER Thomas, ibid., p. 143.
8
ALBERTI Leon Battista, op. cit., p. 221.
9
Cf. RINGBOM Sixten, De l’icône à la scène narrative, Paris, Gérard Montfort, 1997,
p. 9-10.
2
l’interpellation politique et du récit, suivant que, d’une époque et d’un artiste à l’autre,
l’accent a été mis sur la dignità ou la copia et la varietà dans l’élaboration de la
peinture d’histoire.
Bien que marginalisée par le triomphe de la peinture d’histoire, l’imago proprement
dite ne s’est pas purement et simplement effacée à l’époque moderne car, en dépit
de l’évolution des goûts, la fonction cultuelle dévolue à certaines images dans les
églises est demeurée valide jusqu’au bout. En particulier au XVIIe siècle dans la
période classique, les exemples ne manquent pas, Philippe de Champaigne en
offrant une des meilleures illustrations avec son Ecce Homo de 1655, ou encore
Nicolas Poussin pour L’Annonciation, qu’il peignit en 1657 :
Dans ce dernier tableau, la Vierge est assise les bras ouverts dans une attitude
d’abandon, délaissant son livre, l’Esprit-Saint planant au-dessus de sa tête, tandis
qu’à sa gauche l’ange la désignant de la main gauche et de la droite pointant le ciel,
lui annonce qu’elle enfantera le Messie. Malgré une composition plus complexe que
l’Ecce homo où le Christ est seul assis dans la partie médiane, avec des figures plus
décentrées et dont la frontalité n’est pas aussi affirmée, la narration est abolie, les
temps de l’annonce et de l’extase consécutive étant uniquement signifiés par les
postures. Le peu de perspective maintenue par Philippe de Champaigne est même
supprimée par Poussin qui élabore une composition étagée : en bas, l’écriteau avec
une date, puis la partie Médiane, en quelque sorte « temporelle » où figurent l’Ange
et Marie, enfin le Saint-Esprit descendant pour opérer l’œuvre de l’incarnation, sur
fond neutre qui suggère sans la montrer la gloire céleste.
Selon Michael Paul Driskell, dans sa thèse sur la peinture religieuse française au
XIXe siècle, la distinction entre les deux modes fonctionnels de l’image religieuse,
dont on trouve encore des références à la Renaissance, « semble avoir été
largement oubliée au XVIIIe siècle et fut seulement progressivement redécouverte au
XIXe siècle. »10
De fait, on peut en déceler l’occultation dans la pratique artistique,
jusque dans les images cultuelles, au fur et à mesure que l’on avance dans le siècle.
Le déséquilibre du dispositif de l'historia
Le retour au style « noble et sévère » de la peinture d’histoire, initié à partir de 1747
par les « publicistes » et les critiques d’art anti-rococo, a pesé de façon décisive du
côté de la dignità et de sa modalité iconique, alors même que la primauté de l’istoria
était réaffirmée.
A la suite des Réflexions critiques sur la poésie et la peinture de l’abbé du Bos,
publiées en 1719, ceux-ci soutenaient qu’une peinture, pour toucher, devait
permettre au spectateur de s’identifier à des personnages mobilisés dans de grandes
10
DRISKELL Michael Paul, Representing Belief. Religion, Art, and Society in
nineteenth-century France, Pennsylvania, 1992, p. 99-100: « References to this
functional difference are found throughout the medieval and Renaissance periods,
but the distinction seems to have been largely forgotten by the eighteenth century
and was only slowly rediscovered in the nineteenth. » Contrastant avec l’istoria qui
privilégie les vues de profil d’acteurs projetés dans une action donnée, la
représentation iconique médiévale se caractérisait, insiste Driskell, par sa « modalité
hiératique », laquelle comporte la frontalité, la symétrie et la position centrale, plus en
adéquation avec la relation de face-à-face du regardeur et de l’image. Pour
approfondir ces questions, l’auteur renvoie à SCHAPIRO Meyer, Les Mots et les
Images, Paris, Macula, 2000.
3
actions impliquant l’expression de passions extrêmes. Dans cet esprit, Rousseau,
puis La Font de Saint-Yenne, ont popularisé l’idée que l’art a une fonction civique et
morale à tenir dans l’espace public, que la peinture d’histoire devrait être « une école
de mœurs » et que les artistes devraient représenter « les actions vertueuses et
héroïques des grands hommes »11
. Suivant ces critères, la hiérarchie des genres se
voyait renforcée au profit de l’histoire, de style et de contenu élevé.
Un tel primat accordé à l’émotion dramatique en peinture et à sa fonction
d’édification conduisait les auteurs à réclamer, – de manière bien plus rigoureuse
qu’au siècle précédent –, un respect renouvelé de la règle des trois unités, action,
temps et lieu. Suivant des expressions récurrentes dans leurs écrits, le peintre devait
restreindre le fil de la narration à un unique « instant » et rejeter les détails qui ne
concouraient pas à l’action d’ensemble, afin que le spectateur puisse « embrasser »
tous ses éléments « dès le premier coup d’œil 12
». L’efficacité expressive du sujet en
sortirait puissamment renforcée et s’imposerait bien mieux à l’esprit du spectateur
que si plusieurs détails avaient retenu successivement son attention. De même
l’allégorie, qui fait appel à l’effort de déchiffrement, et la peinture monumentale dont
les vastes dimensions contredisent l’unité de vision, se voyaient dévalorisées,
puisqu’elles étaient en décalage avec la perception immédiate qui était désormais
souhaitée.
Cette réaffirmation de la dignità dans l’élaboration de l’istoria, menaçait de rompre
l’équilibre instable entre les modes narratifs et iconiques. En effet, tandis qu’au XVIIe
siècle l’Académie Royale exigeait surtout que le peintre fasse une présentation claire
et vraisemblable du sujet13
, les auteurs anti-rococo, Diderot étant le plus explicite14
,
prônaient, par leur interprétation restrictive de l’unité d’action, une composition où les
figures, saisies dans l’instant, « concourent toutes à un effet commun, d’une manière
forte, simple et claire »15
Autrement dit, l’enchaînement nécessaire des causes et des
effets concentré en un point unique de la ligne du temps, conduisait, en même temps
qu’à un resserrement narratif, à une simplification de ce qui est représenté.
Mais en dépit de cette conception de la peinture le rapport au temps préconisé restait
profondément différent du mode cultuel de l’imago, qui par son statut même
cherchait davantage à rendre l’intemporalité du Christ ou des saints que le point le
plus tendu de l’action. Avec la nomination du comte d’Angiviller comme Directeur des
Bâtiments du Roi en 1774, c’est effectivement ce qui se passa : ainsi que le
remarque Jean Locquin, à partir de cette date « la Peinture religieuse entre dans une
période défavorable »16
», l’Etat menant alors une politique artistique encourageant,
outre l’idéal d’une peinture d’histoire didactique et digne, des sujets glorifiant les
sentiments patriotiques et le dévouement à la monarchie.
11
LOCQUIN Jean, La peinture d’Histoire en France de 1747 à 1785, Paris, Arthéna,
1978, ibid, p. 163.
12
Cf. FRIED Michael, La place du spectateur. Esthétique et origines de la peinture
moderne, Gallimard, 1990, p. 89-90.
13
Cf. FRIED Michael, ibid., p. 83-84.
14
Cf. FRIED Michael, ibid., p. 83-95.
15
DIDEROT Denis, « Essai sur la peinture », in Œuvres, Paris, Gallimard, 1951, p.
1152.
16
LOCQUIN Jean, op. cit., p. 272.
4
Par ailleurs, dans le sillage de Winckelmann et du mouvement archéologique17
, Vien
avait réintroduit avec ses scènes anacréontiques le goût pour une antiquité idéalisée
et des compositions rigoureuses. Au même moment ses élèves, achevant d’assimiler
les leçons de leur maître, étaient en train de poser les bases d’une peinture où
s’harmonisaient simplification formelle, intensité dramatique et exaltation d’une
morale civique. Le moment décisif de cette évolution fut le Salon de 1785 où
s’affrontèrent deux élèves de Joseph-Marie Vien, Peyron avec sa Mort d’Alceste, et
David avec le Serment des Horaces, ce dernier s’affirmant comme le meilleur
représentant de ce qui allait devenir la peinture néo-classique.
Comme l’a souligné Hugh Honour, le néoclassicisme, en prônant une « purification »
et une « simplicité » des formes18
pour l’ensemble des arts, – y compris lorsqu’il
s’agissait de disciplines aussi peu mimétiques que l’architecture et la musique –,
visait, suivant l’expression de cet auteur, « une clarté et une énergie visuelle
extraordinaires »19
, d’une certaine manière en accord avec l’entreprise de
rationalisation du connaissable, engagée par les philosophes encyclopédistes vers
175020
: à ce titre, les artistes néo-classiques cherchaient à « créer des œuvres
idéales d’une validité universelle et éternelle »21
en accord avec l’universalité et
l’uniformité de la nature, et par là même intelligibles à l’ensemble de l’humanité.
Pour ce faire, conformément aux directives établies par les théoriciens anti-rococo
depuis 1750, les artistes s’étaient détournés des effets d’atmosphère et de texture, et
avaient progressivement opté pour la linéarité des formes et les aplats. Afin de mieux
concentrer l’attention du spectateur, ils s’efforçaient de cette façon de dégager dans
des compositions rigoureusement orthogonales, saisissables immédiatement par
l’esprit, les puissantes oppositions du clair-obscur, des groupes et des figures. En
peinture, au Salon de 1785, comme nous l’avons précédemment indiqué, le Serment
17
Johann-Joachim Winckelmann, prenant le contrepied de l’esthétique Baroque et
Rococo, exposait ainsi sa doctrine dans ses Gedanken über die Nachahmung der
griechischen Werke in der Malerei und Bildhauerkunst, publiées en 1755 à Dresde :
« L’unique voie à suivre pour devenir grand, assurément, et si possible, inimitable,
est pour nous l’imitation des Anciens. […] Une noble simplicité et une grandeur
tranquille, tant dans l’attitude que dans l’expression, voilà en définitive le trait général
qui distingue par excellence les chefs-d’œuvre grecs. » Cf. Pensées sur l’imitation
des oeuvres grecques en peinture et sculpture, Allia, 2005, p. 12 et p. 38. En voici le
texte original allemand : « Der einzige Weg für uns, groß, ja, wenn es möglich ist,
unnachahmlich zu werden, ist die Nachahmung der Alten. [...] Das allgemeine
vorzügliche Kennzeichen der griechischen Meisterstücke ist endlich eine edle Einfalt,
und eine stille Größe, sowohl in der Stellung als im Ausdrucke. So wie die Tiefe des
Meers allezeit ruhig bleibt, die Oberfläche mag noch so wüten, ebenso zeiget der
Ausdruck in den Figuren der Griechen bei allen Leidenschaften eine große und
gesetzte Seele. » Winckelmann, comme illustration exemplaire de son idéal de
beauté, cite le groupe du Laocoon – dont il ne craint pas de faire un alter ego de la
poésie homérique dans le domaine des arts figuratifs.
18
HONOUR Hugh, Le Néo-classicisme, Paris, Librairie Générale Française, 1998, p.
38.
19
HONOUR Hugh, Ibid., p. 41.
20
HONOUR Hugh, Ibid., p. 20. L’Encyclopédie commence en 1751.
21
HONOUR Hugh, Ibid., p. 133.
5
des Horaces de David est la première œuvre consacrant aux yeux du public le
triomphe de ces principes esthétiques, élaborant un nouveau mode de composition,
« par dissociation ou isolement des parties »22
, allant beaucoup plus loin que ce
qu’auraient pu prévoir les écrivains partisans, au milieu du siècle, d’un retour à la
peinture d’histoire.
David ou la filiation néo-classique du « primitivisme »
S’il est exagéré d’attribuer exclusivement à David les mutations travaillant le
mouvement néo-classique, nous demeurerons cependant dans le contexte français,
pour étudier sa pratique nouvelle de l’istoria et l’intérêt qui en découle pour les arts
dits primitifs.
Dans le tableau du Serment, David adoptait le parti d’une gamme colorée réduite
combinée à une tonalité claire, assurant aux formes une pureté linéaire sans
précédent. Le traitement des figures, peu nombreuses, peintes grandeur nature, le
modelé souligné par un jet de lumière oblique venu éclairer le devant de la scène,
renforçait encore l’aspect sculptural de celles-ci, exclusif de tout jeu de chromatisme
et d’atmosphère. Et cela d’autant plus que l’alignement des figures sur un seul axe,
parallèle au plan du tableau et recoupant l’espace en forme de boîte sans nulle
ouverture du décor, opérait une juxtaposition marquée entre le fond plongé dans
l’obscurité, et les figurants en pleine lumière. La réduction à quelques formes
essentielles était de mise, c’est-à-dire les figures et leur cadre architectural, chacune
s’affirmant par leur masse.
Le dépouillement formel joint à la disposition horizontale des acteurs du drame, dans
un espace clos aux lignes rigoureusement orthogonales, impliquait également pour
David, souligne Hugh Honour, de rompre avec « le type de composition étroitement
intégré élaboré au cours de la Renaissance classique et développé sous le
baroque »23
, juxtaposant trois éléments différents de part et d’autre du plan du
tableau : A gauche, sous une première arcade, les trois frères Horaces, choisis par
Rome pour combattre les frères Curiaces, champions d’Albe, jurent de vaincre ou de
mourir pour la patrie ; au milieu, sous une deuxième arcade, le père brandit leurs
armes ; tandis qu’à droite, trois femmes (dont une mère et ses deux enfants) sont
assises dans une attitude d’accablement, toutes à leur chagrin, les deux familles
étant alliées : un Horace a épousé une Curiace, et sa propre sœur est fiancée à l’un
de ses beaux-frères – qu’il s’apprête à combattre à mort et à tuer.
Cette juxtaposition tripartite déterminée par le rythme de l’architecture correspond
également aux figures elles-mêmes et à leurs interactions. D’une part, les trois
frères, alignés en un groupe unique, les muscles bandés et le bras droit levé pour
prêter le serment, dans une parfaite synchronisation qui plus que leur gémellité
traduit leur détermination collective à servir leur patrie contrastent avec la figure
isolée de leur père, dans une attitude plus reposée mais non moins exaltée, les
armes qu’il leur tend se plaçant au centre géométrique du tableau, dans la partie la
plus éclairée. D’autre part, les femmes s’opposent encore plus fortement aux
hommes : placées dans une zone où la lumière est plus adoucie, et revêtues d’habits
aux couleurs atténuées, elles expriment encore par leurs membres détendus, ployant
sous le chagrin, la rupture de sentiments qui les séparent des hommes.
22
HONOUR Hugh, Ibid., p. 44.
23
HONOUR Hugh, ibid., p. 2. Le sculpteur Antonio Canova est compris dans cette
analyse.
6
Faisant le même constat que Honour, – celui d’une composition par « dissociation de
ses parties » (bien qu’il n’utilise pas l’expression), Werner Hofmann n’a pas hésité à
identifier dans le Serment un « triptyque caché » où d’un côté le père et ses fils, de
l’autre l’épouse, les enfants issus des deux familles, la fiancée, et leur servante sont
représentés séparément sur chacun des panneaux, « accentuant à l’extrême le
caractère d’appel de l’œuvre », et l’« iconisation solennelle » de cette dernière24
.
Ainsi l’application de ce mode de composition – consécutif du principe restrictif de la
dignità – conduisait chez David à un certain retour de l’imago médiévale dans la
pratique de la peinture, et à une remise en cause de la narration au sein même de la
peinture d’histoire. Cela s’explique logiquement, si l’on se rappelle que l’historia
albertienne reposait sur un équilibre instable entre deux « stratégies », l’une de
développement de la narration (copia, varietà), l’autre de restriction de celle-ci
(dignità).
L’unité d’action, pourtant indissociable dans l’esprit des théoriciens anti-rococo de
l’unité picturale, était consciemment violée par David qui assumait la liberté qu’il avait
prise, et la justifiait : « l’unité de composition » que fournissaient les arcs en plein
cintre devait être distinguée de l’action proprement dite, laquelle consiste en des
événements composites formant la « contexture » de la tragédie25
. Il n’est dès lors
plus question du déroulement logique d’un unique événement, en fonction duquel les
différents éléments du tableau seraient disposés, bien que chacun de ces
événements juxtaposés contribuent ensemble à l’histoire.
Suivant les mots d’Hofmann, en brisant l’unité d’action David opérait dans le même
mouvement « la désintégration de l’illusion d’un espace continu »26
, celui-là même
qui avait été rendu possible par Alberti en théorisant l’istoria. Le tableau du Serment
est exemplaire de ce point de vue, qui oppose deux « mondes », ou « deux
manifestations antithétiques de l’unanimité », les hommes et les femmes, sans la
moindre communication entre eux, et qui communient chacun à un type de passion
irréconciliable. Ces deux « mondes » correspondent aussi, respectivement au
« début » et au « terme » de la tragédie –, le combat entre les Horaces et les
Curiaces étant l’événement pivot non montré mais sous-entendu.
L’intérêt nouveau exercé par les « Primitifs » dans la décennie même où le néo-
classicisme triomphait en Europe s’explique justement par les principes esthétiques
alors en vigueur.
24
HOFMANN Werner, Une époque en rupture 1750-1830 ; trad. de l'allemand par
Miguel Couffon, Paris, Gallimard, 1995, p. 9-11.
25
HOFMANN Werner, ibid, p. 9. Du même auteur, « Triplicité et iconisation chez
David » in David contre David, Actes du colloque organisé par le Service Culturel du
6 au 10 décembre 1989, sous la dir. de Régis Michel, tome II, Paris, La
Documentation Française, 1993, p. 727-728. HAUTECŒUR Louis, Louis David,
Paris, La Table Ronde, 1954, p. 84. Werner Hofmann tout comme Louis Hautecœur
citent PERON Alexandre, Examens du tableau du Serment des Horaces peint par
David, suivi d’une notice historique du tableau, lus à la société libre des Beaux-Arts,
Paris, Imprimerie de Ducessois, 1839 (extrait des Annales de la société…, t. VIII), p.
11. La partie historique s’appuie sur le témoignage de première main de Jean-
Baptiste Debret, un parent et disciple du peintre.
26
HOFMANN Werner, ibid, p. 9-10.
7
Delécluze a rapporté que son maître David, alors qu’il s’apprêtait à peindre les
Sabines, étudiait parallèlement les bas-reliefs et les médailles antiques « dont le
style était le plus ancien », et s’était montré particulièrement enthousiaste pour « le
naturel et l’élégance du trait des figures 27
» dans les vases étrusques, la simplicité
des formes, la pureté de la ligne et l’absence de composition intégrée venant justifier
ses propres recherches ; qu’en retour leur modèle l’avait encouragé dans son travail
de juxtaposition, à « dégager, isoler même, chacune de ses figures principales ». Ce
n’est donc pas un hasard si c’est dans son atelier, aux lendemains du 9 Thermidor
(27 juillet 1794) que sont apparus les premiers artistes se revendiquant d’un art
primitif : les Contemplatifs, ou Barbus, à la suite de Maurice Quaï, rejetaient comme
immoral et dépourvu de naïveté l’art moderne pris dans sa totalité ainsi que les
œuvres grecques postérieures à Phidias (la même logique d’exclusion étant
appliquée à la littérature). Ils se contentaient de renchérir sur les positions de David.
De plus, vers 1800, lorsqu’il réfléchissait à la composition du Léonidas, outre le
modèle de la peinture antique, qu’il connaissait à travers les descriptions de
Pausanias et les fouilles d’Herculanum et de Pompéi, David s’était inspiré des
« beautés analogues » qu’il découvrait dans « les compositions sur un seul plan de
Pérugin et de quelques uns de ses prédécesseurs. » Ce qu’il retenait de ces deux
périodes de l’art antérieures au XVIIe, c’était de se libérer des préoccupations trop
exclusivement dramatiques et conduire le spectateur à « fixer l’attention
successivement sur chaque personnage par la perfection avec laquelle il serait
traité 28
», le principe décisif n’étant plus pour lui l’istoria, mais la simplicité de
composition à l’imitation des antiques. Concomitamment, des auteurs acquis à l’idéal
antique : Séroux d’Agincourt, Artaud de Montor et Paillot de Montabert29
exhumaient
les quatre siècles de peinture italienne antérieures au XVIe siècle, tandis que Vivant
Denon en rassemblait une première collection pour le Musée Napoléon, qui sera
exposée en 1814.
27
DELECLUZE Etienne-Jean, Louis David, son Ecole et son temps, Paris, Didier,
1855, p. 71.
28
DELECLUZE Etienne-Jean, Ibid, p. 219-220.
29
SEROUX D’AGINCOURT, Jean-Baptiste Louis Georges, Histoire de l’Art par les
monumens depuis sa décadence au IVe siècle jusqu’à son renouvellement au XVIe,
Paris, Treuttel et Würtz, 6 vol., 1810-1823. En 1796-97 l’Histoire de l’Art est achevée,
mais les troubles révolutionnaires en retardent la publication. ARTAUD DE MONTOR
Alexis-François, Considérations sur l’état de la peinture en Italie dans les quatre
siècles qui ont précédé celui de Raphaël, Paris, Mongié, 1808. Premier catalogue
raisonné consacré aux Primitifs Italiens, les Considérations proclament la nécessité
d’une réévaluation des « maîtres qui ont précédé Raphaël », les Vite de Vasari étant
décidément incomplètes et partiales. PAILLOT DE MONTABERT Jacques-Nicolas,
« Dissertation sur les peintures du Moyen Age, et sur celles qu’on a appelé
gothiques ; extrait d’un ouvrage inédit sur la Peinture », in Magasin encyclopédique,
mars 1812, p. 53-90 et avril 1812, p. 339-358. La publication en livre intervient la
même année à Paris chez Delaunay. Paillot, qui fréquenta l’atelier de David à partir
de 1805 et fit siennes les idées de Maurice Quaï, créditait les peintres du Moyen Age
d’avoir su retrouver, bien mieux que ne le firent leurs successeurs des XVe et XVIe
siècles, « la magnificence dans la simplicité » qui caractérisait l’idéal de beauté des
Grecs Anciens.
8
Au sein même de l’atelier de David et dans la secte des Barbus, la transition s’était
également opérée vers un primitivisme d’inspiration médiévale avec Jean Broc
lorsque celui-ci exposa La Mort de Hyacinthe au Salon de 1801, tableau qui selon
Bruno Foucart30
reprend un groupe du Pérugin ayant pour sujet le martyre de saint
Sébastien. Quelques décennies plus tard, au Salon de 1833, il puisait, d’après le
même auteur, dans l’arabesque des formes et les tons locaux clairs de La Naissance
de Vénus par Botticelli. Parallèlement dans le Jésus remettant à saint Pierre les clés
du Paradis, peint en 1820 pour l’église française de la Trinité-des-Monts à Rome,
Ingres alliait en une synthèse originale sources classiques et primitives – dans la
droite ligne du Napoléon sur le trône impérial (1806) ainsi que du Jupiter et Thétis
(1811).
La composition, qui s’inspire d’un carton de Raphaël pour les tapisseries de la
chapelle Sixtine31
, reprend le groupement asymétrique des apôtres, à la gauche du
Christ, Pierre agenouillé recevant le symbole des clés, tandis que l’inscription des
figures dans le paysage32
est redevable à l’Ordre de Poussin, lequel appartient à la
seconde série des Sept Sacrements33
; les drapés puissants, aux plis rigides, dont
Ingres enveloppe ses personnages, s’ils ne renvoient pas à une source identifiable,
ne sont pas sans évoquer la facture « gothique34
» des Maîtres du XVe siècle ; et la
position frontale de Jésus debout est une citation indirecte du Christ de la mosaïque
absidiale de l’église romaine des Saints Côme-et-Damien35
, – bien que le Jésus de
Ingres s’en démarquât par son regard oblique, excluant toute relation de face-à-face
avec le spectateur, ce qui, par conséquent, l’intègre au même titre que les autres
figures au plan narratif. Ingres combinait ainsi magistralement, à travers les
médiations de Raphaël et de la mosaïque paléochrétienne, les deux fonctions de
l’imago et de l’istoria, ce qu’a souligné Driskell36
, prenant de façon marquée ses
distances avec le néoclassicisme, dans cette composition pour ainsi dire
30
FOUCART Bruno, Le renouveau de la peinture religieuse en France (1800-1860), Paris,
Arthéna, 1987, p. 182-183.
31
Le musée Ingres de Montauban conserve des dessins qui, souligne Valérie Bajou, « y font
clairement allusion. » Cf. BAJOU Valérie, Monsieur Ingres, Paris, Adam Biro, 1999, p. 170.
Le carton de Raphaël est actuellement conservé au Victoria and Albert Museum de Londres.
32
ALLARD Sébastien, CHAUDONNERET Marie-Claude, Ingres, la réforme des principes :
1806-1843, Lyon, Fage, 2006, p. 116-117.
33
Ingres connaissait cette peinture par une gravure d’Audran. Cf. BAJOU Valérie, Op. cit., p.
170. Notons que le tableau de Poussin était lui-même une réinterprétation du carton de
Raphaël.
34
Le style « gothique » lui fut abondamment reproché par les critiques du Salon à l’occasion
de ses précédents envois. Cf. ALLARD, CHAUDONNERET, Op. cit., p. 117.
35
DRISKEL Michael Paul, « Icon and Narrative in the art of Ingres », Art Magazine, vol. 56,
no. 4, décembre 1981, p. 101-102. Ainsi que l’a montré Driskel, Ingres a eu recours à une
gravure plutôt qu’à l’original, qu’il a découverte dans l’ouvrage de Giovanni Giustino
CIAMPINI, Vetera Monumenta…, Rome, 1699, t. 2, pl. 16. Par ailleurs Bruno Foucart a
souligné l’originalité du préraphaélisme de Ingres par rapport à ses contemporains,
notamment le Nazaréen allemand Johann Friedrich Overbeck : « En fait, Ingres réinvente un
Raphaël qui, par-delà Masaccio et Giotto, les vrais Préraphaélites selon Ingres, assumerait
l’héritage paléo-chrétien. Ingres, il l’avait montré avec le Napoléon sur le trône impérial de
1806 (Paris, Musée de l’Armée), est le plus byzantin des artistes de la période […] ». Cf.
FOUCART Bruno, Le renouveau de la peinture religieuse en France (1800-1860), Paris,
Arthéna, 1987, p. 201.
9
intemporelle, où le geste de la remise des clefs se suffit, et où les attitudes figées
des acteurs de la scène ne présupposent aucune succession temporelle particulière.
Ainsi les néo-classiques en revalorisant le principe de la dignità, délaissé dans le
premier XVIIIe
siècle, ont contribué à une réactivation des vertus iconiques au sein
même de l’istoria. De cette manière, servi par la dispersion des œuvres d’art,
consécutive des guerres de la Révolution et de l’Empire, un mouvement primitiviste a
pu prendre son essor au début du XIXe
siècle.
Iconographie
L’Annonciation (1657) Poussin
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Ecce homo Philippe de Champaigne (1655)
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VP3=SearchResult&VBID=2CO5PC0URF0KQ&SMLS=1&RW=1226&RH=908
Mort d’Alceste Peyron
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VP3=SearchResult&VBID=2CO5PC0UR0UJ4&SMLS=1&RW=1226&RH=908
Serment des Horaces David
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La Mort de Hyacinthe (1801) Jean Broc
http://data.bnf.fr/14970587/jean_broc/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Broc#/media/File:The_Death_of_Hyacinthos.gif
36
DRISKELL Michael, Representing Belief, op. cit., p. 104.
10
Les Envoyés de Dieu (1833) Jean Broc
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/3d/Jean-Broc-les-Envoy
%C3%A9s-de-Dieu-1833.jpg
La Naissance de Vénus (1485) Sandro Botticelli
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VP3=SearchResult&VBID=2CO5PC0URZ1LR&SMLS=1&RW=1226&RH=908
Jésus remettant les clés à Saint-Pierre Ingres
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Le primitivisme en peinture dans la continuité de l'istoria albertienne

  • 1. Le primitivisme en peinture dans la continuité de l’istoria albertienne Une partie remaniée, extraite de mon second mémoire de master, "Hippolyte Flandrin ou le christianisme mis en récit", soutenu en 2010… L’istoria albertienne, un dispositif contradictoire La peinture religieuse de Flandrin s’inscrit dans la lignée d’Alberti et de la peinture d’histoire dont il assume les tensions internes et les ultimes évolutions. Dans le De Pictura, qu’il adressa en 1435 au marquis de Mantoue, Alberti fut le premier à définir les principes formels de l’histoire, conçue comme représentation d’un thème narratif, en transposant à la peinture le modèle rhétorique du discours, qu’il découvrait chez Cicéron et Quintilien. Dans cette optique, il reprit le terme de compositio, « le procédé par lequel les parties sont disposées dans l’œuvre de peinture »1 , ce qui lui permettait de rendre compte de l’articulation de l’istoria en « surfaces », « membres » et « corps », s’engendrant les uns les autres suivant une structuration rigoureusement syntaxique. De cette manière, Alberti élevait la peinture à la dignité d’art libéral, au même titre que l’Histoire et la poésie. Mais, ce faisant, il établissait implicitement une hiérarchie des différents types de peinture dominés par l’istoria, comme il ressort de sa déclaration, suivant laquelle « le plus grand travail du peintre », le meilleur emploi de son talent, « n’est pas de faire un colosse mais une histoire »2 Paradoxalement, la peinture d’histoire telle qu’elle a été théorisée par Alberti, se voit dès l’origine travaillée par une incompatibilité interne à son dispositif rhétorique, incompatibilité sur laquelle Thomas Kirchner a particulièrement insisté, décelant « deux stratégies formelles qui empruntent des voies différentes et finalement se contredisent »3 . Au paragraphe 40 du De Pictura, Alberti soutient que l’istoria susceptible d’apporter du plaisir (voluptà) au spectateur est celle qui se caractérise par l’abondance (copia) ainsi que par le principe régulateur de la variété (varietà) des figures, dans la mesure où chacune se rapporte à l’action unitaire. Mais dans un second temps, il s’en prend aux peintres qui, « pour avoir l’air abondant et pour ne laisser rien de vide »4 , mettent en péril la clarté de la composition et l’unité d’action. Aussi préconise-il, afin de sauvegarder l’ordre du discours, que l’abondance soit « pondérée et modérée »5 par 1 ALBERTI Leon Battista, De Pictura, Paris, Macula, Dédale, 1992, IIe partie, § 33, p. 153. 2 ALBERTI Leon Battista, ibid, § 35, p. 159. 3 KIRCHNER Thomas, Le héros épique. Peinture d’histoire et politique artistique dans la France du XVIIe siècle, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 2008, p. 143. 4 ALBERTI Leon Battista, op. cit., § 40, p. 171. 5 ALBERTI Leon Battista, Ibid. 1
  • 2. l’impression de dignité (dignità) et de retenue (gravità), impliquant pour ce faire une certaine restriction des éléments du tableau qui heurte de front l'assertion précédente – déjà indiquée – selon laquelle l’abondance et la variété des choses constituent « d’emblée » le plaisir propre à l’istoria. La première stratégie, conformément à l’injonction initiale d’Alberti de faire une istoria plutôt qu’un colosse, « vise, comme l’explique Thomas Kirchner, une narration différenciée »6 où chaque détail remplit un rôle déterminé dans l’économie d’ensemble du système représentatif de la peinture, répondant au désir qu’à le spectateur de lire le tableau à la manière d’un texte, découvrant étape par étape les différentes parties d’un récit que lui offrent l’abondance et la variété des objets sur lesquels son regard se pose. Par contre, explique Kirchner, la dignità, prenant ses distances avec le récit différencié que devrait impliquer l’istoria du fait de ses exigences de réduction narrative et figurative, apporte « une information directe, efficace et durable »7 , qui s’impose au spectateur par l’immédiateté de sa perception. Ce que Kirchner met par conséquent en exergue dans le De Pictura, ce sont deux stratégies formelles antagonistes, propres à des « modes de réception différents », la première faisant droit au plaisir esthétique, la seconde répondant aux nécessités politiques de clarté et d’impact du message. Ainsi, pour montrer l’avantage de la copia et de la varietà, Alberti énumère toutes sortes de détails convenant parfaitement à la composition de scènes bucoliques, c’est-à-dire extérieures aux lieux de pouvoir. Mais lorsqu’il recommande aux peintres de respecter une certaine dignità, le modèle auquel il se réfère est celui du prince dont « la rareté des paroles », quand il commande, « ajoute à la majesté ». Ce dédoublement des fonctions, Kirchner en voit une nouvelle confirmation au paragraphe 56 du De Pictura : La nécessité de se reporter à la nature est d’abord présentée comme condition de l’élaboration du beau, en dehors de toute fidélité à un modèle précis, avant d’être justifiée par le fait que l’identification du « visage d’un homme connu » exerce plus d’attraits sur le spectateur que « d’autres figures plus brillamment exécutées »8 . Une distinction implicite est ainsi établie entre les peintures à destination esthétique et narrative et celles à destination politique et iconique. La cohérence de l’istoria, partagée entre le plaisir d’une narration complexe et l’exigence d’une noble restriction, est donc dès l’abord problématique, puisque, ce faisant, Alberti cherchait à associer de façon équilibrée dans un même dispositif le principe qui la conditionne (abondance, variété) et celui qui lui contrevient (dignité). Dans les faits, il proposait aux artistes deux façons de concevoir et de pratiquer la peinture d’histoire. Bien que le De Pictura ait consacré le triomphe théorique de la forme narrative en peinture, il n’a toutefois pas entièrement aboli l’opposition conceptuelle qui structurait précédemment les images : l’imago et l’istoria9 . L’une, qui remplissait une fonction cultuelle dans l’église, visualisait, hors de tout récit articulé, l’objet de la dévotion des fidèles. L’autre instruisait les illettrés sur le contenu de leur foi, à travers une mise en scène de l’histoire sainte. Ces catégories, sécularisées et absorbées par l’istoria albertienne, ont en réalité survécu sous le mode de 6 KIRCHNER Thomas, op. cit., p. 142. 7 KIRCHNER Thomas, ibid., p. 143. 8 ALBERTI Leon Battista, op. cit., p. 221. 9 Cf. RINGBOM Sixten, De l’icône à la scène narrative, Paris, Gérard Montfort, 1997, p. 9-10. 2
  • 3. l’interpellation politique et du récit, suivant que, d’une époque et d’un artiste à l’autre, l’accent a été mis sur la dignità ou la copia et la varietà dans l’élaboration de la peinture d’histoire. Bien que marginalisée par le triomphe de la peinture d’histoire, l’imago proprement dite ne s’est pas purement et simplement effacée à l’époque moderne car, en dépit de l’évolution des goûts, la fonction cultuelle dévolue à certaines images dans les églises est demeurée valide jusqu’au bout. En particulier au XVIIe siècle dans la période classique, les exemples ne manquent pas, Philippe de Champaigne en offrant une des meilleures illustrations avec son Ecce Homo de 1655, ou encore Nicolas Poussin pour L’Annonciation, qu’il peignit en 1657 : Dans ce dernier tableau, la Vierge est assise les bras ouverts dans une attitude d’abandon, délaissant son livre, l’Esprit-Saint planant au-dessus de sa tête, tandis qu’à sa gauche l’ange la désignant de la main gauche et de la droite pointant le ciel, lui annonce qu’elle enfantera le Messie. Malgré une composition plus complexe que l’Ecce homo où le Christ est seul assis dans la partie médiane, avec des figures plus décentrées et dont la frontalité n’est pas aussi affirmée, la narration est abolie, les temps de l’annonce et de l’extase consécutive étant uniquement signifiés par les postures. Le peu de perspective maintenue par Philippe de Champaigne est même supprimée par Poussin qui élabore une composition étagée : en bas, l’écriteau avec une date, puis la partie Médiane, en quelque sorte « temporelle » où figurent l’Ange et Marie, enfin le Saint-Esprit descendant pour opérer l’œuvre de l’incarnation, sur fond neutre qui suggère sans la montrer la gloire céleste. Selon Michael Paul Driskell, dans sa thèse sur la peinture religieuse française au XIXe siècle, la distinction entre les deux modes fonctionnels de l’image religieuse, dont on trouve encore des références à la Renaissance, « semble avoir été largement oubliée au XVIIIe siècle et fut seulement progressivement redécouverte au XIXe siècle. »10 De fait, on peut en déceler l’occultation dans la pratique artistique, jusque dans les images cultuelles, au fur et à mesure que l’on avance dans le siècle. Le déséquilibre du dispositif de l'historia Le retour au style « noble et sévère » de la peinture d’histoire, initié à partir de 1747 par les « publicistes » et les critiques d’art anti-rococo, a pesé de façon décisive du côté de la dignità et de sa modalité iconique, alors même que la primauté de l’istoria était réaffirmée. A la suite des Réflexions critiques sur la poésie et la peinture de l’abbé du Bos, publiées en 1719, ceux-ci soutenaient qu’une peinture, pour toucher, devait permettre au spectateur de s’identifier à des personnages mobilisés dans de grandes 10 DRISKELL Michael Paul, Representing Belief. Religion, Art, and Society in nineteenth-century France, Pennsylvania, 1992, p. 99-100: « References to this functional difference are found throughout the medieval and Renaissance periods, but the distinction seems to have been largely forgotten by the eighteenth century and was only slowly rediscovered in the nineteenth. » Contrastant avec l’istoria qui privilégie les vues de profil d’acteurs projetés dans une action donnée, la représentation iconique médiévale se caractérisait, insiste Driskell, par sa « modalité hiératique », laquelle comporte la frontalité, la symétrie et la position centrale, plus en adéquation avec la relation de face-à-face du regardeur et de l’image. Pour approfondir ces questions, l’auteur renvoie à SCHAPIRO Meyer, Les Mots et les Images, Paris, Macula, 2000. 3
  • 4. actions impliquant l’expression de passions extrêmes. Dans cet esprit, Rousseau, puis La Font de Saint-Yenne, ont popularisé l’idée que l’art a une fonction civique et morale à tenir dans l’espace public, que la peinture d’histoire devrait être « une école de mœurs » et que les artistes devraient représenter « les actions vertueuses et héroïques des grands hommes »11 . Suivant ces critères, la hiérarchie des genres se voyait renforcée au profit de l’histoire, de style et de contenu élevé. Un tel primat accordé à l’émotion dramatique en peinture et à sa fonction d’édification conduisait les auteurs à réclamer, – de manière bien plus rigoureuse qu’au siècle précédent –, un respect renouvelé de la règle des trois unités, action, temps et lieu. Suivant des expressions récurrentes dans leurs écrits, le peintre devait restreindre le fil de la narration à un unique « instant » et rejeter les détails qui ne concouraient pas à l’action d’ensemble, afin que le spectateur puisse « embrasser » tous ses éléments « dès le premier coup d’œil 12 ». L’efficacité expressive du sujet en sortirait puissamment renforcée et s’imposerait bien mieux à l’esprit du spectateur que si plusieurs détails avaient retenu successivement son attention. De même l’allégorie, qui fait appel à l’effort de déchiffrement, et la peinture monumentale dont les vastes dimensions contredisent l’unité de vision, se voyaient dévalorisées, puisqu’elles étaient en décalage avec la perception immédiate qui était désormais souhaitée. Cette réaffirmation de la dignità dans l’élaboration de l’istoria, menaçait de rompre l’équilibre instable entre les modes narratifs et iconiques. En effet, tandis qu’au XVIIe siècle l’Académie Royale exigeait surtout que le peintre fasse une présentation claire et vraisemblable du sujet13 , les auteurs anti-rococo, Diderot étant le plus explicite14 , prônaient, par leur interprétation restrictive de l’unité d’action, une composition où les figures, saisies dans l’instant, « concourent toutes à un effet commun, d’une manière forte, simple et claire »15 Autrement dit, l’enchaînement nécessaire des causes et des effets concentré en un point unique de la ligne du temps, conduisait, en même temps qu’à un resserrement narratif, à une simplification de ce qui est représenté. Mais en dépit de cette conception de la peinture le rapport au temps préconisé restait profondément différent du mode cultuel de l’imago, qui par son statut même cherchait davantage à rendre l’intemporalité du Christ ou des saints que le point le plus tendu de l’action. Avec la nomination du comte d’Angiviller comme Directeur des Bâtiments du Roi en 1774, c’est effectivement ce qui se passa : ainsi que le remarque Jean Locquin, à partir de cette date « la Peinture religieuse entre dans une période défavorable »16 », l’Etat menant alors une politique artistique encourageant, outre l’idéal d’une peinture d’histoire didactique et digne, des sujets glorifiant les sentiments patriotiques et le dévouement à la monarchie. 11 LOCQUIN Jean, La peinture d’Histoire en France de 1747 à 1785, Paris, Arthéna, 1978, ibid, p. 163. 12 Cf. FRIED Michael, La place du spectateur. Esthétique et origines de la peinture moderne, Gallimard, 1990, p. 89-90. 13 Cf. FRIED Michael, ibid., p. 83-84. 14 Cf. FRIED Michael, ibid., p. 83-95. 15 DIDEROT Denis, « Essai sur la peinture », in Œuvres, Paris, Gallimard, 1951, p. 1152. 16 LOCQUIN Jean, op. cit., p. 272. 4
  • 5. Par ailleurs, dans le sillage de Winckelmann et du mouvement archéologique17 , Vien avait réintroduit avec ses scènes anacréontiques le goût pour une antiquité idéalisée et des compositions rigoureuses. Au même moment ses élèves, achevant d’assimiler les leçons de leur maître, étaient en train de poser les bases d’une peinture où s’harmonisaient simplification formelle, intensité dramatique et exaltation d’une morale civique. Le moment décisif de cette évolution fut le Salon de 1785 où s’affrontèrent deux élèves de Joseph-Marie Vien, Peyron avec sa Mort d’Alceste, et David avec le Serment des Horaces, ce dernier s’affirmant comme le meilleur représentant de ce qui allait devenir la peinture néo-classique. Comme l’a souligné Hugh Honour, le néoclassicisme, en prônant une « purification » et une « simplicité » des formes18 pour l’ensemble des arts, – y compris lorsqu’il s’agissait de disciplines aussi peu mimétiques que l’architecture et la musique –, visait, suivant l’expression de cet auteur, « une clarté et une énergie visuelle extraordinaires »19 , d’une certaine manière en accord avec l’entreprise de rationalisation du connaissable, engagée par les philosophes encyclopédistes vers 175020 : à ce titre, les artistes néo-classiques cherchaient à « créer des œuvres idéales d’une validité universelle et éternelle »21 en accord avec l’universalité et l’uniformité de la nature, et par là même intelligibles à l’ensemble de l’humanité. Pour ce faire, conformément aux directives établies par les théoriciens anti-rococo depuis 1750, les artistes s’étaient détournés des effets d’atmosphère et de texture, et avaient progressivement opté pour la linéarité des formes et les aplats. Afin de mieux concentrer l’attention du spectateur, ils s’efforçaient de cette façon de dégager dans des compositions rigoureusement orthogonales, saisissables immédiatement par l’esprit, les puissantes oppositions du clair-obscur, des groupes et des figures. En peinture, au Salon de 1785, comme nous l’avons précédemment indiqué, le Serment 17 Johann-Joachim Winckelmann, prenant le contrepied de l’esthétique Baroque et Rococo, exposait ainsi sa doctrine dans ses Gedanken über die Nachahmung der griechischen Werke in der Malerei und Bildhauerkunst, publiées en 1755 à Dresde : « L’unique voie à suivre pour devenir grand, assurément, et si possible, inimitable, est pour nous l’imitation des Anciens. […] Une noble simplicité et une grandeur tranquille, tant dans l’attitude que dans l’expression, voilà en définitive le trait général qui distingue par excellence les chefs-d’œuvre grecs. » Cf. Pensées sur l’imitation des oeuvres grecques en peinture et sculpture, Allia, 2005, p. 12 et p. 38. En voici le texte original allemand : « Der einzige Weg für uns, groß, ja, wenn es möglich ist, unnachahmlich zu werden, ist die Nachahmung der Alten. [...] Das allgemeine vorzügliche Kennzeichen der griechischen Meisterstücke ist endlich eine edle Einfalt, und eine stille Größe, sowohl in der Stellung als im Ausdrucke. So wie die Tiefe des Meers allezeit ruhig bleibt, die Oberfläche mag noch so wüten, ebenso zeiget der Ausdruck in den Figuren der Griechen bei allen Leidenschaften eine große und gesetzte Seele. » Winckelmann, comme illustration exemplaire de son idéal de beauté, cite le groupe du Laocoon – dont il ne craint pas de faire un alter ego de la poésie homérique dans le domaine des arts figuratifs. 18 HONOUR Hugh, Le Néo-classicisme, Paris, Librairie Générale Française, 1998, p. 38. 19 HONOUR Hugh, Ibid., p. 41. 20 HONOUR Hugh, Ibid., p. 20. L’Encyclopédie commence en 1751. 21 HONOUR Hugh, Ibid., p. 133. 5
  • 6. des Horaces de David est la première œuvre consacrant aux yeux du public le triomphe de ces principes esthétiques, élaborant un nouveau mode de composition, « par dissociation ou isolement des parties »22 , allant beaucoup plus loin que ce qu’auraient pu prévoir les écrivains partisans, au milieu du siècle, d’un retour à la peinture d’histoire. David ou la filiation néo-classique du « primitivisme » S’il est exagéré d’attribuer exclusivement à David les mutations travaillant le mouvement néo-classique, nous demeurerons cependant dans le contexte français, pour étudier sa pratique nouvelle de l’istoria et l’intérêt qui en découle pour les arts dits primitifs. Dans le tableau du Serment, David adoptait le parti d’une gamme colorée réduite combinée à une tonalité claire, assurant aux formes une pureté linéaire sans précédent. Le traitement des figures, peu nombreuses, peintes grandeur nature, le modelé souligné par un jet de lumière oblique venu éclairer le devant de la scène, renforçait encore l’aspect sculptural de celles-ci, exclusif de tout jeu de chromatisme et d’atmosphère. Et cela d’autant plus que l’alignement des figures sur un seul axe, parallèle au plan du tableau et recoupant l’espace en forme de boîte sans nulle ouverture du décor, opérait une juxtaposition marquée entre le fond plongé dans l’obscurité, et les figurants en pleine lumière. La réduction à quelques formes essentielles était de mise, c’est-à-dire les figures et leur cadre architectural, chacune s’affirmant par leur masse. Le dépouillement formel joint à la disposition horizontale des acteurs du drame, dans un espace clos aux lignes rigoureusement orthogonales, impliquait également pour David, souligne Hugh Honour, de rompre avec « le type de composition étroitement intégré élaboré au cours de la Renaissance classique et développé sous le baroque »23 , juxtaposant trois éléments différents de part et d’autre du plan du tableau : A gauche, sous une première arcade, les trois frères Horaces, choisis par Rome pour combattre les frères Curiaces, champions d’Albe, jurent de vaincre ou de mourir pour la patrie ; au milieu, sous une deuxième arcade, le père brandit leurs armes ; tandis qu’à droite, trois femmes (dont une mère et ses deux enfants) sont assises dans une attitude d’accablement, toutes à leur chagrin, les deux familles étant alliées : un Horace a épousé une Curiace, et sa propre sœur est fiancée à l’un de ses beaux-frères – qu’il s’apprête à combattre à mort et à tuer. Cette juxtaposition tripartite déterminée par le rythme de l’architecture correspond également aux figures elles-mêmes et à leurs interactions. D’une part, les trois frères, alignés en un groupe unique, les muscles bandés et le bras droit levé pour prêter le serment, dans une parfaite synchronisation qui plus que leur gémellité traduit leur détermination collective à servir leur patrie contrastent avec la figure isolée de leur père, dans une attitude plus reposée mais non moins exaltée, les armes qu’il leur tend se plaçant au centre géométrique du tableau, dans la partie la plus éclairée. D’autre part, les femmes s’opposent encore plus fortement aux hommes : placées dans une zone où la lumière est plus adoucie, et revêtues d’habits aux couleurs atténuées, elles expriment encore par leurs membres détendus, ployant sous le chagrin, la rupture de sentiments qui les séparent des hommes. 22 HONOUR Hugh, Ibid., p. 44. 23 HONOUR Hugh, ibid., p. 2. Le sculpteur Antonio Canova est compris dans cette analyse. 6
  • 7. Faisant le même constat que Honour, – celui d’une composition par « dissociation de ses parties » (bien qu’il n’utilise pas l’expression), Werner Hofmann n’a pas hésité à identifier dans le Serment un « triptyque caché » où d’un côté le père et ses fils, de l’autre l’épouse, les enfants issus des deux familles, la fiancée, et leur servante sont représentés séparément sur chacun des panneaux, « accentuant à l’extrême le caractère d’appel de l’œuvre », et l’« iconisation solennelle » de cette dernière24 . Ainsi l’application de ce mode de composition – consécutif du principe restrictif de la dignità – conduisait chez David à un certain retour de l’imago médiévale dans la pratique de la peinture, et à une remise en cause de la narration au sein même de la peinture d’histoire. Cela s’explique logiquement, si l’on se rappelle que l’historia albertienne reposait sur un équilibre instable entre deux « stratégies », l’une de développement de la narration (copia, varietà), l’autre de restriction de celle-ci (dignità). L’unité d’action, pourtant indissociable dans l’esprit des théoriciens anti-rococo de l’unité picturale, était consciemment violée par David qui assumait la liberté qu’il avait prise, et la justifiait : « l’unité de composition » que fournissaient les arcs en plein cintre devait être distinguée de l’action proprement dite, laquelle consiste en des événements composites formant la « contexture » de la tragédie25 . Il n’est dès lors plus question du déroulement logique d’un unique événement, en fonction duquel les différents éléments du tableau seraient disposés, bien que chacun de ces événements juxtaposés contribuent ensemble à l’histoire. Suivant les mots d’Hofmann, en brisant l’unité d’action David opérait dans le même mouvement « la désintégration de l’illusion d’un espace continu »26 , celui-là même qui avait été rendu possible par Alberti en théorisant l’istoria. Le tableau du Serment est exemplaire de ce point de vue, qui oppose deux « mondes », ou « deux manifestations antithétiques de l’unanimité », les hommes et les femmes, sans la moindre communication entre eux, et qui communient chacun à un type de passion irréconciliable. Ces deux « mondes » correspondent aussi, respectivement au « début » et au « terme » de la tragédie –, le combat entre les Horaces et les Curiaces étant l’événement pivot non montré mais sous-entendu. L’intérêt nouveau exercé par les « Primitifs » dans la décennie même où le néo- classicisme triomphait en Europe s’explique justement par les principes esthétiques alors en vigueur. 24 HOFMANN Werner, Une époque en rupture 1750-1830 ; trad. de l'allemand par Miguel Couffon, Paris, Gallimard, 1995, p. 9-11. 25 HOFMANN Werner, ibid, p. 9. Du même auteur, « Triplicité et iconisation chez David » in David contre David, Actes du colloque organisé par le Service Culturel du 6 au 10 décembre 1989, sous la dir. de Régis Michel, tome II, Paris, La Documentation Française, 1993, p. 727-728. HAUTECŒUR Louis, Louis David, Paris, La Table Ronde, 1954, p. 84. Werner Hofmann tout comme Louis Hautecœur citent PERON Alexandre, Examens du tableau du Serment des Horaces peint par David, suivi d’une notice historique du tableau, lus à la société libre des Beaux-Arts, Paris, Imprimerie de Ducessois, 1839 (extrait des Annales de la société…, t. VIII), p. 11. La partie historique s’appuie sur le témoignage de première main de Jean- Baptiste Debret, un parent et disciple du peintre. 26 HOFMANN Werner, ibid, p. 9-10. 7
  • 8. Delécluze a rapporté que son maître David, alors qu’il s’apprêtait à peindre les Sabines, étudiait parallèlement les bas-reliefs et les médailles antiques « dont le style était le plus ancien », et s’était montré particulièrement enthousiaste pour « le naturel et l’élégance du trait des figures 27 » dans les vases étrusques, la simplicité des formes, la pureté de la ligne et l’absence de composition intégrée venant justifier ses propres recherches ; qu’en retour leur modèle l’avait encouragé dans son travail de juxtaposition, à « dégager, isoler même, chacune de ses figures principales ». Ce n’est donc pas un hasard si c’est dans son atelier, aux lendemains du 9 Thermidor (27 juillet 1794) que sont apparus les premiers artistes se revendiquant d’un art primitif : les Contemplatifs, ou Barbus, à la suite de Maurice Quaï, rejetaient comme immoral et dépourvu de naïveté l’art moderne pris dans sa totalité ainsi que les œuvres grecques postérieures à Phidias (la même logique d’exclusion étant appliquée à la littérature). Ils se contentaient de renchérir sur les positions de David. De plus, vers 1800, lorsqu’il réfléchissait à la composition du Léonidas, outre le modèle de la peinture antique, qu’il connaissait à travers les descriptions de Pausanias et les fouilles d’Herculanum et de Pompéi, David s’était inspiré des « beautés analogues » qu’il découvrait dans « les compositions sur un seul plan de Pérugin et de quelques uns de ses prédécesseurs. » Ce qu’il retenait de ces deux périodes de l’art antérieures au XVIIe, c’était de se libérer des préoccupations trop exclusivement dramatiques et conduire le spectateur à « fixer l’attention successivement sur chaque personnage par la perfection avec laquelle il serait traité 28 », le principe décisif n’étant plus pour lui l’istoria, mais la simplicité de composition à l’imitation des antiques. Concomitamment, des auteurs acquis à l’idéal antique : Séroux d’Agincourt, Artaud de Montor et Paillot de Montabert29 exhumaient les quatre siècles de peinture italienne antérieures au XVIe siècle, tandis que Vivant Denon en rassemblait une première collection pour le Musée Napoléon, qui sera exposée en 1814. 27 DELECLUZE Etienne-Jean, Louis David, son Ecole et son temps, Paris, Didier, 1855, p. 71. 28 DELECLUZE Etienne-Jean, Ibid, p. 219-220. 29 SEROUX D’AGINCOURT, Jean-Baptiste Louis Georges, Histoire de l’Art par les monumens depuis sa décadence au IVe siècle jusqu’à son renouvellement au XVIe, Paris, Treuttel et Würtz, 6 vol., 1810-1823. En 1796-97 l’Histoire de l’Art est achevée, mais les troubles révolutionnaires en retardent la publication. ARTAUD DE MONTOR Alexis-François, Considérations sur l’état de la peinture en Italie dans les quatre siècles qui ont précédé celui de Raphaël, Paris, Mongié, 1808. Premier catalogue raisonné consacré aux Primitifs Italiens, les Considérations proclament la nécessité d’une réévaluation des « maîtres qui ont précédé Raphaël », les Vite de Vasari étant décidément incomplètes et partiales. PAILLOT DE MONTABERT Jacques-Nicolas, « Dissertation sur les peintures du Moyen Age, et sur celles qu’on a appelé gothiques ; extrait d’un ouvrage inédit sur la Peinture », in Magasin encyclopédique, mars 1812, p. 53-90 et avril 1812, p. 339-358. La publication en livre intervient la même année à Paris chez Delaunay. Paillot, qui fréquenta l’atelier de David à partir de 1805 et fit siennes les idées de Maurice Quaï, créditait les peintres du Moyen Age d’avoir su retrouver, bien mieux que ne le firent leurs successeurs des XVe et XVIe siècles, « la magnificence dans la simplicité » qui caractérisait l’idéal de beauté des Grecs Anciens. 8
  • 9. Au sein même de l’atelier de David et dans la secte des Barbus, la transition s’était également opérée vers un primitivisme d’inspiration médiévale avec Jean Broc lorsque celui-ci exposa La Mort de Hyacinthe au Salon de 1801, tableau qui selon Bruno Foucart30 reprend un groupe du Pérugin ayant pour sujet le martyre de saint Sébastien. Quelques décennies plus tard, au Salon de 1833, il puisait, d’après le même auteur, dans l’arabesque des formes et les tons locaux clairs de La Naissance de Vénus par Botticelli. Parallèlement dans le Jésus remettant à saint Pierre les clés du Paradis, peint en 1820 pour l’église française de la Trinité-des-Monts à Rome, Ingres alliait en une synthèse originale sources classiques et primitives – dans la droite ligne du Napoléon sur le trône impérial (1806) ainsi que du Jupiter et Thétis (1811). La composition, qui s’inspire d’un carton de Raphaël pour les tapisseries de la chapelle Sixtine31 , reprend le groupement asymétrique des apôtres, à la gauche du Christ, Pierre agenouillé recevant le symbole des clés, tandis que l’inscription des figures dans le paysage32 est redevable à l’Ordre de Poussin, lequel appartient à la seconde série des Sept Sacrements33 ; les drapés puissants, aux plis rigides, dont Ingres enveloppe ses personnages, s’ils ne renvoient pas à une source identifiable, ne sont pas sans évoquer la facture « gothique34 » des Maîtres du XVe siècle ; et la position frontale de Jésus debout est une citation indirecte du Christ de la mosaïque absidiale de l’église romaine des Saints Côme-et-Damien35 , – bien que le Jésus de Ingres s’en démarquât par son regard oblique, excluant toute relation de face-à-face avec le spectateur, ce qui, par conséquent, l’intègre au même titre que les autres figures au plan narratif. Ingres combinait ainsi magistralement, à travers les médiations de Raphaël et de la mosaïque paléochrétienne, les deux fonctions de l’imago et de l’istoria, ce qu’a souligné Driskell36 , prenant de façon marquée ses distances avec le néoclassicisme, dans cette composition pour ainsi dire 30 FOUCART Bruno, Le renouveau de la peinture religieuse en France (1800-1860), Paris, Arthéna, 1987, p. 182-183. 31 Le musée Ingres de Montauban conserve des dessins qui, souligne Valérie Bajou, « y font clairement allusion. » Cf. BAJOU Valérie, Monsieur Ingres, Paris, Adam Biro, 1999, p. 170. Le carton de Raphaël est actuellement conservé au Victoria and Albert Museum de Londres. 32 ALLARD Sébastien, CHAUDONNERET Marie-Claude, Ingres, la réforme des principes : 1806-1843, Lyon, Fage, 2006, p. 116-117. 33 Ingres connaissait cette peinture par une gravure d’Audran. Cf. BAJOU Valérie, Op. cit., p. 170. Notons que le tableau de Poussin était lui-même une réinterprétation du carton de Raphaël. 34 Le style « gothique » lui fut abondamment reproché par les critiques du Salon à l’occasion de ses précédents envois. Cf. ALLARD, CHAUDONNERET, Op. cit., p. 117. 35 DRISKEL Michael Paul, « Icon and Narrative in the art of Ingres », Art Magazine, vol. 56, no. 4, décembre 1981, p. 101-102. Ainsi que l’a montré Driskel, Ingres a eu recours à une gravure plutôt qu’à l’original, qu’il a découverte dans l’ouvrage de Giovanni Giustino CIAMPINI, Vetera Monumenta…, Rome, 1699, t. 2, pl. 16. Par ailleurs Bruno Foucart a souligné l’originalité du préraphaélisme de Ingres par rapport à ses contemporains, notamment le Nazaréen allemand Johann Friedrich Overbeck : « En fait, Ingres réinvente un Raphaël qui, par-delà Masaccio et Giotto, les vrais Préraphaélites selon Ingres, assumerait l’héritage paléo-chrétien. Ingres, il l’avait montré avec le Napoléon sur le trône impérial de 1806 (Paris, Musée de l’Armée), est le plus byzantin des artistes de la période […] ». Cf. FOUCART Bruno, Le renouveau de la peinture religieuse en France (1800-1860), Paris, Arthéna, 1987, p. 201. 9
  • 10. intemporelle, où le geste de la remise des clefs se suffit, et où les attitudes figées des acteurs de la scène ne présupposent aucune succession temporelle particulière. Ainsi les néo-classiques en revalorisant le principe de la dignità, délaissé dans le premier XVIIIe siècle, ont contribué à une réactivation des vertus iconiques au sein même de l’istoria. De cette manière, servi par la dispersion des œuvres d’art, consécutive des guerres de la Révolution et de l’Empire, un mouvement primitiviste a pu prendre son essor au début du XIXe siècle. Iconographie L’Annonciation (1657) Poussin http://www.photo.rmn.fr/C.aspx? VP3=SearchResult&VBID=2CO5PC0URFL82&SMLS=1&RW=1226&RH=908 Ecce homo Philippe de Champaigne (1655) http://www.photo.rmn.fr/C.aspx? VP3=SearchResult&VBID=2CO5PC0URF0KQ&SMLS=1&RW=1226&RH=908 Mort d’Alceste Peyron http://www.photo.rmn.fr/C.aspx? VP3=SearchResult&VBID=2CO5PC0UR0UJ4&SMLS=1&RW=1226&RH=908 Serment des Horaces David http://www.photo.rmn.fr/C.aspx? VP3=SearchResult&VBID=2CO5PC0UR0SRK&SMLS=1&RW=1226&RH=908 Léonidas David http://www.photo.rmn.fr/C.aspx? VP3=SearchResult&VBID=2CO5PC0URIJAK&SMLS=1&RW=1226&RH=908 La Mort de Hyacinthe (1801) Jean Broc http://data.bnf.fr/14970587/jean_broc/ http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Broc#/media/File:The_Death_of_Hyacinthos.gif 36 DRISKELL Michael, Representing Belief, op. cit., p. 104. 10
  • 11. Les Envoyés de Dieu (1833) Jean Broc http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/3d/Jean-Broc-les-Envoy %C3%A9s-de-Dieu-1833.jpg La Naissance de Vénus (1485) Sandro Botticelli http://www.photo.rmn.fr/C.aspx? VP3=SearchResult&VBID=2CO5PC0URZ1LR&SMLS=1&RW=1226&RH=908 Jésus remettant les clés à Saint-Pierre Ingres http://www.photo.rmn.fr/C.aspx? VP3=SearchResult&VBID=2CO5PC0URC7FI&SMLS=1&RW=1226&RH=908 11