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LES
TABOUS
DANS
LA
PUBLICITÉ

Mémoire d’intégration professionnelle.
Antoine de Rivasson!                     1
PREMIÈRE PARTIE : LES TABOUS                                           (6)


   I)          Définitions des tabous                                  (7)


          1)   Définition du tabou
          2)   Le tabou comme interdit
          3)   Illustration et origines des tabous

   II)         Le rôle fondateur du tabou dans la société             (10)


          1)   Le tabou de l’inceste
          2)   L’ambivalence du tabou : la prohibition d’un désir refoulé

   III)        Les tabous majeurs et leur évolution                   (15)


          1)   Focus sur la maladie et la mort
          2)   Focus sur le tabou des discriminations (religion, origines,
               sexualité)
          3)   Focus sur le Sexe


DEUXIÈME PARTIE : LA PUBLICITÉ DANS LA SPHÈRE
PSYCHOSOCIOLOGIQUE                                                       (20)


   I)       La connaissance du comportement
          du consommateur                                               (21)


          1)   Théories de la communication et applications à la publicité
          2)   La dissonance cognitive
          3)   Le marketing d’expérience
          4)   Vers une approche ethnologique ?

   II)         La censure de l’interdit en publicité                         (28)


          1)   Les mécanismes de contrôle de la publicité
          2)   Quel type de censure ?

Antoine de Rivasson!                                                            2
TROISIÈME PARTIE : L’UTILISATION DES TABOUS
PAR LA PUBLICITÉ                                                  (31)


   I)          Le mécanisme du « shockverting »                    (32)


          1)   Axe éthique
          2)   Axe affectif
          3)   Axe rationnel

   II)       l´influence de la publicité sur la société            (54)
          et ses fondamentaux

          1)   Conséquences pour la société de l’utilisation des tabous
               dans la publicité
          2)   Limites d’une récupération mercantile

   III)      Disparités et évolution des tabous
          et de la censure selon les culture                       (58)


          1)   Evolution de la publicité depuis les années 50
          2)   Les divergences culturelles selon les pays


ANNEXES                                                             (64)
BIBLIOGRAPHIE                                                       (83)




Antoine de Rivasson!                                                      3
INTRO
DUCTION

Antoine de Rivasson!   4
« No sex, no drugs, no religion» .
Le « brief créa » est le cadre de travail d’un créatif, à sa fois feuille de route et
son cahier des charges, mais aussi un carcan que son talent peut parfois
l’autoriser à transcender pour aboutir à un idée plus originale, et plus impac-
tante, si elle reste cohérente avec la stratégie de la marque et de l’offre. C’est
le concept théorisé par Jean Marie Dru dans le Saut créatif. Ainsi chacun de
des mots de ce brief est pensé et pesé par ses auteurs. Dans le cadre de
mon stage d’intégration professionnelle à l’agence .V. il ne m’a donc pas paru
anodin de voir figurer systématiquement à la fin de chaque document
Volkswagen la mention suivante : « no sex, no drugs, no religion».
De plus, le créatif est en général incité à proposer un maximum d’idées en
s’appuyant sur plusieurs axes et insights consommateurs, qui feront l’objet
d’une sélection à postériori par sa hiérarchie puis par l’annonceur en fonction
de leur pertinence. Il est rare de faire l’objet d’une censure d’emblée.
Ce n’était toutefois pas la première fois que j’étais confronté à un interdit de
la sorte puisque lors d’un stage précédent à l’agence TBWACOMPACT, il
m’avait été refusé des propositions relatives à une campagne de promotion
de l’Aéroport de Bordeaux car mettant en scène des avions dans un environ-
nement dit « anxiogène », selon les néologismes à la mode dans la profes-
sion. Une règle, cette fois non écrite, voulant que la publicité bannisse la re-
présentation d’un aéronef dans une position autre qu’ascendante dans le ciel,
ou sagement parqué au sol, sur un terrain adéquat. La représentation pros-
crite est ici est celle fondamentale de la mort comme nous allons l’étudier.
Quoiqu’il en soit, ces deux expériences me firent prendre conscience de
l’existence de tabous dans la publicité, profession pourtant réputée faire peu
de cas de la morale. Ainsi ai-je choisi dans le cadre de ce mémoire d’appro-
fondir la question et de tenter répondre l’interrogation suivante : au-delà de
l’expression commune, quelle est l’importance du tabou dans notre société
?, comment la publicité compose-t-elle avec ce phénomène ?, utilise-t-elle le
tabou pour vendre ? ou respecte-t-elle les interdits qu’il implique, pourquoi et
et dans quelle mesure ?

Dans une première partie, nous détaillerons le tabou en lui même, sa signifi-
cation, ses définitions, son histoire et son rôle. Puis nous tâcherons de com-
prendre comment la publicité appréhende ce phénomène et notamment si
elle intègre son analyse en amont de sa réflexion stratégique et créative. En-
fin, nous verrons comment la publicité tente de s’approprier les fascinations
qu’il suscite en le transgressant avec la stratégie délibérée du « schockverti-
sing ».



Antoine de Rivasson!                                                               5
PREMIÈRE
PARTIE :
LES
TABOUS


Qu’est-ce exactement que le tabou ? Quel est sa place dans l'inconscient
collectif, dans la société, la culture ? Quels sont les principaux tabous et
comment structurent-ils notre rapports aux représentations sexuelles et mora-
les ?
Antoine de Rivasson!                                                        6
I) DÉFINITIONS DES TABOUS



       1) Une première définition tirée de l’opinion commune

      Dans le langage commun, le mot tabou désigne la en génral un sujet
qu’on se garde d’évoquer ou qu’on évite de représenter sous peine de cho-
quer ou d’être choqué.
Ainsi dans notre société, il n’est pas couramment admis, voire choquant de
s’enquérir des préférences politiques, religieuses de quelqu’un ou même de
ses revenus. Ce sont des sujets tabous car ils portent à l’intimité de la per-
sonne et son perçu comme une immixtion dans sa vie privée.
De la même façon un tabou peut aussi être quelque chose qu’il ne convient
pas de faire, une façon de se comporter qui choque les autres, qui n’est pas
dans les mœurs d’une société. Or ce sont justement ces mœurs qui consti-
tuent une société, qui font naître une civilisation.

      Cependant si on approfondit la notion de tabou on se rend compte que
c’est plus qu’une simple convenance. Une définition plus approfondie met en
lumière le rôle fondateur du tabou dans les sociétés et sa capacité à instaurer
un ordre social.

       2) Une deuxième approche plus profonde et plus complète : le ta-
           bou comme interdit

Selon le dictionnaire Encyclopedia Universalis : Le tabou est quelque chose
qui fait l’objet d’une interdiction rituelle ou religieuse, qui est frappé d’interdit
quelque soit l’interdit et qui ne peut faire l’objet d’aucune critique.

    Pour mieux en comprendre le sens, nous allons passer par l’étude réalisée
par Freud sur le rôle des tabous dans les sociétés primitives. En effet celles-
ci sont un bon terrain d’étude pour comprendre certains aspects des sociétés
civilisées dans la mesure où elles constituent l’origine des sociétés humaines.
Pour Freud certaines coutumes et états d’esprit de l’homme primitif se retrou-
vent chez l’homme d’aujourd’hui grâce à la transmission par la tradition.
L’étude du tabou dans les sociétés primitives permet donc de mieux com-
prendre notre société actuelle. Nous allons pouvoir appréhender la notion de
tabou d’un point de vue anthropologique et psychologique. Freud choisit de
réaliser son étude sur une tribu australienne jugée la plus arriérée par les
ethnologues.

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Une définition plus approfondie nous indique donc que le mot tabou
signifie interdit. D’origine polynésienne il évoque le caractère sacré de ce qui
est mystérieux et interdit. Il comporte de plus un caractère attirant. Ici le sacré
marque la distinction avec ce qui est ordinaire, commun. Ceci est prouvé par
la signification du contraire de tabou qui est « noa » : ordinaire, commun à
tous.
Juste avant d’exposer les résultats de Freud sur l’étude des peuples primitifs
il convient de faire un point sur le système totémique sur lequel reposent ces
sociétés.


    Les tribus australiennes étudiées par Freud reposent et s’organisent au-
tour d’un système totémique. Chaque tribu est organisée en groupes, chacun
d’eux ayant un totem. Le totem est « un animal comestible, inoffensif ou dan-
gereux et redouté, plus rarement une plante ou une force naturelle qui se
trouve dans un rapport particulier avec l’ensemble du groupe ». Autrement
dit, il représente l’ancêtre du groupe et également son esprit protecteur pour
les membres de son groupe et c’est pourquoi il leur est formellement interdit
de tuer, de manger l’animal totem par respect envers cet ancêtre. Cette su-
bordination au totem à cette interdiction forme la base des obligations socia-
les des tribus australiennes et de là découle tout un système de règles et
d’interdits c'est-à-dire de tabous.

       3) Illustrations et origines des tabous

On peut dresser une liste des principaux tabous actuels en France à titre in-
dicatif
Il existe à une large échelle les 4 sujets clefs :
-Religion (textes sacrés, port du voile, religion catholique, religion juive…)
-Argent (salaire, pauvreté, gaspillage…)
-Sexe (nudité, rapports sexuels déviants comme la zoophilie, l’inceste, la pé-
dophilie…)
-Mort (vieillissement, euthanasie….)/ Maladie (Sida, Ist, Cancer…)
Ils s’accompagnent d’une liste continue de tabous :
-Sexisme
-Racisme
-Violence
-Drogue
-Déprime
-Alcoolisme mondain
-Magie noir/ésotérisme
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S’il n’est pas possible de définir l’ensemble des tabous c’est parce qu’ils dé-
pendent d’un contexte et évoluent en fonction de celui-ci. Ainsi, plusieurs va-
riables jouent un rôle prépondérant sur les tabous comme :
-Les mœurs, les valeurs, la culture, l’éducation
-L’age, le sexe
-Le lieu, le temps
-Le milieu, la catégorie socioprofessionnelle.
-Les circonstances, l’histoire

       Prenons quelques exemples :

Le préservatif : si aujourd’hui, il est relativement facile de parler du port de
préservatif, cela était banni auparavant. Interdit d’utilisation, voire de simple
détention, sous peine de prison ferme au XVIIe siècle, dépénalisé sous le Di-
rectoire au XVIIIe siècle, réinterdit dans les années 20 pour ne pas faire
d’ombre à la politique nataliste d’après Première Guerre mondiale, il se re-
trouve ainsi, dans les années 60-70, remisé au rang de figurant par une nou-
veauté : la pilule contraceptive. En 1987, la loi française interdit toujours de
faire une quelconque réclame au préservatif masculin. En 1998, 40 % seule-
ment des 15-24 ans utilisaient un préservatif à chaque rapport sexuel. Ac-
tuellement, la publicité est autorisée, et grâce à une prise de conscience et
une évolution des mœurs il est possible de parler du préservatif et son utilisa-
tion est plus fréquente qu’auparavant.
La nudité : Même si de nombreuses publicités intégrant des nus s‘affichent
sur nos murs, il reste de la sphère de l‘intime et tabou pour certaines person-
nes. La nudité se situe inévitablement dans un contexte culturel où le nu est
plus ou moins bien accepté.
De nombreux auteurs ont souligné l‘importance des facteurs culturels, même
si certains les jugent insuffisants. Ainsi Morel se pose la question de savoir si
la pudeur face à la représentation de la nudité est construite par la société ou
naturelle : il note que pour Elias la pudeur est transmise et acquise par des
processus répressifs dans la civilisation, alors que Duerr (1980), récusant ce
mythe, soutient que toute société cherche à effacer les traces d‘animalité
dans l‘homme et qu‘il est dans la nature humaine d‘avoir honte de se nudité.
La pudeur est à la fois instrument d‘intégration et de séparation permettant la
construction de sa propre intimité.
De même : Aujourd'hui, évoquer l'affaire Dreyfus est possible alors que ce fut
très longtemps tabou dans la société française

Antoine de Rivasson!                                                           9
II)     LE RÔLE FONDATEUR DU TABOU DANS LA SOCIÉTÉ

   1) Le tabou de l’inceste


   Dans les sociétés primitives dont parle Freud l’interdiction première est
celle des rapports sexuels incestueux. C’est la loi de l’exogamie et elle est au
centre de toute l’organisation sociale et relationnelle des sociétés primitives.

   En effet tous ceux qui descendent du même totem se considèrent comme
formant partie d’une même famille, aussi leur union sexuelle les uns avec les
autres est totalement prohibée. L’organisation des sociétés primitives tourne
autour de la possibilité ou non d’avoir des relations sexuelles avec tel ou tel
membre.
Par exemple en Mélanésie le fils, à un certain âge, doit quitter le domicile fa-
milial. Il ne peut y revenir si ses sœurs y sont présentes. Même si elles sont
absentes il ne peut prendre son repas que sur le pas de la porte. S’ils se
croisent dans la rue par exemple la sœur doit se sauver ou se cacher. Le
garçon s’il reconnaît les traces de sa sœur dans le sable ne doit pas les sui-
vre.
Même la prononciation de son nom est prohibée. La mère ne doit pas lui
donner la nourriture directement elle la dépose devant lui et elle doit désor-
mais le vouvoyer.
Chez les Akambas de l’Est africain, entre la puberté et le mariage, la fille doit
éviter le plus possible son père.

       Une autre prohibition concernant le tabou de l’inceste est celle des rap-
ports entre le gendre et sa belle-mère. Elle est d’autant plus intéressante
qu’elle permet de comprendre certaines des attitudes que l’on rencontre fré-
quemment dans notre société contemporaine en ce qui concerne « la fa-
meuse belle-mère ». Nous allons tout d’abord donner quelques exemples
concrets de cette prohibition.
Aux îles Banko, le gendre et sa belle-mère ne doivent pas être à proximité.
S’ils se croisent en chemin la belle-mère s’écarte et tourne le dos jusqu’à ce
que le gendre l’ait dépassé.
Chez les Basoya, tribu des régions du Nil, gendre et belle-mère ne peuvent
se parler que lorsqu’ils ne se voient pas, par exemple s’ils sont dans des
chambres séparées. Les interprétations et explications d’une telle restriction
peuvent être multiples, Freud en donne quelques-unes dans un cadre plutôt
psychanalytique :
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Tout d’abord il vient facilement à l’esprit que la belle-mère ait du mal à
accepter l’arrivée d’un homme dans la famille. Il est vu comme un étranger du
moins jusqu’à la naissance du premier enfant. Il y a aussi, toujours de la part
de la belle-mère, un sentiment de regret du fait de la séparation avec sa fille
et la volonté d’exercer son autorité sur son gendre.
De la part de celui-ci il existe un sentiment de jalousie (du fait de savoir que
quelqu’un d’autre en l’occurrence la belle-mère a pu jouir de la tendresse de
sa femme).
Mais l’explication plus profonde que donne Freud de ces interdits vient de
sentiments cachés, refoulés.
Plus la femme vieillit, plus la crainte de voir ses besoins psychosexuels dimi-
nuer et la naissance d’un manque d’affection augmentent.
C’est pourquoi la mère retrouve cette satisfaction en s’identifiant à sa fille qui
se marie.
De là va donc découler de la part de la belle-mère un sentiment amoureux à
l’égard du gendre. Ceci explique pourquoi elle va en même temps exprimer
des sentiments opposés, haineux afin de réprimer ce désir caché. C’est là le
fonctionnement même du tabou et c’est pour cette raison que les prohibitions
des tribus primitives, exposées dans les exemples précédents, existent.
De l’autre côté, le gendre éprouve lui aussi des sentiments amoureux. Pour
lui, la belle-mère représente la figure de sa propre mère et éventuellement de
sa sœur et l’amour qu’il porte à ces deux êtres de son enfance se transfère
sur sa belle-mère.
Les sentiments opposés qu’il a envers elle viennent donc là aussi réprimer
cette tentation incestueuse.

Ainsi les prohibitions dans les relations belle-mère gendre dans les sociétés
primitives semblent venir de ces sentiments ambivalents propres au tabou.
Dans les sociétés civilisées il n’est pas rare de constater des conflits entre le
gendre et sa belle-mère. Selon l’explication donnée par Freud précédemment
ces conflits s’expliquent beaucoup mieux.
Les relations entre ces deux individus seraient donc un mélange d’affectivité
et d’hostilité.




Antoine de Rivasson!                                                            11
Le tabou est donc quelque chose qui comporte en lui une interdiction, une
prohibition qu’il ne faut pas transgresser. Selon Freud l’attention particulière
qu’ont les peuples primitifs à veiller au respect de cette prohibition vient du
fait qu’ils sont en même temps tentés de façon naturelle par ces actes inces-
tueux. Il semble donc que le désir d’inceste fasse partie de notre inconscient.
On le voit d’ailleurs très bien également avec le complexe d’Oedipe par
exemple dans lequel le jeune garçon porte son premier choix sexuel sur sa
mère (ou sa sœur).

Il est intéressant là aussi de voir la place de ce tabou dans la mythologie
grecque. Pour cela nous allons rappeler le mythe d’Oedipe :

« La reine Jocaste attend un enfant. Son mari, Laïos, roi de Thèbes, va voir
l’oracle pour connaître l’avenir. La réponse de l'oracle est terrible : " Il tuera
son père ; il épousera sa mère". Il décide d'échapper à son destin : il attacha
les deux pieds de son fils bébé, qu'il perce, et il ordonne qu'il soit abandonné
dans la montagne, aux bêtes sauvages sur le mont Cithéron. Le bébé pleu-
rant émeut le serviteur chargé de l’abandon. Il le confie à des bergers du roi
de Corinthe, qui l'amènent à celui-ci Polybos, roi de Corinthe, qui l'appela
Œdipe (" celui qui a les pieds enflés ", en grec) et l'éleva comme son propre
fils. Des années passent. Un jour, Oedipe apprend par mégarde qu’il est un
enfant adopté. Celui-ci part demander la vérité à Pythie de Delphes. En che-
min, un vieillard monté sur un char lui ordonne, autoritairement de s'écarter
de son chemin. Œdipe, qui a le sang vif, le tue. C'était bien sûr le roi Laïos,
son père. Ainsi, Œdipe accomplit la prophétie sans le vouloir.
Œdipe arrive à Thèbes, qui était martyrisé par un monstre appelé le Sphinx,
lion à tête de femme. Il empêchait l’accès à la ville aux voyageurs qui ne
pouvaient pas résoudre l’énigme suivante : " Quel est l'animal qui le matin
marche sur quatre pieds, à midi sur deux et le soir sur trois ?". Œdipe trouve
la réponse : c'est l'homme, qui au matin de sa vie marche à quatre pattes, va
sur ses deux jambes à l'âge adulte et s'aide d'une canne pour soutenir sa
vieillesse. Le Sphinx se suicide alors et Œdipe devint le héros de la ville pour
avoir libéré Thèbes du Sphinx. En remerciement, les Thébains le choisissent
comme roi et il épousa la veuve de Laïos Jocaste. Pendant de nombreuses
années, le couple vécut heureux, ne sachant pas qu'ils étaient en réalité
mère et fils. La seconde partie de l'oracle est accomplie.
De cette union incestueuse naissent quatre enfants : deux garçons, Etéocle
et Polynice et deux filles, Antigone et Ismène. Les dieux s'aperçoivent un jour
que ce roi est un meurtrier.



Antoine de Rivasson!                                                            12
Un jour la peste ravagea le pays. Œdipe, cherche à savoir pourquoi et l’oracle
annonce que la peste sévira tant que le meurtre de Laïos ne sera pas vengé.
Œdipe prononce alors une malédiction contre le meurtrier et consulte le devin
Tirésias pour connaître le nom du coupable. Tirésias ne veut pas lui avouer la
vérité et conseille à Œdipe qu’il demande à ses serviteurs. L'un d'eux, témoin
du meurtre, s’avère être celui qui l’a abandonné sur le mont Cithéron. Œdipe
ainsi que tous ceux qui l’entourent comprennent de suite la terrible tragédie et
Jocaste s'en suicide de désespoir tandis qu’Oedipe se creva les yeux et re-
nonça au trône. Il part chercher un pardon et est finalement purifié de son
crime avant de mourir. »

       Dans les sociétés primitives comme dans les sociétés civilisées la viola-
tion de ce tabou de l’inceste est fortement punie. Sa transgression entraîne
une vengeance collective comme pour éloigner un danger qui menace toute
la tribu. En effet dans le système totémique la violation d’un tabou est tou-
jours suivie d’un châtiment. Il est intéressant de faire un parallèle avec le ta-
bou, interdit, actuel de l’inceste qui est toujours présent dans notre société et
toujours aussi fort. Dans la société d’aujourd’hui par exemple un père qui au-
rait des rapports sexuels avec sa fille serait immédiatement puni par la loi.
C’est aussi dans ce cas-là une punition collective étant donné le caractère
collectif de la loi.

On peut donc dès lors souligner l’importance des tabous dans la société en
tant qu’éléments fondateurs et protecteur de la société puisque leur violation
conduit au désordre social.

Les tabous ne sont pas des restrictions purement religieuses et morales.
Contrairement aux prohibitions morales qui sont fixées par les hommes vo-
lontairement afin d’assurer l’ordre social, les tabous semblent s’imposer
d’eux-mêmes, de façon naturelle et évidente comme s’ils constituaient une
nécessité.

Dans les sociétés primitives les tabous ont pour but principal la protection,
leur violation entraîne un châtiment. Ainsi le tabou des primitifs se rapproche
sur de nombreux points communs des tabous de nos sociétés actuelles et il
pourrait par son caractère nécessaire expliquer l’impératif catégorique, qui
d’après Kant est une obligation morale qui s’impose d’elle-même.

   2) L’ambivalence du tabou : la prohibition d’un désir refoulé



Antoine de Rivasson!                                                           13
Il y a une forte notion d’ambivalence dans la notion de tabou. Comme
nous l’avons évoqué plus tôt dans le tabou de l’inceste il y a chez l’individu
une tentation qui se porte sur l’objet tabou et en même temps un sentiment
de dégoût mais ces désirs sont inconscients.
« Le tabou est un acte prohibé vers lequel l’inconscient est poussé par une
tendance très forte »
Celui qui viole un tabou devient contagieux c'est-à-dire devient tabou lui-
même car il soumet à la tentation. Or il ne faut pas favoriser celle-ci. Tel est le
danger de la violation des tabous : l’imitation. Si les hommes violent les ta-
bous les autres seront également tentés de le faire et entraîneront ainsi la
dissolution de la société.

       On voit donc que le tabou a un rôle primordial, fondamental dans la
constitution de la société et dans sa protection. Sans interdits, sans mœurs,
sans morale les hommes ne pourraient pas vivre en harmonie les uns avec
les autres.
L’homme est un être de désir et s’il laisse libre cours à ceux-ci les hommes
en arrivent à se nuire les uns les autres afin d‘assouvir ces pulsions.
L’homme fait donc appel à la raison pour les réprimer.
Dans la psychanalyse, c’est le conscient qui réprime l’inconscient.
Mais pour appliquer cela à une société entière il faut que celle-ci se dote de
systèmes capables de fixer des droits, des devoirs et par conséquent des in-
terdits afin que tout le monde puisse vivre ensemble. Ainsi la morale et la loi
jouent en quelque sorte le rôle des tabous des sociétés primitives.

      Le problème de la transgression des tabous dans notre société vient
donc sans doute de la banalisation du mot tabou. Comme nous l’avons dit
précédemment dans l’opinion commune le mot tabou est quelque chose qu’il
ne convient pas de faire ou de dire. On peut donc entendre par là qu’il n’est
pas bon de le faire mais qu’il n’est pas interdit de le faire. Le tabou perd alors
toute son essence, celle de la prohibition.

   De plus il convient de noter qu’il existe dans notre société actuelle une
propension à briser les tabous, comme une volonté de prouver une ouverture
des esprits. Ceci date notamment des années 1970 où la révolution des
mœurs pendant laquelle les gens se sont rebellés contre les mœurs de la so-
ciété a voulu s’élever conte les restrictions de l’Eglise. Un des tabous les plus
revendiqués à cette époque fut celui de la sexualité. Nous allons donc main-
tenant nous attarder un peu plus sur ce tabou.

   III)    LES PRINCIPAUX TABOUS ET LEURS ÉVOLUTIONS
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Afin de mieux comprendre l’origine d’un tabou et sa définition, nous allons
vous présenter en gros plans quelques tabous majeurs.

       1) Focus sur la maladie et la mort


Dans la Mythologie la Mort vient chercher les mourants pour les emporter.
La Mort a été représentée en tant que figure anthropomorphe ou comme per-
sonnage fictif dans la mythologie et la culture populaire depuis l'aube de la
civilisation. Parce que la réalité de la mort a eu une influence considérable
sur la psyché humaine et le développement de la civilisation dans son en-
semble, la personnification de la mort en tant qu’entité vivante, consciente et
sensible, est un concept qui semble avoir existé dans de nombreuses cultu-
res, depuis l'aube de notre Histoire.
La maladie est un des chemins de la mort. L’esprit de l’homme associe la ma-
ladie à la mort qu’il relie parfois à la religion. Ainsi, ce qui échappe à l’homme
est tabou.
L’inconnu, l’inexplicable font peur et sont difficilement compréhensibles, ce
qui rend la mort tabou.
Il faut rappeler que, chez tous les primitifs, la maladie passe pour être l’effet
d’une possession, d’un sortilège, d’une malédiction. Cette malédiction était
généralement assimilée aux Dieux et donc à la religion : « Cet individu a été
puni par le divin »
Pour éviter la propagation de cette malédiction on évitait d’en parler et de
toucher la personne atteinte. Les sages, les chamanes… se chargeaient
d’extraire le mal des corps, de les « exorciser ». Quand la mort gagnait les
corps, on les brûlait pour libérer les esprits en offrande aux Dieux.
L’image de la maladie a évolué au cours de l’Histoire. Autrefois la maladie
était synonyme de mort. Aujourd’hui, dans les pays développés l’homme con-
trôle un grand nombre de maladies grâce à la science et à une médecine per-
formante. Malgré cela certaines maladies échappent au contrôle de l’homme
comme le SIDA. Elles conduisent généralement à la mort ou à une dégrada-
tion du corps ce qui les rende tabous.

       2) Focus sur le tabou des discriminations (religion, origines,
           sexualité)

Combien de Français sont d'origine étrangère ? Combien sont de couleur ?
Combien sont bouddhistes, musulmans, juifs ou chrétiens ? Combien sont
homosexuels ? Il n’existe aucune trace dans les statistiques publiques, de tel-
les catégories puisqu’en France, ces questions sont taboues.
Antoine de Rivasson!                                                            15
Ce statu quo vieux de cinquante ans révèle évidemment une volonté politi-
que. «Les statistiques publiques reflètent la composition d'une société, pré-
cise Patrick Simon, chercheur à l'Institut national des études démographiques
(Ined). Ce sont des lunettes. Si un pays est gêné par sa multiculturalité, il
choisit des lunettes qui mettent en évidence d'autres critères, comme les ca-
tégories socioprofessionnelles ou les catégories territoriales
La France souffre donc de myopie statistique. Et visiblement, elle aime
l'image floue que lui renvoie son miroir. Pour le sociologue Bernard Cathelat,
« ces tabous statistiques ont trois origines. Ils sont d'abord nés d'une volonté
jacobine de la Révolution puis de la République de fonder une identité natio-
nale sur la négation des particularismes régionaux. La Seconde Guerre mon-
diale et le traumatisme de la Shoah les ont renforcés. Enfin, la sensibilité "de
gauche" des années 60-80 en a fait, « en théorie », un principe d'assimilation
des immigrés. La tradition française considère donc l'interdiction de classer
les gens par race, couleur, religion ou sexualité comme un code moral à la
fois destiné à maintenir l'unité nationale et à éviter toute stigmatisation identi-
taire des individus par des critères à risque.»

Contrairement aux pays anglo-saxons, pour son recensement, la France s'in-
terdit donc de questionner ses citoyens sur leurs origines, couleur de peau,
religion ou sexualité. Car à l'interdit constitutionnel s'ajoutent deux problèmes
: la définition des groupes statistiques et la conservation des données.
En fait, la philosophie dominante se résume à ne pas segmenter les Français
pour ne stigmatiser aucun groupe. Mais l'évidence des discriminations pose
question. La société française est-elle conforme à ses objectifs d'intégration
et à sa devise, «Liberté, égalité, fraternité» ? Comment parler des minorités
visibles quand elles sont invisibles d'un point de vue statistique ?
Pas facile d'en débattre aujourd'hui, le vocabulaire qui définit les cases man-
quantes de nos statistiques ayant été confisqué par l'extrême droite pour ser-
vir ses thèses racistes, sexistes, antisémites et homophobiques. «Juif»,
«Noir», «Arabe», «homosexuel» ont perdu leur sens et leur place dans le
discours des partis républicains, qui n'osent plus s'aventurer sur ce terrain
miné. «Ce n'est pas en continuant d'ignorer les différences et les inégalités
que l'on disqualifiera les thèses du Front national», conclut le démographe
Patrick Simon.
Le sociologue Bernard Cathelat nuance : «On peut craindre que ce "secret
identitaire" pérennise l'idée qu'être homosexuel, juif, arabe ou noir soit une
tare ! Involontairement, cela peut renforcer les discriminations. De toute fa-
çon, il est bon de lancer un débat pour savoir ce qu'il y a à gagner, et à per-
dre, à rendre visibles ou garder clandestines ces parcelles d'identité.»

Antoine de Rivasson!                                                             16
3) Focus sur le Sexe

Le sexe est le premier tabou de l’humanité. Nous l’avons vu avec le tabou de
l’inceste. Celui-ci est créateur des sociétés humaines : familles, tribus, clans
puis nations.
Aujourd’hui, l’inceste est prohibé. Si on demande à dix personnes lettrées
pourquoi les moeurs, les législations et les religions condamnent l’inceste :
neuf d’entre elles, sinon toutes, vont répondre : « Parce que c’est malsain et
préjudiciable à l’espèce. »
Si le législateur condamne l’inceste, c’est qu’il croit que les membres d’une
même famille ont régulièrement les mêmes tares.
La prohibition de l’inceste n’est qu’un cas particulier de la loi d’exogamie, qui
interdit aux membres d’un même clan de s’unir sexuellement entre eux. Un
clan, c’est un groupe d’individus qui se réclament du même ancêtre, c’est-à-
dire qui ont le même totem (animal ou plante). L’institution du clan ayant été
quasi universelle, on peut supposer que l’exogamie a aussi été générale et
que toutes les sociétés ont passé successivement par cette phase. Or, l’in-
ceste signifie seulement l’union sexuelle d’individus parents à un degré pro-
hibé ; l’inceste est donc identique au principe de l’exogamie ; l’explication qui
conviendra à l’une sera vraie pour l’autre.




Antoine de Rivasson!                                                           17
On a proposé deux théories principales pour rendre compte de l’exogamie :
-Lubbock, Spencer et Mac Lennan admettent que les hommes de différentes
tribus auraient d’abord (comme dans l’histoire des Romains et des Sabines)
pris de force leurs femmes dans d’autres tribus ; peu à peu, cette habitude se
serait consolidée en règle et la razzia serait devenue une sorte de contrat.
Une considération suffit à montrer l’inanité de cette thèse : c’est que l’exoga-
mie n’est pas l’interdiction du mariage entre membres d’une même tribu, mais
entre membres d’un même clan.
-Morgan prétend que l’exogamie a pour cause les mauvais résultats souvent
imputés aux mariages consanguins. D’ailleurs, l’interdiction de l’endogamie
est d’autant plus rigoureuse que l’état de civilisation des tribus est plus primi-
tif ; cela seul suffirait à prouver qu’il ne peut s’agir d’une loi d’hygiène. C’est
seulement vers la fin du XVIIe siècle qu’apparaît dans la littérature l’idée que
les unions consanguines affaiblissent la race ; les rédacteurs de notre Code
civil eux-mêmes ne s’y sont pas arrêtés.
M. Durkheim reconnut que l’exogamie et tout ce qui s’y rattache sont des faits
de tabou, c’est-à-dire des prohibitions de nature religieuse dont l’origine se
perd dans la brume des siècles. Là où le rôle de l’hypothèse devient considé-
rable, c’est quand il s’agit de mettre en lumière la nature précise du tabou en
jeu.




Venus de Willendorf


Antoine de Rivasson!                                                             18
Dans la psychanalyse, Freud accorde une importance primordiale à la sexua-
lité qui serait dans sa conception, la cause et l’explication toutes les névroses
humaines.

Or depuis les années 1970, l’Europe et particulier la France connaît une libé-
ralisation des mœurs, après une longue domination de la morale judeo-chré-
tienne. Le désir de sexualité réprimé, caché pendant les années où il y avait
un cadre religieux ou politique se libère et s’exprime dès lors que la pression
extérieure disparaît. Ses pratiques et ses représentations se banalisent.
Dès lors, il pourrait être tentant de penser que cette libéralisation puisse en-
trainer mécaniquement la libéralisation des névroses dénoncés par Freud ?
Plus prosaïquement, la représentation de pratiques déviantes et pathologique
(inceste, viol, pédophilie) jusque-là taboues ne pourrait-elle constituer une
provocation, une incitation à la reproduction de ces actes ?
En effet, le tabou comme le fantasme est par nature attrayant, tentant, fasci-
nant. La représentation à outrance de la sexualité semble traduire ce désir.

L’idée selon laquelle on est toujours attiré par ce qui est interdit est bien
réelle. Il n’est à priori pas étonnant que la publicité qui suit les évolutions de
la société de près et parfois les précède ne se soit engouffrée dans cette brè-
che. Ou peut y voir à priori deux intérêt : accroitre la désirabilité du produit en
le mettant en scène par un jeu de miroir dans une situation d’interdit tenta-
trice; et tout simplement choquer donc émerger, sortir du lot, générer du bou-
che à oreille.
Pour autant la publicité aborde-t-elle le tabou de façon instinctive ou comme
c’est le plus souvent le cas dans le domaine du marketing de façon ration-
nelle et analytique ?




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DEUXIÈME
PARTIE :
LA
PUBLICITÉ
DANS
LA
SPHÈRE
PSYCHO-
SOCIOLOGIQUE
Soupçonner la publicité d’utiliser, récupérer ou détourner consciemment des
codes socio-culturels, dont les tabous font partie au premier chef, implique
que la profession publicitaire s'intéresse et s’immerge dans la psychologie du
consommateur, dans son univers, dans sa culture, qu’elle le fasse de façon
rationnelle et quantitative, et qu’elle y trouve des avantages concret sur le
plan commercial. Qu’en est-il réellement ?
De plus, les tabous sont par nature des interdits, or dans une société, qui dit
interdit, dit censure. A quel type de censure s’expose la publicité lorsqu’elle
touche aux tabous ?


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I) LA CONNAISSANCE DU COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR

Nous l’avons vu l’analyse du tabou appartient à la fois à l’ethnologique par
l’étude des interactions dans les groupes sociaux et à la psychanalyse
(Freud). On peut ainsi le rattacher au courant transdisciplinaire de la psycho-
sociologie qui est la science de l'action et pratique d'intervention engagée
dans la vie sociale. La psychologie du consommateur en est un des champs
d’application.

     La connaissance du comportement du consommateur est un Facteur Clé
de Succès de l’élaboration d’une publicité. Dans le cadre d’une stratégie glo-
bale de communication, la marque va affiner au maximum l’étude de sa cible
pour adapter non seulement les supports les plus pertinents dans le cadre de
son plan média (carrefour d’audience, consommation média, points de con-
tact, etc) mais aussi son message. Car malgré les pré-tests, il reste très diffi-
cile de prévoir quelle va être la perception d’un consommateur à un message
publicitaire et comment il va réagir. Ce n’est pourtant pas faute de faire des
études de comportement...


               1)    Théories de la communication et leur application à la pu-
                    blicité.

     Le consommateur actuel, c’est un lieu commun, est en permanence
soumis à la pression publicitaire. L’omniprésence de la publicité, à travers les
différents médias, constitue son quotidien. Mais la quantité des messages et
leur contradiction amènent l’individu à filtrer inconsciemment. En effet sur une
centaine de messages auxquels il est exposé chaque jour, il n’en percevrait
que le tiers. Quels sont les messages qui passent ? Comment une publicité
peut-elle se démarquer d’une autre ? Comment faire pour que le consomma-
teur perçoive le message dans son intégralité tel que celui-ci puisse provo-
quer une modification du comportement en faveur de l’acte d’achat ?


     Les relations avec le prospect sont de plus en plus complexes. D’après
les travaux de J-M Agostini, la publicité n’agit pas avec la même intensité se-
lon le degré d’implication du consommateur. Il faut donc éviter de le trans-
former en spectateur mais en acteur.



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− Pour le consommateur fortement impliqué (celui qui est à la recherche
     d’informations et qui a tendance à rejeter celles qui sont contraires à
     ses croyances) : la publicité peut l’influencer jusqu’à obtenir une atti-
     tude favorable à la marque mais aussi à l’achat.
   − Pour le consommateur faiblement impliqué (qui ne s’intéresse pas à la
     publicité) : il reçoit passivement le message publicitaire et achète de
     manière aléatoire et routinière mais va parfois adhérer à une nouvelle
     marque par curiosité.

Le degré d’implication a tendance à augmenter selon la perception du risque.
Par exemple le fait de tester une nouvelle marque, ou le fait que le prix soit
élevé. Le degré d’implication ne sera pas le même pour l’achat d’une voiture
que pour l’achat d’une brique de lait.

Quatre comportements d’achat :

                             Niveau d’implication élevée   Niveau d’implication faible


Différences significatives en- Achat complexe              Achat de diversité
tre les marques



Peu de différences entre les Achat réduisant une disso- Achat routinier
marques                      nance



   Source Kotler & Dubois

Le modèle cognitif-affectif-conatif

Distinction des différents déterminants du comportement du consommateur :
la propension à acquérir effectivement le produit voulu (dimension conative)
repose sur sa connaissance du produit et de ses attributs au regard des pro-
duits capables de remplir la même fonction d’usage, ou sur son degré d’affini-
té (dimension affective) avec le produit.




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La matrice de Vaughn

Approche différenciée a été adoptée en fonction de la nature des produits et
services commercialisés.




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2) La dissonance cognitive


Quand on envoie un message que se passe-t-il dans l’esprit du consomma-
teur ?

On parle de dissonance cognitive lorsque l’acheteur potentiel, mis en pré-
sence d’informations discordantes, est perturbé au point de douter de son
comportement d’achat. En effet, une fois l’achat effectué, le consommateur
peut percevoir un écart entre son expérience et ce qu’il entend autour de lui
au sujet du produit. Il cherchera alors à justifier son achat de façon à réduire
cette dissonance. Un responsable marketing confronté à cette situation a in-
térêt à lancer des actions de communication pour rassurer le consommateur
sur la pertinence de son choix. Le slogan publicitaire doit nécessairement atti-
rer l’attention, interpeller le consommateur de manière positive. Cependant
cela ne signifie pas qu’elle soit capable de jouer un rôle décisif dans le com-
portement du consommateur, elle va peu ou beaucoup l’influencer mais elle
va surtout le rassurer dans la satisfaction de son achat.
       Pour pouvoir comprendre un minimum le comportement du consomma-
teur et sa manière de fonctionner, il est nécessaire d’aller plus loin dans l’ana-
lyse et d’aborder ainsi le domaine psychique :
       Le consommateur est doté de structures mentales qui sont les croyan-
ces, la pensée… . Lorsqu’il perçoit un message, celui-ci vient perturber ses
structures. Si le message est incohérent avec les structures mentales, le
consommateur ne va pas y prêter attention et encore moins le retenir. De
même lorsqu’il correspond trop à ces structures, il ne sera pas mémorisé.
Dès lors le message doit s’appuyer sur les structures existantes pour pouvoir
au final les enrichir. La cohérence dans le message est essentielle autrement
il y a refus de la part du consommateur, d’où l’intérêt des études qualitatives
pour savoir ce que pensent les gens.

Dans une situation de dissonance il faut que :

           − L’implication et le risque perçu soient forts
           − La source de l’information dissonante soit crédible
           − La dissonance doit se produire au bon moment (peu avant ou peu
               après l’achat)




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Il s’agit là d’une situation d’inconfort psychologique, l’objectif est donc
de réduire la dissonance soit en remettant en cause la source de l’informa-
tion, soit en évitant cette information perturbante, soit en diffusant d’autres in-
formations contraires mais qui vont dans le sens que l’on souhaite.

       Une publicité dissonante n’a aucune chance de réussir, elle sera auto-
matiquement rejetée. Elle n’aura aucune influence sur le comportement d’un
consommateur potentiel. Pour cela, il est primordial de réduire la dissonance
cognitive avant mais aussi après l’achat, car c’est le moment où le consom-
mateur est le plus vulnérable à l’élaboration de son choix. La communication
sous toutes ses formes doit être mise en œuvre pour rassurer le consomma-
teur, le fidéliser et en faire un partisan convaincu. Pour cela la connaissance
du comportement du consommateur est une étape essentielle à l’élaboration
d’une publicité efficace.

               3) Le marketing d’expérience

Sensibiliser le consommateur, le marquer en le faisant vivre une expérience
unique afin d’optimiser la mémorisation du message publicitaire telle est la
vocation du marketing d’expérience. Il offre plus d’opportunités que le marke-
ting rationnel qui se contente seulement de promouvoir la marque. En effet à
travers le marketing d’expérience, le consommateur est au centre des préoc-
cupations : L’objectif étant de donner l’impression au client de vivre une expé-
rience.

Comment :

   −   En excitant ses 5 sens
   −   En imaginant l’utilisation du produit
   −   En évoquant des sentiments positifs
   −   En poussant le consommateur à agir en utilisant le produit
   −   En plaçant le consommateur dans son propre imaginaire

Par quels moyens :

   −   Couleurs
   −   Musique
   −   Style
   −   Bonne humeur
   −   Emotions positives …

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Autant d’éléments qui confèrent à la publicité un caractère particulier aux
yeux du consommateur car elle va susciter chez lui un sentiment particulier, il
va se sentir compris et rassuré dans son prochain achat.

Pour convaincre en publicité il faut faire preuve d’ingéniosité, de créativité et
d’originalité. Les 6 clés essentielles à respecter sont :

       −   Etre concret
       −   Etre cohérent
       −   Augmenter le degré d’implication du client
       −   Satisfaire le client
       −   Se remettre en question
       −   Cibler

       4) Vers une approche ethnologique ?


Les acteurs de la publicité possèdent donc bien des éléments de compré-
hension de la psychologie du consommateur qui dépassent le simple feeling
des planneurs stratégique et des créatifs. Ceux-ci en usent et abusent pour
affiner la pertinence de leurs messages.

Mais au-delà du comportement d’achat de l’individu étudié par les économis-
tes depuis l’école néo-classique au début du siècle dernier (concept d’Homo
œconomicus), l’inconscient collectif est un formidable champs d’étude théori-
que pour le publicitaire. Il est en effet le vecteur de transmission du créatif qui
joue sur des signifiés compris et intégrés par tous et les détourne pour simpli-
fier la compréhension et la diffusion de son message au plus grand nombre.
Pourtant les indicateurs existants se bornent à analyser l’individu au niveau
de sa prise de décision de l’acte d’achat ou de sa perception de la marque.
Rien ne semble exister, au grand dam probablement des tenants de la théo-
rie du complot, et malgré le contexte des mass-média, pour cerner les grands
courants qui structurent une société, tels les tabous.
(Paradoxalement l’ethnologie s'intéresse elle, à l’impact de la publicité sur les
représentations sociales. On pourra à ce sujet citer Un ethnologue dans le
métro de Marc Augé ou Paysage d'images , Essai sur les formes diffuses du
contemporain d’Alain Mons.)




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Ainsi il y a fort à parier que la publicité aurait à gagner en adoptant une ana-
lyse ethnologique des société dans lesquelles elle évolue, en comblant ce
vide qui semble d’autant plus profond en perspective qu’est réelle sa con-
naissance des comportements du consommateur en tant qu’individu.

D’ailleurs, cette connaissance qui pourrait s'assimiler à des techniques de
manipulation pour le profane ou le plus soupçonneux est susceptible d’en-
gendrer une crainte ou un rejet du public, à l’image des méthode de « track-
ing » permettant de cerner avec précision les habitudes de consommation
des individus, qui font souvent la une des articles des médias à l’encontre
des grands groupe de la planète web tels que Google, Apple ou Facebook.
Heureusement pour le consommateur, il semble que l’interprofession publici-
taire se soit offert un outil à la mesure de cet enjeu.




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II)     LE CONTRÔLE DES INTERDITS DANS LA PUBLICITÉ

Après avoir vu comment et de quelle façon la publicité se mêlait de psycho-
sociologie, voyons maintenant comment elle s’autocensure et pourquoi.

1) Les mécanismes de contrôle de la publicité

Certaines publicités font l’objet de censure ou de régulation car trop osées ou
violentes. L’activité publicitaire est encadrée par un arsenal juridique et ré-
glementaire qui vise à protéger le consommateur. Mais en plus du dispositif
légale, la profession à tendance à s’auto-réguler. En France c’est le BVP qui
assure le rôle d’organisme de contrôle déontologique des acteurs publicitai-
res.

Le BVP

     Le bureau de vérification de la publicité est l’héritier de l’OCA (office de
contrôle des annonces) crée en 1935. Il a pour objectif d’agir en faveur d’une
publicité loyale, véridique et saine. Il réunissait à l’origine la Chambre syndi-
cale de la publicité, des groupements d’intérêt général tels que l’Association
des directeurs commerciaux de France et douze syndicats, parmi lesquels
l’Union syndicale des maîtres artisans publicitaires, le Syndicat des quoti-
diens de Paris, celui des journaux de province, les éditeurs créateurs, etc.

Ses missions consistaient à :

  •    "apporter son concours en toutes circonstances pour assurer la sincéri-
       té de la publicité sous toutes ses formes et, en particulier, dans les an-
       nonces de presse "
  •    "renseigner, selon ses moyens, les organes qui en font la demande sur
       les annonces trompeuses qui pourraient leur être transmises pour in-
       sertion "
  •    "donner aux publicitaires, et aux annonceurs qui le demanderont, des
       avis sur la moralité et la légalité des projets d’annonces qui lui seront
       soumis"




Antoine de Rivasson!                                                           28
Il devient le bureau de vérification de la publicité en 1953, et sa présidence
est confiée à une personnalité indépendante de la profession, depuis 1999 il
s’agit de Jean-Pierre Teyssier. Il comprend également de nombreux adminis-
trateurs issus de l’interprofession (annonceurs, agence, presse écrite, télévi-
sion, médias numériques, radio, cinéma). Par exemple, Nicolas Bordas Pré-
sident de TBWAFrance est l’un des administrateurs représentant les agen-
ces.

Dans un cadre auto disciplinaire, le BVP élabore depuis les années 70, des
recommandations à l’égard des professionnels de la publicité.

Depuis 1992, le BVP instaure le système obligatoire d’avis avant diffusion de
tous les films publicitaires télévisés par transfert de compétence du CSA qui
reste compétent en dernier recours. Le BVP a aussi et surtout un rôle préven-
tif, à la demande des agences pour obtenir des conseils sur la conformité de
leurs publicités avant diffusion. Il examine aussi toutes les publicités suspec-
tes ou déloyales, si ces dernières transgressent les règles d’autodiscipline, il
demande la rectification ou la suspension de la diffusion de la publicité con-
cernée. Bien qu’elles n’aient pas de caractère contraignant sur le plan juridi-
que, les recommandations du BVP sont largement suivies par les adhérents.

Entre 2000 et 2005, le BVP modernise son institution en s’ouvrant aux nou-
veaux médias et renforçant ses compétences, et crée le Conseil de l’Ethique
Publicitaire).

Depuis 2007, il conduit une réforme de la gouvernance de la régulation publi-
citaire et se poursuit par l’adoption de nouveaux statuts et d’une nouvelle
identité à compter du 25 juin 2008. Le BVP se renomme alors ARPP (Autorité
de Régulation Professionnelle de la Publicité).

Toutefois, ce changement de dénomination étant récent et pas encore intégré
par de nombreux professionnels eux-mêmes, nous continuerons à parler
dans ces pages de BVP, pour plus de clarté.

Au niveau international Il est un membre fondateur de l'Alliance Européenne
pour l'Éthique en Publicité (AEEP créée en 1992, EASA-alliance en anglais)




Antoine de Rivasson!                                                          29
A noter qu’outre la recommandation du BVP, les régies se réservent le droit
de se refuser certaines publicités à l’image de Metrobus (RATP) en ne pu-
bliant que 3 des 6 affiches de l'association France nature Environnement en
février dernier, arguant du caractère diffamatoire de ces visuels envers la pro-
fession des agriculteurs.

       2) Quel type de censure encadre la publicité ?

La censure est par définition la « privation de l'information disponible à des
particuliers ou à un groupe », elle s’exprime concrètement par « l'examen du
détenteur d'un pouvoir ou d’une institution sur un moyen d’information ou de
communication ». Dans un contexte économique et et dans le cadre de nos
sociétés démocratiques il n’est pas pertinent d’assimiler cet interdit à une li-
mitation arbitraire ou doctrinale de la liberté d'expression du citoyen/con-
sommateur. La raison est donc autre.
De fait, dans le cadre de la publicité, la censure vise avant tout à protéger le
consommateur, c’est à dire l’audience d’un message, lequel sans aller forcé-
ment à l’encontre d’un posture idéologique dominante ou d’un diktat politique
est susceptible de le choquer personnellement car allant à l’encontre d’une
prohibition qui si elle n’est pas de nature légale, ne peut alors être qu’éthique.
Cet « interdit moral » est communément appelée un tabou.


      Ainsi, la publicité, nous l’avons vu se joue des comportements affectifs
et psychiques des consommateurs pour délivrer son message. Ses analyses
ne procèdent pourtant pas d’une approche holistique d’une société ou d’une
culture, elle ne se place pas à ce jour sur le plan ethnologique auquel appar-
tient le tabou. A cet effet, la publicité ne possède donc pas d’outil qualitatif ou
quantitatif lui permettant à priori d’estimer l’impact de la transgression volon-
taire du tabou dans une campagne. Son approche face à cette problématique
semble donc essentiellement empirique.
Pour autant, si la profession fait preuve de responsabilité en se dotant d’un
outil d’autocensure mature et respecté pour ne pas heurter la sensibilité du
public par une transgression top répétée ou trop brutale de ses codes éthi-
ques, c’est que la tentation est bien grande.
Dans les fait, elle ne se prive de transgresser les tabous, parfois de manière
quasi systématique et parfaitement délibérés et dans l’optique de résultats
parfaitement anticipés comme nous allons le voir.




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TROISIÈME
PARTIE :
L’UTILISATION
DES
TABOUS
PAR
LA PUBLICITÉ
En tant que partie prenante de la société, tour à tour influençant et influencée
par la société, il est finalement logique que la publicité soit naturellement por-
tée à transgresser les tabous. Mais plus qu’une pulsion ou qu’un instinct, la
transgression peut-être une véritable stratégie marketing à laquelle la profes-
sion à d’ailleurs donné un nom.
Qu’est que le « schockvertising », comment la publicité l’utilise-t-elle et dans
le but d’atteindre quels résultats ?

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I) COMMENT PARLER D’UN SUJET TABOU OU L’UTILISER EN PU-
      BLICITÉ : LES AXES




    Les milliers de messages publicitaires par lesquels nous sommes quoti-
diennement bombardés provoquent une fatigue mentale défavorable à la pu-
blicité. Par conséquent la plupart des messages publicitaires que nous ren-
controns ne restent pas dans notre mémoire… Les annonceurs se doivent
donc d’être originaux dans la conception d’une publicité pour retenir l’atten-
tion du consommateur par divers procédés.
Aussi afin qu’une publicité ne passe pas inaperçue, on peut envisager plu-
sieurs stratégies. Les procédés de l’attention spectacle ont généralement 5
sources : la personnalisation, le divertissement, la surprise, l’humour et les
émotions. C’est cette dernière qui semble s’imposer aujourd’hui.
Elle consiste à éveiller, à exciter des émotions, à travers divers procédés,
comme la beauté (paysages, mannequins, etc.), les sentiments (amour, re-
grets, nostalgie, horreur, dégoût, etc.) et la sensualité/sexualité.

Le « shockvertising »

Le « shockvertising » en est l’illustration la plus poussée car cette méthode
se nourrit des tabous de la société tels que la violence, la mort, le sexe, la
drogue, le racisme, etc. de cette manière nous sommes touchés au plus pro-
fond de nous même.
Plus concrètement, le shockvertising désigne une stratégie créative qui vise
avant tout, lorsque ce n’est pas son seul but, à accrocher le passant ou le
lecteur par la provocation. En impliquant fortement le consommateur, le
shockvertising garantit le fait que la publicité soit remarquée et augmente son
taux de mémorisation. Pour pouvoir accrocher le consommateur, il faut cho-
quer, perturber, faire mal, pincer…

      Une enquête réalisée auprès de 750 personnes et publiée dans de pré-
cédentes recherches montre que les thèmes abordés, le sexe et l’âge
jouaient un rôle important dans les perceptions individuelles des tabous dans
la publicité.




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Voici les résultats :

           • Sur le thème de la violence, la mort et la souffrance : respective-
             ment 75%, 65% et 63% des personnes estiment qu’il ne faut pas
             les montrer dans la publicité.
           • Sur le thème de la sexualité, 53% des personnes estiment qu’il ne
             faut pas la montrer dans la publicité.
           • Les femmes sont plus réticentes quant à la présence de la mort et
             de la nudité dans la publicité que les hommes.
           • Pour l’âge il ressort des enquêtes que généralement les jeunes
             sont moins sensibles à l’utilisation de tabous dans la publicité.

Comment utiliser un sujet tabou en publicité ?

Appréhender la façon de parler d’un sujet interdit repose sur plusieurs ambi-
guïtés et semble complexe. Il convient dans cette partie de déterminer les
axes entrepris pour communiquer d’un, ou sur un sujet tabou que ce soit de
manière directe ou indirecte, à des fins sociétales ou commerciales. Nous
tenterons également de déterminer le degré d’acceptation des tabous évo-
qués sous certaines formes, ainsi que les réussites et échecs liés à la com-
munication du tabou en question.

S’il y a offense, il y a violence de l’esprit ou du corps, souvent exprimée par la
mise au grand jour d’un tabou. Brown et Schau en ont fait une analyse en
2001. Pour ces auteurs, la publicité offensante peut être de quatre ordres,
que les auteurs appellent les 4"C" : Charnelle, Corporelle, liée aux Croyances
et Culturelles. Les publicités charnelles font référence à la sexualité tandis
que les publicités corporelles jouent avec les "fluides" du corps (salive, vo-
missements …). Les publicités liées aux croyances sont celles qui, par
exemple, remettent en cause ou se moquent des croyances religieuses, tan-
dis que les publicités culturelles vont choquer les canons esthétiques, le bon
goût, d'une manière générale, les normes culturelles.




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1) Axe éthique

a) La religion

Benetton transgresse les mœurs et affiche le tabou de la sexualité en matière
de religion en affichant un baiser entre un prêtre et une religieuse. Le non-dit
sur le sentiment amoureux entre un prêtre et une bonne sœur ou sur une
éventuelle relation d’ordre sexuelle défie la morale et plus encore le sacré en
portant atteinte aux valeurs religieuses.




Différence : il est rare que la religion soit exploitée en matière de publicité
Ambiguïté : aucune référence au produit
Tabou : le baiser entre un prêtre et une religieuse

Le tabou est ici utilisé afin d’être provocant. La provocation reposant sur 3
facteurs réunis :
La publicité doit impliquer la différence, l'ambiguïté, et l'utilisation d'un tabou.
La différence peut être retrouvée au niveau de l'usage de la couleur, du for-
mat, de la position, des contrastes, du mouvement, de l'intensité … La publi-
cité doit se démarquer dans son usage des autres messages, elle doit inno-
ver. L'ambiguïté est provoquée par le manque de clarté du stimulus pour
communiquer ou pour évaluer la classe du produit, la marque ou les motifs.
Avec l'ambiguïté, le message laisse place à plusieurs interprétations, les ta-
bous constituent ainsi un terrain fertile de l'inspiration créative : violence,
mort, drogue, racisme, argent, religion…

Le constat de cette campagne sera peint ultérieurement dans un bilan des
publicités Benetton.
Antoine de Rivasson!                                                              34
De même, pour l’agence Air Paris, qui touche au tabou de la religion et aux
valeurs et codes s’y rapportant dans sa création de la publicité pour Marithé
et François Girbaud, créateurs de vêtements.




On peut, en effet, y voir une parodie de la Cène où les apôtres et Jésus sont
remplacés par des femmes. Ils bafouent ainsi cette scène et mêlent érotisme
et religion.
Certains peuvent voir cette affiche comme une injure à un groupe de person-
nes en raison de leur appartenance à une religion déterminée, en l'occur-
rence le catholicisme.
Elle met en scène des femmes dans des poses lascives et des plus suggesti-
ves, elles ont des comportements érotiques et blasphématoires à l’égard d’un
élément fondateur pour les catholiques, et ce pendant le carême.
On peut émettre 2 jugements contradictoires à l’égard de cette publicité :
-celui, où le principe de liberté d’expression est possible et où cette parodie
n’est que fantaisie, permettant ainsi de « désacraliser » la religion.
-celui du respect des croyances qui est l’une des assises d'une société dé-
mocratique, affirmé notamment dans la Déclaration Européenne des Droits
de l'Homme, dans la Constitution du 4 octobre 1958.




Antoine de Rivasson!                                                         35
Constat :
Les créateurs François et Marithé Girbaud étaient, avant cette affiche, quasi-
inconnus du grand public. Alors même que la publicité en question ne permet
pas au premier regard de déterminer quel type de produit est vendu,le fran-
chissement du tabou religieux en reconstituant la Cène a permis au couple
de voir leur nom repris et affiché dans toute la presse, française et internatio-
nale. La publicité, censurée à l'affichage, ne l'a pas été dans les magazines.
Les journaux ont pu reproduire à loisir la photographie litigieuse. Pour une
publicité affichée initialement uniquement sur un mur à Neuilly-sur-Seine,
l'ampleur de la couverture médiatique a été phénoménale.

La publicité utilisant les codes de la religion catholique est « totémisée »
parce que les racines chrétiennes sont très ancrées en France : ces symbo-
les appartiennent à une culture générale. Seule la religion catholique est vi-
sée car elle apparaît comme dominante en France. L'Islam - deuxième reli-
gion du pays - ou la religion Juive ne sont pas utilisés par les publicitaires :
leur manipulation est encore trop sensible, mais ce n'est qu'une question de
temps avant de voir apparaître sur les murs des affiches sur les stéréotypes
de ces religions. Ces dernières années sont marquées par le retour à une
certaine ferveur religieuse, à des valeurs dites traditionnelles, à un retour à la
vie spirituelle. Le sujet est encore suffisamment sacré et tabou pour permet-
tre de choquer quand il est détourné. "Après le sexe par procuration des an-
nées sida, la religion semblerait cristalliser les peurs de la société post-mo-
derne et se poser comme le nouveau tabou des années intégristes".


b) Le Porno-chic :


la nudité standard doit s'ajouter aujourd'hui l'utilisation de codes pornographi-
ques dans la publicité. Cette utilisation est appelée le "porno chic" et va fran-
chir tous les tabous sexuels. Celui-ci sexualise les mannequins et impose ses
fantasmes.

Le sexe :
Si le sexe est de moins en moins considéré comme tabou à l’heure actuelle,
certaines de ses composantes le sont davantage comme la masturbation, la
pénétration anale, la zoophilie…
La campagne Dior Addict peut être considérée comme l'archétype de la pu-
blicité porno chic.
Antoine de Rivasson!                                                            36
C’est en partant de cette publicité que l’on va analyser par échelon ascendant
les différents stades du tabou exprimé dans le porno chic. La version réser-
vée aux magazines de mode franchit celui de la masturbation. En effet, dans
la deuxième version, le flacon de parfum est glissé dans le slip de la femme,
suggérant la masturbation féminine.




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Dans cette publicité Dior, pour sa ligne de joaillerie, l’objectif est de provo-
quer, non pas de faire prendre conscience que la masturbation est un acte
anodin, commun a tous les mortels, le rapport entre la masturbation et les bi-
joux de luxe est difficile à déterminer.
Cette banalisation a entraîné une poursuite en avant, l'érotisme féroce deve-
nant de la pornographie douce.


Les fantasmes :
Les créateurs des publicités pornos chics s'inspirent des fantasmes, des plus
communs aux plus rares. Voici quelques illustrations des fantasmes tabous
évoqués dans les publicités pornos chics :




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La plupart des tabous sont tombés entre les mains du porno chic. La zoophi-
lie a été elle aussi mise en scène dans les publicités, parfois au travers d'un
clin d'oeil clairement humoristique, parfois de manière beaucoup plus sé-
rieuse.
Les scènes sont plus que suggérées : pour choquer, elles doivent être très
crues, très explicites.
Le plus souvent, la femme est offerte et l'homme conquérant. Les fantasmes
les plus réguliers représentent des femmes entre elles ou des scènes de do-
mination. La façon de photographier emprunte également de nombreuses
conventions de la photographie pornographique : cadrage imparfait, yeux
rouges. L'intention est de donner une image du type amateur ou une image
volée, propre au voyeurisme. Les tabous les plus déroutants concernant le
porno chic ne résident pas dans l'utilisation de la nudité, qui est commune et
au final assez peu utilisée, mais dans la banalisation de la violence et de la
soumission.




Dans cette campagne Dior par exemple, la femme est recouverte de cam-
bouis, ses vêtements sont salis et troués, ce qui est une étrange manière de
les vendre, son visage est tuméfié et hagard. L'ambiguïté fait la force de la
photo : une partie du public y a vu la représentation d'une scène de viol alors
qu'une autre a pu y voir une forme d'abandon dans un plaisir extrême.




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Le porno chic nous impose une image peu saine des relations sexuelles. Les
représentations sont le plus souvent violentes, les femmes soumises. Ces
publicités confrontent le public avec une représentation du sexe qui effraie :
le sexe évoqué est malsain. Dans les publicités standard, le sexe n'est pas
banni, mais plutôt joyeux, contrairement au porno chic. La publicité porno
chic fait référence à l'intimité des personnes. Elle impose ses fantasmes qui
ne sont pas nécessairement ceux du grand public, d'où un phénomène de
fascination mais également de rejet en fonction de la personne soumise à la
publicité.
De plus, l'image force le sujet qui passe devant une affiche, en s'imposant à
son imagination.
Elle ne viole pas seulement l'intimité de la chose représentée mais aussi celle
de l'imagination cible du spectateur. Cette violence est en outre reçue en pu-
blic : être vu voyant des visuels choquants est une atteinte supplémentaire à
l'intimité.

Constat :
Le public s’est senti contraint à faire face à des sujets qui le déroute, le choc
ou le blesse, et dont il ne veut pas parler. Le porno chic à violer les mœurs et
en rentre en force dans l’intimité.
L'objectif de rajeunissement des marques a été atteint, mais ces vagues de
campagnes de publicité ont également démocratisé les marques. Leur image
n'était plus associée au luxe, mais au sexe tabou. C'est la raison pour la-
quelle l'industrie du luxe laisse désormais des marques plus populaires s'em-
parer des codes du porno chic, et elle reprend aujourd'hui une communica-
tion plus traditionnelle, fondée sur la présentation du produit.

Les préjugés (discriminations) :
L’appel à une remise en question de l’individu et le jeu avec des valeurs chè-
res au public sont utilisés en publicité afin de faire réfléchir la société sur des
questions fondamentales. Ainsi l’utilisation du tabou permet d’interpeller la
personne qui regarde la publicité afin de l’amener à réagir.
C’est ce qu’a fait l’entreprise d’intérim Adia en sautant la barrière qui nous ar-
rête aux préjugés et remettant ainsi en cause, la perception et la moralité du
public.




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"Ce jeune est un drogué", "Cette femme est bonne", "Cette fille ne peut rien
faire", autant de slogans qui interpellent dans le couloir du métro parisien.
Ecrit en beaucoup plus petit, l'agence d'intérim explique que ce jeune est un
drogué du travail, que cette femme est bonne dans son travail, que cette fille
ne peut rien faire sans passion ou que cet homme est un obsédé du travail
bien fait, au-dessus du slogan : "Ne vous fiez pas aux apparences, fiez-vous
aux compétences". ADIA entendait dénoncer par cette campagne les préju-
gés des employeurs, et affirmer son ambition de faire disparaître les discrimi-
nations fondées sur ces préjugés en matière d'embauche, en interpellant le
public sur ses idées préconçues face à un candidat à l'embauche. La techni-
que utilisée a été de formuler les préjugés tout haut alors que tout le monde
les pense tout bas.

Constat :
      Les réactions du public se sont fait connaître en deux temps : d'abord
une vague d'indignation devant le message le plus voyant, et ensuite un ac-
cueil plus chaleureux pour les ambitions de l'agence d'intérim, même s'il s'est
senti agressé par ces affiches.

c) Focus sur les campagnes Benetton :

En matière de représentation de l'horreur, la marque Benetton est allée très
loin, emmenée par le photographe Oliviero Toscani, le créateur de ses publi-
cités. Son travail avec Benetton commence en 1982. L’entreprise se dit vou-
loir susciter un débat public et utiliser des images violentes pour amener à
réfléchir. A l'origine de la communication de la marque, une constatation :
« Rien ne ressemble plus à une photo de mode qu'une autre photo de mode.
On y montre de beaux mannequins et puis voilà »
La provocation délibérée n'apparaît qu'à partir des années 90. Benetton sort
désormais du terrain de la publicité commerciale pour afficher une prétention
humaniste, voire politique.

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Toscani justifie l'affiche de la jeune femme noire allaitant un bébé blanc avec
ces mots : "Je ne cherche pas à convaincre le public d'acheter – à l'hypnoti-
ser – mais à entrer en résonance avec lui sur une idée philosophique, celle
du brassage des races"




 Après avoir communiqué sur le brassage des races, Toscani s'intéresse en-
suite aux conflits armés, à la peine de mort, et au sida.




Le tapage orchestré autour de ces campagnes, leur fumet de scandale,
d'émotion, de provocation, d'indignation, le fait enfin de "jouer" avec les ta-
bous les plus profondément ancrés dans notre société (la mort, le sang,
l'égalité des races) prolonge la médiatisation de la marque

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La campagne HIV positive a créé une vraie polémique de masse à travers
toute l'Europe en1993.




C'est la première fois que les mots sont utilisés dans une campagne Benet-
ton, ils sont censés n'offrir qu'un seul sens et poser un message univoque ;
dans cette campagne de pub, ils ont été les plus forts : le public en retient le
marquage et l'exclusion.
Les affiches représentaient en gros plans des parties de corps (pubis, bras,
ventre et fesse) tatouées du sigle anglais définissant la séropositivité " H.I.V.
positive ". L'encre violette rappelle les tampons des services vétérinaires ap-
posés sur la viande prête à être commercialisée, ainsi que l'utilisation qu'en a
faite le régime nazi à des fins d'humiliation et de ségrégation.
Les affiches étaient particulièrement ambivalentes : au premier degré, un
corps perçu comme de la viande, marqué de façon humiliante. Au second
degré, un message de tolérance à l'égard des malades. La publicité ne don-
nait pas les clefs pour comprendre l'image d'une rare violence.. Selon elle,
"En imposant au regard, en des lieux de passage public forcé ou dans cer-
tains organes de presse, l'image fractionnée et tatouée du corps humain,
marquée des mots HIV – photographies non accompagnées d'une légende
permettant de décrypter le message qu'elles sont censées véhiculer et d'ali-
menter le débat d'idée qu'il s'agirait d'instaurer – les sociétés commanditaires
de la campagne publicitaire incriminée ont utilisé une symbolique de stigmati-
sations dégradante pour la dignité des personnes atteintes de manière impla-
cable en leur chair et en leur être, de nature à provoquer à leur détriment un
phénomène de rejet ou de l'accentuer".




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En fait, les images de Toscani offrent plusieurs interprétations possibles. Les
images appartenant au monde du signifiant n'affirment pas comme les mots,
mais restent ouvertes à toute interprétation. Toscani joue plus que jamais sur
ce registre de l'évocation d'une dualité, cette " ligne de partage entre deux
eaux " : guerre/paix, flirt/coït, beauté/pollution... Ces affiches apportent une
dimension éthique, mais n'impose pas la morale, le message est ambivalent
et libre à nous de répondre aux questions qu'elles soulèvent.

Constat :
L'un des premiers reproches exprimés contre ces affiches est l'ambiguïté qui
y réside. On ne savait pas s'il dénonçait, approuvait ou posait comme un état
de fait une photo aussi marquée et signifiante .Le public a fini par se lasser
des provocations de Toscani.
La marque a continué ses campagnes, brassant les tabous, mais le public ne
suivait plus et certaines campagnes ont été rattrapées par la justice. En 2000,
pendant la campagne des élections américaines, Benetton lance la campa-
gne "Regarder la mort en face", représentant les portraits de condamnés à
mort, avec leur date de naissance,le crime commis et le type d'exécution qui
les attend. La plupart des afficheurs ont refusé de diffuser la campagne, et
certains grands magasins ont même déférencé la marque. A partir de 1992,
le chiffre d'affaires de la marque n'a fait que décroître. Même après la rupture
du contrat entre Toscani et Benetton en 2000, et le retour à des campagnes
publicitaires assagies, la marque n'a pas réussi à retrouver son chiffre d'affai-
res du début des années 90. La marque a souffert au final de ces campa-
gnes.
Le but de ces campagnes ? Selon Toscani, "le télescopage d'une image d'ac-
tualité et du ronron édulcoré des pubs déclenche tout à coup la réflexion,
rompt la passivité". Une partie de l'opinion lui a reproché de vouloir imposer
sa propre morale. D'autres ont estimé que dénoncer n'était pas le rôle de la
publicité, qu'il est totalement immoral et contre les principes d'éthiques de
vendre des pulls en exploitant la misère humaine ou la mort. Pour Teyssier,
"Si on peut suivre Toscani quand il revendique pour la publicité le droit de
participer au débat public, en revanche, il se trompe en prétendant que la
publicité est un art qui peut tout se permettre. Ce sont les moyens employés
qui ont disqualifié les campagnes Benetton, et non les objectifs humanitaires
visés".
Ces campagnes ont eu le mérite de contraindre la profession à s'interroger
sur la mission, le rôle réel de la publicité. Publicité commerciale et campa-
gnes humanitaires peuvent-elles être compatibles ? La question reste encore
en suspend.

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2) Axe Affectif



a) La femme battue

La violence faites aux femmes peut être simplement évoquée ou au contraire
exposée directement de manière virulente. On verra ainsi que le tabou de la
violence peut être utilisé a des fins commerciales en étant totalement accepté
par les mœurs et ce de manière très positive, comme elle peut être un sujet
de réflexion et de remise en cause en insistant sur la gravité du thème.

Dans le visuel suivant, l’évocation du tabou de la violence faites aux femmes
est indirect et n’apparaît pas clairement. En jouant sur l’humour, la violence
permet d’être démystifiée et d’importance mineure, tant elle est banalisée.




La campagne "Babette" illustre la subjectivité attachée à la perception des
publicités. Cette campagne "Babette, je la lie, je la fouette, et parfois elle
passe à la casserole", diffusée durant une semaine en avril 2000, peut être
considérée comme une apologie de la violence conjugale.

 Pour profiter du battage médiatique, l'annonceur a lancé une seconde vague
d'affichage, avec un nouveau visuel et une nouvelle accroche :"Babette, j'en
fais ce que je veux", en franchissant le pas supplémentaire d’y ajouter le
sexisme.
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Constat :
Le groupe Candia a vu progresser les ventes de la crème Babette de 35,9 %
en un an. La campagne est sans conteste à l'origine de cette augmentation.
N'ayant été émise que pendant un court laps de temps, ce n'est pas sa diffu-
sion qui en est à l'origine. Par contre, le débat médiatique a permis à la mar-
que de s'exposer à peu de frais pendant plusieurs semaines dans de nom-
breux journaux. Les consommatrices, si la campagne leur avait échappé ini-
tialement, ne pouvaient plus ignorer le produit présenté par la marque. La
campagne a rempli son rôle puisque le tabou suggéré humoristiquement n'a
laissé personne indifférent.

Une récente campagne, déclinée sous forme de cartes publicitaires, pour
Club Internet, a tenté de faire de l'humour avec la violence conjugale pour
promouvoir un abonnement à des chaînes de télévision sur Internet.




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Sur le premier visuel, il est écrit : "Elle souhaitait voir un vieux film noir et
blanc. Son mari a préféré lancer un programme couleur", alors que sur le se-
cond, il est dit "À la place de son match, elle voulait voir un documentaire sur
les étoiles filantes. Elle les a vues". Cette publicité a été très mal perçue. La
violence conjugale est un sujet sensible et l'utiliser à des fins commerciales
est particulièrement déplacé, d'autant plus que l'annonceur n'entendait pas
dénoncer le phénomène, mais seulement le tourner en dérision.
En comparant les publicités Babette et celles de club Internet, on constate
donc que le tabou de la violence est facilement accepté quand il est suggéré
textuellement de manière humoristique mais qu’une évocation visuelle de
manière humoristique l’est beaucoup moins. Le tabou de la violence conju-
gale serait-il accepté dans les mœurs et dans la vie courante en mot mais
pas en image ?

Constat :
Le plan média de cette publicité a été étudié par l'agence de communication.
Il n'y a aucun doute que si la campagne avait été diffusée par des moyens
traditionnels (encart de presse, affichage) les retombées pour la marque au-
raient été très négatives. Mais en limitant cette campagne à la distribution de
cartes publicitaires, que l'on trouve dans les bars ou dans les salles de con-
cert, Club Internet se rapprochait du public visé (population 18-25 ans) et
pouvait se permettre de jouer sur le décalage de sa campagne et risquer de
faire de l'humour sur un tel sujet.

b) Sexisme/Nudité

       L’Imagerie explicitement sexuelle prolifère dans la publicité mais il con-
vient de distinguer les publicités en cohérence avec le produit et les autres.
Le sexisme représente une discrimination envers un sexe, auquel on refuse
l'égalité ou la dignité en stéréotypant des caractéristiques générales qu'on at-
tribuera à ce sexe.

A première vue, cette publicité assez banale pour de la lingerie Barbara diffu-
sée en avril 2002. On y voit une jolie jeune femme en sous-vêtements était
accompagnée des phrases : "Quand on me dit non, j'enlève mon pull" et
"Mon banquier me préfère à découvert, allez comprendre".




Antoine de Rivasson!                                                            47
Cette publicité parle d'un tabou : les avantages que peuvent obtenir les fem-
mes grâce à leurs attraits. Le slogan place l’homme (le banquier) en tant que
sexe et la femme (la cliente) en tant qu’objet. Il est certes commun dans l’es-
prit des hommes et femmes qu’il est possible de pouvoir jouer de ses char-
mes afin d’obtenir satisfaction. Toutefois la revendication de cet acte et son
ébruitement, l’est beaucoup moins. D’autant qu’elle sous-entend que lorsque
l’on a un physique moins harmonieux, il est plus difficile d’avoir les faveurs
d’un banquier, alors que ce qui est relatif à l’argent ne devrait pas être varia-
ble du facteur physique.

Constat :
En multipliant nudité et sexisme, la publicité Barbara s’est attirée de nom-
breuses plaintes demandant son retrait mais elle est acceptée dans l’esprit
populaire car c’est un tabou sans être tabou et qu’il fait partie du jeu sexuel
en cohérence avec le produit.

2. La publicité pour La City "le mouton" met la femme dans une position cer-
tainement dégradante. L'affiche montre une femme à quatre pattes presque
nue, en train de dialoguer avec un mouton : "J'ai envie d'un pull".




Antoine de Rivasson!                                                           48
Constat :
Beaucoup de critiques ont été émises contre cette publicité : la position de la
jeune femme, son dialogue avec un mouton, "animal à la bêtise et au con-
formisme légendaires, ce qui laisse supposer que le QI de la fille égale celui
de l'animal dont elle imite la position", le comportement pornographique, à la
limite de la zoophilie, l'utilisation de la maigreur…
 Les sociétés d'affichage ont retiré la campagne sur la demande du BVP, ce-
lui-ci considérant que les recommandations sur la dignité de la femme n'ont
pas été respectées. La marque La City n'a pas profité de cette campagne, sa
clientèle, plutôt classique, n'ayant pas appréciée d'être assimilée à un mou-
ton. Le risque de provoquer, c'est de trop choquer, ce qui s'est passé avec
cette campagne.

C- L’horreur

      Elle peut être représentée de différentes manières, mais l’horreur de la
sphère taboue repose sur le réel et non l’irréel couramment accepté. Il s’agit
ici de parler de l’horreur qui nous touche, celle qui est visible et sur laquelle
on préfère fermer les yeux.

Une affiche de publicité du magazine Choc a été retirée après sa dénoncia-
tion par des associations.




L'affiche représente une jeune femme droguée, morte depuis, et son dépéris-
sement sur une période de 10 ans. Sur le premier cliché, elle a 29 ans. Sur le
dernier, 39. Elle est méconnaissable. En bas de l'affiche un slogan : « Choc
contre la drogue ». La gravité d’un sujet de société comme la drogue dans ce
magazine est critiquée par l’association Act up dans le journal Libération,
comme une image dégradante d’un être humain livré au dégoût de ses lec-
teurs. La rédaction de « Choc », elle, dit avoir voulu faire cette campagne ta-
bou car « nous étions touchés au plus près dans notre rédaction par ce pro-
blème. Cela a été une volonté de réagir, n'ayant en aucun cas voulu faire une
promotion du magazine ».
Antoine de Rivasson!                                                           49
Constat :
Cette affiche était une campagne contre la drogue de la police de Londres.
Utilisée par les autorités ou par une association, l'affiche aurait sans doute
choqué, ce qui est le but, mais elle n'aurait pas été retirée. C'est son utilisa-
tion par un magazine à titre de publicité qui a révolté les associations.

       3) Axe rationnel



a) Sexisme

En traitant du tabou sexiste, plaçant la femme inférieure à l’homme, l’agence
Devarrieuxvillaret joue d’une injustice sociale lors d’un entretien d’embauche
pour des chaussuress Eram.




http://www.youtube.com/watch?v=EXOe5pp3a5I




Antoine de Rivasson!                                                           50
Une femme se présentant devant des hommes, dénonce toutes les idées
préconçues sur les désavantages d'engager une « pondeuse » et donc les
raisons qui pourraient faire qu’elle ne soit pas retenue pour le poste (absen-
ces fréquentes et disponibilité réduite due aux enfants), puis elle leur livre
l'argument "maître" qui pourrait favoriser son embauche : ils vont la payer
30% moins cher. "Mais bon", dit la femme en montrant ses chaussures, "on
dépense l'argent tellement moins bêtement que vous".

Ce discours affirme le fait réel de l'inégalité de salaire entre les hommes et
les femmes, y exposant les motifs clairs.

Constat :
Bien qu’il y ait une touche humoristique, les femmes ont désapprouvé cette
approche.
Cautionnant l’inégalité, le message parut machiste et insultant pour celles qui
souffrent économiquement et moralement de ces salaires "au rabais" et qui
luttent pour l'égalité à laquelle elles ont droit.
Dans un second temps, toutefois, le face à face avec une réalité connue de
tous et son affirmation est apprécié.

b) Le sida

De manière à inscrire les actions dans la durée, les Pouvoirs Publics mettent
en place fin 1994 un plan de communication sur 3 ans qui marque un temps
nouveau pour les campagnes de prévention en collaboration avec l'Agence
Australie. Ce ne sont plus les groupes qui sont à risques mais les situations.
Ce plan s'articule sur 3 axes de communication :
- Prévention/réduction des risques : Favoriser la responsabilisation de chacun
par rapport aux risques réels auxquels il peut être exposé ou exposer son ou
ses partenaires.
Communiquer sur l'efficacité et le bon usage du préservatif.
- Vivre avec le VIH : Rendre plus proche de chacun les personnes vivant
avec le VIH en luttant contre les phénomènes de rejet et d'exclusion.
- L'information, le guidage : Rendre accessible l'information utile en renvoyant
sur les relais et partenaires locaux (associations, DDASS, collectivités territo-
riales...).




Antoine de Rivasson!                                                           51
La campagne de prévention pour l'été s'inscrit dans un contexte épidémiolo-
gique qui met en évidence un risque accru dans la population hétérosexuelle
(plus de 50% des cas de maladies sexuellement transmissibles se contrac-
tent sur la période des deux mois d'été et près de 70% des jeunes vivent leur
premier rapport sexuel en été), ainsi qu'un phénomène de défaillance dans
les milieux les plus touchés par l'épidémie, et notamment au sein des com-
munautés homosexuelles et toxicomanes.
L’objectif est de permettre à chacun d'identifier des situations à risques (sans
pour autant stigmatiser un groupe particulier) en donnant les moyens d'y faire
face.




La stratégie créative presse regroupe 3 partis pris qui renouvellent la com-
munication sur le sida :
- Ouverture : une campagne qui n'est pas limitée à la promotion du préserva-
tif, mais qui intègre la diversité des situations et stratégies individuelles, sans
stigmatiser.
- Clarté : identifier clairement toutes les situations à risque et indiquer dans
un langage direct, dédramatisant, factuel et informatif, les différents moyens
d'y faire face.
- Proximité : parler à chacun et parler à toutes les cibles, à travers 13 annon-
ces (développant les thématiques comme le bon usage du préservatif, le mul-
tipartenariat, la prévention sexuelle chez les usagers de drogues, il suffit
d’une fois…)

Bien qu’il y ait une touche affective, interpellant la cible, les publicités ci-pré-
sentes se veulent très rationnelles, expliquant les dommages et les risques
du sida faisant ainsi appel à la raison du récepteur.
Antoine de Rivasson!                                                              52
Constat :
- Un renouvellement du discours : plus de réalisme et de proximité.
- Une individualisation et intégration de la communication du "plus large" au
"plus près des gens". On remarque une adhésion institutionnelle (toute la so-
ciété), collectif (groupes d’appartenances) et individuel (intime).
Cette campagne à permis de faire progresser le discours sur la prévention en
remettant en cause des tabous (celui du sida, mais aussi des homosexuels,
ou des discriminations liées au porteur du VIH) et en responsabilisant davan-
tage.
      Toutefois, la campagne s’émaille d’échec. Elle ne permet pas une prise
de conscience assidue, ni une grande réactivité. Le sida est toujours une ma-
ladie qui peut arriver aux autres mais pas à soi. Plus de 70 %, trouve les
campagnes convaincantes, mais une proportion identique déclare qu'elle ne
changera pas son comportement. Pour France Lert, « cela peut s'expliquer
par le fait que les répondants considèrent qu'ils ne sont pas exposés au ris-
que. En fait, la perception du risque n'implique par forcément la perception
d'un risque pour soi. »




Idem pour la campagne de 1998, qui se veut informative et explicative. En
guidant la cible, elle espère ainsi mettre en confiance le récepteur et être à
son écoute en répondant à toutes ses interrogations.

Les axes choisis pour traiter d’un sujet tabou en publicité vont donc être mo-
dulateurs de la réceptivité du public. Qu’il soit éthique, affectif ou rationnel, il
est difficile de déterminer l’axe le plus approprié et le plus efficient à l’avance.




Antoine de Rivasson!                                                              53
II) L’ INFLUENCE DE LA PUBLICITÉ SUR LA SOCIETÉ ET SES FON-
       DAMENTAUX




   1) Conséquences dans la société de l’utilisation des tabous dans la
       publicité

    Les détracteurs de la publicité considèrent qu’en communiquant la vio-
lence, la sexualité la publicité peut inciter à l’agressivité, voire à des condui-
tes criminelles ou irrationnelles. On peut donc s’interroger sur les effets de la
publicité sur nos comportements quotidiens et l’orientation de nos mœurs.
Elle pourrait favoriser des conduites sociales inciviles, voire irresponsables,
participant à une abolition des limites que tout être social se doit de ne pas
dépasser pour vivre en toute quiétude dans sa communauté. Elle aurait ten-
dance à laisser penser aux individus qu’ils peuvent exprimer leurs désirs les
plus égoïstes et les plus refoulés, qu’il peuvent briser les tabous et déculpabi-
liser. Cela aurait un effet déstabilisant sur l’individu à qui on a inculqué des
principes, des interdits, consciemment ou le plus souvent inconsciemment.
La banalisation de la soumission de la femme dans les publicités par exem-
ple serait responsable d’une prétendue multiplication des comportements
sexistes ou violents.
Cependant mêmes les esprits chagrins admettent en générale que la publici-
té en utilisant des tabous tels que la violence, la mort, pour la « bonne cau-
se » font évoluer les mentalité positivement. Les publicités à titre préventif,
informatif ou à caractère humanitaire trouverait ainsi grâce à leur yeux
comme par exemple les campagnes de prévention routière pourtant généra-
lement très choquantes de réalisme. De même est admis de façon consen-
suelle une évolution positive des mentalités sur des questions telles que la
marginalisation des minorités comme l’homosexualité par la banalisation de
ses représentations.

On touche donc ici au débat de l’impact supposé, ambivalent et controversé
de la publicité sur la société.




Antoine de Rivasson!                                                            54
2) La récupération mercantile des tabous par la publicité

Nous l’avons vu, Toscani a su avec un talent unanimement reconnu, se jouer
des tabous pour choquer et transmettre des messages d’un rare humanisme
dans l’histoire de la publicité, trop souvent taxée de flatter l’ego des consom-
mateurs pour mieux leur vendre des produits parfois futiles ou inutiles à leur
bien-être supposé. Mais au-delà des messages sociaux que Benetton pré-
tend véhiculer, se pose la question évidente de la récupération mercantile.
Car si nul n’est dupe d‘un quelconque désintéressement, le risque est que,
passé l’étonnement des débuts, le message ne soit décrédibilisé, pire que la
marque ne soit taxée de profiter de la misère humaine pour faire vendre.
D’autant plus que se poser en paragon de la morale peut poser des risques
pour la marque et laisser craindre un retour de bâton important. Benetton qui
a érigé de grands principes moraux tels que la lutte contre les discriminations
en stratégie de communication est condamnée à une attitude irréprochable et
à s’assurer que ses valeurs d’entreprise soient toujours conformes avec ces
messages. Les scandale éventuel n’en serait que plus grand.

Bien sûr, si tous n’ont pas le talent Toscani, Benetton n’est pas la seule con-
cernée dans cette affaire qui pose le débat du « Corporate Social Responsibi-
lity » : l’engagement des entreprises dans des causes n’est-il pas qu’un sim-
ple argument marketing ? Actuellement le «Greenwashing» fourni une eau
nouvelle à ce moulin, lequel moulin n’entrerait pas en entier dans ce mé-
moire.
Pour tenter ici d’y apporter un éclairage admettons que les communications
de masse sont un véhicule privilégié des valeurs de la société. Elles remplis-
sent, tout comme la famille, l’école ou l’église, une fonction de socialisation.
Agissant dans un climat de passivité qui contribue à émousser les capacités
de réflexion et de jugement critique du commun des mortels, la pub peut re-
doubler d’efficacité. Lorsqu’elles ont pour effet de délasser ou de distraire leur
public, elles peuvent toutefois, rapidement renforcer toutes sortes de préju-
gés et de stéréotypes sexistes, raciaux, etc. Le danger est alors réel de voir
des stéréotypes se cristalliser dans l’imaginaire collectif et alimenter la pen-
sée unique. Tant la représentation du faciès des noirs que celle, des couples
de lesbiennes, sont révélatrices du fait que la pub, trop souvent, alimente les
stéréotypes, les préjugés et les fantasmes.




Antoine de Rivasson!                                                            55
Le pouvoir modélisateur de cette dernière par la simplification du système de
valeurs de la cible par sa force d’intégration sociale et d’unification ethnique,
par la représentation réductrice et non stratifiée de types physiques et de
modèles de comportement, en fait clairement un acteur capital du champ so-
cial. À l’heure où le consommateur semble aller en partie dans le sens d’un
consommateur de pub, où les institutions ont compris sa force, la publicité
prend une importance primordiale dans la cohésion sociale. C’est du moins le
constat que font A. Cadet et B. Cathelat : " Bien que la publicité soit une pro-
duction de la culture, dans le sens où son argumentation, ses thèmes, ses
images sont largement modelés par elle, il n’en demeure pas moins vrai
qu’elle est elle-même créatrice de la culture, en ce qu’elle ne peut jamais at-
teindre au reflet parfait des modèles idéaux et peut occasionnellement induire
des modifications et se voir suivie. Non seulement la publicité constitue un
miroir assez fidèle de la culture, mais encore elle peut en modifier les normes
habituelles ".
C’est dans cette mesure, où la publicité est considérée comme source d’in-
formation, source de communication, et « starter » d’évolution, toujours à la
recherche d’interpellation du public et de réaction de sa cible que nous analy-
serons les axes choisis par les annonceurs dans les vecteurs de communica-
tion de la publicité visuelle.


   III) DISPARITÉS ET ÉVOLUTION DES TABOUS ET DE LA CENSURE
        SELON LES CULTURES

Dans cette dernière partie nous tacherons de mettre en perspectives à l’aide
d’une riche iconographie une disparité des tabous et interdits selon les cultu-
res ou les époques différentes.

       1) Evolution de la publicité depuis les années 50


Par rapport à la publicité des années 50, on notera que trois représentations
on majoritairement évoluées.

Racisme
La première est celle de la communauté noire et des minorités raciales en
général. Si comme on le prétend souvent la publicité a été acteur ce chan-
gement des mentalités elle fut aussi le miroir de la société de l’époque
comme on peut le voir ci-dessous.



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  • 2. PREMIÈRE PARTIE : LES TABOUS (6) I) Définitions des tabous (7) 1) Définition du tabou 2) Le tabou comme interdit 3) Illustration et origines des tabous II) Le rôle fondateur du tabou dans la société (10) 1) Le tabou de l’inceste 2) L’ambivalence du tabou : la prohibition d’un désir refoulé III) Les tabous majeurs et leur évolution (15) 1) Focus sur la maladie et la mort 2) Focus sur le tabou des discriminations (religion, origines, sexualité) 3) Focus sur le Sexe DEUXIÈME PARTIE : LA PUBLICITÉ DANS LA SPHÈRE PSYCHOSOCIOLOGIQUE (20) I) La connaissance du comportement du consommateur (21) 1) Théories de la communication et applications à la publicité 2) La dissonance cognitive 3) Le marketing d’expérience 4) Vers une approche ethnologique ? II) La censure de l’interdit en publicité (28) 1) Les mécanismes de contrôle de la publicité 2) Quel type de censure ? Antoine de Rivasson! 2
  • 3. TROISIÈME PARTIE : L’UTILISATION DES TABOUS PAR LA PUBLICITÉ (31) I) Le mécanisme du « shockverting » (32) 1) Axe éthique 2) Axe affectif 3) Axe rationnel II) l´influence de la publicité sur la société (54) et ses fondamentaux 1) Conséquences pour la société de l’utilisation des tabous dans la publicité 2) Limites d’une récupération mercantile III) Disparités et évolution des tabous et de la censure selon les culture (58) 1) Evolution de la publicité depuis les années 50 2) Les divergences culturelles selon les pays ANNEXES (64) BIBLIOGRAPHIE (83) Antoine de Rivasson! 3
  • 5. « No sex, no drugs, no religion» . Le « brief créa » est le cadre de travail d’un créatif, à sa fois feuille de route et son cahier des charges, mais aussi un carcan que son talent peut parfois l’autoriser à transcender pour aboutir à un idée plus originale, et plus impac- tante, si elle reste cohérente avec la stratégie de la marque et de l’offre. C’est le concept théorisé par Jean Marie Dru dans le Saut créatif. Ainsi chacun de des mots de ce brief est pensé et pesé par ses auteurs. Dans le cadre de mon stage d’intégration professionnelle à l’agence .V. il ne m’a donc pas paru anodin de voir figurer systématiquement à la fin de chaque document Volkswagen la mention suivante : « no sex, no drugs, no religion». De plus, le créatif est en général incité à proposer un maximum d’idées en s’appuyant sur plusieurs axes et insights consommateurs, qui feront l’objet d’une sélection à postériori par sa hiérarchie puis par l’annonceur en fonction de leur pertinence. Il est rare de faire l’objet d’une censure d’emblée. Ce n’était toutefois pas la première fois que j’étais confronté à un interdit de la sorte puisque lors d’un stage précédent à l’agence TBWACOMPACT, il m’avait été refusé des propositions relatives à une campagne de promotion de l’Aéroport de Bordeaux car mettant en scène des avions dans un environ- nement dit « anxiogène », selon les néologismes à la mode dans la profes- sion. Une règle, cette fois non écrite, voulant que la publicité bannisse la re- présentation d’un aéronef dans une position autre qu’ascendante dans le ciel, ou sagement parqué au sol, sur un terrain adéquat. La représentation pros- crite est ici est celle fondamentale de la mort comme nous allons l’étudier. Quoiqu’il en soit, ces deux expériences me firent prendre conscience de l’existence de tabous dans la publicité, profession pourtant réputée faire peu de cas de la morale. Ainsi ai-je choisi dans le cadre de ce mémoire d’appro- fondir la question et de tenter répondre l’interrogation suivante : au-delà de l’expression commune, quelle est l’importance du tabou dans notre société ?, comment la publicité compose-t-elle avec ce phénomène ?, utilise-t-elle le tabou pour vendre ? ou respecte-t-elle les interdits qu’il implique, pourquoi et et dans quelle mesure ? Dans une première partie, nous détaillerons le tabou en lui même, sa signifi- cation, ses définitions, son histoire et son rôle. Puis nous tâcherons de com- prendre comment la publicité appréhende ce phénomène et notamment si elle intègre son analyse en amont de sa réflexion stratégique et créative. En- fin, nous verrons comment la publicité tente de s’approprier les fascinations qu’il suscite en le transgressant avec la stratégie délibérée du « schockverti- sing ». Antoine de Rivasson! 5
  • 6. PREMIÈRE PARTIE : LES TABOUS Qu’est-ce exactement que le tabou ? Quel est sa place dans l'inconscient collectif, dans la société, la culture ? Quels sont les principaux tabous et comment structurent-ils notre rapports aux représentations sexuelles et mora- les ? Antoine de Rivasson! 6
  • 7. I) DÉFINITIONS DES TABOUS 1) Une première définition tirée de l’opinion commune Dans le langage commun, le mot tabou désigne la en génral un sujet qu’on se garde d’évoquer ou qu’on évite de représenter sous peine de cho- quer ou d’être choqué. Ainsi dans notre société, il n’est pas couramment admis, voire choquant de s’enquérir des préférences politiques, religieuses de quelqu’un ou même de ses revenus. Ce sont des sujets tabous car ils portent à l’intimité de la per- sonne et son perçu comme une immixtion dans sa vie privée. De la même façon un tabou peut aussi être quelque chose qu’il ne convient pas de faire, une façon de se comporter qui choque les autres, qui n’est pas dans les mœurs d’une société. Or ce sont justement ces mœurs qui consti- tuent une société, qui font naître une civilisation. Cependant si on approfondit la notion de tabou on se rend compte que c’est plus qu’une simple convenance. Une définition plus approfondie met en lumière le rôle fondateur du tabou dans les sociétés et sa capacité à instaurer un ordre social. 2) Une deuxième approche plus profonde et plus complète : le ta- bou comme interdit Selon le dictionnaire Encyclopedia Universalis : Le tabou est quelque chose qui fait l’objet d’une interdiction rituelle ou religieuse, qui est frappé d’interdit quelque soit l’interdit et qui ne peut faire l’objet d’aucune critique. Pour mieux en comprendre le sens, nous allons passer par l’étude réalisée par Freud sur le rôle des tabous dans les sociétés primitives. En effet celles- ci sont un bon terrain d’étude pour comprendre certains aspects des sociétés civilisées dans la mesure où elles constituent l’origine des sociétés humaines. Pour Freud certaines coutumes et états d’esprit de l’homme primitif se retrou- vent chez l’homme d’aujourd’hui grâce à la transmission par la tradition. L’étude du tabou dans les sociétés primitives permet donc de mieux com- prendre notre société actuelle. Nous allons pouvoir appréhender la notion de tabou d’un point de vue anthropologique et psychologique. Freud choisit de réaliser son étude sur une tribu australienne jugée la plus arriérée par les ethnologues. Antoine de Rivasson! 7
  • 8. Une définition plus approfondie nous indique donc que le mot tabou signifie interdit. D’origine polynésienne il évoque le caractère sacré de ce qui est mystérieux et interdit. Il comporte de plus un caractère attirant. Ici le sacré marque la distinction avec ce qui est ordinaire, commun. Ceci est prouvé par la signification du contraire de tabou qui est « noa » : ordinaire, commun à tous. Juste avant d’exposer les résultats de Freud sur l’étude des peuples primitifs il convient de faire un point sur le système totémique sur lequel reposent ces sociétés. Les tribus australiennes étudiées par Freud reposent et s’organisent au- tour d’un système totémique. Chaque tribu est organisée en groupes, chacun d’eux ayant un totem. Le totem est « un animal comestible, inoffensif ou dan- gereux et redouté, plus rarement une plante ou une force naturelle qui se trouve dans un rapport particulier avec l’ensemble du groupe ». Autrement dit, il représente l’ancêtre du groupe et également son esprit protecteur pour les membres de son groupe et c’est pourquoi il leur est formellement interdit de tuer, de manger l’animal totem par respect envers cet ancêtre. Cette su- bordination au totem à cette interdiction forme la base des obligations socia- les des tribus australiennes et de là découle tout un système de règles et d’interdits c'est-à-dire de tabous. 3) Illustrations et origines des tabous On peut dresser une liste des principaux tabous actuels en France à titre in- dicatif Il existe à une large échelle les 4 sujets clefs : -Religion (textes sacrés, port du voile, religion catholique, religion juive…) -Argent (salaire, pauvreté, gaspillage…) -Sexe (nudité, rapports sexuels déviants comme la zoophilie, l’inceste, la pé- dophilie…) -Mort (vieillissement, euthanasie….)/ Maladie (Sida, Ist, Cancer…) Ils s’accompagnent d’une liste continue de tabous : -Sexisme -Racisme -Violence -Drogue -Déprime -Alcoolisme mondain -Magie noir/ésotérisme Antoine de Rivasson! 8
  • 9. S’il n’est pas possible de définir l’ensemble des tabous c’est parce qu’ils dé- pendent d’un contexte et évoluent en fonction de celui-ci. Ainsi, plusieurs va- riables jouent un rôle prépondérant sur les tabous comme : -Les mœurs, les valeurs, la culture, l’éducation -L’age, le sexe -Le lieu, le temps -Le milieu, la catégorie socioprofessionnelle. -Les circonstances, l’histoire Prenons quelques exemples : Le préservatif : si aujourd’hui, il est relativement facile de parler du port de préservatif, cela était banni auparavant. Interdit d’utilisation, voire de simple détention, sous peine de prison ferme au XVIIe siècle, dépénalisé sous le Di- rectoire au XVIIIe siècle, réinterdit dans les années 20 pour ne pas faire d’ombre à la politique nataliste d’après Première Guerre mondiale, il se re- trouve ainsi, dans les années 60-70, remisé au rang de figurant par une nou- veauté : la pilule contraceptive. En 1987, la loi française interdit toujours de faire une quelconque réclame au préservatif masculin. En 1998, 40 % seule- ment des 15-24 ans utilisaient un préservatif à chaque rapport sexuel. Ac- tuellement, la publicité est autorisée, et grâce à une prise de conscience et une évolution des mœurs il est possible de parler du préservatif et son utilisa- tion est plus fréquente qu’auparavant. La nudité : Même si de nombreuses publicités intégrant des nus s‘affichent sur nos murs, il reste de la sphère de l‘intime et tabou pour certaines person- nes. La nudité se situe inévitablement dans un contexte culturel où le nu est plus ou moins bien accepté. De nombreux auteurs ont souligné l‘importance des facteurs culturels, même si certains les jugent insuffisants. Ainsi Morel se pose la question de savoir si la pudeur face à la représentation de la nudité est construite par la société ou naturelle : il note que pour Elias la pudeur est transmise et acquise par des processus répressifs dans la civilisation, alors que Duerr (1980), récusant ce mythe, soutient que toute société cherche à effacer les traces d‘animalité dans l‘homme et qu‘il est dans la nature humaine d‘avoir honte de se nudité. La pudeur est à la fois instrument d‘intégration et de séparation permettant la construction de sa propre intimité. De même : Aujourd'hui, évoquer l'affaire Dreyfus est possible alors que ce fut très longtemps tabou dans la société française Antoine de Rivasson! 9
  • 10. II) LE RÔLE FONDATEUR DU TABOU DANS LA SOCIÉTÉ 1) Le tabou de l’inceste Dans les sociétés primitives dont parle Freud l’interdiction première est celle des rapports sexuels incestueux. C’est la loi de l’exogamie et elle est au centre de toute l’organisation sociale et relationnelle des sociétés primitives. En effet tous ceux qui descendent du même totem se considèrent comme formant partie d’une même famille, aussi leur union sexuelle les uns avec les autres est totalement prohibée. L’organisation des sociétés primitives tourne autour de la possibilité ou non d’avoir des relations sexuelles avec tel ou tel membre. Par exemple en Mélanésie le fils, à un certain âge, doit quitter le domicile fa- milial. Il ne peut y revenir si ses sœurs y sont présentes. Même si elles sont absentes il ne peut prendre son repas que sur le pas de la porte. S’ils se croisent dans la rue par exemple la sœur doit se sauver ou se cacher. Le garçon s’il reconnaît les traces de sa sœur dans le sable ne doit pas les sui- vre. Même la prononciation de son nom est prohibée. La mère ne doit pas lui donner la nourriture directement elle la dépose devant lui et elle doit désor- mais le vouvoyer. Chez les Akambas de l’Est africain, entre la puberté et le mariage, la fille doit éviter le plus possible son père. Une autre prohibition concernant le tabou de l’inceste est celle des rap- ports entre le gendre et sa belle-mère. Elle est d’autant plus intéressante qu’elle permet de comprendre certaines des attitudes que l’on rencontre fré- quemment dans notre société contemporaine en ce qui concerne « la fa- meuse belle-mère ». Nous allons tout d’abord donner quelques exemples concrets de cette prohibition. Aux îles Banko, le gendre et sa belle-mère ne doivent pas être à proximité. S’ils se croisent en chemin la belle-mère s’écarte et tourne le dos jusqu’à ce que le gendre l’ait dépassé. Chez les Basoya, tribu des régions du Nil, gendre et belle-mère ne peuvent se parler que lorsqu’ils ne se voient pas, par exemple s’ils sont dans des chambres séparées. Les interprétations et explications d’une telle restriction peuvent être multiples, Freud en donne quelques-unes dans un cadre plutôt psychanalytique : Antoine de Rivasson! 10
  • 11. Tout d’abord il vient facilement à l’esprit que la belle-mère ait du mal à accepter l’arrivée d’un homme dans la famille. Il est vu comme un étranger du moins jusqu’à la naissance du premier enfant. Il y a aussi, toujours de la part de la belle-mère, un sentiment de regret du fait de la séparation avec sa fille et la volonté d’exercer son autorité sur son gendre. De la part de celui-ci il existe un sentiment de jalousie (du fait de savoir que quelqu’un d’autre en l’occurrence la belle-mère a pu jouir de la tendresse de sa femme). Mais l’explication plus profonde que donne Freud de ces interdits vient de sentiments cachés, refoulés. Plus la femme vieillit, plus la crainte de voir ses besoins psychosexuels dimi- nuer et la naissance d’un manque d’affection augmentent. C’est pourquoi la mère retrouve cette satisfaction en s’identifiant à sa fille qui se marie. De là va donc découler de la part de la belle-mère un sentiment amoureux à l’égard du gendre. Ceci explique pourquoi elle va en même temps exprimer des sentiments opposés, haineux afin de réprimer ce désir caché. C’est là le fonctionnement même du tabou et c’est pour cette raison que les prohibitions des tribus primitives, exposées dans les exemples précédents, existent. De l’autre côté, le gendre éprouve lui aussi des sentiments amoureux. Pour lui, la belle-mère représente la figure de sa propre mère et éventuellement de sa sœur et l’amour qu’il porte à ces deux êtres de son enfance se transfère sur sa belle-mère. Les sentiments opposés qu’il a envers elle viennent donc là aussi réprimer cette tentation incestueuse. Ainsi les prohibitions dans les relations belle-mère gendre dans les sociétés primitives semblent venir de ces sentiments ambivalents propres au tabou. Dans les sociétés civilisées il n’est pas rare de constater des conflits entre le gendre et sa belle-mère. Selon l’explication donnée par Freud précédemment ces conflits s’expliquent beaucoup mieux. Les relations entre ces deux individus seraient donc un mélange d’affectivité et d’hostilité. Antoine de Rivasson! 11
  • 12. Le tabou est donc quelque chose qui comporte en lui une interdiction, une prohibition qu’il ne faut pas transgresser. Selon Freud l’attention particulière qu’ont les peuples primitifs à veiller au respect de cette prohibition vient du fait qu’ils sont en même temps tentés de façon naturelle par ces actes inces- tueux. Il semble donc que le désir d’inceste fasse partie de notre inconscient. On le voit d’ailleurs très bien également avec le complexe d’Oedipe par exemple dans lequel le jeune garçon porte son premier choix sexuel sur sa mère (ou sa sœur). Il est intéressant là aussi de voir la place de ce tabou dans la mythologie grecque. Pour cela nous allons rappeler le mythe d’Oedipe : « La reine Jocaste attend un enfant. Son mari, Laïos, roi de Thèbes, va voir l’oracle pour connaître l’avenir. La réponse de l'oracle est terrible : " Il tuera son père ; il épousera sa mère". Il décide d'échapper à son destin : il attacha les deux pieds de son fils bébé, qu'il perce, et il ordonne qu'il soit abandonné dans la montagne, aux bêtes sauvages sur le mont Cithéron. Le bébé pleu- rant émeut le serviteur chargé de l’abandon. Il le confie à des bergers du roi de Corinthe, qui l'amènent à celui-ci Polybos, roi de Corinthe, qui l'appela Œdipe (" celui qui a les pieds enflés ", en grec) et l'éleva comme son propre fils. Des années passent. Un jour, Oedipe apprend par mégarde qu’il est un enfant adopté. Celui-ci part demander la vérité à Pythie de Delphes. En che- min, un vieillard monté sur un char lui ordonne, autoritairement de s'écarter de son chemin. Œdipe, qui a le sang vif, le tue. C'était bien sûr le roi Laïos, son père. Ainsi, Œdipe accomplit la prophétie sans le vouloir. Œdipe arrive à Thèbes, qui était martyrisé par un monstre appelé le Sphinx, lion à tête de femme. Il empêchait l’accès à la ville aux voyageurs qui ne pouvaient pas résoudre l’énigme suivante : " Quel est l'animal qui le matin marche sur quatre pieds, à midi sur deux et le soir sur trois ?". Œdipe trouve la réponse : c'est l'homme, qui au matin de sa vie marche à quatre pattes, va sur ses deux jambes à l'âge adulte et s'aide d'une canne pour soutenir sa vieillesse. Le Sphinx se suicide alors et Œdipe devint le héros de la ville pour avoir libéré Thèbes du Sphinx. En remerciement, les Thébains le choisissent comme roi et il épousa la veuve de Laïos Jocaste. Pendant de nombreuses années, le couple vécut heureux, ne sachant pas qu'ils étaient en réalité mère et fils. La seconde partie de l'oracle est accomplie. De cette union incestueuse naissent quatre enfants : deux garçons, Etéocle et Polynice et deux filles, Antigone et Ismène. Les dieux s'aperçoivent un jour que ce roi est un meurtrier. Antoine de Rivasson! 12
  • 13. Un jour la peste ravagea le pays. Œdipe, cherche à savoir pourquoi et l’oracle annonce que la peste sévira tant que le meurtre de Laïos ne sera pas vengé. Œdipe prononce alors une malédiction contre le meurtrier et consulte le devin Tirésias pour connaître le nom du coupable. Tirésias ne veut pas lui avouer la vérité et conseille à Œdipe qu’il demande à ses serviteurs. L'un d'eux, témoin du meurtre, s’avère être celui qui l’a abandonné sur le mont Cithéron. Œdipe ainsi que tous ceux qui l’entourent comprennent de suite la terrible tragédie et Jocaste s'en suicide de désespoir tandis qu’Oedipe se creva les yeux et re- nonça au trône. Il part chercher un pardon et est finalement purifié de son crime avant de mourir. » Dans les sociétés primitives comme dans les sociétés civilisées la viola- tion de ce tabou de l’inceste est fortement punie. Sa transgression entraîne une vengeance collective comme pour éloigner un danger qui menace toute la tribu. En effet dans le système totémique la violation d’un tabou est tou- jours suivie d’un châtiment. Il est intéressant de faire un parallèle avec le ta- bou, interdit, actuel de l’inceste qui est toujours présent dans notre société et toujours aussi fort. Dans la société d’aujourd’hui par exemple un père qui au- rait des rapports sexuels avec sa fille serait immédiatement puni par la loi. C’est aussi dans ce cas-là une punition collective étant donné le caractère collectif de la loi. On peut donc dès lors souligner l’importance des tabous dans la société en tant qu’éléments fondateurs et protecteur de la société puisque leur violation conduit au désordre social. Les tabous ne sont pas des restrictions purement religieuses et morales. Contrairement aux prohibitions morales qui sont fixées par les hommes vo- lontairement afin d’assurer l’ordre social, les tabous semblent s’imposer d’eux-mêmes, de façon naturelle et évidente comme s’ils constituaient une nécessité. Dans les sociétés primitives les tabous ont pour but principal la protection, leur violation entraîne un châtiment. Ainsi le tabou des primitifs se rapproche sur de nombreux points communs des tabous de nos sociétés actuelles et il pourrait par son caractère nécessaire expliquer l’impératif catégorique, qui d’après Kant est une obligation morale qui s’impose d’elle-même. 2) L’ambivalence du tabou : la prohibition d’un désir refoulé Antoine de Rivasson! 13
  • 14. Il y a une forte notion d’ambivalence dans la notion de tabou. Comme nous l’avons évoqué plus tôt dans le tabou de l’inceste il y a chez l’individu une tentation qui se porte sur l’objet tabou et en même temps un sentiment de dégoût mais ces désirs sont inconscients. « Le tabou est un acte prohibé vers lequel l’inconscient est poussé par une tendance très forte » Celui qui viole un tabou devient contagieux c'est-à-dire devient tabou lui- même car il soumet à la tentation. Or il ne faut pas favoriser celle-ci. Tel est le danger de la violation des tabous : l’imitation. Si les hommes violent les ta- bous les autres seront également tentés de le faire et entraîneront ainsi la dissolution de la société. On voit donc que le tabou a un rôle primordial, fondamental dans la constitution de la société et dans sa protection. Sans interdits, sans mœurs, sans morale les hommes ne pourraient pas vivre en harmonie les uns avec les autres. L’homme est un être de désir et s’il laisse libre cours à ceux-ci les hommes en arrivent à se nuire les uns les autres afin d‘assouvir ces pulsions. L’homme fait donc appel à la raison pour les réprimer. Dans la psychanalyse, c’est le conscient qui réprime l’inconscient. Mais pour appliquer cela à une société entière il faut que celle-ci se dote de systèmes capables de fixer des droits, des devoirs et par conséquent des in- terdits afin que tout le monde puisse vivre ensemble. Ainsi la morale et la loi jouent en quelque sorte le rôle des tabous des sociétés primitives. Le problème de la transgression des tabous dans notre société vient donc sans doute de la banalisation du mot tabou. Comme nous l’avons dit précédemment dans l’opinion commune le mot tabou est quelque chose qu’il ne convient pas de faire ou de dire. On peut donc entendre par là qu’il n’est pas bon de le faire mais qu’il n’est pas interdit de le faire. Le tabou perd alors toute son essence, celle de la prohibition. De plus il convient de noter qu’il existe dans notre société actuelle une propension à briser les tabous, comme une volonté de prouver une ouverture des esprits. Ceci date notamment des années 1970 où la révolution des mœurs pendant laquelle les gens se sont rebellés contre les mœurs de la so- ciété a voulu s’élever conte les restrictions de l’Eglise. Un des tabous les plus revendiqués à cette époque fut celui de la sexualité. Nous allons donc main- tenant nous attarder un peu plus sur ce tabou. III) LES PRINCIPAUX TABOUS ET LEURS ÉVOLUTIONS Antoine de Rivasson! 14
  • 15. Afin de mieux comprendre l’origine d’un tabou et sa définition, nous allons vous présenter en gros plans quelques tabous majeurs. 1) Focus sur la maladie et la mort Dans la Mythologie la Mort vient chercher les mourants pour les emporter. La Mort a été représentée en tant que figure anthropomorphe ou comme per- sonnage fictif dans la mythologie et la culture populaire depuis l'aube de la civilisation. Parce que la réalité de la mort a eu une influence considérable sur la psyché humaine et le développement de la civilisation dans son en- semble, la personnification de la mort en tant qu’entité vivante, consciente et sensible, est un concept qui semble avoir existé dans de nombreuses cultu- res, depuis l'aube de notre Histoire. La maladie est un des chemins de la mort. L’esprit de l’homme associe la ma- ladie à la mort qu’il relie parfois à la religion. Ainsi, ce qui échappe à l’homme est tabou. L’inconnu, l’inexplicable font peur et sont difficilement compréhensibles, ce qui rend la mort tabou. Il faut rappeler que, chez tous les primitifs, la maladie passe pour être l’effet d’une possession, d’un sortilège, d’une malédiction. Cette malédiction était généralement assimilée aux Dieux et donc à la religion : « Cet individu a été puni par le divin » Pour éviter la propagation de cette malédiction on évitait d’en parler et de toucher la personne atteinte. Les sages, les chamanes… se chargeaient d’extraire le mal des corps, de les « exorciser ». Quand la mort gagnait les corps, on les brûlait pour libérer les esprits en offrande aux Dieux. L’image de la maladie a évolué au cours de l’Histoire. Autrefois la maladie était synonyme de mort. Aujourd’hui, dans les pays développés l’homme con- trôle un grand nombre de maladies grâce à la science et à une médecine per- formante. Malgré cela certaines maladies échappent au contrôle de l’homme comme le SIDA. Elles conduisent généralement à la mort ou à une dégrada- tion du corps ce qui les rende tabous. 2) Focus sur le tabou des discriminations (religion, origines, sexualité) Combien de Français sont d'origine étrangère ? Combien sont de couleur ? Combien sont bouddhistes, musulmans, juifs ou chrétiens ? Combien sont homosexuels ? Il n’existe aucune trace dans les statistiques publiques, de tel- les catégories puisqu’en France, ces questions sont taboues. Antoine de Rivasson! 15
  • 16. Ce statu quo vieux de cinquante ans révèle évidemment une volonté politi- que. «Les statistiques publiques reflètent la composition d'une société, pré- cise Patrick Simon, chercheur à l'Institut national des études démographiques (Ined). Ce sont des lunettes. Si un pays est gêné par sa multiculturalité, il choisit des lunettes qui mettent en évidence d'autres critères, comme les ca- tégories socioprofessionnelles ou les catégories territoriales La France souffre donc de myopie statistique. Et visiblement, elle aime l'image floue que lui renvoie son miroir. Pour le sociologue Bernard Cathelat, « ces tabous statistiques ont trois origines. Ils sont d'abord nés d'une volonté jacobine de la Révolution puis de la République de fonder une identité natio- nale sur la négation des particularismes régionaux. La Seconde Guerre mon- diale et le traumatisme de la Shoah les ont renforcés. Enfin, la sensibilité "de gauche" des années 60-80 en a fait, « en théorie », un principe d'assimilation des immigrés. La tradition française considère donc l'interdiction de classer les gens par race, couleur, religion ou sexualité comme un code moral à la fois destiné à maintenir l'unité nationale et à éviter toute stigmatisation identi- taire des individus par des critères à risque.» Contrairement aux pays anglo-saxons, pour son recensement, la France s'in- terdit donc de questionner ses citoyens sur leurs origines, couleur de peau, religion ou sexualité. Car à l'interdit constitutionnel s'ajoutent deux problèmes : la définition des groupes statistiques et la conservation des données. En fait, la philosophie dominante se résume à ne pas segmenter les Français pour ne stigmatiser aucun groupe. Mais l'évidence des discriminations pose question. La société française est-elle conforme à ses objectifs d'intégration et à sa devise, «Liberté, égalité, fraternité» ? Comment parler des minorités visibles quand elles sont invisibles d'un point de vue statistique ? Pas facile d'en débattre aujourd'hui, le vocabulaire qui définit les cases man- quantes de nos statistiques ayant été confisqué par l'extrême droite pour ser- vir ses thèses racistes, sexistes, antisémites et homophobiques. «Juif», «Noir», «Arabe», «homosexuel» ont perdu leur sens et leur place dans le discours des partis républicains, qui n'osent plus s'aventurer sur ce terrain miné. «Ce n'est pas en continuant d'ignorer les différences et les inégalités que l'on disqualifiera les thèses du Front national», conclut le démographe Patrick Simon. Le sociologue Bernard Cathelat nuance : «On peut craindre que ce "secret identitaire" pérennise l'idée qu'être homosexuel, juif, arabe ou noir soit une tare ! Involontairement, cela peut renforcer les discriminations. De toute fa- çon, il est bon de lancer un débat pour savoir ce qu'il y a à gagner, et à per- dre, à rendre visibles ou garder clandestines ces parcelles d'identité.» Antoine de Rivasson! 16
  • 17. 3) Focus sur le Sexe Le sexe est le premier tabou de l’humanité. Nous l’avons vu avec le tabou de l’inceste. Celui-ci est créateur des sociétés humaines : familles, tribus, clans puis nations. Aujourd’hui, l’inceste est prohibé. Si on demande à dix personnes lettrées pourquoi les moeurs, les législations et les religions condamnent l’inceste : neuf d’entre elles, sinon toutes, vont répondre : « Parce que c’est malsain et préjudiciable à l’espèce. » Si le législateur condamne l’inceste, c’est qu’il croit que les membres d’une même famille ont régulièrement les mêmes tares. La prohibition de l’inceste n’est qu’un cas particulier de la loi d’exogamie, qui interdit aux membres d’un même clan de s’unir sexuellement entre eux. Un clan, c’est un groupe d’individus qui se réclament du même ancêtre, c’est-à- dire qui ont le même totem (animal ou plante). L’institution du clan ayant été quasi universelle, on peut supposer que l’exogamie a aussi été générale et que toutes les sociétés ont passé successivement par cette phase. Or, l’in- ceste signifie seulement l’union sexuelle d’individus parents à un degré pro- hibé ; l’inceste est donc identique au principe de l’exogamie ; l’explication qui conviendra à l’une sera vraie pour l’autre. Antoine de Rivasson! 17
  • 18. On a proposé deux théories principales pour rendre compte de l’exogamie : -Lubbock, Spencer et Mac Lennan admettent que les hommes de différentes tribus auraient d’abord (comme dans l’histoire des Romains et des Sabines) pris de force leurs femmes dans d’autres tribus ; peu à peu, cette habitude se serait consolidée en règle et la razzia serait devenue une sorte de contrat. Une considération suffit à montrer l’inanité de cette thèse : c’est que l’exoga- mie n’est pas l’interdiction du mariage entre membres d’une même tribu, mais entre membres d’un même clan. -Morgan prétend que l’exogamie a pour cause les mauvais résultats souvent imputés aux mariages consanguins. D’ailleurs, l’interdiction de l’endogamie est d’autant plus rigoureuse que l’état de civilisation des tribus est plus primi- tif ; cela seul suffirait à prouver qu’il ne peut s’agir d’une loi d’hygiène. C’est seulement vers la fin du XVIIe siècle qu’apparaît dans la littérature l’idée que les unions consanguines affaiblissent la race ; les rédacteurs de notre Code civil eux-mêmes ne s’y sont pas arrêtés. M. Durkheim reconnut que l’exogamie et tout ce qui s’y rattache sont des faits de tabou, c’est-à-dire des prohibitions de nature religieuse dont l’origine se perd dans la brume des siècles. Là où le rôle de l’hypothèse devient considé- rable, c’est quand il s’agit de mettre en lumière la nature précise du tabou en jeu. Venus de Willendorf Antoine de Rivasson! 18
  • 19. Dans la psychanalyse, Freud accorde une importance primordiale à la sexua- lité qui serait dans sa conception, la cause et l’explication toutes les névroses humaines. Or depuis les années 1970, l’Europe et particulier la France connaît une libé- ralisation des mœurs, après une longue domination de la morale judeo-chré- tienne. Le désir de sexualité réprimé, caché pendant les années où il y avait un cadre religieux ou politique se libère et s’exprime dès lors que la pression extérieure disparaît. Ses pratiques et ses représentations se banalisent. Dès lors, il pourrait être tentant de penser que cette libéralisation puisse en- trainer mécaniquement la libéralisation des névroses dénoncés par Freud ? Plus prosaïquement, la représentation de pratiques déviantes et pathologique (inceste, viol, pédophilie) jusque-là taboues ne pourrait-elle constituer une provocation, une incitation à la reproduction de ces actes ? En effet, le tabou comme le fantasme est par nature attrayant, tentant, fasci- nant. La représentation à outrance de la sexualité semble traduire ce désir. L’idée selon laquelle on est toujours attiré par ce qui est interdit est bien réelle. Il n’est à priori pas étonnant que la publicité qui suit les évolutions de la société de près et parfois les précède ne se soit engouffrée dans cette brè- che. Ou peut y voir à priori deux intérêt : accroitre la désirabilité du produit en le mettant en scène par un jeu de miroir dans une situation d’interdit tenta- trice; et tout simplement choquer donc émerger, sortir du lot, générer du bou- che à oreille. Pour autant la publicité aborde-t-elle le tabou de façon instinctive ou comme c’est le plus souvent le cas dans le domaine du marketing de façon ration- nelle et analytique ? Antoine de Rivasson! 19
  • 20. DEUXIÈME PARTIE : LA PUBLICITÉ DANS LA SPHÈRE PSYCHO- SOCIOLOGIQUE Soupçonner la publicité d’utiliser, récupérer ou détourner consciemment des codes socio-culturels, dont les tabous font partie au premier chef, implique que la profession publicitaire s'intéresse et s’immerge dans la psychologie du consommateur, dans son univers, dans sa culture, qu’elle le fasse de façon rationnelle et quantitative, et qu’elle y trouve des avantages concret sur le plan commercial. Qu’en est-il réellement ? De plus, les tabous sont par nature des interdits, or dans une société, qui dit interdit, dit censure. A quel type de censure s’expose la publicité lorsqu’elle touche aux tabous ? Antoine de Rivasson! 20
  • 21. I) LA CONNAISSANCE DU COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR Nous l’avons vu l’analyse du tabou appartient à la fois à l’ethnologique par l’étude des interactions dans les groupes sociaux et à la psychanalyse (Freud). On peut ainsi le rattacher au courant transdisciplinaire de la psycho- sociologie qui est la science de l'action et pratique d'intervention engagée dans la vie sociale. La psychologie du consommateur en est un des champs d’application. La connaissance du comportement du consommateur est un Facteur Clé de Succès de l’élaboration d’une publicité. Dans le cadre d’une stratégie glo- bale de communication, la marque va affiner au maximum l’étude de sa cible pour adapter non seulement les supports les plus pertinents dans le cadre de son plan média (carrefour d’audience, consommation média, points de con- tact, etc) mais aussi son message. Car malgré les pré-tests, il reste très diffi- cile de prévoir quelle va être la perception d’un consommateur à un message publicitaire et comment il va réagir. Ce n’est pourtant pas faute de faire des études de comportement... 1) Théories de la communication et leur application à la pu- blicité. Le consommateur actuel, c’est un lieu commun, est en permanence soumis à la pression publicitaire. L’omniprésence de la publicité, à travers les différents médias, constitue son quotidien. Mais la quantité des messages et leur contradiction amènent l’individu à filtrer inconsciemment. En effet sur une centaine de messages auxquels il est exposé chaque jour, il n’en percevrait que le tiers. Quels sont les messages qui passent ? Comment une publicité peut-elle se démarquer d’une autre ? Comment faire pour que le consomma- teur perçoive le message dans son intégralité tel que celui-ci puisse provo- quer une modification du comportement en faveur de l’acte d’achat ? Les relations avec le prospect sont de plus en plus complexes. D’après les travaux de J-M Agostini, la publicité n’agit pas avec la même intensité se- lon le degré d’implication du consommateur. Il faut donc éviter de le trans- former en spectateur mais en acteur. Antoine de Rivasson! 21
  • 22. − Pour le consommateur fortement impliqué (celui qui est à la recherche d’informations et qui a tendance à rejeter celles qui sont contraires à ses croyances) : la publicité peut l’influencer jusqu’à obtenir une atti- tude favorable à la marque mais aussi à l’achat. − Pour le consommateur faiblement impliqué (qui ne s’intéresse pas à la publicité) : il reçoit passivement le message publicitaire et achète de manière aléatoire et routinière mais va parfois adhérer à une nouvelle marque par curiosité. Le degré d’implication a tendance à augmenter selon la perception du risque. Par exemple le fait de tester une nouvelle marque, ou le fait que le prix soit élevé. Le degré d’implication ne sera pas le même pour l’achat d’une voiture que pour l’achat d’une brique de lait. Quatre comportements d’achat : Niveau d’implication élevée Niveau d’implication faible Différences significatives en- Achat complexe Achat de diversité tre les marques Peu de différences entre les Achat réduisant une disso- Achat routinier marques nance Source Kotler & Dubois Le modèle cognitif-affectif-conatif Distinction des différents déterminants du comportement du consommateur : la propension à acquérir effectivement le produit voulu (dimension conative) repose sur sa connaissance du produit et de ses attributs au regard des pro- duits capables de remplir la même fonction d’usage, ou sur son degré d’affini- té (dimension affective) avec le produit. Antoine de Rivasson! 22
  • 23. La matrice de Vaughn Approche différenciée a été adoptée en fonction de la nature des produits et services commercialisés. Antoine de Rivasson! 23
  • 24. 2) La dissonance cognitive Quand on envoie un message que se passe-t-il dans l’esprit du consomma- teur ? On parle de dissonance cognitive lorsque l’acheteur potentiel, mis en pré- sence d’informations discordantes, est perturbé au point de douter de son comportement d’achat. En effet, une fois l’achat effectué, le consommateur peut percevoir un écart entre son expérience et ce qu’il entend autour de lui au sujet du produit. Il cherchera alors à justifier son achat de façon à réduire cette dissonance. Un responsable marketing confronté à cette situation a in- térêt à lancer des actions de communication pour rassurer le consommateur sur la pertinence de son choix. Le slogan publicitaire doit nécessairement atti- rer l’attention, interpeller le consommateur de manière positive. Cependant cela ne signifie pas qu’elle soit capable de jouer un rôle décisif dans le com- portement du consommateur, elle va peu ou beaucoup l’influencer mais elle va surtout le rassurer dans la satisfaction de son achat. Pour pouvoir comprendre un minimum le comportement du consomma- teur et sa manière de fonctionner, il est nécessaire d’aller plus loin dans l’ana- lyse et d’aborder ainsi le domaine psychique : Le consommateur est doté de structures mentales qui sont les croyan- ces, la pensée… . Lorsqu’il perçoit un message, celui-ci vient perturber ses structures. Si le message est incohérent avec les structures mentales, le consommateur ne va pas y prêter attention et encore moins le retenir. De même lorsqu’il correspond trop à ces structures, il ne sera pas mémorisé. Dès lors le message doit s’appuyer sur les structures existantes pour pouvoir au final les enrichir. La cohérence dans le message est essentielle autrement il y a refus de la part du consommateur, d’où l’intérêt des études qualitatives pour savoir ce que pensent les gens. Dans une situation de dissonance il faut que : − L’implication et le risque perçu soient forts − La source de l’information dissonante soit crédible − La dissonance doit se produire au bon moment (peu avant ou peu après l’achat) Antoine de Rivasson! 24
  • 25. Il s’agit là d’une situation d’inconfort psychologique, l’objectif est donc de réduire la dissonance soit en remettant en cause la source de l’informa- tion, soit en évitant cette information perturbante, soit en diffusant d’autres in- formations contraires mais qui vont dans le sens que l’on souhaite. Une publicité dissonante n’a aucune chance de réussir, elle sera auto- matiquement rejetée. Elle n’aura aucune influence sur le comportement d’un consommateur potentiel. Pour cela, il est primordial de réduire la dissonance cognitive avant mais aussi après l’achat, car c’est le moment où le consom- mateur est le plus vulnérable à l’élaboration de son choix. La communication sous toutes ses formes doit être mise en œuvre pour rassurer le consomma- teur, le fidéliser et en faire un partisan convaincu. Pour cela la connaissance du comportement du consommateur est une étape essentielle à l’élaboration d’une publicité efficace. 3) Le marketing d’expérience Sensibiliser le consommateur, le marquer en le faisant vivre une expérience unique afin d’optimiser la mémorisation du message publicitaire telle est la vocation du marketing d’expérience. Il offre plus d’opportunités que le marke- ting rationnel qui se contente seulement de promouvoir la marque. En effet à travers le marketing d’expérience, le consommateur est au centre des préoc- cupations : L’objectif étant de donner l’impression au client de vivre une expé- rience. Comment : − En excitant ses 5 sens − En imaginant l’utilisation du produit − En évoquant des sentiments positifs − En poussant le consommateur à agir en utilisant le produit − En plaçant le consommateur dans son propre imaginaire Par quels moyens : − Couleurs − Musique − Style − Bonne humeur − Emotions positives … Antoine de Rivasson! 25
  • 26. Autant d’éléments qui confèrent à la publicité un caractère particulier aux yeux du consommateur car elle va susciter chez lui un sentiment particulier, il va se sentir compris et rassuré dans son prochain achat. Pour convaincre en publicité il faut faire preuve d’ingéniosité, de créativité et d’originalité. Les 6 clés essentielles à respecter sont : − Etre concret − Etre cohérent − Augmenter le degré d’implication du client − Satisfaire le client − Se remettre en question − Cibler 4) Vers une approche ethnologique ? Les acteurs de la publicité possèdent donc bien des éléments de compré- hension de la psychologie du consommateur qui dépassent le simple feeling des planneurs stratégique et des créatifs. Ceux-ci en usent et abusent pour affiner la pertinence de leurs messages. Mais au-delà du comportement d’achat de l’individu étudié par les économis- tes depuis l’école néo-classique au début du siècle dernier (concept d’Homo œconomicus), l’inconscient collectif est un formidable champs d’étude théori- que pour le publicitaire. Il est en effet le vecteur de transmission du créatif qui joue sur des signifiés compris et intégrés par tous et les détourne pour simpli- fier la compréhension et la diffusion de son message au plus grand nombre. Pourtant les indicateurs existants se bornent à analyser l’individu au niveau de sa prise de décision de l’acte d’achat ou de sa perception de la marque. Rien ne semble exister, au grand dam probablement des tenants de la théo- rie du complot, et malgré le contexte des mass-média, pour cerner les grands courants qui structurent une société, tels les tabous. (Paradoxalement l’ethnologie s'intéresse elle, à l’impact de la publicité sur les représentations sociales. On pourra à ce sujet citer Un ethnologue dans le métro de Marc Augé ou Paysage d'images , Essai sur les formes diffuses du contemporain d’Alain Mons.) Antoine de Rivasson! 26
  • 27. Ainsi il y a fort à parier que la publicité aurait à gagner en adoptant une ana- lyse ethnologique des société dans lesquelles elle évolue, en comblant ce vide qui semble d’autant plus profond en perspective qu’est réelle sa con- naissance des comportements du consommateur en tant qu’individu. D’ailleurs, cette connaissance qui pourrait s'assimiler à des techniques de manipulation pour le profane ou le plus soupçonneux est susceptible d’en- gendrer une crainte ou un rejet du public, à l’image des méthode de « track- ing » permettant de cerner avec précision les habitudes de consommation des individus, qui font souvent la une des articles des médias à l’encontre des grands groupe de la planète web tels que Google, Apple ou Facebook. Heureusement pour le consommateur, il semble que l’interprofession publici- taire se soit offert un outil à la mesure de cet enjeu. Antoine de Rivasson! 27
  • 28. II) LE CONTRÔLE DES INTERDITS DANS LA PUBLICITÉ Après avoir vu comment et de quelle façon la publicité se mêlait de psycho- sociologie, voyons maintenant comment elle s’autocensure et pourquoi. 1) Les mécanismes de contrôle de la publicité Certaines publicités font l’objet de censure ou de régulation car trop osées ou violentes. L’activité publicitaire est encadrée par un arsenal juridique et ré- glementaire qui vise à protéger le consommateur. Mais en plus du dispositif légale, la profession à tendance à s’auto-réguler. En France c’est le BVP qui assure le rôle d’organisme de contrôle déontologique des acteurs publicitai- res. Le BVP Le bureau de vérification de la publicité est l’héritier de l’OCA (office de contrôle des annonces) crée en 1935. Il a pour objectif d’agir en faveur d’une publicité loyale, véridique et saine. Il réunissait à l’origine la Chambre syndi- cale de la publicité, des groupements d’intérêt général tels que l’Association des directeurs commerciaux de France et douze syndicats, parmi lesquels l’Union syndicale des maîtres artisans publicitaires, le Syndicat des quoti- diens de Paris, celui des journaux de province, les éditeurs créateurs, etc. Ses missions consistaient à : • "apporter son concours en toutes circonstances pour assurer la sincéri- té de la publicité sous toutes ses formes et, en particulier, dans les an- nonces de presse " • "renseigner, selon ses moyens, les organes qui en font la demande sur les annonces trompeuses qui pourraient leur être transmises pour in- sertion " • "donner aux publicitaires, et aux annonceurs qui le demanderont, des avis sur la moralité et la légalité des projets d’annonces qui lui seront soumis" Antoine de Rivasson! 28
  • 29. Il devient le bureau de vérification de la publicité en 1953, et sa présidence est confiée à une personnalité indépendante de la profession, depuis 1999 il s’agit de Jean-Pierre Teyssier. Il comprend également de nombreux adminis- trateurs issus de l’interprofession (annonceurs, agence, presse écrite, télévi- sion, médias numériques, radio, cinéma). Par exemple, Nicolas Bordas Pré- sident de TBWAFrance est l’un des administrateurs représentant les agen- ces. Dans un cadre auto disciplinaire, le BVP élabore depuis les années 70, des recommandations à l’égard des professionnels de la publicité. Depuis 1992, le BVP instaure le système obligatoire d’avis avant diffusion de tous les films publicitaires télévisés par transfert de compétence du CSA qui reste compétent en dernier recours. Le BVP a aussi et surtout un rôle préven- tif, à la demande des agences pour obtenir des conseils sur la conformité de leurs publicités avant diffusion. Il examine aussi toutes les publicités suspec- tes ou déloyales, si ces dernières transgressent les règles d’autodiscipline, il demande la rectification ou la suspension de la diffusion de la publicité con- cernée. Bien qu’elles n’aient pas de caractère contraignant sur le plan juridi- que, les recommandations du BVP sont largement suivies par les adhérents. Entre 2000 et 2005, le BVP modernise son institution en s’ouvrant aux nou- veaux médias et renforçant ses compétences, et crée le Conseil de l’Ethique Publicitaire). Depuis 2007, il conduit une réforme de la gouvernance de la régulation publi- citaire et se poursuit par l’adoption de nouveaux statuts et d’une nouvelle identité à compter du 25 juin 2008. Le BVP se renomme alors ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité). Toutefois, ce changement de dénomination étant récent et pas encore intégré par de nombreux professionnels eux-mêmes, nous continuerons à parler dans ces pages de BVP, pour plus de clarté. Au niveau international Il est un membre fondateur de l'Alliance Européenne pour l'Éthique en Publicité (AEEP créée en 1992, EASA-alliance en anglais) Antoine de Rivasson! 29
  • 30. A noter qu’outre la recommandation du BVP, les régies se réservent le droit de se refuser certaines publicités à l’image de Metrobus (RATP) en ne pu- bliant que 3 des 6 affiches de l'association France nature Environnement en février dernier, arguant du caractère diffamatoire de ces visuels envers la pro- fession des agriculteurs. 2) Quel type de censure encadre la publicité ? La censure est par définition la « privation de l'information disponible à des particuliers ou à un groupe », elle s’exprime concrètement par « l'examen du détenteur d'un pouvoir ou d’une institution sur un moyen d’information ou de communication ». Dans un contexte économique et et dans le cadre de nos sociétés démocratiques il n’est pas pertinent d’assimiler cet interdit à une li- mitation arbitraire ou doctrinale de la liberté d'expression du citoyen/con- sommateur. La raison est donc autre. De fait, dans le cadre de la publicité, la censure vise avant tout à protéger le consommateur, c’est à dire l’audience d’un message, lequel sans aller forcé- ment à l’encontre d’un posture idéologique dominante ou d’un diktat politique est susceptible de le choquer personnellement car allant à l’encontre d’une prohibition qui si elle n’est pas de nature légale, ne peut alors être qu’éthique. Cet « interdit moral » est communément appelée un tabou. Ainsi, la publicité, nous l’avons vu se joue des comportements affectifs et psychiques des consommateurs pour délivrer son message. Ses analyses ne procèdent pourtant pas d’une approche holistique d’une société ou d’une culture, elle ne se place pas à ce jour sur le plan ethnologique auquel appar- tient le tabou. A cet effet, la publicité ne possède donc pas d’outil qualitatif ou quantitatif lui permettant à priori d’estimer l’impact de la transgression volon- taire du tabou dans une campagne. Son approche face à cette problématique semble donc essentiellement empirique. Pour autant, si la profession fait preuve de responsabilité en se dotant d’un outil d’autocensure mature et respecté pour ne pas heurter la sensibilité du public par une transgression top répétée ou trop brutale de ses codes éthi- ques, c’est que la tentation est bien grande. Dans les fait, elle ne se prive de transgresser les tabous, parfois de manière quasi systématique et parfaitement délibérés et dans l’optique de résultats parfaitement anticipés comme nous allons le voir. Antoine de Rivasson! 30
  • 31. TROISIÈME PARTIE : L’UTILISATION DES TABOUS PAR LA PUBLICITÉ En tant que partie prenante de la société, tour à tour influençant et influencée par la société, il est finalement logique que la publicité soit naturellement por- tée à transgresser les tabous. Mais plus qu’une pulsion ou qu’un instinct, la transgression peut-être une véritable stratégie marketing à laquelle la profes- sion à d’ailleurs donné un nom. Qu’est que le « schockvertising », comment la publicité l’utilise-t-elle et dans le but d’atteindre quels résultats ? Antoine de Rivasson! 31
  • 32. I) COMMENT PARLER D’UN SUJET TABOU OU L’UTILISER EN PU- BLICITÉ : LES AXES Les milliers de messages publicitaires par lesquels nous sommes quoti- diennement bombardés provoquent une fatigue mentale défavorable à la pu- blicité. Par conséquent la plupart des messages publicitaires que nous ren- controns ne restent pas dans notre mémoire… Les annonceurs se doivent donc d’être originaux dans la conception d’une publicité pour retenir l’atten- tion du consommateur par divers procédés. Aussi afin qu’une publicité ne passe pas inaperçue, on peut envisager plu- sieurs stratégies. Les procédés de l’attention spectacle ont généralement 5 sources : la personnalisation, le divertissement, la surprise, l’humour et les émotions. C’est cette dernière qui semble s’imposer aujourd’hui. Elle consiste à éveiller, à exciter des émotions, à travers divers procédés, comme la beauté (paysages, mannequins, etc.), les sentiments (amour, re- grets, nostalgie, horreur, dégoût, etc.) et la sensualité/sexualité. Le « shockvertising » Le « shockvertising » en est l’illustration la plus poussée car cette méthode se nourrit des tabous de la société tels que la violence, la mort, le sexe, la drogue, le racisme, etc. de cette manière nous sommes touchés au plus pro- fond de nous même. Plus concrètement, le shockvertising désigne une stratégie créative qui vise avant tout, lorsque ce n’est pas son seul but, à accrocher le passant ou le lecteur par la provocation. En impliquant fortement le consommateur, le shockvertising garantit le fait que la publicité soit remarquée et augmente son taux de mémorisation. Pour pouvoir accrocher le consommateur, il faut cho- quer, perturber, faire mal, pincer… Une enquête réalisée auprès de 750 personnes et publiée dans de pré- cédentes recherches montre que les thèmes abordés, le sexe et l’âge jouaient un rôle important dans les perceptions individuelles des tabous dans la publicité. Antoine de Rivasson! 32
  • 33. Voici les résultats : • Sur le thème de la violence, la mort et la souffrance : respective- ment 75%, 65% et 63% des personnes estiment qu’il ne faut pas les montrer dans la publicité. • Sur le thème de la sexualité, 53% des personnes estiment qu’il ne faut pas la montrer dans la publicité. • Les femmes sont plus réticentes quant à la présence de la mort et de la nudité dans la publicité que les hommes. • Pour l’âge il ressort des enquêtes que généralement les jeunes sont moins sensibles à l’utilisation de tabous dans la publicité. Comment utiliser un sujet tabou en publicité ? Appréhender la façon de parler d’un sujet interdit repose sur plusieurs ambi- guïtés et semble complexe. Il convient dans cette partie de déterminer les axes entrepris pour communiquer d’un, ou sur un sujet tabou que ce soit de manière directe ou indirecte, à des fins sociétales ou commerciales. Nous tenterons également de déterminer le degré d’acceptation des tabous évo- qués sous certaines formes, ainsi que les réussites et échecs liés à la com- munication du tabou en question. S’il y a offense, il y a violence de l’esprit ou du corps, souvent exprimée par la mise au grand jour d’un tabou. Brown et Schau en ont fait une analyse en 2001. Pour ces auteurs, la publicité offensante peut être de quatre ordres, que les auteurs appellent les 4"C" : Charnelle, Corporelle, liée aux Croyances et Culturelles. Les publicités charnelles font référence à la sexualité tandis que les publicités corporelles jouent avec les "fluides" du corps (salive, vo- missements …). Les publicités liées aux croyances sont celles qui, par exemple, remettent en cause ou se moquent des croyances religieuses, tan- dis que les publicités culturelles vont choquer les canons esthétiques, le bon goût, d'une manière générale, les normes culturelles. Antoine de Rivasson! 33
  • 34. 1) Axe éthique a) La religion Benetton transgresse les mœurs et affiche le tabou de la sexualité en matière de religion en affichant un baiser entre un prêtre et une religieuse. Le non-dit sur le sentiment amoureux entre un prêtre et une bonne sœur ou sur une éventuelle relation d’ordre sexuelle défie la morale et plus encore le sacré en portant atteinte aux valeurs religieuses. Différence : il est rare que la religion soit exploitée en matière de publicité Ambiguïté : aucune référence au produit Tabou : le baiser entre un prêtre et une religieuse Le tabou est ici utilisé afin d’être provocant. La provocation reposant sur 3 facteurs réunis : La publicité doit impliquer la différence, l'ambiguïté, et l'utilisation d'un tabou. La différence peut être retrouvée au niveau de l'usage de la couleur, du for- mat, de la position, des contrastes, du mouvement, de l'intensité … La publi- cité doit se démarquer dans son usage des autres messages, elle doit inno- ver. L'ambiguïté est provoquée par le manque de clarté du stimulus pour communiquer ou pour évaluer la classe du produit, la marque ou les motifs. Avec l'ambiguïté, le message laisse place à plusieurs interprétations, les ta- bous constituent ainsi un terrain fertile de l'inspiration créative : violence, mort, drogue, racisme, argent, religion… Le constat de cette campagne sera peint ultérieurement dans un bilan des publicités Benetton. Antoine de Rivasson! 34
  • 35. De même, pour l’agence Air Paris, qui touche au tabou de la religion et aux valeurs et codes s’y rapportant dans sa création de la publicité pour Marithé et François Girbaud, créateurs de vêtements. On peut, en effet, y voir une parodie de la Cène où les apôtres et Jésus sont remplacés par des femmes. Ils bafouent ainsi cette scène et mêlent érotisme et religion. Certains peuvent voir cette affiche comme une injure à un groupe de person- nes en raison de leur appartenance à une religion déterminée, en l'occur- rence le catholicisme. Elle met en scène des femmes dans des poses lascives et des plus suggesti- ves, elles ont des comportements érotiques et blasphématoires à l’égard d’un élément fondateur pour les catholiques, et ce pendant le carême. On peut émettre 2 jugements contradictoires à l’égard de cette publicité : -celui, où le principe de liberté d’expression est possible et où cette parodie n’est que fantaisie, permettant ainsi de « désacraliser » la religion. -celui du respect des croyances qui est l’une des assises d'une société dé- mocratique, affirmé notamment dans la Déclaration Européenne des Droits de l'Homme, dans la Constitution du 4 octobre 1958. Antoine de Rivasson! 35
  • 36. Constat : Les créateurs François et Marithé Girbaud étaient, avant cette affiche, quasi- inconnus du grand public. Alors même que la publicité en question ne permet pas au premier regard de déterminer quel type de produit est vendu,le fran- chissement du tabou religieux en reconstituant la Cène a permis au couple de voir leur nom repris et affiché dans toute la presse, française et internatio- nale. La publicité, censurée à l'affichage, ne l'a pas été dans les magazines. Les journaux ont pu reproduire à loisir la photographie litigieuse. Pour une publicité affichée initialement uniquement sur un mur à Neuilly-sur-Seine, l'ampleur de la couverture médiatique a été phénoménale. La publicité utilisant les codes de la religion catholique est « totémisée » parce que les racines chrétiennes sont très ancrées en France : ces symbo- les appartiennent à une culture générale. Seule la religion catholique est vi- sée car elle apparaît comme dominante en France. L'Islam - deuxième reli- gion du pays - ou la religion Juive ne sont pas utilisés par les publicitaires : leur manipulation est encore trop sensible, mais ce n'est qu'une question de temps avant de voir apparaître sur les murs des affiches sur les stéréotypes de ces religions. Ces dernières années sont marquées par le retour à une certaine ferveur religieuse, à des valeurs dites traditionnelles, à un retour à la vie spirituelle. Le sujet est encore suffisamment sacré et tabou pour permet- tre de choquer quand il est détourné. "Après le sexe par procuration des an- nées sida, la religion semblerait cristalliser les peurs de la société post-mo- derne et se poser comme le nouveau tabou des années intégristes". b) Le Porno-chic : la nudité standard doit s'ajouter aujourd'hui l'utilisation de codes pornographi- ques dans la publicité. Cette utilisation est appelée le "porno chic" et va fran- chir tous les tabous sexuels. Celui-ci sexualise les mannequins et impose ses fantasmes. Le sexe : Si le sexe est de moins en moins considéré comme tabou à l’heure actuelle, certaines de ses composantes le sont davantage comme la masturbation, la pénétration anale, la zoophilie… La campagne Dior Addict peut être considérée comme l'archétype de la pu- blicité porno chic. Antoine de Rivasson! 36
  • 37. C’est en partant de cette publicité que l’on va analyser par échelon ascendant les différents stades du tabou exprimé dans le porno chic. La version réser- vée aux magazines de mode franchit celui de la masturbation. En effet, dans la deuxième version, le flacon de parfum est glissé dans le slip de la femme, suggérant la masturbation féminine. Antoine de Rivasson! 37
  • 38. Dans cette publicité Dior, pour sa ligne de joaillerie, l’objectif est de provo- quer, non pas de faire prendre conscience que la masturbation est un acte anodin, commun a tous les mortels, le rapport entre la masturbation et les bi- joux de luxe est difficile à déterminer. Cette banalisation a entraîné une poursuite en avant, l'érotisme féroce deve- nant de la pornographie douce. Les fantasmes : Les créateurs des publicités pornos chics s'inspirent des fantasmes, des plus communs aux plus rares. Voici quelques illustrations des fantasmes tabous évoqués dans les publicités pornos chics : Antoine de Rivasson! 38
  • 39. La plupart des tabous sont tombés entre les mains du porno chic. La zoophi- lie a été elle aussi mise en scène dans les publicités, parfois au travers d'un clin d'oeil clairement humoristique, parfois de manière beaucoup plus sé- rieuse. Les scènes sont plus que suggérées : pour choquer, elles doivent être très crues, très explicites. Le plus souvent, la femme est offerte et l'homme conquérant. Les fantasmes les plus réguliers représentent des femmes entre elles ou des scènes de do- mination. La façon de photographier emprunte également de nombreuses conventions de la photographie pornographique : cadrage imparfait, yeux rouges. L'intention est de donner une image du type amateur ou une image volée, propre au voyeurisme. Les tabous les plus déroutants concernant le porno chic ne résident pas dans l'utilisation de la nudité, qui est commune et au final assez peu utilisée, mais dans la banalisation de la violence et de la soumission. Dans cette campagne Dior par exemple, la femme est recouverte de cam- bouis, ses vêtements sont salis et troués, ce qui est une étrange manière de les vendre, son visage est tuméfié et hagard. L'ambiguïté fait la force de la photo : une partie du public y a vu la représentation d'une scène de viol alors qu'une autre a pu y voir une forme d'abandon dans un plaisir extrême. Antoine de Rivasson! 39
  • 40. Le porno chic nous impose une image peu saine des relations sexuelles. Les représentations sont le plus souvent violentes, les femmes soumises. Ces publicités confrontent le public avec une représentation du sexe qui effraie : le sexe évoqué est malsain. Dans les publicités standard, le sexe n'est pas banni, mais plutôt joyeux, contrairement au porno chic. La publicité porno chic fait référence à l'intimité des personnes. Elle impose ses fantasmes qui ne sont pas nécessairement ceux du grand public, d'où un phénomène de fascination mais également de rejet en fonction de la personne soumise à la publicité. De plus, l'image force le sujet qui passe devant une affiche, en s'imposant à son imagination. Elle ne viole pas seulement l'intimité de la chose représentée mais aussi celle de l'imagination cible du spectateur. Cette violence est en outre reçue en pu- blic : être vu voyant des visuels choquants est une atteinte supplémentaire à l'intimité. Constat : Le public s’est senti contraint à faire face à des sujets qui le déroute, le choc ou le blesse, et dont il ne veut pas parler. Le porno chic à violer les mœurs et en rentre en force dans l’intimité. L'objectif de rajeunissement des marques a été atteint, mais ces vagues de campagnes de publicité ont également démocratisé les marques. Leur image n'était plus associée au luxe, mais au sexe tabou. C'est la raison pour la- quelle l'industrie du luxe laisse désormais des marques plus populaires s'em- parer des codes du porno chic, et elle reprend aujourd'hui une communica- tion plus traditionnelle, fondée sur la présentation du produit. Les préjugés (discriminations) : L’appel à une remise en question de l’individu et le jeu avec des valeurs chè- res au public sont utilisés en publicité afin de faire réfléchir la société sur des questions fondamentales. Ainsi l’utilisation du tabou permet d’interpeller la personne qui regarde la publicité afin de l’amener à réagir. C’est ce qu’a fait l’entreprise d’intérim Adia en sautant la barrière qui nous ar- rête aux préjugés et remettant ainsi en cause, la perception et la moralité du public. Antoine de Rivasson! 40
  • 41. "Ce jeune est un drogué", "Cette femme est bonne", "Cette fille ne peut rien faire", autant de slogans qui interpellent dans le couloir du métro parisien. Ecrit en beaucoup plus petit, l'agence d'intérim explique que ce jeune est un drogué du travail, que cette femme est bonne dans son travail, que cette fille ne peut rien faire sans passion ou que cet homme est un obsédé du travail bien fait, au-dessus du slogan : "Ne vous fiez pas aux apparences, fiez-vous aux compétences". ADIA entendait dénoncer par cette campagne les préju- gés des employeurs, et affirmer son ambition de faire disparaître les discrimi- nations fondées sur ces préjugés en matière d'embauche, en interpellant le public sur ses idées préconçues face à un candidat à l'embauche. La techni- que utilisée a été de formuler les préjugés tout haut alors que tout le monde les pense tout bas. Constat : Les réactions du public se sont fait connaître en deux temps : d'abord une vague d'indignation devant le message le plus voyant, et ensuite un ac- cueil plus chaleureux pour les ambitions de l'agence d'intérim, même s'il s'est senti agressé par ces affiches. c) Focus sur les campagnes Benetton : En matière de représentation de l'horreur, la marque Benetton est allée très loin, emmenée par le photographe Oliviero Toscani, le créateur de ses publi- cités. Son travail avec Benetton commence en 1982. L’entreprise se dit vou- loir susciter un débat public et utiliser des images violentes pour amener à réfléchir. A l'origine de la communication de la marque, une constatation : « Rien ne ressemble plus à une photo de mode qu'une autre photo de mode. On y montre de beaux mannequins et puis voilà » La provocation délibérée n'apparaît qu'à partir des années 90. Benetton sort désormais du terrain de la publicité commerciale pour afficher une prétention humaniste, voire politique. Antoine de Rivasson! 41
  • 42. Toscani justifie l'affiche de la jeune femme noire allaitant un bébé blanc avec ces mots : "Je ne cherche pas à convaincre le public d'acheter – à l'hypnoti- ser – mais à entrer en résonance avec lui sur une idée philosophique, celle du brassage des races" Après avoir communiqué sur le brassage des races, Toscani s'intéresse en- suite aux conflits armés, à la peine de mort, et au sida. Le tapage orchestré autour de ces campagnes, leur fumet de scandale, d'émotion, de provocation, d'indignation, le fait enfin de "jouer" avec les ta- bous les plus profondément ancrés dans notre société (la mort, le sang, l'égalité des races) prolonge la médiatisation de la marque Antoine de Rivasson! 42
  • 43. La campagne HIV positive a créé une vraie polémique de masse à travers toute l'Europe en1993. C'est la première fois que les mots sont utilisés dans une campagne Benet- ton, ils sont censés n'offrir qu'un seul sens et poser un message univoque ; dans cette campagne de pub, ils ont été les plus forts : le public en retient le marquage et l'exclusion. Les affiches représentaient en gros plans des parties de corps (pubis, bras, ventre et fesse) tatouées du sigle anglais définissant la séropositivité " H.I.V. positive ". L'encre violette rappelle les tampons des services vétérinaires ap- posés sur la viande prête à être commercialisée, ainsi que l'utilisation qu'en a faite le régime nazi à des fins d'humiliation et de ségrégation. Les affiches étaient particulièrement ambivalentes : au premier degré, un corps perçu comme de la viande, marqué de façon humiliante. Au second degré, un message de tolérance à l'égard des malades. La publicité ne don- nait pas les clefs pour comprendre l'image d'une rare violence.. Selon elle, "En imposant au regard, en des lieux de passage public forcé ou dans cer- tains organes de presse, l'image fractionnée et tatouée du corps humain, marquée des mots HIV – photographies non accompagnées d'une légende permettant de décrypter le message qu'elles sont censées véhiculer et d'ali- menter le débat d'idée qu'il s'agirait d'instaurer – les sociétés commanditaires de la campagne publicitaire incriminée ont utilisé une symbolique de stigmati- sations dégradante pour la dignité des personnes atteintes de manière impla- cable en leur chair et en leur être, de nature à provoquer à leur détriment un phénomène de rejet ou de l'accentuer". Antoine de Rivasson! 43
  • 44. En fait, les images de Toscani offrent plusieurs interprétations possibles. Les images appartenant au monde du signifiant n'affirment pas comme les mots, mais restent ouvertes à toute interprétation. Toscani joue plus que jamais sur ce registre de l'évocation d'une dualité, cette " ligne de partage entre deux eaux " : guerre/paix, flirt/coït, beauté/pollution... Ces affiches apportent une dimension éthique, mais n'impose pas la morale, le message est ambivalent et libre à nous de répondre aux questions qu'elles soulèvent. Constat : L'un des premiers reproches exprimés contre ces affiches est l'ambiguïté qui y réside. On ne savait pas s'il dénonçait, approuvait ou posait comme un état de fait une photo aussi marquée et signifiante .Le public a fini par se lasser des provocations de Toscani. La marque a continué ses campagnes, brassant les tabous, mais le public ne suivait plus et certaines campagnes ont été rattrapées par la justice. En 2000, pendant la campagne des élections américaines, Benetton lance la campa- gne "Regarder la mort en face", représentant les portraits de condamnés à mort, avec leur date de naissance,le crime commis et le type d'exécution qui les attend. La plupart des afficheurs ont refusé de diffuser la campagne, et certains grands magasins ont même déférencé la marque. A partir de 1992, le chiffre d'affaires de la marque n'a fait que décroître. Même après la rupture du contrat entre Toscani et Benetton en 2000, et le retour à des campagnes publicitaires assagies, la marque n'a pas réussi à retrouver son chiffre d'affai- res du début des années 90. La marque a souffert au final de ces campa- gnes. Le but de ces campagnes ? Selon Toscani, "le télescopage d'une image d'ac- tualité et du ronron édulcoré des pubs déclenche tout à coup la réflexion, rompt la passivité". Une partie de l'opinion lui a reproché de vouloir imposer sa propre morale. D'autres ont estimé que dénoncer n'était pas le rôle de la publicité, qu'il est totalement immoral et contre les principes d'éthiques de vendre des pulls en exploitant la misère humaine ou la mort. Pour Teyssier, "Si on peut suivre Toscani quand il revendique pour la publicité le droit de participer au débat public, en revanche, il se trompe en prétendant que la publicité est un art qui peut tout se permettre. Ce sont les moyens employés qui ont disqualifié les campagnes Benetton, et non les objectifs humanitaires visés". Ces campagnes ont eu le mérite de contraindre la profession à s'interroger sur la mission, le rôle réel de la publicité. Publicité commerciale et campa- gnes humanitaires peuvent-elles être compatibles ? La question reste encore en suspend. Antoine de Rivasson! 44
  • 45. 2) Axe Affectif a) La femme battue La violence faites aux femmes peut être simplement évoquée ou au contraire exposée directement de manière virulente. On verra ainsi que le tabou de la violence peut être utilisé a des fins commerciales en étant totalement accepté par les mœurs et ce de manière très positive, comme elle peut être un sujet de réflexion et de remise en cause en insistant sur la gravité du thème. Dans le visuel suivant, l’évocation du tabou de la violence faites aux femmes est indirect et n’apparaît pas clairement. En jouant sur l’humour, la violence permet d’être démystifiée et d’importance mineure, tant elle est banalisée. La campagne "Babette" illustre la subjectivité attachée à la perception des publicités. Cette campagne "Babette, je la lie, je la fouette, et parfois elle passe à la casserole", diffusée durant une semaine en avril 2000, peut être considérée comme une apologie de la violence conjugale. Pour profiter du battage médiatique, l'annonceur a lancé une seconde vague d'affichage, avec un nouveau visuel et une nouvelle accroche :"Babette, j'en fais ce que je veux", en franchissant le pas supplémentaire d’y ajouter le sexisme. Antoine de Rivasson! 45
  • 46. Constat : Le groupe Candia a vu progresser les ventes de la crème Babette de 35,9 % en un an. La campagne est sans conteste à l'origine de cette augmentation. N'ayant été émise que pendant un court laps de temps, ce n'est pas sa diffu- sion qui en est à l'origine. Par contre, le débat médiatique a permis à la mar- que de s'exposer à peu de frais pendant plusieurs semaines dans de nom- breux journaux. Les consommatrices, si la campagne leur avait échappé ini- tialement, ne pouvaient plus ignorer le produit présenté par la marque. La campagne a rempli son rôle puisque le tabou suggéré humoristiquement n'a laissé personne indifférent. Une récente campagne, déclinée sous forme de cartes publicitaires, pour Club Internet, a tenté de faire de l'humour avec la violence conjugale pour promouvoir un abonnement à des chaînes de télévision sur Internet. Antoine de Rivasson! 46
  • 47. Sur le premier visuel, il est écrit : "Elle souhaitait voir un vieux film noir et blanc. Son mari a préféré lancer un programme couleur", alors que sur le se- cond, il est dit "À la place de son match, elle voulait voir un documentaire sur les étoiles filantes. Elle les a vues". Cette publicité a été très mal perçue. La violence conjugale est un sujet sensible et l'utiliser à des fins commerciales est particulièrement déplacé, d'autant plus que l'annonceur n'entendait pas dénoncer le phénomène, mais seulement le tourner en dérision. En comparant les publicités Babette et celles de club Internet, on constate donc que le tabou de la violence est facilement accepté quand il est suggéré textuellement de manière humoristique mais qu’une évocation visuelle de manière humoristique l’est beaucoup moins. Le tabou de la violence conju- gale serait-il accepté dans les mœurs et dans la vie courante en mot mais pas en image ? Constat : Le plan média de cette publicité a été étudié par l'agence de communication. Il n'y a aucun doute que si la campagne avait été diffusée par des moyens traditionnels (encart de presse, affichage) les retombées pour la marque au- raient été très négatives. Mais en limitant cette campagne à la distribution de cartes publicitaires, que l'on trouve dans les bars ou dans les salles de con- cert, Club Internet se rapprochait du public visé (population 18-25 ans) et pouvait se permettre de jouer sur le décalage de sa campagne et risquer de faire de l'humour sur un tel sujet. b) Sexisme/Nudité L’Imagerie explicitement sexuelle prolifère dans la publicité mais il con- vient de distinguer les publicités en cohérence avec le produit et les autres. Le sexisme représente une discrimination envers un sexe, auquel on refuse l'égalité ou la dignité en stéréotypant des caractéristiques générales qu'on at- tribuera à ce sexe. A première vue, cette publicité assez banale pour de la lingerie Barbara diffu- sée en avril 2002. On y voit une jolie jeune femme en sous-vêtements était accompagnée des phrases : "Quand on me dit non, j'enlève mon pull" et "Mon banquier me préfère à découvert, allez comprendre". Antoine de Rivasson! 47
  • 48. Cette publicité parle d'un tabou : les avantages que peuvent obtenir les fem- mes grâce à leurs attraits. Le slogan place l’homme (le banquier) en tant que sexe et la femme (la cliente) en tant qu’objet. Il est certes commun dans l’es- prit des hommes et femmes qu’il est possible de pouvoir jouer de ses char- mes afin d’obtenir satisfaction. Toutefois la revendication de cet acte et son ébruitement, l’est beaucoup moins. D’autant qu’elle sous-entend que lorsque l’on a un physique moins harmonieux, il est plus difficile d’avoir les faveurs d’un banquier, alors que ce qui est relatif à l’argent ne devrait pas être varia- ble du facteur physique. Constat : En multipliant nudité et sexisme, la publicité Barbara s’est attirée de nom- breuses plaintes demandant son retrait mais elle est acceptée dans l’esprit populaire car c’est un tabou sans être tabou et qu’il fait partie du jeu sexuel en cohérence avec le produit. 2. La publicité pour La City "le mouton" met la femme dans une position cer- tainement dégradante. L'affiche montre une femme à quatre pattes presque nue, en train de dialoguer avec un mouton : "J'ai envie d'un pull". Antoine de Rivasson! 48
  • 49. Constat : Beaucoup de critiques ont été émises contre cette publicité : la position de la jeune femme, son dialogue avec un mouton, "animal à la bêtise et au con- formisme légendaires, ce qui laisse supposer que le QI de la fille égale celui de l'animal dont elle imite la position", le comportement pornographique, à la limite de la zoophilie, l'utilisation de la maigreur… Les sociétés d'affichage ont retiré la campagne sur la demande du BVP, ce- lui-ci considérant que les recommandations sur la dignité de la femme n'ont pas été respectées. La marque La City n'a pas profité de cette campagne, sa clientèle, plutôt classique, n'ayant pas appréciée d'être assimilée à un mou- ton. Le risque de provoquer, c'est de trop choquer, ce qui s'est passé avec cette campagne. C- L’horreur Elle peut être représentée de différentes manières, mais l’horreur de la sphère taboue repose sur le réel et non l’irréel couramment accepté. Il s’agit ici de parler de l’horreur qui nous touche, celle qui est visible et sur laquelle on préfère fermer les yeux. Une affiche de publicité du magazine Choc a été retirée après sa dénoncia- tion par des associations. L'affiche représente une jeune femme droguée, morte depuis, et son dépéris- sement sur une période de 10 ans. Sur le premier cliché, elle a 29 ans. Sur le dernier, 39. Elle est méconnaissable. En bas de l'affiche un slogan : « Choc contre la drogue ». La gravité d’un sujet de société comme la drogue dans ce magazine est critiquée par l’association Act up dans le journal Libération, comme une image dégradante d’un être humain livré au dégoût de ses lec- teurs. La rédaction de « Choc », elle, dit avoir voulu faire cette campagne ta- bou car « nous étions touchés au plus près dans notre rédaction par ce pro- blème. Cela a été une volonté de réagir, n'ayant en aucun cas voulu faire une promotion du magazine ». Antoine de Rivasson! 49
  • 50. Constat : Cette affiche était une campagne contre la drogue de la police de Londres. Utilisée par les autorités ou par une association, l'affiche aurait sans doute choqué, ce qui est le but, mais elle n'aurait pas été retirée. C'est son utilisa- tion par un magazine à titre de publicité qui a révolté les associations. 3) Axe rationnel a) Sexisme En traitant du tabou sexiste, plaçant la femme inférieure à l’homme, l’agence Devarrieuxvillaret joue d’une injustice sociale lors d’un entretien d’embauche pour des chaussuress Eram. http://www.youtube.com/watch?v=EXOe5pp3a5I Antoine de Rivasson! 50
  • 51. Une femme se présentant devant des hommes, dénonce toutes les idées préconçues sur les désavantages d'engager une « pondeuse » et donc les raisons qui pourraient faire qu’elle ne soit pas retenue pour le poste (absen- ces fréquentes et disponibilité réduite due aux enfants), puis elle leur livre l'argument "maître" qui pourrait favoriser son embauche : ils vont la payer 30% moins cher. "Mais bon", dit la femme en montrant ses chaussures, "on dépense l'argent tellement moins bêtement que vous". Ce discours affirme le fait réel de l'inégalité de salaire entre les hommes et les femmes, y exposant les motifs clairs. Constat : Bien qu’il y ait une touche humoristique, les femmes ont désapprouvé cette approche. Cautionnant l’inégalité, le message parut machiste et insultant pour celles qui souffrent économiquement et moralement de ces salaires "au rabais" et qui luttent pour l'égalité à laquelle elles ont droit. Dans un second temps, toutefois, le face à face avec une réalité connue de tous et son affirmation est apprécié. b) Le sida De manière à inscrire les actions dans la durée, les Pouvoirs Publics mettent en place fin 1994 un plan de communication sur 3 ans qui marque un temps nouveau pour les campagnes de prévention en collaboration avec l'Agence Australie. Ce ne sont plus les groupes qui sont à risques mais les situations. Ce plan s'articule sur 3 axes de communication : - Prévention/réduction des risques : Favoriser la responsabilisation de chacun par rapport aux risques réels auxquels il peut être exposé ou exposer son ou ses partenaires. Communiquer sur l'efficacité et le bon usage du préservatif. - Vivre avec le VIH : Rendre plus proche de chacun les personnes vivant avec le VIH en luttant contre les phénomènes de rejet et d'exclusion. - L'information, le guidage : Rendre accessible l'information utile en renvoyant sur les relais et partenaires locaux (associations, DDASS, collectivités territo- riales...). Antoine de Rivasson! 51
  • 52. La campagne de prévention pour l'été s'inscrit dans un contexte épidémiolo- gique qui met en évidence un risque accru dans la population hétérosexuelle (plus de 50% des cas de maladies sexuellement transmissibles se contrac- tent sur la période des deux mois d'été et près de 70% des jeunes vivent leur premier rapport sexuel en été), ainsi qu'un phénomène de défaillance dans les milieux les plus touchés par l'épidémie, et notamment au sein des com- munautés homosexuelles et toxicomanes. L’objectif est de permettre à chacun d'identifier des situations à risques (sans pour autant stigmatiser un groupe particulier) en donnant les moyens d'y faire face. La stratégie créative presse regroupe 3 partis pris qui renouvellent la com- munication sur le sida : - Ouverture : une campagne qui n'est pas limitée à la promotion du préserva- tif, mais qui intègre la diversité des situations et stratégies individuelles, sans stigmatiser. - Clarté : identifier clairement toutes les situations à risque et indiquer dans un langage direct, dédramatisant, factuel et informatif, les différents moyens d'y faire face. - Proximité : parler à chacun et parler à toutes les cibles, à travers 13 annon- ces (développant les thématiques comme le bon usage du préservatif, le mul- tipartenariat, la prévention sexuelle chez les usagers de drogues, il suffit d’une fois…) Bien qu’il y ait une touche affective, interpellant la cible, les publicités ci-pré- sentes se veulent très rationnelles, expliquant les dommages et les risques du sida faisant ainsi appel à la raison du récepteur. Antoine de Rivasson! 52
  • 53. Constat : - Un renouvellement du discours : plus de réalisme et de proximité. - Une individualisation et intégration de la communication du "plus large" au "plus près des gens". On remarque une adhésion institutionnelle (toute la so- ciété), collectif (groupes d’appartenances) et individuel (intime). Cette campagne à permis de faire progresser le discours sur la prévention en remettant en cause des tabous (celui du sida, mais aussi des homosexuels, ou des discriminations liées au porteur du VIH) et en responsabilisant davan- tage. Toutefois, la campagne s’émaille d’échec. Elle ne permet pas une prise de conscience assidue, ni une grande réactivité. Le sida est toujours une ma- ladie qui peut arriver aux autres mais pas à soi. Plus de 70 %, trouve les campagnes convaincantes, mais une proportion identique déclare qu'elle ne changera pas son comportement. Pour France Lert, « cela peut s'expliquer par le fait que les répondants considèrent qu'ils ne sont pas exposés au ris- que. En fait, la perception du risque n'implique par forcément la perception d'un risque pour soi. » Idem pour la campagne de 1998, qui se veut informative et explicative. En guidant la cible, elle espère ainsi mettre en confiance le récepteur et être à son écoute en répondant à toutes ses interrogations. Les axes choisis pour traiter d’un sujet tabou en publicité vont donc être mo- dulateurs de la réceptivité du public. Qu’il soit éthique, affectif ou rationnel, il est difficile de déterminer l’axe le plus approprié et le plus efficient à l’avance. Antoine de Rivasson! 53
  • 54. II) L’ INFLUENCE DE LA PUBLICITÉ SUR LA SOCIETÉ ET SES FON- DAMENTAUX 1) Conséquences dans la société de l’utilisation des tabous dans la publicité Les détracteurs de la publicité considèrent qu’en communiquant la vio- lence, la sexualité la publicité peut inciter à l’agressivité, voire à des condui- tes criminelles ou irrationnelles. On peut donc s’interroger sur les effets de la publicité sur nos comportements quotidiens et l’orientation de nos mœurs. Elle pourrait favoriser des conduites sociales inciviles, voire irresponsables, participant à une abolition des limites que tout être social se doit de ne pas dépasser pour vivre en toute quiétude dans sa communauté. Elle aurait ten- dance à laisser penser aux individus qu’ils peuvent exprimer leurs désirs les plus égoïstes et les plus refoulés, qu’il peuvent briser les tabous et déculpabi- liser. Cela aurait un effet déstabilisant sur l’individu à qui on a inculqué des principes, des interdits, consciemment ou le plus souvent inconsciemment. La banalisation de la soumission de la femme dans les publicités par exem- ple serait responsable d’une prétendue multiplication des comportements sexistes ou violents. Cependant mêmes les esprits chagrins admettent en générale que la publici- té en utilisant des tabous tels que la violence, la mort, pour la « bonne cau- se » font évoluer les mentalité positivement. Les publicités à titre préventif, informatif ou à caractère humanitaire trouverait ainsi grâce à leur yeux comme par exemple les campagnes de prévention routière pourtant généra- lement très choquantes de réalisme. De même est admis de façon consen- suelle une évolution positive des mentalités sur des questions telles que la marginalisation des minorités comme l’homosexualité par la banalisation de ses représentations. On touche donc ici au débat de l’impact supposé, ambivalent et controversé de la publicité sur la société. Antoine de Rivasson! 54
  • 55. 2) La récupération mercantile des tabous par la publicité Nous l’avons vu, Toscani a su avec un talent unanimement reconnu, se jouer des tabous pour choquer et transmettre des messages d’un rare humanisme dans l’histoire de la publicité, trop souvent taxée de flatter l’ego des consom- mateurs pour mieux leur vendre des produits parfois futiles ou inutiles à leur bien-être supposé. Mais au-delà des messages sociaux que Benetton pré- tend véhiculer, se pose la question évidente de la récupération mercantile. Car si nul n’est dupe d‘un quelconque désintéressement, le risque est que, passé l’étonnement des débuts, le message ne soit décrédibilisé, pire que la marque ne soit taxée de profiter de la misère humaine pour faire vendre. D’autant plus que se poser en paragon de la morale peut poser des risques pour la marque et laisser craindre un retour de bâton important. Benetton qui a érigé de grands principes moraux tels que la lutte contre les discriminations en stratégie de communication est condamnée à une attitude irréprochable et à s’assurer que ses valeurs d’entreprise soient toujours conformes avec ces messages. Les scandale éventuel n’en serait que plus grand. Bien sûr, si tous n’ont pas le talent Toscani, Benetton n’est pas la seule con- cernée dans cette affaire qui pose le débat du « Corporate Social Responsibi- lity » : l’engagement des entreprises dans des causes n’est-il pas qu’un sim- ple argument marketing ? Actuellement le «Greenwashing» fourni une eau nouvelle à ce moulin, lequel moulin n’entrerait pas en entier dans ce mé- moire. Pour tenter ici d’y apporter un éclairage admettons que les communications de masse sont un véhicule privilégié des valeurs de la société. Elles remplis- sent, tout comme la famille, l’école ou l’église, une fonction de socialisation. Agissant dans un climat de passivité qui contribue à émousser les capacités de réflexion et de jugement critique du commun des mortels, la pub peut re- doubler d’efficacité. Lorsqu’elles ont pour effet de délasser ou de distraire leur public, elles peuvent toutefois, rapidement renforcer toutes sortes de préju- gés et de stéréotypes sexistes, raciaux, etc. Le danger est alors réel de voir des stéréotypes se cristalliser dans l’imaginaire collectif et alimenter la pen- sée unique. Tant la représentation du faciès des noirs que celle, des couples de lesbiennes, sont révélatrices du fait que la pub, trop souvent, alimente les stéréotypes, les préjugés et les fantasmes. Antoine de Rivasson! 55
  • 56. Le pouvoir modélisateur de cette dernière par la simplification du système de valeurs de la cible par sa force d’intégration sociale et d’unification ethnique, par la représentation réductrice et non stratifiée de types physiques et de modèles de comportement, en fait clairement un acteur capital du champ so- cial. À l’heure où le consommateur semble aller en partie dans le sens d’un consommateur de pub, où les institutions ont compris sa force, la publicité prend une importance primordiale dans la cohésion sociale. C’est du moins le constat que font A. Cadet et B. Cathelat : " Bien que la publicité soit une pro- duction de la culture, dans le sens où son argumentation, ses thèmes, ses images sont largement modelés par elle, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle est elle-même créatrice de la culture, en ce qu’elle ne peut jamais at- teindre au reflet parfait des modèles idéaux et peut occasionnellement induire des modifications et se voir suivie. Non seulement la publicité constitue un miroir assez fidèle de la culture, mais encore elle peut en modifier les normes habituelles ". C’est dans cette mesure, où la publicité est considérée comme source d’in- formation, source de communication, et « starter » d’évolution, toujours à la recherche d’interpellation du public et de réaction de sa cible que nous analy- serons les axes choisis par les annonceurs dans les vecteurs de communica- tion de la publicité visuelle. III) DISPARITÉS ET ÉVOLUTION DES TABOUS ET DE LA CENSURE SELON LES CULTURES Dans cette dernière partie nous tacherons de mettre en perspectives à l’aide d’une riche iconographie une disparité des tabous et interdits selon les cultu- res ou les époques différentes. 1) Evolution de la publicité depuis les années 50 Par rapport à la publicité des années 50, on notera que trois représentations on majoritairement évoluées. Racisme La première est celle de la communauté noire et des minorités raciales en général. Si comme on le prétend souvent la publicité a été acteur ce chan- gement des mentalités elle fut aussi le miroir de la société de l’époque comme on peut le voir ci-dessous. Antoine de Rivasson! 56