Joaquim Melo - Entrevista (em Francês)

1. le portrait vation de bon sens d’une habitante qui
a lancé le processus de création en 1998
de la banque Palmas et de sa monnaie,
le palmas », rappelle-t-il. L’idée est
simple : la nouvelle institution offre
Au Brésil simultanément des prêts aux entre-
Joachim
preneurs, pour qu’ils produisent des
biens, et des crédits à la consommation
aux habitants, pour qu’ils les achètent.
Ces avances sont faites en palmas,
gagé sur le real brésilien. Pour acheter
Melo
leur matière première hors du quar-
tier, les entreprises peuvent échanger
leurs palmas en reals, mais la monnaie
locale est privilégiée, les commerçants
garantissant des prix inférieurs lors
de son utilisation. « À part être beau,
s’amuse Joachim Melo, le palmas est
réinvente le microcrédit ma plus grande fierté, car il est le fruit
d’une construction collective. Les habi-
tants se sont mobilisés pour modifier le
cours de leur vie. Seul ce type de dévelop-
pement est durable », souligne-t-il.
u Passé
n La froide grisaille parisienne
n’altère pas la bonhomie de
Joachim Melo en ce début décembre.
1962 Naissance à Recife, au Brésil.
1984 Prêtre du Conjunto Palmeiras,
La crise financière lui a donné
raison. « La banque communautaire
étant contrôlée en toute transparence
« Les Parisiens ont l’air triste, s’étonne-
bidonville proche de Fortaleza. par la collectivité, celle-ci l’a protégée
1987 Abandonne la prêtrise, déçu par
t-il en enlevant ses gants fourrés prê- l’opposition du cardinal Ratzinger des dérives du système bancaire classi-
tés par son traducteur. Au Brésil, les à la théologie de la libération. que, souligne Joachim Melo. Par
gens pauvres répondent au contraire 1998 Crée la banque Palmas avec un nature, une monnaie sociale ne peut
aux difficultés par le rire ! » À 47 ans, le capital de 2 000 reals (780 €). fonctionner que localement, mais on
créateur de la première banque com- peut imaginer avoir 1 000 banques
munautaire brésilienne multiplie les u Présent communautaires se substituant à une
2009 Publie Viva Favela (Michel Lafon).
voyages pour partager son expérience, banque nationale », se laisse-t-il à
mais son cœur demeure au Conjunto u Futur rêver. Ou plutôt à imaginer, car, sous
Palmeiras. Depuis deux ans, cet ancien Se bat pour obtenir le cadre légal qui ses dehors tranquilles, sa conviction
bidonville situé au nord du Brésil a inscrira dans le marbre les banques associée à son pragmatisme ont déjà
obtenu le statut de « quartier » à part communautaires en leur permettant de donné corps à ce projet.
entière. Une victoire pour Joachim drainer les dépôts des Brésiliens.
Melo, arrivé au « royaume des pal- Pour exporter son concept de
miers » en 1984, à la demande de l’ar- banque communautaire, il a créé
chevêque dom Aloísio Lorscheider. Ce l’Institut Palmas en 2003, qui a permis
promoteur de la théologie de la libéra- trie s’occupera mieux de nos vieux jours de donner le jour à 51 établissements
tion (qui consiste à donner aux pau- qu’un ou deux enfants biologiques ! », au Brésil et 3 600 au Venezuela. Une
vres les moyens de maîtriser leur des- s’exclame-t-il en riant. L’urbanisation nouvelle étape a été franchie, la Ban-
tin) met son jeune séminariste rebelle du quartier effectuée, Joachim Melo que centrale du Brésil ayant officielle-
en situation de mener « le combat de
(sa) vie » : faire reculer la pauvreté.
initie, en 1997, une réflexion collective
pour éradiquer la pauvreté endémi-
ment reconnu le 18 novembre l’impor-
tance de ce modèle alternatif pour
Ce QUe Je CroiS u
que. Incapables de régler les factures servir les 30 millions de Brésiliens « Jeunesse sans rébellion,
Trois ans plus tard, Joachim liées aux nouveaux services publics du exclus du système financier. La dupli-
Melo abandonne son sacerdoce Conjunto Palmeiras, les plus pauvres cation de la banque Palmas est, depuis, vieillesse précoce !
pour se consacrer à cette vocation. Un fuient en effet le quartier. Le modèle du une priorité. « L’objectif est de compter
Il faut conserver
anneau enserre son annulaire gauche, microcrédit développé au Bangladesh 1 000 établissements bancaires de ce
signe de fidélité à sa compagne et alliée par, Muhammad Yunus, Prix Nobel de type au Brésil fin 2010 », précise Joa- l’ouverture d’esprit
dans ce combat depuis dix-huit ans, la paix, ne convient pas. « Le soutien à chim Melo. Impossible ? Ce mot-là ne
Sandra Magalhães. Ils n’ont pas eu la création de petites entreprises n’a pas fait pas partie du vocabulaire de ce de nos jeunes années
d’enfants, car leur lutte auprès de leurs d’intérêt si personne ne peut acheter ce petit homme au regard malicieux. l afin de ne pas perdre
32 000 « fils et filles adoptifs » a pris toute qu’elles produisent, or les habitants texte : NiNoN ReNaud
leur énergie. Des regrets ? « Cette fra- n’avaient pas d’argent. C’est cette obser- PHoto : MattHieu ZaZZo PouR LA VIE nos rêves. »
26 La Vie - 21 janvier 2010