2. Quelques remarques introductives
• Rq 1 : La pleine adéquation entre promesses de pension et
capacité à les financer repose souvent sur des conditions
économiques et démographiques incertaines et difficiles à
atteindre.
• Rq 2 : Les gouvernements répugnent souvent à réformer les
systèmes de retraite par répartition car ils craignent de subir un
coût politique élevé. Par voie de conséquence, ils tendent à
procrastiner et donc à reporter l’adoption de mesures qui
devrait garantir la solvabilité.
3. • Rq 3 : Bien sûr, en situation d’insolvabilité urgente, tous les
gouvernements réforment et même de façon substantielle. Mais
le problème avec les réformes ad hoc est que, selon Turner
(2009), "(elles) ont un haut degré de risque politique parce que
leur timing et magnitude sont inconnus".
Quelques remarques introductives
4. Plan de la présentation
• 1. Mesurer la solvabilité
• 2. Garantir la solvabilité
• 3. La situation française : le cas de la CNAV
5. 1. Evaluer le niveau de solvabilité
• Deux approches de l’insolvabilité :
• (1) Approche « américaine » :
VAP des recettes futures + Fonds de réserves
< VAP des dépenses futures.
Le sous-financement est nommé « unfunded obligations » qui se traduit
littéralement par « les obligations non financées ».
• (2) Approche « suédoise » :
(actif notionnel + Fonds de réserves) / passif notionnel < 1.
Ce ratio s’inspire du ratio de capitalisation utilisé dans les fonds de
pension. Remarque : le système suédois est basé sur un compte
notionnel qui comptabilise l’ensemble cotisations versées pendant
l’activité. A la retraite, ce capital notionnel (c-à-d sans contrepartie
financière) est converti en rente viagère.
6. 2. Garantir la solvabilité : quels enjeux ?
• Eviter des fausses promesses non tenables sur le montant des
retraites à venir.
• Risque pour les ménages de ne pas avoir suffisamment pourvu
à leurs besoins de consommation future = épargne insuffisante.
• Eliminer les choix politiques discrétionnaires (i.e. pas de règles)
ajustements surprises.
7. • La stratégie peut consister pour les gouvernements à :
• Déléguer la gouvernance du régime de retraite à une autorité
indépendante qui aura des objectifs à atteindre.
• Introduire des Mécanismes d’Ajustement Automatique (règles) afin
de garantir la solvabilité du système à toutes dates sans avoir besoin
d’intervention politique et ainsi éliminer le recours “à d’importants
changements de programme adoptés en mode crise” (Turner, 2009).
• Cela signifie des choix clairs au sujet des transferts entre les
générations + une forte acceptation sociale des règles.
2. Garantir la solvabilité : quelles
solutions?
8. • Les paramètres institutionnels sont ajustés selon des règles
prédéfinies.
2. Garantir la solvabilité : Solution 1 =
Adopter des mécanismes d’ajustement
automatique (MAA) « simples ».
9. • Choisir un mécanisme d’ajustement automatique nécessite de
définir de nombreux éléments (Bosworth and Weaver, 2011):
• 1. Légitimer les règles selon, par exemple, le principe “un objectif, un
instrument". → identifier les objectifs et les outils (paramètres).
• Principaux objectifs : équité actuarielle, maintien du pouvoir d’achat, justice
sociale et solvabilité.
• 2. Définir la fréquence des révisions.
• 3. Choisir les variables observées (espérance de vie, croissance,
structure démographique, etc.) à l’origine de l’ajustement.
• 4. Programmer les ajustements ex ante à partir d’une analyse
prospective donnée ou ex post en fonction des états de la nature
réellement observés.
• 5. Fixer le degré d’automaticité : le caractère obligatoire des
ajustements donne de la crédibilité au processus.
2. Garantir la solvabilité : MAA
10. Exemple 1 : Indice des pensions
• La pension de retraite évolue chaque année en fonction du taux
d’inflation afin de tenir compte de l’augmentation du coût de la
vie.
2. Garantir la solvabilité : MAA
11. Exemple 2 : Période contributive
• Pour obtenir une pension pleine, il est nécessaire de valider un
nombre suffisant de trimestres. La durée de cette période peut
être connectée à l’espérance de vie.
2. Garantir la solvabilité : MAA
12. Exemple 3 : Age de la retraite
("normal=taux plein" ou minimum)
• Dans beaucoup de pays, les réformes ont modifié les âges de
la retraite avec l’évolution de l’espérance, mais pas de façon
automatique.
2. Garantir la solvabilité : MAA
13. Exemple 4 : Lien entre pension et
cotisations
• En Suède, le coefficient de conversion du capital notionnel
en rente dépend de l’âge et de l’année de naissance. Ce
coefficient est révisé de façon automatique, pour chaque
génération, afin de refléter l’évolution des tables de mortalité
par génération.
2. Garantir la solvabilité : MAA
14. Solution 2 = Renforcer les AAMs en
adoptant un mécanisme d’équilibre
automatique (MEA) afin de “recalibrer”
globalement le régime.
2. Garantir la solvabilité : Que faire si les
MAAs “simples” ne sont pas suffisants?
15. • Cinq questions majeures :
• 1. Choisir une notion de solvabilité : Comment la définir?
• 2. Quels sont les critères pour choisir des changements dans la loi
courante?
• 3. Quelle place pour l’optimisation afin de limiter les soubresauts dans
les ajustements?
• 4. Quel est l’horizon temporel de l’équilibre budgétaire?
• 5. Faut-il anticiper l’avenir sur la base d’un scénario tendanciel
(éventuellement “best estimate”) ou au contraire sur la base d’un
scénario prudent?
2. Garantir la solvabilité : les mécanismes
d’équilibre (financier) automatique
16. 2. Garantir la solvabilité : Exemples de
mécanismes d’équilibre automatique
• Cas d’école : le tax gap (pas de procrastination = ajustement
immédiat)
• Correction du taux de cotisation :
VAP(dépenses futures)/VAP(recettes futures)
• Correction du niveau des pensions :
VAP(recettes futures)/VAP(dépenses futures)
• Un ajustement lissé et progressif : le « smoothed automatic
balance mechanisms » (Gannon-Legros-Touzé, 2013).
• Critère de déformation à minimiser (fonction de perte quadratique)
• Préférence pour le présent (on contrôle le degré de procrastination)
• Ajustement mixte sur les pensions et sur les taux de cotisation
17. 2. Garantir la solvabilité : Exemples de
mécanismes d’équilibre automatique
• Suède : ajustement par les pensions (indexation spéciale en
plus de ) de façon restaurer l’équilibre entre les passifs et actifs
notionnels.
• Allemagne et Japon : introduction d’un index spécial des
pensions qui intègre une notion de solvabilité.
• Canada : hausse des cotisations et gel des pensions pendant 3
ans si déséquilibre financier et ce tant que le gouvernement n’a
pas pris de mesure.
• Etats-Unis : « mur budgétaire » car interdiction pour le régime
de s’endetter.
18. 3. Le cas français
RETRAITE PAR REPARTITION :
• Pour les salariés du privé : principalement CNAV (régime de
base) + AGIRC/ARRCO (complémentaires)
• Pour les fonctionnaires du secteur public : un régime de
pension spécifique.
Tous ces régimes affichent des déséquilibres financiers
importants à l’horizon 2060 (cf. rapport du COR 2012)
RETRAITE PAR CAPITALISATION :
• En France, la rente viagère par capitalisation (PERP, PERCO,
art. 39, 82, 83, etc.) est très peu utilisée : 165 Md€ contre
1.300Md€ dans l’assurance vie et 7.500 Md€ dans l’immobilier
(chiffres fin 2012).
19. 3. Le cas français
• Deux réformes importantes : 1993 puis 2003. Elles étaient
censées garantir la pérennité.
• Cela n’a pas été le cas et la crise depuis 2008 a aggravé la
situation.
• Les deux dernières « réformes » :
• 2012 : retour à la retraite à 60 ans pour les carrières longues + hausse
des taux de cotisations.
• 2013 : hausse des cotisations et poursuite de l’allongement progressif
de la durée de cotisation.
20. 3. Le cas français
• Un timide début de mécanisme d’ajustement automatique
depuis la loi Fillon (2003) : la durée de cotisation de référence
dépend de l’espérance de vie anticipée. La réforme de 2013
prévoit : un trimestre de plus tous les trois ans, soit une durée
43 ans en 2035 contre 41,5 actuellement.
• Le rapport Moreau et la question du pilotage automatique :
« La trajectoire financière doit être pilotée et l’équilibre financier
garanti par des mécanismes d’adaptation des recettes et des
dépenses permettant de neutraliser les chocs économiques ou
démographiques. Ce pilotage doit permettre de porter une
ambition collective pour notre système de retraites et de rétablir
le consensus et la confiance autour de nos retraite ».
21. 3. Le cas français
• Hypothèses du COR : compte central optimiste (best estimate?)
• 1,5% de croissance de la productivité à long terme
• 4,5% de chômage à long terme
• CNAV : Double dividende de la baisse du chômage et d’un taux
de productivité élevé : meilleures recettes directes et indirectes
via un transfert automatique en provenance de l’assurance
chômage dès qu’il y des excédents (réforme de 2003).
22. Source : Gannon et al. (2014)
Taux de chômage Taux de croissance de la productivité
3. Le cas français :
hypothèses de
projection
23. Source : Gannon et al. (2014)
Solde primaire
2012 Mds€ 2013 2020 2025 2030 2040 2050 2060
Scénario de référence
(COR) (avec transfert de
l'UNEDIC)
-3.29 -1.93 1.27 1.28 -0.89 3.8 4.52
Scénario de référence
(COR)
-3.29 -1.93 -4.76 -10.1 -16.2 -14.4 -16.9
Scénario prudent -3.29 -4.08 -8.04 -18.3 -32.8 -38.8 -44
3. Le cas français : la CNAV
24. Source : Gannon et al. (2014)
VAP des déficits primaires (en milliards d’euros)
3. Le cas
français :
la CNAV
25. Source : Gannon et al. (2014)
Facteur d’indexation du taux de cotisation Facteur d’indexation des pensions
3. Le cas français : la CNAV
Le mixed tax gap (scénario COR)
26. Source : Gannon et al. (2014)
Facteur d’indexation du taux de cotisation Facteur d’indexation du taux de cotisation
3. Le cas français : la CNAV
Le mixed tax gap (scénario prudent)
27. Source : Gannon et al. (2014)
Scénario COR (sans transferts UNEDIC) Scénario prudent
3. Le cas français : la CNAV
28. Source : Gannon et al. (2014)
Scénario COR (sans transferts UNEDIC) Scénario prudent
3. Le cas français : la CNAV
29. Source : Gannon et al. (2014)
Scénario COR (sans transferts UNEDIC) Scénario prudent
3. Le cas français : la CNAV
Fonds de réserve (en milliards d’euros)
30. Conclusion
• Garantir la solvabilité des systèmes de retraite est une
nécessité pour plusieurs raisons :
• On s’interdit les ajustements brutaux et non « anticipables » des
paramètres qui conduisent souvent à un traitement inégal des
générations ;
• On adopte une vision prospective réaliste et aussi prudente du future ;
• Le lissage des ajustements nécessite une accumulation de réserves
financières qui peuvent être réinvesties dans l’économie (stratégie
d’allocation d’actifs à définir) ;
• Mesurer le niveau de solvabilité fournit une information très utile sur le
futur des pensions, ce qui peut éventuellement encourager les
ménages à épargner plus (par exemple, des PERCO ou PERP) pour
pourvoir leurs besoins de consommation de fin de cycle de vie. Cette
épargne en vue de la retraite peut être investie dans l’économie et
ainsi financer la croissance.