La triade "Réel, Symbolique, Imaginaire" proposée par Lacan pose problème, entre autres pour les trois raisons qui suivent :
- Variations dans la définition des trois termes chez Lacan lui-même
- Désaccord et confusion chez les disciples sur les définitions
- La mise en relation chronologique, - en fait hiérarchique -, des trois vocables est sujette à caution.
Pour les raisons précitées, nous proposons une terminologie différente, bien sûr critiquable elle aussi, mais plus intelligible donc plus accessible à la réfutation.
Alternative à la triade "Réel, Symbolique, Imaginaire"
1. L’ANALYSE DES LOGIQUES SUBJECTIVES
Une logique de la déraison, une micro-sémantique du fantasme ...
Texte du Dr Jean-Jacques Pinto
Psychanalyste, formateur et conférencier
Aix-Marseille
Alternative à la triade "Réel, Symbolique, Imaginaire"
( Mise à jour du 19/9/2012)
La triade "Réel, Symbolique, Imaginaire" proposée par Lacan pose problème, entre autres pour les trois raisons qui
suivent :
_. Variations dans la définition des trois termes chez Lacan lui-même
_. Désaccord et confusion chez les disciples sur les définitions
_. La mise en relation chronologique, - en fait hiérarchique -, des trois vocables est sujette à caution.
1° Variations au cours du temps dans la définition des trois termes chez Lacan lui-même, mais c'est un phénomène
légitime dans l'évolution d'une discipline : la psychanalyse est encore loin d'être une science, si tant est qu'elle ait à le
devenir ... En tout cas sa formalisation, à juste titre entreprise par Lacan, se heurte à des difficultés remarquablement
exposées par Jean-Claude Milner dans L’Œuvre claire.
2° Désaccord et confusion chez les disciples sur les définitions de ces termes (nous trouverons le temps de les recenser), un
peu comme pour la pulsion de mort, terme dont pas moins de vingt-deux acceptions différentes ont été relevées par le
psychanalyste Jacques Sédat, ce qui rend sa portée explicative proprement illusoire ! !
3° La mise en relation chronologique, - en fait hiérarchique -, des trois vocables est sujette à caution :
_. Le "Au commencement était le Verbe" est le contresens le plus criant chez certains psychanalystes, qui veulent faire
précéder le Réel par le Symbolique. Un titre comme celui de Françoise Dolto : "Tout est langage", manifeste ce
type d'interprétation.
_. D'autres, avec des expressions comme "accéder au Symbolique", veulent que ce dernier soit précédé par l'Imaginaire,
confondant ainsi l'imaginaire animal (pré-verbal) avec l'Imaginaire humain uniquement permis par le langage,
donc post-verbal (lire la Réponse de J.J.P. à la première question de Cédric Detienne). De nombreux passages tirés
des textes de Lacan montreront ici que, pour lui, - après la phase "pré-classique" où il les introduit dans l'ordre
S, I, R(1) -, le seul ordre logique et chronologique devient et restera R, S, I : Réel, puis Symbolique, puis
Imaginaire. Ceci est une pure mise au point sur sa pensée, qui ne préjuge en rien du bien fondé de ses thèses
(1)
... Remarquons que cet ordre pré-classique se calque sur l'ordre Signifiant, Signifié, Référent de la
linguistique structurale. Nous y reviendrons.
Pour les raisons précitées, nous proposons une terminologie différente, bien sûr critiquable elle aussi, mais plus intelligible
donc plus accessible à la réfutation. Voici la liste des adjectifs qui seront définis prochainement ici (suivre sur le schéma ci-
dessous la mise en place progressive des termes proposés) :
2. 1) Réel, désigné par la lettre R : il est pour le moment difficile d'éviter l'adjectif substantivé, donc de ne pas dire "le
Réel". Lacan donne à ce terme des sens différents et subtils. Pour le moment nous considèrerons qu'il désigne ce
qu'étudient les sciences exactes, de la physique des particules jusqu'à la biologie, avec leur formalisation logico-
mathématique*.
*
À nouveau en 1974, dans sa conférence à Rome intitulée "Le triomphe de la religion", Lacan réaffirme :
« Le symptôme, ce n'est pas encore vraiment le réel. [...] Mais le réel réel, si je puis dire, le vrai réel, c'est celui auquel nous
pouvons accéder par une voie tout à fait précise, qui est la voie scientifique. C'est la voie des petites équations. », et plus loin il
évoque : « [...] le réel auquel nous accédons avec des petites formules, le vrai réel » (souligné par nous).
2) Réel parlant, désigné par RP : quelque chose "dans le Réel" se met à parler, de façon impersonnelle,
involontaire et inconsciente. L'humain traversé de ce Réel parlant, le "parlêtre", n'en est ni l'auteur ni le maître. R P
correspond à ce que Lacan nomme Symbolique. Lacan signale cette filiation en disant "Il y a du signifiant à déchiffrer
dans le réel", ou encore "Le signifiant, c'est de la matière qui se transcende en langage", mais ce n'est pas une mince
affaire que d'expliquer comment le Réel devient parlant. Nous nous y essaierons prudemment ...
3) Réel non parlant, RNP : désigne ce qui "dans le Réel" continue à ne pas parler, et qui - comme le Réel qu'il
prolonge - deviendra l'objet des "sciences exactes". La prolongation de R par RNP correspond à une partie seulement de
ce que Lacan nomme Réel.
4) Réel Parlant Unifiant, RPU : quelque chose "dans le Réel Parlant" se met à fonctionner de telle sorte que la
fiction de l'Un apparaît ("être", "totalité", "unité", "indivisibilité", "identité à soi-même", etc., ce "Un-de-sens" ne
devant pas être confondu avec le "Un comptable"). C'est l'Imaginaire de Lacan. L'être parlant ("parlêtre") traversé de ce
Réel Parlant Unifiant se prend pour quelqu'un, qui serait l'auteur et le maître du langage, ce qui est un leurre puisque en
fait "ce qui parle sans le savoir me fait je, sujet du verbe" (Lacan). Le RPU, tissu des objets qu'étudient les "sciences
humaines", subsiste hélas dans leur discours qui procède par métaphores et entités, ce qui est épistémologiquement
problématique (voir sur ce blog l'article : "Métaphore et connaissance"). On verra que le RPU subsiste également dans le
discours psychanalytique.
Une flèche portant les mots "prématuration néoténie" indique sur le schéma ci-dessous que c'est cette caractéristique,
venue du Réel Non Parlant (biologie humaine), qui favorise l'apparition du RPU.
Deux rejetons à ce RPU : l'inconscient (a-grammatical dans les rébus, calembours, contrepèteries, anagrammes,
où il brise les unités lexicales, "les mots", cf ici), et le fantasme (grammatical, car, consistant en une phrase, il respecte "les
mots" et leur séquence temporelle).
De cette énumération il ressort qu'à travers ses diverses différenciations, il n'y a que du Réel. Pourrait-il en être
autrement ?
Une fois rebaptisés les termes de Lacan, il est possible de leur ajouter des termes nommant d'autres aspects du Réel
Parlant (= "Symbolique" de Lacan) qui jouent un rôle épistémologique particulier :
5) Réel Parlant Non Unifiant, RPNU : c'est ce qui "dans le Réel Parlant" dément les énoncés unifiants quand à la
description du Réel, et qui amorce - chemin en dents de scie à travers la connaissance antique et l'épistèmè grecque - le
mouvement vers l'écriture logico-mathématique des "sciences exactes" (la science galiléenne combine empiricité et
formalisation, cf Résumé du livre de J.-C. Milner : L’Œuvre claire, chapitre II, $3 intitulé La stylistique historiciste).
6) Le discours analytique, branché en dérivation sur le RPNU version science moderne : c'est celle-ci en effet qui,
dans la version historisante du Doctrinal de science que décrit Milner (ibidem), permet l'apparition de ce discours. Il n'est
qu'à moitié du RPNU (Réel Parlant Non Unifiant) car, comme la science le fait pour le Réel, il dément certes les énoncés
unifiants quand à la description du psychisme humain (subjectivité). Mais Imaginaire, inconscient et fantasme continuent
de l'imprégner, comme le montre entre autres l'A.L.S., d'où les flèches pointillées à double sens. La psychanalyse, permise
par la science, est une discipline désimaginarisante, mais ce n'est pas une science.
7) Les analysciences (voir Glossaire) permettent le dialogue entre la science moderne (dotée de méthode, mais
s'aveuglant "volontairement" quant à la subjectivité) et la psychanalyse (voyante quant à la subjectivité, mais paralytique
quant à la méthode ! voir ici la fable). L'A.L.S. figure parmi ces analysciences, bénéficiant d'une démarche logiciste
(galiléisme étendu, in § 2. Le paradigme de la structure, Milner), et trouvant ses applications (flèches pointillées à sens
unique cette fois) tant dans la description des aspects subjectifs de la découverte en science que dans la description
méthodique de la subjectivité (surtout pour le fantasme, en partie pour l'Imaginaire, mais la description de l'inconscient
pose problème pour le moment ...).
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