Vous souvenez-vous de Tchernobyl ? (roman)
Deux jeunes enfants vont lier connaissance après le drame de Tchernobyl : une fillette soviétique et un garçonnet alsacien d'une famille d'accueil. On les retrouve plus tard, mariés, en Crimée puis à Kiev dans un monde proche de la réalité de notre époque.
2. Avant-propos OEuvre de fiction, toute ressemblance, etc.
Les Français sont « mauvais » en géographie Vous vous en souvenez bien sûr de la terrible
catastrophe qui s'est produite en Russie ( ?), en URSS ( ?) en quelle année ? voyons, en 1995 (hum
…) plus sûr de rien ? Eh bien, pour l'URSS vous êtes dans le vrai. Tchernobyl c'est bien en Russie ?
Eh non, on en parle souvent en ce moment (printemps 2014) de ce pays : c'est en Ukraine ! Il faut
que je vous souffle tout ! Pour beaucoup de nos compatriotes, Russie = URSS ou l'inverse. Et pour
l'année c'était en …1986.
Partout en France depuis cette date ou quelques années plus tard, on a accueilli des enfants de
Tchernobyl (russes et ukrainiens, à la date de la catastrophe on n'était pas sectaire comme
maintenant). En Alsace, il y a, encore de nos jours, l'association « Les enfants de Tchernobyl », nous
pourrions en citer d'autres. Cette association (mais elle ne fut pas la seule) reçut de nombreuses
petites filles et de nombreux petits garçons, bien sûr, afin de leur permettre de s'échapper pour un
temps, souvent pendant les vacances d'été, de leur quotidien. Il y en eut des Anna (prénom russe et
ukrainien), Hanna (prénom ukrainien), Klara, Ilona pour les filles, Yuriy, Anton, Filipp, Petro,
Fiodor, Iaroslav pour les garçons. Evidemment, j'ai ma petite idée, je voudrais vous raconter
l'histoire d'une petite Anna qui avait quelques mois de moins que moi et avec qui j'ai souvent
partagé, et mes jeux et mes pensées. Je crois que c'est en 1993 que les Ukrainiens arrivèrent pour la
première fois dans notre petit village d'Alsace : Ribeauvillé, Rappschwihr en alsacien, nous disions
les « Russes » ou les « Tchernobyl » ! A cette époque Anna et moi avions autour de dix ans. Moi je
m'appelle Michel Thur, j'ai vécu tout le temps de mon enfance dans ce petit village d'Alsace.
Beaucoup de temps a passé.
Nous nous sommes installés à Simféropol, en Crimée en 2010. Nos deux garçons, Anton, six ans, né
à Kiev et Alexandr, quatre ans, né en Crimée ont déjà tous leurs repères ici. Je suis OPL – officier
pilote de ligne – c'est à dire copilote sur le plus gros avion du monde : l'An-225 (Antonov) Mriya
pour la compagnie ukrainienne Antonov-Airlines, dont le siège est à Kiev ; cet énorme avion hexa
réacteur, peut emporter deux cent quarante tonnes, son poids total est de six cent cinquante tonnes
maxi au décollage.
Dernière minute, sur 5 TV : « Ce 24 mai, le professeur Vladimir Protkine a été assassiné chez lui,
dans sa riche propriété, à Simféropol, Crimée. Il a été atteint par trois balles dont une en pleine tête !
Le meurtre remonte à quelques heures seulement, c'est son assistante qui, ne le voyant pas arriver à
son cabinet pour ses consultations, a donné l'alerte.» Quelque temps plus tard : « ce spécialiste du
cancer, sosie de Vladimir Poutine, très connu pour ses recherches sur les effets de la catastrophe de
Tchernobyl était un pro-russe convaincu qui n'avait pas que des amis parmi nos compatriotes ».
3. J'eus une pensée pour le professeur qui soignait Anna, que j'avais rencontré très récemment et avec
qui j'avais eu quelques mots, j'eus un frisson dans le dos en apprenant cette terrible nouvelle.
*
Presque chaque été Anna eut la chance, si l'on peut dire, de venir passer deux ou trois semaines en
Alsace, l'arrivée de l'avion nous comblait d'aise, moi surtout ! Anna était presque aussi grande que
moi, la petite blonde du début laissa tout doucement la place à une enfant à la chevelure plutôt
châtain avec des reflets auburn, je la trouvai toujours plus belle avec ses petites taches de rousseur,
ses yeux qui restaient bleu ciel, une jolie bouche dont une dent était – très – légèrement décalée, un
nez fin. Elle était plutôt introvertie, elle est restée un tout petit peu timide ce qui ne veut pas dire
qu'elle se laisse « marcher sur les pieds ! ». Elle est svelte, ce qui n'est pas mon cas. Moi je me
trouve « pas mal », seuls mes sourcils un peu épais étonnaient un peu quand j'étais enfant pour
quelqu'un de type, disons germanique (blond tirant sur le roux avec les années), je n'étais pas du
genre très raffiné, me disait-on mais ça ne me touchait pas outre mesure, je n'avais pas (et n'ai
toujours pas) une allure très sportive ! Je suis – encore – légèrement timide mais je sais ce que je
veux. Je suis de grande taille maintenant.
*
Tchernobyl, pour nous les enfants des environs de Ribeauvillé, c'est loin, enfin je veux parler de la
catastrophe, bien sûr les plus jeunes d'entre nous n'en ont plus un souvenir bien précis, voire plus
aucun, c'est surtout nos parents qui ont été profondément marqués par ce ballet incessant
d'hélicoptères MI-6 dont les pilotes et opérateurs chargés de jeter des centaines de tonnes de plomb
sur le réacteur incontrôlable seraient voués à une mort certaine. La catastrophe de la centrale
nucléaire coûta plusieurs milliers de vies, les autorités soviétiques – tout au moins au début –
minimisèrent l'accident mais durent accepter l'évidence et « déporter » si l'on ose dire des milliers
d'habitants de Tchernobyl et environs dans des villes qui se trouvaient à des dizaines de kilomètres.
N'oublions pas que la Biélorussie et la Russie elle-même furent touchées. La famille d'Anna
emménagea à Kiev, ulitsa (rue) Irininskaya. Nous étions trois enfants à la maison, ma soeur aînée
Laura, mon frère Théo de deux ans mon cadet et moi. Les premiers jours, en 1993, Anna était
complètement perdue parmi nous, ne connaissant pas un traître mot mais les enfants ayant une
faculté d'accommodation bien supérieure à celle des adultes, après quelque temps elle faisait déjà
partie du groupe. Notre père est employé à l'Office des Eaux et Forêts et lorsqu'il a un peu de temps
libre – ça arrive quelquefois – il s'occupe de notre vigne, à l'écart du village, sur la route des vins.
Maman est enseignante, elle a beaucoup de travail pour s'occuper de nous trois mais elle est aidée
quelquefois par Laura de trois ans mon aînée (avec le temps moi aussi je participe).
L'été suivant, Anna ne put venir, j'en souffris beaucoup, heureusement nous nous écrivions, mes
parents ne trouvaient rien à « redire ». La langue ukrainienne ne passe pas pour être une langue
facile, je faisais quelques progrès, je me mettais au Russe aussi, très utilisé là-bas, c'est bien
différent de l'ukrainien. L'année suivante je l'attendais de pied ferme, elle faillit ne pas venir encore
une fois, pour des « problèmes de papiers » mais cela s'arrangea, ouf.
Je vous encourage à acheter ce livre chez The Book Édition (j'ai ajouté trois autres « histoires »).