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Cancer/Radiother 2001 ; 5 : 109-29
© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés
S1278321801000877/SSU
                                                                                                                             Mise au point



 Mécanismes moléculaires contrôlant le cycle cellulaire : aspects fondamentaux
                      et implications en cancérologie

                        J.F. Viallard1,2*, F. Lacombe2, F. Belloc2, J.L. Pellegrin1, J. Reiffers2
  1
      Service de médecine interne et maladies infectieuses, centre François-Magendie, hôpital du Haut-Lévêque, 5, avenue Magellan, 33604 Pessac,
         France ; 2laboratoire de greffe de moelle, UMR-CNRS 5540, université Victor-Segalen, 146, rue Léo-Saignat, 33076 Bordeaux, France

                                                (Reçu le 16 juin 2000 ; accepté le 13 décembre 2000)




  ´
RESUME   ´                                                                   (p16INK4A, p15 INK4B, p18INK4C, p19INK4D) qui interagissent
Introduction. – La connaissance des mécanismes régulant la                   spécifiquement avec CDK4 et CDK6, et les membres de la
division des cellules eucaryotes a progressé très rapidement                 famille CIP/KIP (p21CIP1/WAF1, p27KIP1 et p57KIP2) qui inhi-
au cours des dernières années et les molécules régulatrices                  bent un grand nombre de CDK. L’interaction entre p16INK4A,
du cycle cellulaire jouent un rôle de plus en plus important                 cycline D/CDK, et pRb/E2F constitue une unité fonctionnelle
dans les processus cancéreux. Nous nous proposons dans                       connue sous le nom de « voie pRb ». Chacun des compo-
cette revue de décrire les principaux mécanismes de contrôle                 sants de cette voie peut être déréglé dans un processus can-
du cycle cellulaire. Nous aborderons, par quelques exem-                     céreux, et de plus en plus de données désignent cette voie
ples, les liens entre la dérégulation du cycle cellulaire et                 comme une cible obligatoire des étapes de l’oncogénèse
l’oncogénèse.                                                                dans pratiquement tous les cancers.
Actualités et points forts. – Le cycle cellulaire des cellules de            Perspectives et projets. – Les progrès réalisés dans la
mammifères est divisé en quatre phases survenant selon un                    connaissance des mécanismes régulateurs du cycle cellu-
ordre établi, chaque phase ne pouvant débuter que si la pré-                 laire ont permis une meilleure compréhension des mécanis-
cédente est totalement terminée. Le déroulement correct des                  mes moléculaires de la cancérisation. Ces progrès ont
phases successives du cycle cellulaire est assuré par une                    débouché sur la découverte de nouveaux leviers thérapeuti-
famille de kinases sérine–thréonine dites kinases dépendan-                  ques, et de nouvelles molécules sont en développement.
tes des cyclines (CDK). La chronologie de leur activation est                Enfin, le rôle des molécules régulatrices du cycle dans
déterminée par leurs modifications post-traductionnelles                      d’autres pathologies que le cancer est probable et reste à défi-
(phosphorylations/déphosphorylations), et par l’association à                nir. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
une cycline, qui constitue la sous-unité régulatrice du com-
                                                                             cycle cellulaire / cycline / inhibiteurs des CDK / kinases
plexe enzymatique. On distingue les cyclines dites G1 (cycli-
                                                                             dépendantes des cyclines (CDK)
nes C, D1-3 et E) qui contrôlent la progression en phase G1 et
la transition G1/S, et les cyclines dites mitotiques (cyclines A
et B) qui interviennent à la transition G2/M et en mitose. Les
complexes cycline/CDK activés phosphorylent (et en consé-                    ABSTRACT
quence inhibent), entre autres, la protéine suppresseur de                   Molecular mechanisms controling the cell cycle: main con-
                                                                             siderations and implications in oncology.
tumeur pRb qui bloque le passage vers la phase S en répri-
                                                                             Introduction. – Comprehension of cell cycle regulation
mant l’activité transcriptionnelle des facteurs de la famille
                                                                             mechanisms has progressed very quickly these past few years
E2F. Les cyclines D et leurs partenaires CDK4 et CDK6 ont
                                                                             and regulators of the cell cycle have gained widespread
des propriétés pro-oncogènes mais leur fonction est régulée
                                                                             importance in cancer. This review first summarizes major
par une série d’inhibiteurs qui se lient à eux et inhibent leur
                                                                             advances in the understanding of the control of cell cycle
activité kinase. On distingue les membres de la famille INK4
                                                                             mechanisms. Examples of how this control is altered in
                                                                             tumoral cells are then described.
                                                                             Current knowledge and key points. – The typical mamma-
*Correspondance et tirés à part.
Adresse e-mail : jean-françois.viallard@chu-bordeaux.fr                      lian cell cycle consists of four distinct phases occurring in a
(J.F. Viallard).                                                             well-defined order, each of which should be completed
110                                                            J.F. Viallard et al.

successfully before the next begins. Progression of eukaryotic              laire » faisant de la cellule l’unité de base de tout orga-
cells through major cell cycle transitions is mediated by                   nisme vivant. En 1858, l’Allemand Rudolf Virchow
sequential assembly and activation of a family of serine-                   (1821–1902) a complété cette théorie en formulant le
threonine protein kinases, the cyclin dependent kinases                     célèbre axiome : « toute cellule provient d’une cellule »,
(CDK). The timing of their activation is determined by their                conduisant au concept de multiplication cellulaire par
post-translational       modifications        (phosphorylations/             division. L’œuf issu de la fécondation d’une cellule
dephosphorylations), and by the association of a protein                    sexuelle femelle par un gamète mâle, et qui donne nais-
called cyclin, which is the regulatory subunit of the kinase                sance à un embryon à partir duquel se construit, division
complex. The cyclin family is divided into two main classes.                après division, un organisme aussi complexe que
The ‘G1 cyclins’ include cyclins C, D1-3, and E, and their                  l’homme, est devenu, à la fin du XIXe siècle, le symbole
accumulation is rate-limiting for progression from the G1 to S              de ce processus vital.
phase. The ‘mitotic or G2 cyclins’, which include cyclin A                     Cependant, au cours du développement embryonnaire,
and cyclin B, are involved in the control of G2/M transition
                                                                            les cellules se différencient pour permettre la formation
and mitosis. The cyclins bind to and activate the CDK, which
                                                                            des divers organes. Au cours de ce processus, la division
leads to phosphorylation (and then inhibition) of the tumor
                                                                            cellulaire est inhibée dans certaines régions de l’embryon.
suppressor protein, pRb. pRb controls commitment to
                                                                            De même, chez les organismes pluricellulaires adultes, il
progress from the G1 to S phase, at least in part by repressing
                                                                            existe une hétérogénéité parmi les cellules. Certaines cel-
the activity of the E2F transcription factors known to promote
                                                                            lules différenciées ne se divisent plus (cellules du muscle
cell proliferation. Both the D-type cyclins and their partner
                                                                            squelettique par exemple), d’autres continuent à se divi-
kinases CDK4/6 have proto-oncogenic properties, and their
                                                                            ser pendant toute la vie de l’organisme (c’est le cas des
activity is carefully regulated at multiple levels including
                                                                            cellules souches hématopoïétiques), d’autres enfin ne se
negative control by two families of CDK inhibitors. While
members of the INK4 family (p16INK4A, p15 INK4B, p18INK4C,
                                                                            divisent que pour réparer une lésion ou compenser la mort
p19INK4D) interact specifically with CDK4 and CDK6, the
                                                                            d’autres cellules (cellules de la peau par exemple). Toutes
CIP/KIP inhibitors p21CIP1/WAF1, p27KIP1 and p57KIP2 inhibit
                                                                            ces différences ne peuvent s’expliquer que par l’existence
a broader spectrum of CDK. The interplay between p16INK4A,                  d’un mécanisme de contrôle de la division cellulaire. Il
cyclin D/CDK, and pRb/E2F together constitute a functional                  fallait donc identifier les molécules participant à la crois-
unit collectively known as the ‘pRb pathway’. Each of the                   sance et à la division de la cellule pour ensuite élucider
major components of this mechanism may become deregu-                       les mécanismes de régulation du cycle de division. Ces
lated in cancer, and accumulating evidence points to the                    molécules ont été découvertes dans les levures, les œufs
‘pRb pathway’ as a candidate obligatory target in multistep                 d’amphibiens puis dans les cellules de mammifères. Les
oncogenesis of possibly all human tumor types.                              15 dernières années ont connu une véritable explosion des
Future prospects and projects. – Major advances in the                      connaissances des mécanismes qui régulent le cycle cel-
understanding of cell cycle regulation mechanisms provided                  lulaire. Cela a permis de proposer des principes généraux
a better knowledge of the molecular interactions involved in                qui semblent régler la division cellulaire chez des êtres
human cancer. This progress has led to the promotion of new                 vivants aussi différents que l’homme, la levure de bière
therapeutic agents presently in clinical trials or under devel-             (saccharomyces cerevisiae) ou encore la levure fissile
opment. Moreover, the components of the cell cycle are                      (saccharomyces pombe). Du coup ces découvertes ont
probably involved in other non-cancerous diseases and their                 ouvert la voie à une meilleure compréhension des méca-
role must be defined. © 2001 Éditions scientifiques et médi-                  nismes moléculaires de la cancérisation qui découle de la
cales Elsevier SAS                                                          multiplication de cellules anormales.
                                                                               Le déroulement ordonné des différentes phases du
cell cycle / cyclin / cyclin dependent kinase (CDK) / inhibitors of
CDK
                                                                            cycle cellulaire ainsi que leur régulation par les stimuli
                                                                            intra- et extracellulaires sont régulés par des protéines
                                                                            sérine/thréonine kinases : les kinases dépendantes des
Jusqu’au XIXe siècle, les scientifiques n’avaient qu’une                     cyclines ou CDK (cyclin dependent kinase) [120]. Les
vague idée des éléments qui constituent les êtres vivants                   CDK subissent des phosphorylations qui modulent leur
et de la façon dont ceux-ci peuvent se développer et croî-                  activité. Cette activité est de plus dépendante de l’asso-
tre. En 1665, l’Anglais Robert Hooke avait bien décrit les                  ciation avec des protéines appelées cyclines dont l’expres-
unités microscopiques qu’il discernait, avec un micros-                     sion (synthèse et dégradation) est régulée lors de la pro-
cope de sa fabrication, dans des coupes de liège. Il les                    gression dans le cycle. À ce jour, pas moins de huit CDK
nomma cellules, du latin cellula, petite chambre. À la fin                   (CDK1 à CDK8) et huit différents types de cyclines ont
des années 1830, deux Allemands, le botaniste Matthias                      été mis en évidence et clonés chez les mammifères. Enfin,
Schleiden (1804–1881), puis le zoologiste Théodor                           l’activité des CDK est négativement régulée par des inhi-
Schwann (1810–1882), ont proposé la « théorie cellu-                        biteurs (cyclin dependant kinase inhibitor ou CKI). Ainsi,
Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire                                  111

les mécanismes de régulation du cycle font intervenir trois
groupes de protéines : les CDK, les cyclines et les CKI.
   Nous nous proposons dans cette revue de décrire les
principaux aspects fondamentaux qui régissent la progres-
sion dans le cycle cellulaire. Par ailleurs, nous verrons,
par quelques exemples, quelles répercussions les altéra-
tions survenant dans ces mécanismes contribuent au pro-
cessus de cancérisation. Il ne s’agit pas ici de faire une
revue exhaustive mais d’apporter les bases fondamentales
nécessaires à la compréhension du rôle oncologique des
protéines du cycle cellulaire.

      LES ÉTAPES DU CYCLE CELLULAIRE

Les eucaryotes, de la levure à l’homme, ont des cycles de
division similaires. Les premières études par microscopie
optique ont permis de définir cinq étapes dans le cycle                               Figure 1. Les étapes du cycle cellulaire.
cellulaire : G0, G1, S, G2 et M (figure 1). G1 signifie
« pause 1 » (gap = pause, d’où le G) car il s’agit d’une
pause dans le cycle durant laquelle on n’observe, au                  contrôlent la croissance cellulaire et la différenciation
microscope, aucun phénomène lié au cycle cellulaire. La               dans les organismes multicellulaires semblent donc liés à
plupart des cellules adultes, différenciées, ne se divisant           la machinerie du cycle cellulaire présente en phase G1.
pas, se trouvent en phase G1 ou en état de quiescence qui                Il y a 20 ans, Temin a montré que des cellules de poulet
définit la phase G0. S signifie « synthèse » d’ADN. C’est               deviennent indépendantes des signaux mitogènes exté-
pendant cette phase que les chromosomes se répliquent.                rieurs plusieurs heures avant d’entrer en phase S [166].
Le brin nouvellement synthétisé est exactement complé-                Cette notion a été reprise et développée plus tard par Par-
mentaire à la matrice. G2 signifie « pause 2 », c’est le               dee qui a introduit le terme de point de restriction (R)
second arrêt du cycle cellulaire, la cellule se préparant à           [113]. R est le moment de G1 après lequel les cellules peu-
la mitose. L’étape M est la mitose. Les chromosomes se                vent proliférer indépendamment des stimuli extérieurs.
condensent et deviennent visibles sous la forme d’entités                La progression en début de phase G1 des cellules qui
indépendantes. Les deux organisateurs des microtubules,               sortent de la mitose (cellules dites postmitotiques, pm) est
ou corps polaires, se déplacent pour se retrouver chacun              rapidement interrompue si on enlève les facteurs de crois-
d’un côté du noyau. Des faisceaux de microtubules se                  sance du milieu de culture ou si on inhibe la synthèse pro-
développent à partir des corps polaires pour former le                téique (20 à 50 % d’inhibition) [184]. Néanmoins, au-delà
fuseau mitotique. Quelques-uns de ces microtubules                    d’un certain temps après la mitose (qui diffère selon le
s’attachent aux kinétochores des chromosomes qui, ainsi               type de cellule, fibroblastique ou épithéliale par exemple)
attachés, s’alignent alors sur la plaque métaphasique qui             les cellules ne s’arrêtent plus, même si les facteurs mito-
est un plan situé à mi-chemin entre les corps polaires.               gènes sont retirés du milieu, mais avancent et effectuent
Lorsque tous les kinétochores sont attachés aux microtu-              un cycle complet. On distingue donc les cellules dites
bules et alignés sur la plaque métaphasique, un signal est            G1-pm (cellules postmitotiques arrêtées par la privation
donné et l’anaphase débute. Les chromosomes commen-                   en facteurs de croissance) et les cellules dites G1-ps (pré-
cent à se déplacer vers les pôles qui s’éloignent par                 phase S) qui sont capables d’initier une réplication de
ailleurs l’un de l’autre. Enfin, la cellule se divise (c’est la        l’ADN en absence de facteurs mitogènes (figure 2). La
cytodiérèse) pour produire deux cellules filles en phase               transition qui fait passer une cellule de la phase G1-pm à
G1.                                                                   la phase G1-ps correspond au terme anglo-saxon commit-
                                                                      ment : c’est l’engagement irréversible de la cellule vers
    LA NOTION DE POINT DE RESTRICTION                                 un cycle chromosomique complet. Cette transition corres-
                                                                      pond au point R dit de restriction.
Une cellule ne peut entrer en cycle que sous l’effet de fac-
teurs stimulateurs appelés mitogènes. Pendant la phase                                        LES CYCLINES
G1, la cellule décide si elle continue à progresser dans le
cycle cellulaire, ce qui aboutira à la division cellulaire, ou        Les cyclines sont une famille de protéines qui subissent
si elle quitte le cycle et entre alors dans un état de quies-         des variations de leur taux au cours du cycle et qui parta-
cence (G0) ou de différenciation. Les mécanismes qui                  gent toutes un degré de similitude quant à leur composi-
112                                                    J.F. Viallard et al.




                                                                              Figure 2. Modèle du cycle cellulaire basé sur des expériences
                                                                              faites sur des fibroblastes humains. Les cellules sortent de la
                                                                              mitose et entrent à nouveau en phase G1-pm. La progression
                                                                              jusqu’au point R est dépendante des facteurs de croissance (FC).
                                                                              Si les FC sont enlevés du milieu, les cellules entrent dans un état
                                                                              de quiescence (G0). Lorsque les FC sont réintroduits, les cellules
                                                                              retournent au même point de la phase G1-pm qu’elles ont quitté
                                                                              lors de leur entrée en quiescence (d’après Zetterberg et al. [184]).



tion en acides aminés. En effet, les cyclines sont définies          se situe en G2/M [119]. La figure 3B est un exemple du
par une région commune d’environ 100 acides aminés                  profil d’expression des principales cyclines dans la lignée
appelée cyclin box qui sert à lier et à activer les CDK [68,        HeLa au cours du cycle cellulaire.
78] (figure 3A). On distingue d’une part les cyclines dites            Ces deux types de cyclines varient dans leur structure
« START » ou G1 qui atteignent leur pic d’expression en             générale : les cyclines mitotiques ont environ 200 acides
phase G1 (cycline C, cyclines D : D1, D2 et D3) ou à la             aminés situés dans la partie N-terminale (figure 3A) alors
transition G1/S (cycline E) et d’autre part les cyclines            que les cyclines START s’étendent en C-terminal pour for-
dites mitotiques (cyclines A et B) dont le pic d’expression         mer une région riche en proline, acide glutamique, sérine




                                                                                 Figure 3. A : schéma général de la composition des cyclines.
                                                                                 B : exemple d’expression des cyclines au cours du cycle cel-
                                                                                 lulaire dans la lignée cellulaire HeLa.
Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire                               113

et thréonine appelée « PEST ». Cette région PEST joue                 Les cyclines mitotiques
un rôle dans le renouvellement rapide de ces cyclines et
leur confère une demi-vie très courte [69, 80].                       Les cyclines mitotiques comprennent la cycline A et la
                                                                      cycline B. Elles possèdent une séquence d’acides aminés
                                                                      partiellement conservée (dénommée destruction box)
Les cyclines D                                                        située en partie N-terminale, indispensable à leur destruc-
                                                                      tion rapide et soudaine spécifiquement pendant la mitose
                                                                      [39]. Cette destruction se fait par la voie de la protéolyse
Les cyclines de type D sont au nombre de trois et sont les            dépendante de l’ubiquitine [161]. Le taux des cyclines
premières à apparaître lors d’une stimulation par des                 mitotiques augmente progressivement au cours des pha-
mitogènes. Elles sont synthétisées tout au long de la sti-            ses S et G2 pour atteindre un pic en mitose. Les cyclines
mulation tant que le facteur de croissance reste dans le              A et B interagissent toutes les deux avec la kinase CDK1
milieu si bien que les taux des cyclines D varient peu au             pour déclencher la mitose et la dégradation de ces deux
cours du cycle, avec néanmoins un pic d’expression en                 protéines est nécessaire pour que la cellule sorte de la
G1–S. Inversement, dès que le mitogène est retiré du                  mitose [98, 135]. Cependant, la synthèse et la destruction
milieu, les cyclines D sont rapidement détruites, quelle              de la cycline A ont toujours lieu en avance par rapport à la
que soit la position de la cellule dans le cycle [151] : si la        cycline B [98, 135].
cellule a dépassé le point R, leur destruction est sans
effet ; si la cellule est en G1, la destruction des cyclines D
                                                                      La cycline A
empêche la cellule d’aller plus loin dans le cycle. Leur
                                                                      La cycline A est une protéine de 60 kD qui apparaît à la
synthèse débute en début de G1 et leur activité sur les
                                                                      transition G1/S. C’est la première cycline qui a été clonée
kinases ne se fait qu’en milieu de G1 et augmente au fur et
                                                                      et séquencée [164]. Elle est située en position nucléaire
à mesure que les cellules approchent de la transition G1-S
                                                                      [117]. Elle a d’abord été considérée comme une cycline
[92, 96]. Les partenaires catalytiques majeurs des cycli-
                                                                      mitotique ne jouant un rôle qu’à la transition G2/M, mais
nes D sont CDK4 et CDK6 [4, 92, 96]. La fonction pri-
                                                                      plusieurs expériences ont permis de démontrer que la
maire des cyclines D est de stimuler la progression en
                                                                      cycline A agissait plus précocement dans le cycle cellu-
phase G1. En dépit de leur similitude, les membres de la
                                                                      laire, étant détectée et activée dès la fin de la phase G1
famille des cyclines D sont différemment exprimés selon
                                                                      juste avant l’entrée en phase S [7]. L’activité kinase asso-
la lignée cellulaire. Ainsi, la cycline D1 est absente des
                                                                      ciée à la cycline A à la transition G1/S est celle de CDK2
cellules de la lignée lymphoïde [1].
                                                                      et non pas CDK1 [28, 134]. La surexpression de la cycline
                                                                      A entraîne une entrée prématurée en phase S [133].
                                                                         Les cyclines E et A sont nécessaires au passage en
La cycline E                                                          phase S mais ont des fonctions différentes. La cycline A
                                                                      serait utile pour débuter la réplication de l’ADN. Le com-
La cycline E est une protéine nucléaire de 50 kD dont                 plexe cycline A/CDK2 se lie au facteur de transcription
l’expression est maximale en fin de phase G1, après l’aug-             PCNA (proliferating cell nuclear antigen, qui est une
mentation des cyclines D [69]. Elle agit en fin de phase               sous-unité de la polymérase δ de l’ADN intervenant dans
G1 en se complexant avec CDK2 [24, 70]. Le complexe                   la réplication et la réparation de l’ADN) au niveau de cer-
cycline E/CDK2 a une forte activité kinase juste avant                tains sites de réplication de l’ADN et l’inhibition de la
l’entrée des cellules en phase S et phosphoryle la protéine           cycline A par des anticorps inhibe la synthèse de l’ADN
du rétinoblastome (pRb) [49, 169]. La surexpression de la             dans des cellules humaines [8, 109].
cycline E raccourcit la durée de la phase G1, diminue la
taille de la cellule, diminue la dépendance aux facteurs de           La cycline B
croissance et prolonge la durée de la phase S [106, 129].             Il existe trois cyclines B : B1, B2, B3. La cycline B1 est
Des cellules bloquées en phase G1 débutent quand même                 la mieux connue et joue un rôle important dans les méca-
la réplication de leur ADN quand la cycline E est surex-              nismes de déclenchement de la mitose. La cycline B1 est
primée [129]. Des anticorps dirigés contre la cycline E               cytoplasmique pendant l’interphase (en association avec
injectés dans des cellules en phase G1 inhibent l’entrée en           les microtubules et les centrosomes) jusqu’à la fin de la
phase S [106]. Cette inhibition n’a pas lieu si l’injection           prophase où elle est transférée brutalement dans le noyau
se fait dans des cellules en phase S ce qui signifie que la            alors que la cycline A reste nucléaire [117, 118]. La
cycline E est indispensable à la transition G1/S. Au cours            cycline B1 est intéressante car c’est une des premières
de la phase S, l’expression de la cycline E diminue car               protéines du cycle dont la régulation est non seulement
elle est dégradée par le protéasome après action de l’ubi-            temporelle mais aussi spatiale. En effet, les choses ne sont
quitine [178].                                                        pas figées. La cycline B1 circule continuellement entre le
114                                                                 J.F. Viallard et al.

                                                                                 phase, la destruction de la cycline B1 s’opère par la voie
                                                                                 de la polyubiquitination ce qui est indispensable à l’inac-
                                                                                 tivation du complexe cycline B1/CDK1 et à la sortie de la
                                                                                 mitose [39]. La destruction est initiée par le cyclosome
                                                                                 [65].

                                                                                 Les cyclines virales

                                                                                 Les virus du groupe herpès dérèglent le cycle cellulaire.
                                                                                 Ainsi, l’EBV (Epstein-Barr virus) immortalise les lym-
                                                                                 phocytes B en exprimant deux protéines, EBNALP et
                                                                                 EBNA2 qui permettent une surexpression de la cycline
                                                                                 D2 [156]. D’autres mécanismes d’action interviennent et
                                                                                 notamment la sécrétion de cyclines dites virales. Des tra-
                                                                                 vaux récents ont été rapportés concernant l’herpès virus 8
                                                                                 (HHV8) agent du sarcome de Kaposi, mais qui est égale-
Figure 4. La cycline B1 a une localisation cytoplasmique jusqu’à la              ment associé à la maladie de Castleman et à certains lym-
prophase (représentée en gris sur la figure). Il existe un va-et-vient per-
manent de la cycline B1 entre le noyau et le cytoplasme mais l’import            phomes survenant notamment chez les sujets infectés par
nucléaire (assuré par l’importine β) est contrebalancé par l’export              le virus de l’immunodéfiscience humaine (VIH). Le
nucléaire (assuré par CRM1) qui est plus rapide si bien que la cycline           génome de l’HHV8 contient plusieurs gènes qui parta-
B1 est cytoplasmique. À la prophase, la phosphorylation de quatre rési-
dus serine dans le site appelé CRS de la cycline B1 empêche la recon-            gent de grandes similitudes avec des gènes impliqués dans
naissance de la cycline B1 par CRM1 si bien que la cycline B1 devient            le contrôle du cycle cellulaire et de l’apoptose [138]. Un
nucléaire.                                                                       de ces gènes qui code pour une protéine homologue aux
                                                                                 cyclines de mammifères est dénommé cycline K [11].
noyau et le cytoplasme pendant l’interphase [41, 42, 167].                       Deux autres cyclines virales ont été également identi-
Cependant, la cycline B1 s’accumule dans le cytoplasme                           fiées : la cycline V et la cycline M qui sont codées par des
car l’import nucléaire est contrebalancé par l’export                            herpès virus contaminant des animaux [163]. Ces cycli-
nucléaire qui est plus rapide. En effet, pendant l’inter-                        nes ont une homologie de séquence étroite avec les cycli-
phase, le complexe cycline B1/CDK1 est maintenu dans                             nes D ; par ailleurs, les cyclines K et V forment préféren-
le cytoplasme grâce à l’activité d’un facteur nucléaire                          tiellement des complexes avec la kinase CDK6 [40]. Les
d’exportation appelé CRM1 ou exportine. En position                              cyclines virales ressemblent donc aux cyclines D tant par
N-terminale, la cycline B1 possède un signal dit de réten-                       leur fonction que par leur séquence. Leur expression
tion cytoplasmique (CRS) qui correspond à une région de                          entraîne des dérèglements du cycle donnant un avantage
42 acides aminés [118]. Si on injecte dans le noyau de                           prolifératif aux cellules infectées.
cellules HeLa en phase G2, de la cycline B1 dépourvue du
CRS, la protéine reste nucléaire. Le CRS est donc plus un                        Implications des cyclines en cancérologie
signal d’export nucléaire qu’un signal de rétention cyto-
plasmique. Le CRS possède une région hydrophobe de 11                            Parmi les cyclines jouant un rôle dans la progression de la
acides aminés hautement conservée parmi les cyclines de                          phase G1 et dans le passage à la phase S (cyclines D,
type B chez les mammifères. Dans cette région, il existe                         cycline E et cycline A), seules les cyclines D sont fré-
quatre résidus sérine qui, s’ils sont phosphorylés, empê-                        quemment impliquées dans les tumeurs. L’exemple le
chent la reconnaissance du CRS par CRM1. En consé-                               plus marquant est l’expression ectopique de la cycline D1
quence, c’est la phosphorylation de ces quatre résidus                           dans les lymphomes B (notamment les lymphomes du
sérine qui stoppe la sortie de la cycline B1 du noyau en                         manteau folliculaire) [144]. Cette expression anormale est
prophase (figure 4). Les protéines kinases qui phospho-                           le plus souvent la conséquence de la juxtaposition du gène
rylent la cycline B1 en CRS pour réguler sa rétention                            de la cycline D1 aux régions régulatrices des chaînes lour-
nucléaire restent à identifier.                                                   des des immunoglobulines par une translocation
   Dès que la cycline B1 devient nucléaire, l’enveloppe                          t(11 ;14)(q13 ;q32).
nucléaire explose, signifiant que le complexe cycline                                La cycline D1 a été la première cycline D à être iden-
B1/CDK1 agit comme une kinase des lamines nucléaires.                            tifiée dans les macrophages de souris [93]. Elle a égale-
La cycline B1 se lie alors à l’appareil mitotique, en par-                       ment été identifiée comme le produit du gène PRAD1, un
ticulier aux pôles du fuseau et à ses fibres principales. En                      réarrangement connu dans les adénomes humains para-
début de métaphase, la cycline B1 s’associe transitoire-                         thyroïdiens [101] (inversion du chromosome 11, le gène
ment aux chromosomes condensés. Dès l’entrée en ana-                             de D1 devenant lié au gène codant pour la parathormone,
Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire                              115

inv [11] [p15 ;q13]), le produit de l’oncogène bcl-1 [176]              CDK2 a une masse moléculaire de 33 kDa. Son gène
(translocation 11 ;14 [q13 ;q32]). La translocation (11 ;             est localisé sur le chromosome 12 en 12q13 [19]. Elle
14) est caractéristique des lymphomes du manteau et                   acquiert une activité kinase en association avec la cycline
déplace l’enhancer du gène codant pour la chaîne lourde               A ou E [121, 19]. Le complexe cycline A/CDK2 déve-
des immunoglobulines dans le locus de la cycline D1,                  loppe une activité kinase dès la phase G1 tardive jusqu’à
laissant le codage de D1 ininterrompu. La cycline D1 est              la métaphase, quand la cycline A est détruite. L’activité
surexprimée dans beaucoup de cancers soit par amplifi-                 kinase du complexe cycline E/CDK2 se manifeste aussi
cation de son gène (43 % des carcinomes tête et cou, 34 %             dès la phase G1, atteint son maximum en début de phase
des carcinomes de l’œsophage, 15 % cancers de la vési-                S, puis disparaît [121, 19]. Cette kinase, en association
cule, 13 % des cancers du sein, 10 % des carcinomes                   avec la cycline E, est indispensable à la mise en route de
bronchiques à petites cellules et des hépatocarcinomes)               la réplication de l’ADN [169]. Durant la phase S, la
soit par translocations ciblant le locus de D1 sur le chro-           cycline E est remplacée dans ce complexe par la cycline
mosome 11q13 [44].                                                    A [77].
   La cycline D2 est codée par un gène situé sur le chro-               À la différence de la plupart des CDK connues, CDK4
mosome 12p13 [56]. Ce gène a été identifié comme le site               n’a pas d’activité kinase sur les histones H1. Son gène est
d’intégration d’un provirus murin responsable d’une leu-              localisé sur le chromosome 12 en 12q13, dans la même
cémie T chez la souris et qui entraîne une surexpression              région que CDK2 [19]. Ses partenaires régulateurs sont
de la cycline D2 [45]. La cycline D2 est parfois surexpri-            les cyclines D [91]. Le complexe cycline D1/CDK4
mée dans certaines proliférations malignes telles que les             devient actif comme kinase au milieu de la phase G1, avec
hémopathies lymphoïdes chroniques B [18] ou dans les                  une activité maximale à la transition G1/S, et reste détec-
lymphocytes B transformés par l’EBV [156].                            table jusqu’à la mitose [92]. Les souris knock-out pour
   La cycline D3 est codée par un gène situé sur le chro-             CDK4 sont viables, mais sont de petite taille et stériles
mosome 6p21 [56]. Ce gène n’a pas été identifié comme                  [128]. Ces souris développent un diabète en raison d’un
un proto-oncogène bien qu’il soit réarrangé dans de mul-              déficit en cellules pancréatiques. CDK4 pourrait être un
tiples désordres lymphoprolifératifs.                                 régulateur spécifique de certains types de cellules.
                                                                        CDK5 est retrouvée à des taux élevés dans les neurones
                                                                      et joue un rôle essentiel dans le métabolisme cérébral.
 LES KINASES DÉPENDANTES DES CYCLINES                                 CDK5 est particulière car elle n’est pas activée par une
                 (CDK)                                                cycline et possède des activateurs qui lui sont propres
                                                                      [146].
Toutes les kinases ont dans leur extrémité NH2 terminale                CDK6 est une protéine de 40 kDa formant des comple-
une séquence xGxPxxxxREx (où x représente n’importe                   xes avec toutes les cyclines D. Elle a une activité kinase
quel acide aminé). Il s’agit d’une région conservée qui               sur pRb. Après la stimulation des lymphocytes T par la
correspond au domaine de liaison aux cyclines [23, 30].               PHA, cette activité se manifeste dès le milieu de la phase
Les CDK sont au nombre de huit.                                       G1 [96].
   CDK1 (ou p34cdc2) est la première CDK décrite chez                   CDK7 phosphoryle CDK1, CDK2 et CDK4 respective-
l’homme. CDK1 est absente des cellules quiescentes.                   ment sur les résidus thréonine (Thr) 161, 160 et 172, ce
Dans les cellules qui prolifèrent, elle peut être détectée            qui conditionne leur activation comme kinase des histo-
tout au long du cycle mitotique, mais son ARN messager                nes H1. Elle se lie à la cycline H et subit une phospho-
(ARNm) varie au cours du cycle, avec un minimum en                    rylation sur la Thr 170 pour acquérir l’activité kinase
phase G1 [37]. Dans de nombreux types cellulaires, la                 (homologie avec les Thr 161 de CDK1, 160 de CDK2 et
concentration de la protéine varie peu au cours de l’inter-           172 de CDK4 toutes faisant l’objet de phosphorylations
phase mais dans les cellules lymphoïdes humaines,                     activatrices). Le complexe cycline H/CDK7 est dénommé
celle-ci suit les mêmes variations au cours du cycle cel-             CAK (CAK : CDK activating kinase). Ni l’expression de
lulaire que celles de son ARNm [177]. L’activité enzyma-              la protéine CDK7, ni son activité enzymatique ne varient
tique de CDK1 ne se manifeste que pendant une période                 au cours du cycle mitotique des cellules proliférantes, ce
très courte à la transition G2/M, entraînant le déclenche-            qui suggérerait un mécanisme particulier gouvernant son
ment de celle-ci. L’initiation de la mitose est dirigée de            action sur les autres CDK [14].
façon temporelle et spatiale par une cascade de phospho-                CDK8 est le partenaire CDK de la cycline C.
rylation de protéines qui aboutit à l’activation du com-
plexe cycline B1/CDK1 [105]. Durant la phase S, CDK1                  Régulation de l’activité CDK
s’associe à la cycline B synthétisée de novo. CDK1 peut
aussi être activée par la cycline A avant l’activation par la         L’activation d’une CDK est régulée à trois niveaux :
cycline B.                                                            – la liaison à une cycline,
116                                                    J.F. Viallard et al.

– la phosphorylation,
– la liaison à des protéines aux fonctions variables mais
en général inhibitrices.

La liaison à une cycline est indispensable
Une CDK a une structure bilobaire [15, 66, 67] et lie son
substrat et l’ATP dans une partie située entre les deux
lobes. Dans sa forme inactive monomérique, une CDK se
lie à l’ATP dans une conformation qui rend impossible
une attaque nucléophilique par un substrat hydroxyle sur
le pont β-γ phosphate de l’ATP. De plus, une partie
conservée de la kinase (appelée boucle T), cache la fente
catalytique et empêche la liaison aux substrats. La liaison
à une cycline entraîne un changement de conformation de
la CDK (figure 5A). Par exemple, en se liant à la kinase
CDK2, la cycline A modifie l’orientation de l’ATP dans la
fente catalytique et provoque un déplacement de la bou-
cle T [58, 60]. Ces deux événements ont pour consé-
quence une neutralisation des deux facteurs principaux
qui gardent CDK2 dans une forme inactive. Les régions
de la cycline A et de CDK2 qui interagissent entre elles
sont conservées parmi les autres membres des cyclines et
des CDK.

La liaison à la cycline permet la phosphorylation
La liaison à la cycline ne suffit pas pour activer une CDK
(figure 5A). La liaison à une cycline fait qu’une CDK
devient accessible à l’action du complexe CAK qui phos-
phoryle un résidu thréonine (Thr161 pour CDK1, 160
pour CDK2) dans la boucle T [90]. La boucle T devient
ainsi positionnée en situation C-terminale loin de la fente
catalytique ce qui, dans l’exemple concernant CDK2 et la
cycline A, stabilise le complexe cycline A/CDK2 [58].
   Il existe une phosphatase qui réverse la phosphoryla-
                                                                    Figure 5. A : activation d’une CDK grâce à la liaison à une cycline et
tion de la boucle T en Thr par CAK : c’est la KAP (CDK-             grâce à l’action de CAK. B : exemple de régulation de l’activation de
associated phosphatase) [46, 125]. KAP peut se lier aux             CDK1. CDK1 est activée si plusieurs conditions sont réunies : la liaison
complexes cycline/CDK, mais peut déphosphoryler une                 à une cycline, la phosphorylation en Thr161 par CAK et l’absence de
                                                                    phosphorylation en Thr14 et Tyr15. La phosphorylation de ces deux der-
CDK seulement si elle est monomérique. Donc la déphos-              niers résidus se fait par des kinases dont le nom varie selon les espèces.
phorylation d’une CDK ne peut nécessairement que sui-
vre la dégradation de la cycline.
   La phosphorylation d’une CDK n’est pas forcément                 CDC25A est impliquée dans la transition G1/S ; CDC25B
synonyme d’activation. Seule la phosphorylation de Thr              et C sont impliquées dans l’initiation de la mitose.
(160 ou 161 selon la kinase) est activatrice. La phospho-
rylation de Thr14 et tyrosine (Tyr) 15 (qui s’effectue par
des kinases telles que wee1 ou Myt1 ou Mik1 selon les                  LA PROTÉINE DU RÉTINOBLASTOME (pRb)
espèces) inhibe la CDK (figure 5B). Pour être active, une
CDK doit donc être déphosphorylée sur la Thr 14 et la               pRb gardienne du point R
Tyr 15 ; c’est le rôle de CDC25 qui est une phosphatase
[25, 141]. L’activité kinase n’apparaît que lorsque la phos-        La protéine du rétinoblastome (pRb) est une sorte de gar-
phatase codée par le gène CDC25 déphosphoryle ces deux              dienne moléculaire qui empêche la progression en phase
acides aminés, débloquant ainsi l’enzyme. Le début de la            G1 [175]. pRb semble agir au point R : c’est la gardienne
mitose est donc déclenchée par l’activation de CDC25 et             de la porte du point R après lequel la cellule est engagée
l’inactivation de Wee1 (kinase qui phosphoryle la Tyr15).           irréversiblement dans les autres phases du cycle et donc
Il existe trois isoformes de CDC25 [38] : A, B et C.                la division cellulaire. pRb est hypophosphorylée (forme
Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire                                117

                                                                           cet hétérodimère est importante pour la liaison à l’ADN
                                                                           et la transactivation des gènes. L’activité des facteurs E2F
                                                                           est très strictement contrôlée au cours du cycle cellulaire :
                                                                           ils sont inactifs pendant les deux premiers tiers (environ)
                                                                           de la phase G1 (car les facteurs E2F sont liés à pRb) ; ils
                                                                           sont activés lorsque la cellule passe le point de restriction
                                                                           R. La molécule qui contrôle les facteurs E2F et autorise
                                                                           leur activation est pRb qui se lie physiquement au
                                                                           domaine transactivateur des protéines E2F. Cette interac-
                                                                           tion se fait via la région de pRb dans laquelle sont loca-
                                                                           lisées la plupart des mutations observées dans les
                                                                           tumeurs, la « poche A/B » [174]. La « poche A/B » est
                                                                           également le domaine de pRb avec lequel interagissent
                                                                           certaines protéines transformantes qui inactivent pRb,
                                                                           comme l’antigène T de SV40 ou la protéine E1A de l’adé-
                                                                           novirus.
                                                                              pRb est donc un répresseur de la transcription qui mas-
Figure 6. Les complexes cycline/CDK, en phosphorylant pRb en fin de         que le domaine transactivateur des facteurs E2F avec
phase G1, rendent possible l’expression des gènes dépendants des fac-
teurs de transcription de la famille E2F.                                  lequel la protéine pRb interagit directement, les empê-
                                                                           chant ainsi de remplir leur fonction transactivatrice. La
                                                                           phosphorylation de pRb libère les protéines E2F leur per-
active de la molécule) lors de la première partie de G1 et                 mettant de se lier aux promoteurs des gènes cités. La
devient hyperphosphorylée (et donc inactive) aux alen-                     transcription peut avoir lieu et la progression dans le cycle
tours du point R. La cellule, lorsqu’elle arrive au point R,               se poursuit au-delà du point R. Les protéines E2F ont un
ne peut progresser que si pRb devient phosphorylée.                        rôle primordial dans la transition de G1 à S, le facteur
Selon le schéma le plus probable, les complexes cyclines                   E2F-1 pouvant par exemple à lui seul promouvoir l’entrée
D/CDK4-CDK6 et cycline E/CDK2 phosphorylent pRb,                           en phase S de fibroblastes quiescents [59]. Le promoteur
inhibant ainsi son activité antiproliférative. Seules les                  de E2F-1 a plusieurs sites de fixation pour les autres fac-
cyclines de type D (pas les cyclines E ni A) peuvent se                    teurs E2F, suggérant que E2F-1 régule sa propre expres-
lier directement à pRb [22, 31]. Il est probable que pRb                   sion d’une façon dépendante du cycle, provoquant alors
reste phosphorylée au cours des phases S, G2 et M par les                  une forte augmentation des taux des protéines E2F libres
CDK dépendantes des cyclines A et B, et ne se déphos-                      en fin de phase G1 [26].
phoryle qu’une fois la mitose terminée, les cellules                          Une fois la cellule passée en phase S, les membres de la
migrant vers la phase G1 (ou G0).                                          famille E2F sont inactivés. Les complexes cycline
                                                                           A/CDK2 (pas les complexes cycline E/CDK2 qui n’ont
pRb se lie aux membres de la famille E2F                                   pas cette fonction) se lient aux membres de la famille E2F
                                                                           et phosphorylent DP-1, empêchant ainsi leur liaison à
pRb sous forme déphosphorylée exerce une action anti-                      l’ADN [71, 72].
proliférative par son association aux facteurs de transcrip-
tion de la famille E2F et les empêche ainsi de transactiver                          LES INHIBITEURS DES KINASES
des gènes nécessaires à la réplication de l’ADN. La phos-                          DÉPENDANTES DES CYCLINES (CKI)
phorylation de pRb, en fin de phase G1 libère les facteurs
E2F de l’action inhibitrice de pRb (figure 6) [87, 162].                    Quelle stratégie la cellule peut-elle mettre en jeu pour
   En effet, pRb contrôle l’activité de plusieurs protéines                freiner l’activité kinase des complexes cycline/CDK ?
notamment celles de la famille E2F qui sont des facteurs                   Durant l’année 1993, une réponse à cette question a été
de transcription régulateurs de la transcription de plu-                   apportée par la mise en évidence dans les cellules de
sieurs gènes requis pour la progression à travers le cycle                 mammifères d’une série de petites protéines capables de
cellulaire (par exemple les gènes codant pour la thymi-                    lier les complexes cycline/CDK et d’inhiber leur activité
dine kinase ou pour les cyclines A ou E) ou impliqués                      kinase. Cela fournit à la cellule un moyen d’inhiber les
dans la réplication de l’ADN (gènes codant par exemple                     complexes cycline/CDK en réponse à divers stimuli et
pour l’ADN polymérase α ou PCNA) [17, 79, 102, 103].                       réduit ses possibilités de passer le point R. Ces protéines
   Les protéines E2F sont des hétérodimères composés                       inhibitrices peuvent participer à la régulation du cycle cel-
d’une molécule E2F (E2F-1 à E2F6) et d’une des protéi-                     lulaire en retardant l’activation des divers complexes
nes de la famille DP (DP1 ou DP2) [74]. La formation de                    cycline/CDK spécifiques de G1/S jusqu’au temps adéquat
118                                                      J.F. Viallard et al.

et en assurant leur mise en œuvre ordonnée. Ainsi, une                ne s’exerçant que lorsque le taux de la protéine modula-
lésion de l’ADN déclenche l’accumulation de p53 qui                   trice devient supérieur à celui des complexes cycline/
induit l’expression de p21WAF1/CIP1 qui se lie à tous les             CDK. Bien que la saturation du complexe par p21 puisse
complexes cycline/CDK, et l’arrêt en G1 permettant la                 ainsi bloquer leur activation par CAK, p21 peut égale-
réparation de l’ADN [139].                                            ment inhiber l’activité du complexe qui a déjà subi la
  Deux grandes familles d’inhibiteurs des complexes                   phosphorylation par CAK.
cycline/CDK ont été décrites. La famille des inhibiteurs                 L’expression de p21 est universelle et l’expression de
KIP/CIP (pour CDK inhibiting protein) est constituée des              son gène est régulée par p53 [47, 180, 27]. Dans les cel-
protéines p21WAF1/CIP1 (p21), p27KIP1/ICK/PIC2 (p27) et               lules des patients atteints du syndrome de Li-Fraumeni
p57KIP2. Ces protéines partagent la propriété d’inhiber la            (maladie caractérisée par une absence d’expression de
plupart des complexes cycline/CDK. À l’opposé, les pro-               p53), p21 est absente des complexes cycline/CDK [182].
téines de la famille INK4 (pour INhibitor of CDK4),                   Inversement, la synthèse de p21 augmente quand p53 est
p16INK4a/MTS1/CDKN2/CDK4I        (p16),     p15INK4b/MTS2,            induite par une lésion de l’ADN (radiations ionisantes).
    INK4c/INK6A          INK4d/INK6B
p18             , et p19               inhibent spécifique-            En inhibant indirectement l’activité CDK, p53 empêche
ment CDK4/6. Chacune de ces protéines est codée par un                la phosphorylation de pRb et la libération des facteurs
unique gène et constituent ainsi les principaux régulateurs           E2F. Dans les cellules normales, p21 se trouve dans un
de la phosphorylation de pRb.                                         complexe quaternaire incluant la kinase, la cycline, p21 et
                                                                      PCNA [181]. p21 est capable d’inhiber directement la
La famille des inhibiteurs KIP/CIP                                    réplication de l’ADN dépendante de PCNA lors de
                                                                      l’absence de complexes cycline/CDK [171]. p21 est donc
Les protéines de cette famille sont nucléaires et ont toutes          un médiateur central du point de contrôle G1 induit par
la propriété de réprimer l’activité de toutes les CDK de              p53.
façon universelle. Leur action d’inhibition se fait par
l’intermédiaire d’un domaine situé en position                        p27kip1
N-terminale et relativement conservé entre les trois pro-
                                                                      Le gène codant pour p27 est localisé sur le chromosome
téines [122, 168]. La fixation de p27 sur une CDK
                                                                      12p13 [124]. Il a été cloné par divers groupes [122, 157,
entraîne des changements de conformation du domaine
                                                                      168] et son analyse structurale a été publiée en 1996
catalytique de la CDK bloquant ainsi l’accès à l’ATP
                                                                      [137]. p27 a été découvert dans les cellules épithéliales de
[137]. Par ailleurs, les trois protéines de cette famille CIP/
                                                                      poumon de vison (Mv1 Lu) par Koff et Massagué lors
KIP dirigent les complexes cycline D/CDK vers le noyau.
                                                                      d’études concernant l’inhibition de la prolifération cellu-
                                                                      laire par TGF-β. Le TGF-β induit un arrêt des cellules
p21CIP1/WAF1                                                          Mv1 Lu en fin de phase G1 et empêche la phosphorylation
p21 est indispensable à l’arrêt du cycle cellulaire au point          de pRb qui précède l’entrée en phase S dans les cellules
de contrôle G1 en réponse à des lésions de l’ADN [20].                en cycle. En avril 1993, Koff et Massagué ont démontré
Elle inhibe en effet la progression du cycle cellulaire en            que ces effets étaient la conséquence de l’incapacité des
se liant, par son domaine aminoterminal, aux complexes                cellules traitées par TGF-β de former des complexes
cycline/CDK de la phase G1 et, par son domaine carboxy-               cycline E/CDK2 actifs. C’est une protéine dénommée p27
terminal, à l’antigène nucléaire PCNA, bloquant ainsi                 qui, en se liant aux complexes cycline E/CDK2, empêche
l’activation de l’ADN polymérase δ [9]. Des études plus               leur activation par phosphorylation de CDK2 sur la
récentes ont montré que, parallèlement à cette action anti-           Thr160.
proliférative, p21 exerce aussi une action antiapoptotique
[57, 159].
   L’ARNm codant pour la protéine p21 est induit dans les             Mécanismes d’action de p27
fibroblastes durant la transition de G0 à G1 [81]. p21 se lie          Dans les cellules quiescentes, les taux de p27 sont relati-
aux complexes cycline D/CDK4 et cycline E/CDK2                        vement élevés alors que ceux de p21 sont bas mais aug-
durant la phase G1 donnant à penser qu’elle agirait                   mentent en réponse aux signaux mitogéniques durant la
comme un facteur d’union de la cycline et de la kinase.               progression en G1. La stimulation de lymphocytes T
Alors que les complexes ne contenant qu’une seule molé-               humains par l’interleukine (IL)-2 entraîne une chute du
cule de p21 sont actifs (activité catalytique), ceux qui en           taux de p27 [36]. p27 chute lors de la stimulation de
contiennent plusieurs sont inactifs et les changements                macrophages par CSF1 (colony stimulating factor), mais
dans la stœchiométrie de p21 sont suffisants pour rendre              la costimulation de ces mêmes cellules avec des substan-
compte de cette conversion [185]. En effet, des comple-               ces analogues ou inducteurs d’AMPc augmente le taux de
xes p21-CDK2-cycline A existent sous forme active ou                  synthèse de p27 empêchant l’activation des complexes
inactive selon la stœchiométrie de p21, l’effet inhibiteur            cyclines D/CDK et entraînant l’arrêt en G1 [63].
Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire                                          119




                                                                               Figure 7. Représentation schématique de la régulation des
                                                                               protéines CIP/KIP. Après stimulation mitogènique, les com-
                                                                               plexes cycline D/CDK séquestrent les protéines CIP/KIP ce
                                                                               qui empêche ces dernières d’inhiber les complexes cycline
                                                                               E/CDK qui dès lors peuvent phosphoryler pRb. Les facteurs
                                                                               transcriptionnels de la famille E2F sont alors libérés et aug-
                                                                               mentent la transcription du gène de la cycline E. Les comple-
                                                                               xes cycline E/CDK phosphorylent alors les protéines CIP/KIP
                                                                               qui vont être détruites par le protéasome.


   Quand la cellule entre en cycle, p27 est captée par les           premier temps l’activité des complexes cycline D/CDK
complexes cyclines D/CDK. La séquestration des molé-                 en permettant l’assemblage de la cycline D et de la CDK
cules de p21 et de p27 libres (non liées) par les complexes          et en stabilisant le complexe [12]. Dans un second temps,
cycline D/CDK allège la contrainte des molécules CIP/                quand le nombre de molécules p27 fixées sur les comple-
KIP sur les complexes cycline E/CDK2 facilitant ainsi                xes cycline D/CDK augmente, l’effet d’inhibition est mis
l’activation de ces derniers (figure 7). Il y a une compéti-          en jeu.
tion entre les complexes cycline D/CDK et cycline                       La régulation de p27 est traductionnelle [52] et post-
E/CDK2 vis-à-vis des protéines CIP/KIP. Dès que le pro-              traductionnelle [110]. Quand des fibroblastes en prolifé-
cessus de séquestration de ces protéines diminue le taux             ration sont privés de sérum la synthèse de p27 augmente,
de p27 « actif » en-dessous d’un seuil, le complexe                  mais p27 est également libérée des complexes cycline
cycline E/CDK2 facilite sa propre activation en phospho-             D/CDK car la cycline D est dégradée. La perte de l’acti-
rylant p27 en Thr187 déclenchant ainsi sa dégradation                vité des CDK dépendantes des cyclines D couplée à
[147, 170]. Les molécules résiduelles de p27 et de p21               l’inhibition de CDK2 par p27 induit l’arrêt en G1/S. L’uti-
restent liées aux complexes cycline D/CDK tout au long               lisation de nucléotides antisens dirigés contre la synthèse
des cycles successifs et le pool de ces molécules CIP/KIP            de p27 peut empêcher les cellules de devenir quiescentes
liées est libéré quand les facteurs de croissance sont reti-         [13, 132].
rés du milieu inhibant ainsi les complexes cycline E/CDK
et arrêtant la cellule en phase G1. Dans les cellules épi-           Rôles de p27 en pathologie
théliales de poumon de souris, le TGF-β inhibe la syn-               Les souris knock-out pour p27 développent beaucoup de
thèse de CDK4 [32] ce qui augmente le taux de p27 libre              tumeurs notamment hypophysaires (avec 100 % de péné-
(qui n’est pas captée par les complexes cycline D/CDK4)              trance) [34]. Le nombre de tumeurs dépend du nombre de
qui va donc se fixer sur les complexes cycline E/CDK2                 copies du gène (les souris p27-/- développent plus de
donnant lieu à un arrêt en G1 [122]. Ainsi la captation de           tumeurs que les souris p27-/+) [33]. De plus, les souris
p27 par les complexes cycline D/CDK4 permet de pro-                  knock-out pour p27 sont très sensibles aux agents carci-
mouvoir l’activité kinase des complexes cycline E/CDK2               nogènes. La perte de l’expression de la protéine pourrait
aidant à établir l’ordre d’activation.                               favoriser le développement et/ou la progression d’une
   Comme pour p21, la stœchiométrie de p27 détermine                 tumeur si bien que p27 a été étudié dans beaucoup de can-
s’il est activateur ou inhibiteur. Les protéines CIP/KIP se          cers. Néanmoins, à la différence des gènes suppresseurs
lient d’abord aux cyclines D ce qui permet l’assemblage              de tumeurs, les anomalies (mutations, délétions homo-
avec CDK4 ou CDK6 et conduit non pas à l’inhibition                  zygotes) concernant le gène sont exceptionnelles dans les
mais à l’activation et à la stabilisation du complexe. Dans          tumeurs [124, 64]. En revanche, l’absence ou la diminu-
des souris knock-out pour p27, les taux de complexes                 tion d’expression de p27 (ou l’augmentation de la dégra-
cycline D1/CDK assemblés est diminué de plus de dix                  dation de p27) est un facteur pronostic péjoratif puissant
fois [12]. En fait, les protéines CIP/KIP facilitent dans un         dans plusieurs cancers (cancers du sein ou colorectaux par
120                                                    J.F. Viallard et al.

exemple) [84]. À la différence des autres CKI dont                  locus INK4a/ARF) est remarquable par son organisation
l’abondance est régulée par le taux de transcription de la          génomique, puisqu’un exon est partagé par deux gènes
protéine, les taux de p27 sont surtout régulés par un méca-         qui codent pour des protéines fonctionnellement différen-
nisme post-traductionnel, c’est-à-dire par les voies qui            tes (figure 8) [126, 160]. Alors que les virus utilisent sou-
assurent sa dégradation [2]. La dégradation de p27 se fait          vent cette organisation de gènes se chevauchant dans le
par la voie de l’ubiquitine et du protéasome [85] et néces-         but d’optimiser au maximum les séquences codantes, une
site d’une part sa phosphorylation, et d’autre part son             telle organisation est très inhabituelle dans le génome
transfert du noyau vers le cytoplasme. Il existe donc une           humain. En effet, le locus INK4a/ARF a une structure
régulation temporelle et spatiale. Dans une récente étude,          pour le moment unique : un premier transcrit (correspon-
Loda et al. montrent le caractère significativement péjo-            dant à p16) est généré à partir d’un exon 1α et des exons
ratif de l’absence de p27 chez des patients affectés d’un           2 et 3 [126, 160]. Un deuxième transcrit dénommé
cancer du côlon, et prouvent que cette perte d’expression           p19ARF est également généré à partir des exons 2 et 3 mais
de la protéine est liée non pas à une anomalie du gène              aussi par un deuxième exon 1 situé 13 kb en amont de
mais à une forte activation des mécanismes de dégrada-              l’exon 1α et dénommé exon 1β. La protéine appelée
tion de la protéine [85]. Ce mécanisme est tout à fait ori-         p19ARF (ARF pour alternative open reading frame) est
ginal et doit se vérifier dans d’autres tumeurs.                     donc traduite par un autre cadre de lecture [76]. Il n’y a
   Par ailleurs, p27 aurait un rôle dans la différenciation         donc aucune homologie de p19ARF avec les protéines de
mais aussi dans la protection contre l’inflammation.                 la famille INK4. La protéine p19ARF a en revanche la pro-
Récemment, Ophascharoensur et al. montrent que les                  priété de bloquer les cellules en phase G1 et G2, par un
lésions de glomérulonéphrite induites expérimentalement             mécanisme récemment élucidé (figure 8) [62, 123, 186].
chez les souris knock-out pour p27 sont significativement            La protéine p19ARF participe à la dégradation de la pro-
plus importantes que chez les souris normales suggérant             téine mdm2, cette dernière ayant pour fonction de bloquer
un rôle de p27 dans la protection contre l’inflammation              l’activité transactivatrice de p53 [149]. p19ARF serait donc
[108].                                                              un activateur indirect de p53 [62]. Récemment, plusieurs
                                                                    groupes ont montré que p19ARF inhibe la prolifération
La famille des inhibiteurs INK4                                     cellulaire en activant p53. En effet, les signaux de proli-
                                                                    fération émanant de l’expression de certains oncogènes
Les protéines INK4 sont des polypeptides de 15 à 19 kDa             (tels que myc, E1A, E2F1 ou ras V12) aboutissent à l’aug-
qui partagent près de 40 % d’homologie entre elles. Elles           mentation des taux de p19ARF permettant ainsi d’initier
sont largement conservées parmi les espèces, les protéi-            une cascade d’événements qui aboutissent à la stabilisa-
nes murines ayant 90 % d’identité avec les protéines cor-           tion et à l’activation de la protéine p53 [62, 123, 16]. Par
respondantes de l’homme. Elles sont composées de motifs             contraste, les signaux qui régulent p16 restent à identifier.
ankyrine plusieurs fois répétés qui jouent un rôle dans les         Cependant, l’intérêt de ce locus INK4/ARF semble cru-
interactions protéine–protéine [142]. Le troisième motif            cial en cancérologie car il code pour deux protéines qui
est crucial pour l’interaction des protéines INK4 avec              interviennent dans deux voies différentes d’inhibition des
CDK4 ou CDK6 [104]. Les signaux qui conduisent à la                 tumeurs, la voie de pRb et celle de p53.
synthèse de ces protéines sont peu connus, mais il est clair
par exemple que p15INK4b est induite par le TGF-β et                Fonctions des protéines INK4
contribue à sa capacité d’induire un arrêt en phase G1              Les protéines INK4 se lient spécifiquement à CDK4 et à
[130, 131]. p16 s’accumule progressivement au fur et à              CDK6 et inhibent leur activité [148]. Rappelons que
mesure que les cellules vieillissent, jouant un rôle proba-         CDK4 et CDK6 sont liées aux cyclines D et ont pour
ble dans la sénescence [143, 188] alors que p18INK4C et             substrat principal pRb [144]. Dans les cellules proliféran-
p19ARF sont focalement exprimées durant le développe-               tes, CDK4 (ou CDK6) existe sous trois formes [89] :
ment fœtal jouant un rôle dans la différenciation termi-            – un complexe de 450-kDa composé de CDK4 (ou
nale [188, 100].                                                    CDK6) et de Hsp90/cdc37 ;
                                                                    – un complexe de 150-170-kDa composé d’une cycline
Mécanismes transcriptionnels                                        D, de CDK4 (ou CDK6), et de p21 ou p27 ;
La région 9p21 comporte deux gènes codant pour                      – un complexe de 50 kDa composé de CDK4 (ou CDK6)
p16INK4a et p15INK4b. Les deux gènes ont une homologie              et d’une protéine INK4.
de séquence très importante suggérant une duplication                 Dans les cellules quiescentes, CDK4 est complexée
ancestrale, et sont situés à environ 30 kb l’un de l’autre.         avec Hsp90/cdc37 [75, 158]. Au fur et à mesure de la pro-
Le gène codant pour p15INK4b comporte deux exons et                 gression en phase G1, CDK4 forme des complexes avec
génère deux transcrits, p15 et p10, utilisant le même cadre         les cyclines D nouvellement synthétisées et p21 ou p27
de lecture. En revanche, le gène codant pour p16 (appelé            (figure 7). Plus en avant dans le cycle, p27 est libérée des
Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire                              121

                                                                              protéines CIP/KIP couplées aux cyclines D de l’autre côté
                                                                              pour l’association à CDK4 [115]. L’induction et l’aug-
                                                                              mentation des taux de p16 non seulement entraîne un
                                                                              déplacement des molécules nouvellement synthétisées de
                                                                              CDK4 vers p16, mais peut également provoquer la rup-
                                                                              ture des complexes CDK4/cdc37/Hsp90 déjà formés libé-
                                                                              rant CDK4 qui sera ainsi pris en charge par p16 (figure
                                                                              9B). En conséquence, il y a augmentation du nombre de
                                                                              complexes CDK4/INK4, les cyclines D non liées étant
                                                                              alors rapidement dégradées par la voie du protéasome
                                                                              [21]. La perte des cyclines D empêche alors la séquestra-
                                                                              tion des molécules p27 qui peuvent alors exercer libre-
                                                                              ment leur action inhibitrice sur les complexes cycline
                                                                              E/CDK2 et cycline A/CDK2, entraînant l’absence de
                                                                              phosphorylation de pRb et donc un arrêt de la cellule en
                                                                              G1.
                                                                                 La surexpression des protéines de la famille INK4 est
                                                                              donc responsable d’un arrêt des cellules en G1 mais d’une
                                                                              façon dépendante de l’intégrité de pRb [87, 94]. En effet,
                                                                              la perte de la fonction de pRb empêche la capacité de blo-
                                                                              cage en G1 des protéines INK4. La perte de pRb libère les
                                                                              molécules E2F ce qui a pour conséquence l’augmentation
                                                                              du taux et de l’activité des complexes cycline E/CDK2
                                                                              [53, 55] qui phosphorylent p27 dont la protéolyse est alors
                                                                              accélérée (figure 10) [147, 170, 112]. Les cellules qui
                                                                              n’ont pas une pRb fonctionnelle ont des taux très élevés
                                                                              de p16, suggérant que pRb régule p16 négativement
                                                                              [114]. Dans une cellule normale, le taux de p16 est maxi-
                                                                              mal en phase S. En fait, il existe physiologiquement une
                                                                              boucle de régulation positive entre pRb et p16. Après
                                                                              phosphorylation par les complexes cycline D/CDK4 ou
Figure 8. Représentation schématique du locus INK4a/ARF situé entre           CDK6, pRb libère les facteurs de transcription qui acti-
les gènes de l’interféron et le gène MTAP dans la région chromosomi-          vent la transcription de p16. Ainsi, p16 se lie et dissocie
que 9p21. Le locus INK4a/ARF code pour deux protéines différentes,            les complexes cyclines D/CDK4 ou CDK6.
p16INK4a et p19ARF. p16INK4a est codée par les exons 1α, 2 et 3 (rectan-
gles noirs) ; p19ARF est codée par les exons 1β, 2 et 3 (rectangles hachu-       Quand l’action inhibitrice des membres de la famille
rés). p16INK4a se lie aux complexes cycline D/CDK4-6 et les inhibe            CIP/KIP sur les complexes cycline E/CDK2 et cycline
empêchant ainsi la phosphorylation de pRb ce qui entraîne un arrêt des
cellules en G1. p19ARF interagit avec mdm2, protéine qui inhibe p53. En       A/CDK2 est neutralisée, les CDK dépendantes des cycli-
permettant la dégradation de mdm2, p19ARF active indirectement p53 et         nes D ne sont plus utiles pour la progression dans le cycle
entraîne un arrêt de la cellule en G1 et en G2.                               cellulaire (figure 11). Les cellules n’exprimant ni p27 ni
                                                                              p21 n’ont pas pour autant des cycles perturbés en dépit du
                                                                              fait que l’activité des kinases dépendantes des cyclines D
complexes cycline E/CDK2 et cycline A/CDK2, événe-                            soit faible [12]. Inversement, l’activité des complexes
ment qui permet l’activation de ces complexes cycline                         cycline E/CDK2 est très élevée et pRb est périodiquement
E/CDK2 et cycline A/CDK2 qui, en retour, peuvent d’une                        phosphorylée pendant le cycle même sur les sites préfé-
part phosphoryler p27 et promouvoir sa dégradation, et                        rentiellement reconnus par CDK4 ou CDK6. De telles
d’autre part phosphoryler pRb. Alors les cellules peuvent                     cellules sont évidemment résistantes à l’action inhibitrice
entrer en phase S (figure 7).                                                  de p16 mais pas à l’action de p27. En l’absence des mem-
  Alternativement, dans l’hypothèse d’une situation où                        bres de la famille CIP/KIP, la fonction de séquestration
une protéine INK4 serait exprimée, une CDK4 nouvelle-                         des complexes cyclines D/CDK est rendue superflue et les
ment synthétisée peut entrer en contact avec une protéine                     kinases dépendantes des cyclines E et A sont suffisantes
INK4 et former un hétérodimère inactif (figure 9A) mais                        pour phosphoryler pRb. Ainsi, de telles cellules tolèrent
stable car CDK4 ne peut plus alors être recrutée dans un                      parfaitement une réduction de l’activité des kinases
complexe actif avec la cycline D [43, 114]. Il y a donc                       dépendantes des cyclines D. Ces observations sont à rap-
une compétition entre les protéines INK4 d’un côté et les                     procher de celles constatées chez les souris déficientes en
122                                                                 J.F. Viallard et al.




                                                                                              A




                                                                                           Figure 9. A : une molécule CDK4 nouvellement synthétisée
                                                                                           se lie à cdc37 et Hsp90. Si elle se complexe à une cycline D
                                                                                           elle devient active ; si elle est liée à une protéine de la famille
                                                                                           INK4 elle est inactive. B : l’induction et l’augmentation des
                                                                                           taux de p16INK4a peut également provoquer la rupture des
                                                                                           complexes CDK4/cdc37/Hsp90 déjà formés libérant CDK4
                                                                                           qui sera ainsi pris en charge par p16INK4a. En conséquence, il
                                                                                           y a augmentation du nombre de complexes CDK4/INK4, avec
                                                                                           arrêt de la séquestration des protéines de la famille CIP/KIP
                                                                                           qui sont libérées et qui vont donc pouvoir inhiber les comple-
                                                                          B                xes cycline E/CDK2.



cycline D1 et/ou D2 qui sont viables en dépit de quelques                        cycline D1 par la cycline E permet de corriger les anoma-
anomalies de développement [153, 154]. De récentes                               lies du développement de ces animaux et sont compati-
observations démontrent que le remplacement de la                                bles avec l’idée que la cycline E peut fonctionner sans la
                                                                                 cycline D1.

                                                                                               LA NOTION DE CHECKPOINT

                                                                                 Il existe plusieurs transitions au cours du cycle cellulaire.
                                                                                 Une transition correspond à un changement unidirection-
                                                                                 nel de la cellule qui se déplace d’un état où elle effectuait
                                                                                 un certain nombre de processus vers un autre état où elle
                                                                                 va effectuer d’autres processus. Comment ces transitions
                                                                                 sont-elles coordonnées pour survenir à un temps bien pré-
                                                                                 cis et dans un ordre bien défini ? Pour que les événements
                                                                                 cellulaires se fassent dans un ordre voulu, il faut que cha-
                                                                                 que étape précédant un événement soit complètement et
                                                                                 correctement effectuée. Il existe des circuits de régulation
                                                                                 qui sont des mécanismes de surveillance qui surveillent
Figure 10. Dans les cellules déficientes en pRb, les facteurs de trans-
cription E2F ne sont pas inhibés par pRb si bien que leur activité se fait       l’achèvement de certains événements cruciaux pour la
pleinement notamment sur la transcription de la cycline E. Cela entraîne         cellule et ainsi autorisent la survenue d’une transition et
une augmentation du nombre de complexes cycline E/CDK2 qui phos-                 la progression dans le cycle. Il y a deux classes de cir-
phorylent les protéines CIP/KIP dont la dégradation s’accélère. Les
complexes cycline D/CDK se désunissent et les protéines CDK4 sont                cuits : les mécanismes intrinsèques opérant à chaque
alors mobilisées dans des complexes avec p16INK4a.                               cycle cellulaire pour ordonner des événements succes-
Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire                                123

                                                                            Le checkpoint G1/S

                                                                            Chez les mammifères, les réponses vis-à-vis d’une lésion
                                                                            de l’ADN sont les mêmes que chez la levure avec en plus
                                                                            la possibilité d’entrer en apoptose (le but n’est pas la sur-
                                                                            vie d’une cellule endommagée mais la survie de l’orga-
                                                                            nisme). Le checkpoint en G1 en réponse à une lésion de
                                                                            l’ADN est le mieux connu. Trois gènes le contrôlent :
                                                                            ATM (ataxia telangiectasia mutated, le gène muté dans la
                                                                            maladie ataxie télangiectasie) [111, 140], p53 [83] et p21
                                                                            [5].
                                                                               p53 est le gène suppresseur de tumeur le plus fréquem-
                                                                            ment muté dans les cancers humains [150]. Il code pour
Figure 11. La perte des protéines CIP/KIP a pour conséquence une            un facteur de transcription qui est activé en réponse à une
désunion des complexes cycline D/CDK4-6 entraînant une destruction
des cyclines D et une séquestration des molécules CDK4 dans des com-        lésion de l’ADN ou une perturbation du pool de nucléo-
plexes avec p16INK4a. Il en résulte une augmentation de l’activité des      tides. p53 activée est capable d’inhiber le cycle cellulaire
complexes cycline E/CDK2 ce qui suffit pour phosphoryler pRb et com-        et de promouvoir l’apoptose [99]. Les cellules dépourvues
penser la perte des complexes cycline D/CDK.
                                                                            de p53 sont incapables de s’arrêter en phase G1 en
                                                                            réponse à une irradiation γ et ont une apoptose réduite.
                                                                            Une partie de la capacité de p53 à arrêter la cellule en
                                                                            phase G1 vient de l’activation de la transcription de p21
sifs ; les mécanismes extrinsèques induits seulement pour
                                                                            inhibiteur des CDK qui contrôlent l’entrée en phase S
agir quand un défaut est détecté (altération de l’ADN par
                                                                            [29]. Les fibroblastes embryonnaires de souris qui n’ont
exemple). La perte de ces voies de contrôle réduit la fidé-
                                                                            pas p21 ne s’arrêtent que partiellement en phase G1 sug-
lité des événements cellulaires tels que la réplication et la
                                                                            gérant l’existence d’une autre voie dépendante de p53
ségrégation chromosomiques. De telles altérations peu-
                                                                            permettant l’arrêt en phase G1. Cette voie est inconnue.
vent conduire à une prolifération non contrôlée et à la can-
cérisation.                                                                    Le produit du gène ATM a été impliqué dans la régula-
   Checkpoint est le nom donné à des sous-unités particu-                   tion de p53. Ce gène, qui code pour une protéine kinase,
lières de ces mécanismes intrinsèques et extrinsèques                       est muté dans le syndrome ataxie télangiectasie. Les cel-
[48]. C’est une voie biochimique qui s’assure de la dépen-                  lules qui n’ont pas ce gène ont une activation réduite et
dance d’un processus vis-à-vis d’un autre. Cette défini-                     retardée de p53 en réponse à une lésion de l’ADN [86].
tion est large mais dans le langage scientifique courant,                    L’action de la protéine kinase ATM ne passe pas par
on parle de checkpoint en référence au contrôle des tran-                   p19ARF. Lors d’une lésion de l’ADN, ATM phosphoryle
sitions du cycle cellulaire. Le mot conjugue à la fois un                   la partie N-terminale de p53 ce qui stabilise p53 et empê-
terme de lieu (frontière) et un terme d’examen. Parfois le                  che sa dégradation [155]. D’autres kinases (telles que la
terme est utilisé à la place du mot transition mais il devrait              DNA-PK, DNA-dependent protein kinase) capables de
être restreint aux voies biochimiques qui assurent la                       phosphoryler p53 ont été mises en évidence et joueraient
dépendance d’un processus vis-à-vis d’un autre. Par                         le même rôle qu’ATM en réponse à des lésions de l’ADN
exemple, le DNA-damage checkpoint est le mécanisme                          [179].
qui détecte une altération de l’ADN et génère un signal                        L’activation de p53 (par l’expression d’oncogènes ou
qui arrête les cellules dans la phase du cycle où elles se                  par lésions de l’ADN) est associée à une stabilisation
trouvent et induit la transcription de gènes réparateurs. La                post-translationnelle de la protéine. Cette stabilisation
position d’arrêt dans le cycle dépend de la phase à                         résulte en partie de l’inhibition de la protéine mdm2 qui
laquelle la lésion de l’ADN a lieu. Les checkpoints sont                    promouvoit la dégradation de p53 [73].
des points de décision où des mécanismes de contrôle                           Le fait que les gènes codant pour p53 et ATM soient
opèrent et empêchent la progression dans le cycle si les                    fréquemment mutés dans les cancers humains [54] sug-
étapes précédentes n’ont pas été complètes ou si l’ADN                      gère que la fonction des checkpoints est importante dans
est altéré. Ainsi, en G1, une cellule doit surveiller sa taille,            la prévention des cancers. On en sait plus sur les check-
la présence de nutriments et l’intégrité de son ADN avant                   points de la levure que chez l’homme et tout va dépendre
de commencer le processus d’initiation de la synthèse                       des degrés de conservation entre les mécanismes de
d’ADN. En G2 il existe un checkpoint qui, dans le cas où                    l’homme et de la levure. Cela dit, la perte de p21 entraîne
l’ADN est endommagé ou non répliqué, empêche la cel-                        peu de cancers [5, 20] et les mutations de p21 sont rares
lule d’entrer en mitose.                                                    dans les tumeurs [152]. Donc le fait de dire que la perte
2001 french paper mol mech controling cell cycle
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2001 french paper mol mech controling cell cycle

  • 1. Cancer/Radiother 2001 ; 5 : 109-29 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1278321801000877/SSU Mise au point Mécanismes moléculaires contrôlant le cycle cellulaire : aspects fondamentaux et implications en cancérologie J.F. Viallard1,2*, F. Lacombe2, F. Belloc2, J.L. Pellegrin1, J. Reiffers2 1 Service de médecine interne et maladies infectieuses, centre François-Magendie, hôpital du Haut-Lévêque, 5, avenue Magellan, 33604 Pessac, France ; 2laboratoire de greffe de moelle, UMR-CNRS 5540, université Victor-Segalen, 146, rue Léo-Saignat, 33076 Bordeaux, France (Reçu le 16 juin 2000 ; accepté le 13 décembre 2000) ´ RESUME ´ (p16INK4A, p15 INK4B, p18INK4C, p19INK4D) qui interagissent Introduction. – La connaissance des mécanismes régulant la spécifiquement avec CDK4 et CDK6, et les membres de la division des cellules eucaryotes a progressé très rapidement famille CIP/KIP (p21CIP1/WAF1, p27KIP1 et p57KIP2) qui inhi- au cours des dernières années et les molécules régulatrices bent un grand nombre de CDK. L’interaction entre p16INK4A, du cycle cellulaire jouent un rôle de plus en plus important cycline D/CDK, et pRb/E2F constitue une unité fonctionnelle dans les processus cancéreux. Nous nous proposons dans connue sous le nom de « voie pRb ». Chacun des compo- cette revue de décrire les principaux mécanismes de contrôle sants de cette voie peut être déréglé dans un processus can- du cycle cellulaire. Nous aborderons, par quelques exem- céreux, et de plus en plus de données désignent cette voie ples, les liens entre la dérégulation du cycle cellulaire et comme une cible obligatoire des étapes de l’oncogénèse l’oncogénèse. dans pratiquement tous les cancers. Actualités et points forts. – Le cycle cellulaire des cellules de Perspectives et projets. – Les progrès réalisés dans la mammifères est divisé en quatre phases survenant selon un connaissance des mécanismes régulateurs du cycle cellu- ordre établi, chaque phase ne pouvant débuter que si la pré- laire ont permis une meilleure compréhension des mécanis- cédente est totalement terminée. Le déroulement correct des mes moléculaires de la cancérisation. Ces progrès ont phases successives du cycle cellulaire est assuré par une débouché sur la découverte de nouveaux leviers thérapeuti- famille de kinases sérine–thréonine dites kinases dépendan- ques, et de nouvelles molécules sont en développement. tes des cyclines (CDK). La chronologie de leur activation est Enfin, le rôle des molécules régulatrices du cycle dans déterminée par leurs modifications post-traductionnelles d’autres pathologies que le cancer est probable et reste à défi- (phosphorylations/déphosphorylations), et par l’association à nir. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS une cycline, qui constitue la sous-unité régulatrice du com- cycle cellulaire / cycline / inhibiteurs des CDK / kinases plexe enzymatique. On distingue les cyclines dites G1 (cycli- dépendantes des cyclines (CDK) nes C, D1-3 et E) qui contrôlent la progression en phase G1 et la transition G1/S, et les cyclines dites mitotiques (cyclines A et B) qui interviennent à la transition G2/M et en mitose. Les complexes cycline/CDK activés phosphorylent (et en consé- ABSTRACT quence inhibent), entre autres, la protéine suppresseur de Molecular mechanisms controling the cell cycle: main con- siderations and implications in oncology. tumeur pRb qui bloque le passage vers la phase S en répri- Introduction. – Comprehension of cell cycle regulation mant l’activité transcriptionnelle des facteurs de la famille mechanisms has progressed very quickly these past few years E2F. Les cyclines D et leurs partenaires CDK4 et CDK6 ont and regulators of the cell cycle have gained widespread des propriétés pro-oncogènes mais leur fonction est régulée importance in cancer. This review first summarizes major par une série d’inhibiteurs qui se lient à eux et inhibent leur advances in the understanding of the control of cell cycle activité kinase. On distingue les membres de la famille INK4 mechanisms. Examples of how this control is altered in tumoral cells are then described. Current knowledge and key points. – The typical mamma- *Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : jean-françois.viallard@chu-bordeaux.fr lian cell cycle consists of four distinct phases occurring in a (J.F. Viallard). well-defined order, each of which should be completed
  • 2. 110 J.F. Viallard et al. successfully before the next begins. Progression of eukaryotic laire » faisant de la cellule l’unité de base de tout orga- cells through major cell cycle transitions is mediated by nisme vivant. En 1858, l’Allemand Rudolf Virchow sequential assembly and activation of a family of serine- (1821–1902) a complété cette théorie en formulant le threonine protein kinases, the cyclin dependent kinases célèbre axiome : « toute cellule provient d’une cellule », (CDK). The timing of their activation is determined by their conduisant au concept de multiplication cellulaire par post-translational modifications (phosphorylations/ division. L’œuf issu de la fécondation d’une cellule dephosphorylations), and by the association of a protein sexuelle femelle par un gamète mâle, et qui donne nais- called cyclin, which is the regulatory subunit of the kinase sance à un embryon à partir duquel se construit, division complex. The cyclin family is divided into two main classes. après division, un organisme aussi complexe que The ‘G1 cyclins’ include cyclins C, D1-3, and E, and their l’homme, est devenu, à la fin du XIXe siècle, le symbole accumulation is rate-limiting for progression from the G1 to S de ce processus vital. phase. The ‘mitotic or G2 cyclins’, which include cyclin A Cependant, au cours du développement embryonnaire, and cyclin B, are involved in the control of G2/M transition les cellules se différencient pour permettre la formation and mitosis. The cyclins bind to and activate the CDK, which des divers organes. Au cours de ce processus, la division leads to phosphorylation (and then inhibition) of the tumor cellulaire est inhibée dans certaines régions de l’embryon. suppressor protein, pRb. pRb controls commitment to De même, chez les organismes pluricellulaires adultes, il progress from the G1 to S phase, at least in part by repressing existe une hétérogénéité parmi les cellules. Certaines cel- the activity of the E2F transcription factors known to promote lules différenciées ne se divisent plus (cellules du muscle cell proliferation. Both the D-type cyclins and their partner squelettique par exemple), d’autres continuent à se divi- kinases CDK4/6 have proto-oncogenic properties, and their ser pendant toute la vie de l’organisme (c’est le cas des activity is carefully regulated at multiple levels including cellules souches hématopoïétiques), d’autres enfin ne se negative control by two families of CDK inhibitors. While members of the INK4 family (p16INK4A, p15 INK4B, p18INK4C, divisent que pour réparer une lésion ou compenser la mort p19INK4D) interact specifically with CDK4 and CDK6, the d’autres cellules (cellules de la peau par exemple). Toutes CIP/KIP inhibitors p21CIP1/WAF1, p27KIP1 and p57KIP2 inhibit ces différences ne peuvent s’expliquer que par l’existence a broader spectrum of CDK. The interplay between p16INK4A, d’un mécanisme de contrôle de la division cellulaire. Il cyclin D/CDK, and pRb/E2F together constitute a functional fallait donc identifier les molécules participant à la crois- unit collectively known as the ‘pRb pathway’. Each of the sance et à la division de la cellule pour ensuite élucider major components of this mechanism may become deregu- les mécanismes de régulation du cycle de division. Ces lated in cancer, and accumulating evidence points to the molécules ont été découvertes dans les levures, les œufs ‘pRb pathway’ as a candidate obligatory target in multistep d’amphibiens puis dans les cellules de mammifères. Les oncogenesis of possibly all human tumor types. 15 dernières années ont connu une véritable explosion des Future prospects and projects. – Major advances in the connaissances des mécanismes qui régulent le cycle cel- understanding of cell cycle regulation mechanisms provided lulaire. Cela a permis de proposer des principes généraux a better knowledge of the molecular interactions involved in qui semblent régler la division cellulaire chez des êtres human cancer. This progress has led to the promotion of new vivants aussi différents que l’homme, la levure de bière therapeutic agents presently in clinical trials or under devel- (saccharomyces cerevisiae) ou encore la levure fissile opment. Moreover, the components of the cell cycle are (saccharomyces pombe). Du coup ces découvertes ont probably involved in other non-cancerous diseases and their ouvert la voie à une meilleure compréhension des méca- role must be defined. © 2001 Éditions scientifiques et médi- nismes moléculaires de la cancérisation qui découle de la cales Elsevier SAS multiplication de cellules anormales. Le déroulement ordonné des différentes phases du cell cycle / cyclin / cyclin dependent kinase (CDK) / inhibitors of CDK cycle cellulaire ainsi que leur régulation par les stimuli intra- et extracellulaires sont régulés par des protéines sérine/thréonine kinases : les kinases dépendantes des Jusqu’au XIXe siècle, les scientifiques n’avaient qu’une cyclines ou CDK (cyclin dependent kinase) [120]. Les vague idée des éléments qui constituent les êtres vivants CDK subissent des phosphorylations qui modulent leur et de la façon dont ceux-ci peuvent se développer et croî- activité. Cette activité est de plus dépendante de l’asso- tre. En 1665, l’Anglais Robert Hooke avait bien décrit les ciation avec des protéines appelées cyclines dont l’expres- unités microscopiques qu’il discernait, avec un micros- sion (synthèse et dégradation) est régulée lors de la pro- cope de sa fabrication, dans des coupes de liège. Il les gression dans le cycle. À ce jour, pas moins de huit CDK nomma cellules, du latin cellula, petite chambre. À la fin (CDK1 à CDK8) et huit différents types de cyclines ont des années 1830, deux Allemands, le botaniste Matthias été mis en évidence et clonés chez les mammifères. Enfin, Schleiden (1804–1881), puis le zoologiste Théodor l’activité des CDK est négativement régulée par des inhi- Schwann (1810–1882), ont proposé la « théorie cellu- biteurs (cyclin dependant kinase inhibitor ou CKI). Ainsi,
  • 3. Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire 111 les mécanismes de régulation du cycle font intervenir trois groupes de protéines : les CDK, les cyclines et les CKI. Nous nous proposons dans cette revue de décrire les principaux aspects fondamentaux qui régissent la progres- sion dans le cycle cellulaire. Par ailleurs, nous verrons, par quelques exemples, quelles répercussions les altéra- tions survenant dans ces mécanismes contribuent au pro- cessus de cancérisation. Il ne s’agit pas ici de faire une revue exhaustive mais d’apporter les bases fondamentales nécessaires à la compréhension du rôle oncologique des protéines du cycle cellulaire. LES ÉTAPES DU CYCLE CELLULAIRE Les eucaryotes, de la levure à l’homme, ont des cycles de division similaires. Les premières études par microscopie optique ont permis de définir cinq étapes dans le cycle Figure 1. Les étapes du cycle cellulaire. cellulaire : G0, G1, S, G2 et M (figure 1). G1 signifie « pause 1 » (gap = pause, d’où le G) car il s’agit d’une pause dans le cycle durant laquelle on n’observe, au contrôlent la croissance cellulaire et la différenciation microscope, aucun phénomène lié au cycle cellulaire. La dans les organismes multicellulaires semblent donc liés à plupart des cellules adultes, différenciées, ne se divisant la machinerie du cycle cellulaire présente en phase G1. pas, se trouvent en phase G1 ou en état de quiescence qui Il y a 20 ans, Temin a montré que des cellules de poulet définit la phase G0. S signifie « synthèse » d’ADN. C’est deviennent indépendantes des signaux mitogènes exté- pendant cette phase que les chromosomes se répliquent. rieurs plusieurs heures avant d’entrer en phase S [166]. Le brin nouvellement synthétisé est exactement complé- Cette notion a été reprise et développée plus tard par Par- mentaire à la matrice. G2 signifie « pause 2 », c’est le dee qui a introduit le terme de point de restriction (R) second arrêt du cycle cellulaire, la cellule se préparant à [113]. R est le moment de G1 après lequel les cellules peu- la mitose. L’étape M est la mitose. Les chromosomes se vent proliférer indépendamment des stimuli extérieurs. condensent et deviennent visibles sous la forme d’entités La progression en début de phase G1 des cellules qui indépendantes. Les deux organisateurs des microtubules, sortent de la mitose (cellules dites postmitotiques, pm) est ou corps polaires, se déplacent pour se retrouver chacun rapidement interrompue si on enlève les facteurs de crois- d’un côté du noyau. Des faisceaux de microtubules se sance du milieu de culture ou si on inhibe la synthèse pro- développent à partir des corps polaires pour former le téique (20 à 50 % d’inhibition) [184]. Néanmoins, au-delà fuseau mitotique. Quelques-uns de ces microtubules d’un certain temps après la mitose (qui diffère selon le s’attachent aux kinétochores des chromosomes qui, ainsi type de cellule, fibroblastique ou épithéliale par exemple) attachés, s’alignent alors sur la plaque métaphasique qui les cellules ne s’arrêtent plus, même si les facteurs mito- est un plan situé à mi-chemin entre les corps polaires. gènes sont retirés du milieu, mais avancent et effectuent Lorsque tous les kinétochores sont attachés aux microtu- un cycle complet. On distingue donc les cellules dites bules et alignés sur la plaque métaphasique, un signal est G1-pm (cellules postmitotiques arrêtées par la privation donné et l’anaphase débute. Les chromosomes commen- en facteurs de croissance) et les cellules dites G1-ps (pré- cent à se déplacer vers les pôles qui s’éloignent par phase S) qui sont capables d’initier une réplication de ailleurs l’un de l’autre. Enfin, la cellule se divise (c’est la l’ADN en absence de facteurs mitogènes (figure 2). La cytodiérèse) pour produire deux cellules filles en phase transition qui fait passer une cellule de la phase G1-pm à G1. la phase G1-ps correspond au terme anglo-saxon commit- ment : c’est l’engagement irréversible de la cellule vers LA NOTION DE POINT DE RESTRICTION un cycle chromosomique complet. Cette transition corres- pond au point R dit de restriction. Une cellule ne peut entrer en cycle que sous l’effet de fac- teurs stimulateurs appelés mitogènes. Pendant la phase LES CYCLINES G1, la cellule décide si elle continue à progresser dans le cycle cellulaire, ce qui aboutira à la division cellulaire, ou Les cyclines sont une famille de protéines qui subissent si elle quitte le cycle et entre alors dans un état de quies- des variations de leur taux au cours du cycle et qui parta- cence (G0) ou de différenciation. Les mécanismes qui gent toutes un degré de similitude quant à leur composi-
  • 4. 112 J.F. Viallard et al. Figure 2. Modèle du cycle cellulaire basé sur des expériences faites sur des fibroblastes humains. Les cellules sortent de la mitose et entrent à nouveau en phase G1-pm. La progression jusqu’au point R est dépendante des facteurs de croissance (FC). Si les FC sont enlevés du milieu, les cellules entrent dans un état de quiescence (G0). Lorsque les FC sont réintroduits, les cellules retournent au même point de la phase G1-pm qu’elles ont quitté lors de leur entrée en quiescence (d’après Zetterberg et al. [184]). tion en acides aminés. En effet, les cyclines sont définies se situe en G2/M [119]. La figure 3B est un exemple du par une région commune d’environ 100 acides aminés profil d’expression des principales cyclines dans la lignée appelée cyclin box qui sert à lier et à activer les CDK [68, HeLa au cours du cycle cellulaire. 78] (figure 3A). On distingue d’une part les cyclines dites Ces deux types de cyclines varient dans leur structure « START » ou G1 qui atteignent leur pic d’expression en générale : les cyclines mitotiques ont environ 200 acides phase G1 (cycline C, cyclines D : D1, D2 et D3) ou à la aminés situés dans la partie N-terminale (figure 3A) alors transition G1/S (cycline E) et d’autre part les cyclines que les cyclines START s’étendent en C-terminal pour for- dites mitotiques (cyclines A et B) dont le pic d’expression mer une région riche en proline, acide glutamique, sérine Figure 3. A : schéma général de la composition des cyclines. B : exemple d’expression des cyclines au cours du cycle cel- lulaire dans la lignée cellulaire HeLa.
  • 5. Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire 113 et thréonine appelée « PEST ». Cette région PEST joue Les cyclines mitotiques un rôle dans le renouvellement rapide de ces cyclines et leur confère une demi-vie très courte [69, 80]. Les cyclines mitotiques comprennent la cycline A et la cycline B. Elles possèdent une séquence d’acides aminés partiellement conservée (dénommée destruction box) Les cyclines D située en partie N-terminale, indispensable à leur destruc- tion rapide et soudaine spécifiquement pendant la mitose [39]. Cette destruction se fait par la voie de la protéolyse Les cyclines de type D sont au nombre de trois et sont les dépendante de l’ubiquitine [161]. Le taux des cyclines premières à apparaître lors d’une stimulation par des mitotiques augmente progressivement au cours des pha- mitogènes. Elles sont synthétisées tout au long de la sti- ses S et G2 pour atteindre un pic en mitose. Les cyclines mulation tant que le facteur de croissance reste dans le A et B interagissent toutes les deux avec la kinase CDK1 milieu si bien que les taux des cyclines D varient peu au pour déclencher la mitose et la dégradation de ces deux cours du cycle, avec néanmoins un pic d’expression en protéines est nécessaire pour que la cellule sorte de la G1–S. Inversement, dès que le mitogène est retiré du mitose [98, 135]. Cependant, la synthèse et la destruction milieu, les cyclines D sont rapidement détruites, quelle de la cycline A ont toujours lieu en avance par rapport à la que soit la position de la cellule dans le cycle [151] : si la cycline B [98, 135]. cellule a dépassé le point R, leur destruction est sans effet ; si la cellule est en G1, la destruction des cyclines D La cycline A empêche la cellule d’aller plus loin dans le cycle. Leur La cycline A est une protéine de 60 kD qui apparaît à la synthèse débute en début de G1 et leur activité sur les transition G1/S. C’est la première cycline qui a été clonée kinases ne se fait qu’en milieu de G1 et augmente au fur et et séquencée [164]. Elle est située en position nucléaire à mesure que les cellules approchent de la transition G1-S [117]. Elle a d’abord été considérée comme une cycline [92, 96]. Les partenaires catalytiques majeurs des cycli- mitotique ne jouant un rôle qu’à la transition G2/M, mais nes D sont CDK4 et CDK6 [4, 92, 96]. La fonction pri- plusieurs expériences ont permis de démontrer que la maire des cyclines D est de stimuler la progression en cycline A agissait plus précocement dans le cycle cellu- phase G1. En dépit de leur similitude, les membres de la laire, étant détectée et activée dès la fin de la phase G1 famille des cyclines D sont différemment exprimés selon juste avant l’entrée en phase S [7]. L’activité kinase asso- la lignée cellulaire. Ainsi, la cycline D1 est absente des ciée à la cycline A à la transition G1/S est celle de CDK2 cellules de la lignée lymphoïde [1]. et non pas CDK1 [28, 134]. La surexpression de la cycline A entraîne une entrée prématurée en phase S [133]. Les cyclines E et A sont nécessaires au passage en La cycline E phase S mais ont des fonctions différentes. La cycline A serait utile pour débuter la réplication de l’ADN. Le com- La cycline E est une protéine nucléaire de 50 kD dont plexe cycline A/CDK2 se lie au facteur de transcription l’expression est maximale en fin de phase G1, après l’aug- PCNA (proliferating cell nuclear antigen, qui est une mentation des cyclines D [69]. Elle agit en fin de phase sous-unité de la polymérase δ de l’ADN intervenant dans G1 en se complexant avec CDK2 [24, 70]. Le complexe la réplication et la réparation de l’ADN) au niveau de cer- cycline E/CDK2 a une forte activité kinase juste avant tains sites de réplication de l’ADN et l’inhibition de la l’entrée des cellules en phase S et phosphoryle la protéine cycline A par des anticorps inhibe la synthèse de l’ADN du rétinoblastome (pRb) [49, 169]. La surexpression de la dans des cellules humaines [8, 109]. cycline E raccourcit la durée de la phase G1, diminue la taille de la cellule, diminue la dépendance aux facteurs de La cycline B croissance et prolonge la durée de la phase S [106, 129]. Il existe trois cyclines B : B1, B2, B3. La cycline B1 est Des cellules bloquées en phase G1 débutent quand même la mieux connue et joue un rôle important dans les méca- la réplication de leur ADN quand la cycline E est surex- nismes de déclenchement de la mitose. La cycline B1 est primée [129]. Des anticorps dirigés contre la cycline E cytoplasmique pendant l’interphase (en association avec injectés dans des cellules en phase G1 inhibent l’entrée en les microtubules et les centrosomes) jusqu’à la fin de la phase S [106]. Cette inhibition n’a pas lieu si l’injection prophase où elle est transférée brutalement dans le noyau se fait dans des cellules en phase S ce qui signifie que la alors que la cycline A reste nucléaire [117, 118]. La cycline E est indispensable à la transition G1/S. Au cours cycline B1 est intéressante car c’est une des premières de la phase S, l’expression de la cycline E diminue car protéines du cycle dont la régulation est non seulement elle est dégradée par le protéasome après action de l’ubi- temporelle mais aussi spatiale. En effet, les choses ne sont quitine [178]. pas figées. La cycline B1 circule continuellement entre le
  • 6. 114 J.F. Viallard et al. phase, la destruction de la cycline B1 s’opère par la voie de la polyubiquitination ce qui est indispensable à l’inac- tivation du complexe cycline B1/CDK1 et à la sortie de la mitose [39]. La destruction est initiée par le cyclosome [65]. Les cyclines virales Les virus du groupe herpès dérèglent le cycle cellulaire. Ainsi, l’EBV (Epstein-Barr virus) immortalise les lym- phocytes B en exprimant deux protéines, EBNALP et EBNA2 qui permettent une surexpression de la cycline D2 [156]. D’autres mécanismes d’action interviennent et notamment la sécrétion de cyclines dites virales. Des tra- vaux récents ont été rapportés concernant l’herpès virus 8 (HHV8) agent du sarcome de Kaposi, mais qui est égale- Figure 4. La cycline B1 a une localisation cytoplasmique jusqu’à la ment associé à la maladie de Castleman et à certains lym- prophase (représentée en gris sur la figure). Il existe un va-et-vient per- manent de la cycline B1 entre le noyau et le cytoplasme mais l’import phomes survenant notamment chez les sujets infectés par nucléaire (assuré par l’importine β) est contrebalancé par l’export le virus de l’immunodéfiscience humaine (VIH). Le nucléaire (assuré par CRM1) qui est plus rapide si bien que la cycline génome de l’HHV8 contient plusieurs gènes qui parta- B1 est cytoplasmique. À la prophase, la phosphorylation de quatre rési- dus serine dans le site appelé CRS de la cycline B1 empêche la recon- gent de grandes similitudes avec des gènes impliqués dans naissance de la cycline B1 par CRM1 si bien que la cycline B1 devient le contrôle du cycle cellulaire et de l’apoptose [138]. Un nucléaire. de ces gènes qui code pour une protéine homologue aux cyclines de mammifères est dénommé cycline K [11]. noyau et le cytoplasme pendant l’interphase [41, 42, 167]. Deux autres cyclines virales ont été également identi- Cependant, la cycline B1 s’accumule dans le cytoplasme fiées : la cycline V et la cycline M qui sont codées par des car l’import nucléaire est contrebalancé par l’export herpès virus contaminant des animaux [163]. Ces cycli- nucléaire qui est plus rapide. En effet, pendant l’inter- nes ont une homologie de séquence étroite avec les cycli- phase, le complexe cycline B1/CDK1 est maintenu dans nes D ; par ailleurs, les cyclines K et V forment préféren- le cytoplasme grâce à l’activité d’un facteur nucléaire tiellement des complexes avec la kinase CDK6 [40]. Les d’exportation appelé CRM1 ou exportine. En position cyclines virales ressemblent donc aux cyclines D tant par N-terminale, la cycline B1 possède un signal dit de réten- leur fonction que par leur séquence. Leur expression tion cytoplasmique (CRS) qui correspond à une région de entraîne des dérèglements du cycle donnant un avantage 42 acides aminés [118]. Si on injecte dans le noyau de prolifératif aux cellules infectées. cellules HeLa en phase G2, de la cycline B1 dépourvue du CRS, la protéine reste nucléaire. Le CRS est donc plus un Implications des cyclines en cancérologie signal d’export nucléaire qu’un signal de rétention cyto- plasmique. Le CRS possède une région hydrophobe de 11 Parmi les cyclines jouant un rôle dans la progression de la acides aminés hautement conservée parmi les cyclines de phase G1 et dans le passage à la phase S (cyclines D, type B chez les mammifères. Dans cette région, il existe cycline E et cycline A), seules les cyclines D sont fré- quatre résidus sérine qui, s’ils sont phosphorylés, empê- quemment impliquées dans les tumeurs. L’exemple le chent la reconnaissance du CRS par CRM1. En consé- plus marquant est l’expression ectopique de la cycline D1 quence, c’est la phosphorylation de ces quatre résidus dans les lymphomes B (notamment les lymphomes du sérine qui stoppe la sortie de la cycline B1 du noyau en manteau folliculaire) [144]. Cette expression anormale est prophase (figure 4). Les protéines kinases qui phospho- le plus souvent la conséquence de la juxtaposition du gène rylent la cycline B1 en CRS pour réguler sa rétention de la cycline D1 aux régions régulatrices des chaînes lour- nucléaire restent à identifier. des des immunoglobulines par une translocation Dès que la cycline B1 devient nucléaire, l’enveloppe t(11 ;14)(q13 ;q32). nucléaire explose, signifiant que le complexe cycline La cycline D1 a été la première cycline D à être iden- B1/CDK1 agit comme une kinase des lamines nucléaires. tifiée dans les macrophages de souris [93]. Elle a égale- La cycline B1 se lie alors à l’appareil mitotique, en par- ment été identifiée comme le produit du gène PRAD1, un ticulier aux pôles du fuseau et à ses fibres principales. En réarrangement connu dans les adénomes humains para- début de métaphase, la cycline B1 s’associe transitoire- thyroïdiens [101] (inversion du chromosome 11, le gène ment aux chromosomes condensés. Dès l’entrée en ana- de D1 devenant lié au gène codant pour la parathormone,
  • 7. Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire 115 inv [11] [p15 ;q13]), le produit de l’oncogène bcl-1 [176] CDK2 a une masse moléculaire de 33 kDa. Son gène (translocation 11 ;14 [q13 ;q32]). La translocation (11 ; est localisé sur le chromosome 12 en 12q13 [19]. Elle 14) est caractéristique des lymphomes du manteau et acquiert une activité kinase en association avec la cycline déplace l’enhancer du gène codant pour la chaîne lourde A ou E [121, 19]. Le complexe cycline A/CDK2 déve- des immunoglobulines dans le locus de la cycline D1, loppe une activité kinase dès la phase G1 tardive jusqu’à laissant le codage de D1 ininterrompu. La cycline D1 est la métaphase, quand la cycline A est détruite. L’activité surexprimée dans beaucoup de cancers soit par amplifi- kinase du complexe cycline E/CDK2 se manifeste aussi cation de son gène (43 % des carcinomes tête et cou, 34 % dès la phase G1, atteint son maximum en début de phase des carcinomes de l’œsophage, 15 % cancers de la vési- S, puis disparaît [121, 19]. Cette kinase, en association cule, 13 % des cancers du sein, 10 % des carcinomes avec la cycline E, est indispensable à la mise en route de bronchiques à petites cellules et des hépatocarcinomes) la réplication de l’ADN [169]. Durant la phase S, la soit par translocations ciblant le locus de D1 sur le chro- cycline E est remplacée dans ce complexe par la cycline mosome 11q13 [44]. A [77]. La cycline D2 est codée par un gène situé sur le chro- À la différence de la plupart des CDK connues, CDK4 mosome 12p13 [56]. Ce gène a été identifié comme le site n’a pas d’activité kinase sur les histones H1. Son gène est d’intégration d’un provirus murin responsable d’une leu- localisé sur le chromosome 12 en 12q13, dans la même cémie T chez la souris et qui entraîne une surexpression région que CDK2 [19]. Ses partenaires régulateurs sont de la cycline D2 [45]. La cycline D2 est parfois surexpri- les cyclines D [91]. Le complexe cycline D1/CDK4 mée dans certaines proliférations malignes telles que les devient actif comme kinase au milieu de la phase G1, avec hémopathies lymphoïdes chroniques B [18] ou dans les une activité maximale à la transition G1/S, et reste détec- lymphocytes B transformés par l’EBV [156]. table jusqu’à la mitose [92]. Les souris knock-out pour La cycline D3 est codée par un gène situé sur le chro- CDK4 sont viables, mais sont de petite taille et stériles mosome 6p21 [56]. Ce gène n’a pas été identifié comme [128]. Ces souris développent un diabète en raison d’un un proto-oncogène bien qu’il soit réarrangé dans de mul- déficit en cellules pancréatiques. CDK4 pourrait être un tiples désordres lymphoprolifératifs. régulateur spécifique de certains types de cellules. CDK5 est retrouvée à des taux élevés dans les neurones et joue un rôle essentiel dans le métabolisme cérébral. LES KINASES DÉPENDANTES DES CYCLINES CDK5 est particulière car elle n’est pas activée par une (CDK) cycline et possède des activateurs qui lui sont propres [146]. Toutes les kinases ont dans leur extrémité NH2 terminale CDK6 est une protéine de 40 kDa formant des comple- une séquence xGxPxxxxREx (où x représente n’importe xes avec toutes les cyclines D. Elle a une activité kinase quel acide aminé). Il s’agit d’une région conservée qui sur pRb. Après la stimulation des lymphocytes T par la correspond au domaine de liaison aux cyclines [23, 30]. PHA, cette activité se manifeste dès le milieu de la phase Les CDK sont au nombre de huit. G1 [96]. CDK1 (ou p34cdc2) est la première CDK décrite chez CDK7 phosphoryle CDK1, CDK2 et CDK4 respective- l’homme. CDK1 est absente des cellules quiescentes. ment sur les résidus thréonine (Thr) 161, 160 et 172, ce Dans les cellules qui prolifèrent, elle peut être détectée qui conditionne leur activation comme kinase des histo- tout au long du cycle mitotique, mais son ARN messager nes H1. Elle se lie à la cycline H et subit une phospho- (ARNm) varie au cours du cycle, avec un minimum en rylation sur la Thr 170 pour acquérir l’activité kinase phase G1 [37]. Dans de nombreux types cellulaires, la (homologie avec les Thr 161 de CDK1, 160 de CDK2 et concentration de la protéine varie peu au cours de l’inter- 172 de CDK4 toutes faisant l’objet de phosphorylations phase mais dans les cellules lymphoïdes humaines, activatrices). Le complexe cycline H/CDK7 est dénommé celle-ci suit les mêmes variations au cours du cycle cel- CAK (CAK : CDK activating kinase). Ni l’expression de lulaire que celles de son ARNm [177]. L’activité enzyma- la protéine CDK7, ni son activité enzymatique ne varient tique de CDK1 ne se manifeste que pendant une période au cours du cycle mitotique des cellules proliférantes, ce très courte à la transition G2/M, entraînant le déclenche- qui suggérerait un mécanisme particulier gouvernant son ment de celle-ci. L’initiation de la mitose est dirigée de action sur les autres CDK [14]. façon temporelle et spatiale par une cascade de phospho- CDK8 est le partenaire CDK de la cycline C. rylation de protéines qui aboutit à l’activation du com- plexe cycline B1/CDK1 [105]. Durant la phase S, CDK1 Régulation de l’activité CDK s’associe à la cycline B synthétisée de novo. CDK1 peut aussi être activée par la cycline A avant l’activation par la L’activation d’une CDK est régulée à trois niveaux : cycline B. – la liaison à une cycline,
  • 8. 116 J.F. Viallard et al. – la phosphorylation, – la liaison à des protéines aux fonctions variables mais en général inhibitrices. La liaison à une cycline est indispensable Une CDK a une structure bilobaire [15, 66, 67] et lie son substrat et l’ATP dans une partie située entre les deux lobes. Dans sa forme inactive monomérique, une CDK se lie à l’ATP dans une conformation qui rend impossible une attaque nucléophilique par un substrat hydroxyle sur le pont β-γ phosphate de l’ATP. De plus, une partie conservée de la kinase (appelée boucle T), cache la fente catalytique et empêche la liaison aux substrats. La liaison à une cycline entraîne un changement de conformation de la CDK (figure 5A). Par exemple, en se liant à la kinase CDK2, la cycline A modifie l’orientation de l’ATP dans la fente catalytique et provoque un déplacement de la bou- cle T [58, 60]. Ces deux événements ont pour consé- quence une neutralisation des deux facteurs principaux qui gardent CDK2 dans une forme inactive. Les régions de la cycline A et de CDK2 qui interagissent entre elles sont conservées parmi les autres membres des cyclines et des CDK. La liaison à la cycline permet la phosphorylation La liaison à la cycline ne suffit pas pour activer une CDK (figure 5A). La liaison à une cycline fait qu’une CDK devient accessible à l’action du complexe CAK qui phos- phoryle un résidu thréonine (Thr161 pour CDK1, 160 pour CDK2) dans la boucle T [90]. La boucle T devient ainsi positionnée en situation C-terminale loin de la fente catalytique ce qui, dans l’exemple concernant CDK2 et la cycline A, stabilise le complexe cycline A/CDK2 [58]. Il existe une phosphatase qui réverse la phosphoryla- Figure 5. A : activation d’une CDK grâce à la liaison à une cycline et tion de la boucle T en Thr par CAK : c’est la KAP (CDK- grâce à l’action de CAK. B : exemple de régulation de l’activation de associated phosphatase) [46, 125]. KAP peut se lier aux CDK1. CDK1 est activée si plusieurs conditions sont réunies : la liaison complexes cycline/CDK, mais peut déphosphoryler une à une cycline, la phosphorylation en Thr161 par CAK et l’absence de phosphorylation en Thr14 et Tyr15. La phosphorylation de ces deux der- CDK seulement si elle est monomérique. Donc la déphos- niers résidus se fait par des kinases dont le nom varie selon les espèces. phorylation d’une CDK ne peut nécessairement que sui- vre la dégradation de la cycline. La phosphorylation d’une CDK n’est pas forcément CDC25A est impliquée dans la transition G1/S ; CDC25B synonyme d’activation. Seule la phosphorylation de Thr et C sont impliquées dans l’initiation de la mitose. (160 ou 161 selon la kinase) est activatrice. La phospho- rylation de Thr14 et tyrosine (Tyr) 15 (qui s’effectue par des kinases telles que wee1 ou Myt1 ou Mik1 selon les LA PROTÉINE DU RÉTINOBLASTOME (pRb) espèces) inhibe la CDK (figure 5B). Pour être active, une CDK doit donc être déphosphorylée sur la Thr 14 et la pRb gardienne du point R Tyr 15 ; c’est le rôle de CDC25 qui est une phosphatase [25, 141]. L’activité kinase n’apparaît que lorsque la phos- La protéine du rétinoblastome (pRb) est une sorte de gar- phatase codée par le gène CDC25 déphosphoryle ces deux dienne moléculaire qui empêche la progression en phase acides aminés, débloquant ainsi l’enzyme. Le début de la G1 [175]. pRb semble agir au point R : c’est la gardienne mitose est donc déclenchée par l’activation de CDC25 et de la porte du point R après lequel la cellule est engagée l’inactivation de Wee1 (kinase qui phosphoryle la Tyr15). irréversiblement dans les autres phases du cycle et donc Il existe trois isoformes de CDC25 [38] : A, B et C. la division cellulaire. pRb est hypophosphorylée (forme
  • 9. Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire 117 cet hétérodimère est importante pour la liaison à l’ADN et la transactivation des gènes. L’activité des facteurs E2F est très strictement contrôlée au cours du cycle cellulaire : ils sont inactifs pendant les deux premiers tiers (environ) de la phase G1 (car les facteurs E2F sont liés à pRb) ; ils sont activés lorsque la cellule passe le point de restriction R. La molécule qui contrôle les facteurs E2F et autorise leur activation est pRb qui se lie physiquement au domaine transactivateur des protéines E2F. Cette interac- tion se fait via la région de pRb dans laquelle sont loca- lisées la plupart des mutations observées dans les tumeurs, la « poche A/B » [174]. La « poche A/B » est également le domaine de pRb avec lequel interagissent certaines protéines transformantes qui inactivent pRb, comme l’antigène T de SV40 ou la protéine E1A de l’adé- novirus. pRb est donc un répresseur de la transcription qui mas- Figure 6. Les complexes cycline/CDK, en phosphorylant pRb en fin de que le domaine transactivateur des facteurs E2F avec phase G1, rendent possible l’expression des gènes dépendants des fac- teurs de transcription de la famille E2F. lequel la protéine pRb interagit directement, les empê- chant ainsi de remplir leur fonction transactivatrice. La phosphorylation de pRb libère les protéines E2F leur per- active de la molécule) lors de la première partie de G1 et mettant de se lier aux promoteurs des gènes cités. La devient hyperphosphorylée (et donc inactive) aux alen- transcription peut avoir lieu et la progression dans le cycle tours du point R. La cellule, lorsqu’elle arrive au point R, se poursuit au-delà du point R. Les protéines E2F ont un ne peut progresser que si pRb devient phosphorylée. rôle primordial dans la transition de G1 à S, le facteur Selon le schéma le plus probable, les complexes cyclines E2F-1 pouvant par exemple à lui seul promouvoir l’entrée D/CDK4-CDK6 et cycline E/CDK2 phosphorylent pRb, en phase S de fibroblastes quiescents [59]. Le promoteur inhibant ainsi son activité antiproliférative. Seules les de E2F-1 a plusieurs sites de fixation pour les autres fac- cyclines de type D (pas les cyclines E ni A) peuvent se teurs E2F, suggérant que E2F-1 régule sa propre expres- lier directement à pRb [22, 31]. Il est probable que pRb sion d’une façon dépendante du cycle, provoquant alors reste phosphorylée au cours des phases S, G2 et M par les une forte augmentation des taux des protéines E2F libres CDK dépendantes des cyclines A et B, et ne se déphos- en fin de phase G1 [26]. phoryle qu’une fois la mitose terminée, les cellules Une fois la cellule passée en phase S, les membres de la migrant vers la phase G1 (ou G0). famille E2F sont inactivés. Les complexes cycline A/CDK2 (pas les complexes cycline E/CDK2 qui n’ont pRb se lie aux membres de la famille E2F pas cette fonction) se lient aux membres de la famille E2F et phosphorylent DP-1, empêchant ainsi leur liaison à pRb sous forme déphosphorylée exerce une action anti- l’ADN [71, 72]. proliférative par son association aux facteurs de transcrip- tion de la famille E2F et les empêche ainsi de transactiver LES INHIBITEURS DES KINASES des gènes nécessaires à la réplication de l’ADN. La phos- DÉPENDANTES DES CYCLINES (CKI) phorylation de pRb, en fin de phase G1 libère les facteurs E2F de l’action inhibitrice de pRb (figure 6) [87, 162]. Quelle stratégie la cellule peut-elle mettre en jeu pour En effet, pRb contrôle l’activité de plusieurs protéines freiner l’activité kinase des complexes cycline/CDK ? notamment celles de la famille E2F qui sont des facteurs Durant l’année 1993, une réponse à cette question a été de transcription régulateurs de la transcription de plu- apportée par la mise en évidence dans les cellules de sieurs gènes requis pour la progression à travers le cycle mammifères d’une série de petites protéines capables de cellulaire (par exemple les gènes codant pour la thymi- lier les complexes cycline/CDK et d’inhiber leur activité dine kinase ou pour les cyclines A ou E) ou impliqués kinase. Cela fournit à la cellule un moyen d’inhiber les dans la réplication de l’ADN (gènes codant par exemple complexes cycline/CDK en réponse à divers stimuli et pour l’ADN polymérase α ou PCNA) [17, 79, 102, 103]. réduit ses possibilités de passer le point R. Ces protéines Les protéines E2F sont des hétérodimères composés inhibitrices peuvent participer à la régulation du cycle cel- d’une molécule E2F (E2F-1 à E2F6) et d’une des protéi- lulaire en retardant l’activation des divers complexes nes de la famille DP (DP1 ou DP2) [74]. La formation de cycline/CDK spécifiques de G1/S jusqu’au temps adéquat
  • 10. 118 J.F. Viallard et al. et en assurant leur mise en œuvre ordonnée. Ainsi, une ne s’exerçant que lorsque le taux de la protéine modula- lésion de l’ADN déclenche l’accumulation de p53 qui trice devient supérieur à celui des complexes cycline/ induit l’expression de p21WAF1/CIP1 qui se lie à tous les CDK. Bien que la saturation du complexe par p21 puisse complexes cycline/CDK, et l’arrêt en G1 permettant la ainsi bloquer leur activation par CAK, p21 peut égale- réparation de l’ADN [139]. ment inhiber l’activité du complexe qui a déjà subi la Deux grandes familles d’inhibiteurs des complexes phosphorylation par CAK. cycline/CDK ont été décrites. La famille des inhibiteurs L’expression de p21 est universelle et l’expression de KIP/CIP (pour CDK inhibiting protein) est constituée des son gène est régulée par p53 [47, 180, 27]. Dans les cel- protéines p21WAF1/CIP1 (p21), p27KIP1/ICK/PIC2 (p27) et lules des patients atteints du syndrome de Li-Fraumeni p57KIP2. Ces protéines partagent la propriété d’inhiber la (maladie caractérisée par une absence d’expression de plupart des complexes cycline/CDK. À l’opposé, les pro- p53), p21 est absente des complexes cycline/CDK [182]. téines de la famille INK4 (pour INhibitor of CDK4), Inversement, la synthèse de p21 augmente quand p53 est p16INK4a/MTS1/CDKN2/CDK4I (p16), p15INK4b/MTS2, induite par une lésion de l’ADN (radiations ionisantes). INK4c/INK6A INK4d/INK6B p18 , et p19 inhibent spécifique- En inhibant indirectement l’activité CDK, p53 empêche ment CDK4/6. Chacune de ces protéines est codée par un la phosphorylation de pRb et la libération des facteurs unique gène et constituent ainsi les principaux régulateurs E2F. Dans les cellules normales, p21 se trouve dans un de la phosphorylation de pRb. complexe quaternaire incluant la kinase, la cycline, p21 et PCNA [181]. p21 est capable d’inhiber directement la La famille des inhibiteurs KIP/CIP réplication de l’ADN dépendante de PCNA lors de l’absence de complexes cycline/CDK [171]. p21 est donc Les protéines de cette famille sont nucléaires et ont toutes un médiateur central du point de contrôle G1 induit par la propriété de réprimer l’activité de toutes les CDK de p53. façon universelle. Leur action d’inhibition se fait par l’intermédiaire d’un domaine situé en position p27kip1 N-terminale et relativement conservé entre les trois pro- Le gène codant pour p27 est localisé sur le chromosome téines [122, 168]. La fixation de p27 sur une CDK 12p13 [124]. Il a été cloné par divers groupes [122, 157, entraîne des changements de conformation du domaine 168] et son analyse structurale a été publiée en 1996 catalytique de la CDK bloquant ainsi l’accès à l’ATP [137]. p27 a été découvert dans les cellules épithéliales de [137]. Par ailleurs, les trois protéines de cette famille CIP/ poumon de vison (Mv1 Lu) par Koff et Massagué lors KIP dirigent les complexes cycline D/CDK vers le noyau. d’études concernant l’inhibition de la prolifération cellu- laire par TGF-β. Le TGF-β induit un arrêt des cellules p21CIP1/WAF1 Mv1 Lu en fin de phase G1 et empêche la phosphorylation p21 est indispensable à l’arrêt du cycle cellulaire au point de pRb qui précède l’entrée en phase S dans les cellules de contrôle G1 en réponse à des lésions de l’ADN [20]. en cycle. En avril 1993, Koff et Massagué ont démontré Elle inhibe en effet la progression du cycle cellulaire en que ces effets étaient la conséquence de l’incapacité des se liant, par son domaine aminoterminal, aux complexes cellules traitées par TGF-β de former des complexes cycline/CDK de la phase G1 et, par son domaine carboxy- cycline E/CDK2 actifs. C’est une protéine dénommée p27 terminal, à l’antigène nucléaire PCNA, bloquant ainsi qui, en se liant aux complexes cycline E/CDK2, empêche l’activation de l’ADN polymérase δ [9]. Des études plus leur activation par phosphorylation de CDK2 sur la récentes ont montré que, parallèlement à cette action anti- Thr160. proliférative, p21 exerce aussi une action antiapoptotique [57, 159]. L’ARNm codant pour la protéine p21 est induit dans les Mécanismes d’action de p27 fibroblastes durant la transition de G0 à G1 [81]. p21 se lie Dans les cellules quiescentes, les taux de p27 sont relati- aux complexes cycline D/CDK4 et cycline E/CDK2 vement élevés alors que ceux de p21 sont bas mais aug- durant la phase G1 donnant à penser qu’elle agirait mentent en réponse aux signaux mitogéniques durant la comme un facteur d’union de la cycline et de la kinase. progression en G1. La stimulation de lymphocytes T Alors que les complexes ne contenant qu’une seule molé- humains par l’interleukine (IL)-2 entraîne une chute du cule de p21 sont actifs (activité catalytique), ceux qui en taux de p27 [36]. p27 chute lors de la stimulation de contiennent plusieurs sont inactifs et les changements macrophages par CSF1 (colony stimulating factor), mais dans la stœchiométrie de p21 sont suffisants pour rendre la costimulation de ces mêmes cellules avec des substan- compte de cette conversion [185]. En effet, des comple- ces analogues ou inducteurs d’AMPc augmente le taux de xes p21-CDK2-cycline A existent sous forme active ou synthèse de p27 empêchant l’activation des complexes inactive selon la stœchiométrie de p21, l’effet inhibiteur cyclines D/CDK et entraînant l’arrêt en G1 [63].
  • 11. Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire 119 Figure 7. Représentation schématique de la régulation des protéines CIP/KIP. Après stimulation mitogènique, les com- plexes cycline D/CDK séquestrent les protéines CIP/KIP ce qui empêche ces dernières d’inhiber les complexes cycline E/CDK qui dès lors peuvent phosphoryler pRb. Les facteurs transcriptionnels de la famille E2F sont alors libérés et aug- mentent la transcription du gène de la cycline E. Les comple- xes cycline E/CDK phosphorylent alors les protéines CIP/KIP qui vont être détruites par le protéasome. Quand la cellule entre en cycle, p27 est captée par les premier temps l’activité des complexes cycline D/CDK complexes cyclines D/CDK. La séquestration des molé- en permettant l’assemblage de la cycline D et de la CDK cules de p21 et de p27 libres (non liées) par les complexes et en stabilisant le complexe [12]. Dans un second temps, cycline D/CDK allège la contrainte des molécules CIP/ quand le nombre de molécules p27 fixées sur les comple- KIP sur les complexes cycline E/CDK2 facilitant ainsi xes cycline D/CDK augmente, l’effet d’inhibition est mis l’activation de ces derniers (figure 7). Il y a une compéti- en jeu. tion entre les complexes cycline D/CDK et cycline La régulation de p27 est traductionnelle [52] et post- E/CDK2 vis-à-vis des protéines CIP/KIP. Dès que le pro- traductionnelle [110]. Quand des fibroblastes en prolifé- cessus de séquestration de ces protéines diminue le taux ration sont privés de sérum la synthèse de p27 augmente, de p27 « actif » en-dessous d’un seuil, le complexe mais p27 est également libérée des complexes cycline cycline E/CDK2 facilite sa propre activation en phospho- D/CDK car la cycline D est dégradée. La perte de l’acti- rylant p27 en Thr187 déclenchant ainsi sa dégradation vité des CDK dépendantes des cyclines D couplée à [147, 170]. Les molécules résiduelles de p27 et de p21 l’inhibition de CDK2 par p27 induit l’arrêt en G1/S. L’uti- restent liées aux complexes cycline D/CDK tout au long lisation de nucléotides antisens dirigés contre la synthèse des cycles successifs et le pool de ces molécules CIP/KIP de p27 peut empêcher les cellules de devenir quiescentes liées est libéré quand les facteurs de croissance sont reti- [13, 132]. rés du milieu inhibant ainsi les complexes cycline E/CDK et arrêtant la cellule en phase G1. Dans les cellules épi- Rôles de p27 en pathologie théliales de poumon de souris, le TGF-β inhibe la syn- Les souris knock-out pour p27 développent beaucoup de thèse de CDK4 [32] ce qui augmente le taux de p27 libre tumeurs notamment hypophysaires (avec 100 % de péné- (qui n’est pas captée par les complexes cycline D/CDK4) trance) [34]. Le nombre de tumeurs dépend du nombre de qui va donc se fixer sur les complexes cycline E/CDK2 copies du gène (les souris p27-/- développent plus de donnant lieu à un arrêt en G1 [122]. Ainsi la captation de tumeurs que les souris p27-/+) [33]. De plus, les souris p27 par les complexes cycline D/CDK4 permet de pro- knock-out pour p27 sont très sensibles aux agents carci- mouvoir l’activité kinase des complexes cycline E/CDK2 nogènes. La perte de l’expression de la protéine pourrait aidant à établir l’ordre d’activation. favoriser le développement et/ou la progression d’une Comme pour p21, la stœchiométrie de p27 détermine tumeur si bien que p27 a été étudié dans beaucoup de can- s’il est activateur ou inhibiteur. Les protéines CIP/KIP se cers. Néanmoins, à la différence des gènes suppresseurs lient d’abord aux cyclines D ce qui permet l’assemblage de tumeurs, les anomalies (mutations, délétions homo- avec CDK4 ou CDK6 et conduit non pas à l’inhibition zygotes) concernant le gène sont exceptionnelles dans les mais à l’activation et à la stabilisation du complexe. Dans tumeurs [124, 64]. En revanche, l’absence ou la diminu- des souris knock-out pour p27, les taux de complexes tion d’expression de p27 (ou l’augmentation de la dégra- cycline D1/CDK assemblés est diminué de plus de dix dation de p27) est un facteur pronostic péjoratif puissant fois [12]. En fait, les protéines CIP/KIP facilitent dans un dans plusieurs cancers (cancers du sein ou colorectaux par
  • 12. 120 J.F. Viallard et al. exemple) [84]. À la différence des autres CKI dont locus INK4a/ARF) est remarquable par son organisation l’abondance est régulée par le taux de transcription de la génomique, puisqu’un exon est partagé par deux gènes protéine, les taux de p27 sont surtout régulés par un méca- qui codent pour des protéines fonctionnellement différen- nisme post-traductionnel, c’est-à-dire par les voies qui tes (figure 8) [126, 160]. Alors que les virus utilisent sou- assurent sa dégradation [2]. La dégradation de p27 se fait vent cette organisation de gènes se chevauchant dans le par la voie de l’ubiquitine et du protéasome [85] et néces- but d’optimiser au maximum les séquences codantes, une site d’une part sa phosphorylation, et d’autre part son telle organisation est très inhabituelle dans le génome transfert du noyau vers le cytoplasme. Il existe donc une humain. En effet, le locus INK4a/ARF a une structure régulation temporelle et spatiale. Dans une récente étude, pour le moment unique : un premier transcrit (correspon- Loda et al. montrent le caractère significativement péjo- dant à p16) est généré à partir d’un exon 1α et des exons ratif de l’absence de p27 chez des patients affectés d’un 2 et 3 [126, 160]. Un deuxième transcrit dénommé cancer du côlon, et prouvent que cette perte d’expression p19ARF est également généré à partir des exons 2 et 3 mais de la protéine est liée non pas à une anomalie du gène aussi par un deuxième exon 1 situé 13 kb en amont de mais à une forte activation des mécanismes de dégrada- l’exon 1α et dénommé exon 1β. La protéine appelée tion de la protéine [85]. Ce mécanisme est tout à fait ori- p19ARF (ARF pour alternative open reading frame) est ginal et doit se vérifier dans d’autres tumeurs. donc traduite par un autre cadre de lecture [76]. Il n’y a Par ailleurs, p27 aurait un rôle dans la différenciation donc aucune homologie de p19ARF avec les protéines de mais aussi dans la protection contre l’inflammation. la famille INK4. La protéine p19ARF a en revanche la pro- Récemment, Ophascharoensur et al. montrent que les priété de bloquer les cellules en phase G1 et G2, par un lésions de glomérulonéphrite induites expérimentalement mécanisme récemment élucidé (figure 8) [62, 123, 186]. chez les souris knock-out pour p27 sont significativement La protéine p19ARF participe à la dégradation de la pro- plus importantes que chez les souris normales suggérant téine mdm2, cette dernière ayant pour fonction de bloquer un rôle de p27 dans la protection contre l’inflammation l’activité transactivatrice de p53 [149]. p19ARF serait donc [108]. un activateur indirect de p53 [62]. Récemment, plusieurs groupes ont montré que p19ARF inhibe la prolifération La famille des inhibiteurs INK4 cellulaire en activant p53. En effet, les signaux de proli- fération émanant de l’expression de certains oncogènes Les protéines INK4 sont des polypeptides de 15 à 19 kDa (tels que myc, E1A, E2F1 ou ras V12) aboutissent à l’aug- qui partagent près de 40 % d’homologie entre elles. Elles mentation des taux de p19ARF permettant ainsi d’initier sont largement conservées parmi les espèces, les protéi- une cascade d’événements qui aboutissent à la stabilisa- nes murines ayant 90 % d’identité avec les protéines cor- tion et à l’activation de la protéine p53 [62, 123, 16]. Par respondantes de l’homme. Elles sont composées de motifs contraste, les signaux qui régulent p16 restent à identifier. ankyrine plusieurs fois répétés qui jouent un rôle dans les Cependant, l’intérêt de ce locus INK4/ARF semble cru- interactions protéine–protéine [142]. Le troisième motif cial en cancérologie car il code pour deux protéines qui est crucial pour l’interaction des protéines INK4 avec interviennent dans deux voies différentes d’inhibition des CDK4 ou CDK6 [104]. Les signaux qui conduisent à la tumeurs, la voie de pRb et celle de p53. synthèse de ces protéines sont peu connus, mais il est clair par exemple que p15INK4b est induite par le TGF-β et Fonctions des protéines INK4 contribue à sa capacité d’induire un arrêt en phase G1 Les protéines INK4 se lient spécifiquement à CDK4 et à [130, 131]. p16 s’accumule progressivement au fur et à CDK6 et inhibent leur activité [148]. Rappelons que mesure que les cellules vieillissent, jouant un rôle proba- CDK4 et CDK6 sont liées aux cyclines D et ont pour ble dans la sénescence [143, 188] alors que p18INK4C et substrat principal pRb [144]. Dans les cellules proliféran- p19ARF sont focalement exprimées durant le développe- tes, CDK4 (ou CDK6) existe sous trois formes [89] : ment fœtal jouant un rôle dans la différenciation termi- – un complexe de 450-kDa composé de CDK4 (ou nale [188, 100]. CDK6) et de Hsp90/cdc37 ; – un complexe de 150-170-kDa composé d’une cycline Mécanismes transcriptionnels D, de CDK4 (ou CDK6), et de p21 ou p27 ; La région 9p21 comporte deux gènes codant pour – un complexe de 50 kDa composé de CDK4 (ou CDK6) p16INK4a et p15INK4b. Les deux gènes ont une homologie et d’une protéine INK4. de séquence très importante suggérant une duplication Dans les cellules quiescentes, CDK4 est complexée ancestrale, et sont situés à environ 30 kb l’un de l’autre. avec Hsp90/cdc37 [75, 158]. Au fur et à mesure de la pro- Le gène codant pour p15INK4b comporte deux exons et gression en phase G1, CDK4 forme des complexes avec génère deux transcrits, p15 et p10, utilisant le même cadre les cyclines D nouvellement synthétisées et p21 ou p27 de lecture. En revanche, le gène codant pour p16 (appelé (figure 7). Plus en avant dans le cycle, p27 est libérée des
  • 13. Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire 121 protéines CIP/KIP couplées aux cyclines D de l’autre côté pour l’association à CDK4 [115]. L’induction et l’aug- mentation des taux de p16 non seulement entraîne un déplacement des molécules nouvellement synthétisées de CDK4 vers p16, mais peut également provoquer la rup- ture des complexes CDK4/cdc37/Hsp90 déjà formés libé- rant CDK4 qui sera ainsi pris en charge par p16 (figure 9B). En conséquence, il y a augmentation du nombre de complexes CDK4/INK4, les cyclines D non liées étant alors rapidement dégradées par la voie du protéasome [21]. La perte des cyclines D empêche alors la séquestra- tion des molécules p27 qui peuvent alors exercer libre- ment leur action inhibitrice sur les complexes cycline E/CDK2 et cycline A/CDK2, entraînant l’absence de phosphorylation de pRb et donc un arrêt de la cellule en G1. La surexpression des protéines de la famille INK4 est donc responsable d’un arrêt des cellules en G1 mais d’une façon dépendante de l’intégrité de pRb [87, 94]. En effet, la perte de la fonction de pRb empêche la capacité de blo- cage en G1 des protéines INK4. La perte de pRb libère les molécules E2F ce qui a pour conséquence l’augmentation du taux et de l’activité des complexes cycline E/CDK2 [53, 55] qui phosphorylent p27 dont la protéolyse est alors accélérée (figure 10) [147, 170, 112]. Les cellules qui n’ont pas une pRb fonctionnelle ont des taux très élevés de p16, suggérant que pRb régule p16 négativement [114]. Dans une cellule normale, le taux de p16 est maxi- mal en phase S. En fait, il existe physiologiquement une boucle de régulation positive entre pRb et p16. Après phosphorylation par les complexes cycline D/CDK4 ou Figure 8. Représentation schématique du locus INK4a/ARF situé entre CDK6, pRb libère les facteurs de transcription qui acti- les gènes de l’interféron et le gène MTAP dans la région chromosomi- vent la transcription de p16. Ainsi, p16 se lie et dissocie que 9p21. Le locus INK4a/ARF code pour deux protéines différentes, les complexes cyclines D/CDK4 ou CDK6. p16INK4a et p19ARF. p16INK4a est codée par les exons 1α, 2 et 3 (rectan- gles noirs) ; p19ARF est codée par les exons 1β, 2 et 3 (rectangles hachu- Quand l’action inhibitrice des membres de la famille rés). p16INK4a se lie aux complexes cycline D/CDK4-6 et les inhibe CIP/KIP sur les complexes cycline E/CDK2 et cycline empêchant ainsi la phosphorylation de pRb ce qui entraîne un arrêt des cellules en G1. p19ARF interagit avec mdm2, protéine qui inhibe p53. En A/CDK2 est neutralisée, les CDK dépendantes des cycli- permettant la dégradation de mdm2, p19ARF active indirectement p53 et nes D ne sont plus utiles pour la progression dans le cycle entraîne un arrêt de la cellule en G1 et en G2. cellulaire (figure 11). Les cellules n’exprimant ni p27 ni p21 n’ont pas pour autant des cycles perturbés en dépit du fait que l’activité des kinases dépendantes des cyclines D complexes cycline E/CDK2 et cycline A/CDK2, événe- soit faible [12]. Inversement, l’activité des complexes ment qui permet l’activation de ces complexes cycline cycline E/CDK2 est très élevée et pRb est périodiquement E/CDK2 et cycline A/CDK2 qui, en retour, peuvent d’une phosphorylée pendant le cycle même sur les sites préfé- part phosphoryler p27 et promouvoir sa dégradation, et rentiellement reconnus par CDK4 ou CDK6. De telles d’autre part phosphoryler pRb. Alors les cellules peuvent cellules sont évidemment résistantes à l’action inhibitrice entrer en phase S (figure 7). de p16 mais pas à l’action de p27. En l’absence des mem- Alternativement, dans l’hypothèse d’une situation où bres de la famille CIP/KIP, la fonction de séquestration une protéine INK4 serait exprimée, une CDK4 nouvelle- des complexes cyclines D/CDK est rendue superflue et les ment synthétisée peut entrer en contact avec une protéine kinases dépendantes des cyclines E et A sont suffisantes INK4 et former un hétérodimère inactif (figure 9A) mais pour phosphoryler pRb. Ainsi, de telles cellules tolèrent stable car CDK4 ne peut plus alors être recrutée dans un parfaitement une réduction de l’activité des kinases complexe actif avec la cycline D [43, 114]. Il y a donc dépendantes des cyclines D. Ces observations sont à rap- une compétition entre les protéines INK4 d’un côté et les procher de celles constatées chez les souris déficientes en
  • 14. 122 J.F. Viallard et al. A Figure 9. A : une molécule CDK4 nouvellement synthétisée se lie à cdc37 et Hsp90. Si elle se complexe à une cycline D elle devient active ; si elle est liée à une protéine de la famille INK4 elle est inactive. B : l’induction et l’augmentation des taux de p16INK4a peut également provoquer la rupture des complexes CDK4/cdc37/Hsp90 déjà formés libérant CDK4 qui sera ainsi pris en charge par p16INK4a. En conséquence, il y a augmentation du nombre de complexes CDK4/INK4, avec arrêt de la séquestration des protéines de la famille CIP/KIP qui sont libérées et qui vont donc pouvoir inhiber les comple- B xes cycline E/CDK2. cycline D1 et/ou D2 qui sont viables en dépit de quelques cycline D1 par la cycline E permet de corriger les anoma- anomalies de développement [153, 154]. De récentes lies du développement de ces animaux et sont compati- observations démontrent que le remplacement de la bles avec l’idée que la cycline E peut fonctionner sans la cycline D1. LA NOTION DE CHECKPOINT Il existe plusieurs transitions au cours du cycle cellulaire. Une transition correspond à un changement unidirection- nel de la cellule qui se déplace d’un état où elle effectuait un certain nombre de processus vers un autre état où elle va effectuer d’autres processus. Comment ces transitions sont-elles coordonnées pour survenir à un temps bien pré- cis et dans un ordre bien défini ? Pour que les événements cellulaires se fassent dans un ordre voulu, il faut que cha- que étape précédant un événement soit complètement et correctement effectuée. Il existe des circuits de régulation qui sont des mécanismes de surveillance qui surveillent Figure 10. Dans les cellules déficientes en pRb, les facteurs de trans- cription E2F ne sont pas inhibés par pRb si bien que leur activité se fait l’achèvement de certains événements cruciaux pour la pleinement notamment sur la transcription de la cycline E. Cela entraîne cellule et ainsi autorisent la survenue d’une transition et une augmentation du nombre de complexes cycline E/CDK2 qui phos- la progression dans le cycle. Il y a deux classes de cir- phorylent les protéines CIP/KIP dont la dégradation s’accélère. Les complexes cycline D/CDK se désunissent et les protéines CDK4 sont cuits : les mécanismes intrinsèques opérant à chaque alors mobilisées dans des complexes avec p16INK4a. cycle cellulaire pour ordonner des événements succes-
  • 15. Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire 123 Le checkpoint G1/S Chez les mammifères, les réponses vis-à-vis d’une lésion de l’ADN sont les mêmes que chez la levure avec en plus la possibilité d’entrer en apoptose (le but n’est pas la sur- vie d’une cellule endommagée mais la survie de l’orga- nisme). Le checkpoint en G1 en réponse à une lésion de l’ADN est le mieux connu. Trois gènes le contrôlent : ATM (ataxia telangiectasia mutated, le gène muté dans la maladie ataxie télangiectasie) [111, 140], p53 [83] et p21 [5]. p53 est le gène suppresseur de tumeur le plus fréquem- ment muté dans les cancers humains [150]. Il code pour Figure 11. La perte des protéines CIP/KIP a pour conséquence une un facteur de transcription qui est activé en réponse à une désunion des complexes cycline D/CDK4-6 entraînant une destruction des cyclines D et une séquestration des molécules CDK4 dans des com- lésion de l’ADN ou une perturbation du pool de nucléo- plexes avec p16INK4a. Il en résulte une augmentation de l’activité des tides. p53 activée est capable d’inhiber le cycle cellulaire complexes cycline E/CDK2 ce qui suffit pour phosphoryler pRb et com- et de promouvoir l’apoptose [99]. Les cellules dépourvues penser la perte des complexes cycline D/CDK. de p53 sont incapables de s’arrêter en phase G1 en réponse à une irradiation γ et ont une apoptose réduite. Une partie de la capacité de p53 à arrêter la cellule en phase G1 vient de l’activation de la transcription de p21 sifs ; les mécanismes extrinsèques induits seulement pour inhibiteur des CDK qui contrôlent l’entrée en phase S agir quand un défaut est détecté (altération de l’ADN par [29]. Les fibroblastes embryonnaires de souris qui n’ont exemple). La perte de ces voies de contrôle réduit la fidé- pas p21 ne s’arrêtent que partiellement en phase G1 sug- lité des événements cellulaires tels que la réplication et la gérant l’existence d’une autre voie dépendante de p53 ségrégation chromosomiques. De telles altérations peu- permettant l’arrêt en phase G1. Cette voie est inconnue. vent conduire à une prolifération non contrôlée et à la can- cérisation. Le produit du gène ATM a été impliqué dans la régula- Checkpoint est le nom donné à des sous-unités particu- tion de p53. Ce gène, qui code pour une protéine kinase, lières de ces mécanismes intrinsèques et extrinsèques est muté dans le syndrome ataxie télangiectasie. Les cel- [48]. C’est une voie biochimique qui s’assure de la dépen- lules qui n’ont pas ce gène ont une activation réduite et dance d’un processus vis-à-vis d’un autre. Cette défini- retardée de p53 en réponse à une lésion de l’ADN [86]. tion est large mais dans le langage scientifique courant, L’action de la protéine kinase ATM ne passe pas par on parle de checkpoint en référence au contrôle des tran- p19ARF. Lors d’une lésion de l’ADN, ATM phosphoryle sitions du cycle cellulaire. Le mot conjugue à la fois un la partie N-terminale de p53 ce qui stabilise p53 et empê- terme de lieu (frontière) et un terme d’examen. Parfois le che sa dégradation [155]. D’autres kinases (telles que la terme est utilisé à la place du mot transition mais il devrait DNA-PK, DNA-dependent protein kinase) capables de être restreint aux voies biochimiques qui assurent la phosphoryler p53 ont été mises en évidence et joueraient dépendance d’un processus vis-à-vis d’un autre. Par le même rôle qu’ATM en réponse à des lésions de l’ADN exemple, le DNA-damage checkpoint est le mécanisme [179]. qui détecte une altération de l’ADN et génère un signal L’activation de p53 (par l’expression d’oncogènes ou qui arrête les cellules dans la phase du cycle où elles se par lésions de l’ADN) est associée à une stabilisation trouvent et induit la transcription de gènes réparateurs. La post-translationnelle de la protéine. Cette stabilisation position d’arrêt dans le cycle dépend de la phase à résulte en partie de l’inhibition de la protéine mdm2 qui laquelle la lésion de l’ADN a lieu. Les checkpoints sont promouvoit la dégradation de p53 [73]. des points de décision où des mécanismes de contrôle Le fait que les gènes codant pour p53 et ATM soient opèrent et empêchent la progression dans le cycle si les fréquemment mutés dans les cancers humains [54] sug- étapes précédentes n’ont pas été complètes ou si l’ADN gère que la fonction des checkpoints est importante dans est altéré. Ainsi, en G1, une cellule doit surveiller sa taille, la prévention des cancers. On en sait plus sur les check- la présence de nutriments et l’intégrité de son ADN avant points de la levure que chez l’homme et tout va dépendre de commencer le processus d’initiation de la synthèse des degrés de conservation entre les mécanismes de d’ADN. En G2 il existe un checkpoint qui, dans le cas où l’homme et de la levure. Cela dit, la perte de p21 entraîne l’ADN est endommagé ou non répliqué, empêche la cel- peu de cancers [5, 20] et les mutations de p21 sont rares lule d’entrer en mitose. dans les tumeurs [152]. Donc le fait de dire que la perte