3. Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire 111
les mécanismes de régulation du cycle font intervenir trois
groupes de protéines : les CDK, les cyclines et les CKI.
Nous nous proposons dans cette revue de décrire les
principaux aspects fondamentaux qui régissent la progres-
sion dans le cycle cellulaire. Par ailleurs, nous verrons,
par quelques exemples, quelles répercussions les altéra-
tions survenant dans ces mécanismes contribuent au pro-
cessus de cancérisation. Il ne s’agit pas ici de faire une
revue exhaustive mais d’apporter les bases fondamentales
nécessaires à la compréhension du rôle oncologique des
protéines du cycle cellulaire.
LES ÉTAPES DU CYCLE CELLULAIRE
Les eucaryotes, de la levure à l’homme, ont des cycles de
division similaires. Les premières études par microscopie
optique ont permis de définir cinq étapes dans le cycle Figure 1. Les étapes du cycle cellulaire.
cellulaire : G0, G1, S, G2 et M (figure 1). G1 signifie
« pause 1 » (gap = pause, d’où le G) car il s’agit d’une
pause dans le cycle durant laquelle on n’observe, au contrôlent la croissance cellulaire et la différenciation
microscope, aucun phénomène lié au cycle cellulaire. La dans les organismes multicellulaires semblent donc liés à
plupart des cellules adultes, différenciées, ne se divisant la machinerie du cycle cellulaire présente en phase G1.
pas, se trouvent en phase G1 ou en état de quiescence qui Il y a 20 ans, Temin a montré que des cellules de poulet
définit la phase G0. S signifie « synthèse » d’ADN. C’est deviennent indépendantes des signaux mitogènes exté-
pendant cette phase que les chromosomes se répliquent. rieurs plusieurs heures avant d’entrer en phase S [166].
Le brin nouvellement synthétisé est exactement complé- Cette notion a été reprise et développée plus tard par Par-
mentaire à la matrice. G2 signifie « pause 2 », c’est le dee qui a introduit le terme de point de restriction (R)
second arrêt du cycle cellulaire, la cellule se préparant à [113]. R est le moment de G1 après lequel les cellules peu-
la mitose. L’étape M est la mitose. Les chromosomes se vent proliférer indépendamment des stimuli extérieurs.
condensent et deviennent visibles sous la forme d’entités La progression en début de phase G1 des cellules qui
indépendantes. Les deux organisateurs des microtubules, sortent de la mitose (cellules dites postmitotiques, pm) est
ou corps polaires, se déplacent pour se retrouver chacun rapidement interrompue si on enlève les facteurs de crois-
d’un côté du noyau. Des faisceaux de microtubules se sance du milieu de culture ou si on inhibe la synthèse pro-
développent à partir des corps polaires pour former le téique (20 à 50 % d’inhibition) [184]. Néanmoins, au-delà
fuseau mitotique. Quelques-uns de ces microtubules d’un certain temps après la mitose (qui diffère selon le
s’attachent aux kinétochores des chromosomes qui, ainsi type de cellule, fibroblastique ou épithéliale par exemple)
attachés, s’alignent alors sur la plaque métaphasique qui les cellules ne s’arrêtent plus, même si les facteurs mito-
est un plan situé à mi-chemin entre les corps polaires. gènes sont retirés du milieu, mais avancent et effectuent
Lorsque tous les kinétochores sont attachés aux microtu- un cycle complet. On distingue donc les cellules dites
bules et alignés sur la plaque métaphasique, un signal est G1-pm (cellules postmitotiques arrêtées par la privation
donné et l’anaphase débute. Les chromosomes commen- en facteurs de croissance) et les cellules dites G1-ps (pré-
cent à se déplacer vers les pôles qui s’éloignent par phase S) qui sont capables d’initier une réplication de
ailleurs l’un de l’autre. Enfin, la cellule se divise (c’est la l’ADN en absence de facteurs mitogènes (figure 2). La
cytodiérèse) pour produire deux cellules filles en phase transition qui fait passer une cellule de la phase G1-pm à
G1. la phase G1-ps correspond au terme anglo-saxon commit-
ment : c’est l’engagement irréversible de la cellule vers
LA NOTION DE POINT DE RESTRICTION un cycle chromosomique complet. Cette transition corres-
pond au point R dit de restriction.
Une cellule ne peut entrer en cycle que sous l’effet de fac-
teurs stimulateurs appelés mitogènes. Pendant la phase LES CYCLINES
G1, la cellule décide si elle continue à progresser dans le
cycle cellulaire, ce qui aboutira à la division cellulaire, ou Les cyclines sont une famille de protéines qui subissent
si elle quitte le cycle et entre alors dans un état de quies- des variations de leur taux au cours du cycle et qui parta-
cence (G0) ou de différenciation. Les mécanismes qui gent toutes un degré de similitude quant à leur composi-
4. 112 J.F. Viallard et al.
Figure 2. Modèle du cycle cellulaire basé sur des expériences
faites sur des fibroblastes humains. Les cellules sortent de la
mitose et entrent à nouveau en phase G1-pm. La progression
jusqu’au point R est dépendante des facteurs de croissance (FC).
Si les FC sont enlevés du milieu, les cellules entrent dans un état
de quiescence (G0). Lorsque les FC sont réintroduits, les cellules
retournent au même point de la phase G1-pm qu’elles ont quitté
lors de leur entrée en quiescence (d’après Zetterberg et al. [184]).
tion en acides aminés. En effet, les cyclines sont définies se situe en G2/M [119]. La figure 3B est un exemple du
par une région commune d’environ 100 acides aminés profil d’expression des principales cyclines dans la lignée
appelée cyclin box qui sert à lier et à activer les CDK [68, HeLa au cours du cycle cellulaire.
78] (figure 3A). On distingue d’une part les cyclines dites Ces deux types de cyclines varient dans leur structure
« START » ou G1 qui atteignent leur pic d’expression en générale : les cyclines mitotiques ont environ 200 acides
phase G1 (cycline C, cyclines D : D1, D2 et D3) ou à la aminés situés dans la partie N-terminale (figure 3A) alors
transition G1/S (cycline E) et d’autre part les cyclines que les cyclines START s’étendent en C-terminal pour for-
dites mitotiques (cyclines A et B) dont le pic d’expression mer une région riche en proline, acide glutamique, sérine
Figure 3. A : schéma général de la composition des cyclines.
B : exemple d’expression des cyclines au cours du cycle cel-
lulaire dans la lignée cellulaire HeLa.
5. Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire 113
et thréonine appelée « PEST ». Cette région PEST joue Les cyclines mitotiques
un rôle dans le renouvellement rapide de ces cyclines et
leur confère une demi-vie très courte [69, 80]. Les cyclines mitotiques comprennent la cycline A et la
cycline B. Elles possèdent une séquence d’acides aminés
partiellement conservée (dénommée destruction box)
Les cyclines D située en partie N-terminale, indispensable à leur destruc-
tion rapide et soudaine spécifiquement pendant la mitose
[39]. Cette destruction se fait par la voie de la protéolyse
Les cyclines de type D sont au nombre de trois et sont les dépendante de l’ubiquitine [161]. Le taux des cyclines
premières à apparaître lors d’une stimulation par des mitotiques augmente progressivement au cours des pha-
mitogènes. Elles sont synthétisées tout au long de la sti- ses S et G2 pour atteindre un pic en mitose. Les cyclines
mulation tant que le facteur de croissance reste dans le A et B interagissent toutes les deux avec la kinase CDK1
milieu si bien que les taux des cyclines D varient peu au pour déclencher la mitose et la dégradation de ces deux
cours du cycle, avec néanmoins un pic d’expression en protéines est nécessaire pour que la cellule sorte de la
G1–S. Inversement, dès que le mitogène est retiré du mitose [98, 135]. Cependant, la synthèse et la destruction
milieu, les cyclines D sont rapidement détruites, quelle de la cycline A ont toujours lieu en avance par rapport à la
que soit la position de la cellule dans le cycle [151] : si la cycline B [98, 135].
cellule a dépassé le point R, leur destruction est sans
effet ; si la cellule est en G1, la destruction des cyclines D
La cycline A
empêche la cellule d’aller plus loin dans le cycle. Leur
La cycline A est une protéine de 60 kD qui apparaît à la
synthèse débute en début de G1 et leur activité sur les
transition G1/S. C’est la première cycline qui a été clonée
kinases ne se fait qu’en milieu de G1 et augmente au fur et
et séquencée [164]. Elle est située en position nucléaire
à mesure que les cellules approchent de la transition G1-S
[117]. Elle a d’abord été considérée comme une cycline
[92, 96]. Les partenaires catalytiques majeurs des cycli-
mitotique ne jouant un rôle qu’à la transition G2/M, mais
nes D sont CDK4 et CDK6 [4, 92, 96]. La fonction pri-
plusieurs expériences ont permis de démontrer que la
maire des cyclines D est de stimuler la progression en
cycline A agissait plus précocement dans le cycle cellu-
phase G1. En dépit de leur similitude, les membres de la
laire, étant détectée et activée dès la fin de la phase G1
famille des cyclines D sont différemment exprimés selon
juste avant l’entrée en phase S [7]. L’activité kinase asso-
la lignée cellulaire. Ainsi, la cycline D1 est absente des
ciée à la cycline A à la transition G1/S est celle de CDK2
cellules de la lignée lymphoïde [1].
et non pas CDK1 [28, 134]. La surexpression de la cycline
A entraîne une entrée prématurée en phase S [133].
Les cyclines E et A sont nécessaires au passage en
La cycline E phase S mais ont des fonctions différentes. La cycline A
serait utile pour débuter la réplication de l’ADN. Le com-
La cycline E est une protéine nucléaire de 50 kD dont plexe cycline A/CDK2 se lie au facteur de transcription
l’expression est maximale en fin de phase G1, après l’aug- PCNA (proliferating cell nuclear antigen, qui est une
mentation des cyclines D [69]. Elle agit en fin de phase sous-unité de la polymérase δ de l’ADN intervenant dans
G1 en se complexant avec CDK2 [24, 70]. Le complexe la réplication et la réparation de l’ADN) au niveau de cer-
cycline E/CDK2 a une forte activité kinase juste avant tains sites de réplication de l’ADN et l’inhibition de la
l’entrée des cellules en phase S et phosphoryle la protéine cycline A par des anticorps inhibe la synthèse de l’ADN
du rétinoblastome (pRb) [49, 169]. La surexpression de la dans des cellules humaines [8, 109].
cycline E raccourcit la durée de la phase G1, diminue la
taille de la cellule, diminue la dépendance aux facteurs de La cycline B
croissance et prolonge la durée de la phase S [106, 129]. Il existe trois cyclines B : B1, B2, B3. La cycline B1 est
Des cellules bloquées en phase G1 débutent quand même la mieux connue et joue un rôle important dans les méca-
la réplication de leur ADN quand la cycline E est surex- nismes de déclenchement de la mitose. La cycline B1 est
primée [129]. Des anticorps dirigés contre la cycline E cytoplasmique pendant l’interphase (en association avec
injectés dans des cellules en phase G1 inhibent l’entrée en les microtubules et les centrosomes) jusqu’à la fin de la
phase S [106]. Cette inhibition n’a pas lieu si l’injection prophase où elle est transférée brutalement dans le noyau
se fait dans des cellules en phase S ce qui signifie que la alors que la cycline A reste nucléaire [117, 118]. La
cycline E est indispensable à la transition G1/S. Au cours cycline B1 est intéressante car c’est une des premières
de la phase S, l’expression de la cycline E diminue car protéines du cycle dont la régulation est non seulement
elle est dégradée par le protéasome après action de l’ubi- temporelle mais aussi spatiale. En effet, les choses ne sont
quitine [178]. pas figées. La cycline B1 circule continuellement entre le
6. 114 J.F. Viallard et al.
phase, la destruction de la cycline B1 s’opère par la voie
de la polyubiquitination ce qui est indispensable à l’inac-
tivation du complexe cycline B1/CDK1 et à la sortie de la
mitose [39]. La destruction est initiée par le cyclosome
[65].
Les cyclines virales
Les virus du groupe herpès dérèglent le cycle cellulaire.
Ainsi, l’EBV (Epstein-Barr virus) immortalise les lym-
phocytes B en exprimant deux protéines, EBNALP et
EBNA2 qui permettent une surexpression de la cycline
D2 [156]. D’autres mécanismes d’action interviennent et
notamment la sécrétion de cyclines dites virales. Des tra-
vaux récents ont été rapportés concernant l’herpès virus 8
(HHV8) agent du sarcome de Kaposi, mais qui est égale-
Figure 4. La cycline B1 a une localisation cytoplasmique jusqu’à la ment associé à la maladie de Castleman et à certains lym-
prophase (représentée en gris sur la figure). Il existe un va-et-vient per-
manent de la cycline B1 entre le noyau et le cytoplasme mais l’import phomes survenant notamment chez les sujets infectés par
nucléaire (assuré par l’importine β) est contrebalancé par l’export le virus de l’immunodéfiscience humaine (VIH). Le
nucléaire (assuré par CRM1) qui est plus rapide si bien que la cycline génome de l’HHV8 contient plusieurs gènes qui parta-
B1 est cytoplasmique. À la prophase, la phosphorylation de quatre rési-
dus serine dans le site appelé CRS de la cycline B1 empêche la recon- gent de grandes similitudes avec des gènes impliqués dans
naissance de la cycline B1 par CRM1 si bien que la cycline B1 devient le contrôle du cycle cellulaire et de l’apoptose [138]. Un
nucléaire. de ces gènes qui code pour une protéine homologue aux
cyclines de mammifères est dénommé cycline K [11].
noyau et le cytoplasme pendant l’interphase [41, 42, 167]. Deux autres cyclines virales ont été également identi-
Cependant, la cycline B1 s’accumule dans le cytoplasme fiées : la cycline V et la cycline M qui sont codées par des
car l’import nucléaire est contrebalancé par l’export herpès virus contaminant des animaux [163]. Ces cycli-
nucléaire qui est plus rapide. En effet, pendant l’inter- nes ont une homologie de séquence étroite avec les cycli-
phase, le complexe cycline B1/CDK1 est maintenu dans nes D ; par ailleurs, les cyclines K et V forment préféren-
le cytoplasme grâce à l’activité d’un facteur nucléaire tiellement des complexes avec la kinase CDK6 [40]. Les
d’exportation appelé CRM1 ou exportine. En position cyclines virales ressemblent donc aux cyclines D tant par
N-terminale, la cycline B1 possède un signal dit de réten- leur fonction que par leur séquence. Leur expression
tion cytoplasmique (CRS) qui correspond à une région de entraîne des dérèglements du cycle donnant un avantage
42 acides aminés [118]. Si on injecte dans le noyau de prolifératif aux cellules infectées.
cellules HeLa en phase G2, de la cycline B1 dépourvue du
CRS, la protéine reste nucléaire. Le CRS est donc plus un Implications des cyclines en cancérologie
signal d’export nucléaire qu’un signal de rétention cyto-
plasmique. Le CRS possède une région hydrophobe de 11 Parmi les cyclines jouant un rôle dans la progression de la
acides aminés hautement conservée parmi les cyclines de phase G1 et dans le passage à la phase S (cyclines D,
type B chez les mammifères. Dans cette région, il existe cycline E et cycline A), seules les cyclines D sont fré-
quatre résidus sérine qui, s’ils sont phosphorylés, empê- quemment impliquées dans les tumeurs. L’exemple le
chent la reconnaissance du CRS par CRM1. En consé- plus marquant est l’expression ectopique de la cycline D1
quence, c’est la phosphorylation de ces quatre résidus dans les lymphomes B (notamment les lymphomes du
sérine qui stoppe la sortie de la cycline B1 du noyau en manteau folliculaire) [144]. Cette expression anormale est
prophase (figure 4). Les protéines kinases qui phospho- le plus souvent la conséquence de la juxtaposition du gène
rylent la cycline B1 en CRS pour réguler sa rétention de la cycline D1 aux régions régulatrices des chaînes lour-
nucléaire restent à identifier. des des immunoglobulines par une translocation
Dès que la cycline B1 devient nucléaire, l’enveloppe t(11 ;14)(q13 ;q32).
nucléaire explose, signifiant que le complexe cycline La cycline D1 a été la première cycline D à être iden-
B1/CDK1 agit comme une kinase des lamines nucléaires. tifiée dans les macrophages de souris [93]. Elle a égale-
La cycline B1 se lie alors à l’appareil mitotique, en par- ment été identifiée comme le produit du gène PRAD1, un
ticulier aux pôles du fuseau et à ses fibres principales. En réarrangement connu dans les adénomes humains para-
début de métaphase, la cycline B1 s’associe transitoire- thyroïdiens [101] (inversion du chromosome 11, le gène
ment aux chromosomes condensés. Dès l’entrée en ana- de D1 devenant lié au gène codant pour la parathormone,
7. Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire 115
inv [11] [p15 ;q13]), le produit de l’oncogène bcl-1 [176] CDK2 a une masse moléculaire de 33 kDa. Son gène
(translocation 11 ;14 [q13 ;q32]). La translocation (11 ; est localisé sur le chromosome 12 en 12q13 [19]. Elle
14) est caractéristique des lymphomes du manteau et acquiert une activité kinase en association avec la cycline
déplace l’enhancer du gène codant pour la chaîne lourde A ou E [121, 19]. Le complexe cycline A/CDK2 déve-
des immunoglobulines dans le locus de la cycline D1, loppe une activité kinase dès la phase G1 tardive jusqu’à
laissant le codage de D1 ininterrompu. La cycline D1 est la métaphase, quand la cycline A est détruite. L’activité
surexprimée dans beaucoup de cancers soit par amplifi- kinase du complexe cycline E/CDK2 se manifeste aussi
cation de son gène (43 % des carcinomes tête et cou, 34 % dès la phase G1, atteint son maximum en début de phase
des carcinomes de l’œsophage, 15 % cancers de la vési- S, puis disparaît [121, 19]. Cette kinase, en association
cule, 13 % des cancers du sein, 10 % des carcinomes avec la cycline E, est indispensable à la mise en route de
bronchiques à petites cellules et des hépatocarcinomes) la réplication de l’ADN [169]. Durant la phase S, la
soit par translocations ciblant le locus de D1 sur le chro- cycline E est remplacée dans ce complexe par la cycline
mosome 11q13 [44]. A [77].
La cycline D2 est codée par un gène situé sur le chro- À la différence de la plupart des CDK connues, CDK4
mosome 12p13 [56]. Ce gène a été identifié comme le site n’a pas d’activité kinase sur les histones H1. Son gène est
d’intégration d’un provirus murin responsable d’une leu- localisé sur le chromosome 12 en 12q13, dans la même
cémie T chez la souris et qui entraîne une surexpression région que CDK2 [19]. Ses partenaires régulateurs sont
de la cycline D2 [45]. La cycline D2 est parfois surexpri- les cyclines D [91]. Le complexe cycline D1/CDK4
mée dans certaines proliférations malignes telles que les devient actif comme kinase au milieu de la phase G1, avec
hémopathies lymphoïdes chroniques B [18] ou dans les une activité maximale à la transition G1/S, et reste détec-
lymphocytes B transformés par l’EBV [156]. table jusqu’à la mitose [92]. Les souris knock-out pour
La cycline D3 est codée par un gène situé sur le chro- CDK4 sont viables, mais sont de petite taille et stériles
mosome 6p21 [56]. Ce gène n’a pas été identifié comme [128]. Ces souris développent un diabète en raison d’un
un proto-oncogène bien qu’il soit réarrangé dans de mul- déficit en cellules pancréatiques. CDK4 pourrait être un
tiples désordres lymphoprolifératifs. régulateur spécifique de certains types de cellules.
CDK5 est retrouvée à des taux élevés dans les neurones
et joue un rôle essentiel dans le métabolisme cérébral.
LES KINASES DÉPENDANTES DES CYCLINES CDK5 est particulière car elle n’est pas activée par une
(CDK) cycline et possède des activateurs qui lui sont propres
[146].
Toutes les kinases ont dans leur extrémité NH2 terminale CDK6 est une protéine de 40 kDa formant des comple-
une séquence xGxPxxxxREx (où x représente n’importe xes avec toutes les cyclines D. Elle a une activité kinase
quel acide aminé). Il s’agit d’une région conservée qui sur pRb. Après la stimulation des lymphocytes T par la
correspond au domaine de liaison aux cyclines [23, 30]. PHA, cette activité se manifeste dès le milieu de la phase
Les CDK sont au nombre de huit. G1 [96].
CDK1 (ou p34cdc2) est la première CDK décrite chez CDK7 phosphoryle CDK1, CDK2 et CDK4 respective-
l’homme. CDK1 est absente des cellules quiescentes. ment sur les résidus thréonine (Thr) 161, 160 et 172, ce
Dans les cellules qui prolifèrent, elle peut être détectée qui conditionne leur activation comme kinase des histo-
tout au long du cycle mitotique, mais son ARN messager nes H1. Elle se lie à la cycline H et subit une phospho-
(ARNm) varie au cours du cycle, avec un minimum en rylation sur la Thr 170 pour acquérir l’activité kinase
phase G1 [37]. Dans de nombreux types cellulaires, la (homologie avec les Thr 161 de CDK1, 160 de CDK2 et
concentration de la protéine varie peu au cours de l’inter- 172 de CDK4 toutes faisant l’objet de phosphorylations
phase mais dans les cellules lymphoïdes humaines, activatrices). Le complexe cycline H/CDK7 est dénommé
celle-ci suit les mêmes variations au cours du cycle cel- CAK (CAK : CDK activating kinase). Ni l’expression de
lulaire que celles de son ARNm [177]. L’activité enzyma- la protéine CDK7, ni son activité enzymatique ne varient
tique de CDK1 ne se manifeste que pendant une période au cours du cycle mitotique des cellules proliférantes, ce
très courte à la transition G2/M, entraînant le déclenche- qui suggérerait un mécanisme particulier gouvernant son
ment de celle-ci. L’initiation de la mitose est dirigée de action sur les autres CDK [14].
façon temporelle et spatiale par une cascade de phospho- CDK8 est le partenaire CDK de la cycline C.
rylation de protéines qui aboutit à l’activation du com-
plexe cycline B1/CDK1 [105]. Durant la phase S, CDK1 Régulation de l’activité CDK
s’associe à la cycline B synthétisée de novo. CDK1 peut
aussi être activée par la cycline A avant l’activation par la L’activation d’une CDK est régulée à trois niveaux :
cycline B. – la liaison à une cycline,
8. 116 J.F. Viallard et al.
– la phosphorylation,
– la liaison à des protéines aux fonctions variables mais
en général inhibitrices.
La liaison à une cycline est indispensable
Une CDK a une structure bilobaire [15, 66, 67] et lie son
substrat et l’ATP dans une partie située entre les deux
lobes. Dans sa forme inactive monomérique, une CDK se
lie à l’ATP dans une conformation qui rend impossible
une attaque nucléophilique par un substrat hydroxyle sur
le pont β-γ phosphate de l’ATP. De plus, une partie
conservée de la kinase (appelée boucle T), cache la fente
catalytique et empêche la liaison aux substrats. La liaison
à une cycline entraîne un changement de conformation de
la CDK (figure 5A). Par exemple, en se liant à la kinase
CDK2, la cycline A modifie l’orientation de l’ATP dans la
fente catalytique et provoque un déplacement de la bou-
cle T [58, 60]. Ces deux événements ont pour consé-
quence une neutralisation des deux facteurs principaux
qui gardent CDK2 dans une forme inactive. Les régions
de la cycline A et de CDK2 qui interagissent entre elles
sont conservées parmi les autres membres des cyclines et
des CDK.
La liaison à la cycline permet la phosphorylation
La liaison à la cycline ne suffit pas pour activer une CDK
(figure 5A). La liaison à une cycline fait qu’une CDK
devient accessible à l’action du complexe CAK qui phos-
phoryle un résidu thréonine (Thr161 pour CDK1, 160
pour CDK2) dans la boucle T [90]. La boucle T devient
ainsi positionnée en situation C-terminale loin de la fente
catalytique ce qui, dans l’exemple concernant CDK2 et la
cycline A, stabilise le complexe cycline A/CDK2 [58].
Il existe une phosphatase qui réverse la phosphoryla-
Figure 5. A : activation d’une CDK grâce à la liaison à une cycline et
tion de la boucle T en Thr par CAK : c’est la KAP (CDK- grâce à l’action de CAK. B : exemple de régulation de l’activation de
associated phosphatase) [46, 125]. KAP peut se lier aux CDK1. CDK1 est activée si plusieurs conditions sont réunies : la liaison
complexes cycline/CDK, mais peut déphosphoryler une à une cycline, la phosphorylation en Thr161 par CAK et l’absence de
phosphorylation en Thr14 et Tyr15. La phosphorylation de ces deux der-
CDK seulement si elle est monomérique. Donc la déphos- niers résidus se fait par des kinases dont le nom varie selon les espèces.
phorylation d’une CDK ne peut nécessairement que sui-
vre la dégradation de la cycline.
La phosphorylation d’une CDK n’est pas forcément CDC25A est impliquée dans la transition G1/S ; CDC25B
synonyme d’activation. Seule la phosphorylation de Thr et C sont impliquées dans l’initiation de la mitose.
(160 ou 161 selon la kinase) est activatrice. La phospho-
rylation de Thr14 et tyrosine (Tyr) 15 (qui s’effectue par
des kinases telles que wee1 ou Myt1 ou Mik1 selon les LA PROTÉINE DU RÉTINOBLASTOME (pRb)
espèces) inhibe la CDK (figure 5B). Pour être active, une
CDK doit donc être déphosphorylée sur la Thr 14 et la pRb gardienne du point R
Tyr 15 ; c’est le rôle de CDC25 qui est une phosphatase
[25, 141]. L’activité kinase n’apparaît que lorsque la phos- La protéine du rétinoblastome (pRb) est une sorte de gar-
phatase codée par le gène CDC25 déphosphoryle ces deux dienne moléculaire qui empêche la progression en phase
acides aminés, débloquant ainsi l’enzyme. Le début de la G1 [175]. pRb semble agir au point R : c’est la gardienne
mitose est donc déclenchée par l’activation de CDC25 et de la porte du point R après lequel la cellule est engagée
l’inactivation de Wee1 (kinase qui phosphoryle la Tyr15). irréversiblement dans les autres phases du cycle et donc
Il existe trois isoformes de CDC25 [38] : A, B et C. la division cellulaire. pRb est hypophosphorylée (forme
9. Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire 117
cet hétérodimère est importante pour la liaison à l’ADN
et la transactivation des gènes. L’activité des facteurs E2F
est très strictement contrôlée au cours du cycle cellulaire :
ils sont inactifs pendant les deux premiers tiers (environ)
de la phase G1 (car les facteurs E2F sont liés à pRb) ; ils
sont activés lorsque la cellule passe le point de restriction
R. La molécule qui contrôle les facteurs E2F et autorise
leur activation est pRb qui se lie physiquement au
domaine transactivateur des protéines E2F. Cette interac-
tion se fait via la région de pRb dans laquelle sont loca-
lisées la plupart des mutations observées dans les
tumeurs, la « poche A/B » [174]. La « poche A/B » est
également le domaine de pRb avec lequel interagissent
certaines protéines transformantes qui inactivent pRb,
comme l’antigène T de SV40 ou la protéine E1A de l’adé-
novirus.
pRb est donc un répresseur de la transcription qui mas-
Figure 6. Les complexes cycline/CDK, en phosphorylant pRb en fin de que le domaine transactivateur des facteurs E2F avec
phase G1, rendent possible l’expression des gènes dépendants des fac-
teurs de transcription de la famille E2F. lequel la protéine pRb interagit directement, les empê-
chant ainsi de remplir leur fonction transactivatrice. La
phosphorylation de pRb libère les protéines E2F leur per-
active de la molécule) lors de la première partie de G1 et mettant de se lier aux promoteurs des gènes cités. La
devient hyperphosphorylée (et donc inactive) aux alen- transcription peut avoir lieu et la progression dans le cycle
tours du point R. La cellule, lorsqu’elle arrive au point R, se poursuit au-delà du point R. Les protéines E2F ont un
ne peut progresser que si pRb devient phosphorylée. rôle primordial dans la transition de G1 à S, le facteur
Selon le schéma le plus probable, les complexes cyclines E2F-1 pouvant par exemple à lui seul promouvoir l’entrée
D/CDK4-CDK6 et cycline E/CDK2 phosphorylent pRb, en phase S de fibroblastes quiescents [59]. Le promoteur
inhibant ainsi son activité antiproliférative. Seules les de E2F-1 a plusieurs sites de fixation pour les autres fac-
cyclines de type D (pas les cyclines E ni A) peuvent se teurs E2F, suggérant que E2F-1 régule sa propre expres-
lier directement à pRb [22, 31]. Il est probable que pRb sion d’une façon dépendante du cycle, provoquant alors
reste phosphorylée au cours des phases S, G2 et M par les une forte augmentation des taux des protéines E2F libres
CDK dépendantes des cyclines A et B, et ne se déphos- en fin de phase G1 [26].
phoryle qu’une fois la mitose terminée, les cellules Une fois la cellule passée en phase S, les membres de la
migrant vers la phase G1 (ou G0). famille E2F sont inactivés. Les complexes cycline
A/CDK2 (pas les complexes cycline E/CDK2 qui n’ont
pRb se lie aux membres de la famille E2F pas cette fonction) se lient aux membres de la famille E2F
et phosphorylent DP-1, empêchant ainsi leur liaison à
pRb sous forme déphosphorylée exerce une action anti- l’ADN [71, 72].
proliférative par son association aux facteurs de transcrip-
tion de la famille E2F et les empêche ainsi de transactiver LES INHIBITEURS DES KINASES
des gènes nécessaires à la réplication de l’ADN. La phos- DÉPENDANTES DES CYCLINES (CKI)
phorylation de pRb, en fin de phase G1 libère les facteurs
E2F de l’action inhibitrice de pRb (figure 6) [87, 162]. Quelle stratégie la cellule peut-elle mettre en jeu pour
En effet, pRb contrôle l’activité de plusieurs protéines freiner l’activité kinase des complexes cycline/CDK ?
notamment celles de la famille E2F qui sont des facteurs Durant l’année 1993, une réponse à cette question a été
de transcription régulateurs de la transcription de plu- apportée par la mise en évidence dans les cellules de
sieurs gènes requis pour la progression à travers le cycle mammifères d’une série de petites protéines capables de
cellulaire (par exemple les gènes codant pour la thymi- lier les complexes cycline/CDK et d’inhiber leur activité
dine kinase ou pour les cyclines A ou E) ou impliqués kinase. Cela fournit à la cellule un moyen d’inhiber les
dans la réplication de l’ADN (gènes codant par exemple complexes cycline/CDK en réponse à divers stimuli et
pour l’ADN polymérase α ou PCNA) [17, 79, 102, 103]. réduit ses possibilités de passer le point R. Ces protéines
Les protéines E2F sont des hétérodimères composés inhibitrices peuvent participer à la régulation du cycle cel-
d’une molécule E2F (E2F-1 à E2F6) et d’une des protéi- lulaire en retardant l’activation des divers complexes
nes de la famille DP (DP1 ou DP2) [74]. La formation de cycline/CDK spécifiques de G1/S jusqu’au temps adéquat
10. 118 J.F. Viallard et al.
et en assurant leur mise en œuvre ordonnée. Ainsi, une ne s’exerçant que lorsque le taux de la protéine modula-
lésion de l’ADN déclenche l’accumulation de p53 qui trice devient supérieur à celui des complexes cycline/
induit l’expression de p21WAF1/CIP1 qui se lie à tous les CDK. Bien que la saturation du complexe par p21 puisse
complexes cycline/CDK, et l’arrêt en G1 permettant la ainsi bloquer leur activation par CAK, p21 peut égale-
réparation de l’ADN [139]. ment inhiber l’activité du complexe qui a déjà subi la
Deux grandes familles d’inhibiteurs des complexes phosphorylation par CAK.
cycline/CDK ont été décrites. La famille des inhibiteurs L’expression de p21 est universelle et l’expression de
KIP/CIP (pour CDK inhibiting protein) est constituée des son gène est régulée par p53 [47, 180, 27]. Dans les cel-
protéines p21WAF1/CIP1 (p21), p27KIP1/ICK/PIC2 (p27) et lules des patients atteints du syndrome de Li-Fraumeni
p57KIP2. Ces protéines partagent la propriété d’inhiber la (maladie caractérisée par une absence d’expression de
plupart des complexes cycline/CDK. À l’opposé, les pro- p53), p21 est absente des complexes cycline/CDK [182].
téines de la famille INK4 (pour INhibitor of CDK4), Inversement, la synthèse de p21 augmente quand p53 est
p16INK4a/MTS1/CDKN2/CDK4I (p16), p15INK4b/MTS2, induite par une lésion de l’ADN (radiations ionisantes).
INK4c/INK6A INK4d/INK6B
p18 , et p19 inhibent spécifique- En inhibant indirectement l’activité CDK, p53 empêche
ment CDK4/6. Chacune de ces protéines est codée par un la phosphorylation de pRb et la libération des facteurs
unique gène et constituent ainsi les principaux régulateurs E2F. Dans les cellules normales, p21 se trouve dans un
de la phosphorylation de pRb. complexe quaternaire incluant la kinase, la cycline, p21 et
PCNA [181]. p21 est capable d’inhiber directement la
La famille des inhibiteurs KIP/CIP réplication de l’ADN dépendante de PCNA lors de
l’absence de complexes cycline/CDK [171]. p21 est donc
Les protéines de cette famille sont nucléaires et ont toutes un médiateur central du point de contrôle G1 induit par
la propriété de réprimer l’activité de toutes les CDK de p53.
façon universelle. Leur action d’inhibition se fait par
l’intermédiaire d’un domaine situé en position p27kip1
N-terminale et relativement conservé entre les trois pro-
Le gène codant pour p27 est localisé sur le chromosome
téines [122, 168]. La fixation de p27 sur une CDK
12p13 [124]. Il a été cloné par divers groupes [122, 157,
entraîne des changements de conformation du domaine
168] et son analyse structurale a été publiée en 1996
catalytique de la CDK bloquant ainsi l’accès à l’ATP
[137]. p27 a été découvert dans les cellules épithéliales de
[137]. Par ailleurs, les trois protéines de cette famille CIP/
poumon de vison (Mv1 Lu) par Koff et Massagué lors
KIP dirigent les complexes cycline D/CDK vers le noyau.
d’études concernant l’inhibition de la prolifération cellu-
laire par TGF-β. Le TGF-β induit un arrêt des cellules
p21CIP1/WAF1 Mv1 Lu en fin de phase G1 et empêche la phosphorylation
p21 est indispensable à l’arrêt du cycle cellulaire au point de pRb qui précède l’entrée en phase S dans les cellules
de contrôle G1 en réponse à des lésions de l’ADN [20]. en cycle. En avril 1993, Koff et Massagué ont démontré
Elle inhibe en effet la progression du cycle cellulaire en que ces effets étaient la conséquence de l’incapacité des
se liant, par son domaine aminoterminal, aux complexes cellules traitées par TGF-β de former des complexes
cycline/CDK de la phase G1 et, par son domaine carboxy- cycline E/CDK2 actifs. C’est une protéine dénommée p27
terminal, à l’antigène nucléaire PCNA, bloquant ainsi qui, en se liant aux complexes cycline E/CDK2, empêche
l’activation de l’ADN polymérase δ [9]. Des études plus leur activation par phosphorylation de CDK2 sur la
récentes ont montré que, parallèlement à cette action anti- Thr160.
proliférative, p21 exerce aussi une action antiapoptotique
[57, 159].
L’ARNm codant pour la protéine p21 est induit dans les Mécanismes d’action de p27
fibroblastes durant la transition de G0 à G1 [81]. p21 se lie Dans les cellules quiescentes, les taux de p27 sont relati-
aux complexes cycline D/CDK4 et cycline E/CDK2 vement élevés alors que ceux de p21 sont bas mais aug-
durant la phase G1 donnant à penser qu’elle agirait mentent en réponse aux signaux mitogéniques durant la
comme un facteur d’union de la cycline et de la kinase. progression en G1. La stimulation de lymphocytes T
Alors que les complexes ne contenant qu’une seule molé- humains par l’interleukine (IL)-2 entraîne une chute du
cule de p21 sont actifs (activité catalytique), ceux qui en taux de p27 [36]. p27 chute lors de la stimulation de
contiennent plusieurs sont inactifs et les changements macrophages par CSF1 (colony stimulating factor), mais
dans la stœchiométrie de p21 sont suffisants pour rendre la costimulation de ces mêmes cellules avec des substan-
compte de cette conversion [185]. En effet, des comple- ces analogues ou inducteurs d’AMPc augmente le taux de
xes p21-CDK2-cycline A existent sous forme active ou synthèse de p27 empêchant l’activation des complexes
inactive selon la stœchiométrie de p21, l’effet inhibiteur cyclines D/CDK et entraînant l’arrêt en G1 [63].
11. Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire 119
Figure 7. Représentation schématique de la régulation des
protéines CIP/KIP. Après stimulation mitogènique, les com-
plexes cycline D/CDK séquestrent les protéines CIP/KIP ce
qui empêche ces dernières d’inhiber les complexes cycline
E/CDK qui dès lors peuvent phosphoryler pRb. Les facteurs
transcriptionnels de la famille E2F sont alors libérés et aug-
mentent la transcription du gène de la cycline E. Les comple-
xes cycline E/CDK phosphorylent alors les protéines CIP/KIP
qui vont être détruites par le protéasome.
Quand la cellule entre en cycle, p27 est captée par les premier temps l’activité des complexes cycline D/CDK
complexes cyclines D/CDK. La séquestration des molé- en permettant l’assemblage de la cycline D et de la CDK
cules de p21 et de p27 libres (non liées) par les complexes et en stabilisant le complexe [12]. Dans un second temps,
cycline D/CDK allège la contrainte des molécules CIP/ quand le nombre de molécules p27 fixées sur les comple-
KIP sur les complexes cycline E/CDK2 facilitant ainsi xes cycline D/CDK augmente, l’effet d’inhibition est mis
l’activation de ces derniers (figure 7). Il y a une compéti- en jeu.
tion entre les complexes cycline D/CDK et cycline La régulation de p27 est traductionnelle [52] et post-
E/CDK2 vis-à-vis des protéines CIP/KIP. Dès que le pro- traductionnelle [110]. Quand des fibroblastes en prolifé-
cessus de séquestration de ces protéines diminue le taux ration sont privés de sérum la synthèse de p27 augmente,
de p27 « actif » en-dessous d’un seuil, le complexe mais p27 est également libérée des complexes cycline
cycline E/CDK2 facilite sa propre activation en phospho- D/CDK car la cycline D est dégradée. La perte de l’acti-
rylant p27 en Thr187 déclenchant ainsi sa dégradation vité des CDK dépendantes des cyclines D couplée à
[147, 170]. Les molécules résiduelles de p27 et de p21 l’inhibition de CDK2 par p27 induit l’arrêt en G1/S. L’uti-
restent liées aux complexes cycline D/CDK tout au long lisation de nucléotides antisens dirigés contre la synthèse
des cycles successifs et le pool de ces molécules CIP/KIP de p27 peut empêcher les cellules de devenir quiescentes
liées est libéré quand les facteurs de croissance sont reti- [13, 132].
rés du milieu inhibant ainsi les complexes cycline E/CDK
et arrêtant la cellule en phase G1. Dans les cellules épi- Rôles de p27 en pathologie
théliales de poumon de souris, le TGF-β inhibe la syn- Les souris knock-out pour p27 développent beaucoup de
thèse de CDK4 [32] ce qui augmente le taux de p27 libre tumeurs notamment hypophysaires (avec 100 % de péné-
(qui n’est pas captée par les complexes cycline D/CDK4) trance) [34]. Le nombre de tumeurs dépend du nombre de
qui va donc se fixer sur les complexes cycline E/CDK2 copies du gène (les souris p27-/- développent plus de
donnant lieu à un arrêt en G1 [122]. Ainsi la captation de tumeurs que les souris p27-/+) [33]. De plus, les souris
p27 par les complexes cycline D/CDK4 permet de pro- knock-out pour p27 sont très sensibles aux agents carci-
mouvoir l’activité kinase des complexes cycline E/CDK2 nogènes. La perte de l’expression de la protéine pourrait
aidant à établir l’ordre d’activation. favoriser le développement et/ou la progression d’une
Comme pour p21, la stœchiométrie de p27 détermine tumeur si bien que p27 a été étudié dans beaucoup de can-
s’il est activateur ou inhibiteur. Les protéines CIP/KIP se cers. Néanmoins, à la différence des gènes suppresseurs
lient d’abord aux cyclines D ce qui permet l’assemblage de tumeurs, les anomalies (mutations, délétions homo-
avec CDK4 ou CDK6 et conduit non pas à l’inhibition zygotes) concernant le gène sont exceptionnelles dans les
mais à l’activation et à la stabilisation du complexe. Dans tumeurs [124, 64]. En revanche, l’absence ou la diminu-
des souris knock-out pour p27, les taux de complexes tion d’expression de p27 (ou l’augmentation de la dégra-
cycline D1/CDK assemblés est diminué de plus de dix dation de p27) est un facteur pronostic péjoratif puissant
fois [12]. En fait, les protéines CIP/KIP facilitent dans un dans plusieurs cancers (cancers du sein ou colorectaux par
12. 120 J.F. Viallard et al.
exemple) [84]. À la différence des autres CKI dont locus INK4a/ARF) est remarquable par son organisation
l’abondance est régulée par le taux de transcription de la génomique, puisqu’un exon est partagé par deux gènes
protéine, les taux de p27 sont surtout régulés par un méca- qui codent pour des protéines fonctionnellement différen-
nisme post-traductionnel, c’est-à-dire par les voies qui tes (figure 8) [126, 160]. Alors que les virus utilisent sou-
assurent sa dégradation [2]. La dégradation de p27 se fait vent cette organisation de gènes se chevauchant dans le
par la voie de l’ubiquitine et du protéasome [85] et néces- but d’optimiser au maximum les séquences codantes, une
site d’une part sa phosphorylation, et d’autre part son telle organisation est très inhabituelle dans le génome
transfert du noyau vers le cytoplasme. Il existe donc une humain. En effet, le locus INK4a/ARF a une structure
régulation temporelle et spatiale. Dans une récente étude, pour le moment unique : un premier transcrit (correspon-
Loda et al. montrent le caractère significativement péjo- dant à p16) est généré à partir d’un exon 1α et des exons
ratif de l’absence de p27 chez des patients affectés d’un 2 et 3 [126, 160]. Un deuxième transcrit dénommé
cancer du côlon, et prouvent que cette perte d’expression p19ARF est également généré à partir des exons 2 et 3 mais
de la protéine est liée non pas à une anomalie du gène aussi par un deuxième exon 1 situé 13 kb en amont de
mais à une forte activation des mécanismes de dégrada- l’exon 1α et dénommé exon 1β. La protéine appelée
tion de la protéine [85]. Ce mécanisme est tout à fait ori- p19ARF (ARF pour alternative open reading frame) est
ginal et doit se vérifier dans d’autres tumeurs. donc traduite par un autre cadre de lecture [76]. Il n’y a
Par ailleurs, p27 aurait un rôle dans la différenciation donc aucune homologie de p19ARF avec les protéines de
mais aussi dans la protection contre l’inflammation. la famille INK4. La protéine p19ARF a en revanche la pro-
Récemment, Ophascharoensur et al. montrent que les priété de bloquer les cellules en phase G1 et G2, par un
lésions de glomérulonéphrite induites expérimentalement mécanisme récemment élucidé (figure 8) [62, 123, 186].
chez les souris knock-out pour p27 sont significativement La protéine p19ARF participe à la dégradation de la pro-
plus importantes que chez les souris normales suggérant téine mdm2, cette dernière ayant pour fonction de bloquer
un rôle de p27 dans la protection contre l’inflammation l’activité transactivatrice de p53 [149]. p19ARF serait donc
[108]. un activateur indirect de p53 [62]. Récemment, plusieurs
groupes ont montré que p19ARF inhibe la prolifération
La famille des inhibiteurs INK4 cellulaire en activant p53. En effet, les signaux de proli-
fération émanant de l’expression de certains oncogènes
Les protéines INK4 sont des polypeptides de 15 à 19 kDa (tels que myc, E1A, E2F1 ou ras V12) aboutissent à l’aug-
qui partagent près de 40 % d’homologie entre elles. Elles mentation des taux de p19ARF permettant ainsi d’initier
sont largement conservées parmi les espèces, les protéi- une cascade d’événements qui aboutissent à la stabilisa-
nes murines ayant 90 % d’identité avec les protéines cor- tion et à l’activation de la protéine p53 [62, 123, 16]. Par
respondantes de l’homme. Elles sont composées de motifs contraste, les signaux qui régulent p16 restent à identifier.
ankyrine plusieurs fois répétés qui jouent un rôle dans les Cependant, l’intérêt de ce locus INK4/ARF semble cru-
interactions protéine–protéine [142]. Le troisième motif cial en cancérologie car il code pour deux protéines qui
est crucial pour l’interaction des protéines INK4 avec interviennent dans deux voies différentes d’inhibition des
CDK4 ou CDK6 [104]. Les signaux qui conduisent à la tumeurs, la voie de pRb et celle de p53.
synthèse de ces protéines sont peu connus, mais il est clair
par exemple que p15INK4b est induite par le TGF-β et Fonctions des protéines INK4
contribue à sa capacité d’induire un arrêt en phase G1 Les protéines INK4 se lient spécifiquement à CDK4 et à
[130, 131]. p16 s’accumule progressivement au fur et à CDK6 et inhibent leur activité [148]. Rappelons que
mesure que les cellules vieillissent, jouant un rôle proba- CDK4 et CDK6 sont liées aux cyclines D et ont pour
ble dans la sénescence [143, 188] alors que p18INK4C et substrat principal pRb [144]. Dans les cellules proliféran-
p19ARF sont focalement exprimées durant le développe- tes, CDK4 (ou CDK6) existe sous trois formes [89] :
ment fœtal jouant un rôle dans la différenciation termi- – un complexe de 450-kDa composé de CDK4 (ou
nale [188, 100]. CDK6) et de Hsp90/cdc37 ;
– un complexe de 150-170-kDa composé d’une cycline
Mécanismes transcriptionnels D, de CDK4 (ou CDK6), et de p21 ou p27 ;
La région 9p21 comporte deux gènes codant pour – un complexe de 50 kDa composé de CDK4 (ou CDK6)
p16INK4a et p15INK4b. Les deux gènes ont une homologie et d’une protéine INK4.
de séquence très importante suggérant une duplication Dans les cellules quiescentes, CDK4 est complexée
ancestrale, et sont situés à environ 30 kb l’un de l’autre. avec Hsp90/cdc37 [75, 158]. Au fur et à mesure de la pro-
Le gène codant pour p15INK4b comporte deux exons et gression en phase G1, CDK4 forme des complexes avec
génère deux transcrits, p15 et p10, utilisant le même cadre les cyclines D nouvellement synthétisées et p21 ou p27
de lecture. En revanche, le gène codant pour p16 (appelé (figure 7). Plus en avant dans le cycle, p27 est libérée des
13. Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire 121
protéines CIP/KIP couplées aux cyclines D de l’autre côté
pour l’association à CDK4 [115]. L’induction et l’aug-
mentation des taux de p16 non seulement entraîne un
déplacement des molécules nouvellement synthétisées de
CDK4 vers p16, mais peut également provoquer la rup-
ture des complexes CDK4/cdc37/Hsp90 déjà formés libé-
rant CDK4 qui sera ainsi pris en charge par p16 (figure
9B). En conséquence, il y a augmentation du nombre de
complexes CDK4/INK4, les cyclines D non liées étant
alors rapidement dégradées par la voie du protéasome
[21]. La perte des cyclines D empêche alors la séquestra-
tion des molécules p27 qui peuvent alors exercer libre-
ment leur action inhibitrice sur les complexes cycline
E/CDK2 et cycline A/CDK2, entraînant l’absence de
phosphorylation de pRb et donc un arrêt de la cellule en
G1.
La surexpression des protéines de la famille INK4 est
donc responsable d’un arrêt des cellules en G1 mais d’une
façon dépendante de l’intégrité de pRb [87, 94]. En effet,
la perte de la fonction de pRb empêche la capacité de blo-
cage en G1 des protéines INK4. La perte de pRb libère les
molécules E2F ce qui a pour conséquence l’augmentation
du taux et de l’activité des complexes cycline E/CDK2
[53, 55] qui phosphorylent p27 dont la protéolyse est alors
accélérée (figure 10) [147, 170, 112]. Les cellules qui
n’ont pas une pRb fonctionnelle ont des taux très élevés
de p16, suggérant que pRb régule p16 négativement
[114]. Dans une cellule normale, le taux de p16 est maxi-
mal en phase S. En fait, il existe physiologiquement une
boucle de régulation positive entre pRb et p16. Après
phosphorylation par les complexes cycline D/CDK4 ou
Figure 8. Représentation schématique du locus INK4a/ARF situé entre CDK6, pRb libère les facteurs de transcription qui acti-
les gènes de l’interféron et le gène MTAP dans la région chromosomi- vent la transcription de p16. Ainsi, p16 se lie et dissocie
que 9p21. Le locus INK4a/ARF code pour deux protéines différentes, les complexes cyclines D/CDK4 ou CDK6.
p16INK4a et p19ARF. p16INK4a est codée par les exons 1α, 2 et 3 (rectan-
gles noirs) ; p19ARF est codée par les exons 1β, 2 et 3 (rectangles hachu- Quand l’action inhibitrice des membres de la famille
rés). p16INK4a se lie aux complexes cycline D/CDK4-6 et les inhibe CIP/KIP sur les complexes cycline E/CDK2 et cycline
empêchant ainsi la phosphorylation de pRb ce qui entraîne un arrêt des
cellules en G1. p19ARF interagit avec mdm2, protéine qui inhibe p53. En A/CDK2 est neutralisée, les CDK dépendantes des cycli-
permettant la dégradation de mdm2, p19ARF active indirectement p53 et nes D ne sont plus utiles pour la progression dans le cycle
entraîne un arrêt de la cellule en G1 et en G2. cellulaire (figure 11). Les cellules n’exprimant ni p27 ni
p21 n’ont pas pour autant des cycles perturbés en dépit du
fait que l’activité des kinases dépendantes des cyclines D
complexes cycline E/CDK2 et cycline A/CDK2, événe- soit faible [12]. Inversement, l’activité des complexes
ment qui permet l’activation de ces complexes cycline cycline E/CDK2 est très élevée et pRb est périodiquement
E/CDK2 et cycline A/CDK2 qui, en retour, peuvent d’une phosphorylée pendant le cycle même sur les sites préfé-
part phosphoryler p27 et promouvoir sa dégradation, et rentiellement reconnus par CDK4 ou CDK6. De telles
d’autre part phosphoryler pRb. Alors les cellules peuvent cellules sont évidemment résistantes à l’action inhibitrice
entrer en phase S (figure 7). de p16 mais pas à l’action de p27. En l’absence des mem-
Alternativement, dans l’hypothèse d’une situation où bres de la famille CIP/KIP, la fonction de séquestration
une protéine INK4 serait exprimée, une CDK4 nouvelle- des complexes cyclines D/CDK est rendue superflue et les
ment synthétisée peut entrer en contact avec une protéine kinases dépendantes des cyclines E et A sont suffisantes
INK4 et former un hétérodimère inactif (figure 9A) mais pour phosphoryler pRb. Ainsi, de telles cellules tolèrent
stable car CDK4 ne peut plus alors être recrutée dans un parfaitement une réduction de l’activité des kinases
complexe actif avec la cycline D [43, 114]. Il y a donc dépendantes des cyclines D. Ces observations sont à rap-
une compétition entre les protéines INK4 d’un côté et les procher de celles constatées chez les souris déficientes en
14. 122 J.F. Viallard et al.
A
Figure 9. A : une molécule CDK4 nouvellement synthétisée
se lie à cdc37 et Hsp90. Si elle se complexe à une cycline D
elle devient active ; si elle est liée à une protéine de la famille
INK4 elle est inactive. B : l’induction et l’augmentation des
taux de p16INK4a peut également provoquer la rupture des
complexes CDK4/cdc37/Hsp90 déjà formés libérant CDK4
qui sera ainsi pris en charge par p16INK4a. En conséquence, il
y a augmentation du nombre de complexes CDK4/INK4, avec
arrêt de la séquestration des protéines de la famille CIP/KIP
qui sont libérées et qui vont donc pouvoir inhiber les comple-
B xes cycline E/CDK2.
cycline D1 et/ou D2 qui sont viables en dépit de quelques cycline D1 par la cycline E permet de corriger les anoma-
anomalies de développement [153, 154]. De récentes lies du développement de ces animaux et sont compati-
observations démontrent que le remplacement de la bles avec l’idée que la cycline E peut fonctionner sans la
cycline D1.
LA NOTION DE CHECKPOINT
Il existe plusieurs transitions au cours du cycle cellulaire.
Une transition correspond à un changement unidirection-
nel de la cellule qui se déplace d’un état où elle effectuait
un certain nombre de processus vers un autre état où elle
va effectuer d’autres processus. Comment ces transitions
sont-elles coordonnées pour survenir à un temps bien pré-
cis et dans un ordre bien défini ? Pour que les événements
cellulaires se fassent dans un ordre voulu, il faut que cha-
que étape précédant un événement soit complètement et
correctement effectuée. Il existe des circuits de régulation
qui sont des mécanismes de surveillance qui surveillent
Figure 10. Dans les cellules déficientes en pRb, les facteurs de trans-
cription E2F ne sont pas inhibés par pRb si bien que leur activité se fait l’achèvement de certains événements cruciaux pour la
pleinement notamment sur la transcription de la cycline E. Cela entraîne cellule et ainsi autorisent la survenue d’une transition et
une augmentation du nombre de complexes cycline E/CDK2 qui phos- la progression dans le cycle. Il y a deux classes de cir-
phorylent les protéines CIP/KIP dont la dégradation s’accélère. Les
complexes cycline D/CDK se désunissent et les protéines CDK4 sont cuits : les mécanismes intrinsèques opérant à chaque
alors mobilisées dans des complexes avec p16INK4a. cycle cellulaire pour ordonner des événements succes-
15. Mécanismes molléculaires contrôlant le cycle cellulaire 123
Le checkpoint G1/S
Chez les mammifères, les réponses vis-à-vis d’une lésion
de l’ADN sont les mêmes que chez la levure avec en plus
la possibilité d’entrer en apoptose (le but n’est pas la sur-
vie d’une cellule endommagée mais la survie de l’orga-
nisme). Le checkpoint en G1 en réponse à une lésion de
l’ADN est le mieux connu. Trois gènes le contrôlent :
ATM (ataxia telangiectasia mutated, le gène muté dans la
maladie ataxie télangiectasie) [111, 140], p53 [83] et p21
[5].
p53 est le gène suppresseur de tumeur le plus fréquem-
ment muté dans les cancers humains [150]. Il code pour
Figure 11. La perte des protéines CIP/KIP a pour conséquence une un facteur de transcription qui est activé en réponse à une
désunion des complexes cycline D/CDK4-6 entraînant une destruction
des cyclines D et une séquestration des molécules CDK4 dans des com- lésion de l’ADN ou une perturbation du pool de nucléo-
plexes avec p16INK4a. Il en résulte une augmentation de l’activité des tides. p53 activée est capable d’inhiber le cycle cellulaire
complexes cycline E/CDK2 ce qui suffit pour phosphoryler pRb et com- et de promouvoir l’apoptose [99]. Les cellules dépourvues
penser la perte des complexes cycline D/CDK.
de p53 sont incapables de s’arrêter en phase G1 en
réponse à une irradiation γ et ont une apoptose réduite.
Une partie de la capacité de p53 à arrêter la cellule en
phase G1 vient de l’activation de la transcription de p21
sifs ; les mécanismes extrinsèques induits seulement pour
inhibiteur des CDK qui contrôlent l’entrée en phase S
agir quand un défaut est détecté (altération de l’ADN par
[29]. Les fibroblastes embryonnaires de souris qui n’ont
exemple). La perte de ces voies de contrôle réduit la fidé-
pas p21 ne s’arrêtent que partiellement en phase G1 sug-
lité des événements cellulaires tels que la réplication et la
gérant l’existence d’une autre voie dépendante de p53
ségrégation chromosomiques. De telles altérations peu-
permettant l’arrêt en phase G1. Cette voie est inconnue.
vent conduire à une prolifération non contrôlée et à la can-
cérisation. Le produit du gène ATM a été impliqué dans la régula-
Checkpoint est le nom donné à des sous-unités particu- tion de p53. Ce gène, qui code pour une protéine kinase,
lières de ces mécanismes intrinsèques et extrinsèques est muté dans le syndrome ataxie télangiectasie. Les cel-
[48]. C’est une voie biochimique qui s’assure de la dépen- lules qui n’ont pas ce gène ont une activation réduite et
dance d’un processus vis-à-vis d’un autre. Cette défini- retardée de p53 en réponse à une lésion de l’ADN [86].
tion est large mais dans le langage scientifique courant, L’action de la protéine kinase ATM ne passe pas par
on parle de checkpoint en référence au contrôle des tran- p19ARF. Lors d’une lésion de l’ADN, ATM phosphoryle
sitions du cycle cellulaire. Le mot conjugue à la fois un la partie N-terminale de p53 ce qui stabilise p53 et empê-
terme de lieu (frontière) et un terme d’examen. Parfois le che sa dégradation [155]. D’autres kinases (telles que la
terme est utilisé à la place du mot transition mais il devrait DNA-PK, DNA-dependent protein kinase) capables de
être restreint aux voies biochimiques qui assurent la phosphoryler p53 ont été mises en évidence et joueraient
dépendance d’un processus vis-à-vis d’un autre. Par le même rôle qu’ATM en réponse à des lésions de l’ADN
exemple, le DNA-damage checkpoint est le mécanisme [179].
qui détecte une altération de l’ADN et génère un signal L’activation de p53 (par l’expression d’oncogènes ou
qui arrête les cellules dans la phase du cycle où elles se par lésions de l’ADN) est associée à une stabilisation
trouvent et induit la transcription de gènes réparateurs. La post-translationnelle de la protéine. Cette stabilisation
position d’arrêt dans le cycle dépend de la phase à résulte en partie de l’inhibition de la protéine mdm2 qui
laquelle la lésion de l’ADN a lieu. Les checkpoints sont promouvoit la dégradation de p53 [73].
des points de décision où des mécanismes de contrôle Le fait que les gènes codant pour p53 et ATM soient
opèrent et empêchent la progression dans le cycle si les fréquemment mutés dans les cancers humains [54] sug-
étapes précédentes n’ont pas été complètes ou si l’ADN gère que la fonction des checkpoints est importante dans
est altéré. Ainsi, en G1, une cellule doit surveiller sa taille, la prévention des cancers. On en sait plus sur les check-
la présence de nutriments et l’intégrité de son ADN avant points de la levure que chez l’homme et tout va dépendre
de commencer le processus d’initiation de la synthèse des degrés de conservation entre les mécanismes de
d’ADN. En G2 il existe un checkpoint qui, dans le cas où l’homme et de la levure. Cela dit, la perte de p21 entraîne
l’ADN est endommagé ou non répliqué, empêche la cel- peu de cancers [5, 20] et les mutations de p21 sont rares
lule d’entrer en mitose. dans les tumeurs [152]. Donc le fait de dire que la perte