Mémoire de Master Cinéma, Université Paris X Nanterre
La problématique : Quelle est la croissance du marché des films de patrimoine au sein des gros circuits d’exploitation cinématographique, en France ?
Mémoire rédigé par Anne-Charlotte Bappel
Contribution au cigref réseaux hauts débits et multimédia
Mémoire Master Cinéma
1. UNIVERSITE PARIS OUEST NANTERRE LA DEFENSE
UFR LLPHI
La croissance du marché des films de
patrimoine au sein des gros circuits
d’exploitation cinématographique, en France.
Mémoire de Master 1
Arts, lettres et langues, mention cinéma
Mémoire rédigé par Anne-Charlotte Bappel
Sous la direction d’Alain Kleinberger
Session de juin 2014
2.
3. 1
Remerciements
Je souhaite remercier particulièrement tous les professionnels qui ont passé du temps à
répondre à mes questions afin de m’éclairer dans ma démarche (ordre alphabétique) :
François Causse, Jean-Max Causse, Guy Chantain, Emma Cliquet, Jean-Marc Delacruz,
Serge Fendrikoff, Jacques Fretel, Mathieu Guetta, Jean-Fabrice Janaudy, Rodolphe
Lerambert, Patrice Martin, Roxane Mont Sargues, Anne Rioche, Philippe Rouyer,
Marina Telkos, Sébastien Tiveyrat, Natalie Vrignaud.
Mes remerciements sincères vont à Aude Cheneau et à Hélène Bonnot pour leur soutien
et leur aide.
Je remercie mon maître de mémoire M. Alain Kleinberger, pour avoir accepté mon sujet
et de m’avoir encouragé dans mes recherches.
4. 2
Sommaire
Introduction..........................................................................................................................................4
PARTIE 1
L'ACCES AUX FILMS DE REPERTOIRE....................................................................................................6
I.
Le
numérique
et
les
films
de
patrimoine
:
une
ouverture
d’accès......................................6
II.
Le
marché
de
la
distribution
des
films
de
patrimoine
en
France...................................10
PARTIE
2
UNE POLITIQUE DE DEMOCRATISATION DES CIRCUITS OUVRANT VERS UNE
PROGRAMMATION DE REPERTOIRE.................................................................................................... 17
I.
Une
démocratisation
du
prix
de
la
séance
et
une
recherche
de
séances
événementielles
pour
un
nouveau
public
cinephile..................................................................17
II.
Une
programmation
de
patrimoine
sur
de
l’événementiel...............................................22
PARTIE
3
CONCURRENCE
OU
COMPLEMENTARITE
? ............................................................................................ 30
I.
Des
avis
divergeants............................................................................................................................30
II.
Un
développement
de
la
programmation
des
films
de
patrimoine
chez
les
multiplexes
qui
ne
cesse
de
croitre ..................................................................................................40
Conclusion .......................................................................................................................................... 45
Bibliographie..................................................................................................................................... 47
Glossaire
des
sigles
et
mots
techniques ................................................................................... 52
Table
des
annexes............................................................................................................................ 55
Table
des
figures .............................................................................................................................. 56
Table
des
matières .......................................................................................................................... 57
5. 3
L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare
Michel Godet
Manuel de prospective stratégique
6. 4
Introduction
Tout film de répertoire1 est une oeuvre filmique sortie pour la première fois au
cinéma il y a plus de 20 ans, selon le Centre National du Cinéma et de l’image animée
(CNC). Parmi eux, deux catégories principales se distinguent : les films « Art et Essai »
avec un langage filmique marqué, un réalisateur reconnu et une cinématographie d’un
pays peu montrée en salle et les autres.
Durant de nombreuses années, les salles « Art et Essai »2, ont eu l'exclusivité sur
la diffusion de ces films. C’est en août 2001, que le premier film de patrimoine est
diffusé dans un circuit. On découvre alors sur les grands écrans des multiplexes d’UGC
(Union Générale Cinématographique), la ressortie du film Dead Zone de David
Cronenberg, distribué par Carlotta. Cette sortie avait incontestablement su séduire le
public d’UGC.
Ainsi, progressivement, les réseaux d’exploitation3 ont développé la diffusion de
films de répertoire en parallèle des salles « Art et Essai »4, même si les « blockbusters »
restent leur plus grand profit.
Les quatre plus gros circuits d’exploitation cinématographique, sont Europalaces
(Gaumont et Pathé), UGC, CGR et Kinépolis. Ils représentent 48,1% de la part de
marché de l’exploitation5. Ces quatre circuits sont constitués essentiellement de
multiplexes, on en dénombre 271 (circuits et indépendants confondus), sur le territoire
en 2013. Ces réseaux d’exploitation, implantés jusqu'à lors dans des zones industrielles,
se développent de plus en plus au coeur des villes, faisant concurrence aux salles « Art et
Essai » établies au centre des agglomérations.
1 Les termes « films de répertoire », « films de patrimoine », « films patrimoniaux » et « films réédités » sont équivalents selon le
CNC.
2 CNC, La Géographie du cinéma les résultats régionaux des salles et des films, les pratiques cinématographiques des Français, le
public régional du cinéma…, Paris, les dossiers du CNC, n°327, septembre 2013, p 44.
3 Les termes « les circuits d’exploitation cinématographique », « les gros circuits », « les réseaux d’exploitation » et « les
multiplexes » sont synonymes selon le cours du présent mémoire.
4 Les termes « salles art et essai », « salles indépendantes » et « petites et moyennes exploitations » sont équivalents.
5 Annexe 1.
7. 5
Mais pourquoi les grands circuits d'exploitation ont tant d’engouement
aujourd'hui pour ces films de répertoire ? Il semble inconcevable, a priori, d’associer
« circuits de salles » et « films de patrimoine ». Pourtant, nous montrerons que c’est
bien une tendance actuelle, et qu’à terme, cela risque d’avoir des conséquences sur les
cinémas indépendants.
Quel a été le déclencheur de l'intérêt général pour ces films qui, il y a encore
trois ans, n’intéressaient que les salles « Art et Essai » ? Sous quel aspect les films de
patrimoine sont-ils travaillés et quel est l’intérêt pour les multiplexes de développer une
programmation dans leur sens ? Comment se vit cette nouvelle concurrence sur le
marché du répertoire, aussi bien chez les distributeurs que chez les exploitants ? Quel en
est l’avenir ?
Nous nous demanderons plus largement : Quelle est la croissance de ce marché
au sein des gros circuits d’exploitation cinématographique, en France ?
Nous nous concentrerons, dans un premier temps sur la révolution du numérique
qui a permis un accès plus facile aux films de répertoire autant pour les distributeurs
que pour les exploitants.
Dans un second temps, nous veillerons à comprendre la démarche de ces quatre
circuits sur leur tarification et leurs programmations événementielles afin de toucher un
nouveau public de cinéphile. Et nous pourrons analyser les moyens qu’ils mettent en
place pour étendre leur visibilité sur les films de patrimoine.
Enfin, nous présenterons le point de vue des acteurs majeurs sur ce marché en
France. Nous permettrons de mieux comprendre leur volonté quant à la place des films
de répertoire en leur sein.
8. 6
PARTIE 1
L’ACCES AUX FILMS DE REPERTOIRE
L’un des déclencheurs de la programmation des films de répertoire au cinéma
est le numérique. Pour cela nous verrons ses avantages et inconvénients ainsi que
l’intérêt pour les films de patrimoine. Le second déclencheur est l’ouverture du marché
de la distribution des films de patrimoine en France ce qui permet une plus grande
accessibilité pour les exploitants sur les titres qu’ils souhaitent.
I. LE NUMERIQUE ET LES FILMS DE PATRIMOINE : UNE OUVERTURE D’ACCES
Les films de répertoire connaissent une nouvelle vie grâce à la numérisation. Le
support numérique a autant de qualités que de défauts en tout cas, il permet une
restauration des oeuvres hors norme. Ce support rend l’accès des films réédités plus aisé
pour les distributeurs comme pour les exploitants et promet une qualité intemporelle.
I. I. Le numérique dans ses grandes lignes
Dans l’histoire du cinéma on peut noter deux révolutions qui ont bouleversé le
cinéma : l’apparition du son et celle de la couleur. Depuis quatre ans, le milieu du
cinéma professionnel a connu un nouveau grand changement : le numérique. Il s’agit en
cela que la pellicule 35mm est remplacée par le DCP6 : qui est constitué de fichiers
informatiques, ie le film, qui sont stockés sur disque dur (et même clef USB). Nous
parlerons à présent non plus de grain, mais de pixels à l’image avec une résolution de 2
048 pixels par ligne x 1 080 pixels par colonne7 que propose le standard du DCP, le
2K8. Avec la numérisation, on découvre un nouveau champ lexical attenant au
numérique, mais aussi une nouvelle façon de l’appréhender : le transport, la durée de
vie de ce support et la KDM9.
6 Digital Copy Print.
7 Jean-Philippe Tessé, « La révolution numérique est terminée », Paris, Les Cahiers du Cinéma, n°672, novembre 2011, p 6. Le Blu-ray
faisant1 920 pixels de large pour 1 080 pixels de long, on peut noter que la résolution se trouve très proche du 2K.
8 L'expression 2K, 2 kilooctets, signifie « 2000 ». Il s'agit d'une abréviation provenant du préfixe kilo qui représente l’unité 1000. Le
film étant compressé au format JPEG (Joint Photographic Experts Group) 2000, il n’y a pas de perte de données et a un poids infime
sur le disque dur.
9 Key Delivery Message, elle permet de décoder le fichier pour que le film puisse se lancer.
9. 7
Les films de patrimoine se mettent à neuf grâce à la numérisation. La plupart du
temps les ayants droit financent cela selon la popularité du film et un ordre donné par
les producteurs. Le coût d’une simple numérisation oscille entre 15 000 à 20 000
euros10 ; le distributeur de répertoire ne pouvant pas financer cela, il attend que les
propriétaires du film le fassent, en général. La numérisation des films de patrimoine
permet de diffuser ces vieux films comme des films contemporains comme s’ils
passaient pour la première fois au cinéma. L’usure que les projections laissées sur les
copies 35 mm n’apparaît plus grâce au support numérique. Le spectateur qui a l’oeil
habitué à présent à des images « parfaites », « sans défauts » et lisses est séduit par ce
qu’offre le numérique.
I. II. Avantages et inconvénients du numérique dans le secteur du
patrimoine
Le numérique a incontestablement apporté une assurance sur la qualité du film
diffusé en salle. Grâce à ce support les films gardent leur « grain » de la première à la
cinquantième projection ce qui n’était pas envisageable avec la copie 35, de même que
le 16. À présent, les projectionnistes peuvent projeter des films qui ne sont plus abîmés :
traces de doigts, pastilles, repères grattés, poussière, rayés ou des couleurs virées. C’est
un gage de qualité qui assure une belle projection pour les spectateurs. Les disques durs
étant plus petits et légers qu’une copie 35 mm, le coût du transport calculé en fonction
du poids et de la quantité est donc réduit. C’est un gain économique autant pour le
distributeur que pour l’exploitant de cinéma. Aujourd’hui, pour projeter le film en salle,
il faut une KDM afin d’ouvrir le fichier-film. Celle-ci correspond obligatoirement à un
film, au projecteur et à l’écran11 sur lequel il est projeté. Sur certains titres, il est
possible que le distributeur puisse ne pas mettre de KDM. En ce qui concerne les films
de patrimoine, ce choix est à la disposition des ayants droit. Les Américains préfèrent
les KDM sur leurs films de patrimoine tandis que les productions indépendantes
acceptent de ne pas en mettre. Cependant, les sociétés de distribution de films de
patrimoine en France sont tributaires des décisions des ayants droit des films qu’ils
achètent. Néanmoins, le numérique offre une souplesse de programmation12 au
10 Claire Bommelaer et Emmanuèle Frois, « Une seconde vie pour les classiques du 7ème art », Paris, Le Figaro, 29 novembre 2012.
11 Içi « écran » signifie la salle en elle-même avec la toile et les sièges. Une salle peut être mono-écran comme en avoir plus de dix.
12 Philippe Loranchet, « Les atouts et inconvénients principaux », Paris, Dujarric, 2001, Le Cinéma Numérique la technique derrière
la magie, p 26.
10. 8
programmateur de la salle : mobilité du film dans les salles selon l’influence des
spectateurs, choix de la VF13, de la VO14 et même du sous-titrage pour les sourds et
malentendants ainsi que de l’audio-description, selon le public ciblé.
Malgré les nombreux avantages du DCP, il existe des inconvénients qui sont
beaucoup décriés par les professionnels du cinéma. Ce sont de nouvelles
problématiques auxquelles il faut faire face et dont nous n’avions pas connaissance avec
le 35mm.
Le DCP est envoyé sur le support d’un disque dur, car le film est en numérique.
La résolution de l’image la rend moins « vivante » mais plus lisse et extrêmement fixe.
Le disque dur est un support encore jeune que nous ne maitrisons pas suffisamment. Il
est possible que les DCP subissent des dégâts, que ce soit physique : cordon
d’alimentation perdu, ports externes abîmés, choc lors du transport. Ou que ce soit
technique : perte totale ou partielle du fichier-film, on s’en rend compte quand le DCP
est branché au serveur. En tant que distributeur, il faut savoir agir vite en envoyant un
nouveau DCP pour la salle de cinéma afin d‘assurer au mieux sa projection. Donc, plus
l’envoi du DCP est tôt par rapport à la diffusion du film en salle, plus il y aura de temps
pour réagir afin de régler d’éventuels problèmes. Actuellement, nous n’avons pas le
recul technique nécessaire pour déterminer la durée de vie du DCP, sachant qu’une
copie 35 mm stockée dans des conditions optimales peut résister au temps plus d’un
siècle. Les distributeurs ont pu rencontrer des DCP ne tenant pas plus d’une projection
alors que d’autres de plus de cinq ans sont toujours diffusés dans les salles. De plus
certains exploitants se posent la question de la durée de vie du projecteur numérique.
D’un point de vue des exploitations art et essai diffusant les films réédités, le
numérique peut être un frein économique. Comme nous le signale Guy Chantain15, « un
projecteur 35mm de 1935 marche encore à l’heure actuelle, alors qu’un projecteur
numérique est fabriqué de sorte qu’au bout de cinq ans il soit déjà obsolète ». C’est un
investissement trop important pour les petites et moyennes exploitations qui ne vont pas
pouvoir rentrer dans leur frais et devront fermer à cause du rééquipement de leur salle.
Le support numérique reste néanmoins un nouveau matériel de diffusion de film
qu’il faut appréhender. Tout comme le 35mm, il a des qualités et des défauts que l’on
13 Ce sigle signifie Version Française.
14 Ce sigle signifie Version Originale sous-titrée.
15 Responsable de la programmation chez Action Cinémas et Théâtre du Temple, propos recueillis lors d’une interview du 8 mai
2014.
11. 9
découvre au fur et à mesure de sa manipulation mais surtout avec lesquelles on se
familiarise en y étant confronté. Malgré les problèmes qu’on peut rencontrer, le
numérique répond aux difficultés que nous posait la copie 35 mm. En cela, ce support
rend plus accessible la diffusion des films dans une qualité inoxydable.
I. III. La dématérialisation offre un accès plus facile au film de répertoire
L’évolution du numérique au cinéma est en perpétuelle mouvance. À l’heure
d’aujourd’hui, il est possible d’envoyer le DCP par dématérialisation. Il consiste à
envoyer le fichier-film par internet, comme du téléchargement. Cependant, le fichier est
codé (besoin d’une KDM) et son poids est lourd afin de restituer la même qualité que
sur un support physique. L’avantage de la dématérialisation est de permettre aux
exploitants d’avoir accès aux films plus largement et plus rapidement16. Sur le marché
de la dématérialisation, il y a deux sociétés en France : Globecast, qui utilise le réseau
terrestre pour le transfert de ces fichiers et Smartjog, utilisant le moyen du satellite. De
cette façon, l’accès au film pour les exploitants se fait plus rapidement et de bonne
qualité si toutes les conditions sont optimales : livraison du film en entier, envoi et test
de la KDM en amont de la projection.
À l’origine, les films de patrimoines ne sortaient que sur très peu de copies,
Deux à quatre copies. La dématérialisation a permis d’augmenter à moindre coût le
nombre de copies par distributeur sans s’en encombrer physiquement : stockage,
transport et dégâts possibles. Néanmoins, le DCP – matérialisé ou non - reste un moyen
rentable ; c’est pourquoi il a su séduire autant dans la distribution que dans
l’exploitation cinématographique.
Ainsi, lors d’une exploitation d’un film, le numérique, et d’autant plus la
dématérialisation, reste un atout indéniable pour tous les distributeurs de patrimoine. Il
facilite le suivi des films, mais aussi garantie une qualité inaltérable au fil des
projecteurs. C’est sans doute pour cela, que certains distributeurs y voient une occasion
de diffuser des films de répertoire avec plus d’aisance.
16 Jérôme Brodier, « Le Numérique en salles, ses enjeux », Michaël Bourgatte & Vincent Thabourey (dir), Le Cinéma à l’heure du
numérique pratiques et publics, Paris, MKF, 2012, p 83.
12. 10
II. LE MARCHE DE LA DISTRIBUTION DES FILMS DE PATRIMOINE EN FRANCE
La France compte le plus grand nombre de distributeurs de films de patrimoine
au monde. On dénombre une trentaine de distributeurs17 se divisant en trois
catégories18 : les distributeurs spécialisés dans les films de répertoire tel que Théâtre du
temple, les distributeurs de films inédits comme Sophie Dulac Distribution et les majors
américaines telles que La Fox, la Warner. Près de cent films de patrimoine sont réédités
chaque année ; ceux-ci offrent un plus large panel de cinématographie, de genre et
d’auteur pour les salles les diffusant19.
II.I. Les distributeurs de films de répertoire
La réédition de films au cinéma représente moins de 2% des entrées, soit 3,4
millions de spectateurs20. Malgré ce chiffre, le marché ne cesse de s’ouvrir avec de
nouveaux distributeurs en France et de nouveaux écrans de diffusions. La France a
commencé il y a vingt ans à distribuer des films de patrimoine avec 3, 4 sociétés21
spécialisées dans les films de patrimoine, à présent on en dénombre une quinzaine22.
Simon Simsi, distributeur Les Acacias, nous avoue : « (qu’) Il y a presque trente ans,
quand j’ai sorti Quai des Orfèvres, sur quatre copies, j’ai réalisé 100 000 entrées en
deux ans d’exploitation. Dorénavant, si un film atteint les 10 000 entrées à Paris c’est
un beau résultat »23. Cela nous montre bien une évolution du marché. Non pas par les
spectateurs, mais par les distributeurs, car il y a plus de films de répertoire qui ressortent
au cinéma. Le marché devient aussi dense que les films contemporains où dans une
semaine, on peut remarquer jusqu’à cinq sorties différentes de films anciens.
Le marché est en train de saturer, car l’équilibre entre les distributeurs et les
salles « Art et Essai », où sont diffusés ces films, est en train d’être saturé.
Heureusement que les circuits s’ouvrent vers une programmation sur les anciens films,
Cela permet de décharger les salles labélisées « Patrimoine et Répertoire », en
proposant plus d’écrans pour leur diffusion.
17 Emma Deleva, « Le film de patrimoine, un marché à part », Ecran total n° 828, Paris, 1er décembre 2010, p 29.
18 Rodolphe Lerambert, « La diffusion du cinéma de patrimoine en salle », Michaël Bourgatte & Vincent Thabourey (dir), Le
Cinéma à l’heure du numérique pratiques et publics, Paris, MKF, 2012, p 198.
19 Ibidem
20 Chiffres de 2009. Emma Deleva, loc. cit.
21 Chiffre communiqué par Guy Chantain, responsable de la programmation chez Action Cinémas et Théâtre du temple.
22 Propos recueillis par Thomas Baurez, « Thierry Frémaux la France veille sur le cinéma qui le lui rend bien », L’Express, Paris, 14
octobre 2013.
23 Emma Deleva, loc. cit.
13. 11
Les distributeurs consacrés aux films de patrimoines sont sur différents créneaux
sur ce marché. Les nouveaux distributeurs de films de patrimoine travaillent plus sur
des filmographies des années 70 aux années 80, renouvelant donc leur public de
cinéphiles24. Le leader sur le marché : Carlotta est sur des films internationaux et jeune
public avec des sorties cinéma, dvd/blu ray, vod et possède un important catalogue de
films. Splendor Films distribue exclusivement pour le cinéma des films internationaux,
jeunes publics et certains inédits. Des distributeurs plus modestes comme Lost Films et
Editions Zoroastre sortent peu de films dans l’année. Ils sont seuls dans leur société ;
cependant, ils ont une volonté de mener un réel travail sur leurs films. Les distributeurs
comme Moonriver Entertainement, Swashbuckler et Flash Pictures sont également seuls
au sein de leur structure, mais ils misent sur plus de sorties de films en salle afin de
rentabiliser les frais sur du court terme et distribuent des films hollywoodiens. Les
distributeurs comme Ciné-Sorbonne et Action Cinémas – Théâtre du Temple sont dans
une démarche d’enrichir leur catalogue et de diffuser ce dernier au sein de leur(s) propre
salle(s) et des autres cinémas, ils sont dans une diffusion des « Grands Classiques du
Cinéma ». Les choix de distribution des entreprises montrent une volonté de toucher un
public particulier. Les films de patrimoine sont vus par un public cinéphile. Mais avec
les nouveaux distributeurs, le public s’élargit autant que la diversité des films, et un film
de patrimoine peut cibler un public large comme Lola Montès, Peau d’âne. Pour les
films de patrimoine, le numérique est un défi technologique sur du long terme pour les
générations qui suivent. Comme le dit Vincent Paul-Boncourt25, cette technologie
permet « d’élargir les publics en salles : par exemple, VO et VF tiennent sur le même
DCP »26. La numérisation permet également d’offrir des bande-annonces en DCP pour
les films de patrimoine qui en avaient peu l’accès.
Tout film de répertoire demande un travail d’accompagnement ciblé pour attirer
les publics ; cela peut aller de la venue du réalisateur à une soirée animée autour d’un
quiz. Selon Rodolphe Lerambert, coordinateur répertoire de l’ADRC, « leur diffusion
(des films de patrimoines) est cependant aléatoire et risquée au regard des évolutions
des pratiques cinématographiques liées notamment à la culture d’écran. Bien que le
secteur soit dynamique (nombre de rééditions en hausse, salles de plus en plus actives,
24 Rodolphe LERAMBERT, loc. cit.
25 Distributeur chez Carlotta Films.
26 Charlotte Garson, « Quelles reprises pour demain ? », interview de Vincent Paul-Boncourt, Paris, Les Cahiers du Cinéma n°672,
novembre 2011, p. 33.
14. 12
etc), il reste fragile »27. C’est sans doute pourquoi les distributeurs spécialisés dans le
patrimoine ouvrent leurs programmations soit à de nouveaux clients en se tournant vers
les circuits, soit en se diversifiant : sortie Dvd, Blu-ray, VoD ou vente TV, pour avoir
une meilleure rentabilité.
Les distributeurs de films spécialisés dans de patrimoine travaillent leur film
selon leur envie et les moyens qu’ils ont. Pour cela, la société de distribution détermine
une combinaison de salles pour la programmation de ses films. Bien qu’ils défendent
toujours la diffusion des films dans un cinéma, certains distributeurs se diversifient en
sortant leur film en Dvd, Blu-ray, VoD. Cette démarche rend les films de rééditions plus
abordables auprès d’un nouveau public.
II.II. Le patrimoine à la portée, des distributeurs de films contemporains
et, d’une restauration totale de l’oeuvre
En France, il existe une centaine de sociétés actives de distribution. Les vingt
premières28 gèrent 58% des sorties dont les dix premières, génèrent de 80 à 90% du
chiffre d’affaires du marché : Gaumont fait 12,5% de parts de marché, Studio Canal,
10,3%, Pathé, 7,7%, et les autres 16,7%29. Ces sociétés se mettent à numériser leur
catalogue, à cette occasion, ils profitent de restaurer leurs titres anciens grâce à cette
nouvelle technologie.
À l’ère du numérique, le répertoire se met au diapason. La numérisation des
vieux films permet une qualité de visionnage digne d’un Blu-ray, mais pour un écran de
cinéma. Les nouvelles générations qui ont l’habitude d’internet, de qualité d’image
numérique et non plus d’images rayées, changeant de couleur, d’un son distendu, sont
les spectateurs de demain. Ils vont davantage apprécier le visionnage de ces films grâce
au numérique. Pour retrouver une qualité d’image d’antan, les restaurations sont
coûteuses. Elles débutent à 50 000 euros et peuvent monter jusqu’à 250 00030 euros et
bien plus encore. C’est notamment grâce à des fonds privés et publics que les
restaurations des films sont possibles. Le CNC également verse de l’argent par des aides
sélectives pour la restauration de certaines oeuvres, à travers une subvention ou par une
27 Rodolphe LERAMBERT, loc. cit.
28 Laurent CRETON, « Distribution et promotion », L’économie du cinéma en 50 fiches, Paris, Armand Colin, 2008, p. 59.
29 Ibidem.
30 Claire Bommelaer et Emmanuèle Frois, loc. cit.
15. 13
aide remboursable par rapport aux ressources que génèrent ces films31. Des Fondations
sont créées pour soutenir financièrement ces restaurations d’oeuvre comme celle de
Martin Scorsese par qui on peut revoir le film Au feu les pompiers! de Milos Forman.
En 2008, on a pu redécouvrir au cinéma le film Lola Montès de Max Ophuls grâce au
concours de la Fondation Technicolor, du Fonds culturel franco-américain et de la
Cinémathèque Suisse. Cette restauration s’était élevée 400 000 euros ; ce qui est assez
exceptionnel. En 2011, on a pu redécouvrir le film Le Voyage dans la lune des frères
Méliès avec toutes ses couleurs d’origines grâce à des aides privés : Serge Bromberg et
aux fondations Groupama Gan pour le cinéma et Technicolor.
La restauration numérique permet d’offrir une qualité d’image unique, ce qui
permet une seconde vie aux films de patrimoine. Ce qui n’était pas possible avec la
35mm. La finition du numérique ouvre des perspectives de qualité d’image incroyable.
Mais toute qualité a un coût. La restauration des oeuvres vieillissantes permet de diffuser
ces films en première qualité équivalente à une oeuvre contemporaine. Le spectateur ne
voit plus que c’est un film « ancien », car il n’est plus rayé, abîmé avec le temps. Les
majors envahissent petit à petit le marché du patrimoine. Cela se passe à travers la
restauration de leur catalogue. Les frais sont tellement importants qu’ils préfèrent les
distribuer eux-mêmes : comme Pathé et Gaumont qui restaurent plusieurs titres de leur
catalogue tels que La Roue d’Abel Gance, Le Guépard de Visonti, Borsalino de Jacques
Deray32.
D’ici 2016, dans le cadre de « l’investissement sur l’avenir », Gaumont va
restaurer 27033 films de son catalogue. On y compte La Passion de Jeanne d'Arc de
Carl-Theodor Dreyer, L'Atalante de Jean Vigo ou L'assassin habite au 21 d'Henri-
Georges Clouzot34. Des films qu’ils vont ressortir au fur et à mesure et en premier lieu
en Dvd, Blu-ray et VoD35. Mais dès à présent, on peut découvrir des oeuvres sur grands
écrans que Gaumont distribue directement lui-même en salle. Studio Canal restaure les
films de Bergman qui retrouvent le chemin des salles et doivent rencontrer de nouvelle
31 Philippe Loranchet, « Archives et numérique, un mariage de raison », Paris, Ecran Total n°828, 1er décembre 2010, p. 24.
32 Claire Bommelaer et Emmanuèle Frois, loc. cit.
33 Ibidem.
34 Ibidem.
35 Source : www.dvdclassik.com.
16. 14
génération de spectateurs36. Studio Canal a dans son catalogue 5 000 films37 européens
et américains. Leur travail de restauration sur leur catalogue se fait grâce à la
Cinémathèque Française, les Archives Françaises du film ou encore la Bifi de Londres.
En 2012, Studio Canal « a restauré avec La Cinémathèque de Toulouse, La Grande
illusion de Jean Renoir, et, en 2013, Plein Soleil de René Clément avec la
Cinémathèque française et le soutien du Fond culturel franco américain. »38 Studio
Canal travaille les films de patrimoine dans l’idée de pouvoir les ressortir en Dvd et
Blu-ray, et éventuellement sur grand écran. Ce marché, bien qu’il s’essouffle
actuellement, est dans une économie très enrichissante à court terme : peu de frais pour
un coût sur investissement assez fort, par rapport au cinéma.
Les distributeurs de films inédits se lancent dans la restauration de leur catalogue
de films afin de les ressortir. Ils profitent de l’aubaine de cette réédition pour sortir les
films sur divers supports afin de rentabiliser les frais de cette ressortie de préférence à
court terme.
II.III. De nouveaux entrants sur le marché de la distribution de patrimoine
En parallèle, d’autres distributeurs sont dans la recherche de mettre en place un
réel travail sur les films de répertoire au moment de leur sortie cinéma : recherche pour
la restauration, accompagnement des films en salle, communication sur le film avec des
achats d’espace… Leur budget est digne d’une sortie d’un film inédit. Les choix de
ressortie ciblent avant tout le grand public afin de rentabiliser le plus rapidement
possible les dépenses menées pour la sortie du film. Les distributeurs comme Sophie
Dulac optent pour un plan de sortie plus dense, tel un film contemporain, allant jusqu’à
trente copies France. Contrairement aux distributeurs dédiés au patrimoine qui font une
sortie sur une dizaine de copies. Sophie Dulac se voit doubler le nombre de ses sorties
de films de patrimoine au cinéma durant 2014/2015 contrairement aux années
antérieures. Le distributeur a une réelle envie de développer cette niche en sortant des
films de répertoire à la façon d’un film inédit afin de toucher un public large.
Également, la société de distribution Shellac a créé un poste dédié aux films de
patrimoine. Ce dernier consistant à la recherche d’éléments du film pour mener une
36 Propos recueillis par Thomas Baurez, loc. cit.
37 Source : www.studiocanal.com.
38 Ibidem.
17. 15
restauration, du suivi de la restauration avec les laboratoires et de la gestion du plan de
sortie. Les films de patrimoine prennent de plus en plus d’importance au sein des
structures de films inédits.
Un des handicaps de voir ces distributeurs envahir le marché de la distribution
de films de patrimoine est quand on leur propose un mandat sur un de leurs films de
catalogue, ils peuvent le refuser, voyant une opportunité de le diffuser eux-mêmes.
C’est ce qu’il en est pour Studio Canal à qui Splendor Films avait demandé le contrat
pour le film, La Cité de la Peur d’Alain Berbérian, ce film qui fête ses 20 ans cette
année. Ils n’ont pas souhaité donner de devis, car ils envisagent de le sortir au cinéma,
en parallèle de sa sortie Blu-ray, alors que ce n’est pas leur coeur de métier. Les
distributeurs de films inédits pénètrent le marché du patrimoine plus intensivement et le
divisent davantage. D’un côté, il y a ceux qui souhaitent diffuser des films plus grand
public avec un travail de restauration. De l’autre, ceux qui profitent de la sortie
restaurée Dvd et Blu-ray de leur film pour le sortir au cinéma. Tous deux ont une force
de frappe importante en termes économiques et permettent une communication plus
forte sur leurs films.
En novembre 2013, la venue de Park Circus sur ce marché de niche cause un
profond malaise au sein de la profession. Cette filiale Park Circus Film SARL, guidée
par Van Papadopoulos (Cannes Classics), donne le sentiment aux distributeurs de
patrimoine d’être trahi par leur fournisseur de films de répertoire américain. La
concurrence semble presque déloyale aux yeux de ces distributeurs qui se voient enlever
un catalogue de films très riches. Park Circus gère près de 15 00039 titres dans le monde
parmi lesquels Paramount Pictures, Sony Pictures, Warner Bros… Les distributeurs
doivent dorénavant se tourner vers des cinématographies indépendantes, négocier
directement avec la production, et dénicher des oeuvres et des contacts d’autres pays.
Selon Park Circus, ils se sont ouverts à Paris, car « La France est un marché très
important en terme de spectateurs de films classiques et de répertoire »40. Notre pays est
une vraie exception dans les films de répertoire. Les premiers films qu’ils ont sortis sont
plutôt des classiques dans le répertoire : La Dernière corvée d'Hal Ashby et La dernière
séance de Peter Bogdanovich. Ils ont commencé l’année 2014 avec une ressortie du
39 Source : http://www.parkcircus.fr.
40 Ibidem.
18. 16
film Le Crime était presque parfait d'Alfred Hitchcock. Outre les films classiques, Park
Circus détient des films de patrimoine « populaire » comme Robocop de Paul
Verhoeven, Shampoo de Hal Ashby et des films de répertoire « contemporain » tel que
Pulp Fiction de Quentin Tarantino et Taxi Driver de Martin Scorsese. L’entreprise
mène un travail de restauration numérique sur chacune de ses ressorties cinéma du fait
qu’une sortie Dvd et Blu-ray ait été faite avant. En venant sur le marché de leur client,
Park Circus marque une concurrence ouverte envers eux. Des sociétés comme Splendor
Films ne souhaite plus acheter des films dans le catalogue de Park Circus, un avis que
partage d’autres distributeurs.
Le marché de la distribution des films de patrimoine se fragmente, ce qui était
une niche devient un véritable marché concurrentiel où la qualité du support à toute son
importance. On ne connaît pas la pérennité de ces nouveaux entrants sur le marché du
patrimoine. Cependant, pour pouvoir exister, il faudra innover et s’adapter aux
nouvelles technologies tout en respectant l’oeuvre défendue. Parallèlement, de nouvelles
salles s’étendent sur une programmation des films réédités en adoptant une stratégie
moins directe.
19. 17
PARTIE 2
UNE POLITIQUE DE DEMOCRATISATION DES CIRCUITS
OUVRANT VERS UNE PROGRAMMATION DE REPERTOIRE
Après avoir démocratisé le prix d’entrée avec les cartes illimitées et le
développement des événements « one shot »41 comme l’Opéra ou les one man/woman
show retransmis en direct sur grand écran, place aux films de répertoire dans les
circuits. Les multiplexes se sont lancé le pari de travailler les films de répertoire au sein
de leurs salles, dans le but d’enrichir et d’élargir leur public. Un travail spécifique est
mené par ces réseaux d’exploitations sur cette catégorie de films.
I. UNE DEMOCRATISATION DU PRIX DE LA SEANCE ET UNE RECHERCHE DE
SEANCES EVENEMENTIELLES POUR UN NOUVEAU PUBLIC CINEPHILE
Les circuits cinématographiques exploitent des salles de cinéma dites
multiplexes, leur permettant une rentabilité plus forte du fait qu’il y ait plus de séances,
car plus d’écrans, et un choix plus large de film pouvant toucher plusieurs publics. Dans
le fonctionnement de toutes salles de cinéma, la clef est le public. C’est pourquoi il faut
savoir le fidéliser, lui créer de nouvelles attentes et savoir y répondre. Les circuits ont
créé les cartes illimitées afin de pouvoir fidéliser leur public. Puis ils ont mis en place
des événements uniques avec des « ont shot » comme la retransmission de l’Opéra, des
concerts, etc. Afin de créer une nouvelle demande de la part des spectateurs, mais aussi
de s’ouvrir à de nouveaux publics.
I. I. A chacun sa carte illimitée
Les deux plus importants réseaux de multiplexes en France ont mis en place des
cartes illimitées pour les spectateurs. Il s’agit en cela de verser un montant fixe, moins
de 20€, tous les mois par le souscrivant afin qu’il ait accès à toutes les séances de tous
les films du circuit et des cinémas acceptant les cartes illimitées. UGC, MK2 et
Europalaces (Pathé et Gaumont) ont créé leur carte : la carte « UGC illimité » pour les
premiers et « Le Pass » pour les seconds. UGC et MK2 regroupent 96 cinémas dont 78
41 Ce terme signifie « en un coup », c’est-à-dire que ce sont des événements qui ne se passent qu’une seule fois.
20. 18
à Paris/Périphérique42 et Europalaces possède 90 exploitations dont 41 à
Paris/Périphérique43. C’est en 2000, qu’on découvre cette offre illimitée avec le circuit
UGC, qui a connu très vite un grand succès. Leurs multiplexes constatent que ces
entrées sont composées pour un quart par la carte illimitée44. Ce qui montre
l’importance vitale des abonnements pour le circuit. Grâce à la fusion de cette offre
avec MK2, UGC peut diversifier son offre de programmation, mais aussi récupérer un
nouveau public. A contrario, les adhérents à « Le Pass » représentent 10% des entrées
pour Europalaces45. Les cartes illimitées pour eux ne sont pas une part très importante
de leur marché. À savoir que l’effet de l’illimité instaure dans l’imaginaire du spectateur
une notion de « gratuité », et de ce fait, il devient consommateur. Il va « dépenser » son
argent non plus dans l’achat d’une place, mais dans la confiserie qu’offre le multiplexe.
Ce qui va enrichir ces salles. D’autre part, le spectateur-consommateur va également
drainer ses amis, étant donné que le cinéma est un lieu culturel où le plus grand nombre
de spectateurs y vont en groupe. Ces derniers vont souscrire à un abonnement illimité.
Ces formules ont donc pour objectif d’augmenter la fréquentation des spectateurs dans
les circuits et de les faire consommer aussi bien plus de films que plus de confiseries.
Depuis 2001, le total des entrées faites par les abonnements illimités ne cesse de
croitre en atteignant, en 2006, 11,7 millions d’entrées avec environ 280 000 abonnés46.
Figure 1 : nombre d’abonnement actif
Le nombre d’adhésions aux cartes illimitées, tous circuits confondus, a progressé
de 18 % entre 2000 et 200647. Selon une étude du CNC, sur les spectateurs de cartes
illimitées, 92,4 %48 sont des assidus49 ; ils viennent plus pour consommer un film que
des confiseries. Pour satisfaire le spectateur-adhérent dans sa consommation du film, il
faut que les circuits divertissent leur programmation. C’est de pourquoi ils vont s’ouvrir
à un film peu exposé, une reprise ou à une cinématographie alternative. Cette stratégie
42 CNC, L’Économie des abonnements a entrées illimitées au cinéma, Paris, CNC, avril 2008, p. 22.
43 Ibidem
44 Ibid., p. 46.
45 Ibid., p. 47.
46 Ibid., p. 9.
47 Ibid., p. 23.
48 Ibid., p. 33.
49 Un spectateur assidu est une personne qui va au moins 3 à 4 fois au cinéma dans le mois.
21. 19
permet d’augmenter sensiblement les adhésions des cartes illimitées et donc de trouver
un nouveau public sensible à ces programmations50.
En outre, les petits exploitants autant que les distributeurs de patrimoine
permettent d’enrichir l’offre de la programmation des circuits ayant des cartes illimitées
et leur permettent de fidéliser le public des abonnés tout en se créant un nouveau public.
Malgré une croissance des adhésions, les circuits ont du mal à rentabiliser leur offre par
des spectateurs assidus et non-consommateurs de confiserie, ils se retrouvent à un
équilibre des finances avec leur carte illimitée. C’est pourquoi, ils cherchent à cibler un
nouveau public : des spectateurs occasionnels. Pour cela, UGC a lancé, sa carte illimitée
2, offrant la possibilité d’inviter une seconde personne avec sa carte pour voir le même
film. Le Pass d’Europalace propose un tarif réduit pour la personne accompagnante un
abonné illimité51.
Les abonnements illimités ont permis de fidéliser un public, mais pour cela, il
faut leur proposer toutes les semaines de nouveaux films. C’est une des raisons pour
laquelle les multiplexes s’ouvrent à la programmation diversifiée afin de répondre à la
forte demande de leurs spectateurs et pour attirer de nouveaux publics.
I. II. Une programmation diversifiée chez les multiplexes
Comme le dit Laurent Creton : « C’est l’offre qui façonne la demande et
participe sur longue période de la construction d’un modèle de consommation, de
modes de vie, d’un certain type d’aménagement du territoire, d’une manière de
vivre ».52 Les circuits cinématographiques doivent répondre à la demande de leurs
spectateurs, proposant une offre plus large et innovante pour satisfaire leur public et, ce,
grâce au numérique. Cependant, cette offre ne se limite plus à la carte illimitée, les
circuits proposent des soirées « one shot » événementielles ou contenus alternatifs à des
tarifs uniques. On peut rencontrer régulièrement comme programmation dans les
cinémas des opéras (Métropolitan Opéra live) et des ballets (Le Bolchoï). Pour ce qui
est des one man/woman show : l’opération « Foresti Party », dans près de 100 salles
d’Europalaces en France diffusées en simultanée le spectacle de Florence Foresti de
50 Ibid., p. 17.
51 Ibid., pp. 35-36.
52 Laurent Creton, « Le Public et les salles », Economie du cinéma en 50 fiches », Paris, Armand Colin, 2008, p. 53.
22. 20
Pars-Bercy pour 15€ par spectateur, été une première53. Les concerts de musique :
Mylène Farmer au Stade de France diffusée dans 18 salles en France pour un ticket
d’entrée de 20€ sur les préventes ; les Red Hot Chili Peppers en août 2011 dans 35
salles pour 8 000 spectateurs. Des programmes TV comme La Nouvelle Star diffusés au
MK2 Bibliothèque 2010 en partenariat avec M6 et Orange. Ou encore, le 20 mars 2012,
les deux premiers épisodes de la dernière saison de Desperate Housewife ont été
projetés dans ce même cinéma en partenariat avec Canal plus. Ces diffusions hors-films
restent plutôt sporadiques au sein des cinémas54. Le fait que les circuits programment
ces contenus alternatifs a pour conséquence de faire venir un tout autre public dans ces
salles. Ils le fidélisent par un rendez-vous régulier et identifiable tout en proposant un
tarif bien supérieur qu’une place de cinéma.
Une étude55 au Royaume-Uni, menée par le NESTA56, montre que le hors-film
projeté en salle élargit le public, touchant même des spectateurs aux revenus inférieurs
qu’aux spectateurs habituels à une salle de cinéma. Le public de cinéma a répondu
favorablement quant à voir directement une représentation au théâtre après une
retransmission sur grand écran. Le cinéma permet de sensibiliser le public à autre chose
plutôt qu’un film dans son enceinte. De plus, le hors-film permet de faire venir de
nouveaux spectateurs dans les circuits qui les diffusent. La salle de cinéma peut perdre
cette notion de culture du 7ème art en franchissant les limites du culturel pour aller vers
du loisir pur. Mais est-ce que cela fonctionne véritablement ? Ou se coupent-elles d’un
public cinéphile déjà acquis de par le lieu ?
Cette diversité de programmation offre une expérience de divertissement pour le
spectateur, mais les éloigne du 7ème art. Pour les en rapprocher, les circuits développent
une programmation sur les mêmes principes autour des films de patrimoine : un rendez-vous
identifiable, une programmation événementielle, une communication mise en
valeur et une diffusion sur support numérique.
53 JD, « Florence Foresti fait son show sur grand écran », Allocine.fr, en ligne le mardi 24 juillet 2012 à 15h00,
http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18615483.html.
54 Laurent Creton et Kira Kitsoparidou, « Défis et perspectives de l’exploitation cinématographique à l’heure du numérique », Les
salles de cinéma : enjeux, défis et perspectives, Paris, Armand Colin/Recherches, 2005, p. 158.
55 Ibid., p. 135.
56 NESTA : National Endowment for Scienc, Tenchology and the Arts.
23. 21
I. III. Le lancement d’un rendez-vous « Patrimoine » au sein d’un circuit
En matière de cinéma, la culture érudite est loin d’être réservée aux
catégories socioprofessionnelles supérieures, un continuum de références
d’établissant avec ce que l’on appelle habituellement « la culture
populaire ». La cinéphilie est une orientation socialement partagée, tout en
étant plurielle par ses films, ses spectateurs et les nombreuses modalités de
réception .57
De nos jours, le terme « cinéphilie » a une définition contrastée. Ce n’est plus
seulement comme le définit Jean-François Rauger, directeur de la Cinémathèque
Française : « L’idée d’un intérêt pour le cinéma comme moyen d’expression unique,
comme une forme d’art qui s’abreuve aux sources les plus impures du commerce reste
évidemment présente »58. Collant à une définition plus des années 60 qui se défend d’un
cinéma « classique contre moderne ». Nous ne pouvons parler de cinéphilie comme à
son début. À présent la cinéphilie contemporaine comporte des catégories : elle compte
une multitude de spécialités. En cela, elle correspond au goût du public, selon la
géographie, les conditions de programmation, le genre des films : comédies
romantiques, arts martiaux, thriller… Actuellement la cinéphilie est plus ludique que
savante avec de nouvelles catégories légitimées par les spectateurs comme le kitsch et le
second degré tout en gardant une notion d’auteur : Tarantino, Almodovar, Ozon. La
cinéphilie post-moderne se fait par le découpage du marché en tranche et en cible qui
serait dommage de négliger, car elle se présente comme les spectateurs de demain.
Ces nouveaux cinéphiles ne sont pas que les publics, mais aussi les nouveaux
programmateurs autant en exploitation qu’en distribution qui viennent d’écoles comme
la Fémis59. Cette dernière a même ouvert en 2003 un département
exploitation/distribution60, destiné à former les étudiants sur l’exploitation
cinématographique et la distribution de films au cinéma. C’est en 2009 qu’un cycle
intitulé « voir et revoir », à l’initiative d’Emmanuel Papillon, alors directeur de cette
section, se mit en place avec les élèves : Marina Telkos, Natalie Vrignaud, etc. en
proposant de défendre le film A Bout de course de Sidney Lumet. Cette programmation
permettait aux étudiants d’exploitation de seconde année de travailler un film de
57 Laurent Creton, « Le Public et les salles », op. cit., p. 54.
58 Jean-François Rauger, « Programmation et valorisation », L’avenir de la mémoire : Patrimoine, restauration, réemploi
cinématographique, Michel Marie & André Habib (dir.), Paris, Presses Universitaires de Septentrion, 2013, p. 31.
59 Fémis : École nationale supérieure des métiers de l'image et du son. Source : http://www.femis.fr/
60 Source : http://www.femis.fr/cursus-distribution-exploitation.
24. 22
patrimoine dans le contexte d’une salle. Ils devaient monter un événementiel sur cette
séance : organiser un débat, une animation, un cocktail. Cela leur a permis de découvrir
les distributeurs de patrimoine et avec eux, le travail à faire pour amener des spectateurs
à (re)voir un film de cette catégorie en salle. Cette formation a offert à ses futurs jeunes
directeurs d’exploitation d’avoir une approche sur les films patrimoniaux.
Pour toucher ces nouveaux cinéphiles, en février 2010, Splendor Films avait
ressorti en copie 35mm le film Dirty Dancing d’Emile Ardolino. Il voulait le travailler
sous un aspect événementiel et non pas comme un film « classique », auprès des salles
art et essai. Il a reçu un accueil très mitigé et peu de programmations. Fin mars 2010,
Natalie Vrignaud61 les a contactés afin d’organiser une soirée Dirty Dancing au
Gaumont Parnasse. Pour animer la soirée, un quiz sur le film lui a été proposé, ainsi que
des affichettes du film à offrir à tous/tes les spectateurs/ices. La grande salle de 390
places62 était remplie, près de 600 personnes63 se sont vu refuser l’accès ! Fort de ce
succès, deux ans après, Natalie a proposé à Splendor Films un nouveau concept se
basant sur le même type de programmation que précédemment. En proposant une
diffusion dans une quarantaine de salles de son réseau en France. La seule condition
était que le film soit en DCP. Le distributeur devait voir avec l’ayant droit : Lions Gate,
pour savoir si le film était disponible sous ce format-là, afin de renouveler le contrat en
DCP. C’est ainsi que le premier Cinénightclub d’Europalace a vu le jour.
Alors que les partenaires habituels - les cinémas d’arts et d’essais - étaient peu
motivés par le film Dirty Dancing, une opportunité de le diffuser plus largement s’est
présentée et a été saisie par Splendor Films. Cela a permis d’ouvrir un accès des films
de patrimoine aux multiplexes afin de sensibiliser autant leur public de fidèle qu’un
nouveau public.
II. UNE PROGRAMMATION DE PATRIMOINE SUR DE L’EVENEMENTIEL
Les quatre gros circuits : Europalaces, UGC, CGR et Kinépolis étendent leurs
programmations événementielles sur des films de patrimoine. En faisant cela, ces
réseaux ciblent un public précis selon le travail mis en place et le film choisi.
61 À ce moment-là, Natalie Vrignaud était programmatrice au Gaumont Parnasse et responsable de la programmation événementielle
chez Europalaces.
62 Chiffre communiqué par Natalie Vrignaud, Paris, le 25 mai 2014 .
63 Ibidem.
25. 23
II. I. Des soirées animées pour un moment divertissant
Le public de cinéphile post-moderne est attiré par une cinématographie qu’on
pourrait dire plus contemporaine dans le patrimoine ; elle va toucher les années 70, 80
et 90. C’est là-dessus que notamment Europalaces, sous la bannière « Cinénightclub »,
puis CGR et Kinépolis, par des « soirées-filles » vont développer une programmation.
Ces séances touchent avant tout un public féminin et sont basées sur des animations :
cadeaux, quiz, affichettes du film et divers partenariats locaux. Ces projections veulent
être un moment convivial et divertissant sur un film culte. On voit surtout que ces
programmations fonctionnent sur des films musicaux et des comédies romantiques
comme Grease, Dirty Dancing ou encore Ghost. Ce sont des rendez-vous établis dans la
programmation des circuits sous forme de « one shot ». Ces soirées uniques sont
signalées par une nomination distinctive et ne sont pas forcément régulières ; en tout
cas, elles sont toujours identifiables par la même communication. Kinépolis avait mis en
place les soirées filles tous les premiers jeudis de chaque mois. Ils ont dû se
repositionner voyant qu’il n’y avait pas suffisamment de films « girly» pour répondre à
une programmation régulière. Kinépolis et CGR programment des films patrimoniaux
essentiellement dans leur cycle « soirée fille », mais également avec des films
contemporains, comme avec l’Arnacoeur ou Tout ce qui brille.
Figure 2 : Figure 3 :
Affiche Kinépolis « Soirée-filles »64 Affiche CGR « Soirée-fille »65
64 Source : www.kinepolis.fr.
65 Source : www.cgrcinemas.fr.
26. 24
Ces deux communications font bien ressortir l’une les teintes roses et violettes (figure
3) qui dans notre société sont attribuées aux femmes. L’autre (figure 2), met en valeur
un homme ébouriffé avec des marques de rouge à lèvres signifiant la présence de la
femme dominante. La police de ces soirées est dans une typographie arrondie, qui
symbolise la féminité.
CGR programme le plus tôt possible ses événements afin de communiquer sur
ces derniers. En général, au moins trois semaines avant la séance des cartons fixes sont
projetés dans les salles, un affichage local chez les commerçants est mis en place. Des
radios partenaires relayent en local les informations sur la soirée. CGR propose un tarif
unique de 6€ pour ces soirées, du fait que le film peut être vu à la tv ou en Dvd. Ces
séances trouvent leur place à une période de creux en programmation, cela permet de
rendre visible le film et son événementiel et de lui donner toutes ses chances pour
rencontrer son public. Les films sont proposés en VO exclusivement pour les salles en
centre-ville. Celles en zones industrielles sont en VF. Parallèlement, Kinépolis propose
que des soirées VF à son public.
Dans sa volonté de conquérir un nouveau public, Europalaces met en place un
nouveau cycle accès sur des films de répertoire, cultes et musicaux, exclusivement.
Grâce à une agence spécialisée, ils ont trouvé la terminologie de « Cinénightclub ». Le
groupe a mit en place une communication ciblée : un logo identifiable, des cartons fixes
avant toutes les séances des films, des affichettes tirées et placées sur les portes des
salles participantes. Les couleurs choisies pour communiquer sur ce cycle ont une
dominante de rose/violet, mais n’en restent pas moins très colorées.
27. 25
Figure 4 : Figure 5 :
Première affiche Cinenightclub66 Affiche actuelle Cinenightclub67
On pourra noter l’évolution dans la colorimétrie de la communication d’Europalaces sur
ces séances avec toujours la reprise de l’affiche, mais en mettant le(s) personnage(s)
principal/aux en fond à la place de la boule à facettes et en intégrant les « spectateurs ».
Par ailleurs, le logo a fait peau neuve en faisant référence à un imaginaire US. On peut
remarquer que leurs démarches de programmation sont différentes. Kinépolis
programme dans tout son circuit, à savoir sept salles68. D’un autre côté, CGR, et ses
trente-trois multiplexes et six complexes69 étendent cette programmation à toutes les
salles voulant le faire afin de dynamiser davantage les entrées. Europalaces varie le
nombre de ses salles participantes entre trente et quarante-cinq, selon le film qu’ils
estiment correspondre au mieux à la demande du public des villes.
Chacune de ces salles a trouvé le moyen de programmer, pour un public
notamment féminin des films de patrimoine. Dans une même approche de
divertissement, les circuits se différencient par leur choix de communication et de
programmation. Cependant, ils proposent aussi de toucher la nouvelle cinéphilie qui se
dessine et qui ne trouve pas sa place dans les salles art et essai.
66 Source : www.cinemasgaumontpathe.com.
67 Ibidem
68 Source : www.kinepolis.fr.
69 Source : www.cgrcinemas.fr.
28. 26
II. II. Des soirées cinéphiles chez les gros circuits d’exploitations
UGC et Europalaces proposent une alternative plus cinéphile en programmant
d’autres films de répertoire sous des cycles nominatifs. Le principe est de garder un
esprit événementiel que chacune des entreprises travaille selon leur volonté et leurs
limites.
C’est en 2010, à l’initiative de Natalie Vrignaud, qu’un nouveau cycle a été mis
en place notamment au Gaumont Parnasse, « salle pilote »70. Puis en 2012, Europalaces
a ouvert cette séance nationalement, allant de 20 salles pour Lawrence d’Arabie à 40
salles pour Barry Lyndon. Ce concept est une programmation sur les films de
patrimoine en collaboration exclusive avec Philippe Rouyer, écrivain et critique cinéma,
nommée « Il était une fois », en référence aux films de Sergio Leone. Une projection
par semestre rend cette programmation régulière. Depuis cet automne, elle devient
bimensuelle. Elle a un aspect événementiel du fait de son avant-programme : une
présentation de Philippe Rouyer enregistrée en amont et diffusée par le biais du
numérique dans toutes les salles participantes à l’opération. Par cette démarche, il a une
volonté de renouer avec le ciné-club à l’ancienne. En proposant de grands films
classiques en VO et/ou en VF, mais pas en sortie nationale afin de « faire vivre le film
avant »71. Cet avant-programme dure entre 15 à 20 min et offre au spectateur une
présentation unique avec des pistes d’analyse sans pour autant dévoiler la fin du film…
Les films choisis dans cette programmation sont des films plutôt des années 70 à 80,
comme Barry Lyndon de Kubrick. Ce dernier a su convaincre 3 000 spectateurs72
nationalement à le (re)découvrir au cinéma. Autant que Apocalypse Now de F. Ford
Coppola, où des jeunes femmes ont été amenées de « force » par leur conjoint et ont
était satisfaites de la séance, nous livre Philippe Rouyer. Le choix des films est
bicéphale, entre Philippe Rouyer et Marina Telkos, depuis l’échec de la Dolce Vita. Ils
optent pour des films plus accès sur une cinématographie « moderne » leur permettant
de trouver un juste milieu entre des films qu’ils ont envie de défendre et des films plus
« grand public ». La communication se fait via les réseaux sociaux. Sur Youtube, on
retrouve la diffusion des présentations de Philippe Rouyer après diffusion en salle.
70 Les chiffres amenés dans cette partie ont été tirés d’interviews que j’ai menés auprès de Philippe Rouyer, de Natalie Vrignaud et
de Marina Telkos. Lors d’interview à Paris le 9 juin 2014 le 25 mai.
71 Propos recueillis lors d’une interview de Natalie Vrignaud et Marina Telkos, le 25 mai 2014
72 Chiffre fourni par Philippe Rouyer lors d’une interview le 9 juin 2014
29. 27
Egalement, dans le programme diffusé dans toutes les salles un emplacement est réservé
à l’annonce de ces soirées. Des affiches sont créées et diffusées dans les exploitations
participantes. Sur le site web d’Europalaces, une page est réservée à cette
programmation événementielle.
Figure 6 : Figure 7 :
Première version Il était une fois73 Version actuelle Il était une fois74
On peut remarquer l’évolution dans la mise en page : le visuel du film est plus présent
et nomination du cycle est moins mise en valeur. L’idée est de communiquer plus sur le
film que sur son accompagnement événementiel.
Le circuit UGC a trouvé une autre stratégie pour programmer ses films. « Depuis
la numérisation, Bertrand Cocteau (directeur de la programmation chez UGC)
s’intéresse aux films de patrimoine » nous avoue Roxane Mont Sargues75. À travers le
« Ciné-culte », en référence au « ciné-club », les salles proposent une programmation
avec des films en VO en sortie nationale et en catalogue en diversifiant la
programmation sur trois séances : l’une le week-end et les deux autres en semaine.
UGC souhaite d’ailleurs élargir à une programmation hebdomadaire. On a pu se rendre
compte au fil du temps que les salles se sont étendues. Au début, il y avait moins de dix
salles. Aujourd’hui, on est sur tous les lieux d’UGC en province/banlieue et six salles à
73 Source : www.cinemasgaumontpathe.com.
74 Ibidem.
75 Informations recueillies lors d’un entretien, le 3 juin 2014, avec Roxane Mont Sargues, programmatrice chez UGC en charge du
ciné-culte.
30. 28
Paris. Sébastien Tiveyrat76 nous confirme le travail d’UGC au Ciné Cité La Défense :
« Les gens viennent avec Bergala à La Défense sur un horaire du soir »77. UGC propose
un tarif spécial de 5€ pour les détenteurs de la carte fidélité d’UGC, la carte Le Pass est
aussi acceptée. La programmation de ce cycle se veut régulière avec un film par
semaine puis les films choisis dans ce cycle sont « des éternels du cinéma », ils
concernent des films des années 40 à 70 : Casablanca, La Belle et la bête, La Dolce
Vita, Scarface, Chinatown, etc. Les films muets n’ont pas encore été tentés, mais pour
autant une programmation chez UGC n’est pas exclue dans un avenir proche. En terme
de communication, un carton fixe diffusé sur les écrans avant les projections est mis en
place. Sur le site internet, il y a une page dédiée. Dans la newsletter, un encart
annonçant la programmation de patrimoine est présent. Sur une page Facebook, est
transmise l’information des projections de patrimoine joint à un visuel du film.
Figure 8 : Carton « Ciné-culte » diffusé chez UGC Bordeaux78
On peut remarquer la colorimétrie bleue qui rappelle le côté retro, ancien du film. Le
visuel : l’affiche du film, autant que le titre du cycle « Ciné-Culte » et la date et l’heure
sont bien mis en valeur sur l’annonce. Nous pouvons nous dire que la volonté de ce
carton est de communiquer plus sur le cycle que sur le film en lui-même et ses qualités
cinématographiques et esthétiques. Certaines exploitations d’UGC organisent des
soirées en local avec un intervenant, souvent universitaire, qui propose un film et vient
en débattre. Comme avec Michel Ciotat qui est force de proposition à Strasbourg et à
76 Distributeur de films de patrimoine : Swashbuckler
77 Propos recueillit lors d’une interview de Sébastien Tiveyrat le 9 mai 2014
78 Source : www.ugc.fr
31. 29
Rouen et va accompagner les films en salle d’UGC. Aujourd’hui, ces salles conservent
leur programmation en local conjointement avec celle de la nationale.
Forts de leurs entrées, les multiplexes ont réussi à fidéliser un public bien défini
dans leurs salles avec des films qui leur correspondent. Le principe des circuits est de
faire (re)venir ces mêmes spectateurs pour (re)découvrir des films de patrimoine chez
eux. Le but de ces cycles est autant de fidéliser un public que d’attirer un nouveau
public en salle. Il ne s’agit pas que des spectateurs encartés, mais surtout des jeunes
adultes qui ont entendu parler de ces films et souhaitent les voir sur grand écran. Cette
nouvelle démarche des gros circuits est regardée attentivement au sein du milieu
professionnel.
32. 30
PARTIE 3
CONCURRENCE OU COMPLEMENTARITE ?
« L’objet n’a de valeur que parce qu’il est désiré par un autre »79
Dans le milieu professionnel, la place des films de patrimoine dans les gros
circuits d’exploitation en France remet en question ce marché et les relations avec les
exploitants art et essai. C’est un sujet très polémique où certains acteurs sur ce marché
ont bien voulu donner leur avis. Que ce soit des exploitants de cinéma d’art et d’essai
spécialisés dans le patrimoine - notamment à Paris dans le Quartier Latin comme La
Filmothèque ou encore le Grand Action -, ou de province : L’Omnia de Rouen et Le
Ciné-TNB de Rennes. Que les gros circuits comme UGC, Europalaces et CGR. Ou
encore les distributeurs de patrimoine : Les Acacias, Swashbuckler et Ciné-Sorbonne.
Les représentants des instances (le CNC, l’ADFP, l’AFCAE, l’ADRC) ont bien voulu
s’exprimer sur ce sujet délicat. Chacun offre son point de vue, tout en proposant des
alternatives pour créer un futur qui mettrait en valeur les films patrimoniaux. On pourra
se rendre compte de l’avenir qui est soumis aux films de répertoire dans le champ
cinématographique.
I. DES AVIS DIVERGEANTS
Les multiplexes ont besoin d’avoir un important flux de spectateurs dans leurs
salles pour rentrer dans leurs frais. Donc ils doivent varier la programmation et pour
éviter un écran blanc, ils resserrent leur choix de films sur des ressorties. Le principe
des circuits est de faire (re)venir des spectateurs pour qu’ils (re)découvrent des films de
patrimoine dans leur enceinte. Cependant, les exploitants art et essai ne l’entendent pas
comme cela.
79 Claude Forest, « Du Mimétisme », Quel film voir ? Pour une socioéconomie de la demande de cinéma, Paris, Presses
Universitaires du Septentrion, 2009.
33. 31
I. I. L’avis de l’exploitation art et essai dans son ensemble
« Les films naissent libres et égaux »80
Les salles art et essai appréhendent la venue de ces gros circuits sur le marché du
patrimoine, car ils se mettent à programmer des films qui leur étaient réservés. Jacques
Fretel81 regrette qu’il n’y ait pas de discussion entre les multiplexes et les salles art et
essai. Selon lui, les salles indépendantes sont singulières du fait qu’elles parient avec les
distributeurs sur la programmation de films audacieux. Elles ont peur de perdre des
spectateurs, ce qui induit des recettes. Comme le souligne Jacques Fretel82 : « Les salles
art et essai sont aussi commerciales : si pas d’entrées, pas de spectateurs, pas d’argent.
La salle est vouée à fermer ». Jean-Marc Delacruz83 développe depuis longtemps dans
sa ville des cycles comme « le cinéma de quartier », « l’absurde séance » qui ciblent des
films des années 70 à 80, mais également des nanards84… Il déplore que son travail soit
plagié par ces salles : « ça me met en colère ! »85, déclare-t-il, alors que celles-ci ne
pensent pas à la beauté de l’art, mais qu’au commercial. Il annonce que pour les
distributeurs qui travailleront avec ces salles, il ne fera plus de programmation avec
eux86. C’est dommage car il se ferme à des films qui pourraient correspondre plus à son
public qu’à celui des gros circuits. « Les circuits font feux de tout bois, ils envahissent
le territoire des salles art et essai » affirme le directeur du Ciné TNB de Rennes. Le
programmateur de L’Omnia déclare87 qu’il est même prêt à aller se battre auprès du
médiateur du CNC pour avoir les films qu’il souhaite, comme avec les films inédits.
Aujourd’hui, les frontières sont de plus en plus floues entre les multiplexes et les
petites et moyennes exploitations, mais pas seulement sur la programmation répertoire.
Jacques Fretel88 remarque également que certains de ses collègues exploitants font de la
programmation généraliste en sortie nationale ; il ne faut pas s’étonner que les frontières
soient « floutées »89. En finalité, le public est perdu car il n’y a plus de singularité qui
fait la spécificité de chaque salle autant indépendante que privée. Mais, qui a été le
80 Propos recueillis lors d’une interview de Jean-Marc Delacruz, programmateur au cinéma Omnia de Rouen, Paris, le 3 juin 2014.
81 Propos recueillis lors d’une interview de Jacques Fretel, Paris, 11 mai 2014 ; programmateur et le directeur du Ciné TNB de
Rennes et responsable du groupe AFCAE Répertoire.
82 Ibidem.
83 Programmateur du cinéma art et essai L’Omnia à Rouen.
84 Cinéma Omnia de Rouen, « Les événements thématiques », http://www.omnia-cinemas.com/evenements-thematiques.
85 Jean-Marc Delacruz, loc. cit.
86 Ibidem.
87 Ibidem.
88 Jacques Fretel, loc. cit.
89 Ibidem.
34. 32
premier à engager cela ? Est-ce qu’on attend d’une salle de proximité qu’elle propose
des confiseries, une programmation VF, une programmation 3D ou encore des
blockbusters ? Avec tout cet éventail de films, une petite ou moyenne exploitation ne
peut répondre suffisamment à la demande des spectateurs. « Le multiplexe deviendra le
modèle dominant d’exploitation du cinéma »90 afin de pouvoir diffuser suffisamment de
films.
Les salles art et essai ont la crainte de voir déserter leur public pour aller vers ces
circuits de salle conformiste, froide et commerciale. À travers un exemple d’un film
soutenu AFCAE, nous soulèverons une controverse : l’association a tiré un quatre pages
et son logo est affiché sur les supports de communication du film et une valorisation du
film dans les salles adhérentes à l’association a été mis en place sur le film Voyage au
bout de l’enfer, distribué par Carlotta et sorti le 23 octobre 2013. Le film était
programmé dans les salles indépendantes et a été diffusé en avant-première dans vingt-six
salles du circuit Europalaces. « Si nous avions été au courant de cette avant-première,
jamais nous n’aurions soutenu le film », nous dit Jacques Fretel, responsable
du groupe répertoire à l’AFCAE. Cependant, le film a fait moins de 2 00091 entrées
dans le réseau Gaumont-Pathé, soit une moyenne de remplissage de 61 spectateurs par
salle. Ce chiffre reste correct mais c’est l’un des plus bas score des films de patrimoine
programmé dans ce circuit. Malgré cela, certains des cinémas art et essai ont préféré
annuler leur sortie car le film avait été programmé chez le concurrent de leur ville en
avant-première. C’est ainsi que Jean-Marc Delacruz92 a réagi face à cette avant-première
chez son concurrent Europalaces à quelques mètres de lui, qui pourtant n’avait fait que
15 spectateurs93. Les salles art et essai demandent plus de « transparence »94 de la part
des distributeurs. C’est également le même cas de figure pour le film Grease, où le
programmateur de l’Omnia a voulu faire une séance malgré qu’il ait été informé de la
programmation d’Europlaces. L’Omnia a fait plus d’entrées que son concurrent : 180 au
13 février 2013, alors que Pathé, le 6 février 2013, a fait seulement 78 entrées95.
90 Olivier Bomsel et Gilles Le Blanc, « L’industrialisation des salles de cinémas et l’innovation du multiplexe », Dernier tango
argentique, Paris, Les presses de l’École des Mimes, collection « Sciences économiques et sociales », 2002, p. 56.
91 1 829 entrées exactement. Chiffre sur www.cinezap.com, la référence des chiffres par films pour les professionnels.
92 Jean-Marc Delacruz, loc. cit.
93 Source : www.cinezap.com.
94 Terme repris par Jacques Fretel et Jean-Marc Delacruz .
95 Source : http://www.cinezap.com.
35. 33
L’ADRC96 fait également remarquer que Le Joli Mai de Chris Marker est sorti dans les
salles art et essai et chez UGC, il a fait au total 30 000 entrées97. Pour UGC cela
représente seulement 249 entrées98, ce qui fait une moyenne de 31,1 spectateurs par
salles, ce qui n’est pas énorme compte tenu du nombre de salles UGC participantes. On
peut remarquer que le public reste fidèle aux salles art et essai comme le montre ces
chiffres. Peut-être même que la programmation des films de rééditions dans les circuits
les rendent plus visible, drainant ainsi le public des fidèles dans leur salle habituelle
quand ils sont programmés. On remarque que les salles art et essai menant un véritable
travail sur les films et étant à l’écoute de leurs spectateurs font plus d’entrées sur ces
films de répertoire « nouvelle génération » que leurs concurrents. « Compte tenu du
travail éditorial des salles art et essai, les films sont mieux exposés, mieux défendus,
mieux travaillés. Ces salles travaillent sur la durée et offrent une ouverture sur le
cinéma contemporain », c’est ce que dit le coordinateur AFCAE Répertoire99, Jacques
Fretel. Mais en est-ce vraiment le cas ? Toujours dans ce respect du travail, ce dernier
est donc réfractaire à la démarche de Park Circus « Je ne trouve pas ça bien auprès des
distributeurs de patrimoine, il ne fait pas un réel travail de réédition qui est attendu »100.
Le travail qui n’est pas mené sur le film est : minimum garantie trop important, pas de
relations presses, pas de tirage d’affiches ni de flyers. Jacques Fretel101 décide de
boycotter la sortie du film Lawrence d’Arabie : il ne le programme pas dans son cinéma
de Rennes.
Paris, « capitale mondiale du cinéma »102 : on lui compte le plus grand nombre
d’écrans de cinéma par habitant et la plus large diversité de films au monde. C’est
pourquoi nous donnerons la parole à des exploitants parisiens du Quartier Latin, lieu
historique de la diffusion des films patrimoniaux. Guy Chantain, responsable de la
programmation à Actions Cinémas et Théâtre du Temple103 et Mathieu Guetta104,
directeur adjoint du Grand Action et membre de la section jeune exploitant de la FNCF,
redoutent la venue des circuits sur ce marché qui leur est spécifique. A contrario, à la
96 Propos recueillis lors d’une interview de Rodolphe Lerambert, op. cit.
97 Ibidem.
98 Source : www.cinezap.com.
99 Jacques Fretel, loc. cit.
100 Ibidem.
101 Ibidem.
102 Laurent Creton et Kira Kitsopanidou, loc. cit. p. 197.
103 Société historique aussi en distribution de films de patrimoine, mais avant tout exploitant à Paris. Guy Chantain, loc. cit.
104 Propos recueillis lors d’une interview de Mathieu Guetta, Paris, le 9 mai 2014 .
36. 34
Filmothèque, Jean-Max et François Causse105, également distributeurs de films de
patrimoine, au Ciné-Sorbonne, déclarent ne pas avoir peur de ces programmations et
que dans la rue du Champollion, à elle seule, on compte sept écrans. Il y a une offre
culturelle dans le quartier que les multiplexes ne peuvent concurrencer. Selon la
Filmothèque106, la programmation des films de patrimoine au sein des multiplexes n’est
pas pérenne, « Ils bouchent les trous de programmation avec ces films, ils évitent l'écran
blanc, les sièges vides »107, sortir un film de patrimoine c’est « un travail spécialisé, ils
vont s’y perdre »108. Ils affirment que les distributeurs vont se bousculer pour sortir chez
les gros circuits et qu’ils vont vite déchanter, car le public du patrimoine n’est pas
extensible et qu’il restera là où il a l’habitude d’aller : au Quartier Latin. Selon Mathieu
Guetta109, les exploitants n’ont pas les mêmes dépenses – frais fixes - que les
distributeurs ; c’est pourquoi, ces premiers ont besoin véritablement des aides du
CNC pour vivre. La prime « Art et Essai » revient à une dépense de 14 millions
d’euros110 de la part du CNC, pour aider les salles classées, somme non négligeable pour
les petites et moyennes exploitations.
Les exploitants art et essai restent très mitigés sur la venue de ces gros circuits
sur le marché des films de patrimoine. Ils reprochent notamment la non-transparence de
l’information, mais aussi ils font remarquer leur inquiétude quant à l’éventuelle perte
d’un public.
I. II. L’opinion de la distribution de films de patrimoine
Selon les exploitants de salles art et essai, les distributeurs spécialisés dans le
patrimoine travaillent les films avec les gros circuits dans une idée exclusivement
d’économie, de rentabilité. À cela, les distributeurs reprochent surtout aux salles art et
essai de « ne plus travailler les films de patrimoine »111 comme il se doit. Ils reprochent
aux salles indépendantes de ne pas les mettre en valeur dans leur programmation :
« couper dès la deuxième semaine en sortie nationale, mauvais horaire, payer en retard
– parfois trois ans après -, pas d’entrées - bordereaux de recette parfois à 0 entrée ! - »
105 Propos recueillis lors d’une interview de Jean-Max et François Causse, Paris, 9 mai 2014 .
106 Ibidem.
107 Ibidem.
108 Ibidem.
109 Mathieu Guetta, loc. cit.
110 Laurent Creton et Kira Kitsopanidou, loc. cit. p. 199 .
111 Propos recueillis lors d’interview de Jean-Fabrice Janaudy de Les Acacias, Paris, le 8 mai 2014 et de Sébastien Tiveyrat de
Swashbuckler, Paris, le 9 mai 2014.
37. 35
s’insurge Sébastien Tiveyrat gérant de Swashbuckler112. Certains distributeurs pensent
qu’elles programment ces films spécifiques seulement pour avoir leur label
« Patrimoine et Répertoire ». C’est à cause de ce relâchement que les circuits ont vu une
porte ouverte et s’y sont engouffrés en proposant de mener des événementiels sur ces
films de répertoire. Selon Sébastien Tiveyrat : « Qu'importe la grille ou les séances, ce
que je regarde c'est le taux de remplissage, je préfère une séance par jour en sortie
nationale mais qu'elle soit pleine. Je n'ai jamais imposé à une salle des horaires, c'est
son travail : je n'impose ni l'horaire ni les jours ». Jacques Fretel se défend en
remarquant qu’« il y a plus de 100 films de patrimoines qui sortent de nos jours au
cinéma et que les salles art et essai ne peuvent tout travailler (…), il faut trouver un
accord »113. Il suggère que l’exclusivité soit pour les salles Art et Essai et qu’ensuite les
circuits puissent programmer les films de patrimoine, en continuation114.
Swashbuckler115 nous affirme que les salles art et essai nous promettaient de
prendre plus de films de patrimoine dès que leur nouvelle salle supplémentaire serait
ouverte. Depuis il affirme ne plus avoir de leur nouvelle pour programmer ses films…
Sébastien Tiveyrat va programmer ses films chez les salles qui lui demandent et qui
souhaitent faire un vrai travail dessus. Il nous affirme que les distributeurs de
patrimoine sont en souffrance face à un oubli de programmation des salles spécifiques
au répertoire, « Jacques Fretel, Patrick Brouiller, Grenoble… ne prennent plus mes
films, donc je ne vais pas m’interdire de les passer dans ces villes si un circuit m’offre
la possibilité. » Jean-Fabrice Janaudy, programmateur chez Les Acacias et membre de
l’ADFP116, nous dévoile que lorsqu’il a programmé le film Le dernier Nabab au sein
d’UGC en sortie nationale, il a appelé toutes les salles art et essai des villes
correspondantes à la programmation d’UGC pour savoir si elles souhaitaient sortir le
film. Là-dessus certaines ont accepté d’autres non et le film a pu sortir autant chez un
gros circuit que chez les salles indépendantes classées, sans concurrence dans la même
ville. Le distributeur a pu agrandir sa sortie nationale grâce à la présence d’UGC, selon
lui. Il y a suffisamment de films de répertoire pour tous il suffit de les répartir
intelligemment mais c’est au distributeur de faire ce travail. Cependant, les
112 Sebastien Tiveyrat, loc. cit.
113 Jacques Fretel, loc. cit.
114 Ibidem.
115 Sebastien Tiveyrat, loc. cit.
116 ADFP : Association des Distributueurs de Films de Patrimoine. Jean-Fabrice Janaudy, loc. cit.
38. 36
distributeurs de patrimoine remarquent souvent une concentration sur un seul film, ou
plutôt sur un seul distributeur. C’est aussi pour cela qu’ils se sont ouverts à une autre
cinématographie afin de pouvoir travailler avec des salles qui trouvent de la place pour
les programmer. Paradoxalement les exploitations classées annoncent qu’il a « trop de
films patrimoniaux sur le marché »117, et non les gros circuits. Les multiplexes ont vu le
travail des distributeurs et se sont rendu compte qu’on pouvait faire plus d’entrée avec
un film de répertoire qu’un film inédit en deuxième semaine. De plus ces
programmations permettent de valoriser leur image avec un travail de fond et en lien
avec le cinéma patrimonial, selon Sebastien Tiveyrat.
Ciné-Sorbonne118 déclare que c’est un peu « la mode » de sortir des films de
patrimoine, mais que c’est un travail de longue haleine que les distributeurs d’inédits ne
connaissent pas forcément, d’autant qu’il y a un développement des sorties de films de
patrimoine non « Art et Essai ». Ils espèrent néanmoins que le prix de la
dématérialisation se démocratise un peu afin de permettre aux films d’être plus
largement diffusés au sein de toutes les salles. Le fait que la concurrence dans la
distribution de films de patrimoine s’ouvre est vu plutôt positivement dans ce secteur.
Selon Jean-Fabrice Janaudy, pour résister sur le marché du patrimoine, « il faudra
chercher de nouveaux films, hors des sentiers battus »119 et il est prêt à le faire.
Sébastien Tiveyrat le soutient dans cette démarche : « Je suis satisfait qu’il ait plus de
distributeurs, cela va permettre de dénicher plus de films et de faire venir plus de
spectateurs pour les découvrir »120. Les distributeurs devront faire un travail de
recherche sur des films inédits et labélisés « Patrimoine et Répertoire », ou non classés.
Comme Terrorizers d’Edward Yang, The Plague dogs de Martin Rosen, mais aussi des
perles rares comme des films indépendants : De l’influence des rayons gamma sur le
comportement des marguerites de Paul Newman, Les Amours d’une blonde de Milos
Forman… Paradoxalement, ces films sont plus ou moins difficiles à programmer dans
les salles dédiées. Alors qu’aujourd’hui, le marché évolue ; les distributeurs espèrent
une plus grande facilité dans la programmation de ces films de répertoire indépendants
au sein des salles art et essai.
117 Sebastien Tiveyrat, loc. cit.
118 Jean-Max et François Causse, loc. cit.
119 Jean-Fabrice Janaudy, loc. cit.
120 Sebastien Tiveyrat, loc. cit.
39. 37
Selon Jean-Fabrice Janaudy, programmateur aux Acacias, adhérent à l’ADFP :
« Je ne pense pas qu’il y ait une porosité entre le public multiplexe dans zone
industrielle et les salles de centres villes, plus art et essai. Ce ne sont pas les mêmes
spectateurs, Selon moi. Travailler avec les multiplexes nous permet de toucher un
public qu’on n’aurait pas autrement »121. Les gros circuits sont sur des films marqués à
partir des années 60, on voit que des films avant ces années peuvent aussi rencontrer un
véritable succès tout en étant programmés seulement chez les indépendants comme Au
nom du peuple italien avec 250 mille entrées122.
Les distributeurs de films de répertoire souhaitent que les films soient vus le plus
largement possible. Pas que dans une démarche économique mais avant tout pour faire
vivre les films : leur donner une seconde vie auprès d’un nouveau public. De faire
découvrir à ces derniers le Cinéma avec un grand C dans les meilleures conditions
possible. Les films de patrimoine pourront-ils retrouver leur place dans les salles art et
essai à travers une véritable volonté de mise en avant ?
I. III. Dans l’attente d’actions des pouvoirs publics et les associations
professionnelles
Les salles art et essai alertent les autorités de ce changement et demandent des
actions pour les soutenir. Selon Emma Cliquet123, la démarche du CNC ne pourra être
pas une sanction auprès des distributeurs qui vont sortir leurs films au sein des gros
circuits. Car tout simplement cela n’est pas interdit dans les conditions de l’aide allouée
aux distributeurs faisant la demande sur leurs titres. D’autant que si la sortie nationale
ou la programmation au sein d’un gros circuit semble être cohérent dans le plan de
sortie d’un film. Le CNC ne peut sanctionner à l’heure actuelle la démarche du
distributeur de vouloir mettre en valeur l’oeuvre distribuée. Le CNC demande à ce que
les distributeurs fassent un travail sur le film : tirage des affiches et flyers,
accompagnement du film en salle, plan de sortie travaillé, etc. De plus, Emma Cliquet
souligne que les distributeurs de films inédits offrent des moyens que les petits
distributeurs de patrimoine n’ont pas pour valoriser leurs films de patrimoine.
121 Jean-Fabrice Janaudy, loc. cit.
122 Chiffre fournit par Jean-Fabrice Janaudy de chez Les Acacias, distributeur de Au nom du peuple italien
123 Emma Cliquet est responsable de l’aide aux entreprises de distribution de films de répertoire au sein du CNC. Propos recueillis
lors d’une interview d’Emma Cliquet, Paris, le 3 juin 2014
40. 38
La relation entre multiplexes et salles art et essai est délicate sur le patrimoine,
car actuellement le cas est flagrant sur les films labellisés « Art et Essai ». Suite à une
étude à la demande du CNC, les petites et moyennes exploitations se voient refuser
l’accès à ces films, car ils sont diffusés dans les circuits de leur ville. Les films classés
« Art et Essai » désertent les salles indépendantes alors que c’était celles-ci qui les
avaient fait découvrir au public. Elles reprochent aux gros circuits qu’ils copient le
travail des salles classées pour pouvoir alimenter leur programmation et qu’elles ne font
aucun travail de découverte ni d’animations novatrices. Pour remédier à ce manque à
gagner des salles indépendantes, le CNC envisage de mettre en place un « bonus Art et
Essai »124 afin de dynamiser ces exploitations. Il se peut que sur ce même schéma, un
« bonus Patrimoine et Répertoire » pourrait être mis en place, ou une autre forme de
soutien pour les petites et moyennes exploitations travaillant les films de répertoire, afin
de rééquilibrer les pertes.
Emma Cliquet nous rappelle que « le CNC accompagne ce qui se passe, ne
l’oriente pas, il faut veiller à un équilibre, nous sommes dans une économie de libre
échange, de libre concurrence »125. Le directeur du ciné TNB de Rennes nous parle d’un
cas type dans sa ville : « Quand Gaumont a voulu s’installer au plein coeur de Rennes,
nous avions écrit une lettre au médiateur pour lui signaler cette concurrence frontale qui
nous affaiblira. Malheureusement, le CNC ne peut réagir et Gaumont est depuis des
années à Rennes. Le CNC ne peut rien faire, car à partir du moment où il n’y a pas de
preuve, il faut agir une fois que le mal est là et gangrené »126. Par conséquent, il ne faut
pas compter sur les pouvoirs publics pour aider les salles art et essai car il sera trop
tard ; il faut plutôt qu’elles agissent en amont.
De son côté, afin d’aider au mieux les petites et moyennes exploitations,
l’ADRC127 se pose la question : « comment élargir le public ? »128 Car le public présent
dans les salles art et essai est « un public vieillissant, un « public Télérama », il faut voir
plus loin »129, selon Rodolphe Lerambert « La notion de patrimoine évolue, il faut
proposait une cinématographie plus récente ». C’est pourquoi l’ADRC soutient des
rétrospectives comme Kubrick avec des intervenants. Mais vont-ils développer un
124 Emma Cliquet, loc. cit.
125 Ibidem.
126 Jacques Fretel, loc. cit.
127 ADRC : Agence pour le Développement Régional du Cinéma.
128 Propos recueillis lors d’une interview de Rodolphe Lerambert, op. cit.,
129 Ibidem.
41. 39
travail plus en direction d’un public plus jeune ? Vont-ils soutenir plutôt des films de
patrimoine moins porteurs pour permettre aussi à des films fragiles d’être diffusés au
sein d’un réseau de salles correspondant plus à cette programmation ? Depuis 10 ans,
les salles ont su travailler les films de patrimoine et fidéliser leurs spectateurs, ils ne
vont pas les quitter du jour au lendemain, ce que nous assure Rodolphe Lerambert130.
Pour contrer cette programmation au sein des multiplexes, l’ADRC propose de
renforcer le travail existant : rendre les salles art et essai plus conviviales, présenter les
films dans les meilleures conditions, proposer des horaires aménagés… Rodolphe
Lerambert nous informe que les animations de l’ADRC seront renforcées pour leurs
salles adhérentes sur : les partenariats avec Le festival de La Rochelle, la gratuité des
expositions avec La Cinémathèque Française, la création d’un support papier avec le
Centre Beaubourg. Ils vont chercher à se rapprocher davantage de l’actualité avec les
sorties patrimoines, favoriser les articles de presses, continuer à développer les cycles et
les rétrospectives et proposer plus d’intervenants en salles. C’est à travers le soutien de
l’ADRC 131 que l’ACPA132 développe un avant-programme mis en place en 2013 133 qui
n’est pas sans rappeler le travail d’Europalace avec Philippe Rouyer. Cet avant-programme
est d’une durée de cinq minutes et propose à un spécialiste du cinéma de
présenter le film de répertoire : Jean Baptiste Thoret sur Diamants sur canapé, NT Binh
sur Boulevard du crépuscule, Charlotte Garson sur les films de Jacques Demy134, etc. Il
pourra être diffusé aussi bien comme une bande annonce que comme avant la séance.
Les films soutenus par cette action, sont ceux programmés au sein du « Ciné-mémoire »
qu’initie l’ACPA dans la région d’Aquitaine. Chaque année, sept nouveaux
programmes disponibles sous format DCP sur clef USB ou dvd et prochainement par
voie dématérialisée135 seront proposés aux exploitants art et essai.
Nous nous rendons compte que les pouvoirs publics attendent qu’il se passe
quelque chose de dramatique pour pouvoir agir. Pour ne pas arriver à un stade tragique,
un travail est mené pour aider à la programmation du patrimoine dans les salles
indépendantes notamment influée par des associations. Parallèlement, les multiplexes
étendent leurs choix de films sur du patrimoine.
130 Propos recueillis lors d’une interview de Rodolphe Lerambert, op. cit.,
131 Agence pour le Développement Régional du Cinéma.
132 Association des Cinémas de Proximités en Aquitaine.
133 ACPA « Le Clap, avant-programmes », http://acpaquitaine.com/0809/?p=3894.
134 Ibidem.
42. 40
II. UN DEVELOPPEMENT DE LA PROGRAMMATION DES FILMS DE PATRIMOINE
CHEZ LES MULTIPLEXES QUI NE CESSE DE CROITRE
Les réseaux d’exploitations développent une programmation bien spécifique sur
le patrimoine. Toujours en misant sur de l’événementiel, elles vont mener un travail sur
la redécouverte de ces oeuvres auprès de leurs publics. Chaque circuit s’entend pour
mettre en valeur à leur façon cette nouvelle programmation afin de lui trouver une place
justifiée dans leur grille.
II. I. L’avenir des films patrimoniaux dans les gros circuits
Les circuits mettent en place une programmation toujours événementielle afin de
mettre en valeur les films patrimoniaux tout en élargissant leur choix de films.
Kinépolis développe actuellement le patrimoine avec des cycles comme celui de
Martin Scorsese programmé du 14 juin au 10 juillet et proposant cinq films du cinéaste.
Un seul est en VF sur deux séances en soirée, à un tarif préférentiel de 6,50€136. Il met
en place des soirées comme « soirée retour vers le futur » au 11 juillet avec les trois
films programmés un vendredi soir. Les séances sont à 18h, 20h et 22h, avec une
tarification globale de 13€137 pour toute la soirée. On remarque par ces programmations
qu’il ne s’agit plus de rajouter une plus-value à la séance comme sur les « soirées
filles » avec des partenaires et des animations. Cette stratégie est plutôt de mettre en
valeur une cinématographie ou un cinéaste assez récent afin de toucher un nouveau
public de cinéphile. Tout comme le proposent les salles indépendantes.
CGR souhaite également développer cette programmation de films de
patrimoine plus pointue. Ils vont soumettre à leur nouvelle directrice du Cherbourg
CGR Odéon d’être force de proposition sur des titres de patrimoine. Ceci afin de monter
ensemble un cycle régulier et national, en commençant avec six films dans l’année138.
Ils font aussi un travail sur des films comme Scarface en proposant une soirée
thématique « Mafia italienne », sous laquelle les mettre en valeur. Ils essayent de
développer la programmation des films de patrimoine en proposant selon les actualités
136 Kinépolis, « Martin Scorseses est à l’honneur », http://kinepolis.fr/actualite/martin-scorsese-est-lhonneur-kinepolis.
137 Kinépolis, « Soirée Retour vers le futur », http://kinepolis.fr/splash?destination=films/retour-vers-le-futur.
138 Propos recueillis lors d’une interview de Patrice Martin, programmateur chez CGR, Paris, le 2 juin 2014
43. 41
ces films aux spectateurs : Le Jour le plus long pour la commémoration de la guerre.
Patrice Martin139 souligne le travail du CGR de Brignais programmant et organisant des
soirées en local. Cette salle a su fidéliser un public et créer un ciné-club tous les jeudis
soir avec au moins trente fidèles au rendez-vous.
C’est alors qu’à la rentrée, UGC, selon Roxane Mont Sargues140, souhaite
développer plus de communication, la mise en place d’un livret sur les films et
l’accompagnement de ses séances avec des présentations plus uniformes. La
programmation se fera conjointement avec Jean-Pierre Lavoignat (cofondateur de
Studio Magazine) ce dernier pouvant même aller présenter des films en salles. Le
développement des programmations répertoire au sein des multiplexes, amène les
distributeurs à négocier avec les gros circuits sur la visibilité des films dans leurs salles.
C’est le même type de négociation qu’avec les salles « art et essai ». Chaque circuit a
ses contraintes, il faut savoir s’y adapter et répondre au mieux à leur demande ou
parfois il faut savoir refuser ces exigences. CGR souhaite que la circulation des copies
soit payée par le distributeur autant que l’envoi du marketing. Quant à UGC, il
commence à négocier le pourcentage quand il s’agit d’un film de catalogue.
Europalaces va commencer à valoriser sa programmation exclusivement sur des titres
dématérialisés, tout en prévoyant quelques DCP physiques en cas de problèmes
informatiques.
Parfois, des tentatives de programmations de films de répertoire échouent
comme chez UGC. Roxane Mont Sargues141 nous dévoile que certains cycles mis en
place ont été arrêtés, car ils ne trouvaient pas leur public. Ou encore Europalaces qui
avaient développé « La leçon de Cinéma » avec François Bégaudeau tous les deux mois,
mais ce cycle n’a pas fonctionné autant que voulu142, donc il a été arrêté. Cependant,
Europalaces ne se laisse pas abattre pour autant et va développer le patrimoine dans son
réseau notamment en créant une salle réservée à cette programmation en plein coeur de
Paris.
139 Ibidem.
140 Roxane Mont Sargues, loc. cit.
141 Ibidem.
142 Natalie Vrignaud et Marina Telkos, loc. cit.
44. 42
II. II. Vers un multiplexe spécialisé
Les salles art et essai se plaignent du nombre de sortie croisant des films de
répertoire sur le marché français et du peu d’écrans pour tous les accueillir. À savoir
qu’un distributeur de patrimoine doit attendre en moyenne quatre à six mois pour dater
un film à Paris. Cette contrainte prive le distributeur de ne pouvoir travailler sur les
actualités.
La donne qui va chambouler beaucoup le marché de répertoire à Paris, puis la
France, est le futur multiplexe consacré aux films de patrimoine. Il s’agit d’un Pathé
implanté aux Gobelins qui se nommera Les Fauvettes. En hommage à son nom
historique, La Fauvette, étant un mono-écran, ce dernier proposera cinq salles. Ce qui
va donc offrir plus d’écrans pour le patrimoine à Paris, pour les sorties nationales. Lors
d’un entretien avec la future directrice de la salle, Natalie Vrignaud143, elle nous
explique que pour le moment la ligne éditoriale n’est pas encore très claire. Mais que le
déploiement d’Europalaces sur ce marché du patrimoine est une véritable volonté de
Jérôme Seydoux « il a un amour profond pour cette catégorie de films »144. L’ouverture
du cinéma est prévue pour mai/juin 2015, proposant un hall avec une salle d’exposition
pour accompagner leur programmation. Ils envisagent un développement autour des
films « jeune public » avec une programmation spécifique accompagnée par des ateliers
et des animations ; un pianiste à domicile sera présent afin d’organiser régulièrement
des ciné-concerts. Une programmation sera pensée autour des films de catalogue selon
l’actualité : au moment de la sortie du second opus d’Avatar, le premier sera
programmé aux Fauvettes. L’idée n’est pas de travailler exclusivement sur des films
labellisés « Patrimoine et Répertoire » mais aussi de s’ouvrir à des films de catalogue,
d’ailleurs ils ne vont pas être demandeur du label au près du CNC, nous a-t-on confié145.
Le cinéma les Fauvettes d’Europalaces souhaite se démarquer de son offre modulaire146,
faisant référence au modèle de l’offre de Grönroos147, que propose le circuit
habituellement. Pour cela, on nous a affirmé qu’il n’y aurait pas de « pop-corn » en
vente mais plutôt des aliments plus modernes comme des cupcakes, favorisant cette
volonté de toucher un public jeune et urbain148. Cependant, ils se posent la question de
143 Étant déjà à l’initiative de la première programmation des films de patrimoine au sein des circuits en France. Natalie Vrignaud et
Marina Telkos, loc. cit.
144 Étant déjà à l’initiative de la première programmation des films de patrimoine au sein des circuits en France. Ibidem.
145 Ibidem.
146 Hélène Laurichesse, « Le marketing en salle », Quel marketing pour le cinéma, Paris, CNRS, 2006, p. 30.
147 Annexe 2.
148 Natalie Vrignaud et Marina Telkos, loc. cit.