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UNIVERSITE PARIS OUEST NANTERRE LA DEFENSE 
UFR LLPHI 
La croissance du marché des films de 
patrimoine au sein des gros circuits 
d’exploitation cinématographique, en France. 
Mémoire de Master 1 
Arts, lettres et langues, mention cinéma 
Mémoire rédigé par Anne-Charlotte Bappel 
Sous la direction d’Alain Kleinberger 
Session de juin 2014
1 
Remerciements 
Je souhaite remercier particulièrement tous les professionnels qui ont passé du temps à 
répondre à mes questions afin de m’éclairer dans ma démarche (ordre alphabétique) : 
François Causse, Jean-Max Causse, Guy Chantain, Emma Cliquet, Jean-Marc Delacruz, 
Serge Fendrikoff, Jacques Fretel, Mathieu Guetta, Jean-Fabrice Janaudy, Rodolphe 
Lerambert, Patrice Martin, Roxane Mont Sargues, Anne Rioche, Philippe Rouyer, 
Marina Telkos, Sébastien Tiveyrat, Natalie Vrignaud. 
Mes remerciements sincères vont à Aude Cheneau et à Hélène Bonnot pour leur soutien 
et leur aide. 
Je remercie mon maître de mémoire M. Alain Kleinberger, pour avoir accepté mon sujet 
et de m’avoir encouragé dans mes recherches.
2 
Sommaire 
Introduction..........................................................................................................................................4 
PARTIE 1 
L'ACCES AUX FILMS DE REPERTOIRE....................................................................................................6 
I. 
Le 
numérique 
et 
les 
films 
de 
patrimoine 
: 
une 
ouverture 
d’accès......................................6 
II. 
Le 
marché 
de 
la 
distribution 
des 
films 
de 
patrimoine 
en 
France...................................10 
PARTIE 
2 
UNE POLITIQUE DE DEMOCRATISATION DES CIRCUITS OUVRANT VERS UNE 
PROGRAMMATION DE REPERTOIRE.................................................................................................... 17 
I. 
Une 
démocratisation 
du 
prix 
de 
la 
séance 
et 
une 
recherche 
de 
séances 
événementielles 
pour 
un 
nouveau 
public 
cinephile..................................................................17 
II. 
Une 
programmation 
de 
patrimoine 
sur 
de 
l’événementiel...............................................22 
PARTIE 
3 
CONCURRENCE 
OU 
COMPLEMENTARITE 
? ............................................................................................ 30 
I. 
Des 
avis 
divergeants............................................................................................................................30 
II. 
Un 
développement 
de 
la 
programmation 
des 
films 
de 
patrimoine 
chez 
les 
multiplexes 
qui 
ne 
cesse 
de 
croitre ..................................................................................................40 
Conclusion .......................................................................................................................................... 45 
Bibliographie..................................................................................................................................... 47 
Glossaire 
des 
sigles 
et 
mots 
techniques ................................................................................... 52 
Table 
des 
annexes............................................................................................................................ 55 
Table 
des 
figures .............................................................................................................................. 56 
Table 
des 
matières .......................................................................................................................... 57
3 
L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare 
Michel Godet 
Manuel de prospective stratégique
4 
Introduction 
Tout film de répertoire1 est une oeuvre filmique sortie pour la première fois au 
cinéma il y a plus de 20 ans, selon le Centre National du Cinéma et de l’image animée 
(CNC). Parmi eux, deux catégories principales se distinguent : les films « Art et Essai » 
avec un langage filmique marqué, un réalisateur reconnu et une cinématographie d’un 
pays peu montrée en salle et les autres. 
Durant de nombreuses années, les salles « Art et Essai »2, ont eu l'exclusivité sur 
la diffusion de ces films. C’est en août 2001, que le premier film de patrimoine est 
diffusé dans un circuit. On découvre alors sur les grands écrans des multiplexes d’UGC 
(Union Générale Cinématographique), la ressortie du film Dead Zone de David 
Cronenberg, distribué par Carlotta. Cette sortie avait incontestablement su séduire le 
public d’UGC. 
Ainsi, progressivement, les réseaux d’exploitation3 ont développé la diffusion de 
films de répertoire en parallèle des salles « Art et Essai »4, même si les « blockbusters » 
restent leur plus grand profit. 
Les quatre plus gros circuits d’exploitation cinématographique, sont Europalaces 
(Gaumont et Pathé), UGC, CGR et Kinépolis. Ils représentent 48,1% de la part de 
marché de l’exploitation5. Ces quatre circuits sont constitués essentiellement de 
multiplexes, on en dénombre 271 (circuits et indépendants confondus), sur le territoire 
en 2013. Ces réseaux d’exploitation, implantés jusqu'à lors dans des zones industrielles, 
se développent de plus en plus au coeur des villes, faisant concurrence aux salles « Art et 
Essai » établies au centre des agglomérations. 
1 Les termes « films de répertoire », « films de patrimoine », « films patrimoniaux » et « films réédités » sont équivalents selon le 
CNC. 
2 CNC, La Géographie du cinéma les résultats régionaux des salles et des films, les pratiques cinématographiques des Français, le 
public régional du cinéma…, Paris, les dossiers du CNC, n°327, septembre 2013, p 44. 
3 Les termes « les circuits d’exploitation cinématographique », « les gros circuits », « les réseaux d’exploitation » et « les 
multiplexes » sont synonymes selon le cours du présent mémoire. 
4 Les termes « salles art et essai », « salles indépendantes » et « petites et moyennes exploitations » sont équivalents. 
5 Annexe 1.
5 
Mais pourquoi les grands circuits d'exploitation ont tant d’engouement 
aujourd'hui pour ces films de répertoire ? Il semble inconcevable, a priori, d’associer 
« circuits de salles » et « films de patrimoine ». Pourtant, nous montrerons que c’est 
bien une tendance actuelle, et qu’à terme, cela risque d’avoir des conséquences sur les 
cinémas indépendants. 
Quel a été le déclencheur de l'intérêt général pour ces films qui, il y a encore 
trois ans, n’intéressaient que les salles « Art et Essai » ? Sous quel aspect les films de 
patrimoine sont-ils travaillés et quel est l’intérêt pour les multiplexes de développer une 
programmation dans leur sens ? Comment se vit cette nouvelle concurrence sur le 
marché du répertoire, aussi bien chez les distributeurs que chez les exploitants ? Quel en 
est l’avenir ? 
Nous nous demanderons plus largement : Quelle est la croissance de ce marché 
au sein des gros circuits d’exploitation cinématographique, en France ? 
Nous nous concentrerons, dans un premier temps sur la révolution du numérique 
qui a permis un accès plus facile aux films de répertoire autant pour les distributeurs 
que pour les exploitants. 
Dans un second temps, nous veillerons à comprendre la démarche de ces quatre 
circuits sur leur tarification et leurs programmations événementielles afin de toucher un 
nouveau public de cinéphile. Et nous pourrons analyser les moyens qu’ils mettent en 
place pour étendre leur visibilité sur les films de patrimoine. 
Enfin, nous présenterons le point de vue des acteurs majeurs sur ce marché en 
France. Nous permettrons de mieux comprendre leur volonté quant à la place des films 
de répertoire en leur sein.
6 
PARTIE 1 
L’ACCES AUX FILMS DE REPERTOIRE 
L’un des déclencheurs de la programmation des films de répertoire au cinéma 
est le numérique. Pour cela nous verrons ses avantages et inconvénients ainsi que 
l’intérêt pour les films de patrimoine. Le second déclencheur est l’ouverture du marché 
de la distribution des films de patrimoine en France ce qui permet une plus grande 
accessibilité pour les exploitants sur les titres qu’ils souhaitent. 
I. LE NUMERIQUE ET LES FILMS DE PATRIMOINE : UNE OUVERTURE D’ACCES 
Les films de répertoire connaissent une nouvelle vie grâce à la numérisation. Le 
support numérique a autant de qualités que de défauts en tout cas, il permet une 
restauration des oeuvres hors norme. Ce support rend l’accès des films réédités plus aisé 
pour les distributeurs comme pour les exploitants et promet une qualité intemporelle. 
I. I. Le numérique dans ses grandes lignes 
Dans l’histoire du cinéma on peut noter deux révolutions qui ont bouleversé le 
cinéma : l’apparition du son et celle de la couleur. Depuis quatre ans, le milieu du 
cinéma professionnel a connu un nouveau grand changement : le numérique. Il s’agit en 
cela que la pellicule 35mm est remplacée par le DCP6 : qui est constitué de fichiers 
informatiques, ie le film, qui sont stockés sur disque dur (et même clef USB). Nous 
parlerons à présent non plus de grain, mais de pixels à l’image avec une résolution de 2 
048 pixels par ligne x 1 080 pixels par colonne7 que propose le standard du DCP, le 
2K8. Avec la numérisation, on découvre un nouveau champ lexical attenant au 
numérique, mais aussi une nouvelle façon de l’appréhender : le transport, la durée de 
vie de ce support et la KDM9. 
6 Digital Copy Print. 
7 Jean-Philippe Tessé, « La révolution numérique est terminée », Paris, Les Cahiers du Cinéma, n°672, novembre 2011, p 6. Le Blu-ray 
faisant1 920 pixels de large pour 1 080 pixels de long, on peut noter que la résolution se trouve très proche du 2K. 
8 L'expression 2K, 2 kilooctets, signifie « 2000 ». Il s'agit d'une abréviation provenant du préfixe kilo qui représente l’unité 1000. Le 
film étant compressé au format JPEG (Joint Photographic Experts Group) 2000, il n’y a pas de perte de données et a un poids infime 
sur le disque dur. 
9 Key Delivery Message, elle permet de décoder le fichier pour que le film puisse se lancer.
7 
Les films de patrimoine se mettent à neuf grâce à la numérisation. La plupart du 
temps les ayants droit financent cela selon la popularité du film et un ordre donné par 
les producteurs. Le coût d’une simple numérisation oscille entre 15 000 à 20 000 
euros10 ; le distributeur de répertoire ne pouvant pas financer cela, il attend que les 
propriétaires du film le fassent, en général. La numérisation des films de patrimoine 
permet de diffuser ces vieux films comme des films contemporains comme s’ils 
passaient pour la première fois au cinéma. L’usure que les projections laissées sur les 
copies 35 mm n’apparaît plus grâce au support numérique. Le spectateur qui a l’oeil 
habitué à présent à des images « parfaites », « sans défauts » et lisses est séduit par ce 
qu’offre le numérique. 
I. II. Avantages et inconvénients du numérique dans le secteur du 
patrimoine 
Le numérique a incontestablement apporté une assurance sur la qualité du film 
diffusé en salle. Grâce à ce support les films gardent leur « grain » de la première à la 
cinquantième projection ce qui n’était pas envisageable avec la copie 35, de même que 
le 16. À présent, les projectionnistes peuvent projeter des films qui ne sont plus abîmés : 
traces de doigts, pastilles, repères grattés, poussière, rayés ou des couleurs virées. C’est 
un gage de qualité qui assure une belle projection pour les spectateurs. Les disques durs 
étant plus petits et légers qu’une copie 35 mm, le coût du transport calculé en fonction 
du poids et de la quantité est donc réduit. C’est un gain économique autant pour le 
distributeur que pour l’exploitant de cinéma. Aujourd’hui, pour projeter le film en salle, 
il faut une KDM afin d’ouvrir le fichier-film. Celle-ci correspond obligatoirement à un 
film, au projecteur et à l’écran11 sur lequel il est projeté. Sur certains titres, il est 
possible que le distributeur puisse ne pas mettre de KDM. En ce qui concerne les films 
de patrimoine, ce choix est à la disposition des ayants droit. Les Américains préfèrent 
les KDM sur leurs films de patrimoine tandis que les productions indépendantes 
acceptent de ne pas en mettre. Cependant, les sociétés de distribution de films de 
patrimoine en France sont tributaires des décisions des ayants droit des films qu’ils 
achètent. Néanmoins, le numérique offre une souplesse de programmation12 au 
10 Claire Bommelaer et Emmanuèle Frois, « Une seconde vie pour les classiques du 7ème art », Paris, Le Figaro, 29 novembre 2012. 
11 Içi « écran » signifie la salle en elle-même avec la toile et les sièges. Une salle peut être mono-écran comme en avoir plus de dix. 
12 Philippe Loranchet, « Les atouts et inconvénients principaux », Paris, Dujarric, 2001, Le Cinéma Numérique la technique derrière 
la magie, p 26.
8 
programmateur de la salle : mobilité du film dans les salles selon l’influence des 
spectateurs, choix de la VF13, de la VO14 et même du sous-titrage pour les sourds et 
malentendants ainsi que de l’audio-description, selon le public ciblé. 
Malgré les nombreux avantages du DCP, il existe des inconvénients qui sont 
beaucoup décriés par les professionnels du cinéma. Ce sont de nouvelles 
problématiques auxquelles il faut faire face et dont nous n’avions pas connaissance avec 
le 35mm. 
Le DCP est envoyé sur le support d’un disque dur, car le film est en numérique. 
La résolution de l’image la rend moins « vivante » mais plus lisse et extrêmement fixe. 
Le disque dur est un support encore jeune que nous ne maitrisons pas suffisamment. Il 
est possible que les DCP subissent des dégâts, que ce soit physique : cordon 
d’alimentation perdu, ports externes abîmés, choc lors du transport. Ou que ce soit 
technique : perte totale ou partielle du fichier-film, on s’en rend compte quand le DCP 
est branché au serveur. En tant que distributeur, il faut savoir agir vite en envoyant un 
nouveau DCP pour la salle de cinéma afin d‘assurer au mieux sa projection. Donc, plus 
l’envoi du DCP est tôt par rapport à la diffusion du film en salle, plus il y aura de temps 
pour réagir afin de régler d’éventuels problèmes. Actuellement, nous n’avons pas le 
recul technique nécessaire pour déterminer la durée de vie du DCP, sachant qu’une 
copie 35 mm stockée dans des conditions optimales peut résister au temps plus d’un 
siècle. Les distributeurs ont pu rencontrer des DCP ne tenant pas plus d’une projection 
alors que d’autres de plus de cinq ans sont toujours diffusés dans les salles. De plus 
certains exploitants se posent la question de la durée de vie du projecteur numérique. 
D’un point de vue des exploitations art et essai diffusant les films réédités, le 
numérique peut être un frein économique. Comme nous le signale Guy Chantain15, « un 
projecteur 35mm de 1935 marche encore à l’heure actuelle, alors qu’un projecteur 
numérique est fabriqué de sorte qu’au bout de cinq ans il soit déjà obsolète ». C’est un 
investissement trop important pour les petites et moyennes exploitations qui ne vont pas 
pouvoir rentrer dans leur frais et devront fermer à cause du rééquipement de leur salle. 
Le support numérique reste néanmoins un nouveau matériel de diffusion de film 
qu’il faut appréhender. Tout comme le 35mm, il a des qualités et des défauts que l’on 
13 Ce sigle signifie Version Française. 
14 Ce sigle signifie Version Originale sous-titrée. 
15 Responsable de la programmation chez Action Cinémas et Théâtre du Temple, propos recueillis lors d’une interview du 8 mai 
2014.
9 
découvre au fur et à mesure de sa manipulation mais surtout avec lesquelles on se 
familiarise en y étant confronté. Malgré les problèmes qu’on peut rencontrer, le 
numérique répond aux difficultés que nous posait la copie 35 mm. En cela, ce support 
rend plus accessible la diffusion des films dans une qualité inoxydable. 
I. III. La dématérialisation offre un accès plus facile au film de répertoire 
L’évolution du numérique au cinéma est en perpétuelle mouvance. À l’heure 
d’aujourd’hui, il est possible d’envoyer le DCP par dématérialisation. Il consiste à 
envoyer le fichier-film par internet, comme du téléchargement. Cependant, le fichier est 
codé (besoin d’une KDM) et son poids est lourd afin de restituer la même qualité que 
sur un support physique. L’avantage de la dématérialisation est de permettre aux 
exploitants d’avoir accès aux films plus largement et plus rapidement16. Sur le marché 
de la dématérialisation, il y a deux sociétés en France : Globecast, qui utilise le réseau 
terrestre pour le transfert de ces fichiers et Smartjog, utilisant le moyen du satellite. De 
cette façon, l’accès au film pour les exploitants se fait plus rapidement et de bonne 
qualité si toutes les conditions sont optimales : livraison du film en entier, envoi et test 
de la KDM en amont de la projection. 
À l’origine, les films de patrimoines ne sortaient que sur très peu de copies, 
Deux à quatre copies. La dématérialisation a permis d’augmenter à moindre coût le 
nombre de copies par distributeur sans s’en encombrer physiquement : stockage, 
transport et dégâts possibles. Néanmoins, le DCP – matérialisé ou non - reste un moyen 
rentable ; c’est pourquoi il a su séduire autant dans la distribution que dans 
l’exploitation cinématographique. 
Ainsi, lors d’une exploitation d’un film, le numérique, et d’autant plus la 
dématérialisation, reste un atout indéniable pour tous les distributeurs de patrimoine. Il 
facilite le suivi des films, mais aussi garantie une qualité inaltérable au fil des 
projecteurs. C’est sans doute pour cela, que certains distributeurs y voient une occasion 
de diffuser des films de répertoire avec plus d’aisance. 
16 Jérôme Brodier, « Le Numérique en salles, ses enjeux », Michaël Bourgatte & Vincent Thabourey (dir), Le Cinéma à l’heure du 
numérique pratiques et publics, Paris, MKF, 2012, p 83.
10 
II. LE MARCHE DE LA DISTRIBUTION DES FILMS DE PATRIMOINE EN FRANCE 
La France compte le plus grand nombre de distributeurs de films de patrimoine 
au monde. On dénombre une trentaine de distributeurs17 se divisant en trois 
catégories18 : les distributeurs spécialisés dans les films de répertoire tel que Théâtre du 
temple, les distributeurs de films inédits comme Sophie Dulac Distribution et les majors 
américaines telles que La Fox, la Warner. Près de cent films de patrimoine sont réédités 
chaque année ; ceux-ci offrent un plus large panel de cinématographie, de genre et 
d’auteur pour les salles les diffusant19. 
II.I. Les distributeurs de films de répertoire 
La réédition de films au cinéma représente moins de 2% des entrées, soit 3,4 
millions de spectateurs20. Malgré ce chiffre, le marché ne cesse de s’ouvrir avec de 
nouveaux distributeurs en France et de nouveaux écrans de diffusions. La France a 
commencé il y a vingt ans à distribuer des films de patrimoine avec 3, 4 sociétés21 
spécialisées dans les films de patrimoine, à présent on en dénombre une quinzaine22. 
Simon Simsi, distributeur Les Acacias, nous avoue : « (qu’) Il y a presque trente ans, 
quand j’ai sorti Quai des Orfèvres, sur quatre copies, j’ai réalisé 100 000 entrées en 
deux ans d’exploitation. Dorénavant, si un film atteint les 10 000 entrées à Paris c’est 
un beau résultat »23. Cela nous montre bien une évolution du marché. Non pas par les 
spectateurs, mais par les distributeurs, car il y a plus de films de répertoire qui ressortent 
au cinéma. Le marché devient aussi dense que les films contemporains où dans une 
semaine, on peut remarquer jusqu’à cinq sorties différentes de films anciens. 
Le marché est en train de saturer, car l’équilibre entre les distributeurs et les 
salles « Art et Essai », où sont diffusés ces films, est en train d’être saturé. 
Heureusement que les circuits s’ouvrent vers une programmation sur les anciens films, 
Cela permet de décharger les salles labélisées « Patrimoine et Répertoire », en 
proposant plus d’écrans pour leur diffusion. 
17 Emma Deleva, « Le film de patrimoine, un marché à part », Ecran total n° 828, Paris, 1er décembre 2010, p 29. 
18 Rodolphe Lerambert, « La diffusion du cinéma de patrimoine en salle », Michaël Bourgatte & Vincent Thabourey (dir), Le 
Cinéma à l’heure du numérique pratiques et publics, Paris, MKF, 2012, p 198. 
19 Ibidem 
20 Chiffres de 2009. Emma Deleva, loc. cit. 
21 Chiffre communiqué par Guy Chantain, responsable de la programmation chez Action Cinémas et Théâtre du temple. 
22 Propos recueillis par Thomas Baurez, « Thierry Frémaux la France veille sur le cinéma qui le lui rend bien », L’Express, Paris, 14 
octobre 2013. 
23 Emma Deleva, loc. cit.
11 
Les distributeurs consacrés aux films de patrimoines sont sur différents créneaux 
sur ce marché. Les nouveaux distributeurs de films de patrimoine travaillent plus sur 
des filmographies des années 70 aux années 80, renouvelant donc leur public de 
cinéphiles24. Le leader sur le marché : Carlotta est sur des films internationaux et jeune 
public avec des sorties cinéma, dvd/blu ray, vod et possède un important catalogue de 
films. Splendor Films distribue exclusivement pour le cinéma des films internationaux, 
jeunes publics et certains inédits. Des distributeurs plus modestes comme Lost Films et 
Editions Zoroastre sortent peu de films dans l’année. Ils sont seuls dans leur société ; 
cependant, ils ont une volonté de mener un réel travail sur leurs films. Les distributeurs 
comme Moonriver Entertainement, Swashbuckler et Flash Pictures sont également seuls 
au sein de leur structure, mais ils misent sur plus de sorties de films en salle afin de 
rentabiliser les frais sur du court terme et distribuent des films hollywoodiens. Les 
distributeurs comme Ciné-Sorbonne et Action Cinémas – Théâtre du Temple sont dans 
une démarche d’enrichir leur catalogue et de diffuser ce dernier au sein de leur(s) propre 
salle(s) et des autres cinémas, ils sont dans une diffusion des « Grands Classiques du 
Cinéma ». Les choix de distribution des entreprises montrent une volonté de toucher un 
public particulier. Les films de patrimoine sont vus par un public cinéphile. Mais avec 
les nouveaux distributeurs, le public s’élargit autant que la diversité des films, et un film 
de patrimoine peut cibler un public large comme Lola Montès, Peau d’âne. Pour les 
films de patrimoine, le numérique est un défi technologique sur du long terme pour les 
générations qui suivent. Comme le dit Vincent Paul-Boncourt25, cette technologie 
permet « d’élargir les publics en salles : par exemple, VO et VF tiennent sur le même 
DCP »26. La numérisation permet également d’offrir des bande-annonces en DCP pour 
les films de patrimoine qui en avaient peu l’accès. 
Tout film de répertoire demande un travail d’accompagnement ciblé pour attirer 
les publics ; cela peut aller de la venue du réalisateur à une soirée animée autour d’un 
quiz. Selon Rodolphe Lerambert, coordinateur répertoire de l’ADRC, « leur diffusion 
(des films de patrimoines) est cependant aléatoire et risquée au regard des évolutions 
des pratiques cinématographiques liées notamment à la culture d’écran. Bien que le 
secteur soit dynamique (nombre de rééditions en hausse, salles de plus en plus actives, 
24 Rodolphe LERAMBERT, loc. cit. 
25 Distributeur chez Carlotta Films. 
26 Charlotte Garson, « Quelles reprises pour demain ? », interview de Vincent Paul-Boncourt, Paris, Les Cahiers du Cinéma n°672, 
novembre 2011, p. 33.
12 
etc), il reste fragile »27. C’est sans doute pourquoi les distributeurs spécialisés dans le 
patrimoine ouvrent leurs programmations soit à de nouveaux clients en se tournant vers 
les circuits, soit en se diversifiant : sortie Dvd, Blu-ray, VoD ou vente TV, pour avoir 
une meilleure rentabilité. 
Les distributeurs de films spécialisés dans de patrimoine travaillent leur film 
selon leur envie et les moyens qu’ils ont. Pour cela, la société de distribution détermine 
une combinaison de salles pour la programmation de ses films. Bien qu’ils défendent 
toujours la diffusion des films dans un cinéma, certains distributeurs se diversifient en 
sortant leur film en Dvd, Blu-ray, VoD. Cette démarche rend les films de rééditions plus 
abordables auprès d’un nouveau public. 
II.II. Le patrimoine à la portée, des distributeurs de films contemporains 
et, d’une restauration totale de l’oeuvre 
En France, il existe une centaine de sociétés actives de distribution. Les vingt 
premières28 gèrent 58% des sorties dont les dix premières, génèrent de 80 à 90% du 
chiffre d’affaires du marché : Gaumont fait 12,5% de parts de marché, Studio Canal, 
10,3%, Pathé, 7,7%, et les autres 16,7%29. Ces sociétés se mettent à numériser leur 
catalogue, à cette occasion, ils profitent de restaurer leurs titres anciens grâce à cette 
nouvelle technologie. 
À l’ère du numérique, le répertoire se met au diapason. La numérisation des 
vieux films permet une qualité de visionnage digne d’un Blu-ray, mais pour un écran de 
cinéma. Les nouvelles générations qui ont l’habitude d’internet, de qualité d’image 
numérique et non plus d’images rayées, changeant de couleur, d’un son distendu, sont 
les spectateurs de demain. Ils vont davantage apprécier le visionnage de ces films grâce 
au numérique. Pour retrouver une qualité d’image d’antan, les restaurations sont 
coûteuses. Elles débutent à 50 000 euros et peuvent monter jusqu’à 250 00030 euros et 
bien plus encore. C’est notamment grâce à des fonds privés et publics que les 
restaurations des films sont possibles. Le CNC également verse de l’argent par des aides 
sélectives pour la restauration de certaines oeuvres, à travers une subvention ou par une 
27 Rodolphe LERAMBERT, loc. cit. 
28 Laurent CRETON, « Distribution et promotion », L’économie du cinéma en 50 fiches, Paris, Armand Colin, 2008, p. 59. 
29 Ibidem. 
30 Claire Bommelaer et Emmanuèle Frois, loc. cit.
13 
aide remboursable par rapport aux ressources que génèrent ces films31. Des Fondations 
sont créées pour soutenir financièrement ces restaurations d’oeuvre comme celle de 
Martin Scorsese par qui on peut revoir le film Au feu les pompiers! de Milos Forman. 
En 2008, on a pu redécouvrir au cinéma le film Lola Montès de Max Ophuls grâce au 
concours de la Fondation Technicolor, du Fonds culturel franco-américain et de la 
Cinémathèque Suisse. Cette restauration s’était élevée 400 000 euros ; ce qui est assez 
exceptionnel. En 2011, on a pu redécouvrir le film Le Voyage dans la lune des frères 
Méliès avec toutes ses couleurs d’origines grâce à des aides privés : Serge Bromberg et 
aux fondations Groupama Gan pour le cinéma et Technicolor. 
La restauration numérique permet d’offrir une qualité d’image unique, ce qui 
permet une seconde vie aux films de patrimoine. Ce qui n’était pas possible avec la 
35mm. La finition du numérique ouvre des perspectives de qualité d’image incroyable. 
Mais toute qualité a un coût. La restauration des oeuvres vieillissantes permet de diffuser 
ces films en première qualité équivalente à une oeuvre contemporaine. Le spectateur ne 
voit plus que c’est un film « ancien », car il n’est plus rayé, abîmé avec le temps. Les 
majors envahissent petit à petit le marché du patrimoine. Cela se passe à travers la 
restauration de leur catalogue. Les frais sont tellement importants qu’ils préfèrent les 
distribuer eux-mêmes : comme Pathé et Gaumont qui restaurent plusieurs titres de leur 
catalogue tels que La Roue d’Abel Gance, Le Guépard de Visonti, Borsalino de Jacques 
Deray32. 
D’ici 2016, dans le cadre de « l’investissement sur l’avenir », Gaumont va 
restaurer 27033 films de son catalogue. On y compte La Passion de Jeanne d'Arc de 
Carl-Theodor Dreyer, L'Atalante de Jean Vigo ou L'assassin habite au 21 d'Henri- 
Georges Clouzot34. Des films qu’ils vont ressortir au fur et à mesure et en premier lieu 
en Dvd, Blu-ray et VoD35. Mais dès à présent, on peut découvrir des oeuvres sur grands 
écrans que Gaumont distribue directement lui-même en salle. Studio Canal restaure les 
films de Bergman qui retrouvent le chemin des salles et doivent rencontrer de nouvelle 
31 Philippe Loranchet, « Archives et numérique, un mariage de raison », Paris, Ecran Total n°828, 1er décembre 2010, p. 24. 
32 Claire Bommelaer et Emmanuèle Frois, loc. cit. 
33 Ibidem. 
34 Ibidem. 
35 Source : www.dvdclassik.com.
14 
génération de spectateurs36. Studio Canal a dans son catalogue 5 000 films37 européens 
et américains. Leur travail de restauration sur leur catalogue se fait grâce à la 
Cinémathèque Française, les Archives Françaises du film ou encore la Bifi de Londres. 
En 2012, Studio Canal « a restauré avec La Cinémathèque de Toulouse, La Grande 
illusion de Jean Renoir, et, en 2013, Plein Soleil de René Clément avec la 
Cinémathèque française et le soutien du Fond culturel franco américain. »38 Studio 
Canal travaille les films de patrimoine dans l’idée de pouvoir les ressortir en Dvd et 
Blu-ray, et éventuellement sur grand écran. Ce marché, bien qu’il s’essouffle 
actuellement, est dans une économie très enrichissante à court terme : peu de frais pour 
un coût sur investissement assez fort, par rapport au cinéma. 
Les distributeurs de films inédits se lancent dans la restauration de leur catalogue 
de films afin de les ressortir. Ils profitent de l’aubaine de cette réédition pour sortir les 
films sur divers supports afin de rentabiliser les frais de cette ressortie de préférence à 
court terme. 
II.III. De nouveaux entrants sur le marché de la distribution de patrimoine 
En parallèle, d’autres distributeurs sont dans la recherche de mettre en place un 
réel travail sur les films de répertoire au moment de leur sortie cinéma : recherche pour 
la restauration, accompagnement des films en salle, communication sur le film avec des 
achats d’espace… Leur budget est digne d’une sortie d’un film inédit. Les choix de 
ressortie ciblent avant tout le grand public afin de rentabiliser le plus rapidement 
possible les dépenses menées pour la sortie du film. Les distributeurs comme Sophie 
Dulac optent pour un plan de sortie plus dense, tel un film contemporain, allant jusqu’à 
trente copies France. Contrairement aux distributeurs dédiés au patrimoine qui font une 
sortie sur une dizaine de copies. Sophie Dulac se voit doubler le nombre de ses sorties 
de films de patrimoine au cinéma durant 2014/2015 contrairement aux années 
antérieures. Le distributeur a une réelle envie de développer cette niche en sortant des 
films de répertoire à la façon d’un film inédit afin de toucher un public large. 
Également, la société de distribution Shellac a créé un poste dédié aux films de 
patrimoine. Ce dernier consistant à la recherche d’éléments du film pour mener une 
36 Propos recueillis par Thomas Baurez, loc. cit. 
37 Source : www.studiocanal.com. 
38 Ibidem.
15 
restauration, du suivi de la restauration avec les laboratoires et de la gestion du plan de 
sortie. Les films de patrimoine prennent de plus en plus d’importance au sein des 
structures de films inédits. 
Un des handicaps de voir ces distributeurs envahir le marché de la distribution 
de films de patrimoine est quand on leur propose un mandat sur un de leurs films de 
catalogue, ils peuvent le refuser, voyant une opportunité de le diffuser eux-mêmes. 
C’est ce qu’il en est pour Studio Canal à qui Splendor Films avait demandé le contrat 
pour le film, La Cité de la Peur d’Alain Berbérian, ce film qui fête ses 20 ans cette 
année. Ils n’ont pas souhaité donner de devis, car ils envisagent de le sortir au cinéma, 
en parallèle de sa sortie Blu-ray, alors que ce n’est pas leur coeur de métier. Les 
distributeurs de films inédits pénètrent le marché du patrimoine plus intensivement et le 
divisent davantage. D’un côté, il y a ceux qui souhaitent diffuser des films plus grand 
public avec un travail de restauration. De l’autre, ceux qui profitent de la sortie 
restaurée Dvd et Blu-ray de leur film pour le sortir au cinéma. Tous deux ont une force 
de frappe importante en termes économiques et permettent une communication plus 
forte sur leurs films. 
En novembre 2013, la venue de Park Circus sur ce marché de niche cause un 
profond malaise au sein de la profession. Cette filiale Park Circus Film SARL, guidée 
par Van Papadopoulos (Cannes Classics), donne le sentiment aux distributeurs de 
patrimoine d’être trahi par leur fournisseur de films de répertoire américain. La 
concurrence semble presque déloyale aux yeux de ces distributeurs qui se voient enlever 
un catalogue de films très riches. Park Circus gère près de 15 00039 titres dans le monde 
parmi lesquels Paramount Pictures, Sony Pictures, Warner Bros… Les distributeurs 
doivent dorénavant se tourner vers des cinématographies indépendantes, négocier 
directement avec la production, et dénicher des oeuvres et des contacts d’autres pays. 
Selon Park Circus, ils se sont ouverts à Paris, car « La France est un marché très 
important en terme de spectateurs de films classiques et de répertoire »40. Notre pays est 
une vraie exception dans les films de répertoire. Les premiers films qu’ils ont sortis sont 
plutôt des classiques dans le répertoire : La Dernière corvée d'Hal Ashby et La dernière 
séance de Peter Bogdanovich. Ils ont commencé l’année 2014 avec une ressortie du 
39 Source : http://www.parkcircus.fr. 
40 Ibidem.
16 
film Le Crime était presque parfait d'Alfred Hitchcock. Outre les films classiques, Park 
Circus détient des films de patrimoine « populaire » comme Robocop de Paul 
Verhoeven, Shampoo de Hal Ashby et des films de répertoire « contemporain » tel que 
Pulp Fiction de Quentin Tarantino et Taxi Driver de Martin Scorsese. L’entreprise 
mène un travail de restauration numérique sur chacune de ses ressorties cinéma du fait 
qu’une sortie Dvd et Blu-ray ait été faite avant. En venant sur le marché de leur client, 
Park Circus marque une concurrence ouverte envers eux. Des sociétés comme Splendor 
Films ne souhaite plus acheter des films dans le catalogue de Park Circus, un avis que 
partage d’autres distributeurs. 
Le marché de la distribution des films de patrimoine se fragmente, ce qui était 
une niche devient un véritable marché concurrentiel où la qualité du support à toute son 
importance. On ne connaît pas la pérennité de ces nouveaux entrants sur le marché du 
patrimoine. Cependant, pour pouvoir exister, il faudra innover et s’adapter aux 
nouvelles technologies tout en respectant l’oeuvre défendue. Parallèlement, de nouvelles 
salles s’étendent sur une programmation des films réédités en adoptant une stratégie 
moins directe.
17 
PARTIE 2 
UNE POLITIQUE DE DEMOCRATISATION DES CIRCUITS 
OUVRANT VERS UNE PROGRAMMATION DE REPERTOIRE 
Après avoir démocratisé le prix d’entrée avec les cartes illimitées et le 
développement des événements « one shot »41 comme l’Opéra ou les one man/woman 
show retransmis en direct sur grand écran, place aux films de répertoire dans les 
circuits. Les multiplexes se sont lancé le pari de travailler les films de répertoire au sein 
de leurs salles, dans le but d’enrichir et d’élargir leur public. Un travail spécifique est 
mené par ces réseaux d’exploitations sur cette catégorie de films. 
I. UNE DEMOCRATISATION DU PRIX DE LA SEANCE ET UNE RECHERCHE DE 
SEANCES EVENEMENTIELLES POUR UN NOUVEAU PUBLIC CINEPHILE 
Les circuits cinématographiques exploitent des salles de cinéma dites 
multiplexes, leur permettant une rentabilité plus forte du fait qu’il y ait plus de séances, 
car plus d’écrans, et un choix plus large de film pouvant toucher plusieurs publics. Dans 
le fonctionnement de toutes salles de cinéma, la clef est le public. C’est pourquoi il faut 
savoir le fidéliser, lui créer de nouvelles attentes et savoir y répondre. Les circuits ont 
créé les cartes illimitées afin de pouvoir fidéliser leur public. Puis ils ont mis en place 
des événements uniques avec des « ont shot » comme la retransmission de l’Opéra, des 
concerts, etc. Afin de créer une nouvelle demande de la part des spectateurs, mais aussi 
de s’ouvrir à de nouveaux publics. 
I. I. A chacun sa carte illimitée 
Les deux plus importants réseaux de multiplexes en France ont mis en place des 
cartes illimitées pour les spectateurs. Il s’agit en cela de verser un montant fixe, moins 
de 20€, tous les mois par le souscrivant afin qu’il ait accès à toutes les séances de tous 
les films du circuit et des cinémas acceptant les cartes illimitées. UGC, MK2 et 
Europalaces (Pathé et Gaumont) ont créé leur carte : la carte « UGC illimité » pour les 
premiers et « Le Pass » pour les seconds. UGC et MK2 regroupent 96 cinémas dont 78 
41 Ce terme signifie « en un coup », c’est-à-dire que ce sont des événements qui ne se passent qu’une seule fois.
18 
à Paris/Périphérique42 et Europalaces possède 90 exploitations dont 41 à 
Paris/Périphérique43. C’est en 2000, qu’on découvre cette offre illimitée avec le circuit 
UGC, qui a connu très vite un grand succès. Leurs multiplexes constatent que ces 
entrées sont composées pour un quart par la carte illimitée44. Ce qui montre 
l’importance vitale des abonnements pour le circuit. Grâce à la fusion de cette offre 
avec MK2, UGC peut diversifier son offre de programmation, mais aussi récupérer un 
nouveau public. A contrario, les adhérents à « Le Pass » représentent 10% des entrées 
pour Europalaces45. Les cartes illimitées pour eux ne sont pas une part très importante 
de leur marché. À savoir que l’effet de l’illimité instaure dans l’imaginaire du spectateur 
une notion de « gratuité », et de ce fait, il devient consommateur. Il va « dépenser » son 
argent non plus dans l’achat d’une place, mais dans la confiserie qu’offre le multiplexe. 
Ce qui va enrichir ces salles. D’autre part, le spectateur-consommateur va également 
drainer ses amis, étant donné que le cinéma est un lieu culturel où le plus grand nombre 
de spectateurs y vont en groupe. Ces derniers vont souscrire à un abonnement illimité. 
Ces formules ont donc pour objectif d’augmenter la fréquentation des spectateurs dans 
les circuits et de les faire consommer aussi bien plus de films que plus de confiseries. 
Depuis 2001, le total des entrées faites par les abonnements illimités ne cesse de 
croitre en atteignant, en 2006, 11,7 millions d’entrées avec environ 280 000 abonnés46. 
Figure 1 : nombre d’abonnement actif 
Le nombre d’adhésions aux cartes illimitées, tous circuits confondus, a progressé 
de 18 % entre 2000 et 200647. Selon une étude du CNC, sur les spectateurs de cartes 
illimitées, 92,4 %48 sont des assidus49 ; ils viennent plus pour consommer un film que 
des confiseries. Pour satisfaire le spectateur-adhérent dans sa consommation du film, il 
faut que les circuits divertissent leur programmation. C’est de pourquoi ils vont s’ouvrir 
à un film peu exposé, une reprise ou à une cinématographie alternative. Cette stratégie 
42 CNC, L’Économie des abonnements a entrées illimitées au cinéma, Paris, CNC, avril 2008, p. 22. 
43 Ibidem 
44 Ibid., p. 46. 
45 Ibid., p. 47. 
46 Ibid., p. 9. 
47 Ibid., p. 23. 
48 Ibid., p. 33. 
49 Un spectateur assidu est une personne qui va au moins 3 à 4 fois au cinéma dans le mois.
19 
permet d’augmenter sensiblement les adhésions des cartes illimitées et donc de trouver 
un nouveau public sensible à ces programmations50. 
En outre, les petits exploitants autant que les distributeurs de patrimoine 
permettent d’enrichir l’offre de la programmation des circuits ayant des cartes illimitées 
et leur permettent de fidéliser le public des abonnés tout en se créant un nouveau public. 
Malgré une croissance des adhésions, les circuits ont du mal à rentabiliser leur offre par 
des spectateurs assidus et non-consommateurs de confiserie, ils se retrouvent à un 
équilibre des finances avec leur carte illimitée. C’est pourquoi, ils cherchent à cibler un 
nouveau public : des spectateurs occasionnels. Pour cela, UGC a lancé, sa carte illimitée 
2, offrant la possibilité d’inviter une seconde personne avec sa carte pour voir le même 
film. Le Pass d’Europalace propose un tarif réduit pour la personne accompagnante un 
abonné illimité51. 
Les abonnements illimités ont permis de fidéliser un public, mais pour cela, il 
faut leur proposer toutes les semaines de nouveaux films. C’est une des raisons pour 
laquelle les multiplexes s’ouvrent à la programmation diversifiée afin de répondre à la 
forte demande de leurs spectateurs et pour attirer de nouveaux publics. 
I. II. Une programmation diversifiée chez les multiplexes 
Comme le dit Laurent Creton : « C’est l’offre qui façonne la demande et 
participe sur longue période de la construction d’un modèle de consommation, de 
modes de vie, d’un certain type d’aménagement du territoire, d’une manière de 
vivre ».52 Les circuits cinématographiques doivent répondre à la demande de leurs 
spectateurs, proposant une offre plus large et innovante pour satisfaire leur public et, ce, 
grâce au numérique. Cependant, cette offre ne se limite plus à la carte illimitée, les 
circuits proposent des soirées « one shot » événementielles ou contenus alternatifs à des 
tarifs uniques. On peut rencontrer régulièrement comme programmation dans les 
cinémas des opéras (Métropolitan Opéra live) et des ballets (Le Bolchoï). Pour ce qui 
est des one man/woman show : l’opération « Foresti Party », dans près de 100 salles 
d’Europalaces en France diffusées en simultanée le spectacle de Florence Foresti de 
50 Ibid., p. 17. 
51 Ibid., pp. 35-36. 
52 Laurent Creton, « Le Public et les salles », Economie du cinéma en 50 fiches », Paris, Armand Colin, 2008, p. 53.
20 
Pars-Bercy pour 15€ par spectateur, été une première53. Les concerts de musique : 
Mylène Farmer au Stade de France diffusée dans 18 salles en France pour un ticket 
d’entrée de 20€ sur les préventes ; les Red Hot Chili Peppers en août 2011 dans 35 
salles pour 8 000 spectateurs. Des programmes TV comme La Nouvelle Star diffusés au 
MK2 Bibliothèque 2010 en partenariat avec M6 et Orange. Ou encore, le 20 mars 2012, 
les deux premiers épisodes de la dernière saison de Desperate Housewife ont été 
projetés dans ce même cinéma en partenariat avec Canal plus. Ces diffusions hors-films 
restent plutôt sporadiques au sein des cinémas54. Le fait que les circuits programment 
ces contenus alternatifs a pour conséquence de faire venir un tout autre public dans ces 
salles. Ils le fidélisent par un rendez-vous régulier et identifiable tout en proposant un 
tarif bien supérieur qu’une place de cinéma. 
Une étude55 au Royaume-Uni, menée par le NESTA56, montre que le hors-film 
projeté en salle élargit le public, touchant même des spectateurs aux revenus inférieurs 
qu’aux spectateurs habituels à une salle de cinéma. Le public de cinéma a répondu 
favorablement quant à voir directement une représentation au théâtre après une 
retransmission sur grand écran. Le cinéma permet de sensibiliser le public à autre chose 
plutôt qu’un film dans son enceinte. De plus, le hors-film permet de faire venir de 
nouveaux spectateurs dans les circuits qui les diffusent. La salle de cinéma peut perdre 
cette notion de culture du 7ème art en franchissant les limites du culturel pour aller vers 
du loisir pur. Mais est-ce que cela fonctionne véritablement ? Ou se coupent-elles d’un 
public cinéphile déjà acquis de par le lieu ? 
Cette diversité de programmation offre une expérience de divertissement pour le 
spectateur, mais les éloigne du 7ème art. Pour les en rapprocher, les circuits développent 
une programmation sur les mêmes principes autour des films de patrimoine : un rendez-vous 
identifiable, une programmation événementielle, une communication mise en 
valeur et une diffusion sur support numérique. 
53 JD, « Florence Foresti fait son show sur grand écran », Allocine.fr, en ligne le mardi 24 juillet 2012 à 15h00, 
http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18615483.html. 
54 Laurent Creton et Kira Kitsoparidou, « Défis et perspectives de l’exploitation cinématographique à l’heure du numérique », Les 
salles de cinéma : enjeux, défis et perspectives, Paris, Armand Colin/Recherches, 2005, p. 158. 
55 Ibid., p. 135. 
56 NESTA : National Endowment for Scienc, Tenchology and the Arts.
21 
I. III. Le lancement d’un rendez-vous « Patrimoine » au sein d’un circuit 
En matière de cinéma, la culture érudite est loin d’être réservée aux 
catégories socioprofessionnelles supérieures, un continuum de références 
d’établissant avec ce que l’on appelle habituellement « la culture 
populaire ». La cinéphilie est une orientation socialement partagée, tout en 
étant plurielle par ses films, ses spectateurs et les nombreuses modalités de 
réception .57 
De nos jours, le terme « cinéphilie » a une définition contrastée. Ce n’est plus 
seulement comme le définit Jean-François Rauger, directeur de la Cinémathèque 
Française : « L’idée d’un intérêt pour le cinéma comme moyen d’expression unique, 
comme une forme d’art qui s’abreuve aux sources les plus impures du commerce reste 
évidemment présente »58. Collant à une définition plus des années 60 qui se défend d’un 
cinéma « classique contre moderne ». Nous ne pouvons parler de cinéphilie comme à 
son début. À présent la cinéphilie contemporaine comporte des catégories : elle compte 
une multitude de spécialités. En cela, elle correspond au goût du public, selon la 
géographie, les conditions de programmation, le genre des films : comédies 
romantiques, arts martiaux, thriller… Actuellement la cinéphilie est plus ludique que 
savante avec de nouvelles catégories légitimées par les spectateurs comme le kitsch et le 
second degré tout en gardant une notion d’auteur : Tarantino, Almodovar, Ozon. La 
cinéphilie post-moderne se fait par le découpage du marché en tranche et en cible qui 
serait dommage de négliger, car elle se présente comme les spectateurs de demain. 
Ces nouveaux cinéphiles ne sont pas que les publics, mais aussi les nouveaux 
programmateurs autant en exploitation qu’en distribution qui viennent d’écoles comme 
la Fémis59. Cette dernière a même ouvert en 2003 un département 
exploitation/distribution60, destiné à former les étudiants sur l’exploitation 
cinématographique et la distribution de films au cinéma. C’est en 2009 qu’un cycle 
intitulé « voir et revoir », à l’initiative d’Emmanuel Papillon, alors directeur de cette 
section, se mit en place avec les élèves : Marina Telkos, Natalie Vrignaud, etc. en 
proposant de défendre le film A Bout de course de Sidney Lumet. Cette programmation 
permettait aux étudiants d’exploitation de seconde année de travailler un film de 
57 Laurent Creton, « Le Public et les salles », op. cit., p. 54. 
58 Jean-François Rauger, « Programmation et valorisation », L’avenir de la mémoire : Patrimoine, restauration, réemploi 
cinématographique, Michel Marie & André Habib (dir.), Paris, Presses Universitaires de Septentrion, 2013, p. 31. 
59 Fémis : École nationale supérieure des métiers de l'image et du son. Source : http://www.femis.fr/ 
60 Source : http://www.femis.fr/cursus-distribution-exploitation.
22 
patrimoine dans le contexte d’une salle. Ils devaient monter un événementiel sur cette 
séance : organiser un débat, une animation, un cocktail. Cela leur a permis de découvrir 
les distributeurs de patrimoine et avec eux, le travail à faire pour amener des spectateurs 
à (re)voir un film de cette catégorie en salle. Cette formation a offert à ses futurs jeunes 
directeurs d’exploitation d’avoir une approche sur les films patrimoniaux. 
Pour toucher ces nouveaux cinéphiles, en février 2010, Splendor Films avait 
ressorti en copie 35mm le film Dirty Dancing d’Emile Ardolino. Il voulait le travailler 
sous un aspect événementiel et non pas comme un film « classique », auprès des salles 
art et essai. Il a reçu un accueil très mitigé et peu de programmations. Fin mars 2010, 
Natalie Vrignaud61 les a contactés afin d’organiser une soirée Dirty Dancing au 
Gaumont Parnasse. Pour animer la soirée, un quiz sur le film lui a été proposé, ainsi que 
des affichettes du film à offrir à tous/tes les spectateurs/ices. La grande salle de 390 
places62 était remplie, près de 600 personnes63 se sont vu refuser l’accès ! Fort de ce 
succès, deux ans après, Natalie a proposé à Splendor Films un nouveau concept se 
basant sur le même type de programmation que précédemment. En proposant une 
diffusion dans une quarantaine de salles de son réseau en France. La seule condition 
était que le film soit en DCP. Le distributeur devait voir avec l’ayant droit : Lions Gate, 
pour savoir si le film était disponible sous ce format-là, afin de renouveler le contrat en 
DCP. C’est ainsi que le premier Cinénightclub d’Europalace a vu le jour. 
Alors que les partenaires habituels - les cinémas d’arts et d’essais - étaient peu 
motivés par le film Dirty Dancing, une opportunité de le diffuser plus largement s’est 
présentée et a été saisie par Splendor Films. Cela a permis d’ouvrir un accès des films 
de patrimoine aux multiplexes afin de sensibiliser autant leur public de fidèle qu’un 
nouveau public. 
II. UNE PROGRAMMATION DE PATRIMOINE SUR DE L’EVENEMENTIEL 
Les quatre gros circuits : Europalaces, UGC, CGR et Kinépolis étendent leurs 
programmations événementielles sur des films de patrimoine. En faisant cela, ces 
réseaux ciblent un public précis selon le travail mis en place et le film choisi. 
61 À ce moment-là, Natalie Vrignaud était programmatrice au Gaumont Parnasse et responsable de la programmation événementielle 
chez Europalaces. 
62 Chiffre communiqué par Natalie Vrignaud, Paris, le 25 mai 2014 . 
63 Ibidem.
23 
II. I. Des soirées animées pour un moment divertissant 
Le public de cinéphile post-moderne est attiré par une cinématographie qu’on 
pourrait dire plus contemporaine dans le patrimoine ; elle va toucher les années 70, 80 
et 90. C’est là-dessus que notamment Europalaces, sous la bannière « Cinénightclub », 
puis CGR et Kinépolis, par des « soirées-filles » vont développer une programmation. 
Ces séances touchent avant tout un public féminin et sont basées sur des animations : 
cadeaux, quiz, affichettes du film et divers partenariats locaux. Ces projections veulent 
être un moment convivial et divertissant sur un film culte. On voit surtout que ces 
programmations fonctionnent sur des films musicaux et des comédies romantiques 
comme Grease, Dirty Dancing ou encore Ghost. Ce sont des rendez-vous établis dans la 
programmation des circuits sous forme de « one shot ». Ces soirées uniques sont 
signalées par une nomination distinctive et ne sont pas forcément régulières ; en tout 
cas, elles sont toujours identifiables par la même communication. Kinépolis avait mis en 
place les soirées filles tous les premiers jeudis de chaque mois. Ils ont dû se 
repositionner voyant qu’il n’y avait pas suffisamment de films « girly» pour répondre à 
une programmation régulière. Kinépolis et CGR programment des films patrimoniaux 
essentiellement dans leur cycle « soirée fille », mais également avec des films 
contemporains, comme avec l’Arnacoeur ou Tout ce qui brille. 
Figure 2 : Figure 3 : 
Affiche Kinépolis « Soirée-filles »64 Affiche CGR « Soirée-fille »65 
64 Source : www.kinepolis.fr. 
65 Source : www.cgrcinemas.fr.
24 
Ces deux communications font bien ressortir l’une les teintes roses et violettes (figure 
3) qui dans notre société sont attribuées aux femmes. L’autre (figure 2), met en valeur 
un homme ébouriffé avec des marques de rouge à lèvres signifiant la présence de la 
femme dominante. La police de ces soirées est dans une typographie arrondie, qui 
symbolise la féminité. 
CGR programme le plus tôt possible ses événements afin de communiquer sur 
ces derniers. En général, au moins trois semaines avant la séance des cartons fixes sont 
projetés dans les salles, un affichage local chez les commerçants est mis en place. Des 
radios partenaires relayent en local les informations sur la soirée. CGR propose un tarif 
unique de 6€ pour ces soirées, du fait que le film peut être vu à la tv ou en Dvd. Ces 
séances trouvent leur place à une période de creux en programmation, cela permet de 
rendre visible le film et son événementiel et de lui donner toutes ses chances pour 
rencontrer son public. Les films sont proposés en VO exclusivement pour les salles en 
centre-ville. Celles en zones industrielles sont en VF. Parallèlement, Kinépolis propose 
que des soirées VF à son public. 
Dans sa volonté de conquérir un nouveau public, Europalaces met en place un 
nouveau cycle accès sur des films de répertoire, cultes et musicaux, exclusivement. 
Grâce à une agence spécialisée, ils ont trouvé la terminologie de « Cinénightclub ». Le 
groupe a mit en place une communication ciblée : un logo identifiable, des cartons fixes 
avant toutes les séances des films, des affichettes tirées et placées sur les portes des 
salles participantes. Les couleurs choisies pour communiquer sur ce cycle ont une 
dominante de rose/violet, mais n’en restent pas moins très colorées.
25 
Figure 4 : Figure 5 : 
Première affiche Cinenightclub66 Affiche actuelle Cinenightclub67 
On pourra noter l’évolution dans la colorimétrie de la communication d’Europalaces sur 
ces séances avec toujours la reprise de l’affiche, mais en mettant le(s) personnage(s) 
principal/aux en fond à la place de la boule à facettes et en intégrant les « spectateurs ». 
Par ailleurs, le logo a fait peau neuve en faisant référence à un imaginaire US. On peut 
remarquer que leurs démarches de programmation sont différentes. Kinépolis 
programme dans tout son circuit, à savoir sept salles68. D’un autre côté, CGR, et ses 
trente-trois multiplexes et six complexes69 étendent cette programmation à toutes les 
salles voulant le faire afin de dynamiser davantage les entrées. Europalaces varie le 
nombre de ses salles participantes entre trente et quarante-cinq, selon le film qu’ils 
estiment correspondre au mieux à la demande du public des villes. 
Chacune de ces salles a trouvé le moyen de programmer, pour un public 
notamment féminin des films de patrimoine. Dans une même approche de 
divertissement, les circuits se différencient par leur choix de communication et de 
programmation. Cependant, ils proposent aussi de toucher la nouvelle cinéphilie qui se 
dessine et qui ne trouve pas sa place dans les salles art et essai. 
66 Source : www.cinemasgaumontpathe.com. 
67 Ibidem 
68 Source : www.kinepolis.fr. 
69 Source : www.cgrcinemas.fr.
26 
II. II. Des soirées cinéphiles chez les gros circuits d’exploitations 
UGC et Europalaces proposent une alternative plus cinéphile en programmant 
d’autres films de répertoire sous des cycles nominatifs. Le principe est de garder un 
esprit événementiel que chacune des entreprises travaille selon leur volonté et leurs 
limites. 
C’est en 2010, à l’initiative de Natalie Vrignaud, qu’un nouveau cycle a été mis 
en place notamment au Gaumont Parnasse, « salle pilote »70. Puis en 2012, Europalaces 
a ouvert cette séance nationalement, allant de 20 salles pour Lawrence d’Arabie à 40 
salles pour Barry Lyndon. Ce concept est une programmation sur les films de 
patrimoine en collaboration exclusive avec Philippe Rouyer, écrivain et critique cinéma, 
nommée « Il était une fois », en référence aux films de Sergio Leone. Une projection 
par semestre rend cette programmation régulière. Depuis cet automne, elle devient 
bimensuelle. Elle a un aspect événementiel du fait de son avant-programme : une 
présentation de Philippe Rouyer enregistrée en amont et diffusée par le biais du 
numérique dans toutes les salles participantes à l’opération. Par cette démarche, il a une 
volonté de renouer avec le ciné-club à l’ancienne. En proposant de grands films 
classiques en VO et/ou en VF, mais pas en sortie nationale afin de « faire vivre le film 
avant »71. Cet avant-programme dure entre 15 à 20 min et offre au spectateur une 
présentation unique avec des pistes d’analyse sans pour autant dévoiler la fin du film… 
Les films choisis dans cette programmation sont des films plutôt des années 70 à 80, 
comme Barry Lyndon de Kubrick. Ce dernier a su convaincre 3 000 spectateurs72 
nationalement à le (re)découvrir au cinéma. Autant que Apocalypse Now de F. Ford 
Coppola, où des jeunes femmes ont été amenées de « force » par leur conjoint et ont 
était satisfaites de la séance, nous livre Philippe Rouyer. Le choix des films est 
bicéphale, entre Philippe Rouyer et Marina Telkos, depuis l’échec de la Dolce Vita. Ils 
optent pour des films plus accès sur une cinématographie « moderne » leur permettant 
de trouver un juste milieu entre des films qu’ils ont envie de défendre et des films plus 
« grand public ». La communication se fait via les réseaux sociaux. Sur Youtube, on 
retrouve la diffusion des présentations de Philippe Rouyer après diffusion en salle. 
70 Les chiffres amenés dans cette partie ont été tirés d’interviews que j’ai menés auprès de Philippe Rouyer, de Natalie Vrignaud et 
de Marina Telkos. Lors d’interview à Paris le 9 juin 2014 le 25 mai. 
71 Propos recueillis lors d’une interview de Natalie Vrignaud et Marina Telkos, le 25 mai 2014 
72 Chiffre fourni par Philippe Rouyer lors d’une interview le 9 juin 2014
27 
Egalement, dans le programme diffusé dans toutes les salles un emplacement est réservé 
à l’annonce de ces soirées. Des affiches sont créées et diffusées dans les exploitations 
participantes. Sur le site web d’Europalaces, une page est réservée à cette 
programmation événementielle. 
Figure 6 : Figure 7 : 
Première version Il était une fois73 Version actuelle Il était une fois74 
On peut remarquer l’évolution dans la mise en page : le visuel du film est plus présent 
et nomination du cycle est moins mise en valeur. L’idée est de communiquer plus sur le 
film que sur son accompagnement événementiel. 
Le circuit UGC a trouvé une autre stratégie pour programmer ses films. « Depuis 
la numérisation, Bertrand Cocteau (directeur de la programmation chez UGC) 
s’intéresse aux films de patrimoine » nous avoue Roxane Mont Sargues75. À travers le 
« Ciné-culte », en référence au « ciné-club », les salles proposent une programmation 
avec des films en VO en sortie nationale et en catalogue en diversifiant la 
programmation sur trois séances : l’une le week-end et les deux autres en semaine. 
UGC souhaite d’ailleurs élargir à une programmation hebdomadaire. On a pu se rendre 
compte au fil du temps que les salles se sont étendues. Au début, il y avait moins de dix 
salles. Aujourd’hui, on est sur tous les lieux d’UGC en province/banlieue et six salles à 
73 Source : www.cinemasgaumontpathe.com. 
74 Ibidem. 
75 Informations recueillies lors d’un entretien, le 3 juin 2014, avec Roxane Mont Sargues, programmatrice chez UGC en charge du 
ciné-culte.
28 
Paris. Sébastien Tiveyrat76 nous confirme le travail d’UGC au Ciné Cité La Défense : 
« Les gens viennent avec Bergala à La Défense sur un horaire du soir »77. UGC propose 
un tarif spécial de 5€ pour les détenteurs de la carte fidélité d’UGC, la carte Le Pass est 
aussi acceptée. La programmation de ce cycle se veut régulière avec un film par 
semaine puis les films choisis dans ce cycle sont « des éternels du cinéma », ils 
concernent des films des années 40 à 70 : Casablanca, La Belle et la bête, La Dolce 
Vita, Scarface, Chinatown, etc. Les films muets n’ont pas encore été tentés, mais pour 
autant une programmation chez UGC n’est pas exclue dans un avenir proche. En terme 
de communication, un carton fixe diffusé sur les écrans avant les projections est mis en 
place. Sur le site internet, il y a une page dédiée. Dans la newsletter, un encart 
annonçant la programmation de patrimoine est présent. Sur une page Facebook, est 
transmise l’information des projections de patrimoine joint à un visuel du film. 
Figure 8 : Carton « Ciné-culte » diffusé chez UGC Bordeaux78 
On peut remarquer la colorimétrie bleue qui rappelle le côté retro, ancien du film. Le 
visuel : l’affiche du film, autant que le titre du cycle « Ciné-Culte » et la date et l’heure 
sont bien mis en valeur sur l’annonce. Nous pouvons nous dire que la volonté de ce 
carton est de communiquer plus sur le cycle que sur le film en lui-même et ses qualités 
cinématographiques et esthétiques. Certaines exploitations d’UGC organisent des 
soirées en local avec un intervenant, souvent universitaire, qui propose un film et vient 
en débattre. Comme avec Michel Ciotat qui est force de proposition à Strasbourg et à 
76 Distributeur de films de patrimoine : Swashbuckler 
77 Propos recueillit lors d’une interview de Sébastien Tiveyrat le 9 mai 2014 
78 Source : www.ugc.fr
29 
Rouen et va accompagner les films en salle d’UGC. Aujourd’hui, ces salles conservent 
leur programmation en local conjointement avec celle de la nationale. 
Forts de leurs entrées, les multiplexes ont réussi à fidéliser un public bien défini 
dans leurs salles avec des films qui leur correspondent. Le principe des circuits est de 
faire (re)venir ces mêmes spectateurs pour (re)découvrir des films de patrimoine chez 
eux. Le but de ces cycles est autant de fidéliser un public que d’attirer un nouveau 
public en salle. Il ne s’agit pas que des spectateurs encartés, mais surtout des jeunes 
adultes qui ont entendu parler de ces films et souhaitent les voir sur grand écran. Cette 
nouvelle démarche des gros circuits est regardée attentivement au sein du milieu 
professionnel.
30 
PARTIE 3 
CONCURRENCE OU COMPLEMENTARITE ? 
« L’objet n’a de valeur que parce qu’il est désiré par un autre »79 
Dans le milieu professionnel, la place des films de patrimoine dans les gros 
circuits d’exploitation en France remet en question ce marché et les relations avec les 
exploitants art et essai. C’est un sujet très polémique où certains acteurs sur ce marché 
ont bien voulu donner leur avis. Que ce soit des exploitants de cinéma d’art et d’essai 
spécialisés dans le patrimoine - notamment à Paris dans le Quartier Latin comme La 
Filmothèque ou encore le Grand Action -, ou de province : L’Omnia de Rouen et Le 
Ciné-TNB de Rennes. Que les gros circuits comme UGC, Europalaces et CGR. Ou 
encore les distributeurs de patrimoine : Les Acacias, Swashbuckler et Ciné-Sorbonne. 
Les représentants des instances (le CNC, l’ADFP, l’AFCAE, l’ADRC) ont bien voulu 
s’exprimer sur ce sujet délicat. Chacun offre son point de vue, tout en proposant des 
alternatives pour créer un futur qui mettrait en valeur les films patrimoniaux. On pourra 
se rendre compte de l’avenir qui est soumis aux films de répertoire dans le champ 
cinématographique. 
I. DES AVIS DIVERGEANTS 
Les multiplexes ont besoin d’avoir un important flux de spectateurs dans leurs 
salles pour rentrer dans leurs frais. Donc ils doivent varier la programmation et pour 
éviter un écran blanc, ils resserrent leur choix de films sur des ressorties. Le principe 
des circuits est de faire (re)venir des spectateurs pour qu’ils (re)découvrent des films de 
patrimoine dans leur enceinte. Cependant, les exploitants art et essai ne l’entendent pas 
comme cela. 
79 Claude Forest, « Du Mimétisme », Quel film voir ? Pour une socioéconomie de la demande de cinéma, Paris, Presses 
Universitaires du Septentrion, 2009.
31 
I. I. L’avis de l’exploitation art et essai dans son ensemble 
« Les films naissent libres et égaux »80 
Les salles art et essai appréhendent la venue de ces gros circuits sur le marché du 
patrimoine, car ils se mettent à programmer des films qui leur étaient réservés. Jacques 
Fretel81 regrette qu’il n’y ait pas de discussion entre les multiplexes et les salles art et 
essai. Selon lui, les salles indépendantes sont singulières du fait qu’elles parient avec les 
distributeurs sur la programmation de films audacieux. Elles ont peur de perdre des 
spectateurs, ce qui induit des recettes. Comme le souligne Jacques Fretel82 : « Les salles 
art et essai sont aussi commerciales : si pas d’entrées, pas de spectateurs, pas d’argent. 
La salle est vouée à fermer ». Jean-Marc Delacruz83 développe depuis longtemps dans 
sa ville des cycles comme « le cinéma de quartier », « l’absurde séance » qui ciblent des 
films des années 70 à 80, mais également des nanards84… Il déplore que son travail soit 
plagié par ces salles : « ça me met en colère ! »85, déclare-t-il, alors que celles-ci ne 
pensent pas à la beauté de l’art, mais qu’au commercial. Il annonce que pour les 
distributeurs qui travailleront avec ces salles, il ne fera plus de programmation avec 
eux86. C’est dommage car il se ferme à des films qui pourraient correspondre plus à son 
public qu’à celui des gros circuits. « Les circuits font feux de tout bois, ils envahissent 
le territoire des salles art et essai » affirme le directeur du Ciné TNB de Rennes. Le 
programmateur de L’Omnia déclare87 qu’il est même prêt à aller se battre auprès du 
médiateur du CNC pour avoir les films qu’il souhaite, comme avec les films inédits. 
Aujourd’hui, les frontières sont de plus en plus floues entre les multiplexes et les 
petites et moyennes exploitations, mais pas seulement sur la programmation répertoire. 
Jacques Fretel88 remarque également que certains de ses collègues exploitants font de la 
programmation généraliste en sortie nationale ; il ne faut pas s’étonner que les frontières 
soient « floutées »89. En finalité, le public est perdu car il n’y a plus de singularité qui 
fait la spécificité de chaque salle autant indépendante que privée. Mais, qui a été le 
80 Propos recueillis lors d’une interview de Jean-Marc Delacruz, programmateur au cinéma Omnia de Rouen, Paris, le 3 juin 2014. 
81 Propos recueillis lors d’une interview de Jacques Fretel, Paris, 11 mai 2014 ; programmateur et le directeur du Ciné TNB de 
Rennes et responsable du groupe AFCAE Répertoire. 
82 Ibidem. 
83 Programmateur du cinéma art et essai L’Omnia à Rouen. 
84 Cinéma Omnia de Rouen, « Les événements thématiques », http://www.omnia-cinemas.com/evenements-thematiques. 
85 Jean-Marc Delacruz, loc. cit. 
86 Ibidem. 
87 Ibidem. 
88 Jacques Fretel, loc. cit. 
89 Ibidem.
32 
premier à engager cela ? Est-ce qu’on attend d’une salle de proximité qu’elle propose 
des confiseries, une programmation VF, une programmation 3D ou encore des 
blockbusters ? Avec tout cet éventail de films, une petite ou moyenne exploitation ne 
peut répondre suffisamment à la demande des spectateurs. « Le multiplexe deviendra le 
modèle dominant d’exploitation du cinéma »90 afin de pouvoir diffuser suffisamment de 
films. 
Les salles art et essai ont la crainte de voir déserter leur public pour aller vers ces 
circuits de salle conformiste, froide et commerciale. À travers un exemple d’un film 
soutenu AFCAE, nous soulèverons une controverse : l’association a tiré un quatre pages 
et son logo est affiché sur les supports de communication du film et une valorisation du 
film dans les salles adhérentes à l’association a été mis en place sur le film Voyage au 
bout de l’enfer, distribué par Carlotta et sorti le 23 octobre 2013. Le film était 
programmé dans les salles indépendantes et a été diffusé en avant-première dans vingt-six 
salles du circuit Europalaces. « Si nous avions été au courant de cette avant-première, 
jamais nous n’aurions soutenu le film », nous dit Jacques Fretel, responsable 
du groupe répertoire à l’AFCAE. Cependant, le film a fait moins de 2 00091 entrées 
dans le réseau Gaumont-Pathé, soit une moyenne de remplissage de 61 spectateurs par 
salle. Ce chiffre reste correct mais c’est l’un des plus bas score des films de patrimoine 
programmé dans ce circuit. Malgré cela, certains des cinémas art et essai ont préféré 
annuler leur sortie car le film avait été programmé chez le concurrent de leur ville en 
avant-première. C’est ainsi que Jean-Marc Delacruz92 a réagi face à cette avant-première 
chez son concurrent Europalaces à quelques mètres de lui, qui pourtant n’avait fait que 
15 spectateurs93. Les salles art et essai demandent plus de « transparence »94 de la part 
des distributeurs. C’est également le même cas de figure pour le film Grease, où le 
programmateur de l’Omnia a voulu faire une séance malgré qu’il ait été informé de la 
programmation d’Europlaces. L’Omnia a fait plus d’entrées que son concurrent : 180 au 
13 février 2013, alors que Pathé, le 6 février 2013, a fait seulement 78 entrées95. 
90 Olivier Bomsel et Gilles Le Blanc, « L’industrialisation des salles de cinémas et l’innovation du multiplexe », Dernier tango 
argentique, Paris, Les presses de l’École des Mimes, collection « Sciences économiques et sociales », 2002, p. 56. 
91 1 829 entrées exactement. Chiffre sur www.cinezap.com, la référence des chiffres par films pour les professionnels. 
92 Jean-Marc Delacruz, loc. cit. 
93 Source : www.cinezap.com. 
94 Terme repris par Jacques Fretel et Jean-Marc Delacruz . 
95 Source : http://www.cinezap.com.
33 
L’ADRC96 fait également remarquer que Le Joli Mai de Chris Marker est sorti dans les 
salles art et essai et chez UGC, il a fait au total 30 000 entrées97. Pour UGC cela 
représente seulement 249 entrées98, ce qui fait une moyenne de 31,1 spectateurs par 
salles, ce qui n’est pas énorme compte tenu du nombre de salles UGC participantes. On 
peut remarquer que le public reste fidèle aux salles art et essai comme le montre ces 
chiffres. Peut-être même que la programmation des films de rééditions dans les circuits 
les rendent plus visible, drainant ainsi le public des fidèles dans leur salle habituelle 
quand ils sont programmés. On remarque que les salles art et essai menant un véritable 
travail sur les films et étant à l’écoute de leurs spectateurs font plus d’entrées sur ces 
films de répertoire « nouvelle génération » que leurs concurrents. « Compte tenu du 
travail éditorial des salles art et essai, les films sont mieux exposés, mieux défendus, 
mieux travaillés. Ces salles travaillent sur la durée et offrent une ouverture sur le 
cinéma contemporain », c’est ce que dit le coordinateur AFCAE Répertoire99, Jacques 
Fretel. Mais en est-ce vraiment le cas ? Toujours dans ce respect du travail, ce dernier 
est donc réfractaire à la démarche de Park Circus « Je ne trouve pas ça bien auprès des 
distributeurs de patrimoine, il ne fait pas un réel travail de réédition qui est attendu »100. 
Le travail qui n’est pas mené sur le film est : minimum garantie trop important, pas de 
relations presses, pas de tirage d’affiches ni de flyers. Jacques Fretel101 décide de 
boycotter la sortie du film Lawrence d’Arabie : il ne le programme pas dans son cinéma 
de Rennes. 
Paris, « capitale mondiale du cinéma »102 : on lui compte le plus grand nombre 
d’écrans de cinéma par habitant et la plus large diversité de films au monde. C’est 
pourquoi nous donnerons la parole à des exploitants parisiens du Quartier Latin, lieu 
historique de la diffusion des films patrimoniaux. Guy Chantain, responsable de la 
programmation à Actions Cinémas et Théâtre du Temple103 et Mathieu Guetta104, 
directeur adjoint du Grand Action et membre de la section jeune exploitant de la FNCF, 
redoutent la venue des circuits sur ce marché qui leur est spécifique. A contrario, à la 
96 Propos recueillis lors d’une interview de Rodolphe Lerambert, op. cit. 
97 Ibidem. 
98 Source : www.cinezap.com. 
99 Jacques Fretel, loc. cit. 
100 Ibidem. 
101 Ibidem. 
102 Laurent Creton et Kira Kitsopanidou, loc. cit. p. 197. 
103 Société historique aussi en distribution de films de patrimoine, mais avant tout exploitant à Paris. Guy Chantain, loc. cit. 
104 Propos recueillis lors d’une interview de Mathieu Guetta, Paris, le 9 mai 2014 .
34 
Filmothèque, Jean-Max et François Causse105, également distributeurs de films de 
patrimoine, au Ciné-Sorbonne, déclarent ne pas avoir peur de ces programmations et 
que dans la rue du Champollion, à elle seule, on compte sept écrans. Il y a une offre 
culturelle dans le quartier que les multiplexes ne peuvent concurrencer. Selon la 
Filmothèque106, la programmation des films de patrimoine au sein des multiplexes n’est 
pas pérenne, « Ils bouchent les trous de programmation avec ces films, ils évitent l'écran 
blanc, les sièges vides »107, sortir un film de patrimoine c’est « un travail spécialisé, ils 
vont s’y perdre »108. Ils affirment que les distributeurs vont se bousculer pour sortir chez 
les gros circuits et qu’ils vont vite déchanter, car le public du patrimoine n’est pas 
extensible et qu’il restera là où il a l’habitude d’aller : au Quartier Latin. Selon Mathieu 
Guetta109, les exploitants n’ont pas les mêmes dépenses – frais fixes - que les 
distributeurs ; c’est pourquoi, ces premiers ont besoin véritablement des aides du 
CNC pour vivre. La prime « Art et Essai » revient à une dépense de 14 millions 
d’euros110 de la part du CNC, pour aider les salles classées, somme non négligeable pour 
les petites et moyennes exploitations. 
Les exploitants art et essai restent très mitigés sur la venue de ces gros circuits 
sur le marché des films de patrimoine. Ils reprochent notamment la non-transparence de 
l’information, mais aussi ils font remarquer leur inquiétude quant à l’éventuelle perte 
d’un public. 
I. II. L’opinion de la distribution de films de patrimoine 
Selon les exploitants de salles art et essai, les distributeurs spécialisés dans le 
patrimoine travaillent les films avec les gros circuits dans une idée exclusivement 
d’économie, de rentabilité. À cela, les distributeurs reprochent surtout aux salles art et 
essai de « ne plus travailler les films de patrimoine »111 comme il se doit. Ils reprochent 
aux salles indépendantes de ne pas les mettre en valeur dans leur programmation : 
« couper dès la deuxième semaine en sortie nationale, mauvais horaire, payer en retard 
– parfois trois ans après -, pas d’entrées - bordereaux de recette parfois à 0 entrée ! - » 
105 Propos recueillis lors d’une interview de Jean-Max et François Causse, Paris, 9 mai 2014 . 
106 Ibidem. 
107 Ibidem. 
108 Ibidem. 
109 Mathieu Guetta, loc. cit. 
110 Laurent Creton et Kira Kitsopanidou, loc. cit. p. 199 . 
111 Propos recueillis lors d’interview de Jean-Fabrice Janaudy de Les Acacias, Paris, le 8 mai 2014 et de Sébastien Tiveyrat de 
Swashbuckler, Paris, le 9 mai 2014.
35 
s’insurge Sébastien Tiveyrat gérant de Swashbuckler112. Certains distributeurs pensent 
qu’elles programment ces films spécifiques seulement pour avoir leur label 
« Patrimoine et Répertoire ». C’est à cause de ce relâchement que les circuits ont vu une 
porte ouverte et s’y sont engouffrés en proposant de mener des événementiels sur ces 
films de répertoire. Selon Sébastien Tiveyrat : « Qu'importe la grille ou les séances, ce 
que je regarde c'est le taux de remplissage, je préfère une séance par jour en sortie 
nationale mais qu'elle soit pleine. Je n'ai jamais imposé à une salle des horaires, c'est 
son travail : je n'impose ni l'horaire ni les jours ». Jacques Fretel se défend en 
remarquant qu’« il y a plus de 100 films de patrimoines qui sortent de nos jours au 
cinéma et que les salles art et essai ne peuvent tout travailler (…), il faut trouver un 
accord »113. Il suggère que l’exclusivité soit pour les salles Art et Essai et qu’ensuite les 
circuits puissent programmer les films de patrimoine, en continuation114. 
Swashbuckler115 nous affirme que les salles art et essai nous promettaient de 
prendre plus de films de patrimoine dès que leur nouvelle salle supplémentaire serait 
ouverte. Depuis il affirme ne plus avoir de leur nouvelle pour programmer ses films… 
Sébastien Tiveyrat va programmer ses films chez les salles qui lui demandent et qui 
souhaitent faire un vrai travail dessus. Il nous affirme que les distributeurs de 
patrimoine sont en souffrance face à un oubli de programmation des salles spécifiques 
au répertoire, « Jacques Fretel, Patrick Brouiller, Grenoble… ne prennent plus mes 
films, donc je ne vais pas m’interdire de les passer dans ces villes si un circuit m’offre 
la possibilité. » Jean-Fabrice Janaudy, programmateur chez Les Acacias et membre de 
l’ADFP116, nous dévoile que lorsqu’il a programmé le film Le dernier Nabab au sein 
d’UGC en sortie nationale, il a appelé toutes les salles art et essai des villes 
correspondantes à la programmation d’UGC pour savoir si elles souhaitaient sortir le 
film. Là-dessus certaines ont accepté d’autres non et le film a pu sortir autant chez un 
gros circuit que chez les salles indépendantes classées, sans concurrence dans la même 
ville. Le distributeur a pu agrandir sa sortie nationale grâce à la présence d’UGC, selon 
lui. Il y a suffisamment de films de répertoire pour tous il suffit de les répartir 
intelligemment mais c’est au distributeur de faire ce travail. Cependant, les 
112 Sebastien Tiveyrat, loc. cit. 
113 Jacques Fretel, loc. cit. 
114 Ibidem. 
115 Sebastien Tiveyrat, loc. cit. 
116 ADFP : Association des Distributueurs de Films de Patrimoine. Jean-Fabrice Janaudy, loc. cit.
36 
distributeurs de patrimoine remarquent souvent une concentration sur un seul film, ou 
plutôt sur un seul distributeur. C’est aussi pour cela qu’ils se sont ouverts à une autre 
cinématographie afin de pouvoir travailler avec des salles qui trouvent de la place pour 
les programmer. Paradoxalement les exploitations classées annoncent qu’il a « trop de 
films patrimoniaux sur le marché »117, et non les gros circuits. Les multiplexes ont vu le 
travail des distributeurs et se sont rendu compte qu’on pouvait faire plus d’entrée avec 
un film de répertoire qu’un film inédit en deuxième semaine. De plus ces 
programmations permettent de valoriser leur image avec un travail de fond et en lien 
avec le cinéma patrimonial, selon Sebastien Tiveyrat. 
Ciné-Sorbonne118 déclare que c’est un peu « la mode » de sortir des films de 
patrimoine, mais que c’est un travail de longue haleine que les distributeurs d’inédits ne 
connaissent pas forcément, d’autant qu’il y a un développement des sorties de films de 
patrimoine non « Art et Essai ». Ils espèrent néanmoins que le prix de la 
dématérialisation se démocratise un peu afin de permettre aux films d’être plus 
largement diffusés au sein de toutes les salles. Le fait que la concurrence dans la 
distribution de films de patrimoine s’ouvre est vu plutôt positivement dans ce secteur. 
Selon Jean-Fabrice Janaudy, pour résister sur le marché du patrimoine, « il faudra 
chercher de nouveaux films, hors des sentiers battus »119 et il est prêt à le faire. 
Sébastien Tiveyrat le soutient dans cette démarche : « Je suis satisfait qu’il ait plus de 
distributeurs, cela va permettre de dénicher plus de films et de faire venir plus de 
spectateurs pour les découvrir »120. Les distributeurs devront faire un travail de 
recherche sur des films inédits et labélisés « Patrimoine et Répertoire », ou non classés. 
Comme Terrorizers d’Edward Yang, The Plague dogs de Martin Rosen, mais aussi des 
perles rares comme des films indépendants : De l’influence des rayons gamma sur le 
comportement des marguerites de Paul Newman, Les Amours d’une blonde de Milos 
Forman… Paradoxalement, ces films sont plus ou moins difficiles à programmer dans 
les salles dédiées. Alors qu’aujourd’hui, le marché évolue ; les distributeurs espèrent 
une plus grande facilité dans la programmation de ces films de répertoire indépendants 
au sein des salles art et essai. 
117 Sebastien Tiveyrat, loc. cit. 
118 Jean-Max et François Causse, loc. cit. 
119 Jean-Fabrice Janaudy, loc. cit. 
120 Sebastien Tiveyrat, loc. cit.
37 
Selon Jean-Fabrice Janaudy, programmateur aux Acacias, adhérent à l’ADFP : 
« Je ne pense pas qu’il y ait une porosité entre le public multiplexe dans zone 
industrielle et les salles de centres villes, plus art et essai. Ce ne sont pas les mêmes 
spectateurs, Selon moi. Travailler avec les multiplexes nous permet de toucher un 
public qu’on n’aurait pas autrement »121. Les gros circuits sont sur des films marqués à 
partir des années 60, on voit que des films avant ces années peuvent aussi rencontrer un 
véritable succès tout en étant programmés seulement chez les indépendants comme Au 
nom du peuple italien avec 250 mille entrées122. 
Les distributeurs de films de répertoire souhaitent que les films soient vus le plus 
largement possible. Pas que dans une démarche économique mais avant tout pour faire 
vivre les films : leur donner une seconde vie auprès d’un nouveau public. De faire 
découvrir à ces derniers le Cinéma avec un grand C dans les meilleures conditions 
possible. Les films de patrimoine pourront-ils retrouver leur place dans les salles art et 
essai à travers une véritable volonté de mise en avant ? 
I. III. Dans l’attente d’actions des pouvoirs publics et les associations 
professionnelles 
Les salles art et essai alertent les autorités de ce changement et demandent des 
actions pour les soutenir. Selon Emma Cliquet123, la démarche du CNC ne pourra être 
pas une sanction auprès des distributeurs qui vont sortir leurs films au sein des gros 
circuits. Car tout simplement cela n’est pas interdit dans les conditions de l’aide allouée 
aux distributeurs faisant la demande sur leurs titres. D’autant que si la sortie nationale 
ou la programmation au sein d’un gros circuit semble être cohérent dans le plan de 
sortie d’un film. Le CNC ne peut sanctionner à l’heure actuelle la démarche du 
distributeur de vouloir mettre en valeur l’oeuvre distribuée. Le CNC demande à ce que 
les distributeurs fassent un travail sur le film : tirage des affiches et flyers, 
accompagnement du film en salle, plan de sortie travaillé, etc. De plus, Emma Cliquet 
souligne que les distributeurs de films inédits offrent des moyens que les petits 
distributeurs de patrimoine n’ont pas pour valoriser leurs films de patrimoine. 
121 Jean-Fabrice Janaudy, loc. cit. 
122 Chiffre fournit par Jean-Fabrice Janaudy de chez Les Acacias, distributeur de Au nom du peuple italien 
123 Emma Cliquet est responsable de l’aide aux entreprises de distribution de films de répertoire au sein du CNC. Propos recueillis 
lors d’une interview d’Emma Cliquet, Paris, le 3 juin 2014
38 
La relation entre multiplexes et salles art et essai est délicate sur le patrimoine, 
car actuellement le cas est flagrant sur les films labellisés « Art et Essai ». Suite à une 
étude à la demande du CNC, les petites et moyennes exploitations se voient refuser 
l’accès à ces films, car ils sont diffusés dans les circuits de leur ville. Les films classés 
« Art et Essai » désertent les salles indépendantes alors que c’était celles-ci qui les 
avaient fait découvrir au public. Elles reprochent aux gros circuits qu’ils copient le 
travail des salles classées pour pouvoir alimenter leur programmation et qu’elles ne font 
aucun travail de découverte ni d’animations novatrices. Pour remédier à ce manque à 
gagner des salles indépendantes, le CNC envisage de mettre en place un « bonus Art et 
Essai »124 afin de dynamiser ces exploitations. Il se peut que sur ce même schéma, un 
« bonus Patrimoine et Répertoire » pourrait être mis en place, ou une autre forme de 
soutien pour les petites et moyennes exploitations travaillant les films de répertoire, afin 
de rééquilibrer les pertes. 
Emma Cliquet nous rappelle que « le CNC accompagne ce qui se passe, ne 
l’oriente pas, il faut veiller à un équilibre, nous sommes dans une économie de libre 
échange, de libre concurrence »125. Le directeur du ciné TNB de Rennes nous parle d’un 
cas type dans sa ville : « Quand Gaumont a voulu s’installer au plein coeur de Rennes, 
nous avions écrit une lettre au médiateur pour lui signaler cette concurrence frontale qui 
nous affaiblira. Malheureusement, le CNC ne peut réagir et Gaumont est depuis des 
années à Rennes. Le CNC ne peut rien faire, car à partir du moment où il n’y a pas de 
preuve, il faut agir une fois que le mal est là et gangrené »126. Par conséquent, il ne faut 
pas compter sur les pouvoirs publics pour aider les salles art et essai car il sera trop 
tard ; il faut plutôt qu’elles agissent en amont. 
De son côté, afin d’aider au mieux les petites et moyennes exploitations, 
l’ADRC127 se pose la question : « comment élargir le public ? »128 Car le public présent 
dans les salles art et essai est « un public vieillissant, un « public Télérama », il faut voir 
plus loin »129, selon Rodolphe Lerambert « La notion de patrimoine évolue, il faut 
proposait une cinématographie plus récente ». C’est pourquoi l’ADRC soutient des 
rétrospectives comme Kubrick avec des intervenants. Mais vont-ils développer un 
124 Emma Cliquet, loc. cit. 
125 Ibidem. 
126 Jacques Fretel, loc. cit. 
127 ADRC : Agence pour le Développement Régional du Cinéma. 
128 Propos recueillis lors d’une interview de Rodolphe Lerambert, op. cit., 
129 Ibidem.
39 
travail plus en direction d’un public plus jeune ? Vont-ils soutenir plutôt des films de 
patrimoine moins porteurs pour permettre aussi à des films fragiles d’être diffusés au 
sein d’un réseau de salles correspondant plus à cette programmation ? Depuis 10 ans, 
les salles ont su travailler les films de patrimoine et fidéliser leurs spectateurs, ils ne 
vont pas les quitter du jour au lendemain, ce que nous assure Rodolphe Lerambert130. 
Pour contrer cette programmation au sein des multiplexes, l’ADRC propose de 
renforcer le travail existant : rendre les salles art et essai plus conviviales, présenter les 
films dans les meilleures conditions, proposer des horaires aménagés… Rodolphe 
Lerambert nous informe que les animations de l’ADRC seront renforcées pour leurs 
salles adhérentes sur : les partenariats avec Le festival de La Rochelle, la gratuité des 
expositions avec La Cinémathèque Française, la création d’un support papier avec le 
Centre Beaubourg. Ils vont chercher à se rapprocher davantage de l’actualité avec les 
sorties patrimoines, favoriser les articles de presses, continuer à développer les cycles et 
les rétrospectives et proposer plus d’intervenants en salles. C’est à travers le soutien de 
l’ADRC 131 que l’ACPA132 développe un avant-programme mis en place en 2013 133 qui 
n’est pas sans rappeler le travail d’Europalace avec Philippe Rouyer. Cet avant-programme 
est d’une durée de cinq minutes et propose à un spécialiste du cinéma de 
présenter le film de répertoire : Jean Baptiste Thoret sur Diamants sur canapé, NT Binh 
sur Boulevard du crépuscule, Charlotte Garson sur les films de Jacques Demy134, etc. Il 
pourra être diffusé aussi bien comme une bande annonce que comme avant la séance. 
Les films soutenus par cette action, sont ceux programmés au sein du « Ciné-mémoire » 
qu’initie l’ACPA dans la région d’Aquitaine. Chaque année, sept nouveaux 
programmes disponibles sous format DCP sur clef USB ou dvd et prochainement par 
voie dématérialisée135 seront proposés aux exploitants art et essai. 
Nous nous rendons compte que les pouvoirs publics attendent qu’il se passe 
quelque chose de dramatique pour pouvoir agir. Pour ne pas arriver à un stade tragique, 
un travail est mené pour aider à la programmation du patrimoine dans les salles 
indépendantes notamment influée par des associations. Parallèlement, les multiplexes 
étendent leurs choix de films sur du patrimoine. 
130 Propos recueillis lors d’une interview de Rodolphe Lerambert, op. cit., 
131 Agence pour le Développement Régional du Cinéma. 
132 Association des Cinémas de Proximités en Aquitaine. 
133 ACPA « Le Clap, avant-programmes », http://acpaquitaine.com/0809/?p=3894. 
134 Ibidem.
40 
II. UN DEVELOPPEMENT DE LA PROGRAMMATION DES FILMS DE PATRIMOINE 
CHEZ LES MULTIPLEXES QUI NE CESSE DE CROITRE 
Les réseaux d’exploitations développent une programmation bien spécifique sur 
le patrimoine. Toujours en misant sur de l’événementiel, elles vont mener un travail sur 
la redécouverte de ces oeuvres auprès de leurs publics. Chaque circuit s’entend pour 
mettre en valeur à leur façon cette nouvelle programmation afin de lui trouver une place 
justifiée dans leur grille. 
II. I. L’avenir des films patrimoniaux dans les gros circuits 
Les circuits mettent en place une programmation toujours événementielle afin de 
mettre en valeur les films patrimoniaux tout en élargissant leur choix de films. 
Kinépolis développe actuellement le patrimoine avec des cycles comme celui de 
Martin Scorsese programmé du 14 juin au 10 juillet et proposant cinq films du cinéaste. 
Un seul est en VF sur deux séances en soirée, à un tarif préférentiel de 6,50€136. Il met 
en place des soirées comme « soirée retour vers le futur » au 11 juillet avec les trois 
films programmés un vendredi soir. Les séances sont à 18h, 20h et 22h, avec une 
tarification globale de 13€137 pour toute la soirée. On remarque par ces programmations 
qu’il ne s’agit plus de rajouter une plus-value à la séance comme sur les « soirées 
filles » avec des partenaires et des animations. Cette stratégie est plutôt de mettre en 
valeur une cinématographie ou un cinéaste assez récent afin de toucher un nouveau 
public de cinéphile. Tout comme le proposent les salles indépendantes. 
CGR souhaite également développer cette programmation de films de 
patrimoine plus pointue. Ils vont soumettre à leur nouvelle directrice du Cherbourg 
CGR Odéon d’être force de proposition sur des titres de patrimoine. Ceci afin de monter 
ensemble un cycle régulier et national, en commençant avec six films dans l’année138. 
Ils font aussi un travail sur des films comme Scarface en proposant une soirée 
thématique « Mafia italienne », sous laquelle les mettre en valeur. Ils essayent de 
développer la programmation des films de patrimoine en proposant selon les actualités 
136 Kinépolis, « Martin Scorseses est à l’honneur », http://kinepolis.fr/actualite/martin-scorsese-est-lhonneur-kinepolis. 
137 Kinépolis, « Soirée Retour vers le futur », http://kinepolis.fr/splash?destination=films/retour-vers-le-futur. 
138 Propos recueillis lors d’une interview de Patrice Martin, programmateur chez CGR, Paris, le 2 juin 2014
41 
ces films aux spectateurs : Le Jour le plus long pour la commémoration de la guerre. 
Patrice Martin139 souligne le travail du CGR de Brignais programmant et organisant des 
soirées en local. Cette salle a su fidéliser un public et créer un ciné-club tous les jeudis 
soir avec au moins trente fidèles au rendez-vous. 
C’est alors qu’à la rentrée, UGC, selon Roxane Mont Sargues140, souhaite 
développer plus de communication, la mise en place d’un livret sur les films et 
l’accompagnement de ses séances avec des présentations plus uniformes. La 
programmation se fera conjointement avec Jean-Pierre Lavoignat (cofondateur de 
Studio Magazine) ce dernier pouvant même aller présenter des films en salles. Le 
développement des programmations répertoire au sein des multiplexes, amène les 
distributeurs à négocier avec les gros circuits sur la visibilité des films dans leurs salles. 
C’est le même type de négociation qu’avec les salles « art et essai ». Chaque circuit a 
ses contraintes, il faut savoir s’y adapter et répondre au mieux à leur demande ou 
parfois il faut savoir refuser ces exigences. CGR souhaite que la circulation des copies 
soit payée par le distributeur autant que l’envoi du marketing. Quant à UGC, il 
commence à négocier le pourcentage quand il s’agit d’un film de catalogue. 
Europalaces va commencer à valoriser sa programmation exclusivement sur des titres 
dématérialisés, tout en prévoyant quelques DCP physiques en cas de problèmes 
informatiques. 
Parfois, des tentatives de programmations de films de répertoire échouent 
comme chez UGC. Roxane Mont Sargues141 nous dévoile que certains cycles mis en 
place ont été arrêtés, car ils ne trouvaient pas leur public. Ou encore Europalaces qui 
avaient développé « La leçon de Cinéma » avec François Bégaudeau tous les deux mois, 
mais ce cycle n’a pas fonctionné autant que voulu142, donc il a été arrêté. Cependant, 
Europalaces ne se laisse pas abattre pour autant et va développer le patrimoine dans son 
réseau notamment en créant une salle réservée à cette programmation en plein coeur de 
Paris. 
139 Ibidem. 
140 Roxane Mont Sargues, loc. cit. 
141 Ibidem. 
142 Natalie Vrignaud et Marina Telkos, loc. cit.
42 
II. II. Vers un multiplexe spécialisé 
Les salles art et essai se plaignent du nombre de sortie croisant des films de 
répertoire sur le marché français et du peu d’écrans pour tous les accueillir. À savoir 
qu’un distributeur de patrimoine doit attendre en moyenne quatre à six mois pour dater 
un film à Paris. Cette contrainte prive le distributeur de ne pouvoir travailler sur les 
actualités. 
La donne qui va chambouler beaucoup le marché de répertoire à Paris, puis la 
France, est le futur multiplexe consacré aux films de patrimoine. Il s’agit d’un Pathé 
implanté aux Gobelins qui se nommera Les Fauvettes. En hommage à son nom 
historique, La Fauvette, étant un mono-écran, ce dernier proposera cinq salles. Ce qui 
va donc offrir plus d’écrans pour le patrimoine à Paris, pour les sorties nationales. Lors 
d’un entretien avec la future directrice de la salle, Natalie Vrignaud143, elle nous 
explique que pour le moment la ligne éditoriale n’est pas encore très claire. Mais que le 
déploiement d’Europalaces sur ce marché du patrimoine est une véritable volonté de 
Jérôme Seydoux « il a un amour profond pour cette catégorie de films »144. L’ouverture 
du cinéma est prévue pour mai/juin 2015, proposant un hall avec une salle d’exposition 
pour accompagner leur programmation. Ils envisagent un développement autour des 
films « jeune public » avec une programmation spécifique accompagnée par des ateliers 
et des animations ; un pianiste à domicile sera présent afin d’organiser régulièrement 
des ciné-concerts. Une programmation sera pensée autour des films de catalogue selon 
l’actualité : au moment de la sortie du second opus d’Avatar, le premier sera 
programmé aux Fauvettes. L’idée n’est pas de travailler exclusivement sur des films 
labellisés « Patrimoine et Répertoire » mais aussi de s’ouvrir à des films de catalogue, 
d’ailleurs ils ne vont pas être demandeur du label au près du CNC, nous a-t-on confié145. 
Le cinéma les Fauvettes d’Europalaces souhaite se démarquer de son offre modulaire146, 
faisant référence au modèle de l’offre de Grönroos147, que propose le circuit 
habituellement. Pour cela, on nous a affirmé qu’il n’y aurait pas de « pop-corn » en 
vente mais plutôt des aliments plus modernes comme des cupcakes, favorisant cette 
volonté de toucher un public jeune et urbain148. Cependant, ils se posent la question de 
143 Étant déjà à l’initiative de la première programmation des films de patrimoine au sein des circuits en France. Natalie Vrignaud et 
Marina Telkos, loc. cit. 
144 Étant déjà à l’initiative de la première programmation des films de patrimoine au sein des circuits en France. Ibidem. 
145 Ibidem. 
146 Hélène Laurichesse, « Le marketing en salle », Quel marketing pour le cinéma, Paris, CNRS, 2006, p. 30. 
147 Annexe 2. 
148 Natalie Vrignaud et Marina Telkos, loc. cit.
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Mémoire Master Cinéma

  • 1. UNIVERSITE PARIS OUEST NANTERRE LA DEFENSE UFR LLPHI La croissance du marché des films de patrimoine au sein des gros circuits d’exploitation cinématographique, en France. Mémoire de Master 1 Arts, lettres et langues, mention cinéma Mémoire rédigé par Anne-Charlotte Bappel Sous la direction d’Alain Kleinberger Session de juin 2014
  • 2.
  • 3. 1 Remerciements Je souhaite remercier particulièrement tous les professionnels qui ont passé du temps à répondre à mes questions afin de m’éclairer dans ma démarche (ordre alphabétique) : François Causse, Jean-Max Causse, Guy Chantain, Emma Cliquet, Jean-Marc Delacruz, Serge Fendrikoff, Jacques Fretel, Mathieu Guetta, Jean-Fabrice Janaudy, Rodolphe Lerambert, Patrice Martin, Roxane Mont Sargues, Anne Rioche, Philippe Rouyer, Marina Telkos, Sébastien Tiveyrat, Natalie Vrignaud. Mes remerciements sincères vont à Aude Cheneau et à Hélène Bonnot pour leur soutien et leur aide. Je remercie mon maître de mémoire M. Alain Kleinberger, pour avoir accepté mon sujet et de m’avoir encouragé dans mes recherches.
  • 4. 2 Sommaire Introduction..........................................................................................................................................4 PARTIE 1 L'ACCES AUX FILMS DE REPERTOIRE....................................................................................................6 I. Le numérique et les films de patrimoine : une ouverture d’accès......................................6 II. Le marché de la distribution des films de patrimoine en France...................................10 PARTIE 2 UNE POLITIQUE DE DEMOCRATISATION DES CIRCUITS OUVRANT VERS UNE PROGRAMMATION DE REPERTOIRE.................................................................................................... 17 I. Une démocratisation du prix de la séance et une recherche de séances événementielles pour un nouveau public cinephile..................................................................17 II. Une programmation de patrimoine sur de l’événementiel...............................................22 PARTIE 3 CONCURRENCE OU COMPLEMENTARITE ? ............................................................................................ 30 I. Des avis divergeants............................................................................................................................30 II. Un développement de la programmation des films de patrimoine chez les multiplexes qui ne cesse de croitre ..................................................................................................40 Conclusion .......................................................................................................................................... 45 Bibliographie..................................................................................................................................... 47 Glossaire des sigles et mots techniques ................................................................................... 52 Table des annexes............................................................................................................................ 55 Table des figures .............................................................................................................................. 56 Table des matières .......................................................................................................................... 57
  • 5. 3 L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare Michel Godet Manuel de prospective stratégique
  • 6. 4 Introduction Tout film de répertoire1 est une oeuvre filmique sortie pour la première fois au cinéma il y a plus de 20 ans, selon le Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC). Parmi eux, deux catégories principales se distinguent : les films « Art et Essai » avec un langage filmique marqué, un réalisateur reconnu et une cinématographie d’un pays peu montrée en salle et les autres. Durant de nombreuses années, les salles « Art et Essai »2, ont eu l'exclusivité sur la diffusion de ces films. C’est en août 2001, que le premier film de patrimoine est diffusé dans un circuit. On découvre alors sur les grands écrans des multiplexes d’UGC (Union Générale Cinématographique), la ressortie du film Dead Zone de David Cronenberg, distribué par Carlotta. Cette sortie avait incontestablement su séduire le public d’UGC. Ainsi, progressivement, les réseaux d’exploitation3 ont développé la diffusion de films de répertoire en parallèle des salles « Art et Essai »4, même si les « blockbusters » restent leur plus grand profit. Les quatre plus gros circuits d’exploitation cinématographique, sont Europalaces (Gaumont et Pathé), UGC, CGR et Kinépolis. Ils représentent 48,1% de la part de marché de l’exploitation5. Ces quatre circuits sont constitués essentiellement de multiplexes, on en dénombre 271 (circuits et indépendants confondus), sur le territoire en 2013. Ces réseaux d’exploitation, implantés jusqu'à lors dans des zones industrielles, se développent de plus en plus au coeur des villes, faisant concurrence aux salles « Art et Essai » établies au centre des agglomérations. 1 Les termes « films de répertoire », « films de patrimoine », « films patrimoniaux » et « films réédités » sont équivalents selon le CNC. 2 CNC, La Géographie du cinéma les résultats régionaux des salles et des films, les pratiques cinématographiques des Français, le public régional du cinéma…, Paris, les dossiers du CNC, n°327, septembre 2013, p 44. 3 Les termes « les circuits d’exploitation cinématographique », « les gros circuits », « les réseaux d’exploitation » et « les multiplexes » sont synonymes selon le cours du présent mémoire. 4 Les termes « salles art et essai », « salles indépendantes » et « petites et moyennes exploitations » sont équivalents. 5 Annexe 1.
  • 7. 5 Mais pourquoi les grands circuits d'exploitation ont tant d’engouement aujourd'hui pour ces films de répertoire ? Il semble inconcevable, a priori, d’associer « circuits de salles » et « films de patrimoine ». Pourtant, nous montrerons que c’est bien une tendance actuelle, et qu’à terme, cela risque d’avoir des conséquences sur les cinémas indépendants. Quel a été le déclencheur de l'intérêt général pour ces films qui, il y a encore trois ans, n’intéressaient que les salles « Art et Essai » ? Sous quel aspect les films de patrimoine sont-ils travaillés et quel est l’intérêt pour les multiplexes de développer une programmation dans leur sens ? Comment se vit cette nouvelle concurrence sur le marché du répertoire, aussi bien chez les distributeurs que chez les exploitants ? Quel en est l’avenir ? Nous nous demanderons plus largement : Quelle est la croissance de ce marché au sein des gros circuits d’exploitation cinématographique, en France ? Nous nous concentrerons, dans un premier temps sur la révolution du numérique qui a permis un accès plus facile aux films de répertoire autant pour les distributeurs que pour les exploitants. Dans un second temps, nous veillerons à comprendre la démarche de ces quatre circuits sur leur tarification et leurs programmations événementielles afin de toucher un nouveau public de cinéphile. Et nous pourrons analyser les moyens qu’ils mettent en place pour étendre leur visibilité sur les films de patrimoine. Enfin, nous présenterons le point de vue des acteurs majeurs sur ce marché en France. Nous permettrons de mieux comprendre leur volonté quant à la place des films de répertoire en leur sein.
  • 8. 6 PARTIE 1 L’ACCES AUX FILMS DE REPERTOIRE L’un des déclencheurs de la programmation des films de répertoire au cinéma est le numérique. Pour cela nous verrons ses avantages et inconvénients ainsi que l’intérêt pour les films de patrimoine. Le second déclencheur est l’ouverture du marché de la distribution des films de patrimoine en France ce qui permet une plus grande accessibilité pour les exploitants sur les titres qu’ils souhaitent. I. LE NUMERIQUE ET LES FILMS DE PATRIMOINE : UNE OUVERTURE D’ACCES Les films de répertoire connaissent une nouvelle vie grâce à la numérisation. Le support numérique a autant de qualités que de défauts en tout cas, il permet une restauration des oeuvres hors norme. Ce support rend l’accès des films réédités plus aisé pour les distributeurs comme pour les exploitants et promet une qualité intemporelle. I. I. Le numérique dans ses grandes lignes Dans l’histoire du cinéma on peut noter deux révolutions qui ont bouleversé le cinéma : l’apparition du son et celle de la couleur. Depuis quatre ans, le milieu du cinéma professionnel a connu un nouveau grand changement : le numérique. Il s’agit en cela que la pellicule 35mm est remplacée par le DCP6 : qui est constitué de fichiers informatiques, ie le film, qui sont stockés sur disque dur (et même clef USB). Nous parlerons à présent non plus de grain, mais de pixels à l’image avec une résolution de 2 048 pixels par ligne x 1 080 pixels par colonne7 que propose le standard du DCP, le 2K8. Avec la numérisation, on découvre un nouveau champ lexical attenant au numérique, mais aussi une nouvelle façon de l’appréhender : le transport, la durée de vie de ce support et la KDM9. 6 Digital Copy Print. 7 Jean-Philippe Tessé, « La révolution numérique est terminée », Paris, Les Cahiers du Cinéma, n°672, novembre 2011, p 6. Le Blu-ray faisant1 920 pixels de large pour 1 080 pixels de long, on peut noter que la résolution se trouve très proche du 2K. 8 L'expression 2K, 2 kilooctets, signifie « 2000 ». Il s'agit d'une abréviation provenant du préfixe kilo qui représente l’unité 1000. Le film étant compressé au format JPEG (Joint Photographic Experts Group) 2000, il n’y a pas de perte de données et a un poids infime sur le disque dur. 9 Key Delivery Message, elle permet de décoder le fichier pour que le film puisse se lancer.
  • 9. 7 Les films de patrimoine se mettent à neuf grâce à la numérisation. La plupart du temps les ayants droit financent cela selon la popularité du film et un ordre donné par les producteurs. Le coût d’une simple numérisation oscille entre 15 000 à 20 000 euros10 ; le distributeur de répertoire ne pouvant pas financer cela, il attend que les propriétaires du film le fassent, en général. La numérisation des films de patrimoine permet de diffuser ces vieux films comme des films contemporains comme s’ils passaient pour la première fois au cinéma. L’usure que les projections laissées sur les copies 35 mm n’apparaît plus grâce au support numérique. Le spectateur qui a l’oeil habitué à présent à des images « parfaites », « sans défauts » et lisses est séduit par ce qu’offre le numérique. I. II. Avantages et inconvénients du numérique dans le secteur du patrimoine Le numérique a incontestablement apporté une assurance sur la qualité du film diffusé en salle. Grâce à ce support les films gardent leur « grain » de la première à la cinquantième projection ce qui n’était pas envisageable avec la copie 35, de même que le 16. À présent, les projectionnistes peuvent projeter des films qui ne sont plus abîmés : traces de doigts, pastilles, repères grattés, poussière, rayés ou des couleurs virées. C’est un gage de qualité qui assure une belle projection pour les spectateurs. Les disques durs étant plus petits et légers qu’une copie 35 mm, le coût du transport calculé en fonction du poids et de la quantité est donc réduit. C’est un gain économique autant pour le distributeur que pour l’exploitant de cinéma. Aujourd’hui, pour projeter le film en salle, il faut une KDM afin d’ouvrir le fichier-film. Celle-ci correspond obligatoirement à un film, au projecteur et à l’écran11 sur lequel il est projeté. Sur certains titres, il est possible que le distributeur puisse ne pas mettre de KDM. En ce qui concerne les films de patrimoine, ce choix est à la disposition des ayants droit. Les Américains préfèrent les KDM sur leurs films de patrimoine tandis que les productions indépendantes acceptent de ne pas en mettre. Cependant, les sociétés de distribution de films de patrimoine en France sont tributaires des décisions des ayants droit des films qu’ils achètent. Néanmoins, le numérique offre une souplesse de programmation12 au 10 Claire Bommelaer et Emmanuèle Frois, « Une seconde vie pour les classiques du 7ème art », Paris, Le Figaro, 29 novembre 2012. 11 Içi « écran » signifie la salle en elle-même avec la toile et les sièges. Une salle peut être mono-écran comme en avoir plus de dix. 12 Philippe Loranchet, « Les atouts et inconvénients principaux », Paris, Dujarric, 2001, Le Cinéma Numérique la technique derrière la magie, p 26.
  • 10. 8 programmateur de la salle : mobilité du film dans les salles selon l’influence des spectateurs, choix de la VF13, de la VO14 et même du sous-titrage pour les sourds et malentendants ainsi que de l’audio-description, selon le public ciblé. Malgré les nombreux avantages du DCP, il existe des inconvénients qui sont beaucoup décriés par les professionnels du cinéma. Ce sont de nouvelles problématiques auxquelles il faut faire face et dont nous n’avions pas connaissance avec le 35mm. Le DCP est envoyé sur le support d’un disque dur, car le film est en numérique. La résolution de l’image la rend moins « vivante » mais plus lisse et extrêmement fixe. Le disque dur est un support encore jeune que nous ne maitrisons pas suffisamment. Il est possible que les DCP subissent des dégâts, que ce soit physique : cordon d’alimentation perdu, ports externes abîmés, choc lors du transport. Ou que ce soit technique : perte totale ou partielle du fichier-film, on s’en rend compte quand le DCP est branché au serveur. En tant que distributeur, il faut savoir agir vite en envoyant un nouveau DCP pour la salle de cinéma afin d‘assurer au mieux sa projection. Donc, plus l’envoi du DCP est tôt par rapport à la diffusion du film en salle, plus il y aura de temps pour réagir afin de régler d’éventuels problèmes. Actuellement, nous n’avons pas le recul technique nécessaire pour déterminer la durée de vie du DCP, sachant qu’une copie 35 mm stockée dans des conditions optimales peut résister au temps plus d’un siècle. Les distributeurs ont pu rencontrer des DCP ne tenant pas plus d’une projection alors que d’autres de plus de cinq ans sont toujours diffusés dans les salles. De plus certains exploitants se posent la question de la durée de vie du projecteur numérique. D’un point de vue des exploitations art et essai diffusant les films réédités, le numérique peut être un frein économique. Comme nous le signale Guy Chantain15, « un projecteur 35mm de 1935 marche encore à l’heure actuelle, alors qu’un projecteur numérique est fabriqué de sorte qu’au bout de cinq ans il soit déjà obsolète ». C’est un investissement trop important pour les petites et moyennes exploitations qui ne vont pas pouvoir rentrer dans leur frais et devront fermer à cause du rééquipement de leur salle. Le support numérique reste néanmoins un nouveau matériel de diffusion de film qu’il faut appréhender. Tout comme le 35mm, il a des qualités et des défauts que l’on 13 Ce sigle signifie Version Française. 14 Ce sigle signifie Version Originale sous-titrée. 15 Responsable de la programmation chez Action Cinémas et Théâtre du Temple, propos recueillis lors d’une interview du 8 mai 2014.
  • 11. 9 découvre au fur et à mesure de sa manipulation mais surtout avec lesquelles on se familiarise en y étant confronté. Malgré les problèmes qu’on peut rencontrer, le numérique répond aux difficultés que nous posait la copie 35 mm. En cela, ce support rend plus accessible la diffusion des films dans une qualité inoxydable. I. III. La dématérialisation offre un accès plus facile au film de répertoire L’évolution du numérique au cinéma est en perpétuelle mouvance. À l’heure d’aujourd’hui, il est possible d’envoyer le DCP par dématérialisation. Il consiste à envoyer le fichier-film par internet, comme du téléchargement. Cependant, le fichier est codé (besoin d’une KDM) et son poids est lourd afin de restituer la même qualité que sur un support physique. L’avantage de la dématérialisation est de permettre aux exploitants d’avoir accès aux films plus largement et plus rapidement16. Sur le marché de la dématérialisation, il y a deux sociétés en France : Globecast, qui utilise le réseau terrestre pour le transfert de ces fichiers et Smartjog, utilisant le moyen du satellite. De cette façon, l’accès au film pour les exploitants se fait plus rapidement et de bonne qualité si toutes les conditions sont optimales : livraison du film en entier, envoi et test de la KDM en amont de la projection. À l’origine, les films de patrimoines ne sortaient que sur très peu de copies, Deux à quatre copies. La dématérialisation a permis d’augmenter à moindre coût le nombre de copies par distributeur sans s’en encombrer physiquement : stockage, transport et dégâts possibles. Néanmoins, le DCP – matérialisé ou non - reste un moyen rentable ; c’est pourquoi il a su séduire autant dans la distribution que dans l’exploitation cinématographique. Ainsi, lors d’une exploitation d’un film, le numérique, et d’autant plus la dématérialisation, reste un atout indéniable pour tous les distributeurs de patrimoine. Il facilite le suivi des films, mais aussi garantie une qualité inaltérable au fil des projecteurs. C’est sans doute pour cela, que certains distributeurs y voient une occasion de diffuser des films de répertoire avec plus d’aisance. 16 Jérôme Brodier, « Le Numérique en salles, ses enjeux », Michaël Bourgatte & Vincent Thabourey (dir), Le Cinéma à l’heure du numérique pratiques et publics, Paris, MKF, 2012, p 83.
  • 12. 10 II. LE MARCHE DE LA DISTRIBUTION DES FILMS DE PATRIMOINE EN FRANCE La France compte le plus grand nombre de distributeurs de films de patrimoine au monde. On dénombre une trentaine de distributeurs17 se divisant en trois catégories18 : les distributeurs spécialisés dans les films de répertoire tel que Théâtre du temple, les distributeurs de films inédits comme Sophie Dulac Distribution et les majors américaines telles que La Fox, la Warner. Près de cent films de patrimoine sont réédités chaque année ; ceux-ci offrent un plus large panel de cinématographie, de genre et d’auteur pour les salles les diffusant19. II.I. Les distributeurs de films de répertoire La réédition de films au cinéma représente moins de 2% des entrées, soit 3,4 millions de spectateurs20. Malgré ce chiffre, le marché ne cesse de s’ouvrir avec de nouveaux distributeurs en France et de nouveaux écrans de diffusions. La France a commencé il y a vingt ans à distribuer des films de patrimoine avec 3, 4 sociétés21 spécialisées dans les films de patrimoine, à présent on en dénombre une quinzaine22. Simon Simsi, distributeur Les Acacias, nous avoue : « (qu’) Il y a presque trente ans, quand j’ai sorti Quai des Orfèvres, sur quatre copies, j’ai réalisé 100 000 entrées en deux ans d’exploitation. Dorénavant, si un film atteint les 10 000 entrées à Paris c’est un beau résultat »23. Cela nous montre bien une évolution du marché. Non pas par les spectateurs, mais par les distributeurs, car il y a plus de films de répertoire qui ressortent au cinéma. Le marché devient aussi dense que les films contemporains où dans une semaine, on peut remarquer jusqu’à cinq sorties différentes de films anciens. Le marché est en train de saturer, car l’équilibre entre les distributeurs et les salles « Art et Essai », où sont diffusés ces films, est en train d’être saturé. Heureusement que les circuits s’ouvrent vers une programmation sur les anciens films, Cela permet de décharger les salles labélisées « Patrimoine et Répertoire », en proposant plus d’écrans pour leur diffusion. 17 Emma Deleva, « Le film de patrimoine, un marché à part », Ecran total n° 828, Paris, 1er décembre 2010, p 29. 18 Rodolphe Lerambert, « La diffusion du cinéma de patrimoine en salle », Michaël Bourgatte & Vincent Thabourey (dir), Le Cinéma à l’heure du numérique pratiques et publics, Paris, MKF, 2012, p 198. 19 Ibidem 20 Chiffres de 2009. Emma Deleva, loc. cit. 21 Chiffre communiqué par Guy Chantain, responsable de la programmation chez Action Cinémas et Théâtre du temple. 22 Propos recueillis par Thomas Baurez, « Thierry Frémaux la France veille sur le cinéma qui le lui rend bien », L’Express, Paris, 14 octobre 2013. 23 Emma Deleva, loc. cit.
  • 13. 11 Les distributeurs consacrés aux films de patrimoines sont sur différents créneaux sur ce marché. Les nouveaux distributeurs de films de patrimoine travaillent plus sur des filmographies des années 70 aux années 80, renouvelant donc leur public de cinéphiles24. Le leader sur le marché : Carlotta est sur des films internationaux et jeune public avec des sorties cinéma, dvd/blu ray, vod et possède un important catalogue de films. Splendor Films distribue exclusivement pour le cinéma des films internationaux, jeunes publics et certains inédits. Des distributeurs plus modestes comme Lost Films et Editions Zoroastre sortent peu de films dans l’année. Ils sont seuls dans leur société ; cependant, ils ont une volonté de mener un réel travail sur leurs films. Les distributeurs comme Moonriver Entertainement, Swashbuckler et Flash Pictures sont également seuls au sein de leur structure, mais ils misent sur plus de sorties de films en salle afin de rentabiliser les frais sur du court terme et distribuent des films hollywoodiens. Les distributeurs comme Ciné-Sorbonne et Action Cinémas – Théâtre du Temple sont dans une démarche d’enrichir leur catalogue et de diffuser ce dernier au sein de leur(s) propre salle(s) et des autres cinémas, ils sont dans une diffusion des « Grands Classiques du Cinéma ». Les choix de distribution des entreprises montrent une volonté de toucher un public particulier. Les films de patrimoine sont vus par un public cinéphile. Mais avec les nouveaux distributeurs, le public s’élargit autant que la diversité des films, et un film de patrimoine peut cibler un public large comme Lola Montès, Peau d’âne. Pour les films de patrimoine, le numérique est un défi technologique sur du long terme pour les générations qui suivent. Comme le dit Vincent Paul-Boncourt25, cette technologie permet « d’élargir les publics en salles : par exemple, VO et VF tiennent sur le même DCP »26. La numérisation permet également d’offrir des bande-annonces en DCP pour les films de patrimoine qui en avaient peu l’accès. Tout film de répertoire demande un travail d’accompagnement ciblé pour attirer les publics ; cela peut aller de la venue du réalisateur à une soirée animée autour d’un quiz. Selon Rodolphe Lerambert, coordinateur répertoire de l’ADRC, « leur diffusion (des films de patrimoines) est cependant aléatoire et risquée au regard des évolutions des pratiques cinématographiques liées notamment à la culture d’écran. Bien que le secteur soit dynamique (nombre de rééditions en hausse, salles de plus en plus actives, 24 Rodolphe LERAMBERT, loc. cit. 25 Distributeur chez Carlotta Films. 26 Charlotte Garson, « Quelles reprises pour demain ? », interview de Vincent Paul-Boncourt, Paris, Les Cahiers du Cinéma n°672, novembre 2011, p. 33.
  • 14. 12 etc), il reste fragile »27. C’est sans doute pourquoi les distributeurs spécialisés dans le patrimoine ouvrent leurs programmations soit à de nouveaux clients en se tournant vers les circuits, soit en se diversifiant : sortie Dvd, Blu-ray, VoD ou vente TV, pour avoir une meilleure rentabilité. Les distributeurs de films spécialisés dans de patrimoine travaillent leur film selon leur envie et les moyens qu’ils ont. Pour cela, la société de distribution détermine une combinaison de salles pour la programmation de ses films. Bien qu’ils défendent toujours la diffusion des films dans un cinéma, certains distributeurs se diversifient en sortant leur film en Dvd, Blu-ray, VoD. Cette démarche rend les films de rééditions plus abordables auprès d’un nouveau public. II.II. Le patrimoine à la portée, des distributeurs de films contemporains et, d’une restauration totale de l’oeuvre En France, il existe une centaine de sociétés actives de distribution. Les vingt premières28 gèrent 58% des sorties dont les dix premières, génèrent de 80 à 90% du chiffre d’affaires du marché : Gaumont fait 12,5% de parts de marché, Studio Canal, 10,3%, Pathé, 7,7%, et les autres 16,7%29. Ces sociétés se mettent à numériser leur catalogue, à cette occasion, ils profitent de restaurer leurs titres anciens grâce à cette nouvelle technologie. À l’ère du numérique, le répertoire se met au diapason. La numérisation des vieux films permet une qualité de visionnage digne d’un Blu-ray, mais pour un écran de cinéma. Les nouvelles générations qui ont l’habitude d’internet, de qualité d’image numérique et non plus d’images rayées, changeant de couleur, d’un son distendu, sont les spectateurs de demain. Ils vont davantage apprécier le visionnage de ces films grâce au numérique. Pour retrouver une qualité d’image d’antan, les restaurations sont coûteuses. Elles débutent à 50 000 euros et peuvent monter jusqu’à 250 00030 euros et bien plus encore. C’est notamment grâce à des fonds privés et publics que les restaurations des films sont possibles. Le CNC également verse de l’argent par des aides sélectives pour la restauration de certaines oeuvres, à travers une subvention ou par une 27 Rodolphe LERAMBERT, loc. cit. 28 Laurent CRETON, « Distribution et promotion », L’économie du cinéma en 50 fiches, Paris, Armand Colin, 2008, p. 59. 29 Ibidem. 30 Claire Bommelaer et Emmanuèle Frois, loc. cit.
  • 15. 13 aide remboursable par rapport aux ressources que génèrent ces films31. Des Fondations sont créées pour soutenir financièrement ces restaurations d’oeuvre comme celle de Martin Scorsese par qui on peut revoir le film Au feu les pompiers! de Milos Forman. En 2008, on a pu redécouvrir au cinéma le film Lola Montès de Max Ophuls grâce au concours de la Fondation Technicolor, du Fonds culturel franco-américain et de la Cinémathèque Suisse. Cette restauration s’était élevée 400 000 euros ; ce qui est assez exceptionnel. En 2011, on a pu redécouvrir le film Le Voyage dans la lune des frères Méliès avec toutes ses couleurs d’origines grâce à des aides privés : Serge Bromberg et aux fondations Groupama Gan pour le cinéma et Technicolor. La restauration numérique permet d’offrir une qualité d’image unique, ce qui permet une seconde vie aux films de patrimoine. Ce qui n’était pas possible avec la 35mm. La finition du numérique ouvre des perspectives de qualité d’image incroyable. Mais toute qualité a un coût. La restauration des oeuvres vieillissantes permet de diffuser ces films en première qualité équivalente à une oeuvre contemporaine. Le spectateur ne voit plus que c’est un film « ancien », car il n’est plus rayé, abîmé avec le temps. Les majors envahissent petit à petit le marché du patrimoine. Cela se passe à travers la restauration de leur catalogue. Les frais sont tellement importants qu’ils préfèrent les distribuer eux-mêmes : comme Pathé et Gaumont qui restaurent plusieurs titres de leur catalogue tels que La Roue d’Abel Gance, Le Guépard de Visonti, Borsalino de Jacques Deray32. D’ici 2016, dans le cadre de « l’investissement sur l’avenir », Gaumont va restaurer 27033 films de son catalogue. On y compte La Passion de Jeanne d'Arc de Carl-Theodor Dreyer, L'Atalante de Jean Vigo ou L'assassin habite au 21 d'Henri- Georges Clouzot34. Des films qu’ils vont ressortir au fur et à mesure et en premier lieu en Dvd, Blu-ray et VoD35. Mais dès à présent, on peut découvrir des oeuvres sur grands écrans que Gaumont distribue directement lui-même en salle. Studio Canal restaure les films de Bergman qui retrouvent le chemin des salles et doivent rencontrer de nouvelle 31 Philippe Loranchet, « Archives et numérique, un mariage de raison », Paris, Ecran Total n°828, 1er décembre 2010, p. 24. 32 Claire Bommelaer et Emmanuèle Frois, loc. cit. 33 Ibidem. 34 Ibidem. 35 Source : www.dvdclassik.com.
  • 16. 14 génération de spectateurs36. Studio Canal a dans son catalogue 5 000 films37 européens et américains. Leur travail de restauration sur leur catalogue se fait grâce à la Cinémathèque Française, les Archives Françaises du film ou encore la Bifi de Londres. En 2012, Studio Canal « a restauré avec La Cinémathèque de Toulouse, La Grande illusion de Jean Renoir, et, en 2013, Plein Soleil de René Clément avec la Cinémathèque française et le soutien du Fond culturel franco américain. »38 Studio Canal travaille les films de patrimoine dans l’idée de pouvoir les ressortir en Dvd et Blu-ray, et éventuellement sur grand écran. Ce marché, bien qu’il s’essouffle actuellement, est dans une économie très enrichissante à court terme : peu de frais pour un coût sur investissement assez fort, par rapport au cinéma. Les distributeurs de films inédits se lancent dans la restauration de leur catalogue de films afin de les ressortir. Ils profitent de l’aubaine de cette réédition pour sortir les films sur divers supports afin de rentabiliser les frais de cette ressortie de préférence à court terme. II.III. De nouveaux entrants sur le marché de la distribution de patrimoine En parallèle, d’autres distributeurs sont dans la recherche de mettre en place un réel travail sur les films de répertoire au moment de leur sortie cinéma : recherche pour la restauration, accompagnement des films en salle, communication sur le film avec des achats d’espace… Leur budget est digne d’une sortie d’un film inédit. Les choix de ressortie ciblent avant tout le grand public afin de rentabiliser le plus rapidement possible les dépenses menées pour la sortie du film. Les distributeurs comme Sophie Dulac optent pour un plan de sortie plus dense, tel un film contemporain, allant jusqu’à trente copies France. Contrairement aux distributeurs dédiés au patrimoine qui font une sortie sur une dizaine de copies. Sophie Dulac se voit doubler le nombre de ses sorties de films de patrimoine au cinéma durant 2014/2015 contrairement aux années antérieures. Le distributeur a une réelle envie de développer cette niche en sortant des films de répertoire à la façon d’un film inédit afin de toucher un public large. Également, la société de distribution Shellac a créé un poste dédié aux films de patrimoine. Ce dernier consistant à la recherche d’éléments du film pour mener une 36 Propos recueillis par Thomas Baurez, loc. cit. 37 Source : www.studiocanal.com. 38 Ibidem.
  • 17. 15 restauration, du suivi de la restauration avec les laboratoires et de la gestion du plan de sortie. Les films de patrimoine prennent de plus en plus d’importance au sein des structures de films inédits. Un des handicaps de voir ces distributeurs envahir le marché de la distribution de films de patrimoine est quand on leur propose un mandat sur un de leurs films de catalogue, ils peuvent le refuser, voyant une opportunité de le diffuser eux-mêmes. C’est ce qu’il en est pour Studio Canal à qui Splendor Films avait demandé le contrat pour le film, La Cité de la Peur d’Alain Berbérian, ce film qui fête ses 20 ans cette année. Ils n’ont pas souhaité donner de devis, car ils envisagent de le sortir au cinéma, en parallèle de sa sortie Blu-ray, alors que ce n’est pas leur coeur de métier. Les distributeurs de films inédits pénètrent le marché du patrimoine plus intensivement et le divisent davantage. D’un côté, il y a ceux qui souhaitent diffuser des films plus grand public avec un travail de restauration. De l’autre, ceux qui profitent de la sortie restaurée Dvd et Blu-ray de leur film pour le sortir au cinéma. Tous deux ont une force de frappe importante en termes économiques et permettent une communication plus forte sur leurs films. En novembre 2013, la venue de Park Circus sur ce marché de niche cause un profond malaise au sein de la profession. Cette filiale Park Circus Film SARL, guidée par Van Papadopoulos (Cannes Classics), donne le sentiment aux distributeurs de patrimoine d’être trahi par leur fournisseur de films de répertoire américain. La concurrence semble presque déloyale aux yeux de ces distributeurs qui se voient enlever un catalogue de films très riches. Park Circus gère près de 15 00039 titres dans le monde parmi lesquels Paramount Pictures, Sony Pictures, Warner Bros… Les distributeurs doivent dorénavant se tourner vers des cinématographies indépendantes, négocier directement avec la production, et dénicher des oeuvres et des contacts d’autres pays. Selon Park Circus, ils se sont ouverts à Paris, car « La France est un marché très important en terme de spectateurs de films classiques et de répertoire »40. Notre pays est une vraie exception dans les films de répertoire. Les premiers films qu’ils ont sortis sont plutôt des classiques dans le répertoire : La Dernière corvée d'Hal Ashby et La dernière séance de Peter Bogdanovich. Ils ont commencé l’année 2014 avec une ressortie du 39 Source : http://www.parkcircus.fr. 40 Ibidem.
  • 18. 16 film Le Crime était presque parfait d'Alfred Hitchcock. Outre les films classiques, Park Circus détient des films de patrimoine « populaire » comme Robocop de Paul Verhoeven, Shampoo de Hal Ashby et des films de répertoire « contemporain » tel que Pulp Fiction de Quentin Tarantino et Taxi Driver de Martin Scorsese. L’entreprise mène un travail de restauration numérique sur chacune de ses ressorties cinéma du fait qu’une sortie Dvd et Blu-ray ait été faite avant. En venant sur le marché de leur client, Park Circus marque une concurrence ouverte envers eux. Des sociétés comme Splendor Films ne souhaite plus acheter des films dans le catalogue de Park Circus, un avis que partage d’autres distributeurs. Le marché de la distribution des films de patrimoine se fragmente, ce qui était une niche devient un véritable marché concurrentiel où la qualité du support à toute son importance. On ne connaît pas la pérennité de ces nouveaux entrants sur le marché du patrimoine. Cependant, pour pouvoir exister, il faudra innover et s’adapter aux nouvelles technologies tout en respectant l’oeuvre défendue. Parallèlement, de nouvelles salles s’étendent sur une programmation des films réédités en adoptant une stratégie moins directe.
  • 19. 17 PARTIE 2 UNE POLITIQUE DE DEMOCRATISATION DES CIRCUITS OUVRANT VERS UNE PROGRAMMATION DE REPERTOIRE Après avoir démocratisé le prix d’entrée avec les cartes illimitées et le développement des événements « one shot »41 comme l’Opéra ou les one man/woman show retransmis en direct sur grand écran, place aux films de répertoire dans les circuits. Les multiplexes se sont lancé le pari de travailler les films de répertoire au sein de leurs salles, dans le but d’enrichir et d’élargir leur public. Un travail spécifique est mené par ces réseaux d’exploitations sur cette catégorie de films. I. UNE DEMOCRATISATION DU PRIX DE LA SEANCE ET UNE RECHERCHE DE SEANCES EVENEMENTIELLES POUR UN NOUVEAU PUBLIC CINEPHILE Les circuits cinématographiques exploitent des salles de cinéma dites multiplexes, leur permettant une rentabilité plus forte du fait qu’il y ait plus de séances, car plus d’écrans, et un choix plus large de film pouvant toucher plusieurs publics. Dans le fonctionnement de toutes salles de cinéma, la clef est le public. C’est pourquoi il faut savoir le fidéliser, lui créer de nouvelles attentes et savoir y répondre. Les circuits ont créé les cartes illimitées afin de pouvoir fidéliser leur public. Puis ils ont mis en place des événements uniques avec des « ont shot » comme la retransmission de l’Opéra, des concerts, etc. Afin de créer une nouvelle demande de la part des spectateurs, mais aussi de s’ouvrir à de nouveaux publics. I. I. A chacun sa carte illimitée Les deux plus importants réseaux de multiplexes en France ont mis en place des cartes illimitées pour les spectateurs. Il s’agit en cela de verser un montant fixe, moins de 20€, tous les mois par le souscrivant afin qu’il ait accès à toutes les séances de tous les films du circuit et des cinémas acceptant les cartes illimitées. UGC, MK2 et Europalaces (Pathé et Gaumont) ont créé leur carte : la carte « UGC illimité » pour les premiers et « Le Pass » pour les seconds. UGC et MK2 regroupent 96 cinémas dont 78 41 Ce terme signifie « en un coup », c’est-à-dire que ce sont des événements qui ne se passent qu’une seule fois.
  • 20. 18 à Paris/Périphérique42 et Europalaces possède 90 exploitations dont 41 à Paris/Périphérique43. C’est en 2000, qu’on découvre cette offre illimitée avec le circuit UGC, qui a connu très vite un grand succès. Leurs multiplexes constatent que ces entrées sont composées pour un quart par la carte illimitée44. Ce qui montre l’importance vitale des abonnements pour le circuit. Grâce à la fusion de cette offre avec MK2, UGC peut diversifier son offre de programmation, mais aussi récupérer un nouveau public. A contrario, les adhérents à « Le Pass » représentent 10% des entrées pour Europalaces45. Les cartes illimitées pour eux ne sont pas une part très importante de leur marché. À savoir que l’effet de l’illimité instaure dans l’imaginaire du spectateur une notion de « gratuité », et de ce fait, il devient consommateur. Il va « dépenser » son argent non plus dans l’achat d’une place, mais dans la confiserie qu’offre le multiplexe. Ce qui va enrichir ces salles. D’autre part, le spectateur-consommateur va également drainer ses amis, étant donné que le cinéma est un lieu culturel où le plus grand nombre de spectateurs y vont en groupe. Ces derniers vont souscrire à un abonnement illimité. Ces formules ont donc pour objectif d’augmenter la fréquentation des spectateurs dans les circuits et de les faire consommer aussi bien plus de films que plus de confiseries. Depuis 2001, le total des entrées faites par les abonnements illimités ne cesse de croitre en atteignant, en 2006, 11,7 millions d’entrées avec environ 280 000 abonnés46. Figure 1 : nombre d’abonnement actif Le nombre d’adhésions aux cartes illimitées, tous circuits confondus, a progressé de 18 % entre 2000 et 200647. Selon une étude du CNC, sur les spectateurs de cartes illimitées, 92,4 %48 sont des assidus49 ; ils viennent plus pour consommer un film que des confiseries. Pour satisfaire le spectateur-adhérent dans sa consommation du film, il faut que les circuits divertissent leur programmation. C’est de pourquoi ils vont s’ouvrir à un film peu exposé, une reprise ou à une cinématographie alternative. Cette stratégie 42 CNC, L’Économie des abonnements a entrées illimitées au cinéma, Paris, CNC, avril 2008, p. 22. 43 Ibidem 44 Ibid., p. 46. 45 Ibid., p. 47. 46 Ibid., p. 9. 47 Ibid., p. 23. 48 Ibid., p. 33. 49 Un spectateur assidu est une personne qui va au moins 3 à 4 fois au cinéma dans le mois.
  • 21. 19 permet d’augmenter sensiblement les adhésions des cartes illimitées et donc de trouver un nouveau public sensible à ces programmations50. En outre, les petits exploitants autant que les distributeurs de patrimoine permettent d’enrichir l’offre de la programmation des circuits ayant des cartes illimitées et leur permettent de fidéliser le public des abonnés tout en se créant un nouveau public. Malgré une croissance des adhésions, les circuits ont du mal à rentabiliser leur offre par des spectateurs assidus et non-consommateurs de confiserie, ils se retrouvent à un équilibre des finances avec leur carte illimitée. C’est pourquoi, ils cherchent à cibler un nouveau public : des spectateurs occasionnels. Pour cela, UGC a lancé, sa carte illimitée 2, offrant la possibilité d’inviter une seconde personne avec sa carte pour voir le même film. Le Pass d’Europalace propose un tarif réduit pour la personne accompagnante un abonné illimité51. Les abonnements illimités ont permis de fidéliser un public, mais pour cela, il faut leur proposer toutes les semaines de nouveaux films. C’est une des raisons pour laquelle les multiplexes s’ouvrent à la programmation diversifiée afin de répondre à la forte demande de leurs spectateurs et pour attirer de nouveaux publics. I. II. Une programmation diversifiée chez les multiplexes Comme le dit Laurent Creton : « C’est l’offre qui façonne la demande et participe sur longue période de la construction d’un modèle de consommation, de modes de vie, d’un certain type d’aménagement du territoire, d’une manière de vivre ».52 Les circuits cinématographiques doivent répondre à la demande de leurs spectateurs, proposant une offre plus large et innovante pour satisfaire leur public et, ce, grâce au numérique. Cependant, cette offre ne se limite plus à la carte illimitée, les circuits proposent des soirées « one shot » événementielles ou contenus alternatifs à des tarifs uniques. On peut rencontrer régulièrement comme programmation dans les cinémas des opéras (Métropolitan Opéra live) et des ballets (Le Bolchoï). Pour ce qui est des one man/woman show : l’opération « Foresti Party », dans près de 100 salles d’Europalaces en France diffusées en simultanée le spectacle de Florence Foresti de 50 Ibid., p. 17. 51 Ibid., pp. 35-36. 52 Laurent Creton, « Le Public et les salles », Economie du cinéma en 50 fiches », Paris, Armand Colin, 2008, p. 53.
  • 22. 20 Pars-Bercy pour 15€ par spectateur, été une première53. Les concerts de musique : Mylène Farmer au Stade de France diffusée dans 18 salles en France pour un ticket d’entrée de 20€ sur les préventes ; les Red Hot Chili Peppers en août 2011 dans 35 salles pour 8 000 spectateurs. Des programmes TV comme La Nouvelle Star diffusés au MK2 Bibliothèque 2010 en partenariat avec M6 et Orange. Ou encore, le 20 mars 2012, les deux premiers épisodes de la dernière saison de Desperate Housewife ont été projetés dans ce même cinéma en partenariat avec Canal plus. Ces diffusions hors-films restent plutôt sporadiques au sein des cinémas54. Le fait que les circuits programment ces contenus alternatifs a pour conséquence de faire venir un tout autre public dans ces salles. Ils le fidélisent par un rendez-vous régulier et identifiable tout en proposant un tarif bien supérieur qu’une place de cinéma. Une étude55 au Royaume-Uni, menée par le NESTA56, montre que le hors-film projeté en salle élargit le public, touchant même des spectateurs aux revenus inférieurs qu’aux spectateurs habituels à une salle de cinéma. Le public de cinéma a répondu favorablement quant à voir directement une représentation au théâtre après une retransmission sur grand écran. Le cinéma permet de sensibiliser le public à autre chose plutôt qu’un film dans son enceinte. De plus, le hors-film permet de faire venir de nouveaux spectateurs dans les circuits qui les diffusent. La salle de cinéma peut perdre cette notion de culture du 7ème art en franchissant les limites du culturel pour aller vers du loisir pur. Mais est-ce que cela fonctionne véritablement ? Ou se coupent-elles d’un public cinéphile déjà acquis de par le lieu ? Cette diversité de programmation offre une expérience de divertissement pour le spectateur, mais les éloigne du 7ème art. Pour les en rapprocher, les circuits développent une programmation sur les mêmes principes autour des films de patrimoine : un rendez-vous identifiable, une programmation événementielle, une communication mise en valeur et une diffusion sur support numérique. 53 JD, « Florence Foresti fait son show sur grand écran », Allocine.fr, en ligne le mardi 24 juillet 2012 à 15h00, http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18615483.html. 54 Laurent Creton et Kira Kitsoparidou, « Défis et perspectives de l’exploitation cinématographique à l’heure du numérique », Les salles de cinéma : enjeux, défis et perspectives, Paris, Armand Colin/Recherches, 2005, p. 158. 55 Ibid., p. 135. 56 NESTA : National Endowment for Scienc, Tenchology and the Arts.
  • 23. 21 I. III. Le lancement d’un rendez-vous « Patrimoine » au sein d’un circuit En matière de cinéma, la culture érudite est loin d’être réservée aux catégories socioprofessionnelles supérieures, un continuum de références d’établissant avec ce que l’on appelle habituellement « la culture populaire ». La cinéphilie est une orientation socialement partagée, tout en étant plurielle par ses films, ses spectateurs et les nombreuses modalités de réception .57 De nos jours, le terme « cinéphilie » a une définition contrastée. Ce n’est plus seulement comme le définit Jean-François Rauger, directeur de la Cinémathèque Française : « L’idée d’un intérêt pour le cinéma comme moyen d’expression unique, comme une forme d’art qui s’abreuve aux sources les plus impures du commerce reste évidemment présente »58. Collant à une définition plus des années 60 qui se défend d’un cinéma « classique contre moderne ». Nous ne pouvons parler de cinéphilie comme à son début. À présent la cinéphilie contemporaine comporte des catégories : elle compte une multitude de spécialités. En cela, elle correspond au goût du public, selon la géographie, les conditions de programmation, le genre des films : comédies romantiques, arts martiaux, thriller… Actuellement la cinéphilie est plus ludique que savante avec de nouvelles catégories légitimées par les spectateurs comme le kitsch et le second degré tout en gardant une notion d’auteur : Tarantino, Almodovar, Ozon. La cinéphilie post-moderne se fait par le découpage du marché en tranche et en cible qui serait dommage de négliger, car elle se présente comme les spectateurs de demain. Ces nouveaux cinéphiles ne sont pas que les publics, mais aussi les nouveaux programmateurs autant en exploitation qu’en distribution qui viennent d’écoles comme la Fémis59. Cette dernière a même ouvert en 2003 un département exploitation/distribution60, destiné à former les étudiants sur l’exploitation cinématographique et la distribution de films au cinéma. C’est en 2009 qu’un cycle intitulé « voir et revoir », à l’initiative d’Emmanuel Papillon, alors directeur de cette section, se mit en place avec les élèves : Marina Telkos, Natalie Vrignaud, etc. en proposant de défendre le film A Bout de course de Sidney Lumet. Cette programmation permettait aux étudiants d’exploitation de seconde année de travailler un film de 57 Laurent Creton, « Le Public et les salles », op. cit., p. 54. 58 Jean-François Rauger, « Programmation et valorisation », L’avenir de la mémoire : Patrimoine, restauration, réemploi cinématographique, Michel Marie & André Habib (dir.), Paris, Presses Universitaires de Septentrion, 2013, p. 31. 59 Fémis : École nationale supérieure des métiers de l'image et du son. Source : http://www.femis.fr/ 60 Source : http://www.femis.fr/cursus-distribution-exploitation.
  • 24. 22 patrimoine dans le contexte d’une salle. Ils devaient monter un événementiel sur cette séance : organiser un débat, une animation, un cocktail. Cela leur a permis de découvrir les distributeurs de patrimoine et avec eux, le travail à faire pour amener des spectateurs à (re)voir un film de cette catégorie en salle. Cette formation a offert à ses futurs jeunes directeurs d’exploitation d’avoir une approche sur les films patrimoniaux. Pour toucher ces nouveaux cinéphiles, en février 2010, Splendor Films avait ressorti en copie 35mm le film Dirty Dancing d’Emile Ardolino. Il voulait le travailler sous un aspect événementiel et non pas comme un film « classique », auprès des salles art et essai. Il a reçu un accueil très mitigé et peu de programmations. Fin mars 2010, Natalie Vrignaud61 les a contactés afin d’organiser une soirée Dirty Dancing au Gaumont Parnasse. Pour animer la soirée, un quiz sur le film lui a été proposé, ainsi que des affichettes du film à offrir à tous/tes les spectateurs/ices. La grande salle de 390 places62 était remplie, près de 600 personnes63 se sont vu refuser l’accès ! Fort de ce succès, deux ans après, Natalie a proposé à Splendor Films un nouveau concept se basant sur le même type de programmation que précédemment. En proposant une diffusion dans une quarantaine de salles de son réseau en France. La seule condition était que le film soit en DCP. Le distributeur devait voir avec l’ayant droit : Lions Gate, pour savoir si le film était disponible sous ce format-là, afin de renouveler le contrat en DCP. C’est ainsi que le premier Cinénightclub d’Europalace a vu le jour. Alors que les partenaires habituels - les cinémas d’arts et d’essais - étaient peu motivés par le film Dirty Dancing, une opportunité de le diffuser plus largement s’est présentée et a été saisie par Splendor Films. Cela a permis d’ouvrir un accès des films de patrimoine aux multiplexes afin de sensibiliser autant leur public de fidèle qu’un nouveau public. II. UNE PROGRAMMATION DE PATRIMOINE SUR DE L’EVENEMENTIEL Les quatre gros circuits : Europalaces, UGC, CGR et Kinépolis étendent leurs programmations événementielles sur des films de patrimoine. En faisant cela, ces réseaux ciblent un public précis selon le travail mis en place et le film choisi. 61 À ce moment-là, Natalie Vrignaud était programmatrice au Gaumont Parnasse et responsable de la programmation événementielle chez Europalaces. 62 Chiffre communiqué par Natalie Vrignaud, Paris, le 25 mai 2014 . 63 Ibidem.
  • 25. 23 II. I. Des soirées animées pour un moment divertissant Le public de cinéphile post-moderne est attiré par une cinématographie qu’on pourrait dire plus contemporaine dans le patrimoine ; elle va toucher les années 70, 80 et 90. C’est là-dessus que notamment Europalaces, sous la bannière « Cinénightclub », puis CGR et Kinépolis, par des « soirées-filles » vont développer une programmation. Ces séances touchent avant tout un public féminin et sont basées sur des animations : cadeaux, quiz, affichettes du film et divers partenariats locaux. Ces projections veulent être un moment convivial et divertissant sur un film culte. On voit surtout que ces programmations fonctionnent sur des films musicaux et des comédies romantiques comme Grease, Dirty Dancing ou encore Ghost. Ce sont des rendez-vous établis dans la programmation des circuits sous forme de « one shot ». Ces soirées uniques sont signalées par une nomination distinctive et ne sont pas forcément régulières ; en tout cas, elles sont toujours identifiables par la même communication. Kinépolis avait mis en place les soirées filles tous les premiers jeudis de chaque mois. Ils ont dû se repositionner voyant qu’il n’y avait pas suffisamment de films « girly» pour répondre à une programmation régulière. Kinépolis et CGR programment des films patrimoniaux essentiellement dans leur cycle « soirée fille », mais également avec des films contemporains, comme avec l’Arnacoeur ou Tout ce qui brille. Figure 2 : Figure 3 : Affiche Kinépolis « Soirée-filles »64 Affiche CGR « Soirée-fille »65 64 Source : www.kinepolis.fr. 65 Source : www.cgrcinemas.fr.
  • 26. 24 Ces deux communications font bien ressortir l’une les teintes roses et violettes (figure 3) qui dans notre société sont attribuées aux femmes. L’autre (figure 2), met en valeur un homme ébouriffé avec des marques de rouge à lèvres signifiant la présence de la femme dominante. La police de ces soirées est dans une typographie arrondie, qui symbolise la féminité. CGR programme le plus tôt possible ses événements afin de communiquer sur ces derniers. En général, au moins trois semaines avant la séance des cartons fixes sont projetés dans les salles, un affichage local chez les commerçants est mis en place. Des radios partenaires relayent en local les informations sur la soirée. CGR propose un tarif unique de 6€ pour ces soirées, du fait que le film peut être vu à la tv ou en Dvd. Ces séances trouvent leur place à une période de creux en programmation, cela permet de rendre visible le film et son événementiel et de lui donner toutes ses chances pour rencontrer son public. Les films sont proposés en VO exclusivement pour les salles en centre-ville. Celles en zones industrielles sont en VF. Parallèlement, Kinépolis propose que des soirées VF à son public. Dans sa volonté de conquérir un nouveau public, Europalaces met en place un nouveau cycle accès sur des films de répertoire, cultes et musicaux, exclusivement. Grâce à une agence spécialisée, ils ont trouvé la terminologie de « Cinénightclub ». Le groupe a mit en place une communication ciblée : un logo identifiable, des cartons fixes avant toutes les séances des films, des affichettes tirées et placées sur les portes des salles participantes. Les couleurs choisies pour communiquer sur ce cycle ont une dominante de rose/violet, mais n’en restent pas moins très colorées.
  • 27. 25 Figure 4 : Figure 5 : Première affiche Cinenightclub66 Affiche actuelle Cinenightclub67 On pourra noter l’évolution dans la colorimétrie de la communication d’Europalaces sur ces séances avec toujours la reprise de l’affiche, mais en mettant le(s) personnage(s) principal/aux en fond à la place de la boule à facettes et en intégrant les « spectateurs ». Par ailleurs, le logo a fait peau neuve en faisant référence à un imaginaire US. On peut remarquer que leurs démarches de programmation sont différentes. Kinépolis programme dans tout son circuit, à savoir sept salles68. D’un autre côté, CGR, et ses trente-trois multiplexes et six complexes69 étendent cette programmation à toutes les salles voulant le faire afin de dynamiser davantage les entrées. Europalaces varie le nombre de ses salles participantes entre trente et quarante-cinq, selon le film qu’ils estiment correspondre au mieux à la demande du public des villes. Chacune de ces salles a trouvé le moyen de programmer, pour un public notamment féminin des films de patrimoine. Dans une même approche de divertissement, les circuits se différencient par leur choix de communication et de programmation. Cependant, ils proposent aussi de toucher la nouvelle cinéphilie qui se dessine et qui ne trouve pas sa place dans les salles art et essai. 66 Source : www.cinemasgaumontpathe.com. 67 Ibidem 68 Source : www.kinepolis.fr. 69 Source : www.cgrcinemas.fr.
  • 28. 26 II. II. Des soirées cinéphiles chez les gros circuits d’exploitations UGC et Europalaces proposent une alternative plus cinéphile en programmant d’autres films de répertoire sous des cycles nominatifs. Le principe est de garder un esprit événementiel que chacune des entreprises travaille selon leur volonté et leurs limites. C’est en 2010, à l’initiative de Natalie Vrignaud, qu’un nouveau cycle a été mis en place notamment au Gaumont Parnasse, « salle pilote »70. Puis en 2012, Europalaces a ouvert cette séance nationalement, allant de 20 salles pour Lawrence d’Arabie à 40 salles pour Barry Lyndon. Ce concept est une programmation sur les films de patrimoine en collaboration exclusive avec Philippe Rouyer, écrivain et critique cinéma, nommée « Il était une fois », en référence aux films de Sergio Leone. Une projection par semestre rend cette programmation régulière. Depuis cet automne, elle devient bimensuelle. Elle a un aspect événementiel du fait de son avant-programme : une présentation de Philippe Rouyer enregistrée en amont et diffusée par le biais du numérique dans toutes les salles participantes à l’opération. Par cette démarche, il a une volonté de renouer avec le ciné-club à l’ancienne. En proposant de grands films classiques en VO et/ou en VF, mais pas en sortie nationale afin de « faire vivre le film avant »71. Cet avant-programme dure entre 15 à 20 min et offre au spectateur une présentation unique avec des pistes d’analyse sans pour autant dévoiler la fin du film… Les films choisis dans cette programmation sont des films plutôt des années 70 à 80, comme Barry Lyndon de Kubrick. Ce dernier a su convaincre 3 000 spectateurs72 nationalement à le (re)découvrir au cinéma. Autant que Apocalypse Now de F. Ford Coppola, où des jeunes femmes ont été amenées de « force » par leur conjoint et ont était satisfaites de la séance, nous livre Philippe Rouyer. Le choix des films est bicéphale, entre Philippe Rouyer et Marina Telkos, depuis l’échec de la Dolce Vita. Ils optent pour des films plus accès sur une cinématographie « moderne » leur permettant de trouver un juste milieu entre des films qu’ils ont envie de défendre et des films plus « grand public ». La communication se fait via les réseaux sociaux. Sur Youtube, on retrouve la diffusion des présentations de Philippe Rouyer après diffusion en salle. 70 Les chiffres amenés dans cette partie ont été tirés d’interviews que j’ai menés auprès de Philippe Rouyer, de Natalie Vrignaud et de Marina Telkos. Lors d’interview à Paris le 9 juin 2014 le 25 mai. 71 Propos recueillis lors d’une interview de Natalie Vrignaud et Marina Telkos, le 25 mai 2014 72 Chiffre fourni par Philippe Rouyer lors d’une interview le 9 juin 2014
  • 29. 27 Egalement, dans le programme diffusé dans toutes les salles un emplacement est réservé à l’annonce de ces soirées. Des affiches sont créées et diffusées dans les exploitations participantes. Sur le site web d’Europalaces, une page est réservée à cette programmation événementielle. Figure 6 : Figure 7 : Première version Il était une fois73 Version actuelle Il était une fois74 On peut remarquer l’évolution dans la mise en page : le visuel du film est plus présent et nomination du cycle est moins mise en valeur. L’idée est de communiquer plus sur le film que sur son accompagnement événementiel. Le circuit UGC a trouvé une autre stratégie pour programmer ses films. « Depuis la numérisation, Bertrand Cocteau (directeur de la programmation chez UGC) s’intéresse aux films de patrimoine » nous avoue Roxane Mont Sargues75. À travers le « Ciné-culte », en référence au « ciné-club », les salles proposent une programmation avec des films en VO en sortie nationale et en catalogue en diversifiant la programmation sur trois séances : l’une le week-end et les deux autres en semaine. UGC souhaite d’ailleurs élargir à une programmation hebdomadaire. On a pu se rendre compte au fil du temps que les salles se sont étendues. Au début, il y avait moins de dix salles. Aujourd’hui, on est sur tous les lieux d’UGC en province/banlieue et six salles à 73 Source : www.cinemasgaumontpathe.com. 74 Ibidem. 75 Informations recueillies lors d’un entretien, le 3 juin 2014, avec Roxane Mont Sargues, programmatrice chez UGC en charge du ciné-culte.
  • 30. 28 Paris. Sébastien Tiveyrat76 nous confirme le travail d’UGC au Ciné Cité La Défense : « Les gens viennent avec Bergala à La Défense sur un horaire du soir »77. UGC propose un tarif spécial de 5€ pour les détenteurs de la carte fidélité d’UGC, la carte Le Pass est aussi acceptée. La programmation de ce cycle se veut régulière avec un film par semaine puis les films choisis dans ce cycle sont « des éternels du cinéma », ils concernent des films des années 40 à 70 : Casablanca, La Belle et la bête, La Dolce Vita, Scarface, Chinatown, etc. Les films muets n’ont pas encore été tentés, mais pour autant une programmation chez UGC n’est pas exclue dans un avenir proche. En terme de communication, un carton fixe diffusé sur les écrans avant les projections est mis en place. Sur le site internet, il y a une page dédiée. Dans la newsletter, un encart annonçant la programmation de patrimoine est présent. Sur une page Facebook, est transmise l’information des projections de patrimoine joint à un visuel du film. Figure 8 : Carton « Ciné-culte » diffusé chez UGC Bordeaux78 On peut remarquer la colorimétrie bleue qui rappelle le côté retro, ancien du film. Le visuel : l’affiche du film, autant que le titre du cycle « Ciné-Culte » et la date et l’heure sont bien mis en valeur sur l’annonce. Nous pouvons nous dire que la volonté de ce carton est de communiquer plus sur le cycle que sur le film en lui-même et ses qualités cinématographiques et esthétiques. Certaines exploitations d’UGC organisent des soirées en local avec un intervenant, souvent universitaire, qui propose un film et vient en débattre. Comme avec Michel Ciotat qui est force de proposition à Strasbourg et à 76 Distributeur de films de patrimoine : Swashbuckler 77 Propos recueillit lors d’une interview de Sébastien Tiveyrat le 9 mai 2014 78 Source : www.ugc.fr
  • 31. 29 Rouen et va accompagner les films en salle d’UGC. Aujourd’hui, ces salles conservent leur programmation en local conjointement avec celle de la nationale. Forts de leurs entrées, les multiplexes ont réussi à fidéliser un public bien défini dans leurs salles avec des films qui leur correspondent. Le principe des circuits est de faire (re)venir ces mêmes spectateurs pour (re)découvrir des films de patrimoine chez eux. Le but de ces cycles est autant de fidéliser un public que d’attirer un nouveau public en salle. Il ne s’agit pas que des spectateurs encartés, mais surtout des jeunes adultes qui ont entendu parler de ces films et souhaitent les voir sur grand écran. Cette nouvelle démarche des gros circuits est regardée attentivement au sein du milieu professionnel.
  • 32. 30 PARTIE 3 CONCURRENCE OU COMPLEMENTARITE ? « L’objet n’a de valeur que parce qu’il est désiré par un autre »79 Dans le milieu professionnel, la place des films de patrimoine dans les gros circuits d’exploitation en France remet en question ce marché et les relations avec les exploitants art et essai. C’est un sujet très polémique où certains acteurs sur ce marché ont bien voulu donner leur avis. Que ce soit des exploitants de cinéma d’art et d’essai spécialisés dans le patrimoine - notamment à Paris dans le Quartier Latin comme La Filmothèque ou encore le Grand Action -, ou de province : L’Omnia de Rouen et Le Ciné-TNB de Rennes. Que les gros circuits comme UGC, Europalaces et CGR. Ou encore les distributeurs de patrimoine : Les Acacias, Swashbuckler et Ciné-Sorbonne. Les représentants des instances (le CNC, l’ADFP, l’AFCAE, l’ADRC) ont bien voulu s’exprimer sur ce sujet délicat. Chacun offre son point de vue, tout en proposant des alternatives pour créer un futur qui mettrait en valeur les films patrimoniaux. On pourra se rendre compte de l’avenir qui est soumis aux films de répertoire dans le champ cinématographique. I. DES AVIS DIVERGEANTS Les multiplexes ont besoin d’avoir un important flux de spectateurs dans leurs salles pour rentrer dans leurs frais. Donc ils doivent varier la programmation et pour éviter un écran blanc, ils resserrent leur choix de films sur des ressorties. Le principe des circuits est de faire (re)venir des spectateurs pour qu’ils (re)découvrent des films de patrimoine dans leur enceinte. Cependant, les exploitants art et essai ne l’entendent pas comme cela. 79 Claude Forest, « Du Mimétisme », Quel film voir ? Pour une socioéconomie de la demande de cinéma, Paris, Presses Universitaires du Septentrion, 2009.
  • 33. 31 I. I. L’avis de l’exploitation art et essai dans son ensemble « Les films naissent libres et égaux »80 Les salles art et essai appréhendent la venue de ces gros circuits sur le marché du patrimoine, car ils se mettent à programmer des films qui leur étaient réservés. Jacques Fretel81 regrette qu’il n’y ait pas de discussion entre les multiplexes et les salles art et essai. Selon lui, les salles indépendantes sont singulières du fait qu’elles parient avec les distributeurs sur la programmation de films audacieux. Elles ont peur de perdre des spectateurs, ce qui induit des recettes. Comme le souligne Jacques Fretel82 : « Les salles art et essai sont aussi commerciales : si pas d’entrées, pas de spectateurs, pas d’argent. La salle est vouée à fermer ». Jean-Marc Delacruz83 développe depuis longtemps dans sa ville des cycles comme « le cinéma de quartier », « l’absurde séance » qui ciblent des films des années 70 à 80, mais également des nanards84… Il déplore que son travail soit plagié par ces salles : « ça me met en colère ! »85, déclare-t-il, alors que celles-ci ne pensent pas à la beauté de l’art, mais qu’au commercial. Il annonce que pour les distributeurs qui travailleront avec ces salles, il ne fera plus de programmation avec eux86. C’est dommage car il se ferme à des films qui pourraient correspondre plus à son public qu’à celui des gros circuits. « Les circuits font feux de tout bois, ils envahissent le territoire des salles art et essai » affirme le directeur du Ciné TNB de Rennes. Le programmateur de L’Omnia déclare87 qu’il est même prêt à aller se battre auprès du médiateur du CNC pour avoir les films qu’il souhaite, comme avec les films inédits. Aujourd’hui, les frontières sont de plus en plus floues entre les multiplexes et les petites et moyennes exploitations, mais pas seulement sur la programmation répertoire. Jacques Fretel88 remarque également que certains de ses collègues exploitants font de la programmation généraliste en sortie nationale ; il ne faut pas s’étonner que les frontières soient « floutées »89. En finalité, le public est perdu car il n’y a plus de singularité qui fait la spécificité de chaque salle autant indépendante que privée. Mais, qui a été le 80 Propos recueillis lors d’une interview de Jean-Marc Delacruz, programmateur au cinéma Omnia de Rouen, Paris, le 3 juin 2014. 81 Propos recueillis lors d’une interview de Jacques Fretel, Paris, 11 mai 2014 ; programmateur et le directeur du Ciné TNB de Rennes et responsable du groupe AFCAE Répertoire. 82 Ibidem. 83 Programmateur du cinéma art et essai L’Omnia à Rouen. 84 Cinéma Omnia de Rouen, « Les événements thématiques », http://www.omnia-cinemas.com/evenements-thematiques. 85 Jean-Marc Delacruz, loc. cit. 86 Ibidem. 87 Ibidem. 88 Jacques Fretel, loc. cit. 89 Ibidem.
  • 34. 32 premier à engager cela ? Est-ce qu’on attend d’une salle de proximité qu’elle propose des confiseries, une programmation VF, une programmation 3D ou encore des blockbusters ? Avec tout cet éventail de films, une petite ou moyenne exploitation ne peut répondre suffisamment à la demande des spectateurs. « Le multiplexe deviendra le modèle dominant d’exploitation du cinéma »90 afin de pouvoir diffuser suffisamment de films. Les salles art et essai ont la crainte de voir déserter leur public pour aller vers ces circuits de salle conformiste, froide et commerciale. À travers un exemple d’un film soutenu AFCAE, nous soulèverons une controverse : l’association a tiré un quatre pages et son logo est affiché sur les supports de communication du film et une valorisation du film dans les salles adhérentes à l’association a été mis en place sur le film Voyage au bout de l’enfer, distribué par Carlotta et sorti le 23 octobre 2013. Le film était programmé dans les salles indépendantes et a été diffusé en avant-première dans vingt-six salles du circuit Europalaces. « Si nous avions été au courant de cette avant-première, jamais nous n’aurions soutenu le film », nous dit Jacques Fretel, responsable du groupe répertoire à l’AFCAE. Cependant, le film a fait moins de 2 00091 entrées dans le réseau Gaumont-Pathé, soit une moyenne de remplissage de 61 spectateurs par salle. Ce chiffre reste correct mais c’est l’un des plus bas score des films de patrimoine programmé dans ce circuit. Malgré cela, certains des cinémas art et essai ont préféré annuler leur sortie car le film avait été programmé chez le concurrent de leur ville en avant-première. C’est ainsi que Jean-Marc Delacruz92 a réagi face à cette avant-première chez son concurrent Europalaces à quelques mètres de lui, qui pourtant n’avait fait que 15 spectateurs93. Les salles art et essai demandent plus de « transparence »94 de la part des distributeurs. C’est également le même cas de figure pour le film Grease, où le programmateur de l’Omnia a voulu faire une séance malgré qu’il ait été informé de la programmation d’Europlaces. L’Omnia a fait plus d’entrées que son concurrent : 180 au 13 février 2013, alors que Pathé, le 6 février 2013, a fait seulement 78 entrées95. 90 Olivier Bomsel et Gilles Le Blanc, « L’industrialisation des salles de cinémas et l’innovation du multiplexe », Dernier tango argentique, Paris, Les presses de l’École des Mimes, collection « Sciences économiques et sociales », 2002, p. 56. 91 1 829 entrées exactement. Chiffre sur www.cinezap.com, la référence des chiffres par films pour les professionnels. 92 Jean-Marc Delacruz, loc. cit. 93 Source : www.cinezap.com. 94 Terme repris par Jacques Fretel et Jean-Marc Delacruz . 95 Source : http://www.cinezap.com.
  • 35. 33 L’ADRC96 fait également remarquer que Le Joli Mai de Chris Marker est sorti dans les salles art et essai et chez UGC, il a fait au total 30 000 entrées97. Pour UGC cela représente seulement 249 entrées98, ce qui fait une moyenne de 31,1 spectateurs par salles, ce qui n’est pas énorme compte tenu du nombre de salles UGC participantes. On peut remarquer que le public reste fidèle aux salles art et essai comme le montre ces chiffres. Peut-être même que la programmation des films de rééditions dans les circuits les rendent plus visible, drainant ainsi le public des fidèles dans leur salle habituelle quand ils sont programmés. On remarque que les salles art et essai menant un véritable travail sur les films et étant à l’écoute de leurs spectateurs font plus d’entrées sur ces films de répertoire « nouvelle génération » que leurs concurrents. « Compte tenu du travail éditorial des salles art et essai, les films sont mieux exposés, mieux défendus, mieux travaillés. Ces salles travaillent sur la durée et offrent une ouverture sur le cinéma contemporain », c’est ce que dit le coordinateur AFCAE Répertoire99, Jacques Fretel. Mais en est-ce vraiment le cas ? Toujours dans ce respect du travail, ce dernier est donc réfractaire à la démarche de Park Circus « Je ne trouve pas ça bien auprès des distributeurs de patrimoine, il ne fait pas un réel travail de réédition qui est attendu »100. Le travail qui n’est pas mené sur le film est : minimum garantie trop important, pas de relations presses, pas de tirage d’affiches ni de flyers. Jacques Fretel101 décide de boycotter la sortie du film Lawrence d’Arabie : il ne le programme pas dans son cinéma de Rennes. Paris, « capitale mondiale du cinéma »102 : on lui compte le plus grand nombre d’écrans de cinéma par habitant et la plus large diversité de films au monde. C’est pourquoi nous donnerons la parole à des exploitants parisiens du Quartier Latin, lieu historique de la diffusion des films patrimoniaux. Guy Chantain, responsable de la programmation à Actions Cinémas et Théâtre du Temple103 et Mathieu Guetta104, directeur adjoint du Grand Action et membre de la section jeune exploitant de la FNCF, redoutent la venue des circuits sur ce marché qui leur est spécifique. A contrario, à la 96 Propos recueillis lors d’une interview de Rodolphe Lerambert, op. cit. 97 Ibidem. 98 Source : www.cinezap.com. 99 Jacques Fretel, loc. cit. 100 Ibidem. 101 Ibidem. 102 Laurent Creton et Kira Kitsopanidou, loc. cit. p. 197. 103 Société historique aussi en distribution de films de patrimoine, mais avant tout exploitant à Paris. Guy Chantain, loc. cit. 104 Propos recueillis lors d’une interview de Mathieu Guetta, Paris, le 9 mai 2014 .
  • 36. 34 Filmothèque, Jean-Max et François Causse105, également distributeurs de films de patrimoine, au Ciné-Sorbonne, déclarent ne pas avoir peur de ces programmations et que dans la rue du Champollion, à elle seule, on compte sept écrans. Il y a une offre culturelle dans le quartier que les multiplexes ne peuvent concurrencer. Selon la Filmothèque106, la programmation des films de patrimoine au sein des multiplexes n’est pas pérenne, « Ils bouchent les trous de programmation avec ces films, ils évitent l'écran blanc, les sièges vides »107, sortir un film de patrimoine c’est « un travail spécialisé, ils vont s’y perdre »108. Ils affirment que les distributeurs vont se bousculer pour sortir chez les gros circuits et qu’ils vont vite déchanter, car le public du patrimoine n’est pas extensible et qu’il restera là où il a l’habitude d’aller : au Quartier Latin. Selon Mathieu Guetta109, les exploitants n’ont pas les mêmes dépenses – frais fixes - que les distributeurs ; c’est pourquoi, ces premiers ont besoin véritablement des aides du CNC pour vivre. La prime « Art et Essai » revient à une dépense de 14 millions d’euros110 de la part du CNC, pour aider les salles classées, somme non négligeable pour les petites et moyennes exploitations. Les exploitants art et essai restent très mitigés sur la venue de ces gros circuits sur le marché des films de patrimoine. Ils reprochent notamment la non-transparence de l’information, mais aussi ils font remarquer leur inquiétude quant à l’éventuelle perte d’un public. I. II. L’opinion de la distribution de films de patrimoine Selon les exploitants de salles art et essai, les distributeurs spécialisés dans le patrimoine travaillent les films avec les gros circuits dans une idée exclusivement d’économie, de rentabilité. À cela, les distributeurs reprochent surtout aux salles art et essai de « ne plus travailler les films de patrimoine »111 comme il se doit. Ils reprochent aux salles indépendantes de ne pas les mettre en valeur dans leur programmation : « couper dès la deuxième semaine en sortie nationale, mauvais horaire, payer en retard – parfois trois ans après -, pas d’entrées - bordereaux de recette parfois à 0 entrée ! - » 105 Propos recueillis lors d’une interview de Jean-Max et François Causse, Paris, 9 mai 2014 . 106 Ibidem. 107 Ibidem. 108 Ibidem. 109 Mathieu Guetta, loc. cit. 110 Laurent Creton et Kira Kitsopanidou, loc. cit. p. 199 . 111 Propos recueillis lors d’interview de Jean-Fabrice Janaudy de Les Acacias, Paris, le 8 mai 2014 et de Sébastien Tiveyrat de Swashbuckler, Paris, le 9 mai 2014.
  • 37. 35 s’insurge Sébastien Tiveyrat gérant de Swashbuckler112. Certains distributeurs pensent qu’elles programment ces films spécifiques seulement pour avoir leur label « Patrimoine et Répertoire ». C’est à cause de ce relâchement que les circuits ont vu une porte ouverte et s’y sont engouffrés en proposant de mener des événementiels sur ces films de répertoire. Selon Sébastien Tiveyrat : « Qu'importe la grille ou les séances, ce que je regarde c'est le taux de remplissage, je préfère une séance par jour en sortie nationale mais qu'elle soit pleine. Je n'ai jamais imposé à une salle des horaires, c'est son travail : je n'impose ni l'horaire ni les jours ». Jacques Fretel se défend en remarquant qu’« il y a plus de 100 films de patrimoines qui sortent de nos jours au cinéma et que les salles art et essai ne peuvent tout travailler (…), il faut trouver un accord »113. Il suggère que l’exclusivité soit pour les salles Art et Essai et qu’ensuite les circuits puissent programmer les films de patrimoine, en continuation114. Swashbuckler115 nous affirme que les salles art et essai nous promettaient de prendre plus de films de patrimoine dès que leur nouvelle salle supplémentaire serait ouverte. Depuis il affirme ne plus avoir de leur nouvelle pour programmer ses films… Sébastien Tiveyrat va programmer ses films chez les salles qui lui demandent et qui souhaitent faire un vrai travail dessus. Il nous affirme que les distributeurs de patrimoine sont en souffrance face à un oubli de programmation des salles spécifiques au répertoire, « Jacques Fretel, Patrick Brouiller, Grenoble… ne prennent plus mes films, donc je ne vais pas m’interdire de les passer dans ces villes si un circuit m’offre la possibilité. » Jean-Fabrice Janaudy, programmateur chez Les Acacias et membre de l’ADFP116, nous dévoile que lorsqu’il a programmé le film Le dernier Nabab au sein d’UGC en sortie nationale, il a appelé toutes les salles art et essai des villes correspondantes à la programmation d’UGC pour savoir si elles souhaitaient sortir le film. Là-dessus certaines ont accepté d’autres non et le film a pu sortir autant chez un gros circuit que chez les salles indépendantes classées, sans concurrence dans la même ville. Le distributeur a pu agrandir sa sortie nationale grâce à la présence d’UGC, selon lui. Il y a suffisamment de films de répertoire pour tous il suffit de les répartir intelligemment mais c’est au distributeur de faire ce travail. Cependant, les 112 Sebastien Tiveyrat, loc. cit. 113 Jacques Fretel, loc. cit. 114 Ibidem. 115 Sebastien Tiveyrat, loc. cit. 116 ADFP : Association des Distributueurs de Films de Patrimoine. Jean-Fabrice Janaudy, loc. cit.
  • 38. 36 distributeurs de patrimoine remarquent souvent une concentration sur un seul film, ou plutôt sur un seul distributeur. C’est aussi pour cela qu’ils se sont ouverts à une autre cinématographie afin de pouvoir travailler avec des salles qui trouvent de la place pour les programmer. Paradoxalement les exploitations classées annoncent qu’il a « trop de films patrimoniaux sur le marché »117, et non les gros circuits. Les multiplexes ont vu le travail des distributeurs et se sont rendu compte qu’on pouvait faire plus d’entrée avec un film de répertoire qu’un film inédit en deuxième semaine. De plus ces programmations permettent de valoriser leur image avec un travail de fond et en lien avec le cinéma patrimonial, selon Sebastien Tiveyrat. Ciné-Sorbonne118 déclare que c’est un peu « la mode » de sortir des films de patrimoine, mais que c’est un travail de longue haleine que les distributeurs d’inédits ne connaissent pas forcément, d’autant qu’il y a un développement des sorties de films de patrimoine non « Art et Essai ». Ils espèrent néanmoins que le prix de la dématérialisation se démocratise un peu afin de permettre aux films d’être plus largement diffusés au sein de toutes les salles. Le fait que la concurrence dans la distribution de films de patrimoine s’ouvre est vu plutôt positivement dans ce secteur. Selon Jean-Fabrice Janaudy, pour résister sur le marché du patrimoine, « il faudra chercher de nouveaux films, hors des sentiers battus »119 et il est prêt à le faire. Sébastien Tiveyrat le soutient dans cette démarche : « Je suis satisfait qu’il ait plus de distributeurs, cela va permettre de dénicher plus de films et de faire venir plus de spectateurs pour les découvrir »120. Les distributeurs devront faire un travail de recherche sur des films inédits et labélisés « Patrimoine et Répertoire », ou non classés. Comme Terrorizers d’Edward Yang, The Plague dogs de Martin Rosen, mais aussi des perles rares comme des films indépendants : De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites de Paul Newman, Les Amours d’une blonde de Milos Forman… Paradoxalement, ces films sont plus ou moins difficiles à programmer dans les salles dédiées. Alors qu’aujourd’hui, le marché évolue ; les distributeurs espèrent une plus grande facilité dans la programmation de ces films de répertoire indépendants au sein des salles art et essai. 117 Sebastien Tiveyrat, loc. cit. 118 Jean-Max et François Causse, loc. cit. 119 Jean-Fabrice Janaudy, loc. cit. 120 Sebastien Tiveyrat, loc. cit.
  • 39. 37 Selon Jean-Fabrice Janaudy, programmateur aux Acacias, adhérent à l’ADFP : « Je ne pense pas qu’il y ait une porosité entre le public multiplexe dans zone industrielle et les salles de centres villes, plus art et essai. Ce ne sont pas les mêmes spectateurs, Selon moi. Travailler avec les multiplexes nous permet de toucher un public qu’on n’aurait pas autrement »121. Les gros circuits sont sur des films marqués à partir des années 60, on voit que des films avant ces années peuvent aussi rencontrer un véritable succès tout en étant programmés seulement chez les indépendants comme Au nom du peuple italien avec 250 mille entrées122. Les distributeurs de films de répertoire souhaitent que les films soient vus le plus largement possible. Pas que dans une démarche économique mais avant tout pour faire vivre les films : leur donner une seconde vie auprès d’un nouveau public. De faire découvrir à ces derniers le Cinéma avec un grand C dans les meilleures conditions possible. Les films de patrimoine pourront-ils retrouver leur place dans les salles art et essai à travers une véritable volonté de mise en avant ? I. III. Dans l’attente d’actions des pouvoirs publics et les associations professionnelles Les salles art et essai alertent les autorités de ce changement et demandent des actions pour les soutenir. Selon Emma Cliquet123, la démarche du CNC ne pourra être pas une sanction auprès des distributeurs qui vont sortir leurs films au sein des gros circuits. Car tout simplement cela n’est pas interdit dans les conditions de l’aide allouée aux distributeurs faisant la demande sur leurs titres. D’autant que si la sortie nationale ou la programmation au sein d’un gros circuit semble être cohérent dans le plan de sortie d’un film. Le CNC ne peut sanctionner à l’heure actuelle la démarche du distributeur de vouloir mettre en valeur l’oeuvre distribuée. Le CNC demande à ce que les distributeurs fassent un travail sur le film : tirage des affiches et flyers, accompagnement du film en salle, plan de sortie travaillé, etc. De plus, Emma Cliquet souligne que les distributeurs de films inédits offrent des moyens que les petits distributeurs de patrimoine n’ont pas pour valoriser leurs films de patrimoine. 121 Jean-Fabrice Janaudy, loc. cit. 122 Chiffre fournit par Jean-Fabrice Janaudy de chez Les Acacias, distributeur de Au nom du peuple italien 123 Emma Cliquet est responsable de l’aide aux entreprises de distribution de films de répertoire au sein du CNC. Propos recueillis lors d’une interview d’Emma Cliquet, Paris, le 3 juin 2014
  • 40. 38 La relation entre multiplexes et salles art et essai est délicate sur le patrimoine, car actuellement le cas est flagrant sur les films labellisés « Art et Essai ». Suite à une étude à la demande du CNC, les petites et moyennes exploitations se voient refuser l’accès à ces films, car ils sont diffusés dans les circuits de leur ville. Les films classés « Art et Essai » désertent les salles indépendantes alors que c’était celles-ci qui les avaient fait découvrir au public. Elles reprochent aux gros circuits qu’ils copient le travail des salles classées pour pouvoir alimenter leur programmation et qu’elles ne font aucun travail de découverte ni d’animations novatrices. Pour remédier à ce manque à gagner des salles indépendantes, le CNC envisage de mettre en place un « bonus Art et Essai »124 afin de dynamiser ces exploitations. Il se peut que sur ce même schéma, un « bonus Patrimoine et Répertoire » pourrait être mis en place, ou une autre forme de soutien pour les petites et moyennes exploitations travaillant les films de répertoire, afin de rééquilibrer les pertes. Emma Cliquet nous rappelle que « le CNC accompagne ce qui se passe, ne l’oriente pas, il faut veiller à un équilibre, nous sommes dans une économie de libre échange, de libre concurrence »125. Le directeur du ciné TNB de Rennes nous parle d’un cas type dans sa ville : « Quand Gaumont a voulu s’installer au plein coeur de Rennes, nous avions écrit une lettre au médiateur pour lui signaler cette concurrence frontale qui nous affaiblira. Malheureusement, le CNC ne peut réagir et Gaumont est depuis des années à Rennes. Le CNC ne peut rien faire, car à partir du moment où il n’y a pas de preuve, il faut agir une fois que le mal est là et gangrené »126. Par conséquent, il ne faut pas compter sur les pouvoirs publics pour aider les salles art et essai car il sera trop tard ; il faut plutôt qu’elles agissent en amont. De son côté, afin d’aider au mieux les petites et moyennes exploitations, l’ADRC127 se pose la question : « comment élargir le public ? »128 Car le public présent dans les salles art et essai est « un public vieillissant, un « public Télérama », il faut voir plus loin »129, selon Rodolphe Lerambert « La notion de patrimoine évolue, il faut proposait une cinématographie plus récente ». C’est pourquoi l’ADRC soutient des rétrospectives comme Kubrick avec des intervenants. Mais vont-ils développer un 124 Emma Cliquet, loc. cit. 125 Ibidem. 126 Jacques Fretel, loc. cit. 127 ADRC : Agence pour le Développement Régional du Cinéma. 128 Propos recueillis lors d’une interview de Rodolphe Lerambert, op. cit., 129 Ibidem.
  • 41. 39 travail plus en direction d’un public plus jeune ? Vont-ils soutenir plutôt des films de patrimoine moins porteurs pour permettre aussi à des films fragiles d’être diffusés au sein d’un réseau de salles correspondant plus à cette programmation ? Depuis 10 ans, les salles ont su travailler les films de patrimoine et fidéliser leurs spectateurs, ils ne vont pas les quitter du jour au lendemain, ce que nous assure Rodolphe Lerambert130. Pour contrer cette programmation au sein des multiplexes, l’ADRC propose de renforcer le travail existant : rendre les salles art et essai plus conviviales, présenter les films dans les meilleures conditions, proposer des horaires aménagés… Rodolphe Lerambert nous informe que les animations de l’ADRC seront renforcées pour leurs salles adhérentes sur : les partenariats avec Le festival de La Rochelle, la gratuité des expositions avec La Cinémathèque Française, la création d’un support papier avec le Centre Beaubourg. Ils vont chercher à se rapprocher davantage de l’actualité avec les sorties patrimoines, favoriser les articles de presses, continuer à développer les cycles et les rétrospectives et proposer plus d’intervenants en salles. C’est à travers le soutien de l’ADRC 131 que l’ACPA132 développe un avant-programme mis en place en 2013 133 qui n’est pas sans rappeler le travail d’Europalace avec Philippe Rouyer. Cet avant-programme est d’une durée de cinq minutes et propose à un spécialiste du cinéma de présenter le film de répertoire : Jean Baptiste Thoret sur Diamants sur canapé, NT Binh sur Boulevard du crépuscule, Charlotte Garson sur les films de Jacques Demy134, etc. Il pourra être diffusé aussi bien comme une bande annonce que comme avant la séance. Les films soutenus par cette action, sont ceux programmés au sein du « Ciné-mémoire » qu’initie l’ACPA dans la région d’Aquitaine. Chaque année, sept nouveaux programmes disponibles sous format DCP sur clef USB ou dvd et prochainement par voie dématérialisée135 seront proposés aux exploitants art et essai. Nous nous rendons compte que les pouvoirs publics attendent qu’il se passe quelque chose de dramatique pour pouvoir agir. Pour ne pas arriver à un stade tragique, un travail est mené pour aider à la programmation du patrimoine dans les salles indépendantes notamment influée par des associations. Parallèlement, les multiplexes étendent leurs choix de films sur du patrimoine. 130 Propos recueillis lors d’une interview de Rodolphe Lerambert, op. cit., 131 Agence pour le Développement Régional du Cinéma. 132 Association des Cinémas de Proximités en Aquitaine. 133 ACPA « Le Clap, avant-programmes », http://acpaquitaine.com/0809/?p=3894. 134 Ibidem.
  • 42. 40 II. UN DEVELOPPEMENT DE LA PROGRAMMATION DES FILMS DE PATRIMOINE CHEZ LES MULTIPLEXES QUI NE CESSE DE CROITRE Les réseaux d’exploitations développent une programmation bien spécifique sur le patrimoine. Toujours en misant sur de l’événementiel, elles vont mener un travail sur la redécouverte de ces oeuvres auprès de leurs publics. Chaque circuit s’entend pour mettre en valeur à leur façon cette nouvelle programmation afin de lui trouver une place justifiée dans leur grille. II. I. L’avenir des films patrimoniaux dans les gros circuits Les circuits mettent en place une programmation toujours événementielle afin de mettre en valeur les films patrimoniaux tout en élargissant leur choix de films. Kinépolis développe actuellement le patrimoine avec des cycles comme celui de Martin Scorsese programmé du 14 juin au 10 juillet et proposant cinq films du cinéaste. Un seul est en VF sur deux séances en soirée, à un tarif préférentiel de 6,50€136. Il met en place des soirées comme « soirée retour vers le futur » au 11 juillet avec les trois films programmés un vendredi soir. Les séances sont à 18h, 20h et 22h, avec une tarification globale de 13€137 pour toute la soirée. On remarque par ces programmations qu’il ne s’agit plus de rajouter une plus-value à la séance comme sur les « soirées filles » avec des partenaires et des animations. Cette stratégie est plutôt de mettre en valeur une cinématographie ou un cinéaste assez récent afin de toucher un nouveau public de cinéphile. Tout comme le proposent les salles indépendantes. CGR souhaite également développer cette programmation de films de patrimoine plus pointue. Ils vont soumettre à leur nouvelle directrice du Cherbourg CGR Odéon d’être force de proposition sur des titres de patrimoine. Ceci afin de monter ensemble un cycle régulier et national, en commençant avec six films dans l’année138. Ils font aussi un travail sur des films comme Scarface en proposant une soirée thématique « Mafia italienne », sous laquelle les mettre en valeur. Ils essayent de développer la programmation des films de patrimoine en proposant selon les actualités 136 Kinépolis, « Martin Scorseses est à l’honneur », http://kinepolis.fr/actualite/martin-scorsese-est-lhonneur-kinepolis. 137 Kinépolis, « Soirée Retour vers le futur », http://kinepolis.fr/splash?destination=films/retour-vers-le-futur. 138 Propos recueillis lors d’une interview de Patrice Martin, programmateur chez CGR, Paris, le 2 juin 2014
  • 43. 41 ces films aux spectateurs : Le Jour le plus long pour la commémoration de la guerre. Patrice Martin139 souligne le travail du CGR de Brignais programmant et organisant des soirées en local. Cette salle a su fidéliser un public et créer un ciné-club tous les jeudis soir avec au moins trente fidèles au rendez-vous. C’est alors qu’à la rentrée, UGC, selon Roxane Mont Sargues140, souhaite développer plus de communication, la mise en place d’un livret sur les films et l’accompagnement de ses séances avec des présentations plus uniformes. La programmation se fera conjointement avec Jean-Pierre Lavoignat (cofondateur de Studio Magazine) ce dernier pouvant même aller présenter des films en salles. Le développement des programmations répertoire au sein des multiplexes, amène les distributeurs à négocier avec les gros circuits sur la visibilité des films dans leurs salles. C’est le même type de négociation qu’avec les salles « art et essai ». Chaque circuit a ses contraintes, il faut savoir s’y adapter et répondre au mieux à leur demande ou parfois il faut savoir refuser ces exigences. CGR souhaite que la circulation des copies soit payée par le distributeur autant que l’envoi du marketing. Quant à UGC, il commence à négocier le pourcentage quand il s’agit d’un film de catalogue. Europalaces va commencer à valoriser sa programmation exclusivement sur des titres dématérialisés, tout en prévoyant quelques DCP physiques en cas de problèmes informatiques. Parfois, des tentatives de programmations de films de répertoire échouent comme chez UGC. Roxane Mont Sargues141 nous dévoile que certains cycles mis en place ont été arrêtés, car ils ne trouvaient pas leur public. Ou encore Europalaces qui avaient développé « La leçon de Cinéma » avec François Bégaudeau tous les deux mois, mais ce cycle n’a pas fonctionné autant que voulu142, donc il a été arrêté. Cependant, Europalaces ne se laisse pas abattre pour autant et va développer le patrimoine dans son réseau notamment en créant une salle réservée à cette programmation en plein coeur de Paris. 139 Ibidem. 140 Roxane Mont Sargues, loc. cit. 141 Ibidem. 142 Natalie Vrignaud et Marina Telkos, loc. cit.
  • 44. 42 II. II. Vers un multiplexe spécialisé Les salles art et essai se plaignent du nombre de sortie croisant des films de répertoire sur le marché français et du peu d’écrans pour tous les accueillir. À savoir qu’un distributeur de patrimoine doit attendre en moyenne quatre à six mois pour dater un film à Paris. Cette contrainte prive le distributeur de ne pouvoir travailler sur les actualités. La donne qui va chambouler beaucoup le marché de répertoire à Paris, puis la France, est le futur multiplexe consacré aux films de patrimoine. Il s’agit d’un Pathé implanté aux Gobelins qui se nommera Les Fauvettes. En hommage à son nom historique, La Fauvette, étant un mono-écran, ce dernier proposera cinq salles. Ce qui va donc offrir plus d’écrans pour le patrimoine à Paris, pour les sorties nationales. Lors d’un entretien avec la future directrice de la salle, Natalie Vrignaud143, elle nous explique que pour le moment la ligne éditoriale n’est pas encore très claire. Mais que le déploiement d’Europalaces sur ce marché du patrimoine est une véritable volonté de Jérôme Seydoux « il a un amour profond pour cette catégorie de films »144. L’ouverture du cinéma est prévue pour mai/juin 2015, proposant un hall avec une salle d’exposition pour accompagner leur programmation. Ils envisagent un développement autour des films « jeune public » avec une programmation spécifique accompagnée par des ateliers et des animations ; un pianiste à domicile sera présent afin d’organiser régulièrement des ciné-concerts. Une programmation sera pensée autour des films de catalogue selon l’actualité : au moment de la sortie du second opus d’Avatar, le premier sera programmé aux Fauvettes. L’idée n’est pas de travailler exclusivement sur des films labellisés « Patrimoine et Répertoire » mais aussi de s’ouvrir à des films de catalogue, d’ailleurs ils ne vont pas être demandeur du label au près du CNC, nous a-t-on confié145. Le cinéma les Fauvettes d’Europalaces souhaite se démarquer de son offre modulaire146, faisant référence au modèle de l’offre de Grönroos147, que propose le circuit habituellement. Pour cela, on nous a affirmé qu’il n’y aurait pas de « pop-corn » en vente mais plutôt des aliments plus modernes comme des cupcakes, favorisant cette volonté de toucher un public jeune et urbain148. Cependant, ils se posent la question de 143 Étant déjà à l’initiative de la première programmation des films de patrimoine au sein des circuits en France. Natalie Vrignaud et Marina Telkos, loc. cit. 144 Étant déjà à l’initiative de la première programmation des films de patrimoine au sein des circuits en France. Ibidem. 145 Ibidem. 146 Hélène Laurichesse, « Le marketing en salle », Quel marketing pour le cinéma, Paris, CNRS, 2006, p. 30. 147 Annexe 2. 148 Natalie Vrignaud et Marina Telkos, loc. cit.