2. Ouvrage publié avec le concours du Groupe OCP. Toutefois, les opinions qui
y sont exprimé n’engagent que leurs propres auteurs.
Publications de l’Association d’Etudes
et de Recherches pour le Développement
Tous les droits sont réservés
Première édition 2011
L’Harmattan
ISBN
978-2-296-13666-3
Nadacom Design
Dépôt légal
2011 MO…..
3. Sous la direction de
Driss GUERRAOUI et Philippe CLERC
INTELLIGENCE TERRITORIALE ET
DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR
L’ENTREPRISE
Expériences internationales comparées
Actes de la Rencontre Internationale de Dakhla
Association d’Etudes et de Recherche 7, rue de l’Ecole Polytechnique
pour le développement 75005 Paris France
BP 8842
Adgal Rabat Maroc
4.
5. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 5
LISTE DES AUTEURS
M.Abderrafie Hanouf, Directeur Général de Medz Sourcing, Rabat
Dr André Joyal, Professeurs des Universités, membre du Centre de
Recherche sur le Développement Territorial, Québec, Trois-Rivières,
Canada
Pr Alain Redslob, Professeur à l’Université Panthéon-Assas, Paris II
Dr Dale Murphy, Dubai School of Government , Emirat Arab Unis
Pr Driss Guerraoui , Université Mohammed V Rabat Agdal, Président de
l’Association d’Eudes et de Recherches pour le Développement
M. Emmanuel Dierckx De Casterlet, Ancien Coordinateur du Système des
Nations Unies au Maroc, Economiste de l’Université de Louvain, Belgique
Pr François-Xavier Level, Président de Europa Inter Cluster
M. Fouad Brini, Directeur Général de l’Agence pour la Promotion et le
Développement des Provinces et Préfectures du Nord du Royaume
Pr Gildas Bondi Professeurs à l’Université de Picardie
Pr Henri Dou, Professeur émérite, Directeur d’Atelis, Research professor
Peking University
Pr Horst Brezinski, Directeur du MBA International Business in Developping
and Emerging Markets , Université de Freiberg,
Pr Ismail Ould Khalef, Economiste, Directeur de la programmation à la
Direction Générale de la Coordination Gouvernementale au Secrétariat
Général du Gouvernement, Mauritanie
Pr Jean Louis Levet, Economiste, ancien Directeur de l’Institut de
Recherche Economiques et Sociales, Paris
Dr Jones-Hendrickson, Professeur à l’Université the Virgin Islande,
Former Ambassador of St. Kitts and Nevisto CARICOM , the OECS and
the ACS, Iles Caraïbes
Pr Jacky Kister, Directeur de Recherche au CNRS, France
M. Jean Yves Delaune , Président de Cluster WEST, France
Karim Angay, Agence du Sud
M. Laurent Malvezin, Sécurité Sans Frontières, Directeur Asie
Pr Luiz Fernando Bessa, Université de Brasilia, Brésil
6. 6 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
Dr Manuel Juan Ciruzzi, Conseiller, Gouvernement de la ville de Buenos
Aires, Argentine
Mohammed Houmaymid, Agence du Sud
Pr Mohamed Haddar, Professeur de Sciences économiques, Université
de Tunis
Pr Mohammed Benlahcen Tlemçani, Expert international, Maitre de
Conférences à l’Université de Perpignan Via-Dopmitia
M. Michel Dieudonné, Vice-président de l’Assemblée des Chambres
Françaises de Commerce et d’Industrie
Pr Michel Hollard, Professeur émérite à l’Université Pierre Mendés
France de Grenoble 2
Pr Mostafa Kharoufi, Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II,
Secrétaire Général de l’Association d’Etudes et de Recherches pour le
Développement, Rabat, Maroc
Mme Marie Brigaud, Administratrice de l’Association Internationale
d’Intelligence Economique
Dr Mamadou Youry Sall, Directeur de l’insertion et des relations avec les
entreprises, Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal
Pr Mario Sandoval, Vice Président de l’Association Internationale
Francophone d’Intelligence Economique
Mme Nina Quelenis, Responsable de l’intelligence économique au Pôle
de compétitivité industrielle et agro-ressources, France
Pr Pierre Bonte, Directeur de Recherche émérite au CNRS, Laboratoire
d’Anthropologie Sociale, Collège de France, Paris
M. Philippe Clerc, Président de l’Association Internationale Francophone
d’Intelligence Economique
Pr Rachid Benmokhtar Benabadallah, Ancien Ministre, Président de
l’Observatoire National du Développement Humain
Pr Srdjan Redezpagic, Directeur Adjoint de l’Institut de Sciences
Economiques de Belgrade, Serbie
Pr Sabah Chraïbi, Economiste, Université Internationale de Casablanca
Pr Traore Boubakar, Directeur de la prospective industrielle et de l’intelligence
économique, Chambre de Commerce et d’Industrie du Burkina Faso
Pr VU Manh Chiên, Directeur des Relations Internationales, Université
du commerce, Vietnam
M. Vincent Perrault, Journaliste, Chef du service économique, LCI
Capitaine Xavier Leonetti, Direction Générale de la Gendarmerie
Nationale, bureau de la veille opérationnelle intelligence économique, Paris
Pr Zayer El Majid, Directeur de la technologie, MENESFCRS
7. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 7
TABLE DES MATIÈRES
Conférences inaugurales
- Pr François-Xavier Level, Président de Europa Inter Cluster : Convergences
globales, divergences locales, le nécessaire renouveau de l’intelligence
stratégique
- Pr Rachid Benmokhtar Benabadallah, Ancien Ministre, Président de
l’Observatoire National du Développement Humain: Développer les régions par
la connaissance et la technologie : un nouveau pari pour créer de la richesse et de
l’emploi en exploitant les spécificités territoriales
- Pr Jean Louis Levet, Economiste, ancien Directeur de l’Institut de Recherche
Economiques et Sociales, Paris : industrialisation et localisation des activités :
une réponse à la grande mutation mondiale en cours
I- Politiques d’intelligence territoriale
- Pr VU Manh Chiên, Directeur des Relations Internationales, Université du
commerce, Vietnam : Intelligence économique et territoriale, une approche
nécessairement contingente : le cas du Vietnam
- Dr Manuel Juan Ciruzzi, Conseiller, Gouvernement de la ville de Buenos
Aires, Argentine : le modèle Argentin d’intelligence territoriale face aux
situations d’urgence et aux catastrophes, le cas de la ville de Buenos Aires
-M.Laurent Malvezin, Sécurité Sans Frontières, Directeur Asie : Stratégie
d’intelligence territoriale et développement économique en République Populaire
de Chine depuis 2000
-M.Abderrafie Hanouf, Directeur Général de Medz Sourcing, Rabat : les
déclinaisons territoriales des politiques sectorielles du Maroc, l’expérience de
Medz Groupe CDG
- Dr Dale Murphy, Dubai School of Government , la dynamique économique
des territoires, leçons de l’expérience de Dubai
II- Grappes d’entreprises et dynamiques des territoires
-Pr Luiz Fernando Bessa, Université de Brasilia, Brésil : Groupes locaux de
production et développement régional au Brésil
8. 8 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
-Dr André Joyal, Professeurs des Universités, membre du Centre de
Recherche sur le Développement Territorial, Québec, Trois-Rivières,
Canada : l’intelligence territoriale au service des PME innovantes en régions
non métropolitaines : expériences Canadiennes et Brésiliennes
- Pr Srdjan Redezpagic, Directeur de l’Institut de Sciences Economiques de
Belgrade, Serbie : la crise mondiale et les dynamiques régionales, concurrence
et coopération : le rôle des PME
-M. Jean Yves Delaune, Président de Cluster WEST , France : Grappes
d’entreprises etr dynamique des territoires, l’exemple de Cluster WEST
-Pr Traore Boubakar, Directeur de la prospective industrielle et de
l’intelligence économique, Chambre de Commerce et d’Industrie du Burkina
Faso : l’expérience de la Chambre de Commerce et d’Industrie en matière
d’intelligence territoriale à travers le projet RIC
- Pr Driss Guerraoui , Université Mohammed V Rabat Agdal, Président
de l’Association d’Eudes et de Recherches pour le Développement : le
développement régional par l’entreprise, les attentes des jeunes des zones
phosphatières du Groupe OCP , résultats d’une enquête
- M. Fouad Brini, Directeur Général de l’Agence pour la Promotion et le
Développement des Provinces et Préfectures du Nord du Royaume, Dynamique
économique des territoires du Nord, les défis de l’avenir
- Karim Angay, Agence du Sud
- Mohammed Houmaymid, Agence du Sud
III- Management du développement régional : organisations, instruments
innovants, facteurs d’attractivité et modalités de financement
-Pr Mohamed Haddar, Professeur de Sciences économiques, Université de
Tunis : incitations et développement régional : le cas de la Tunisie
-M. Emmanuel Dierckx De Casterlet, Ancien Coordinateur du Système des
Nations Unies au Maroc, Economiste de l’Université de Louvain, Belgique :
intelligence territoriale et développement régional, le cas des provinces du Sud
du Maroc
-Pr Mohammed Benlahcen Tlemçani, Expert international, Maitre de
Conférences à l’Université de Perpignan Via-Dopmitia, Economie de la
connaissance et politiques territoriales d’attractivité
-Pr Henri Dou, Professeur émérite, Directeur d’Atelis, Research professor Peking
University : innovation et développement régional, intelligence compétitive et
création de savoir pour l’action
IV- Dynamiques des territoires : concurrence et coopération
9. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 9
-Dr Jones-Hendrickson, Professeur à l’Université the Virgin Islande, Former
Ambassador of St. Kitts and Nevisto CARICOM , the OECS and the ACS,
Iles Caraïbes : Intégration régionale et dynamique des territoires dans les Iles
Carailbes
-Pr Gildas Bondi , Professeur à l’Université de Picardie : le partenariat public-
privé dans l’élaboration de la politique territoriale entre coopération et stratégie
d’influence
- M. Michel Dieudonné, Vice-président de l’Assemblée des Chambres
Françaises de Commerce et d’Industrie, la coopération entre les Réseaux
Marocain et Français de Chambres de Commerce et d’Industrie, pour un défi
- Pr Alain Redslob, Professeur à l’Université Panthéon-Assas, Paris II :
intelligence stratégique et politiques innovantes
-Pr Michel Hollard, Professeur émérite à l’Université Pierre Mendés France de
Grenoble 2 : Conventions et milieu innovant, le cas de la région grenobloise
- Pr Mostafa Kharoufi, Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, Secrétaire
Général de l’Association d’Etudes et de Recherches pour le Développement,
Rabat, Maroc : la dynamique territoriale au Maroc ente le volontarisme politique
et le réalisme économique
- Mme Marie Brigaud, Administratrice de l’Association Internationale
d’Intelligence Economique : Intelligence territoriale et cohésion sociale ou
comment la créativité et l’innovation sociale participent aussi au développement
d’un territoire
-Mme Nina Quelenis, Responsable de l’intelligence économique au Pôle de
compétitivité industrielle et agro-ressources, France : intelligence économique
collaborative : outil d’innovation au service du développement territorial et
entrepreneurial
V- partenariat Université Entreprise Région : expériences internationales
comparées
-Pr Horst Brezinski, Directeur du MBA International Business in Developping
and Emerging Markets , Université de Freiberg, Allemagne : Comment former le
partenariat université-entreprise pour le développement soutenable de la région,
Expérience de la région de Freiberg / Saxe en Allemagne
-Dr Mamadou Youry Sall, Directeur de l’insertion et des relations avec les
entreprises, Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal : l’université, lieu
de jonction entre les acteurs de la Cité, l’expérience de l’UGB du Sénégal
-Pr Zayer El Majid, Directeur de la technologie, MENESFCRS : le partenariat
Université entreprise, l’expérience Marocaine
- Pr Jacky Kister, Directeur de Recherche au CNRS , France : Application des
concepts de l’Intelligence Compétitive et de la veille stratégique à un laboratoire
10. 10 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
de recherche, une réponse aux questions sociétales et industrielles, le cas des
huiles végétales et essentielles, un modèle transférable pour une collaboration
Marocco-Française
VI- Territoires et sécurité économique
- Capitaine Xavier Leonetti, Direction Générale de la Gendarmerie
Nationale, bureau de la veille opérationnelle intelligence économique,
Paris : Sécurité économique et territoires : les nouveaux enjeux de la
compétitivité mondiale
- Pr Ismail Ould Khalef, Economiste, Directeur de la programmation à
la Direction Générale de la Coordination Gouvernementale au Secrétariat
Général du Gouvernement, Mauritanie : Pays Pauvres Très Endettés et
sécurité économique
- Pr Sabah Chraïbi, Economiste, Université Internationale de Casablanca :
intelligence territoriale et enjeux de sécurité, le cas de Casablanca
- Pr Mario Sandoval, Vice Président de l’Association Internationale
Francophone d’Intelligence Economique : sécurité et développement territorial
VII- Conférence de clôture
Pr Pierre Bonte, Directeur de Recherche émérite au CNRS, Laboratoire
d’Anthropologie Sociale, Collège de France, Paris : Sociétés et Culture Ouest-
Sahariennes, Saqiyat Al-Hamra et Tiris
VIII- conclusions et enseignements
M. Vincent Perrault, Journaliste, Chef du service économique, LCI
IX- Déclaration de Dakhla
X- Postface
Hommage à la rencontre internat ionale de Dakhla
M. Jean – Yves Delaune
11. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 11
AVANT-PROPOS
Le présent ouvrage comprend les travaux de la rencontre internationale
organisée à Dakhla les lundi 22 et mardi 23 novembre 2010 par
l’Association Internationale Francophone d’Intelligence Economique et
l’Association d’Etudes et de Recherches pour le Développement sur le thème : «
intelligence territoriale et développement régionale par l’entreprise, expériences
internationales comparées ».
Cette rencontre a bénéficié d’un partenariat exemplaire avec le Ministère de
l’Education Nationale, l’Enseignement Supérieur, la Formation des Cadres
et la Recherche Scientifique, Le Ministère de l’Industrie, du Commerce et des
nouvelles Technologies, Le Groupe de l’Office Chérifien des Phosphates , La
Wilaya de Région de Oued Eddahab-Lagouira, L’Agence pour la Promotion et
le Développement des Provinces et Préfectures du Sud du Royaume du Maroc,
l’Association Marocaine d’Intelligence Economique et la Royal Air Maroc.
Elle a vu la participation d’experts, de chercheurs, d’acteurs publics et privés,
locaux, régionaux, nationaux et internationaux, des entreprises et réseaux
d’entreprises, des agences régionales de développement, des chambres et
associations socioprofessionnelles, et des représentants des média venus
d’Afrique, du Maghreb, d’Europe de l’Est et d’Ouest, d’Amérique du Nord et du
Sud, des Iles Caraïbes et d’Asie.
Nous tenons à présenter à toutes et à tous nos vifs remerciements et notre
gratitude sincère pour leur confiance.
Qu’ils trouvent ici l’expression de notre profonde reconnaissance pour leurs
contributions à l’aboutissement de cette œuvre d’intérêt académique et
développemental.
Driss Guerraoui et Philippe Clerc
12.
13. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 13
NOTE DE PRESENTATION
Driss Guerraoui, Président de l’AERED et Philippe Clerc, Président de l’AIFIE
L’entreprise au cœur de la compétitivité des territoires
L’ analyse comparée des expériences menées de par le monde en matière
d’attractivité et de compétitivité des territoires dans une économie
globale et ouverte incite à repenser en des termes nouveaux l’articulation
entre « Intelligence territoriale et développement régional par l’entreprise ».
A vrai dire plusieurs impulsions et signaux sont venus confirmer la nécessité
d’une telle réflexion et d’un tel échange à destination des acteurs des milieux
innovateurs : les entreprises, les réseaux d’entreprises, les universités, les
agences de développements, les investisseurs et bailleurs de fonds, les chambres
socioprofessionnelles, les confédérations d’entreprises et les décideurs publics
locaux et centraux.
Ces impulsions et ces alertes sont clairement identifiées dans des travaux de
réflexion et d’analyses récentes, de même que dans la formulation des politiques
publiques industrielles, et technologiques, notamment depuis les cinq dernières
années. Un état de l’art de ces travaux et une première évaluation de ces politiques
révèle l’émergence et le développement de comportements stratégiques des
acteurs des régions confrontés à de nouvelles conditions et des formes de
concurrence souvent inédites. En tendances saillantes, il s’agit particulièrement
du rôle central de l’entreprise et des dynamiques entrepreneuriales et de la
montée en puissance de l’intelligence stratégique comme mode de management
des situations de développement régional et de la formalisation de politiques
publiques d’intelligence territoriale.
Par ailleurs, dans les rapports des organisations internationales compétentes en
matière d’aide au développement ou d’appui au co-développement, nous pouvons
noter une orientation très claire plaçant les entreprises, les grappes d’entreprise
au cœur des nouvelles dynamiques de croissance ou de rattrapage. A cet égard,
l’Assemblée générale de la Conférence Permanente des Chambres de commerce
Africaines et francophones, tenue en novembre 2009 à Abidjan, a permis d’apporter
14. 14 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
un éclairage empirique comparé novateur à partir de la mise en perspective de la
relation entre « territoires, grappes d’entreprises et intelligence stratégique ».
En complément à toutes ces initiatives, des réflexions approfondies ont été lancées
à l’échelle européenne comparant le management stratégique de 250 régions
européennes, où le rôle des pôles de compétitivité et de l’intelligence stratégique
y apparaît essentiel.
Deux constats majeurs ressortent de ces différentes réflexions et expériences :
- La place centrale de l’acteur « entreprise » et de la dynamique entrepreneuriale
dans les stratégies de développement des régions et dans le développement
des milieux innovateurs.
- Le besoin de mise en œuvre d’un management stratégique du développement
régional guidé par les techniques de l’intelligence économique et conduisant
à mettre en place des politiques d’intelligence territoriale au service de
l’innovation.
Les conditions et les formes nouvelles de concurrence entre les régions et
les territoires
L’exacerbation des concurrences entre villes et régions, au sein des univers
économiques et sociaux des pays développés, entre régions et territoires du Sud,
mais aussi entre régions du Nord et du Sud est une réalité quotidienne pour les
décideurs et les acteurs de ces écosystèmes. Les champs de force s’organisent
au gré des dynamiques discontinues, voire contradictoires entre polarisations
et éclatements. Un phénomène se fait jour croisant de « convergence globale et
divergences locales ». Cette dynamique générale se traduit par :
- des « effets d’agglomération cumulatifs » (migrations du travail et des
compétences, relocalisations d’entreprises ou création de clusters et de
grappes) là où le capital social, « le génie collectif » est attractif,
- des « effets de défaillances cumulatives » (économiques, sociales, culturelles
et institutionnelles) dans les régions mobilisant difficilement le capital social
et l’intelligence collective.
De ce fait, certains observateurs avisés1 ont vu poindre une tension majeure entre
modes de développement régional, dont deux sont essentiels:
1 Marjorie JOUEN, « le développement local endogène, éternel parent pauvre des stratégies de
développement ? »,in Population & Avenir, HS, avril 2008 – Penser le futur.
15. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 15
- La dynamique de développement régional endogène dans laquelle « la
composante sociale, partenariale et ascendante » est le moteur, le levier, mais
dont l’efficacité est encore faible, en raison d’une formalisation faible du
processus stratégique.
- La dynamique de développement régional exogène dans laquelle la logique
d’attractivité est centrale. Où la compétitivité et la performance globale
se fondent sur « la réappropriation à des fins concurrentielles des facteurs
immatériels » tels que le capital social, les pratiques culturelles et le « génie
collectif ».
Les enseignements tirés des expériences comparées dans ce domaine favorisent
une démarche fondée sur la nécessaire articulation entre les deux approches par
les stratèges régionaux. Les enjeux mondialisés du développement redonnent une
légitimité forte aux systèmes locaux d’innovation au sein desquels les entreprises
apparaissent comme un moteur déterminant entrainant les autres acteurs de
l’écosystème. Le pilotage de ce croisement, sa mise en stratégie nécessite une
réflexion approfondie qui ne pourra se déployer et s’enrichir qu’au travers d’une
analyse comparée d’expérience animées par des cultures de développement
régionales diversifiées quelles soient latines, anglo-saxonnes, méditerranéennes ou
africaines( Pr François-XavierLevel, Pr Rachid Benmokhtar Benabadallah,
Pr Jean Louis Levet).
Mais alors, les décideurs et développeurs régionaux ont impérativement besoin
de nouvelles grilles de lecture et de nouveaux modes opératoires pour :
- envisager en connaissance de cause à la fois les mutations industrielles, les
ruptures technologiques, les fractures sociales et les chemins de la croissance,
- éviter les situations de dépendances stratégiques.
Evaluer l’impact des options stratégiques et les sources de risques induits nécessite
une acuité informationnelle et une capacité de manœuvrabilité, que seule une
fluidité dans les systèmes d’aide à la décision rend possible. L’intelligence
territoriale en tant que produit des organisations et des méthodes innovantes est
adaptée à cette urgence.
Le présent ouvrage issu des travaux de la rencontre internationale organisée
du 22 au 25 novembre 2010 à Dakhla, au cœur des provinces sahariennes du
Royaume du Maroc, croise donc l’intelligence territoriale envisagée comme
stratégie publique et collective d’appui à la coproduction du développement
régional et aux logiques de développement territorial par l’entreprise. Son apport
est original à deux titres. Par son entrée « entreprises » et par l’étalonnage des
expériences internationales qu’elle propose, la région et la territorialisation du
développement étant le dénominateur commun de cette démarche.
16. 16 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
Dans cette perspective les experts, les chercheurs, les acteurs publics et privés,
locaux, régionaux, nationaux et internationaux, les entreprises et réseaux
d’entreprises, les agences régionales de développements, les associations
socioprofessionnelles et les institutions internationales qui y ont contribués
analysent et interrogent à travers les expériences qu’ils présentent les stratégies
d’intelligence territoriales, leurs enjeux et perspectives et ce à partir de plusieurs
clés d’entrée :
1- les politiques d’intelligence territoriale où les auteurs tentent de mettre
en perspective les différents types « d’intelligence territoriales » à la source
des politiques qu’elles engendrent dans les pays et les territoires définis par
des destins de développement spécifiques, des modes de gouvernance et des
organisation typiques. A partir des expériences du Vietnam, de la France,
du Maroc, de Dubaï, du Brésil , de Chine et des programmes de l’Union
européenne, ils ont pu identifier les contenus, les objectifs et les facteur de
réussite de ces politiques en prenant soin d’en définir la valeur ajoutée par
rapport aux classiques politiques régionales ou de développement local et
la complémentarité par rapport aux approches de prospective territoriale
(Pr VU Manh Chiên, Dr Manuel Juan Ciruzzi, M.Laurent Malvezin,
M.Abderrafie Hanouf,Dr Dale Murphy).
2- les grappes d’entreprises et dynamique des territoires
A ce niveau, les auteurs ont essayé de mettre en perspectives les réseaux
d’entreprises, les filières, les pôles de compétitivité, les « clusters » et les grappes
d’entreprises qui sont devenus dans les économies du Nord comme du Sud des
organisations productives « stratégiques » au cœur des dynamiques des territoires.
Communautés de destins productifs et commerciaux, réseaux de savoir, ils sont
source d’innovation et de performance collective, notamment en mobilisant
les capacités d’intelligence de marchés, des techniques et des savoir faire au
service de ses membres pour trouver de nouveaux chemins de développement.
Dans ce cadre, les contributions présentées examinent cette dynamique, en
en déterminant les leviers avec leurs forces et leurs faiblesses en se basant sur
des retours d’expériences et d’analyses du Nord au Sud ( Pr Luiz Fernando
Bessa, Dr André Joyal, Pr Srdjan Redezpagic, M. Jean Yves Delaune, Pr
Traore Boubakar, Pr Driss Guerraoui , M. Fouad Brini, Karim Angay,
Mohammed Houmaymid).
3- Le management du développement régional : organisation, instruments
innovants, financement et promotion des facteurs d’attractivité des
territoires
Repenser l’articulation entre « Intelligence territoriale et développement régional
par l’entreprise » et faire œuvre d’innovation en stratégie nécessite de penser le
17. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 17
« nouveau management » du développement régional. En tendances saillantes,
il s’agit particulièrement de la concevoir autour du rôle central de l’entreprise
et des dynamiques entrepreneuriales dans une logique de co-construction public
privé. Ici nous assistons au Nord comme au Sud à la montée en puissance des
outils de l’intelligence stratégique comme mode de management des situations
de développement régional et de la formalisation de politiques publiques
d’intelligence territoriale ( Pr Mohamed Haddar, M. Emmanuel Dierckx De
Casterlet, Pr Mohammed Benlahcen Tlemçani, Pr Henri Dou).
Cela fait porter à l’ensemble des acteurs et des parties prenantes des milieux
innovateurs, des pilotes des stratégies locales, une responsabilité, notamment en
ce qui concerne la maîtrise de ces nouveaux instruments : les investisseurs et
bailleurs de fonds, les chambres de commerce, les chambres socioprofessionnelles
et les décideurs publics locaux et centraux. Les auteurs ici ont tenté de restituer
l’état de l’art en la matière à travers notamment les avancées de l’Europe
(organisation des coopérations entre clusters européen en utilisant les techniques
de l’intelligence stratégique) et les innovations remarquables des réseaux de
la francophonie économique en la matière (35ième Assemblée générale de la
conférence permanente des chambres de commerce africaines et francophones,
2009).
L’attractivité du territoire produite et engagée par la stratégie d’intelligence
territoriale conditionne le financement des actions de développement. Les
contributions présentent et analysent les logiques de financement à l’œuvre au
regard des dynamiques qui influencent les financeurs notamment celles dites de
« convergence globales et divergences locales » :
- Financement des situations locales caractérisées par une attractivité
compétitive, y compris dans des pays en développement qui valorise l’actif
entrepreneurial des grappes d’entreprises auprès des bailleurs de fond privés
et institutionnels.
- Financement des situations locales caractérisées par des « effets de défaillances
cumulatives » économiques, sociales, culturelle et institutionnelles dans des
régions mobilisant difficilement le capital social et l’intelligence collective.
4- Dynamiques des territoires : concurrence et coopération
L’exacerbation des concurrences, mais aussi de la nécessité concomitante de
coopération entre villes et régions, « territoires concurrents », entre entreprises,
entre filière, entre grappes et réseaux concurrents au sein des univers économiques
et sociaux des pays développés, entre régions et territoires du Sud, mais aussi
entre régions du Nord et du Sud, est une réalité quotidienne pour les décideurs
et les acteurs de ces écosystèmes locaux. Les champs de force et les stratégies
18. 18 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
de puissance (tentatives de domination des marchés) s’organisent au gré des
dynamiques de compétition. Dans ce cadre, les experts ont à cœur d’illustrer et
d’analyser ces dynamiques contradictoires que les décideurs territoriaux doivent
prendre en compte dans leurs stratégies (Dr Jones-Hendrickson, Pr Gildas
Bondi , M. Michel Dieudonné, Pr Alain Redslob, Pr Michel Hollard, Pr
Mostafa Kharoufi, Mme Marie Brigaud, Mme Nina Quelenis).
5- Le partenariat Universités Entreprises Région : résultats et perspectives
d’évolution
L’émergence de pôles de compétitivité gagnants et le développement de territoires
d’excellence est intimement lié à la capacité des nations et des firmes à promouvoir
des systèmes d’innovation pertinents en phase avec les nouvelles formes de
concurrence impulsées par la mondialisation des économies et la globalisation
des échanges. Le partenariat entre les Centres de Recherches, les Universités,
les Entreprises et les Régions en est un des leviers majeurs. Les expériences
Allemande, Sénégalaise, Canadienne, Marocaine et Française en constituent une
illustration, tant par la les résultats obtenus qu’au regard des perspectives que ce
partenariat ouvrent pour les entreprises et les collectivités territoriales concernées
(Pr Horst Brezinski, Dr Mamadou Youry Sall, Pr Zayer El Majid, Pr Jacky
Kister).
6- La sécurité économique des territoires
La sécurité économique mise à mal par la crise s’impose comme un pilier
essentiel de la politique territoriale d’intelligence économique et de toute stratégie
de l’entreprise et de ses organisations (filières, grappes, clusters, pôles). Pas
d’exposition sur les marchés ou dans une négociation sans organiser la sécurité
économique. C’est-à-dire sans une connaissance précise des intérêts clés du
territoire, de l’entreprise ou du pôle de compétitivité pour mieux les protéger et
rendre la stratégie plus efficace. Les contributions présentées essayent de dégager
une vision novatrice de la sécurité économique et des méthodes à mettre en œuvre.
Il s’agit de la sécurité dont l’objet est d’assurer les conditions de développement
économique et social harmonieux et dont l’objectif est de viser le bien être des
populations du territoire. Novatrice au sens où sa finalité est de veiller aux enjeux
stratégiques du territoire, incluant le capital social, le génie humain et d’anticiper
les risques de dépendance stratégiques (Capitaine Xavier Leonetti, Pr Ismail
Ould Khalef, Pr Sabah Chraïbi, Pr Mario Sandoval).
En définitive, offrir un éclairage utile, intelligent et stratégique pour les décideurs
régionaux sur les freins et les leviers qui facilitent le développement des régions
apparait comme une démarche incontournable. L’entreprise (Grands groupes et
PME) jouant un rôle majeur dans cette dynamique, il est évident que le ou les
19. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 19
projets « socialisés » occuperont la place de catalyseur dans le développement
territorial.
En conclusion, force est de constater que les travaux présentés dans cet ouvrage
recentrent dans ce contexte les « invariants » et les tendances m ajeures à
partir desquels les stratégies d’intelligence territoriales pourront se développer
(M.Vincent Perrault).
Toutefois, si l’intelligence économique territoriale à partir des expériences
internationales comparées a montré sa pertinence pour la mise en œuvre de
stratégies pertinentes de développement régionale par l’entreprise, la culture,
l’histoire, la géographie, l’anthropologie, l’ethnologie et la sociologie sont d’une
importance cruciales pour en comprendre les dimensions cachées, les racines
profondes et les soubassements intimes (Pierre Bonte).
La Déclaration finale, fruit de la rencontre internationale de Dakhla, est le
produit de cette intelligence collective. Elle offre une opportunité aux experts,
chercheurs et développeurs qui l’ont unanimement adoptée en vue d’approfondir
cette thématique d’une réelle importance pour le développement régional par
l’entreprise à la faveur des pays des cinq continents qui y ont participé, tout
en traçant le cadre institutionnel futur pour assurer la continuité à la fois de
la réflexion et de l’action et ce selon une démarche pouvant ouvrir la voie à
l’intelligence territoriale prospective.
20.
21. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 21
CONFÉRENCES INAUGURALES
Convergences globales, divergences locales,
le nécessaire renouveau de l’intelligence stratégique
François-Xavier Level,
Président de Europa InterCluster
C’ est un grand honneur que de participer à cette rencontre internationale
et de pouvoir « frotter et limer notre cervelle contre celle d’autrui »,
pour reprendre la belle expression de Montaigne. Surtout ici, à Dakhla, où firent
escale les pionniers de l’Aérospatiale : à certains égards, Mermoz, Saint Exupéry,
Guillaumet furent les pionniers de la mondialisation en ouvrant ainsi les premiers
lignes intercontinentales…
Quels sont les enjeux et les perspectives des stratégies d’intelligence territoriale ?
La question est d’actualité. En mars 2010, la Commission européenne présentait
sa nouvelle stratégie sur dix ans, destinée à relancer l’économie européenne.
Intitulée Europe 2020, celle-ci vise à développer une croissance «intelligente,
durable et inclusive» :
- une croissance intelligente : développer une économie fondée sur la connaissance
et l’innovation
- une croissance durable: promouvoir une économie plus efficace dans
l’utilisation des ressources, plus verte et plus compétitive.
- une croissance inclusive: encourager une économie à fort taux d’emploi
favorisant la cohésion sociale et territoriale
Parmi les actions visant à atteindre les objectifs de croissance intelligente fixés
dans cette stratégie «Europe 2020», il est proposé d’élaborer des « stratégies
de spécialisation intelligente », notamment à l’échelon régional. L’objectif est
de concentrer les ressources sur les domaines d’avantage comparatif les plus
prometteurs, par exemple des grappes d’entreprises, des secteurs existants ou des
activités transsectorielles, l’éco-innovation, des marchés à haute valeur ajoutée
ou des domaines de recherche spécifiques.
22. 22 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
Ce recensement des activités à haute valeur ajoutée les plus susceptibles de
renforcer la compétitivité d’une région nécessite une intelligence stratégique.
Pour que leurs effets soient les plus grands, les ressources consacrées à la R&D
et à l’innovation doivent atteindre une masse critique et être accompagnées
de mesures visant à renforcer les qualifications, les niveaux d’éducation et les
infrastructures cognitives.
La spécialisation intelligente n’est pas une stratégie imposée d’en haut: les
entreprises, les centres de recherche et les universités doivent collaborer pour
définir quels sont les domaines de spécialisation les plus prometteurs d’une
région.
Mais dans quel contexte global s’inscrit cette stratégie de spécialisation
intelligente ? Une intelligence de situation s’impose.
Dans la dynamique de la mondialisation, on peut admettre, comme grille de
lecture, un scénario tendanciel axé sur le dilemme « Convergences globales,
divergences locales ». La mondialisation des marchés et des chaînes de valeur,
le développement de réseaux hors-sol, a-territoriaux, virtuels, autant de signes
visibles d’une convergence globale dans le sens d’une trans-nationalisation des
entreprises. Avec comme corollaire, un exaspération des divergences locales sur
fond d’une concurrence accrue entre les territoires et les zones géographiques :
fragmentation géographique des chaînes de valeur, délocalisation discontinue,
migrante, par « saut de puce », par exemple en Europe, de l’ouest vers l’est, et
ce, d’autant plus que les activités sont volatiles ou peu ancrées ( les services
informationnels associés à des fonctions support : maintenance informatique,
fonctions tertiaires d’exécution, centres d’appels…). Dans ce scénario, la « main
invisible » du marché nous fait perdre la main.
L’inversion de ce dilemme, « Divergences globales, convergences locales »,
permet d’envisager un scénario volontariste pour tenter de reprendre la main.
Plus les chaînes de valeur divergent en se globalisant et se décomposent en se
mondialisant, plus leur recomposition, à partir du niveau local, devient un actif
stratégique, à partir des activités les plus ancrées que sont les services cognitifs
(recherche fondamentale, enseignement supérieur, conseil en entreprise, publicité,
marketing...) et collectifs (services de santé, hospitaliers, judiciaires, activités
culturelles...). Les entreprises, les centres de recherche, les universités peuvent
devenir les acteurs essentiels de ces convergences locales des chaînes de valeur
s’ils convergent eux-mêmes dans une dynamique de cluster.
C’est au cœur de ce scénario volontariste que se situe le renouveau de l’intelligence
stratégique c’est-à-dire l’art de conjuguer la création d’une chaine de valeur de
l’innovation productive (de l’idée à la commercialisation), par un pilotage par
l’aval, par le marché et d’une chaîne de valeur de l’innovation territoriale (celle
23. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 23
d’un continuum d’outils de soutien et d’accompagnement) par un pilotage par
l’amont.
C’est aussi au cœur du « Livre Blanc sur l’émergence de clusters européens
de classe mondiale », publié récemment, (www.intercluster.eu) que se situe
la nécessaire articulation entre les « clusters-espace », compris comme des
écosystèmes territoriaux et les « clusters-puissance », compris comme des
groupes d’entreprises complémentaires sur la chaîne de valeur et qui se projettent
sur la scène mondiale en jouant stratégiquement sur les divergences globales.
Cette reprise en main de la « main invisible » du marché est probablement la
vraie finalité de l’intelligence stratégique et le signe de son renouveau.
Ce Livre Blanc est le résultat d’une année de travail, mené par une quarantaine
de grands clusters d’Allemagne, de France, de Suède et de Hongrie – un panel
représentatif des 2000 clusters d’Europe- et coordonné par Europa InterCluster.
De ces réflexions, se dégagent trois challenges, pour les clusters d’Europe :
Challenge 1 : se projeter sur la scène mondiale :
Un constat : l’internationalisation et la fragmentation géographique des chaînes
de valeur et, partant, l’apparition sur la scène mondiale, de nouveaux acteurs
comme le Brésil, la Chine, l’Inde et la Russie et par le déplacement du centre de
gravité de l’Atlantique vers le Pacifique.
Cette mondialisation des chaînes de valeur a un impact important sur leurs
compositions et sur leurs dynamiques: on observe ainsi une disparition progressive
de la frontière entre producteurs et distributeurs; l’essor d’un pilotage stratégique
par la demande, par l’aval, par le marché; l’insertion des services dans la filière
de production et la montée en puissance des services cognitifs (recherche
fondamentale, enseignement supérieur, marketing...), l’ensemble opérant ainsi
un basculement progressif vers l’économie du savoir.
Dès lors, le challenge essentiel des entreprises, pour être compétitives, consiste à
progresser dans la chaîne de valeur et à se spécialiser davantage dans des activités
à forte intensité de savoir et de valeur ajoutée, en inventant des technologies
neuves, des produits, services et processus innovants, de nouvelles méthodes
de management. Cette progression dans la chaîne de valeur s’impose comme
le coeur d’une réflexion stratégique menée par la tête pensante du cluster qu’est
sa gouvernance mais doit aussi concerner tous les membres du cluster et, en
particulier, les PME-PMI qui peuvent représenter autant de maillons d’une chaîne
de valeur performante et innovante.
24. 24 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
Fort de ce constat, 3 principes directeurs sont proposés :
- avoir une capacité d’élaboration d’une stratégie mondiale : plus la chaîne de
valeur se fragmente, plus est nécessaire une stratégie de recomposition
- se positionner sur ou susciter de nouveaux marchés intégrateurs de dimension
mondiale c’est-à-dire des marchés où seront positionnés des nouveaux produits
issus de la composition stratégique d’une chaîne de valeur pluridisciplinaire.
- maîtriser sa propre chaine de valeur : connaître au préalable sa propre
cartographie des compétences, les compétences de chacun des membres du
cluster, leurs jeux d’acteurs, leur degré de coopération, les synergies observées
et potentielles, bref les forces endogènes qui donneront au cluster l’arsenal
nécessaire pour conduire avec succès des stratégies exogènes.
Challenge 2 : se projeter en interne pour devenir un acteur performant :
l’art de combiner attractivité et compétitivité
Ce qui fait que le cluster pourra acquérir une dimension mondiale réside
essentiellement dans la capacité de révéler, de combiner une logique d’innovation
productive – créer des produits de très haute valeur ajoutée le long d’une chaîne
de valeur mondialisée – et de valoriser une logique d’innovation territoriale –
créer des synergies maximales, sur un territoire donné, entre les trois côtés du
triangle de la connaissance. L’attractivité d’un territoire de compétences
et la compétitivité d’une stratégie économique sont les deux faces d’un cluster en
voie de mondialisation.
D’ou trois principes directeurs :
- l’art d’articuler chaque branche du triangle de la connaissance :
Ce qui fait que le cluster est ce qu’il est, c’est précisément cette articulation
entre la recherche, l’innovation et l’entreprise pour l’émergence de savoirs
collaboratifs. Aussi, est-il important de ne pas privilégier l’un quelconque des
éléments composant le triangle de la connaissance et d’adopter une méthode
holistique, au risque de déséquilibrer le cluster et de le faire évoluer vers autre
chose, un parc technologique, une technopôle, une zone d’entreprises...
- l’art d’articuler la gouvernance et la dynamique de ses membres :
Le cluster étant en lui-même une entité supérieure à la somme de ses membres,
il lui revient de se doter d’un management spécifique dont l’excellence sera
un véritable actif stratégique. Un cluster qui aura une photographie précise de
sa cartographie des compétences, une connaissance maîtrisée de sa chaîne de
valeur, une volonté de chercher ailleurs les maillons manquants, la capacité de
25. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 25
nouer ainsi avec d’autres clusters des alliances fortes et durables, l’intelligence
de fabriquer, avec les autres clusters partenaires, une gouvernance commune,
des outils partagés avec un objectif de positionnement sur un marché porteur, ce
cluster là aura acquis la puissance d’un acteur européen de classe mondiale.
L’excellence de ce management devra, en effet, se manifester dans sa capacité
de pilotage stratégique pour émerger sur la scène mondiale et dans sa capacité de
pilotage tactique pour créer, en interne, une dynamique vertueuse entre les trois
piliers de l’économie
- l’art d’articuler attractivité et compétitivité :
L’émergence d’un cluster de classe mondiale réside probablement dans la
convergence de la stratégie d’un cluster-puissance visant à composer une chaîne
de valeur de haut niveau, par un pilotage par l’aval, par la demande, par le marché
et la stratégie d’un cluster-espace, menée par un pilotage par l’amont c’est-à-
dire par l’offre, par les compétences, par les outils : infrastructures matérielles –
transports, habitat, équipements collectifs… ; les outils collaboratifs – pépinières,
plate-forme d’innovation, laboratoires mutualisées, outils financiers... Un cluster
de classe mondiale sera un cluster-puissance qui plonge ses racines dans un
cluster-espace dont il sera comme la partie émergée de l’iceberg.
Challenge 3 : exploiter le potentiel européen :
Face à ses principaux compétiteurs émanant des Etats-Unis et, de plus en plus, de
Chine, d’Inde , les clusters d’Europe doivent se regrouper, établir des alliances
stratégiques pour atteindre une masse critique. Dès lors, l’enjeu principal réside
dans leurs capacités à mobiliser une intelligence stratégique pertinente. D’où les
trois principes directeurs que suggèrent le Livre Blanc :
- se renforcer par la coopération européenne
- se structurer par des chaînes de valeur européenne de classe mondiale
- s’émanciper pour devenir des acteurs incontournables d’une nouvelle
politique industrielle.
A partir de l’ensemble de ces réflexions, toute une série de recommandations
concrètes sont proposées, réunies sous la forme d’un « Pacte pour une Europe
des clusters ».
En conclusion, on pourrait admettre qu’il reste, dans ce Livre Blanc, quelques
pages à écrire en ouvrant de nouvelles perspectives et en élargissant les enjeux
européens à la zone Méditerranée. La coopération Europe/Méditerranée, celle qui
est envisagée dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée, est, sans conteste,
26. 26 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
une priorité stratégique. Pour ce qui est des clusters et l’émergence de clusters
européens de classe mondiale, il serait intéressant de lancer un projet-pilote de
« cluster EuroMed », c’est-à-dire un consortium permanent de quelques clusters
d’Europe et de Méditerranée, complémentaire sur la chaîne de valeur, dotée
d’une gouvernance et d’une stratégie communes. Il y aurait là un bel exemple
d’intelligence stratégique, dans le cadre d’un scenario volontariste, tel que
mentionné plus haut.
Convergences locales, convergences euro-méditerranéennes par le biais d’acteurs
tels que les clusters, en vue de recomposer, ensemble, des chaînes de valeur et
de reprendre ainsi la main en se jouant des divergences globales. Ce renouveau
de l’intelligence stratégique dépend de nous. Ces rencontres de Dakhla en seront,
j’en suis sûr, un jalon essentiel.
27. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 27
DÉVELOPPER LES RÉGIONS PAR LA
CONNAISSANCE ET LA TECHNOLOGIE
Un nouveau pari pour créer de la richesse et de l’emploi en
exploitant les spécificités territoriales
Pr Rachid Benmokhtar Benabadallah, Ancien Ministre,
Président de l’Observatoire National du Développement Humain
Introduction
Le développement par les grands plans sectoriels est certes important sur le plan
national, en effet ces plans induisent une dynamique d’investissement à moyen
et long terme et permettent la mise en place des mécanismes d’accompagnement
indispensables à la modernisation du tissu de production et à l’intégration de
notre économie dans l’économie mondiale.
Cependant ces plans n’ont pas forcément des effets de levier sur l’ensemble des
territoires dont le développement durable est lié à leurs spécificités aussi bien
géographiques, spatiale que sociologiques et culturelles.
Cette présentation plaide pour une approche du développement à partir de ces spécificités,
en associant d’un côté les ressources souvent cachées des territoires, au formidable
potentiel de création de richesse que nous offre la connaissance et la technologie.
Créer de la richesse, c’est créer des activités à forte valeur ajoutée et des emplois,
cette fois-ci locaux.
L’intelligence territoriale et l’intelligence technologique peuvent-elles être mariées
pour réussir ce pari ?
I- Le Maroc souhaitable à l’horizon 2025
Une référence incontournable dans la construction du Maroc moderne reste le
rapport du cinquantenaire ordonné par le chef de l’Etat fin 2003 et rendu public
en janvier 2006.
28. 28 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
Ce rapport après une analyse critique et sans complaisance des 50 années post
indépendance a présenté deux scenarios d’évolution du pays sur 25 ans. Le
premier étant un scenario de continuité qui aboutirait à un Maroc inacceptable, le
deuxième est un scenario de ruptures progressives qui pourrait nous conduire au
Maroc souhaitable.
Les atouts du Maroc pour aller sereinement vers un Maroc nouveau répondant
aux aspirations profondes et communes de la majorité des marocains à un progrès
économique et social significatif et à une appropriation progressive mais durable des
valeurs universelles des droits et obligations des citoyens et de la démocratie sont :
- La stabilité politique du pays, garantie par une mobilisation quasi-totale
de la population autour de la personne du Roi ;
- La jeunesse de sa population, jeunesse considérée désormais non comme
un problème mais comme une force indispensable pour accompagner
une dynamique de croissance économique et pour construire une société
ouverte sur la mondialisation ;
- Sa position géostratégique au confluent de l’Afrique, de l’Europe et du
moyen Orient. Cette position, si les flux marchands, humains et culturels
étaient accrus et exploités judicieusement, donnerait au Royaume une
spécifité unique et un avantage géostratégique particulier.
Trois types d’actions sont, selon les auteurs du rapport susceptibles de concrétiser
cette vision d’un Maroc « souhaitable ».
- Dans l’urgence : la lutte contre les « inacceptables » à savoir la lutte
contre l’analphabétisme des jeunes, la généralisation de l’enseignement
de base, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, la couverture sanitaire et
la lutte contre la mortalité infantile et maternelle, l’inclusion des segments
marginalités de la population : les femmes , les jeunes, les populations
rurales, les personnes handicapées ;
- Sur le moyen terme, le développement local avec comme objectifs,
l’équipement des territoires, le lancement de pôles de développement
régionaux, une politique de la ville pour accompagner la migration des
ruraux et l’évolution démographique, la bonne gouvernance locale, et
l’intégration, dans les projets publics et dans les textes législatifs, des
mesures nécessaires à la préservation des droits des futures générations
grâce à un développement qui répond aux exigences du concept de
développement durable ;
- Sur le long terme, il s’agit d’investir dans le Savoir : qualité du système
éducatif et de formation, innovation par la Recherche et la Technologie,
29. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 29
accès aux technologies de l’information et de communication par le plus
grand nombre, intégration dans les réseaux mondiaux de production et de
diffusion du savoir.
Qu’en est-il de cette vision, cinq ans après la publication de ce rapport ?
II- Stratégies élaborées pour concrétiser le Maroc souhaitable
Bien que la littérature officielle des départements sectoriels ne fasse pas explicitement
référence à la vision et aux recommandations du rapport du cinquantenaire, nous
avons cherché à savoir si leurs stratégies récentes, contribuaient directement ou
indirectement à la réalisation de la vision 2025.
La matrice en annexe1 montre clairement que dans l’ensemble il ya une prise en
charge des recommandations du rapport.
Mais cela est-il suffisant pour une concrétisation effective de la vision 2025 ?
III- Principaux déterminants de la réussite de la vision 2025
Il ne fait pas de doute que la colonne vertébrale autour de laquelle s’articulent
toutes ces stratégies sont les orientations claires données par SA MAJESTE LE
ROI dans ses discours. C’est à travers la lecture de ces discours que l’on peut
avancer qu’une approche du type « building blocks » est en cours de mise en
œuvre, sans que (peut-être) les protagonistes gouvernementaux, politiques ou
économiques n’en soient réellement conscients.
Néanmoins la convergence de ces stratégies vers un même objectif et la réussite
qui serait au bout, est tributaire de quelques déterminants essentiels.
Ces déterminants sont:
- Le renforcement des droits socio-économiques et culturels des citoyens
et le raffermissement de la solidarité ;
- La réduction des sources d’inefficacité liées à la faiblesse de la compétitivité
et aux carences relevées au niveau des ressources humaines ;
- L’abandon des approches de développement strictement sectorielles,
isolées et non intégrés. D’où la nécessité de mettre en place des stratégies
de développement privilégiant la synergie des acteurs et la convergence
des politiques ;
- En plus des objectifs quantitatifs de croissance, nécessité de donner la
priorité aux objectifs concernant le bien-être des populations et donc
30. 30 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
intégrant les caractéristiques du territoire (monde rural, etc.) et de la
société (femmes, jeunes, populations à risque, migrants, etc.).
Cinq ans est un temps suffisant pour apprécier les effets des stratégies mise en
place, au moins au niveau des actions de court terme.
IV- Un bref état des lieux :
Outre les progrès en matière de droit de l’homme et d’égalité des genres, progrès
au niveau des textes de loi, mais qui restent à concrétiser dans les faits, entre
2004 (année de référence des données utilisés par le rapport du cinquantenaire)
et 2009, le Maroc a fait beaucoup de progrès sur le plan économique, cependant
les disparités subsistent aussi bien entre les citoyens qu’entre les régions et à
l’intérieur des régions entre le rural et l’urbain et même entre les communes
d’une même province (voir tableaux en annexe 2).
Ce que nous pouvons en conclure c’est que les efforts faits et les progrès
économiques réalisés n’ont pas eu des effets de levier suffisants sur l’ensemble
des territoires, c’est pourquoi :
- En plus des objectifs quantitatifs de croissance, il y a nécessité de donner la
priorité à des objectifs concernant le bien-être des populations, la stabilité
et la paix sociale en intégrant les spécificités aussi bien géographiques
que spatiales, sociologiques et culturelles dans une nouvelle vision de
développement durable,
- Admettre qu’il n’ya pas de développement durable sans création de
richesses et que la création de richesse est une course contre la montre
pour créer des emplois nouveaux, en moyenne 400 000/an jusqu’en 2025
selon le rapport du cinquantenaire !
Ce que nous retiendrons de ce bref état des lieux, c’est la nécessité d’une approche
territoriale du développement durable et la nécessité de créer de la richesse.
Mais ou est la richesse ?
V- La richesse du Maroc selon le rapport 2005 de la banque Mondiale sur
la richesse des nations
Selon la banque la richesse des nations se trouve dans trois actifs :
- Leur capital naturel
- Leur capital produit
- Leur capital intangible (capital humain, capital social, gouvernance)
31. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 31
Nous ne détaillerons pas ici ni les concepts, ni les approches utilisées pour calculer
cette richesse. Pour donner un repère d’appréciation disons que selon cette étude
le pays le plus riche à la publication de l’étude était la Suisse.
Avec un total par habitant de $ 454 000, repartis comme suit :
- Capital naturel $ 9000
- Capital produit $ 20 000
- Capital intangible $ 425 000
Pour le Maroc nous trouverons $ 22 600 par habitant, répartis comme suit :
- Capital naturel $ 1600
- Capital produit $ 3000
- Capital intangible $ 18 000
L’analyse de ces chiffres montre que :
- Comparé à la Suisse qui n’est pas le pays dont le capital naturel est le plus élevé,
le Maroc n’est pas un pays « naturellement riche », mais plutôt pauvre ;
- Que ce qui fait la richesse c’est le capital intangible.
C’est pourquoi, le Maroc a une marge très grande pour accroitre sa richesse,
Les facteurs de réussite sont:
- les investissements dans le capital humain,
- une assez bonne gouvernance,
- la génération d’une épargne suffisante pour augmenter le capital produit
et compenser la perte des ressources naturelles. (forêts, stock halieutique,
érosion des sols, désertification...)
Une analyse plus fine nous amène à dire que la création de richesse à ce jour reste
concentrée dans 5 régions dont la part dans le PIB entre 2004 et 2009 est passé de
59,1% à 60,6% Mais plus grave contenu du fait que ces régions et principalement
Casablanca et Rabat concentrent les meilleurs écoles et centres de formation
ainsi que le capital humain le mieux formé, le capital social le plus organisé
et la gouvernance la moins mauvaise, ce sont ces régions qui s’accapareront la
richesse à venir, ainsi ces disparités intolérables auront tendance s’auto-entretenir
et à augmenter dans le futur..
On peut aussi dire que le potentiel naturel de toutes les régions n’est pas exploité
et que les politiques publiques qu’elles soient sociales ou économiques n’ont pas
réussi à étendre le développement humain et économique à l’ensemble du pays.
32. 32 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
Par ailleurs les rythmes des changements restent faibles, contrastés et variables
selon les régions.
C’est pourquoi, une approche territoriale du développement implique une volonté
d’innover en matière de gestion des territoires. Le projet de régionalisation auquel
a appelé SA MAJESTE LE ROI est certainement le point de départ pour des
approches nouvelles innovantes, spécifiques qui tiennent compte des potentiels et
des spécificités territoriales.
La région semble désormais être l’échelon pertinent de valorisation des territoires,
avec leurs spécificités et leurs atouts de différentiation, pour en faire des moteurs
de développement.
Deux types d’actions peuvent accélérer ce développement :
1. accroitre le capital intangible des régions, par une refonte appropriée
du système d’éducation et de formation qui doit être spécifique et qui
doit cibler la valorisation du potentiel économique de la région par la
mobilisation de son capital humain ;
2. utiliser les références communes (culturelles, familiales, politiques…)
pour agir en concert pour faire émerger des activités en harmonie avec les
compétences des hommes et les possibilités du territoire.
Il s’agit de construire des entités économiques à partir des réseaux professionnels
et informels existants en attirant autant que possible des compétences et des talents
issus de la région ou non à s’y installer, en créant les conditions les plus favorables
pour les attirer, principalement des écoles et un Système de Santé de qualité.
Des exemples intéressants qualifiés parfois de « territoires intelligents » peuvent
servir de référence : les districts industriels Italiens, les maillages des entreprises
Japonaises.
Au Maroc la ville d’Essaouira où l’innovation s’est articulée autour d’un volet
institutionnel, fait d’une combinaison d’initiatives de la société civile et d’actions
publiques, pour développer la ville autour d’activités culturelles, en exploitant à
la fois son héritage matériel et immatériel, le savoir tacite de ses artisans et son
grand potentiel touristique est un bon exemple.
On voit ici le rôle primordial que pourrait jouer l’intelligence économique pour faire
émerger des idées et initiatives innovantes pour le développement des territoires.
VI- Recherche, Technologie et territoires
L’innovation en matière de gouvernance territoriale doit être accompagnée par
l’innovation en matière de création de richesse, seule voie comme cela a été dit pour
33. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 33
créer des emplois et une économie durable. Nos régions recèlent des potentiels et
offrent des opportunités. Valoriser les potentiels et saisir les opportunités, passent
par le développement de la recherche-application et l’utilisation des technologies
les plus avancées pour créer de la valeur ajoutée.
De même combiner les savoirs tacites et les savoirs scientifiques ou de marketing
et de gestion peut conduire à des résultats inattendus.
Un exemple intéressant est le renouveau de l’Artisanat à Marrakech, ou le design
moderne et les techniques artisanales ancestrales donnent naissance à des produits
originaux et nouveaux à très forte valeur ajoutée qui ouvrent des perspectives
commerciales nouvelles sur le marché intérieur et à l’exportation.
Un autre exemple est la société Managem à Marrakech, aussi, qui a investi en
Recherche et Développement et qui aujourd’hui commercialise aussi bien des
produits de transformation minière que des brevets à l’échelle internationale.
La biodiversité marocaine offre aussi, un champ de recherche et développement
ouvert, chaque région y a sa place. La création d’une « cactopole » à Guelmim
irait dans ce sens si on y installait un laboratoire de biotechnologie pour pousser
au maximum le rendement des investissements en plantations de cactus, et sa
transformation en produits de grande valeur ajoutée.
Bien d’autres exemples existent sans doute, comment alors structurer une action
qui va vers l’innovation territoriale par la recherche et la technologie ?
VII- Pour un schéma directeur de l’innovation territoriale
Aujourd’hui au Maroc, les conditions d’un décollage des régions existe :
- Le projet d’autonomie des régions ordonné par le Chef de l’Etat ;
- La très grande sensibilité du gouvernement à l’importance de l’innovation ;
- L’existence d’universités dans pratiquement toutes les régions.
Ce qui manque ce sont :
- Une ambition locale qui mobiliserait les entrepreneurs et les compétences
autour de projets innovants ;
- L’implication des universités dont une des missions devrait désormais
être leur contribution au développement des régions aux quelles elles
appartiennent par la formation et la recherche;
- La mise en place de cellules d’intelligence technologique et économique
dans les universités, pour servir d’accélérateur d’innovation en permettant
de combiner des technologies existantes à la recherche et développement
orientée marché ;
34. 34 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
- L’implication des grandes entreprises présentes dans chaque région pour
contribuer à l’émergence d’un réseau de compétence et à la structuration
de petites et très petites entreprises locales ;
- Une structure autonome de coordination, et d’évaluation reconnue pour
légitimer toutes les initiatives pourvu qu’elles soient complémentaires et
qu’elles servent l’intérêt général ;
- Une innovation technologique orientée vers le social qui adresse des
problèmes comme l’accès et la production d’eau potable à bas prix,
l’énergie domestique, la nutrition équilibrée et bon marché, l’amélioration
des rendements et de la productivité des petites unités de transformation,
Des exemples intéressants de part le monde, montrent la voie :
- Général Electrique: à réussi à fabriquer des lave-vaisselles et des chaudières,
à prix inférieurs au prix chinois grâce à la conception à partir de zéro d’un
nouveau procédé, l’objectif étant de ramener des emplois aux US,
- Danone Bangladesh: à créé un complément alimentaire pour les enfants
à très bas prix,
- Tata Inde: à conçu un filtre antibactérien à très bas prix
- Cluster West: le bien mangé durable, qui intègre dans un même projet les
agriculteurs, les industries agro-alimentaires et les universités.
Tout cela milite pour un schéma directeur de l’innovation territoriale.
VIII- Conclusion : un nouveau rêve
La combinaison des spécificités et des potentialités locales, à l’innovation par la
recherche et la technologie, grâce au savoir, aujourd’hui plus que jamais universel
et disponible grâce à internet permet de réaliser un nouveau rêve, celui de créer de
la richesse à la base de la pyramide territoriale, avec les populations.
C’est le seul moyen de faire un pas en avant gigantesque en très peu d’années en
réduisant les disparités tout en accompagnant le projet politique de démocratisation
du pays, l’autonomie des régions et l’intégration du pays dans le processus de
mondialisation.
Nous conclurons par ces (Extraits du message de Sa Majesté le Roi adressé à
l’occasion du World Policy Conférence, le 17 octobre 2010). « Le local, duquel
tout part et vers lequel tout revient, n’est pas l’ennemi de l’universel. Au contraire,
l’universel n’est réel que s’il est localisé et s’il tire de la richesse de son unité, la
pluralité et la diversité de ses affluents locaux. La mondialité n’est concrète que
si le développement local est soutenable et ouvert sur le monde ».
35. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 35
ANNEXE 1
Stratégies Objectifs Contribution à la vision 2025
INDH Elargissement de l’accès aux Lutte contre les inacceptables.
infrastructures/services sociaux
de base dans les quartiers
urbains pauvres et les communes
rurales les plus démunies.
Promotion des activités
génératrices de revenus stables
et d’emplois.
Lutte contre la grande précarité
dans laquelle vivent les
personnes en grande vulnérabilité
ou à besoins spécifiques.
Plan d’urgence Consolidation de la Savoir et lutte contre les
généralisation de l’enseignement. inacceptables.
Al Najah Amélioration continue de la
qualité de l’enseignement.
Affermissement de la
modernisation de la gouvernance
à tous les niveaux (préscolaire,
collégial, primaire et secondaire).
Développement d’une gestion
stratégique des ressources
humaines.
Plan d’action Réduction de l’intensité des Lutte contre les inacceptables.
santé problèmes majeurs de santé.
Meilleur accès aux soins.
Moralisation du secteur de la
santé
Plan Promotion de l’inclusion sociale Lutte contre les inacceptables.
stratégique des catégories de la population
de en situation d’exclusion.
développement Renforcement de la cohésion
social sociale et de la solidarité.
Promotion des droits des
femmes, de l’approche genre et
de l’égalité des chances.
36. 36 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
Stratégies Objectifs Contribution à la vision 2025
Plan Maroc Développement d’une Savoir et développement local.
Vert agriculture moderne et à
haute valeur ajoutée/haute
productivité.
Accompagnement solidaire de
la petite agriculture.
Plan Ciblage volontariste sur des Croissance économique et
émergence métiers moteurs de croissance. développement régional.
Renforcement des facteurs de
compétitivité du Maroc.
Modernisation du tissu industriel
existant avec un accent prioritaire
sur l’émergence de nouvelles
bases industrielles.
Stratégie de Protection et gestion durable de Savoir et développement local.
protection l’eau, du sol et de la nature.
de Protection de l’air.
l’environnement
et du
développement Promotion des énergies
durable renouvelables.
Prévention des catastrophes
naturelles et des risques
technologiques majeurs.
Amélioration de
l’environnement urbain.
Gestion de l’environnement.
Stratégie équité Réduction des disparités Lutte contre les inacceptables.
et entre les deux sexes, tant en
égalité entre matière de droits, d’accès aux
les sexes ressources et d’opportunités
économiques, qu’en terme
d’influence politique.
39. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 39
INDUSTRIALISATION ET LOCALISATION DES
ACTIVITÉS
Une réponse à la grande mutation mondiale en cours
Pr Jean Louis Levet
Economiste, ancien Directeur de l’Institut de Recherche
Economiques et Sociales, Paris
Je suis heureux et honoré d’être à nouveau parmi nos amis marocains :
- Ils savent créer les conditions de vrais débats, c’est-à-dire où dans
l’échange, chacun cherche à devenir raison avec l’autre, et non à imposer
sa raison à l’autre ;
- A l’heure de nos sociétés qui se consacrent moins à la réflexion qu’à la
communication, il est impératif que se créent et se développent des lieux
comme celui-ci consacrés à la communication de la réflexion.
Introduction : le territoire, principal point de repère pour des populations
en panne d’avenir
Je vous propose de vous présenter rapidement trois faits, apparemment sans
liens :
- Voici une page de publicité, dans un grand magazine français pour les
smartphones avec les slogans suivants : « Tout faire à la fois, tout voir en
même temps » ; « Rester connecté avec tout et tout le monde, partout » ;
« Recharger sans fil sans perdre un instant » ;
- En 2007, juste avant la diffusion de la crise financière la City de Londres
a distribué 20 milliards de livres à ses traders, soit le même montant que
l’aide apportée par le gouvernement à la City en 2009 pour la sauver de
la faillite ;
40. 40 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
- Une marchandise coûte moins chère à transporter de Shanghaï au port
français du Havre que du Havre à Paris.
Le premier fait illustre cette course à la vitesse pour la vitesse ; le temps ne doit
plus exister. C’est ce que l’anthropologue Marc Augé nomme « l’idéologie du
temps »2. Depuis des siècles, le temps étai porteur d’espérance. L’avenir avait
un sens. On attendait de lui amélioration, progrès, ou révolution. Ce n’est plus
le cas aujourd’hui. Seul compte le temps présent, un temps presque immobile.
Une véritable crise de la temporalité s’est installée. Marché libéral planétaire
et communication générale instantanée se combinent pour former ce qu’il est
convenu de nommer « globalisation ».
Le second fait révèle l’absurdité de la nouvelle nature du capitalisme, un capitalisme
financier qui s’est rapidement imposé dans les années 90 et qui a diffusé ses
principes à toute la société. Principe de flexibilité, comme principe d’ajustement
organisationnel des entreprises à la volatilité des marchés. Principe de liquidité :
un capital engagé est d’autant plus liquide qu’il doit se transformer rapidement
en argent. Ce principe devient l’étalon de l’efficacité des entreprises. Ces deux
principes se combinent pour converger vers la déconstruction du social. Le risque
social, le risque économique, le risque financier est transféré au salarié.
Le troisième fait est révélateur que l’espace prend une toute autre signification
dans la mondialisation. Les espaces de circulation des marchandises et des
hommes, les espaces de consommation et de communication se multiplient dans
le monde, rendant visible l’existence même des réseaux.
Le lien entre ces trois faits ? Le sens de ces trois faits ? Dans cet univers qui tend
à faire disparaître le temps et l’espace et à faire de l’argent une finalité et non plus
un moyen, le territoire devient le point de repère majeur pour les populations et
selon les stratégies qu’il met en œuvre, ces populations se voient ou non un avenir.
Le futur existe dans tous les cas, mais l’avenir se construit. La crise financière de
2007 entraînant une crise économique et sociale majeure fait qu’un grand nombre
de citoyens ne se voient plus d’avenir. Comme l’écrit Pierre Nora, « La France se
sait un futur, mais elle ne se voit pas d’avenir. C’est la raison du pessimisme des
Français »3. C’est le grand défi que les acteurs territoriaux doivent relever.
2 Augé, M., Où est passé l’avenir ? », Editions Panama, 2008.
3 Nora, P., « Les avatars de l’identité française », in Le Débat, mars-avril 2010, Gallimard.
41. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 41
I. Trois grandes idées reçues marginalisent la notion même de territoire,
depuis trois décennies dans les représentations sociales4 :
- Celle de « la société post-industrielle » dans les années 80 qui postule :
« l’avenir est dans les services high tech et tout ce qui se produit à
vocation à partir dans les pays en voie de développement » ; le territoire
devient alors un lieu plus flou.
- Celle de « la nouvelle économie » dans les années 90. Pour cette nouvelle
idéologie, internet plus la finance sont les deux moteurs de la prospérité
de demain. Le territoire devient alors un support du nomadisme des
entreprises ; et le poids pris par la finance fait de l’entreprise un simple
actif financier qu’il convient d’optimiser sur les marchés financiers. Elle
n’est plus une communauté d’hommes et de femmes partageant un avenir
commun.
- Celle de « l’entreprise sans usine », gérée par les TIC, depuis le début
des années 2000 : le salarié devient un coût qu’il convient de réduire
le plus possible et la proximité territoriale n’a plus d’intérêt ; tout doit
passer par le numérique. La délocalisation de la production devient alors
l’aboutissement de la succession de ces trois idéologies qui au final n’en
font qu’une : La richesse est dans l’instantané, la finance et les services
haut de gamme, alors que la production exige du temps, des hommes et
du travail.
Quant à l’intelligence économique, dans un tel contexte, elle se réduit à la
protection des systèmes d’information et à la réponse aux menaces qui ne cessent
de peser sur toute entreprise dans une compréhension binaire du monde, de la
guerre de tous contre tous.
Mais les territoires quelles que soient leurs formes et leurs périmètres sont
progressivement devenus des acteurs clés, en particulier en Europe, parce qu’ils
ont eu à affronter les mutations industrielles des années 80, le désengagement des
Etats dans les années 90, et la crise de 2007 qui s’est propagée à l’ensemble du
tissu économique.
Mais aussi parce que, dans de nombreux lieux, il y a une tradition, une culture
des acteurs locaux à se construire dans la durée (des réseaux d’entrepreneurs
ont structuré la division du travail de territoires associant petites villes et zones
rurales notamment en Europe de l’Ouest, avec le processus d’industrialisation de
1850 aux années 70, jusqu’aux initiatives récentes).
4 Levet, J.L., Pas d’avenir sans industrie, Economica, Paris, 2006.
42. 42 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
II. Des défis globaux, inédits qui se superposent : une formidable mutation
Trois défis majeurs pour la première fois dans l’histoire du capitalisme se
combinent :
- Une redistribution de la puissance mondiale vers l’Asie et plus
particulièrement la Chine (ce pays investit tous les secteurs ; son poids
dans la R&D devrait rejoindre celui de l’UE d’ici 2025 ; elle forme 800 000
ingénieurs par an ; les chercheurs chinois représentent aujourd’hui 20%
des effectifs mondiaux et devrait devenir le 2e plus important marché
mondial pour la consommation des ménages).
- La nécessité de construire un nouveau mode de développement moins
consommateur d’énergie fossile et source de moins d’inégalités
sociales.
- Les ruptures technologiques issues des grands domaines de recherche :
en 2030, quatre grands domaines devraient constituer le socle des
activités d’innovation technologique et qui donneront naissance à de
nouvelles activités industrielles (l’industrie ne disparaît pas, elle se
transforme et ses frontières s’élargissent) : développement durable et
énergie ; nanotechnologies, matériaux intelligents et nouveaux procédés
de production ; TIC ; sciences du vivant, biotechnologies pour la santé5.
Ajoutons y l’interdisciplinarité et l’ouverture, la qualité, la souplesse des
systèmes d’enseignement supérieur et de recherche qui permettront de
favoriser la réactivité à la demande sociale et économique et de tirer parti
des nouvelles opportunités scientifiques et technologiques.
Trois défis globaux auxquels il faut ajouter la poursuite de la financiarisation
de l’économie et les déséquilibres économiques mondiaux dûs à une économie
américaine fondée sur la consommation et le surendettement et une économie
chinoise sur l’exportation.
III. Quelles réponses des territoires, des entreprises et quel rôle pour
l’intelligence économique appliquée au territoire ?
Je propose, compte tenu des analyses précédentes, trois réponses possibles,
trois conceptions différentes du développement territorial qui co-existent
aujourd’hui :
5 Commission européenne, Emerging science and technology priorities in public research policies
in the EU, he US and Japan, mars 2006.
43. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 43
Première réponse : le territoire attractif :
• La question est : comment attirer des entreprises pour créer des emplois et de
la richesse ? (des régions confrontées par exemple dans les années 70/80 à
des reconversions difficiles : Lorraine, Normandie, Rhur, Appalaches, etc)
• La stratégie est une stratégie de l’adaptation ;
• Les acteurs jouent individuellement ;
• Les entreprises mettent en concurrence les territoires et peuvent passer de
l’un à l’autre ;
• L’intelligence économique est réduite à la veille internationale et la prospection
de nouveaux marchés, de nouvelles opportunités d’implantation.
Cette réponse peut s’inscrire dans une politique économique du pays qui se fixe
l’attractivité du territoire comme priorité principale (exemple : le cas de l’Irlande
en Europe).
Seconde réponse : le territoire endogène :
• La question est : comment allons nous développer notre territoire ?
• La stratégie est une stratégie de transformation ;(Alsace, Rhône-Alpes,
Bade-Würtemberg, Ecosse, etc).
• L’intelligence économique s’élargit à la connaissance des savoirs et des
ressources du territoire, il y a des projets coopératifs et des choix qui sont
faits ;
• Les entreprises travaillent davantage ensemble car elles ont compris que
les compétences sont plus importantes que les produits et qu’il faut donc
créer et innover à plusieurs ;
Ici les territoires peuvent bénéficier d’une politique économique cherchant à améliorer
les fondamentaux de la compétitivité : recherche, enseignement, innovation. Les
activités industrielles et de service sont considérées comme complémentaires.
Troisième possibilité : le territoire durable (qui peut être le prolongement du
scénario précédent) :
• La question est : quel territoire voulons nous dans 30 ans ?
• La stratégie est une stratégie d’anticipation et de mise en réseau international
(exemple: les clusters en nanotechnologies : six principaux aux Etats-
44. 44 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
Unis, six en Europe et cinq au Japon dont plusieurs sont interconnectés,
complémentaires et concurrents) ;
• Les entreprises cherchent à maîtriser les trois espaces que sont la recherche,
la production et le commercial ; il faut à la fois s’ancrer dans un ou plusieurs
territoires, afin de mieux s’internationaliser ; développer le tissu industriel
mais aussi les services qui s’ancrent dans un territoire (services publics de
santé, de recherche, conseil, marketing, logistique, etc).
L’intelligence économique territoriale revêt une approche globale et systémique ;
elle est à la fois un mode de pensée (remettre en cause ses propres certitudes ; il
faut des convictions mais se méfier des certitudes) et un mode d’action (mobiliser
collectivement autour de projets communs)6.
IV. L’action des territoires dans la crise : trois conceptions s’affrontent
Dans le débat international, je considère que trois compréhensions de la « crise »
déclenchée aux Etats-Unis en 2007 s’affrontent. Chacune débouche sur des
réponses différentes pour les entreprises et les territoires et rien n’est encore
joué, tant les rapports de force s’exercent de part et d’autres. Présentons les très
succintement.
1. La première considère cette crise mondiale comme un phénomène
provisoire et usuel (le monde de la finance, de nombreux think tank néolibéraux,
etc) : après une intervention publique justifiée par la crise, la réponse est dans
le retour du marché comme seule instance de régulation et de référence pour
les politiques publiques. Ici, le territoire n’est qu’une plate-forme off-shore
de la mondialisation, en concurrence avec tous les autres et les entreprises, de
simples actifs financiers à optimiser sur les marchés financiers.
2. La seconde conception considère la crise comme grave et cumulant
plusieurs crises (financière, énergétique, alimentaire, etc). La réponse est
dans la régulation de la finance et l’investissement dans les technologies
vertes. Ici, la localisation des activités (stratégies des firmes et concurrence
entre territoires) reste soumise à une concurrence mondiale intense et inégale.
En gros les préconisations des récents G 20.
3. Une troisième conception met en avant le caractère inédit de la crise,
comme mutation profonde offrant aux acteurs l’opportunité de changer
de paradigme : ici, nous trouvons des ONG, les organisations syndicales,
des organismes mondiaux comme le BIT, des partis sociaux-démocrates
6 Levet, J.L. , L’intelligence économique. Mode de pensée, mode d’action, Economica, Paris,
2001.
45. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 45
en Europe ; aller vers une croissance plus économe en énergie et moins
inégalitaire dans laquelle les populations les plus fragiles ont leur place, je
pense en particulier aux jeunes, aux femmes, aux seniors et aux personnes peu
qualifiées ; l’articulation entre la question sociale et la question écologique
est capitale pour l’avenir de la cohésion de nos sociétés. Dans ce troisième
scénario, une stratégie nationale et territoriale d’industrialisation prend tout
son sens, les entreprises s’orientent vers des offres à valeur ajoutée croissante
et cherchent donc à s’ancrer dans un/des territoires. Quant à l’intelligence
économique, elle peut être ici à la fois un mode de pensée et un mode
d’action : permettre aux acteurs de passer de comportements d’adaptation à
des stratégies collectives d’anticipation.
Mais plus ces tensions entre groupes sociaux au sein des pays, entre pays, entre
ensemble de pays, s’accroissent, plus les acteurs territoriaux doivent penser
ensemble, agir ensemble et la variété des actions, des gouvernances, des choix
est importante ; c’est ce que nous allons voir et débattre tout au long des travaux
des différents panels forts riches qu’ont réussi à monter les organisateurs de cette
rencontre internationale.
Merci pour votre écoute.
49. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 49
INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE ET
TERRITORIALE, UNE APPROCHE
NÉCESSAIREMENT CONTINGENTE
Le cas du Vietnam
Pr VU Manh Chiên
Directeur des Relations Internationales, Université du commerce, Vietnam
A. Sommaire sur les régions économiques du Vietnam
À partir des années soixante jusqu’à présent, au Vietnam, pour organiser et
administrer le territoire, outre les niveaux administratifs de l’État comme: État,
province, district, commune, il y a aussi un niveau qui n’appartient pas aux niveaux
mentionnés dans la Constitution7. Il s’agit du niveau régional qui captive toujours
l’attention et intéresse les administrateurs, les chercheurs, les planificateurs des
politiques... Les grandes régions économiques - sociales (basées sur les groupes
de provinces) sont divisées selon les principes et les normes qui se conforment
aux conditions historiques de certaines périodes du pays.
Avant 1975, le Vietnam a été divisé temporairement en deux régions : le Nord
était non seulement à l’arrière du Sud, mais il devait aussi résister directement à la
destruction de l’ennemi. A cette période, le Nord a développé l’économie socialiste
selon le mécanisme de la planification économique centralisée. Malgré la guerre,
on prêtait toujours attention à l’économie régionale, particulièrement aux régions
agricoles, sylvicoles et à la pêche. A la période 1960-1970, le Nord se divisait en 7
régions (nommées régions économiques). Pendant la période 1970-1975, à côté des
recherches scientifiques et de l’enseignement dans les universités de la distinction
en 4 grandes régions économiques du Nord, on a constaté aussi l’apparition d’autres
branches régionales telles que celles de papier, de grume servant les mines dans la
sylviculture, les régions urbaines spécifiques dans la construction …
7 La constitution du Vietnam en 1946 détermine les niveaux administratifs comme suit : le Nord,
le Centre et le Sud.
50. 50 INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE
De 1975-1980, après l’unification du pays, l’économie socialiste, selon le
mécanisme de la planification économique centralisée, a été appliquée dans le
pays entier. Les régions économiques socialistes, surtout les régions agricoles
- sylvicoles inhérentes à l’industrie de transformation des produits agricoles,
forestiers, maritimes, ont pris forme. Sur la base de 40 provinces, villes, zones
particulières, le Vietnam se divisait en 7 grandes régions agricoles: moyenne
région et région montagneuse du Nord ; région du Delta du Fleuve Rouge ;
l’ancienne zone 4 - à présent la côte centrale du Nord ; région côtière de la côte
centrale du Sud ; Montagnes Centrales ; le Sud-est et le Delta du Mékong.
A la période 1980-1986, avec l’aide de l’Union des Républiques Socialistes
Soviétiques, le Vietnam a adopté un point de vue intéressant sur le développement
de l’économie générale. En 1982, pour la première fois, notre pays procédait à des
études pour construire un schéma général de distribution des forces productives
allant de 1986 à 2000. Le territoire du Vietnam se divisait alors en 4 régions
économiques principales et en sous-régions économiques et sociales telles que
les sept anciennes durant la période 1975 - 1980.
La période 1986-2000 a été marquée par la transformation de l’économie
socialiste du Vietnam. Le mécanisme de la planification économique centralisée
était converti en mécanisme du marché selon l’orientation du socialisme. Ainsi,
la structure de l’économie nationale changeait sur sa qualité ainsi que sur sa
quantité. Cela produisait de nombreux nouveaux éléments et de nouvelles
occasions favorables, mais aussi des difficultés et des épreuves supplémentaires.
Le système régional à cette époque comprenait 8 régions (avec 61 provinces et
villes dans le pays entier) et 3 régions économiques principales.
Non compris les régions économiques du Nord divisées avant 1975, à partir de
1976 jusqu’à présent, pendant chaque période particulière, le Vietnam possédait
des systèmes régionaux différents, par exemple : celui de 7 régions agricoles,
sylvicoles, ou de 8 régions pendant la période 1976 – 1980 ; le système de 4
grandes régions avec 7 sous-régions durant la période 1981 – 1985 ; le système
de 8 régions et 3 régions économiques principales à compter de 1986 et surtout à
partir de l’année 1990 jusqu’à 2000 ; le système de 6 grandes régions économiques
et 3 régions économiques principales. Récemment, le système régional présenté
dans le Document du 9ème Congrès du Parti8 comprenait :
(1) - Moyenne région et région montagneuse (TDMN) du Nord (Nord-ouest et
Nord-est);
8 Document du 9ème Congrès du Parti - Editeur Politique Nationale - Hanoi, 2001. Durant le
congrès, les régions sont distinguées comme celles auparavant. Après, plusieurs provinces sont
divisées et formées.
51. INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 51
(2) - Région du delta du Fleuve Rouge (DBSH) et la région économique principale
du Nord;
(3) - Côte centrale du Nord, région côtière de la Côte centrale du Sud;
(4) - Montagnes Centrales;
(5) - Sud-est (DNB) et la région économique principale du Sud;
(6) - Région du delta du Mékong (DBCL).
Les trois régions économiques principales se composaient de :
(1) - Région économique principale (KTTD) du Nord comprenant 8 provinces,
villes qui relevaient immédiatement du Gouvernement Central.
(2) - Région économique principale (KTTD) du Nord.
(3) - Région économique principale (KTTD) de la Côte Centrale.
Avec les recherches régionales mentionnées ci-dessus, toute une série d’autres
agencements territoriaux s’est aussi développée au Vietnam sur la base des
systèmes existants dans les pays développés, par exemple : « Zone industrielle »,
« Zone franche », « Zone de haute technologie », « Zone d’entretien de
l’industrie », « Couloir économique », « Zone économique ». Les concepts de
« Zone industrielle », « Zone franche » et « Zone de haute technologie » ont
été abordés dans la loi sur l’investissement et ainsi par plusieurs recherches
précédentes. Par conséquence, nous allons préciser et analyser ci-après les
concepts suivants : « Couloir économique », « Zone économique », « Zone
d’entretien de l’industrie » actuellement utilisés dans notre pays.
B. Situation actuelle du développement des 6 régions économiques et 3
régions économiques principales
La situation réelle du développement économique et social des 6 régions
économiques et 3 régions économiques principales est analysée selon le plan
suivant : l’échelle et la vitesse de croissance ; l’état de la structure de l’économie
; le développement et la formation des ressources humaines ; l’infrastructure et
les problèmes culturels, sociaux, environnementaux, les problèmes sur la défense
nationale - la sécurité publique.
Échelle et vitesse de croissance
- Dans les 6 régions économiques
Nous pouvons constater des différences significatives de l’échelle économique
entre ces régions. Cela engendre des grandes disparités sur la vitesse de croissance.