L’Unedic a organisé le vendredi 3 février 2012 une table ronde sur le thème : 2001 – 2011 : Regards croisés sur le chômage indemnisé en présence de Gaby Bonnand, Président de l’Unédic et de Vincent Destival Directeur général de l’Unédic.
2001 – 2011 : Regards croisés sur le chômage indemnisé
1. GRAND ANGLE
TABLE RONDE de l’UNÉDIC
2001 – 2011 :
Regards croisés sur le chômage indemnisé
Economie, sociologie, réglementa?on : quelles évolu?ons ?
Temps passé au chômage : les chômeurs d’aujourd’hui ressemblent‐
ils à ceux d’hier ?
Europe : quelles trajectoires sur la période ?
Serge BAERT, Conseiller général Réglementa6on à l’ONEM, Belgique
Isabelle BOURGEOIS, chercheure au CIRAC, rédactrice en chef de la revue Regards sur l’économie allemande
Pierre CAVARD, Directeur des études et analyses, Unédic
Didier DEMAZIERE, sociologue, chercheur au CNRS, Sciences Po et CSO
Jean‐Paul DOMERGUE, Directeur des affaires juridiques, Unédic
David GRUBB, économiste, Direc6on de l’emploi, du travail et des affaires sociales, OCDE
Marjoleine HENNIS, Conseillère pour les affaires sociales, Ambassade des Pays‐Bas
Anna NSUBUGA, Conseillère pour les affaires sociales, Ambassade de Grande‐Bretagne
Philippe SCHERRER, Sous‐directeur Emploi et Marché du travail, DARES
La table ronde est animée par Jacques LENOIR
FÉVRIER 2012
2. Ouverture par Gaby Bonnand, Président de l’Unédic 4
Introduc?on aux thèmes par Vincent Des?val, Directeur général de l’Unédic 5
Zoom sur les faits marquants des 10 dernières années : développement
des interven?ons de l’Assurance chômage sur le marché du travail et
modernisa?on du Service public de l’emploi
• Pierre Cavard, Directeur des études et analyses, Unédic
6
• Jean‐Paul Domergue, Directeur des affaires juridiques, Unédic
Regards croisés sur les demandeurs d’emploi et réponses du Service
Public de l’Emploi
• Pierre Cavard, Directeur des études et analyses
11
• Didier Demazière, Sociologue, chercheur au CNRS, Sciences Po et CSO
• David Grubb, Économiste, DirecHon de l’Emploi, du Travail et
des affaires sociales, OCDE
• Philippe Scherrer, Sous‐directeur Emploi et Marché du travail, DARES
Regards depuis l’Allemagne, la Belgique, les Pays‐bas et la Grande Bretagne :
évolu?ons récentes 20
• Serge Baert, Conseiller général – RéglementaHon à l’ONEM, Belgique
• Isabelle Bourgeois, Chercheure au CIRAC, rédactrice en chef de la revue
Regards sur l’économie allemande
• Jean‐Paul Domergue, Directeur des affaires juridiques
• Marjoleine Hennis, Conseillère pour les affaires sociales, Ambassade
des Pays‐Bas
• Anna Nsubuga, Conseillère pour les affaires sociales, Ambassade
de Grande Bretagne
Conclusion 28
Table ronde de l’Unédic – Février 2012
2 2001 – 2011 : Regards croisés sur le chômage indemnisé
3. Serge BAERT
Conseiller général Réglementa?on
à l’ONEM, Belgique Didier DEMAZIÈRE
Sociologue, chercheur au CNRS,
Isabelle BOURGEOIS Sciences PO et CSO
chercheure au CIRAC, rédactrice en chef
de la revue Regards sur l’économie
Jean‐Paul DOMERGUE
Directeur des affaires juridiques,
Pierre CAVARD Unédic
Directeur des études et analyses,
Unédic Anna NSUBUGA
Conseillère pour les affaires sociales,
Ambassade de Grande‐Bretagne
David GRUBB
Économiste, Direc?on de l’Emploi,
Marjoleine HENNIS du travail et des affaires sociales, OCDE
Conseillère pour les affaires sociales, Philippe SCHERRER
Ambassade des Pays‐Bas Sous‐directeur Emploi et
Table ronde de l’Unédic – Février 2012
Marché du travail, DARES
3 2001 – 2011 : Regards croisés sur le chômage indemnisé
4. Gaby BONNAND
Président de l’Unédic
L’Unédic est l’insHtuHon qui consHtue le corps des règles
d’assurance chômage, permeYant de rendre applicable
un accord passé entre les partenaires sociaux. Ce rôle ne
se confond pas avec la mise en œuvre opéraHonnelle
des disposiHfs. Je souligne cet aspect, car le paritarisme
est impossible sans une importance forte et reconnue de
la négociaHon. Aucun avenir de la démocraHe ne peut
être envisagé dans notre pays sans une démocraHe
sociale et ce, même si elle doit encore progresser pour
intégrer de nouveaux acteurs représentant notre réalité
sociale. L’Unédic se doit d’y contribuer.
Bonjour et bienvenue à tous. Je vous remercie d’avoir
répondu à notre invita?on. Il s’agit d’une nouvelle Les débats et échanges que nous aurons aujourd’hui
ini?a?ve de la part de l’Unédic que d’inviter des pourront nourrir les travaux de l’Unédic. Elle sera ainsi
partenaires ou des ins?tu?ons qui travaillent dans le plus éclairée dans son travail d’études, mais aussi dans
domaine de ses compétences ou qui sont mobilisés par son rôle auprès des partenaires sociaux. Ceci permeYra
la ques?on du chômage. Nous avons souhaité que ceee de faire progresser les idées, notamment sur les
configura?on soit à la fois ouverte pour pouvoir traiter quesHons qui ont trait à l’indemnisaHon.
ceee ques?on de manière transversale, mais aussi
« familiale », regroupant l’ensemble des personnes Pour traiter de ceYe quesHon, nous avons décidé de ne
travaillant en lien étroit sur ce même sujet. Nous pas nous cantonner à nos spécialités. Nous entendrons
souhaitons notamment aborder ensemble la ques?on aujourd’hui des personnes aux compétences différentes.
de l’indemnisa?on du chômage, d’autant que ceee Nous avons également choisi d’élargir ceYe quesHon à
ini?a?ve se situe dans un contexte par?culièrement d’autres pays. Nous accueillerons ainsi des personnes de
difficile pour l’emploi. Belgique ou des Pays‐Bas, du Royaume‐Uni et
d’Allemagne. Elles nous permeYront de nous ouvrir vers
Elle se situe également dans le cadre du nouveau l’extérieur, car les défis qui nous sont proposés ne
posiHonnement de l’Unédic dans ce grand service de peuvent être relevés uniquement au regard de notre
l’emploi qui a été redéfini dans la loi de fusion. Ce contexte naHonal.
reposiHonnement n’a pas été sans mal, car le souci de
globalisaHon laissait parfois entendre que l’Unédic, Pôle Je termine mon mandat de Président de l’Unédic.
emploi et l’Anpe avaient les mêmes foncHons, ce qui Comme tous ceux qui y travaillent, je crois fermement
n’est pas le cas. Dans notre pays, la créaHon de la norme au dialogue social. Notre table ronde se situe dans le
sociale est, sur un certain nombre de points, du ressort cadre d’une convicHon majeure : aucun approfondis‐
des partenaires sociaux. En ce sens et même si sement de la démocraHe, aucun progrès dans le
beaucoup d’éléments doivent encore progresser pour domaine du chômage et aucune négociaHon ne sont
mieux arHculer l’indemnisaHon assuranHelle avec une possibles sans les partenaires sociaux. En outre, nous
indemnisaHon de solidarité, nous ne pourrons travailler sommes convaincus que l’Unédic ne peut travailler
sur une amélioraHon de l’indemnisaHon sans nous seule. Elle doit entrer en relaHon, en confrontaHon et en
appuyer sur la négociaHon et les partenaires sociaux. Si discussion avec l’ensemble des partenaires travaillant sur
nous voulons faire de la négociaHon une véritable ceYe quesHon, y compris au niveau internaHonal.
démarche, les partenaires sociaux doivent avoir à
disposiHon des ouHls leur permeYant d’évaluer, de Tel est le sens de notre iniHaHve aujourd’hui.
travailler et de connaître ceYe réalité.
Table ronde de l’Unédic – Février 2012
4 2001 – 2011 : Regards croisés sur le chômage indemnisé
5. Vincent DESTIVAL
Directeur général de l’Unédic
Je ?ens tout d’abord à vous remercier pour votre présence ce ma?n. Comme l’a indiqué
Monsieur le Président, ceee table ronde arrive à la fin de deux ans de mandat
pleinement remplis. Nous devions organiser cet événement l’été dernier et il devait être
l’abou?ssement du reposi?onnement de l’Unédic, une nouvelle configura?on du
Service public de l’emploi (SPE) et la remise en cause d’une tradi?on. En d’autres
termes, il devait intervenir pour redéfinir et redécouvrir ce que doivent être les
missions fondamentales de l’organisme ges?onnaire de l’assurance chômage (veiller à
la performance de ce système d’assurance chômage en France).
La nouveauté réside dans la nouvelle organisaHon du SPE, où l’Unédic est au cœur d’un
système. Elle n’est plus à la tête d’un réseau, comme cela a pu être le cas avant 2009,
mais doit travailler dans ce nouveau modèle avec les autres insHtuHons. L’Unédic est par
nature une instance ouverte qui dialogue avec les autres. Elle doit faire vivre les règles
définies par les partenaires sociaux en donnant des instrucHons aux opérateurs. Ses
nouvelles missions dans ceYe nouvelle configuraHon sont également de contrôler,
d’évaluer et de piloter.
CeYe table ronde est l’abouHssement de ce reposiHonnement. L’Unédic est claire dans
son posiHonnement et le conseil d’administraHon a d’ailleurs redéfini ses missions.
CeYe table ronde correspond en outre à la convicHon que le dialogue doit s’inscrire dans
la durée et se répéter. Nous espérons que chacun trouvera, au cours de ceYe maHnée,
son intérêt et que vous serez séduits par ce projet.
Le programme d’études de l’Unédic a été adopté par le Bureau il y a quelques mois. Il se
déploiera tout au long de l’année 2012. A l’image de ceYe maHnée, nous souhaitons aussi
que ce programme d’études soit conduit avec d’autres. La direcHon des études et la
direcHon juridique de l’Unédic travailleront avec vous et vous serez vraisemblablement
sollicités dans les prochains mois pour poursuivre les échanges.
Jacques Lenoir va à présent présenter ceYe table ronde et je le remercie par avance de
l’animer.
Table ronde de l’Unédic – Février 2012
5 2001 – 2011 : Regards croisés sur le chômage indemnisé
6. ZOOM SUR
LES FAITS MARQUANTS
DES DIX DERNIERES ANNEES
Pierre CAVARD
Directeur des études et analyses, Unédic
Jean‐Paul DOMERGUE
Directeur des affaires juridiques, Unédic
Jacques LENOIR Jean‐Paul DOMERGUE
Comme vous avez pu le comprendre, notre objecHf de En France, l’Assurance chômage est un régime
ce maHn est double. convenHonnel issu d’une négociaHon entre les
organisaHons représentaHves d’employeurs et de
Il s’agit d’une part de vous informer le mieux possible en salariés, couramment appelés « partenaires sociaux ».
vous livrant les regards croisés de nos invités qui sont Ce régime est encadré par la loi qui en fixe les principes
tous experts sur la quesHon du chômage. Ils nous et les partenaires sociaux disposent de prérogaHves
livreront leurs regards sur l’évoluHon du chômage déléguées par le législateur pour fixer eux‐mêmes les
indemnisé en France et chez nos grands voisins au cours règles qui caractérisent le système d’indemnisaHon
de ces dix dernières années. d’assurance chômage. Il s’agit d’un système tout à fait
parHculier à la France, et d’ailleurs nous ne retrouvons
Il s’agit d’autre part d’ouvrir le dialogue. Deux débats ceYe spécificité dans aucun autre pays d’Europe. Les
sont donc prévus pour ceYe maHnée et un temps de partenaires sociaux peuvent être considérés comme le
quesHons aura lieu après chacun d’entre eux. législateur de l’assurance chômage et créent les normes,
sous réserve qu’elles soient compaHbles avec les normes
Pour commencer, nous avons choisi de jeter un regard supérieures et qu’elles s’inscrivent dans une poliHque
rétrospecHf sur l’évoluHon du chômage indemnisé en plus générale de l’emploi. Voilà pourquoi cet accord,
France au cours de ces dix dernières années. négocié par les partenaires sociaux, est soumis à
l’agrément ministériel. Pour être agréé, il doit saHsfaire
Nous allons pendant ceYe première parHe parcourir les plusieurs condiHons : il doit assurer l’équilibre financier
grandes décisions qui ont marqué l’histoire de du disposiHf et être compaHble avec la poliHque
l’indemnisaHon du chômage et par là même, la place et générale conduite par les pouvoirs publics. Cet accord
le rôle de l’Unédic. Nous parlerons de convenHon, est généralement conclu pour une durée déterminée,
d’assurance chômage, d’acHvité réduite, de dévelop‐ car les hypothèses économiques d’évoluHon de l’emploi
pement de nouvelles aides, mais aussi d’insHtuHon et et du chômage correspondent à une durée limitée ; il est
organisaHon (c’est‐à‐dire l’évoluHon du rôle de l’Unédic en effet impossible d’avancer des prévisions
et la créaHon de Pôle emploi). Il s’agit d’un certain raisonnables au‐delà de deux ou trois ans.
nombre d’éléments que vous devez connaître, mais qu’il
nous semble uHle de rappeler. Jacques LENOIR
Lorsque nous nous penchons sur les dix dernières
Pouvez‐vous nous expliquer quelle est la spécificité du années, nous pouvons constater que l’assurance
système d’assurance chômage français par rapport aux chômage a considérablement accru ses interven?ons
autres systèmes européens ? sur le marché du travail. Elle est passée d’un rôle limité
d’indemnisa?on à un accompagnement des
demandeurs d’emploi. Il s’agit véritablement d’une des
idées fortes. Mais nous pouvons nous demander
pourquoi et comment ceee interven?on s’est‐elle
opérée.
Table ronde de l’Unédic – Février 2012
6 2001 – 2011 : Regards croisés sur le chômage indemnisé
7. ZOOM SUR
LES FAITS MARQUANTS
DES DIX DERNIERES ANNEES
Jean‐Paul DOMERGUE Jacques LENOIR
Il est vrai que depuis dix ans, ceYe évoluHon a pu être Ce ralen?ssement économique a‐t‐il affecté le
remarquée. Nous le pressenHons déjà à la fin des années financement des ac?ons en faveur de l’emploi ?
90, puisque dans le cadre de la communicaHon faite au
niveau européen, nous noHons certains encouragements Jean‐Paul DOMERGUE
pour acHver les ressources de l’Assurance chômage dans Absolument pas. Les partenaires sociaux, dans le cadre
le but d’accompagner et d’aider les demandeurs des orientaHons décidées lors de la mise en place du
d’emploi à accélérer leur retour à l’emploi. PARE, ont corrigé certains paramètres (réducHon des
durées d’indemnisaHon, augmentaHon du taux des
Lorsque les négociateurs négocient la future convenHon contribuHons), mais ils ont tout de même maintenu leurs
du 1er juillet 2001, ils se demandent comment ils engagements en faveur des demandeurs d’emploi, voire
peuvent renforcer l’adéquaHon entre l’offre et la les ont renforcés : depuis 2006, accompagnement et
demande d’emploi. Leur souci est donc de définir suivi personnalisé des allocataires selon leur distance à
comment il est possible d’uHliser les ressources de l’emploi et leur situaHon professionnelle, assorHs d’aides
l’assurance chômage pour améliorer ceYe adéquaHon adaptées.
tout en accélérant le retour à l’emploi et en réduisant la
durée de l’indemnisaHon. Ils décident donc de lier Jacques LENOIR
l’indemnisaHon à l’accompagnement et aux aides au Nous pouvons demander à Pierre Cavard d’illustrer ce
reclassement et meYent en place le plan d’aide au qui vient d’être dit.
retour à l’emploi (PARE), disposiHf largement discuté et
qui a suscité de nombreuses polémiques. Sa visée était Pierre CAVARD
de rappeler les engagements qui incombaient à Il est important de situer l’évoluHon réglementaire et
l’Assurance chômage et à ses partenaires, ainsi que les l’accompagnement sur les dépenses acHves sur une
obligaHons des demandeurs d’emploi en contreparHe du décennie assez tourmentée sur le plan de la croissance
versement des allocaHons et des aides. et du chômage. Deux périodes de forte croissance du
chômage peuvent être repérées : 2002‐2004 et
Le PARE concréHsait les droits et obligaHons des deux fin 2008‐2010.
parHes. Il soulignait les services qui pouvaient être
aYendus des Assédic et de l’Anpe. Des aides au retour à La croissance du chômage diminue globalement au cours
l’emploi ont à ceYe fin été créées, sur la base de de la décennie, alors qu’elle était assez élevée (près de
financements spécifiques pour accompagner les 4 %) au début des années 2000. La progression de
allocataires de l’assurance chômage. l’emploi suit de près celle de la croissance. Il est
manifeste que l’emploi (dont la croissance baisse jusqu’à
Le PARE a été mis en place en 2001. Les convenHons qui devenir négaHve en 2003 avant une reprise
ont succédé ont apporté des aménagements au conjoncturelle durant jusqu’en 2006‐2007) s’est ajusté
disposiHf mais sans le remeYre en cause. En 2004, le avec une forte baisse.
PARE a été maintenu, et ce malgré les difficultés
économiques rencontrées. Il faut rappeler qu’au Le chômage indemnisé, qui pèse sur les finances de
moment où le PARE a été créé, la conjoncture était l’assurance chômage, a fortement augmenté dans les
favorable. Elle s’est ensuite dégradée et les hypothèses années 2001‐2002. Une amélioraHon peut être
économiques sur lesquelles le PARE avait été établi ne se remarquée jusqu’en 2006‐2007 et à parHr de fin 2008
sont pas avérées . avec un impact différé sur l’endeYement de l’assurance
chômage (qui est pris en compte dans toutes les
décisions prises). Cet endeYement subit tout de même
un certain délai par rapport au chômage indemnisé.
Table ronde de l’Unédic – Février 2012
7 2001 – 2011 : Regards croisés sur le chômage indemnisé
8. ZOOM SUR
LES FAITS MARQUANTS
DES DIX DERNIERES ANNEES
Jacques LENOIR Pierre CAVARD
Une autre décision symbolique et importante a Le disposiHf le plus important est l’acHvité réduite. Il
également été prise au début des années 2000. Il s’agit concerne aujourd’hui plus d’un million de personnes.
du cumul entre une indemnité chômage et une ac?vité
réduite. Pourquoi et dans quel contexte ceee nouvelle Nous pouvons également évoquer l’aide à la reprise et à
possibilité apparaît‐elle pour les demandeurs la créaHon d’entreprise (ARCE), qui est assez
d’emploi ? significaHve. Elle s’adresse à un chômeur indemnisé
souhaitant créer ou reprendre une entreprise. Elle lui
Pierre CAVARD permet de disposer d’un capital en foncHon du reliquat
L’acHvité réduite est la possibilité pour un chômeur de droits dont il dispose pour financer et réussir son
indemnisé de reprendre une acHvité qui peut être projet. Les montants sont loin d’être négligeables (entre
réduite dans sa durée ou dans le montant du revenu 800 et 900 millions d’euros par an).
qu’il en reHre. Si ceYe durée ou ce montant sont
significaHvement réduits par rapport à son emploi Nous pouvons parler également de l’aide différenHelle
précédent, un cumul entre le revenu perçu et un revenu au reclassement (ADR), qui permet de reprendre un
addiHonnel qui vient de l’allocaHon est mis en place. emploi moins bien payé que l’emploi précédent et
d’avoir un différenHel.
Les intérêts sont mulHples pour le demandeur d’emploi :
Toutes ces aides posent la quesHon de leur efficacité.
• Il peut, tout d’abord, avoir un revenu intermédiaire PermeYent‐elles véritablement de sorHr du chômage ?
entre son revenu précédent et le revenu du chômage Trois études sont prévues en 2012, concernant l’acHvité
pour le mois en cours. réduite, l’ARCE et l’ADR.
• Il s’agit d’une incitaHon à reprendre un emploi, même Jacques LENOIR
de courte durée ou de revenu inférieur à son emploi Nous pouvons également parler de tout ce qui a été
précédent. réalisé en faveur des licenciés économiques.
• Il peut consommer moins rapidement ses droits au Pierre CAVARD
chômage en cours ; la date de ses fins de droit peut Parmi les différents disposiHfs, l’aide au retour à l’emploi
donc être reculée. (ARE) consHtue l’allocaHon principale. Le disposiHf des
convenHons de conversion a pris fin début 2000. La
Pour l’Assurance chômage, l’intérêt est d’avoir dans le convenHon de reclassement personnalisé a quant à elle
même mois un demandeur d’emploi qui contribue connu une certaine importance vers 2009‐2010. Citons
quand il est en acHvité et qui consomme moins en également le contrat de transiHon professionnelle, qui
termes de dépenses lorsqu’il en sort. concerne un effecHf assez réduit, et le contrat de
sécurisaHon professionnelle (CSP), mis en place en
Etre en acHvité réduite n’est pas une fin en soi. Les septembre 2011.
partenaires sociaux ont souhaité que ce soit une
possibilité pour inciter les demandeurs d’emploi à Jacques LENOIR
reprendre un emploi. Elle est tout de même limitée dans Quel type d’accompagnement a été mis en place pour
le temps (18 mois auparavant et 15 mois actuellement) les licenciés économiques ?
pour éviter de s’installer dans ce type de disposiHf.
Jean‐Paul DOMERGUE
Jacques LENOIR Des disposiHfs parHculiers (CRP, CTP) ont été ouverts aux
Nous n’allons pas détailler toutes les aides au retour à personnes concernées par un licenciement économique
l’emploi qui ont été décidées au cours de ceee période, à parHr de 2006. Ils garanHssent aux bénéficiaires une
mais pouvez‐vous nous parler de deux ou trois aides indemnisaHon proche de leur salaire avant licenciement
ayant jalonné ceee décennie ? et prévoient un accompagnement renforcé. Ils font
appel à un financement supplémentaire par l’employeur,
l’Unédic et l’Etat. Ils renforcent les moyens apportés
pour les aides et l’accompagnement de ces bénéficiaires.
Table ronde de l’Unédic – Février 2012
8 2001 – 2011 : Regards croisés sur le chômage indemnisé
9. ZOOM SUR
LES FAITS MARQUANTS
DES DIX DERNIERES ANNEES
Jacques LENOIR Jacques LENOIR
Nous pouvons aussi considérer le changement Une des innova?ons de 2005 est également
ins?tu?onnel de ceee période, qui a vu une l’interven?on du privé dans le placement (OPP).
clarifica?on du rôle des deux principaux acteurs
d’assurance chômage (Unédic et Anpe). Quels sont les Jean‐Paul DOMERGUE
changements majeurs dans l’organisa?on mise en CeYe innovaHon est intervenue car, en 2006, la
place ? convenHon d’Assurance chômage a créé de nouvelles
aides sur la base des prérogaHves nouvelles que donnait
Jean‐Paul DOMERGUE la loi de 2005 aux partenaires sociaux. Les aides
Pour appréhender ces aménagements, il faut tout financées par l’Assurance chômage se sont diversifiées et
d’abord comprendre pourquoi l’organisaHon a évolué de développées.
ceYe façon. L’assurance chômage acHve ses ressources,
conformément à la volonté des partenaires sociaux de Dans ce cadre, les responsables de l’Assurance chômage
mobiliser les dépenses en vue d’accélérer le retour à ont considéré qu’ils pouvaient faire des expéri‐
l’emploi. mentaHons en s’adressant aux opérateurs privés de
placement. L’idée était de créer une certaine émulaHon
L’Assurance chômage sort de sa seule mission avec l’opérateur public pour améliorer les résultats. Ces
d’indemnisaHon et dès lors elle élargit le champ de ses expérimentaHons se sont développées, mais elles sont
responsabilités ; elle doit travailler davantage avec des devenues compliquées. Entre les démarches du
partenaires (l’Anpe à l’époque). Elle peut ainsi partenaire public, celles de l’Unédic et des Assédic avec
coordonner de plus en plus ses acHons avec ses ses opérateurs privés, la coordinaHon était devenue
partenaires. A ce moment (2001), le SPE n’existe pas complexe et confuse. Il était devenu nécessaire d’y
encore dans les textes. Il est évoqué dans une circulaire meYre de l’ordre.
et a des liens foncHonnels établis, mais il n’est pas
consacré. CeYe situaHon perdurant, le besoin de Dans le cadre de la campagne présidenHelle, le futur
formaliser tout ceci se fait ressenHr en 2005, de façon à Président avait pris des engagements à ce sujet pour
permeYre des rapprochements, ainsi qu’un meilleur réformer le SPE en procédant à une fusion du réseau des
encadrement, et à coordonner plus efficacement les Assédic avec celui de l’Anpe. CeYe unificaHon a été faite
acHons complémentaires de l’Anpe et des Assédic/ fin 2008.
Unédic. La loi de programmaHon pour la cohésion
sociale du 18 janvier 2005 consacre le SPE. Jacques LENOIR
Il s’agit de la créa?on de Pôle emploi, mais nous ne
Ce SPE est organisé selon trois niveaux. Le premier est nous étendrons pas sur ce point. La modifica?on
consHtué de ceux qui assurent le service public : Anpe, engendrée par ceee fusion a‐t‐elle changé le rôle et les
Assédic/Unédic et services extérieurs du ministère du missions de l’Unédic ?
travail. Le deuxième correspond à ceux qui peuvent y
contribuer par leurs missions : collecHvités territoriales Jean‐Paul DOMERGUE
et maisons de l’emploi. Elles jouent un rôle majeur dans L’Unédic ne fédère plus les Assédic. Il s’agit du principal
la réforme de 2005. Elles avaient une posiHon centrale, changement de ceYe fusion. Elle reste gesHonnaire de
puisque chaque bassin d’emploi était chargé de l’assurance chômage, ses missions sont consacrées et
coordonner les moyens des différents partenaires pour son existence est prévue par la loi. Les partenaires
mieux répondre aux besoins idenHfiés. sociaux conHnuent à assurer la gesHon en termes de
créaHon de normes de l’assurance chômage. A ce Htre,
Elles avaient donc une véritable légiHmité par l’ancrage toutes les responsabilités de l’Unédic sont maintenues
territorial sur lequel devaient s’appuyer les différents et sont même renforcées, puisque les partenaires
partenaires du SPE. Le troisième niveau du SPE, enfin, sociaux veulent véritablement assurer le pilotage.
est consHtué des insHtuHons qui y parHcipent par
délégaHon.
Table ronde de l’Unédic – Février 2012
9 2001 – 2011 : Regards croisés sur le chômage indemnisé
10. ZOOM SUR
LES FAITS MARQUANTS
DES DIX DERNIERES ANNEES
Ce changement est intervenu début 2009, donc en
pleine crise économique. Le suivi des objecHfs à trois ans
a été délaissé rapidement et les instances de
gouvernance de ceYe convenHon ne se sont quasiment
pas réunies durant les deux premières années.
L’Unédic est désormais avec l’Etat un prescripteur de Sur la convenHon qui vient d’être signée (2012‐2014), les
règles et un financeur puisqu’elle subvenHonne les données sont très différentes. Dans la négociaHon,
acHons dans le domaine de l’accompagnement et des l’Unédic a pris la place qui lui revenait et ceYe
aides qui sont mises en œuvre par Pôle emploi. Elle est convenHon prévoit un pilotage par le résultat. Le résultat
le principal financeur de Pôle emploi (3 milliards de l’acHon de Pôle emploi doit être un retour à l’emploi,
d’euros). la limitaHon du chômage de longue durée, une certaine
transparence du marché du travail, une qualité de
Pour s’assurer que ses ressources sont uHlisées service et des redéploiements d’effecHfs vers
conformément aux orientaHons des responsables de l’accompagnement.
l’assurance chômage ou aux objecHfs qu’elle se donne,
une convenHon triparHte entre l’Etat, Pôle emploi et Tous ces aspects sont contrôlés par une quinzaine
l’Unédic est signée. Une première a été signée en 2008 d’indicateurs et par des objecHfs annuels et une
et est arrivée à échéance fin 2011. gouvernance qui a l’ambiHon de se réunir un peu plus.
Différence notable, les ressources de l’assurance Jacques LENOIR
chômage ne sont plus consacrées uniquement aux Nous voyons clairement qu’au cours de ceee décennie,
allocataires de l’assurance chômage, elles servent le cadre ins?tu?onnel a évolué, en grande par?e du fait
également à accompagner et à aider l’ensemble des du poli?que. Avez‐vous néanmoins le sen?ment que
demandeurs d’emploi. Il s’agit d’une réponse aux les partenaires sociaux ont toujours gardé la main sur
criHques faites sur le disposiHf antérieur, auquel il était le pilotage de l’ac?on sur le terrain de l’Assurance
reproché de meYre en place un système à deux vitesses. chômage ?
CeYe première convenHon triparHte ne correspondait
cependant pas tout à fait à ce qui avait été souhaité. La Jean‐Paul DOMERGUE
nouvelle vient d’être conclue et fixe des objecHfs Les partenaires sociaux conservent toutes leurs
beaucoup plus clairs à l’opérateur Pôle emploi. Elle responsabilités dans le domaine de l’assurance
p révo i t u n a c co m p a g n e m e nt b e a u co u p p l u s chômage. Ce point est même confirmé par le
personnalisé des chômeurs et des moyens plus adaptés. législateur ; la volonté est de leur permeYre de
Cet élément essenHel doit donc être souligné. Dans conHnuer à négocier de façon à conclure des accords qui
ceYe nouvelle configuraHon et en liaison avec l’Etat, définissent des condiHons dans lesquelles l’assurance
l’Unédic peut procéder, grâce à des indicateurs de chômage doit intervenir en faveur des demandeurs
résultats, au suivi des mesures prescrites, à des audits d’emploi.
sur l’acHvité développée par Pôle emploi.
Pierre CAVARD
Jacques LENOIR Je pense que l’Unédic d’aujourd’hui est l’instrument
Vous avez prononcé le mot « résultat » et il s’agit d’une nécessaire aux partenaires sociaux pour faire évoluer la
nouvelle logique dans ce système. Pôle emploi doit, règle. Elle permet également de faire preuve de réalisme
d’une certaine manière, rendre des comptes dans le contexte financier dans lequel elle s’inscrit, avec
aujourd’hui à l’Unédic. Sommes‐nous réellement dans des prévisions d’équilibre financier à un ou deux ans et
une logique de résultat ? des retours très concrets de résultats d’audit
opéraHonnel, ainsi que des remontées d’informaHons de
Pierre CAVARD la part des instances paritaires régionales. Mais elle doit
Nous y entrons effecHvement. Nous venons d’évoquer la également chiffrer les nouvelles mesures et évaluer les
convenHon triparHte post‐fusion, et les principales disposiHfs.
finalités étaient de vérifier que le projet de fusion
(premier palier) était bien réalisé. Il était donc essenHel L’Unédic est donc l’ouHl idéal pour que les partenaires
de meYre en place des référents uniques, un entreHen sociaux gardent la main, avec tout ce que cela implique
iniHal unique, et l’acHvité devait être bien exécutée en termes de réalisme financier, d’endeYement, etc. sur
pendant ce projet. l’évoluHon des règles de l’Assurance chômage
Table ronde de l’Unédic – Février 2012
10 2001 – 2011 : Regards croisés sur le chômage indemnisé
11. REGARDS CROISÉS SUR
LES DEMANDEURS D’EMPLOI
ET RÉPONSES DU
SERVICE PUBLIC DE L’EMPLOI
Pierre CAVARD
Directeur des études et analyses, Unédic
Didier DEMAZIÈRE
Sociologue, chercheur au CNRS, Sciences PO et CSO
David GRUBB
Économiste, Direc?on de l’Emploi, du travail et des affaires sociales, OCDE
Philippe SCHERRER
Sous‐directeur Emploi et Marché du travail, DARES
Jacques LENOIR Une pyramide des âges des chômeurs sur toute la
Avant de parler des demandeurs d’emploi, il convient décennie 2001‐2010, avec une disHncHon en foncHon du
de considérer l’évolu?on du chômage en France au sexe, fait apparaître que le chômage des hommes a
cours de la décennie, et notamment sur ce qui a – ou considérablement augmenté, notamment au travers des
n’a pas – changé. Je laisse le soin à Pierre Cavard de licenciements économiques. 2003 correspond à la
nous présenter ce point. première période de crise économique : toutes les
classes d’âge sont autant touchées par le chômage,
Pierre CAVARD hormis les hommes de plus de 56 ans qui le sont
Comme indiqué précédemment, la dernière décennie a davantage. CeYe année est assez similaire à 2010. En
vu deux périodes de hausse du chômage (2002‐2004 et 2004‐2007, le taux de chômage baisse avant de laisser
fin 2008‐2010). place fin 2008 à une nouvelle crise économique.
Il convient de disHnguer le potenHel indemnisable, c’est‐ Les chômeurs indemnisés le sont essenHellement à
à‐dire l’ensemble des demandeurs d’emploi, qu’ils aient l’issue de CDD ou de missions d’intérim (60 %) et de
ou non travaillé au cours du mois, ainsi que les dispensés licenciements (28 %). Par ailleurs, les ruptures
d’emploi du chiffre du chômage communiqué chaque convenHonnelles ont fait leur appariHon en 2008.
mois et les bénéficiaires de l’ARE. Le potenHel
indemnisable représente près de 4,3 millions de Jacques LENOIR
personnes. Nous pouvons constater un certain nombre de
fluctua?ons au travers de ceee période. Avons‐nous
Si l’on rapporte le nombre d’indemnisés à ce potenHel, tout de même un invariant qui marque l’ensemble de la
le taux de couverture est d’environ 50 % sur l’ensemble période en ma?ère de chômage ?
de la période. En 2001, il augmente avec l’ouverture de
filières à quatre mois : quatre mois de travail suffisant Pierre CAVARD
pour être indemnisé, le nombre de demandeurs Nous sommes habitués à croire que tout change avec les
d’emploi est alors plus élevé. En 2003‐2004, le taux de crises. Ce n’est pourtant pas le cas. Elles se caractérisent
couverture baisse avant une nouvelle ouverture à quatre par des entrées plus nombreuses dans le chômage, mais
mois en 2009 et une nouvelle diminuHon assez rapide du ceYe donnée n’est pas aussi simple pour les individus.
fait de la crise.
Table ronde de l’Unédic – Février 2012
11 2001 – 2011 : Regards croisés sur le chômage indemnisé
12. REGARDS CROISÉS SUR
LES DEMANDEURS D’EMPLOI
ET RÉPONSES DU
SERVICE PUBLIC DE L’EMPLOI
Pour connaître le taux de persistance au chômage, nous Jacques LENOIR
relevons le nombre de demandeurs d’emploi au moment Nous venons de découvrir des chiffres et des
de leur inscripHon, puis nous examinons combien il en sta?s?ques ; nous allons à présent nous intéresser aux
reste sur les listes de demandeurs d’emploi trois, six, individus, à leurs vécus et leurs comportements. Didier
douze ou vingt‐quatre mois plus tard en gommant les Demazière, pouvez‐vous nous indiquer si le chômeur
effets administraHfs (par exemple, un demandeur de 2012 ressemble au chômeur de 2000 ? Avez‐vous
d’emploi est considéré comme étant sorH des listes constaté dans l’évolu?on des demandeurs d’emploi des
uniquement après quatre mois consécuHfs de radiaHon). tendances et des changements ?
Nous relevons que 45 % des inscrits sont toujours
présents un an plus tard et 27 % deux ans plus tard. La Didier DEMAZIERE
courbe du taux de persistance au chômage sur les J’évoquerai tout d’abord ce qui ne change pas. La
années 2001, 2005 et 2010 est quasiment la même. En conclusion massive que nous retrouvons dans les
2008‐2009, le taux de persistance est légèrement plus enquêtes les plus récentes, mais aussi dans celles de
fort, mais cela résulte de la crise. En tout état de cause, 2000 ou encore d’autres beaucoup plus anciennes
qu’il soit en période de forte crise ou non, l’individu ne (enquêtes faites par entreHen auprès des chômeurs pour
connaît pas nécessairement de changement. comprendre comment les individus vivent ceYe situaHon
de chômage) est que le chômage consHtue ce que les
Jacques LENOIR sociologues appellent une épreuve.
Quel est le facteur déterminant, si ce n’est pas la
conjoncture ? Il s’agit d’une situaHon difficile, d’infériorité sociale. En
outre, être chômeur implique de s’inscrire dans toute
Pierre CAVARD une série d’acHvités nouvelles et urgentes pour
L’âge est le facteur déterminant. EffecHvement, au bout retrouver un emploi. D’ailleurs, le fait de se mobiliser
de deux ans, il ne reste que 19 % des demandeurs pour tenter de se sorHr de ceYe situaHon indique bien
d’emploi de moins de 30 ans. En revanche, un que ceYe posiHon n’est pas enviable. L’épreuve est donc
demandeur d’emploi de plus de 50 ans sera dans un cas un phénomène constant.
sur deux toujours dans les listes deux ans plus tard.
Derrière ceYe constance, la quesHon de la banalisaHon
Jacques LENOIR du chômage est tout de même récurrente ; toute une
Ces données proviennent d’une étude que l’Unédic a série d’arguments vont en ce sens.
réalisée et qui confirme de manière éclatante que l’âge
est véritablement déterminant, au‐delà des crises Mais ceYe quesHon n’est pas simple. Le chômage n’est
économiques. pas seulement un vécu personnel ; l’expérience du
chômage est l’assignaHon à un statut social qui reste
Pierre CAVARD dévalorisé et dévalorisant dans notre société.
L’âge est effecHvement décisif, mais ces indicateurs de
persistance n’ont pas été trouvés par hasard. Ils Nous pouvons donc considérer que la thèse de la
résultent de la négociaHon de la convenHon triparHte banalisaHon est très fragile. Je pense que ceYe thèse
évoquée précédemment. Ce sont des indicateurs vaut si nous comparons le fait d’être chômeur en Ile‐de‐
d’objecHf pour Pôle emploi sur les trois ans à venir, qui France à celui de l’être à São Paulo ou à Tokyo par
rendent valides la noHon de public cible pour exemple. Mais si nous comparons la situaHon
l’accompagnement. Nous voyons, en effet, que les d’aujourd’hui à celle de 2000, nous ne pouvons pas
difficultés des demandeurs d’emploi de plus de 50 ans parler de banalisaHon.
ou de moins de 30 sont pérennes. La crise ne change pas
tout. Les poliHques d’emploi et de l’accompagnement
doivent donc garder ceYe vision pérenne de public cible.
Table ronde de l’Unédic – Février 2012
12 2001 – 2011 : Regards croisés sur le chômage indemnisé
13. REGARDS CROISÉS SUR
LES DEMANDEURS D’EMPLOI
ET RÉPONSES DU
SERVICE PUBLIC DE L’EMPLOI
Jacques LENOIR La première évoluHon est la diffusion du chômage
A l’inverse, pouvez‐vous nous dire ce qui a changé ? différé. Le fait de se mobiliser fortement pour sorHr du
chômage et de s’invesHr est beaucoup plus répandu
Didier DEMAZIERE qu’auparavant. CeYe mobilisaHon peut être vue comme
Comme je l’ai indiqué, le chômage est une épreuve et la le résultat des poliHques d’acHvaHon en direcHon des
façon de s’y confronter peut être différente. chômeurs.
Dans les enquêtes sociologiques, nous avons mis en La deuxième évoluHon, qui peut de prime abord sembler
évidence, de manière tradiHonnelle, trois grandes contradictoire, est la diffusion du chômage total, au
formes de chômage. Ce sont ces formes qui ont moins dans les formes aYénuées (diffusion d’une forme
tendance à changer. de découragement). Une caractérisHque de l’expérience
du chômage d’aujourd’hui est donc la combinaison de
• le chômage différé ces deux formes de chômage qui, selon les individus,
Le chômeur ne se considère pas comme tel. Il se sera d’une proporHon variable pour l’une ou l’autre
définit plutôt comme un chercheur d’emploi et est forme.
complètement mobilisé pour prospecter le marché de
l’emploi. Il s’agit généralement des cadres, techniciens La troisième évoluHon concerne le chômage inversé.
et hauts diplômés pour qui le chômage est une Comme indiqué précédemment, le chômeur se réfugie,
horreur qu’ils essayent d’effacer par leur hyperacHvité. par ceYe forme de chômage, dans des situaHons plus
posiHves et dans lesquelles il est possible de se réaliser.
• le chômage inversé Nous observons cependant dans les enquêtes les plus
Le chômeur juge qu’il n’a jamais été aussi bien depuis actuelles une forme de sorHe symbolique, subjecHve du
ce nouveau statut. Il a du temps libre pour faire ce qui chômage, non plus en s’invesHssant dans des hobbies et
lui plaît, il s’épanouit, voit des amis, développe ses d’autres acHvités mais plutôt comme une forme ulHme
réseaux sociaux, etc. CeYe catégorie de chômeurs voit de découragement et de retrait explicite et officiel du
le chômage comme l’occasion de « faire un break », de marché du travail. Il s’agit donc d’une forme
s’engager dans des hobbies, etc. CeYe forme d’accentuaHon du caractère douloureux et dramaHque
d’inversion où le chômage devient posiHf pour du chômage.
l’individu est plus concentrée du côté de jeunes
intellectuels, diplômés mélangeant parfois leur statut Jacques LENOIR
d’étudiant à celui de chômeur. Nous pouvons remarquer que le chômage a toujours
été vécu de manière individuelle. De plus, aucune
• le chômage total ac?on collec?ve n’est mise en place. Comment
Il s’agit de la forme la plus massive et la plus répandue pouvons‐nous expliquer ceee incapacité pour les
dans les enquêtes sociologiques. Dans ce cas, le demandeurs d’emploi à se regrouper dans des ac?ons
chômeur vit ceYe situaHon comme un drame et mouvements collec?fs ?
p e r s o n n e l e t u n e é p r e u v e p s y c h o l o g i q u e
traumaHsante. Il s’agit généralement des travailleurs Didier DEMAZIERE
les moins qualifiés, mais ceYe forme de chômage n’est CeYe incapacité est assez pérenne. En 1981, le syndicat
pas réservée à ce type de populaHon. des chômeurs a tout de même été créé pour l’élecHon
présidenHelle. Pendant l’hiver 1997‐1998, nous avons
Il est difficile de définir les évoluHons car, dans ce type constaté quelques mois de mobilisaHon d’organisaHons
d’enquêtes qualitaHves par entreHen, le but n’est pas de syndicales et d’associaHons de chômeurs qui ont occupé
se caler sur les résultats d’enquêtes passées pour des agences pour l’emploi et des locaux d’Assédic. Ces
constater ce qui a pu changer. Il faut relire et mobilisaHons sont cependant très sporadiques. Les
réinterpréter les résultats d’enquêtes. chômeurs sont silencieux et collecHvement peu
organisés.
Table ronde de l’Unédic – Février 2012
13 2001 – 2011 : Regards croisés sur le chômage indemnisé
14. REGARDS CROISÉS SUR
LES DEMANDEURS D’EMPLOI
ET RÉPONSES DU
SERVICE PUBLIC DE L’EMPLOI
CeYe incapacité à se mobiliser peut tout d’abord L’orientaHon des poliHques d’emploi en France ces dix
s’expliquer par le fait que les chômeurs sont moins une dernières années a également recherché un compromis
populaHon qu’une catégorie excessivement hétérogène. entre un modèle anglo‐saxon et un modèle scandinave.
Nous y trouvons tous les milieux culturels, tous les En France, ce modèle est appelé « sécurisaHon des
niveaux sociaux et toutes les catégories d’âge. Une très parcours professionnels ». Il s’agit d’un rapprochement
grande diversité est donc observée. vers un modèle scandinave qui est plus naturel que le
modèle anglo‐saxon.
Nous pouvons également constater une très grande
diversité dans le rapport au chômage. Certains y passent Les poliHques d’emploi d’acHvaHon se sont orientées
très rapidement, d’autres s’y enfoncent et de ce point de vers deux grands axes.
vue, l’expérience du chômage est vraiment différente
d’un individu à un autre et elle ne peut être fédératrice. Le premier est l’accompagnement renforcé. C’est
l’accompagnement le plus important, puisque la rupture
Pour se mobiliser, il est nécessaire d’avoir un adversaire. a été la plus forte en la maHère par rapport aux
Les chômeurs peuvent avoir une réelle difficulté à décennies antérieures. Nous pouvons citer différentes
construire un adversaire dans la mesure où aucun acteur mesures : en 2001 le PARE PAP, en 2006 l’instauraHon du
ne peut être tenu pour responsable du chômage et SMP (suivi mensuel personnalisé) qui prévoit un suivi
aucun acteur n’est pour le chômage ; au contraire tout le tous les mois à parHr du quatrième mois lors de la
monde luYe contre. La difficulté liée à ceYe absence définiHon du PPAE (projet personnalisé d’accès à
d’adversité amène des difficultés pour construire des l’emploi), la fin du monopole de l’Anpe et l’ouverture du
revendicaHons. marché aux organismes publics de placement. En 2008,
nous pouvons citer un renforcement des droits et
Enfin, pour la plupart des individus au chômage, devoirs des demandeurs d’emploi. Plus récemment et
l’urgence de la situaHon est de sorHr de ce statut. De ce dans le cadre de la convenHon triparHte précédemment
fait, quand un individu se mobilise, il le fait avant tout évoquée, le renforcement des ressources humaines
pour la gesHon de son sort personnel, plutôt que dans affectées à Pôle emploi et à l’accompagnement peut être
une approche collecHve, puisqu’il est impossible de voir souligné.
comment transformer la situaHon du chômage
collecHvement, concrètement et dans une temporalité Les incitaHons financières pour l’emploi consHtuent le
assez courte. deuxième axe. Différentes évoluHons des règles de
l’indemnisaHon peuvent également être citées. Elles ont
Jacques LENOIR eu à concilier des objecHfs un peu contradictoires, des
Par rapport à ceee situa?on individuelle et objecHfs de contrainte d’équilibre financier à moyen
comportementale des chômeurs, le rôle des pouvoirs terme pour l’Unédic, mais aussi une adaptaHon aux
publics a été d’agir contre le chômage. Philippe trajectoires professionnelles et conjoncturelles plus
Scherrer, vous allez nous indiquer comment les marquées pour les demandeurs d’emploi.
poli?ques de l’emploi se sont adaptées à ceee
évolu?on. Au cours de ces dernières années, comment Nous pouvons ici également relever des évoluHons
la poli?que de renforcement dans l’accompagnement depuis une décennie, une modificaHon concernant la
des demandeurs d’emploi s’est‐elle traduite en France ? suppression de la dégressivité des allocaHons en 2001,
Quelles ont été les principales décisions de l’Etat ? une réducHon des durées maximales d’indemnisaHon en
2003 et 2009, une extension progressive des périodes de
Philippe SCHERRER référence sur ceYe décennie et la suppression et la
Concernant les poliHques d’emploi en direcHon des réintroducHon des filières courtes à parHr du quatrième
demandeurs d’emploi, nous avons pu relever une plus mois d’affiliaHon en 2003, puis 2009, et enfin le
grande acHvaHon, c'est‐à‐dire une mobilisaHon des renforcement de l’offre d’acHvaHon (réforme de la
dépenses de luYe contre le chômage en faveur d’acHons formaHon professionnelle en 2009 et la redéfiniHon du
de réinserHon sur le marché du travail plutôt qu’une SPE).
simple indemnisaHon passive.
Table ronde de l’Unédic – Février 2012
14 2001 – 2011 : Regards croisés sur le chômage indemnisé
15. REGARDS CROISÉS SUR
LES DEMANDEURS D’EMPLOI
ET RÉPONSES DU
Jacques Lenoir
SERVICE PUBLIC DE L’EMPLOI Avons‐nous aujourd’hui des réponses objec?ves sur
l’efficacité comparée du public et du privé ?
Philippe SCHERRER
Je ne poserais pas la quesHon dans ces termes. Il est
essenHel d’avoir aujourd’hui des objecHfs de placement
qui complètent l’accompagnement de Pôle emploi. Il est
Jacques LENOIR donc important que les demandeurs d’emploi soient
Au‐delà de ceee longue liste de mesures, pouvons‐ également pris en charge par les opérateurs privés de
nous aujourd’hui évaluer l’impact, les résultats et les placement qui complètent les prestaHons proposées par
effets de ces différentes décisions ? Prenons par
Pôle emploi. Une évaluaHon récente (des travaux menés
exemple le cas du PARE ou de l’arrivée des OPP sur
par Pôle emploi et la DARES concernant le recours à des
l’ARE. Avons‐nous des éléments de mesure ? opérateurs privés de placement pour l’accompagnement
personnalisé) comparait l’impact des opérateurs privés
Philippe SCHERRER de placement ou de Pôle emploi sur le retour à l’emploi
Nous avons effecHvement des éléments permeYant
des demandeurs d’emploi. Elle a démontré que Pôle
d’évaluer les effets de ces décisions. Pour les disposiHfs
emploi a un différenHel posiHf en sa faveur dans le cadre
généraux d’accompagnement renforcé des demandeurs de ses accompagnements renforcés.
d’emploi, nous disposons des évaluaHons qui portent sur
le PARE PAP et le SMP. Nous avons également quelques Mais en tenant compte des différences observées, l’écart
expérimentaHons pour les disposiHfs d’accompagne‐
diminue entre Pôle emploi et les opérateurs privés de
ment renforcé et le recours aux OPP.
placement. Il persiste mais peut également être lié à des
effets non observables.
Dans l’ensemble, ces mesures d’accompagnement
renforcé ont eu un effet posiHf et significaHf sur le taux Jacques LENOIR
de retour à l’emploi des demandeurs d’emploi et un effet
Le chômage des seniors est également un point à
négaHf sur le taux de récurrence sur les listes de Pôle
aborder. Un certain nombre de mesures ont été prises,
emploi. La difficulté consiste cependant à déterminer ce mais pouvons‐nous parler de rupture par rapport aux
qui relève de l’accompagnement lui‐même et ce qui pra?ques antérieures ? Dans l’affirma?ve, quelles en
relève du renforcement des contrôles dans le cadre de ont été les mesures spécifiques ?
ces mesures. Nous pouvons également signaler
qu’aucune analyse coût/bénéfice n’a été réalisée. Il est
Philippe SCHERRER
donc difficile de juger de la qualité de ces mesures. Depuis le début de la décennie, les pouvoirs publics et
les partenaires sociaux ont pris de très nombreuses
Concernant l’évaluaHon PARE PAP, il a été démontré que mesures pour maintenir les seniors en acHvité. Nous
les efforts étaient assez ténus pour saHsfaire l’objecHf
pouvons donc effecHvement parler de rupture par
principal qui était l’accéléraHon du taux de retour à
rapport à la décennie précédente.
l’emploi. L’effet est donc quelque peu miHgé, mais il est
relevé tout de même une qualité des emplois retrouvés Le cadre réglementaire a été modifié ces dernières
un peu plus importante. années pour favoriser une parHcipaHon accrue des
seniors au marché du travail. Différentes mesures ont
Pour le SMP, quelques évaluaHons sont menées, avec
été mises en place :
notamment une publicaHon prochaine de la DARES qui
reviendra sur les effets du SMP. Il m’est impossible d’en • en 2003, des mesures sur la loi portant réforme du
parler aujourd’hui. système de retraite ;
• en 2005, des négociaHons naHonales entre partenaires
Enfin, une autre évaluaHon concerne le rôle des OPP.
sociaux pour élaborer un plan naHonal d’acHons
Nous pouvons revenir sur une expérimentaHon des concertées ;
p re sta H o n s d ’a c co m p a g n e m e nt re nfo rc é d e s • en 2008, des mesures dans le cadre de la loi de
demandeurs d’emploi qui ont été accompagnés par des financement de la sécurité sociale, qui ont été
opérateurs privés de placement par l’Unédic ou par un
reconduites en 2009.
disposiHf de l’entreprise par Pôle emploi. Il ressort de
ces évaluaHons que ces accompagnements renforcés ont Ces mesures ont été mises en œuvre et ont effec‐
un effet posiHf, avec un accroissement des sorHes des Hvement pu avoir un effet favorable à l’augmentaHon du
listes de l’Anpe vers l’emploi de l’ordre de 6 ou 7 points. taux d’emploi des seniors sur la période. A noter qu’en
dépit de la crise de 2008‐2009, le taux d’emploi des
seniors a progressé de quelque 4 points.
Table ronde de l’Unédic – Février 2012
15 2001 – 2011 : Regards croisés sur le chômage indemnisé