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Les situations en mathématique
A propos de la 'symétrie orthogonale'
Maurice Laurent
"Le mot situation a été introduit en pédagogie par C. Gattegno et l’idée qu’il exprime est, à
coup sûr, extrêmement féconde, mais le mot risque de devenir la tarte à la crème de la
pédagogie nouvelle et d’être utilisé sans que l’on comprenne son contenu." A. Revuz (dans la
préface du livre de T. J. Fletcher, L’apprentissage de la mathématique aujourd’hui.) O. C.
D. L. 1970)
Il est possible d’offrir aux élèves des situations variées qui leur permettront d’aborder
correctement l’étude de la symétrie orthogonale. Plusieurs matériels peuvent au départ leur
fournir l’occasion d’agir réellement et de percevoir les relations nécessaires à l’étude. Citons
pour mémoire les miroirs plans et les géoplans (voir "La géométrie des géoplans.” C.
Gattegno 1968)
Nous avons conduit un certain nombre de leçons avec des élèves de 11 à 13 ans, au moyen de
simples feuilles de papier blanc. Les résultats furent excellents. Mais avant qu’il en soit ainsi,
certains rencontrèrent des difficultés non négligeables qui nous apparurent, en particulier,
grâce aux erreurs qu’ils commirent : difficultés d’expression, d’imagination et d’utilisation de
certains instruments de géométrie.
La prise en considération immédiate de ces difficultés nous permit de proposer des exercices
adéquats afin qu’elles disparaissent. Le montrer tout en faisant le compte rendu de la première
partie de ces leçons, tel est l’objectif de cet article. (Il est conseillé au lecteur de se munir lui-
même de quelques feuilles de papier blanc et d’exécuter les exercices proposés.)
LECON : phase 1
Faisons coïncider 2 sommets opposés d’une feuille blanche, plions en marquant bien le pli et
déplions. Appelons D ce pli, qui nous fait penser à une droite. De part et d’autre de (D) (lire :
la droite D), chacune des 2 parties de la feuille suggère un demi-plan de frontière D. Au
crayon à papier, indiquons hors de (D) et dans l’un des 2 demi-plans un point que l’on
appellera A1. Replions la feuille selon (D) et frottons sur son envers, à l’endroit où se trouve
A1, au moyen d’une gomme ou d’un crayon: le point A1 s’imprimera sur l’autre demi-plan.
Appelons A2 le point obtenu. Joignons A1 à A2. [A1A2] (lire : le segment A1A2) coupe l’axe en
A’. Répétons l’expérience au moins une douzaine de fois, avec les points B1, C1, E1, F1... que
l’on choisira plus ou moins proches de (D). Nous obtenons les segments [B1B2], [C1C2],
[E1E2]... qui coupent respectivement (D) en B’, C’, E’...
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Notons que les points B1, C1, E1... peuvent être choisis indifféremment dans un demi-plan ou
dans l’autre.
Nous pouvons maintenant choisir un point M1 qui soit très proche de (D), puis des points N1,
O1, P1... qui appartiennent à (D). Il ne fait de doute pour personne que N1 et N2, O1 et O2, P1 et
P2 sont confondus.
A ce moment de la leçon et depuis un moment déjà, plusieurs élèves désirent s’exprimer car
ils veulent dire ce qu’ils ont peu à peu découvert. Mais ils seront bientôt en difficulté à cause
de leur maladresse verbale ou stoppés par la pauvreté de la terminologie à disposition: ils
parviennent mal à se faire comprendre des autres. Ce sera pour nous l’occasion :
 de les aider à préciser leur pensée et à produire des énoncés corrects,
 de mettre à leur disposition une terminologie adéquate qui s’en trouvera du même
coup pleinement justifiée et aura un sens,
 de les conduire vers une nouvelle étape du processus de mathématisation : savoir
décrire ce que l’on a perçu et dire ce dont on a pris conscience,
Cette phase sera relativement longue, mais pour nous, absolument nécessaire.
 Il est important d’une part que les élèves parviennent aux énoncés classiques que
proposent les manuels : chacun sait les difficultés qu’éprouvent en ce domaine la
plupart d’entre eux.
 Il conviendra d’autre part, et le plus vite possible, que les élèves, suite aux actions et
perceptions sur le support, agissent et perçoivent virtuellement, autre étape du
processus de mathématisation. Dans ce but, il faut que le professeur soit sûr que ses
propositions verbales engendreront chez chaque élève une imagerie qui y sera
conforme.
Nous parviendrons finalement à des définitions correctes et à l’énoncé de quelques propriétés
que l’on admettra sans démonstration : pour des élèves de cet âge, le doute, motif de la
démonstration, n’existe pas à leur sujet. Dès lors, ces propriétés pourront être, et pendant un
certain temps, utilisées comme axiomes sur la base desquels il sera possible de construire.
Si (D) est une droite quelconque du plan P :
1. Quel que soit le point A1 appartenant à l’un des 2 demi-plans ouverts (n’incluant pas
la droite (D)), il a une image A2 et une seule dans l’autre demi-plan.
2. Quel que soit le point K, appartenant à la droite (D), il est confondu avec son unique
image K2 : un tel point est dit invariant.
3. La droite (D) est appelée axe de symétrie. Le point A2 est le point symétrique du point
A1 par rapport à (D).
4. La symétrie d’axe (D) est une application du plan dans lui-même (nous aurions pu
préciser aussi qu’il s’agissait d’une bijection involutive).
5. La droite (D) est perpendiculaire au segment [A1A2] en son milieu: c’est aussi, par
définition, la médiatrice du segment [A1A2].
Rien ne nous assure pour le moment que tous les élèves aient observé la trajectoire dans
l’espace des ponts A1, B1, C1 ... lorsqu’ils rabattaient le demi-plan les contenant sur l’autre.
Nous allons vérifier, car il serait illégitime de notre part, nous fondant sur les expériences de
pliage et les énoncés produits par la suite, de croire que les élèves maîtrisent la situation.
LECON : phase 2
Prenons donc une seconde feuille blanche. Traçons une droite (D) non parallèle aux bords de
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la feuille, et indiquons un point M1 hors de (D). Mettons un index (par exemple la pointe d'un
crayon) là où se trouverait le point M2 si nous pliions la feuille selon (D). Surprise! Un élève
sur 5 ou 6 indique M2 comme si [M1M2] était parallèle à l’un des bords de la feuille ! Retour à
la première feuille ! Regardons simultanément (D) et le mouvement du point A1 dans
l’espace, du point B1, du point C1. Revenons à la feuille n° 2. Mettons la pointe d'un crayon
sur M1. Pouvons-nous simuler la trajectoire de M1 dans l’espace, sans regarder les bords de la
feuille ? Au terme de quelques essais et allers-retours de la première feuille à la seconde, tout
le monde réussit. Nous multiplions les expériences avec N1, O1, P1... jusqu’à ce que tous les
élèves soient capables de passer de n’importe quel point à son symétrique, en décrivant la
trajectoire d’abord, sans la décrire ensuite.
Puis nous demandons aux élèves de dessiner à main levée un cercle à l’intérieur duquel ils
sont certains que se trouvent les points M2, N2, O2, P2... Un coup d’œil sur chaque table nous
indique que le but est atteint et que nous allons pouvoir aborder la phase suivante de l’étude.
Ainsi, grâce aux erreurs commises, il nous est apparu clairement, au cours de cette leçon
partielle, que certains élèves :
 ou bien n’avaient pas observé, lors des nombreuses expériences de pliage, la
trajectoire des points dans l’espace, ou bien n’avaient pas utilisé ensuite la discipline
mentale qui consiste à imaginer, ou bien n’étaient pas encore capables de transférer la
construction - implicite sur la feuille n°1 - du symétrique d’un point par rapport à une
droite.
 ne faisaient pas abstraction, malgré les précautions prises, du cadre de la feuille, alors
que la situation mathématique en est totalement indépendante.
Dès lors, il était indispensable de proposer les exercices décrits ci-dessus afin que toutes les
ambiguïtés disparaissent.
Munissons-nous maintenant de la feuille n°2, d’une règle plate, d’une équerre et d’un compas.
LECON : phase 3
A l’aide de ces instruments, est-il possible de localiser de manière plus précise qu’avec un
doigt, les points M2, N2, O2, P2... ?
La plupart des élèves n’éprouvent aucune difficulté. Ils tracent la droite perpendiculaire à D
passant par M1 au moyen de l’équerre, la prolongent dans l’autre demi-plan et reportent la
distance (M1, (D)) à l’aide du compas. Les points construits sont tous situés à l’intérieur des
cercles précédemment tracés à main levée; et qui plus est, proches des centres de ces cercles:
finalement, chacun à l’occasion de constater que les résultats obtenus au moyen de ses yeux
sont très proches de ceux obtenus au moyen des instruments.
Nous décidons alors de faire venir au tableau les quelques élèves qui échouent, pendant que
les autres sont occupés à préciser leurs nombreux points symétriques.
Ayant tracé une droite (D) et un point H hors de (D), nous demandons aux élèves s’ils voient
l’angle droit invisible que fait (D) avec une droite passant par H. "Oui", disent certains. Nous
leur demandons de venir le montrer au moyen d’un pointeur ou de leur index, en en
parcourant les côtés. Nous multiplions les essais jusqu’à ce que nous soyons assurés que
chacun "voit l’invisible". Alors nous couplons ce savoir-voir avec l’utilisation de l’équerre.
Nous confions l’instrument à chaque élève et lui demandons de tenir l’équerre à bout de bras
et de venir la placer d’un seul coup là où elle doit être pour que l’on puisse tracer l’angle avec
une précision satisfaisante. Au bout de quelques minutes, tout le monde réussit.
L’apprentissage est terminé. Chacun peut retourner à sa place et faire ce que les autres font.
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Une équerre ne sert ni à trouver où sont les angles droits, ni vraiment à les tracer : elle sert
seulement à préciser un peu mieux les angles droits que nous avons vus au travers de nos
yeux. C’est ce dont ces élèves avaient à prendre conscience pour se libérer de cet
apprentissage très ponctuel.
D’autre part, il existe une hiérarchie temporelle dans toute activité de construction
géométrique. Dans le cas étudié ici, il est nécessaire:
1. d’abord de voir approximativement où se trouve le point recherché (le point A2
symétrique de A1).
2. ensuite de connaître les propriétés des points A1 et A2 par rapport à (D): [A1A2] ⊥ (D)
et [A1A’] = [A’A2]. Le signe "=" se lisant "est isométrique à" dans ce cas.]
3. enfin, d’avoir une stratégie correcte quant à l’ordre des opérations manuelles à
effectuer :
1. tracer la demi-droite perpendiculaire à (D) et passant par A1 dans le demi-
plan auquel A1 appartient, au moyen de l’équerre, une fois qu’on l’a vue.
2. tracer la seconde demi-droite dans l’autre demi-plan, au moyen de la règle
plate. Il suffit de prolonger la première.
3. reporter la distance de A1 à l’axe (D) sur la seconde demi-droite, pour
obtenir A2, au moyen du compas ou de la règle plate.
Nous ne saurions donner une définition de "la bonne situation en mathématique". Cependant,
cette expérience, vécue et rapportée, est suffisamment dense pour qu’il soit possible d’en
préciser quelques composantes essentielles :
 La situation ne supposait presque aucun prérequis: elle était si élémentaire au départ
qu’elle était accessible à tous. Simultanément, elle permettra ensuite de faire beaucoup
sur des bases solides.
 La situation a permis qu’ait lieu chez chaque élève un processus correct de
mathématisation :
1. Agir et percevoir.
2. Agir virtuellement en utilisant l’imagerie engendrée par l’action.
3. Savoir en parler: définitions, propriétés...
4. Savoir écrire: symboles, notations... (un point que nous n’avons pas abordé
encore)
 La situation était suffisamment flexible et ouverte pour que le professeur, observant
les élèves en train d’agir et de se tromper, puisse la faire évoluer comme il le devait.
-------
© Maurice Laurent 4 novembre 1988, Genève
La Science de l'Education en Questions - N° 1 – avril 1998
"Les situations en mathématique - A propos de la 'symétrie orthogonale'" de Maurice Laurent
est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas
d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 non transcrit

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  • 1. http://www.uneeducationpourdemain.org Page 1 sur 4 Les situations en mathématique A propos de la 'symétrie orthogonale' Maurice Laurent "Le mot situation a été introduit en pédagogie par C. Gattegno et l’idée qu’il exprime est, à coup sûr, extrêmement féconde, mais le mot risque de devenir la tarte à la crème de la pédagogie nouvelle et d’être utilisé sans que l’on comprenne son contenu." A. Revuz (dans la préface du livre de T. J. Fletcher, L’apprentissage de la mathématique aujourd’hui.) O. C. D. L. 1970) Il est possible d’offrir aux élèves des situations variées qui leur permettront d’aborder correctement l’étude de la symétrie orthogonale. Plusieurs matériels peuvent au départ leur fournir l’occasion d’agir réellement et de percevoir les relations nécessaires à l’étude. Citons pour mémoire les miroirs plans et les géoplans (voir "La géométrie des géoplans.” C. Gattegno 1968) Nous avons conduit un certain nombre de leçons avec des élèves de 11 à 13 ans, au moyen de simples feuilles de papier blanc. Les résultats furent excellents. Mais avant qu’il en soit ainsi, certains rencontrèrent des difficultés non négligeables qui nous apparurent, en particulier, grâce aux erreurs qu’ils commirent : difficultés d’expression, d’imagination et d’utilisation de certains instruments de géométrie. La prise en considération immédiate de ces difficultés nous permit de proposer des exercices adéquats afin qu’elles disparaissent. Le montrer tout en faisant le compte rendu de la première partie de ces leçons, tel est l’objectif de cet article. (Il est conseillé au lecteur de se munir lui- même de quelques feuilles de papier blanc et d’exécuter les exercices proposés.) LECON : phase 1 Faisons coïncider 2 sommets opposés d’une feuille blanche, plions en marquant bien le pli et déplions. Appelons D ce pli, qui nous fait penser à une droite. De part et d’autre de (D) (lire : la droite D), chacune des 2 parties de la feuille suggère un demi-plan de frontière D. Au crayon à papier, indiquons hors de (D) et dans l’un des 2 demi-plans un point que l’on appellera A1. Replions la feuille selon (D) et frottons sur son envers, à l’endroit où se trouve A1, au moyen d’une gomme ou d’un crayon: le point A1 s’imprimera sur l’autre demi-plan. Appelons A2 le point obtenu. Joignons A1 à A2. [A1A2] (lire : le segment A1A2) coupe l’axe en A’. Répétons l’expérience au moins une douzaine de fois, avec les points B1, C1, E1, F1... que l’on choisira plus ou moins proches de (D). Nous obtenons les segments [B1B2], [C1C2], [E1E2]... qui coupent respectivement (D) en B’, C’, E’...
  • 2. http://www.uneeducationpourdemain.org Page 2 sur 4 Notons que les points B1, C1, E1... peuvent être choisis indifféremment dans un demi-plan ou dans l’autre. Nous pouvons maintenant choisir un point M1 qui soit très proche de (D), puis des points N1, O1, P1... qui appartiennent à (D). Il ne fait de doute pour personne que N1 et N2, O1 et O2, P1 et P2 sont confondus. A ce moment de la leçon et depuis un moment déjà, plusieurs élèves désirent s’exprimer car ils veulent dire ce qu’ils ont peu à peu découvert. Mais ils seront bientôt en difficulté à cause de leur maladresse verbale ou stoppés par la pauvreté de la terminologie à disposition: ils parviennent mal à se faire comprendre des autres. Ce sera pour nous l’occasion :  de les aider à préciser leur pensée et à produire des énoncés corrects,  de mettre à leur disposition une terminologie adéquate qui s’en trouvera du même coup pleinement justifiée et aura un sens,  de les conduire vers une nouvelle étape du processus de mathématisation : savoir décrire ce que l’on a perçu et dire ce dont on a pris conscience, Cette phase sera relativement longue, mais pour nous, absolument nécessaire.  Il est important d’une part que les élèves parviennent aux énoncés classiques que proposent les manuels : chacun sait les difficultés qu’éprouvent en ce domaine la plupart d’entre eux.  Il conviendra d’autre part, et le plus vite possible, que les élèves, suite aux actions et perceptions sur le support, agissent et perçoivent virtuellement, autre étape du processus de mathématisation. Dans ce but, il faut que le professeur soit sûr que ses propositions verbales engendreront chez chaque élève une imagerie qui y sera conforme. Nous parviendrons finalement à des définitions correctes et à l’énoncé de quelques propriétés que l’on admettra sans démonstration : pour des élèves de cet âge, le doute, motif de la démonstration, n’existe pas à leur sujet. Dès lors, ces propriétés pourront être, et pendant un certain temps, utilisées comme axiomes sur la base desquels il sera possible de construire. Si (D) est une droite quelconque du plan P : 1. Quel que soit le point A1 appartenant à l’un des 2 demi-plans ouverts (n’incluant pas la droite (D)), il a une image A2 et une seule dans l’autre demi-plan. 2. Quel que soit le point K, appartenant à la droite (D), il est confondu avec son unique image K2 : un tel point est dit invariant. 3. La droite (D) est appelée axe de symétrie. Le point A2 est le point symétrique du point A1 par rapport à (D). 4. La symétrie d’axe (D) est une application du plan dans lui-même (nous aurions pu préciser aussi qu’il s’agissait d’une bijection involutive). 5. La droite (D) est perpendiculaire au segment [A1A2] en son milieu: c’est aussi, par définition, la médiatrice du segment [A1A2]. Rien ne nous assure pour le moment que tous les élèves aient observé la trajectoire dans l’espace des ponts A1, B1, C1 ... lorsqu’ils rabattaient le demi-plan les contenant sur l’autre. Nous allons vérifier, car il serait illégitime de notre part, nous fondant sur les expériences de pliage et les énoncés produits par la suite, de croire que les élèves maîtrisent la situation. LECON : phase 2 Prenons donc une seconde feuille blanche. Traçons une droite (D) non parallèle aux bords de
  • 3. http://www.uneeducationpourdemain.org Page 3 sur 4 la feuille, et indiquons un point M1 hors de (D). Mettons un index (par exemple la pointe d'un crayon) là où se trouverait le point M2 si nous pliions la feuille selon (D). Surprise! Un élève sur 5 ou 6 indique M2 comme si [M1M2] était parallèle à l’un des bords de la feuille ! Retour à la première feuille ! Regardons simultanément (D) et le mouvement du point A1 dans l’espace, du point B1, du point C1. Revenons à la feuille n° 2. Mettons la pointe d'un crayon sur M1. Pouvons-nous simuler la trajectoire de M1 dans l’espace, sans regarder les bords de la feuille ? Au terme de quelques essais et allers-retours de la première feuille à la seconde, tout le monde réussit. Nous multiplions les expériences avec N1, O1, P1... jusqu’à ce que tous les élèves soient capables de passer de n’importe quel point à son symétrique, en décrivant la trajectoire d’abord, sans la décrire ensuite. Puis nous demandons aux élèves de dessiner à main levée un cercle à l’intérieur duquel ils sont certains que se trouvent les points M2, N2, O2, P2... Un coup d’œil sur chaque table nous indique que le but est atteint et que nous allons pouvoir aborder la phase suivante de l’étude. Ainsi, grâce aux erreurs commises, il nous est apparu clairement, au cours de cette leçon partielle, que certains élèves :  ou bien n’avaient pas observé, lors des nombreuses expériences de pliage, la trajectoire des points dans l’espace, ou bien n’avaient pas utilisé ensuite la discipline mentale qui consiste à imaginer, ou bien n’étaient pas encore capables de transférer la construction - implicite sur la feuille n°1 - du symétrique d’un point par rapport à une droite.  ne faisaient pas abstraction, malgré les précautions prises, du cadre de la feuille, alors que la situation mathématique en est totalement indépendante. Dès lors, il était indispensable de proposer les exercices décrits ci-dessus afin que toutes les ambiguïtés disparaissent. Munissons-nous maintenant de la feuille n°2, d’une règle plate, d’une équerre et d’un compas. LECON : phase 3 A l’aide de ces instruments, est-il possible de localiser de manière plus précise qu’avec un doigt, les points M2, N2, O2, P2... ? La plupart des élèves n’éprouvent aucune difficulté. Ils tracent la droite perpendiculaire à D passant par M1 au moyen de l’équerre, la prolongent dans l’autre demi-plan et reportent la distance (M1, (D)) à l’aide du compas. Les points construits sont tous situés à l’intérieur des cercles précédemment tracés à main levée; et qui plus est, proches des centres de ces cercles: finalement, chacun à l’occasion de constater que les résultats obtenus au moyen de ses yeux sont très proches de ceux obtenus au moyen des instruments. Nous décidons alors de faire venir au tableau les quelques élèves qui échouent, pendant que les autres sont occupés à préciser leurs nombreux points symétriques. Ayant tracé une droite (D) et un point H hors de (D), nous demandons aux élèves s’ils voient l’angle droit invisible que fait (D) avec une droite passant par H. "Oui", disent certains. Nous leur demandons de venir le montrer au moyen d’un pointeur ou de leur index, en en parcourant les côtés. Nous multiplions les essais jusqu’à ce que nous soyons assurés que chacun "voit l’invisible". Alors nous couplons ce savoir-voir avec l’utilisation de l’équerre. Nous confions l’instrument à chaque élève et lui demandons de tenir l’équerre à bout de bras et de venir la placer d’un seul coup là où elle doit être pour que l’on puisse tracer l’angle avec une précision satisfaisante. Au bout de quelques minutes, tout le monde réussit. L’apprentissage est terminé. Chacun peut retourner à sa place et faire ce que les autres font.
  • 4. http://www.uneeducationpourdemain.org Page 4 sur 4 Une équerre ne sert ni à trouver où sont les angles droits, ni vraiment à les tracer : elle sert seulement à préciser un peu mieux les angles droits que nous avons vus au travers de nos yeux. C’est ce dont ces élèves avaient à prendre conscience pour se libérer de cet apprentissage très ponctuel. D’autre part, il existe une hiérarchie temporelle dans toute activité de construction géométrique. Dans le cas étudié ici, il est nécessaire: 1. d’abord de voir approximativement où se trouve le point recherché (le point A2 symétrique de A1). 2. ensuite de connaître les propriétés des points A1 et A2 par rapport à (D): [A1A2] ⊥ (D) et [A1A’] = [A’A2]. Le signe "=" se lisant "est isométrique à" dans ce cas.] 3. enfin, d’avoir une stratégie correcte quant à l’ordre des opérations manuelles à effectuer : 1. tracer la demi-droite perpendiculaire à (D) et passant par A1 dans le demi- plan auquel A1 appartient, au moyen de l’équerre, une fois qu’on l’a vue. 2. tracer la seconde demi-droite dans l’autre demi-plan, au moyen de la règle plate. Il suffit de prolonger la première. 3. reporter la distance de A1 à l’axe (D) sur la seconde demi-droite, pour obtenir A2, au moyen du compas ou de la règle plate. Nous ne saurions donner une définition de "la bonne situation en mathématique". Cependant, cette expérience, vécue et rapportée, est suffisamment dense pour qu’il soit possible d’en préciser quelques composantes essentielles :  La situation ne supposait presque aucun prérequis: elle était si élémentaire au départ qu’elle était accessible à tous. Simultanément, elle permettra ensuite de faire beaucoup sur des bases solides.  La situation a permis qu’ait lieu chez chaque élève un processus correct de mathématisation : 1. Agir et percevoir. 2. Agir virtuellement en utilisant l’imagerie engendrée par l’action. 3. Savoir en parler: définitions, propriétés... 4. Savoir écrire: symboles, notations... (un point que nous n’avons pas abordé encore)  La situation était suffisamment flexible et ouverte pour que le professeur, observant les élèves en train d’agir et de se tromper, puisse la faire évoluer comme il le devait. ------- © Maurice Laurent 4 novembre 1988, Genève La Science de l'Education en Questions - N° 1 – avril 1998 "Les situations en mathématique - A propos de la 'symétrie orthogonale'" de Maurice Laurent est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 non transcrit