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Aborder l’enseignement avec
un regard neuf - Rose Katz Ortiz
En me préparant à parler à un groupe de nouveaux professeurs à l’Université de Straten
Island, je me suis souvenue d’une histoire que Monsieur Gattegno a racontée un jour à propos
du rasage. Il se rasait tous les jours mais, chaque fois, il partait d’un endroit différent du
visage. Il a dit qu’il faisait cela pour ne pas manquer une occasion de découvrir quelque chose
de nouveau, sur le rasage, sur lui-même ou sur quelque chose de totalement inconnu ou
inattendu.
Cette histoire m’est venue à l’esprit parce qu’après l’avoir entendue, j’ai tenté une expérience
qui n’a cessé d’influer sur mon évolution en tant que professeur. Mon expérience s’est
appuyée sur l’idée que si Monsieur Gattegno pouvait s’ouvrir à l’idée d’apprendre quelque
chose de nouveau grâce à une expérience de tous les jours comme se raser, à coup sûr je
pouvais gagner quelque chose à retrouver ma classe, chaque jour, comme si c’était la
première fois.
Dans mon expérience pour essayer de trouver des choses nouvelles, j’ai porté mon attention
sur une classe donnée. J’ai reconnu que je connaissais le titre du cours, quelque chose sur le
contenu du cours, les noms des élèves, et au moins une façon de présenter la matière. Mais il
y avait beaucoup de choses que je ne connaissais pas et c’était celles-là que je pouvais trouver
nouvelles. Pour mes entrées en matière, je ne savais pas si celles que j’avais préparées allaient
fonctionner avec la classe parce que je ne savais pas dans quel état allaient se trouver les
élèves un jour donné.
▪ Auraient-ils lu les pages données ?
▪ Auraient-ils fait le travail écrit avant la classe ?
▪ Auraient-ils compris les lectures à l’extérieur de la classe ?
▪ Allaient-ils vouloir en parler en classe ?
▪ Allaient-ils être aussi intéressés que la veille ?
▪ Allaient-ils se souvenir de ce que nous avions fait la veille ?
▪ Allaient-ils comprendre le travail du jour ?
▪ Seraient-ils attentifs à moi, au sujet, à leurs camarades, à eux-mêmes et à leur
apprentissage ?
▪ etc.
Ces questions et l’expérience ont eu pour effet de me mettre plus en contact avec mes élèves
que je ne l’avais jamais été auparavant, ainsi que de me fournir une façon d’aborder
l’enseignement que je continue d’appliquer.
J’ai reconnu que ce serait une façon utile de me préparer pour une classe que de me demander
non seulement : ”Qu’est-ce que j’ai à enseigner ? ” mais aussi : ”Qu’est-ce que j’ai à
apprendre sur leurs façons d’apprendre ?” Qu’est-ce qui les aide à avancer dans leur
apprentissage et qu’est-ce qui s’y oppose ? ” Pour certaines réponses j’ai pu les obtenir en le
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leur demandant directement. Pour certaines autres j’ai dû les observer de près dans les
activités de l’apprentissage qu’ils pouvaient faire sous mes yeux. Pour d’autres encore, il m’a
fallu une compréhension plus précise des exigences réelles du travail en cours.
J’ai donc commencé à me demander ce que j’avais à apprendre de moi-même en tant
qu’apprenant. J’ai commencé à faire les devoirs que je donnais à mes élèves et, plus
important, j’ai appris à analyser ce que chaque devoir exigeait de moi pour que j’aie le
sentiment d’avoir maîtrisé le travail ou d’avoir fait le meilleur travail possible. Ce que
j’apprenais de mon propre apprentissage a commencé à guider ce que j’allais faire avec mes
élèves.
Enseignant la lecture, je portais presque toute mon attention sur le processus de la lecture et
sur les activités nécessaires pour produire une interprétation qui rende compte du texte.
Comme souvent la matière m’était très familière, j’avais du mal à analyser ce que je devais
faire pour comprendre le contenu. J’ai donc appris à inventer des épreuves telles que récrire le
texte pour le rendre compréhensible à quelqu’un de moins familiarisé avec lui, ou créer un
devoir que je n’avais jamais fait auparavant sur ce texte, puis de le faire. De cette façon je
pouvais non seulement analyser ce que j’avais fait en tant que lecteur mais encore je pouvais
faire du neuf avec de “vieux“ textes.
Quand j’ai voulu en apprendre davantage sur la façon dont j’apprenais quelque chose
d’inconnu, j’ai commencé à travailler avec des collègues de mon département universitaire.
J’ai accepté de lire leurs textes et eux les miens. Nous l’avons fait au début de façon
informelle et par la suite, plus formellement dans des réunions de travail. A la fin j’ai dirigé
des réunions de travail pour des collègues extérieurs à mon département universitaire. Nous
avons analysé les exigences de la lecture qui étaient communes à toutes les disciplines comme
: produire et maintenir de l’intérêt pour le texte, garder l'esprit ouvert, faire des hypothèses et
chercher des preuves pour confirmer ou infirmer les hypothèses, maintenir un dialogue avec
le texte, interroger le texte et soi-même en avançant et se rappeler ou construire des images
mentales appropriées à la lecture. Nous avons aussi travaillé à analyser les exigences
spécifiques à chaque discipline.
Ensemble nous avons reconnu que certaines des difficultés que nous éprouvions dans
l’apprentissage étaient partagées par nos élèves. Nous pouvions leur offrir ce que nous
inventions pour nous en sortir. Par exemple, quand nous avons reconnu que nous avions du
mal à retenir ou à nous raccrocher à un texte inconnu pendant un certain temps et donc que
nous trouvions difficile d’y retourner, nous avons décidé de commencer nos séances par
l’écriture d’un point dont nous nous souvenions de la leçon précédente. Quand nous en avions
écrit un, cela en déclenchait un autre. Nous avons trouvé que cette technique nous aidait à
nous rappeler de plus en plus de choses. Parfois nous nous sommes communiqué ces écrits et,
en entendant parler les autres, nous pouvions voir qu’en réalité nous avions retenu plus de
choses que prévu. De temps à autre nous avons analysé le pourquoi de nos souvenirs. Plus
tard, nous avons introduit cette expérience en classe en demandant à nos élèves de prendre les
cinq premières minutes du cours pour écrire au moins une chose qu’ils se rappelaient du cours
précédent. Petit à petit les élèves ont pris l’habitude d’attendre cet exercice et ont commencé à
prendre la responsabilité de maintenir la continuité du cours pour eux-mêmes, plutôt que de
voir chaque séance de classe comme une entité séparée, totalement détachée du reste, que le
professeur allait rattacher par magie !
Quand, dans un cours de biologie, nous nous sommes aperçus que nous avions du mal à
comprendre les fonctionnements du cœur et des reins parce que nous ne pouvions pas
visualiser ce que nous lisions et que nous avions des problèmes avec la terminologie
scientifique, nous avons trouvé très vite utile de travailler d’abord à partir d’un modèle en