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Agnès et les hiérarchies temporelles
Glenys Hanson
A cette époque, ma voisine Agnès avait onze ans et allait à l'école dans une classe spécialisée
pour enfants en difficulté scolaire. Un jour qu'elle nous rendait visite, je lui demandai depuis
le salon de me dire l'heure de la pendule de la cuisine. Elle dit : “Je ne peux pas, je ne peux
pas lire les chiffres sur votre pendule”. J'allai dans la cuisine et je regardai la pendule qui
avait des chiffres romains et je pris conscience que quand je lis l'heure, je ne lis pas les
chiffres mais je regarde l'image que font les deux aiguilles. Tant que je peux reconnaître le
haut de la pendule, je n'ai pas besoin que les chiffres soient indiqués. J'en ai conclu qu'en fait,
Agnès était incapable de lire l'heure et je lui demandai si elle aimerait apprendre. Elle me dit
que oui et je pris mes Réglettes Cuisenaire et nous nous assîmes à la table de la cuisine.
Première leçon
Je fis un cadran avec une réglette rouge pour chaque heure sauf le douze où j'en mis deux. Je
mis des cubes blancs pour représenter les minutes entre les réglettes rouges. Je pris une
longue réglette orange pour faire l'aiguille des minutes et une réglette noire plus courte pour
faire l'aiguille des heures et je centrai le tout sur une petite fleur de la toile cirée qui recouvrait
la table de la cuisine.
Je mis l'aiguille des minutes sur le douze et celle des heures sur la position du trois et je dis :
“Trois heures”. Je la déplaçai sur la position du six et je dis : “Six heures”. Alors je remis
l'aiguille des heures sur la position du trois et j'invitai Agnès à parler. Elle dit : “Trois
heures”. Je la déplaçai sur la position du six et elle dit : “Trois heures”. Je lui dis : “Écoute
encore une fois” et je répétai ce que j'avais dit et fait la première fois mais en commençant
par la position du six. Puis, je plaçai l'aiguille sur le six et cette fois elle dit : “ Six heures”. Je
plaçai l'aiguille sur le trois et elle dit : “Trois heures”.
Je poursuivis de la même façon avec les positions neuf et douze. Elle apprit rapidement à
reconnaître les positions six et douze mais avait tendance à confondre trois heures et neuf
heures. Comme j'ai moi-même tendance à confondre la gauche et la droite, j'ai mis au point
des techniques pour éliminer la “similitude” de la symétrie droite/gauche en me concentrant
sur un objet sur ma droite et en me disant, par exemple : “la droite est du côté de la porte”.
Comme j'étais assise à la droite d'Agnès, je lui demandais chaque fois qu'elle faisait une faute,
lequel était vers moi, le trois ou le neuf jusqu'à ce qu'elle puisse reconnaître le trois comme le
“nombre de Glenys” et le neuf comme l'autre.
Je pris ensuite les deux “aiguilles” et les lui donnai en disant : “Six heures”. Elle fut capable
de mettre une extrémité de la réglette noire près de la position du six mais l'autre extrémité
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n'était pas du tout au centre du cadran et elle ne savait pas où mettre l'aiguille orange des
minutes. Ses actes me donnèrent le feedback que bien qu'elle eût donné des réponses
correctes, elle n'avait pas fait attention à certains éléments essentiels de la situation. Alors je
pris les aiguilles et je les mis dans la position trois heures. Agnès me donna l'heure
correctement. Alors je lui demandai :
“Où est l'aiguille orange ?” “Sur le rouge.” “Où est l'autre bout de l'aiguille orange ?”
“Sur la fleur.” “Où est l'aiguille noire ?” “Sur le trois.” “Et l'autre bout ?” “Sur la fleur.”
Évidemment, elle n'a pas répondu correctement comme cela du premier coup et j'ai dû lui
poser d'autres questions pour lui faire faire attention à la fleur et au fait qu'un bout de chaque
aiguille était toujours sur la fleur.
Nous parcourûmes les autres heures qu'elle savait déjà lire de la même façon. Ensuite je lui
redonnai les aiguilles et je dis : “Neuf heures”. Cette fois, elle fut capable de mettre les deux
aiguilles dans leur position correcte sur le bord du cadran mais les deux autres bouts ne se
rejoignaient pas au centre sur la fleur mais quand je lui demandai : “Et la fleur ?” elle bougea
les bouts des aiguilles pour les amener sur la fleur. En faisant cela, elle bougea les autres
bouts qui ne furent plus dans une position correcte sur le bord. Cela lui prit quelque temps et
plusieurs essais pour positionner les aiguilles correctement. Elle aima être celle qui positionne
les aiguilles même si, à mes yeux, elle éprouvait des difficultés surprenantes à le faire. J'étais
aussi surprise par le fait qu'elle n'avait jamais remarqué que les deux aiguilles se rencontrent
au centre alors qu'elle avait déjà remarqué, avant que ne commence la leçon, que les aiguilles
se déplacent en relation avec les nombres du bord. Me souvenant que les enfants sont dans
l'absolu de l'action et que j'avais démarré par ce qui était pour elle un exercice de perception et
non d'action, j'essayai quelques exercices d'action plus simples : “Touche le trois”. “Touche
la fleur”. “Touche l'aiguille orange”. “Touche le bout près de la fleur de l'aiguille
orange”, etc...
Je repris les aiguilles et je dis : “Six heures”. Cette fois, elle intervertit les aiguilles des
heures et des minutes. Je pris les deux aiguilles et faisant appel à son pouvoir d'évocation, je
lui demandai de toucher l'aiguille qui bougeait et elle toucha la noire. “Alors, laquelle ne
bouge pas ?” Elle toucha l'orange. “Où reste-t-elle toujours sur le cadran ?” Elle la plaça
avec un bout sur le douze, mais l'autre bout n'était pas au centre. Je lui rappelai la fleur et elle
repositionna l'aiguille correctement. Je dis : “Six heures” et elle plaça l'aiguille noire presque
correctement. Je dis : “Mets les deux aiguilles en ligne droite” et elle fut capable de les
ajuster correctement.
Je dis ensuite : “Neuf heures. Place d'abord l'aiguille qui ne bouge pas”. En dépit des
problèmes pour centrer les aiguilles, elle ne les confondit pas.
Quand nous fîmes douze heures, elle voulut mettre les deux aiguilles côte à côte bien
qu'évidemment, ce n'était pas de cette façon que je l'avais fait quand je lui avais montré cette
heure au début. Au lieu de le refaire moi-même, je décrochai la pendule du mur de la cuisine
et je dis : “Regarde ce que fait ma pendule” et je fis tourner les aiguilles pour avoir douze
heures au cadran.
“Oh ! Elle passe en dessous !” “Fais la même chose avec ton cadran - laquelle va en
dessous sur la pendule, la grande aiguille ou la petite?” “La petite.” “Fais la même chose
sur ton cadran.”
Nous continuâmes un petit moment en alternant entre moi qui place les aiguilles et elle qui dit
l'heure et moi qui dit l'heure et elle qui place les aiguilles pour ces quatre heures.
Cette première leçon prit environ une heure. Ce que je n'ai pas mentionné dans ma
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description, c'est le plaisir que nous prenions toutes deux. Chaque fois qu'Agnès réalisait
quelque chose de nouveau, elle s'agitait sur sa chaise et riait de plaisir. Elle restait attentive et
intéressée tout le temps, me faisant prendre conscience qu'il est possible d'être un bon élève
bien qu'extrêmement lent. Elle me fit aussi réaliser combien de prises de conscience
différentes sont nécessaires dans l'apprentissage de lire l'heure parce que je devais faire
quelque chose de spécifique pour forcer chacune pour elle.
Comme Agnès se levait pour partir, Christian, qui était passé dans la pièce plusieurs fois
pendant la leçon, demanda à Agnès : “Une heure”. Évidemment, elle ne savait pas placer les
aiguilles pour cela et j'étais légèrement ennuyée que Christian le lui ait demandé.
Deuxième leçon
Agnès revint le lendemain et montra qu'elle avait passé une partie de la nuit à intégrer le
travail de la veille parce qu'elle était capable de faire tout ce qu'elle avait fait avant mais plus
vite et avec plus de confiance. Son seul problème était de se souvenir de faire se rencontrer les
aiguilles au milieu. Nous continuâmes en montrant et en disant les autres heures comme “une
heure”, “deux heures”, etc. ... Je continuai à “placer” l'aiguille et non à la “faire tourner”
pour éviter la distraction d'avoir à faire tourner l'aiguille des minutes en même temps et pour
centrer l'attention sur la position plutôt que sur leur mouvement. De toute façon, Agnès savait
déjà que les aiguilles tournaient et dans quelle direction. Quand elle avait besoin de trouver le
nom d'une “position horaire”, elle savait où elle devait commencer à compter les réglettes
rouges et dans quel sens tourner. C'étaient des prises de conscience qu'elle avait déjà faites et
que je n'avais pas eu à forcer. D'un autre coté, elle ne vit pas tout de suite que pour une
position comme, par exemple, “dix heures”, elle n'avait pas besoin de commencer à compter
depuis le début mais pouvait partir de “neuf heures” qu'elle connaissait déjà. Quand je vis
cela, je me mis à lui demander de me montrer “une heure avant six heures”, “deux heures
après neuf heures”, etc. ... Ce fut une surprise pour elle de voir que, par exemple “une heure
après six heures” était la même chose que “deux heures avant neuf heures”. Je pouvais voir
qu'elle ne comprenait pas pourquoi c'était ainsi, ce n'était qu'une heureuse coïncidence mais je
choisis de ne pas travailler sur ce problème puisqu'il n'était pas essentiel pour apprendre à lire
l'heure.
Je fis beaucoup de travail sur les paires “opposées” telles que “deux heures” et “dix heures”
parce qu'elle continuait à confondre la gauche et la droite. Je la fis s'asseoir légèrement à
gauche du cadran pour que les “grands nombres” puissent devenir les “nombres d'Agnès” et
les “petits” les “nombres de Glenys” puisque j'étais assise à droite.
Je lui posai aussi des questions telles que :
“Combien y a-t-il de positions rouges ?”
Elle les compta et dit : “Douze”. (Je m'étais demandée si les deux réglettes rouges sur la
position “douze” pouvaient lui causer une confusion, mais elle les accepta comme une
convention pour savoir où commencer à compter.)
“Combien d'heures cette pendule nous montre-t-elle ?”
Elle dit : “Douze !”. Pourtant, quand je lui demandai combien d'heures il y a dans un jour,
elle fut incapable de répondre. Alors je lui demandai si elle avait son déjeuner vers huit heures
ou vers douze heures. Elle savait qu'elle déjeunait vers douze heures. Je lui posai plus de
questions sur les moments où elle faisait différentes choses. Elle était incapable de donner des
heures pour beaucoup de choses mais elle savait bien si elle les faisait le matin, l'après-midi,
le soir ou la nuit. Alors, je traçai une ligne droite verticale sur une feuille de papier pour
représenter sa journée et d'abord je marquai dessus de grands intervalles représentant le matin,
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l'après-midi, le soir et la nuit. Puis nous écrivîmes certaines choses qu'elle faisait dans une
journée : se lever, prendre son petit déjeuner, aller se coucher, dormir, etc. ... Puis j'écrivis les
nombres des heures depuis une heure du matin jusqu'à douze heures midi. Avec cela, elle put
dire qu'elle se levait vers huit heures du matin pendant les vacances et prenait son petit
déjeuner vers neuf heures, qu'à quatre heures du matin, elle dormait. Je lui montrai l'horloge
de la cuisine et lui demandai quelle heure il était maintenant. Elle put me dire correctement :
“Quatre heures.” “Du matin ou de l'après-midi ?” “De l'après-midi.”
Alors je lui montrai sur la ligne de sa journée comment après l'heure du déjeuner on
recommence à compter les heures de une à douze pour finir au milieu de la nuit. Je posai des
questions sur les moments où elle faisait des choses l'après-midi et le soir et elle les situa sur
la ligne. Je lui demandai combien il y avait d'heures avant le déjeuner et combien après. Elle
put répondre douze dans chaque cas mais quand je lui demandai combien d'heures il y avait
en tout dans un jour, elle fut incapable de répondre parce qu'elle ne savait pas additionner
douze et douze. Alors je mis une réglette rouge à coté de chaque heure sur la ligne et elle put
les compter et dire qu'il y avait 24 heures dans un jour.
Je lui demandai si elle connaissait une autre façon de dire “douze heures” pour l'heure du
déjeuner, elle savait, c'était “midi”. Elle savait aussi que “douze heures” au milieu de la nuit
s'appelle “minuit”. Mais quand je lui demandai comment elle savait en regardant la pendule
qui montrait douze heures si c'était midi ou minuit, elle ne put pas répondre. Alors je lui dis :
"Si tu regardes par la fenêtre et qu'il fait noir, est-ce midi ou minuit ?” “Oh ! Minuit !”
répondit-elle avec une emphase sur la partie “nuit” et avec un air de triomphe sur son visage
et je compris qu'elle entendait le “nuit” de “minuit” pour la première fois. (En français le mot
“midi” pour le milieu du jour n'est pas aussi transparent (il l'est en anglais) alors nous ne
pouvions pas nous amuser avec lui.)
Cette deuxième leçon prit à peu près une heure et demie et, à la fin, Christian me taquine
encore une fois en demandant à Agnès de montrer “quatre heures et demie”. Je dis qu'il me
taquine moi et pas Agnès parce que la question ne l'ennuyait pas du tout, elle ne savait pas,
elle savait qu'elle ne savait pas et n'était pas du tout ennuyée par son ignorance.
Troisième leçon
Le troisième jour, j'installai le cadran sans aiguilles et avec une feuille de papier A 4, je
couvris la moitié gauche du cadran le long de la ligne 12-6.
“Agnès, peux-tu voir tout le cadran ?” “Non.” “Combien peux-tu voir ?” “La moitié.”
J'enlevai le papier :
“Combien peux-tu voir maintenant ?” “Tout.”
Je recouvris la moitié droite du cadran et je lui posai les mêmes questions. Elle répondit à
toutes sans hésitation.
Puis, je lui donnai le papier et lui demandai de couvrir la moitié du cadran. Elle eut plus de
mal à le faire physiquement et cela prit un certain temps pour qu'elle soit capable de placer le
papier exactement sur la ligne 12-6.
Pour l'étape suivante, j'utilisai deux feuilles de papier A 4 et j'en plaçai une comme dans le
premier exercice et avec l'autre, je couvris la moitié du bas sur la ligne 9/3 pour que seul un
quart du cadran soit visible. Le mot “un quart” ne vint pas à Agnès avec la même spontanéité
que “la moitié” mais, quand je lui demandai : “Peux-tu voir le tout, la moitié ou un quart du
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cadran ?” elle n'eut pas d'hésitation pour choisir “un quart”.
Je continuai en lui montrant les trois autres quarts en alternant les moitiés, les quarts et le
cadran entier. Elle ne fit pas de fautes. Quand je lui donnai les feuilles de papier et lui
demandai de me montrer “un quart”, “un autre quart”, “une moitié”, etc. ... elle trouve cela
plus difficile mais le problème était plutôt un manque de dextérité manuelle qu'une
incompréhension de ce qui était demandé. Je dis ceci parce que chaque fois que je lui
demandai de dire si la façon dont elle avait placé les papiers était correcte, elle ne dit jamais
oui quand ça n'était pas le cas.
Puis, je donnai les “aiguilles” à Agnès et lui demandai de les mettre dans la position douze
heures, ce qu'elle fit. Alors je tournai lentement l'aiguille des minutes et je l'arrêtai sur la
position six et je lui demandai quelle partie du cadran elle avait parcourue. Elle fut incapable
de répondre. Alors je couvris la moitié gauche du cadran avec une feuille de papier et je refis
l'exercice. Cette fois, elle fut capable de répondre : “La moitié”, le mot qu'elle avait utilisé
dans les exercices précédents. Je lui demandai si elle connaissait le mot “demi” et si c'était
semblable ou différent de “moitié”. Elle savait qu'ils avaient la même signification et elle
savait même qu'on utilisait le mot “demi” pour dire l'heure. Aussi, quand je plaçai les
aiguilles sur douze heures puis sur douze heures et demie, elle fut capable de dire l'heure
correctement dans chaque cas. Je lui donnai les aiguilles et lui demandai de me montrer
successivement “douze heures” et “douze heures et demie”, ce qu'elle fut capable de faire
après des rappels de “centrer sur la fleur”.
Nous avons continué avec “et demie” des autres heures de la même façon et puis avec “et
quart” qui n'a pas posé de problème particulier. “Moins le quart” a pris naturellement plus de
temps puisque ça implique de regarder le cadran d'une façon spéciale : compter à reculons à
partir de 12 et non en avant. Comme elle avait commencé en connaissant déjà le sens dans
lequel les aiguilles tournent, elle avait un critère solide pour “en arrière” et “en avant” et en
utilisant ces mots, elle fût capable de distinguer entre “un quart d'heure avant” et “un quart
d'heure après” une heure donnée. Là aussi, elle connaissait déjà la façon conventionnelle de
dire ces heures et elle n'eut pas de mal à passer des mots qui expriment plus clairement
l'opération mentale à ceux qu'on utilise conventionnellement.
A la fin de cette leçon, Christian, encore une fois, lui demanda quelque chose qu'elle ne
pouvait pas faire : “huit heures dix”. Je lui répliquai en colère : “ Mais ça, c'est pour demain
!” et je vis alors soudainement la méthode dans ses questions énervantes. Ce n'était pas
n'importe quelle question à laquelle Agnès ne pouvait pas répondre à propos de lire l'heure,
elles concernaient à chaque fois l'étape suivante. Pour quelqu'un qui lit ce rapport, cela était
peut-être évident depuis longtemps, mais ça ne l'était pas pour moi à ce moment-là. Je n'avais
jamais appris à personne à lire l'heure auparavant et je n'y avais même jamais pensé de sorte
que, quand j'ai commencé, je n'avais aucune idée de ce que les étapes pouvaient être ni de ce
que pouvait être la façon “correcte” de le faire. Jusqu'à la fin de la troisième leçon, mon
sentiment était que j'étais guidée par ce qu'Agnès pouvait et ne pouvait pas faire.
L'intervention de Christian me fit comprendre que j'avais vraiment (et lui aussi, bien sûr) au
niveau intuitif, des critères pour ordonner les différents exercices que je suggérais à Agnès.
Jusque là, bien que j'eusse vu que pour d'autres enseignants (en particulier Maurice Laurent
dans des séminaires de mathématiques), il pouvait être évident quelles prises de conscience
devaient être forcées et dans quel ordre pour maîtriser un savoir-faire donné, la description de
Gattegno des “hiérarchies temporelles” dans l'apprentissage était restée pour moi une notion
intellectuelle. J'étais aussi contente et excitée d'avoir pu reconnaître un exemple des
hiérarchies temporelles à l'œuvre dans une situation d'apprentissage qu'Agnès l'était quand
elle apprenait à lire l'heure.
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Il n'est peut-être pas nécessaire de décrire les leçons suivantes en détail. Agnès apprit à lire
l'heure en à peu près 6 heures réparties sur une semaine. Par la suite, chaque fois qu'elle venait
à la maison, je lui demandais l'heure et bien qu'au début cela lui prît une minute ou deux pour
trouver la réponse, elle se trompait rarement. Les erreurs qu'elle faisait étaient de confondre
les côtés droit et gauche de la pendule ainsi que les aiguilles des heures et des minutes. J'eus
une prise de conscience supplémentaire à propos du problème de lire l'heure, c'est que, pour
pouvoir lire l'heure, une seule position du bord du cadran doit pouvoir déclencher jusqu'à cinq
nombres différents, par exemple : neuf (heures), quart (moins le), quarante-cinq (minutes),
quinze (minutes avant), vingt et une (heures). Chaque nombre différent fait partie d'un
système de numérotation spécifique qui implique une façon différente de percevoir et
d'interpréter la pendule.
A un niveau différent, il y a une prise de conscience que je n'avais pas et que je n'ai toujours
pas faite : quelle prise de conscience je devais forcer chez Agnès pour qu'elle réalise que les
deux aiguilles étaient attachées au centre du cadran. Chaque fois qu'elle faisait le cadran, je
devais lui rappeler de “centrer les aiguilles sur la fleur”, ce qui montre que ce n'est jamais
devenu évident pour elle.
Leçons de calcul
Encouragée par notre succès avec la pendule, je continuai à travailler avec Agnès deux ou
trois heures par semaine tout cet été-là en utilisant les réglettes Cuisenaire pour travailler sur
l'arithmétique de base. Ce fut une expérience très différente du travail avec la pendule. Je
pouvais facilement trouver des exercices qui utilisaient l'addition, la soustraction, la
multiplication ou la division qu'Agnès pouvait résoudre en utilisant les réglettes mais je
n'avais aucune idée de l'ordre dans lequel les faire ni de ce qu'il fallait faire après qu'un
exercice était terminé. Les hiérarchies temporelles dans ce domaine n'étaient pas (et ne sont
toujours pas) évidentes pour moi. Ceci ne me surprit pas. Je pense que je peux dire que lire
l'heure est un savoir-faire que je maîtrise totalement : c'est quelque chose que je fais vite,
correctement et sans effort à chaque occasion. Ceci n'est pas vrai des opérations
fondamentales de l'arithmétique. Je me débrouille dans la vie quotidienne mais avec beaucoup
d'efforts et beaucoup de fautes dans tout ce qui touche aux nombres et au calcul.
Ce qui me surprit, c'est que ça ne fasse aucune différence pour Agnès. Elle était aussi
heureuse de venir à ces leçons décousues d'arithmétique qu'elle l'avait été en apprenant à lire
l'heure. Cela me fit prendre conscience de la différence entre les enfants et les élèves adultes.
Agnès ne s'attendait pas à ce que je sois un professeur de maths rapide ou efficace, ni à ce que
la leçon ait un but précis, ni à ce que, en tant que professeur, je ne fasse pas de fautes. Il
m'arriva plusieurs fois de devoir m'arrêter au milieu d'un exercice et de dire à Agnès : “Je ne
sais pas comment faire à partir d'ici. Pouvons-nous essayer quelque chose d'autre ?” Et
elle rassemblait joyeusement toutes les réglettes, les rangeait et attendait un nouveau défi. Ce
manque de pression sociale signifiait que je pouvais vouer toute, ou presque toute, mon
énergie au travail pédagogique en question. C'est une expérience qui m'a aidée depuis lors à
reconnaître quand j'applique mon énergie à des considérations sociales dans la salle de classe
quand je travaille avec des adultes et, étant capable de m'en rendre compte, de contrôler et de
réduire l'utilisation d'énergie qui est étrangère à l'essentiel de la situation d'apprentissage.
J'ai réalisé que, si je me comparais à un instituteur expérimenté avec une bonne
compréhension des hiérarchies temporelles mises en cause dans l'étude de l'arithmétique,
j'étais très inefficace pour aider Agnès à gagner un savoir-faire en arithmétique en échange de
son temps. Cette considération était, de toute façon, en dehors des préoccupations d'Agnès.
Tant que j'étais présente seconde par seconde à ses besoins d'apprentissage, elle était motivée
à continuer.
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A l'époque, Agnès m'a fait comprendre qu'un apprenant lent peut néanmoins être un bon
apprenant dans le sens d'être présent sans effort aux défis d'une situation pendant une période
de temps considérable. Tant que je faisais bien mon travail, Agnès n'était jamais agitée, ni
distraite pendant nos leçons. Écrire cet article m'a fait voir que, d'une certaine façon, j'étais un
meilleur professeur en mathématiques (ce fut mon seul et unique essai) qu'en anglais (mon
travail habituel) : n'ayant que peu de connaissances en la matière et pas d'expérience, j'étais
forcée d'être continuellement et totalement présente à mon élève et à ses besoins.
-------
© Glenys Hanson Besançon, France, 1995 Traduit par Christian Bastian
La Science de l'Education en Questions - No 13 - septembre 1995Agnès et les hiérarchies
temporelles de Glenys Hanson est mis à disposition selon les termes de la licence Creative
Commons Paternité - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 non transcrit.

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  • 1. http://www.uneeducationpourdemain.org       Page 1 sur 7   Agnès et les hiérarchies temporelles Glenys Hanson A cette époque, ma voisine Agnès avait onze ans et allait à l'école dans une classe spécialisée pour enfants en difficulté scolaire. Un jour qu'elle nous rendait visite, je lui demandai depuis le salon de me dire l'heure de la pendule de la cuisine. Elle dit : “Je ne peux pas, je ne peux pas lire les chiffres sur votre pendule”. J'allai dans la cuisine et je regardai la pendule qui avait des chiffres romains et je pris conscience que quand je lis l'heure, je ne lis pas les chiffres mais je regarde l'image que font les deux aiguilles. Tant que je peux reconnaître le haut de la pendule, je n'ai pas besoin que les chiffres soient indiqués. J'en ai conclu qu'en fait, Agnès était incapable de lire l'heure et je lui demandai si elle aimerait apprendre. Elle me dit que oui et je pris mes Réglettes Cuisenaire et nous nous assîmes à la table de la cuisine. Première leçon Je fis un cadran avec une réglette rouge pour chaque heure sauf le douze où j'en mis deux. Je mis des cubes blancs pour représenter les minutes entre les réglettes rouges. Je pris une longue réglette orange pour faire l'aiguille des minutes et une réglette noire plus courte pour faire l'aiguille des heures et je centrai le tout sur une petite fleur de la toile cirée qui recouvrait la table de la cuisine. Je mis l'aiguille des minutes sur le douze et celle des heures sur la position du trois et je dis : “Trois heures”. Je la déplaçai sur la position du six et je dis : “Six heures”. Alors je remis l'aiguille des heures sur la position du trois et j'invitai Agnès à parler. Elle dit : “Trois heures”. Je la déplaçai sur la position du six et elle dit : “Trois heures”. Je lui dis : “Écoute encore une fois” et je répétai ce que j'avais dit et fait la première fois mais en commençant par la position du six. Puis, je plaçai l'aiguille sur le six et cette fois elle dit : “ Six heures”. Je plaçai l'aiguille sur le trois et elle dit : “Trois heures”. Je poursuivis de la même façon avec les positions neuf et douze. Elle apprit rapidement à reconnaître les positions six et douze mais avait tendance à confondre trois heures et neuf heures. Comme j'ai moi-même tendance à confondre la gauche et la droite, j'ai mis au point des techniques pour éliminer la “similitude” de la symétrie droite/gauche en me concentrant sur un objet sur ma droite et en me disant, par exemple : “la droite est du côté de la porte”. Comme j'étais assise à la droite d'Agnès, je lui demandais chaque fois qu'elle faisait une faute, lequel était vers moi, le trois ou le neuf jusqu'à ce qu'elle puisse reconnaître le trois comme le “nombre de Glenys” et le neuf comme l'autre. Je pris ensuite les deux “aiguilles” et les lui donnai en disant : “Six heures”. Elle fut capable de mettre une extrémité de la réglette noire près de la position du six mais l'autre extrémité
  • 2. http://www.uneeducationpourdemain.org       Page 2 sur 7   n'était pas du tout au centre du cadran et elle ne savait pas où mettre l'aiguille orange des minutes. Ses actes me donnèrent le feedback que bien qu'elle eût donné des réponses correctes, elle n'avait pas fait attention à certains éléments essentiels de la situation. Alors je pris les aiguilles et je les mis dans la position trois heures. Agnès me donna l'heure correctement. Alors je lui demandai : “Où est l'aiguille orange ?” “Sur le rouge.” “Où est l'autre bout de l'aiguille orange ?” “Sur la fleur.” “Où est l'aiguille noire ?” “Sur le trois.” “Et l'autre bout ?” “Sur la fleur.” Évidemment, elle n'a pas répondu correctement comme cela du premier coup et j'ai dû lui poser d'autres questions pour lui faire faire attention à la fleur et au fait qu'un bout de chaque aiguille était toujours sur la fleur. Nous parcourûmes les autres heures qu'elle savait déjà lire de la même façon. Ensuite je lui redonnai les aiguilles et je dis : “Neuf heures”. Cette fois, elle fut capable de mettre les deux aiguilles dans leur position correcte sur le bord du cadran mais les deux autres bouts ne se rejoignaient pas au centre sur la fleur mais quand je lui demandai : “Et la fleur ?” elle bougea les bouts des aiguilles pour les amener sur la fleur. En faisant cela, elle bougea les autres bouts qui ne furent plus dans une position correcte sur le bord. Cela lui prit quelque temps et plusieurs essais pour positionner les aiguilles correctement. Elle aima être celle qui positionne les aiguilles même si, à mes yeux, elle éprouvait des difficultés surprenantes à le faire. J'étais aussi surprise par le fait qu'elle n'avait jamais remarqué que les deux aiguilles se rencontrent au centre alors qu'elle avait déjà remarqué, avant que ne commence la leçon, que les aiguilles se déplacent en relation avec les nombres du bord. Me souvenant que les enfants sont dans l'absolu de l'action et que j'avais démarré par ce qui était pour elle un exercice de perception et non d'action, j'essayai quelques exercices d'action plus simples : “Touche le trois”. “Touche la fleur”. “Touche l'aiguille orange”. “Touche le bout près de la fleur de l'aiguille orange”, etc... Je repris les aiguilles et je dis : “Six heures”. Cette fois, elle intervertit les aiguilles des heures et des minutes. Je pris les deux aiguilles et faisant appel à son pouvoir d'évocation, je lui demandai de toucher l'aiguille qui bougeait et elle toucha la noire. “Alors, laquelle ne bouge pas ?” Elle toucha l'orange. “Où reste-t-elle toujours sur le cadran ?” Elle la plaça avec un bout sur le douze, mais l'autre bout n'était pas au centre. Je lui rappelai la fleur et elle repositionna l'aiguille correctement. Je dis : “Six heures” et elle plaça l'aiguille noire presque correctement. Je dis : “Mets les deux aiguilles en ligne droite” et elle fut capable de les ajuster correctement. Je dis ensuite : “Neuf heures. Place d'abord l'aiguille qui ne bouge pas”. En dépit des problèmes pour centrer les aiguilles, elle ne les confondit pas. Quand nous fîmes douze heures, elle voulut mettre les deux aiguilles côte à côte bien qu'évidemment, ce n'était pas de cette façon que je l'avais fait quand je lui avais montré cette heure au début. Au lieu de le refaire moi-même, je décrochai la pendule du mur de la cuisine et je dis : “Regarde ce que fait ma pendule” et je fis tourner les aiguilles pour avoir douze heures au cadran. “Oh ! Elle passe en dessous !” “Fais la même chose avec ton cadran - laquelle va en dessous sur la pendule, la grande aiguille ou la petite?” “La petite.” “Fais la même chose sur ton cadran.” Nous continuâmes un petit moment en alternant entre moi qui place les aiguilles et elle qui dit l'heure et moi qui dit l'heure et elle qui place les aiguilles pour ces quatre heures. Cette première leçon prit environ une heure. Ce que je n'ai pas mentionné dans ma
  • 3. http://www.uneeducationpourdemain.org       Page 3 sur 7   description, c'est le plaisir que nous prenions toutes deux. Chaque fois qu'Agnès réalisait quelque chose de nouveau, elle s'agitait sur sa chaise et riait de plaisir. Elle restait attentive et intéressée tout le temps, me faisant prendre conscience qu'il est possible d'être un bon élève bien qu'extrêmement lent. Elle me fit aussi réaliser combien de prises de conscience différentes sont nécessaires dans l'apprentissage de lire l'heure parce que je devais faire quelque chose de spécifique pour forcer chacune pour elle. Comme Agnès se levait pour partir, Christian, qui était passé dans la pièce plusieurs fois pendant la leçon, demanda à Agnès : “Une heure”. Évidemment, elle ne savait pas placer les aiguilles pour cela et j'étais légèrement ennuyée que Christian le lui ait demandé. Deuxième leçon Agnès revint le lendemain et montra qu'elle avait passé une partie de la nuit à intégrer le travail de la veille parce qu'elle était capable de faire tout ce qu'elle avait fait avant mais plus vite et avec plus de confiance. Son seul problème était de se souvenir de faire se rencontrer les aiguilles au milieu. Nous continuâmes en montrant et en disant les autres heures comme “une heure”, “deux heures”, etc. ... Je continuai à “placer” l'aiguille et non à la “faire tourner” pour éviter la distraction d'avoir à faire tourner l'aiguille des minutes en même temps et pour centrer l'attention sur la position plutôt que sur leur mouvement. De toute façon, Agnès savait déjà que les aiguilles tournaient et dans quelle direction. Quand elle avait besoin de trouver le nom d'une “position horaire”, elle savait où elle devait commencer à compter les réglettes rouges et dans quel sens tourner. C'étaient des prises de conscience qu'elle avait déjà faites et que je n'avais pas eu à forcer. D'un autre coté, elle ne vit pas tout de suite que pour une position comme, par exemple, “dix heures”, elle n'avait pas besoin de commencer à compter depuis le début mais pouvait partir de “neuf heures” qu'elle connaissait déjà. Quand je vis cela, je me mis à lui demander de me montrer “une heure avant six heures”, “deux heures après neuf heures”, etc. ... Ce fut une surprise pour elle de voir que, par exemple “une heure après six heures” était la même chose que “deux heures avant neuf heures”. Je pouvais voir qu'elle ne comprenait pas pourquoi c'était ainsi, ce n'était qu'une heureuse coïncidence mais je choisis de ne pas travailler sur ce problème puisqu'il n'était pas essentiel pour apprendre à lire l'heure. Je fis beaucoup de travail sur les paires “opposées” telles que “deux heures” et “dix heures” parce qu'elle continuait à confondre la gauche et la droite. Je la fis s'asseoir légèrement à gauche du cadran pour que les “grands nombres” puissent devenir les “nombres d'Agnès” et les “petits” les “nombres de Glenys” puisque j'étais assise à droite. Je lui posai aussi des questions telles que : “Combien y a-t-il de positions rouges ?” Elle les compta et dit : “Douze”. (Je m'étais demandée si les deux réglettes rouges sur la position “douze” pouvaient lui causer une confusion, mais elle les accepta comme une convention pour savoir où commencer à compter.) “Combien d'heures cette pendule nous montre-t-elle ?” Elle dit : “Douze !”. Pourtant, quand je lui demandai combien d'heures il y a dans un jour, elle fut incapable de répondre. Alors je lui demandai si elle avait son déjeuner vers huit heures ou vers douze heures. Elle savait qu'elle déjeunait vers douze heures. Je lui posai plus de questions sur les moments où elle faisait différentes choses. Elle était incapable de donner des heures pour beaucoup de choses mais elle savait bien si elle les faisait le matin, l'après-midi, le soir ou la nuit. Alors, je traçai une ligne droite verticale sur une feuille de papier pour représenter sa journée et d'abord je marquai dessus de grands intervalles représentant le matin,
  • 4. http://www.uneeducationpourdemain.org       Page 4 sur 7   l'après-midi, le soir et la nuit. Puis nous écrivîmes certaines choses qu'elle faisait dans une journée : se lever, prendre son petit déjeuner, aller se coucher, dormir, etc. ... Puis j'écrivis les nombres des heures depuis une heure du matin jusqu'à douze heures midi. Avec cela, elle put dire qu'elle se levait vers huit heures du matin pendant les vacances et prenait son petit déjeuner vers neuf heures, qu'à quatre heures du matin, elle dormait. Je lui montrai l'horloge de la cuisine et lui demandai quelle heure il était maintenant. Elle put me dire correctement : “Quatre heures.” “Du matin ou de l'après-midi ?” “De l'après-midi.” Alors je lui montrai sur la ligne de sa journée comment après l'heure du déjeuner on recommence à compter les heures de une à douze pour finir au milieu de la nuit. Je posai des questions sur les moments où elle faisait des choses l'après-midi et le soir et elle les situa sur la ligne. Je lui demandai combien il y avait d'heures avant le déjeuner et combien après. Elle put répondre douze dans chaque cas mais quand je lui demandai combien d'heures il y avait en tout dans un jour, elle fut incapable de répondre parce qu'elle ne savait pas additionner douze et douze. Alors je mis une réglette rouge à coté de chaque heure sur la ligne et elle put les compter et dire qu'il y avait 24 heures dans un jour. Je lui demandai si elle connaissait une autre façon de dire “douze heures” pour l'heure du déjeuner, elle savait, c'était “midi”. Elle savait aussi que “douze heures” au milieu de la nuit s'appelle “minuit”. Mais quand je lui demandai comment elle savait en regardant la pendule qui montrait douze heures si c'était midi ou minuit, elle ne put pas répondre. Alors je lui dis : "Si tu regardes par la fenêtre et qu'il fait noir, est-ce midi ou minuit ?” “Oh ! Minuit !” répondit-elle avec une emphase sur la partie “nuit” et avec un air de triomphe sur son visage et je compris qu'elle entendait le “nuit” de “minuit” pour la première fois. (En français le mot “midi” pour le milieu du jour n'est pas aussi transparent (il l'est en anglais) alors nous ne pouvions pas nous amuser avec lui.) Cette deuxième leçon prit à peu près une heure et demie et, à la fin, Christian me taquine encore une fois en demandant à Agnès de montrer “quatre heures et demie”. Je dis qu'il me taquine moi et pas Agnès parce que la question ne l'ennuyait pas du tout, elle ne savait pas, elle savait qu'elle ne savait pas et n'était pas du tout ennuyée par son ignorance. Troisième leçon Le troisième jour, j'installai le cadran sans aiguilles et avec une feuille de papier A 4, je couvris la moitié gauche du cadran le long de la ligne 12-6. “Agnès, peux-tu voir tout le cadran ?” “Non.” “Combien peux-tu voir ?” “La moitié.” J'enlevai le papier : “Combien peux-tu voir maintenant ?” “Tout.” Je recouvris la moitié droite du cadran et je lui posai les mêmes questions. Elle répondit à toutes sans hésitation. Puis, je lui donnai le papier et lui demandai de couvrir la moitié du cadran. Elle eut plus de mal à le faire physiquement et cela prit un certain temps pour qu'elle soit capable de placer le papier exactement sur la ligne 12-6. Pour l'étape suivante, j'utilisai deux feuilles de papier A 4 et j'en plaçai une comme dans le premier exercice et avec l'autre, je couvris la moitié du bas sur la ligne 9/3 pour que seul un quart du cadran soit visible. Le mot “un quart” ne vint pas à Agnès avec la même spontanéité que “la moitié” mais, quand je lui demandai : “Peux-tu voir le tout, la moitié ou un quart du
  • 5. http://www.uneeducationpourdemain.org       Page 5 sur 7   cadran ?” elle n'eut pas d'hésitation pour choisir “un quart”. Je continuai en lui montrant les trois autres quarts en alternant les moitiés, les quarts et le cadran entier. Elle ne fit pas de fautes. Quand je lui donnai les feuilles de papier et lui demandai de me montrer “un quart”, “un autre quart”, “une moitié”, etc. ... elle trouve cela plus difficile mais le problème était plutôt un manque de dextérité manuelle qu'une incompréhension de ce qui était demandé. Je dis ceci parce que chaque fois que je lui demandai de dire si la façon dont elle avait placé les papiers était correcte, elle ne dit jamais oui quand ça n'était pas le cas. Puis, je donnai les “aiguilles” à Agnès et lui demandai de les mettre dans la position douze heures, ce qu'elle fit. Alors je tournai lentement l'aiguille des minutes et je l'arrêtai sur la position six et je lui demandai quelle partie du cadran elle avait parcourue. Elle fut incapable de répondre. Alors je couvris la moitié gauche du cadran avec une feuille de papier et je refis l'exercice. Cette fois, elle fut capable de répondre : “La moitié”, le mot qu'elle avait utilisé dans les exercices précédents. Je lui demandai si elle connaissait le mot “demi” et si c'était semblable ou différent de “moitié”. Elle savait qu'ils avaient la même signification et elle savait même qu'on utilisait le mot “demi” pour dire l'heure. Aussi, quand je plaçai les aiguilles sur douze heures puis sur douze heures et demie, elle fut capable de dire l'heure correctement dans chaque cas. Je lui donnai les aiguilles et lui demandai de me montrer successivement “douze heures” et “douze heures et demie”, ce qu'elle fut capable de faire après des rappels de “centrer sur la fleur”. Nous avons continué avec “et demie” des autres heures de la même façon et puis avec “et quart” qui n'a pas posé de problème particulier. “Moins le quart” a pris naturellement plus de temps puisque ça implique de regarder le cadran d'une façon spéciale : compter à reculons à partir de 12 et non en avant. Comme elle avait commencé en connaissant déjà le sens dans lequel les aiguilles tournent, elle avait un critère solide pour “en arrière” et “en avant” et en utilisant ces mots, elle fût capable de distinguer entre “un quart d'heure avant” et “un quart d'heure après” une heure donnée. Là aussi, elle connaissait déjà la façon conventionnelle de dire ces heures et elle n'eut pas de mal à passer des mots qui expriment plus clairement l'opération mentale à ceux qu'on utilise conventionnellement. A la fin de cette leçon, Christian, encore une fois, lui demanda quelque chose qu'elle ne pouvait pas faire : “huit heures dix”. Je lui répliquai en colère : “ Mais ça, c'est pour demain !” et je vis alors soudainement la méthode dans ses questions énervantes. Ce n'était pas n'importe quelle question à laquelle Agnès ne pouvait pas répondre à propos de lire l'heure, elles concernaient à chaque fois l'étape suivante. Pour quelqu'un qui lit ce rapport, cela était peut-être évident depuis longtemps, mais ça ne l'était pas pour moi à ce moment-là. Je n'avais jamais appris à personne à lire l'heure auparavant et je n'y avais même jamais pensé de sorte que, quand j'ai commencé, je n'avais aucune idée de ce que les étapes pouvaient être ni de ce que pouvait être la façon “correcte” de le faire. Jusqu'à la fin de la troisième leçon, mon sentiment était que j'étais guidée par ce qu'Agnès pouvait et ne pouvait pas faire. L'intervention de Christian me fit comprendre que j'avais vraiment (et lui aussi, bien sûr) au niveau intuitif, des critères pour ordonner les différents exercices que je suggérais à Agnès. Jusque là, bien que j'eusse vu que pour d'autres enseignants (en particulier Maurice Laurent dans des séminaires de mathématiques), il pouvait être évident quelles prises de conscience devaient être forcées et dans quel ordre pour maîtriser un savoir-faire donné, la description de Gattegno des “hiérarchies temporelles” dans l'apprentissage était restée pour moi une notion intellectuelle. J'étais aussi contente et excitée d'avoir pu reconnaître un exemple des hiérarchies temporelles à l'œuvre dans une situation d'apprentissage qu'Agnès l'était quand elle apprenait à lire l'heure.
  • 6. http://www.uneeducationpourdemain.org       Page 6 sur 7   Il n'est peut-être pas nécessaire de décrire les leçons suivantes en détail. Agnès apprit à lire l'heure en à peu près 6 heures réparties sur une semaine. Par la suite, chaque fois qu'elle venait à la maison, je lui demandais l'heure et bien qu'au début cela lui prît une minute ou deux pour trouver la réponse, elle se trompait rarement. Les erreurs qu'elle faisait étaient de confondre les côtés droit et gauche de la pendule ainsi que les aiguilles des heures et des minutes. J'eus une prise de conscience supplémentaire à propos du problème de lire l'heure, c'est que, pour pouvoir lire l'heure, une seule position du bord du cadran doit pouvoir déclencher jusqu'à cinq nombres différents, par exemple : neuf (heures), quart (moins le), quarante-cinq (minutes), quinze (minutes avant), vingt et une (heures). Chaque nombre différent fait partie d'un système de numérotation spécifique qui implique une façon différente de percevoir et d'interpréter la pendule. A un niveau différent, il y a une prise de conscience que je n'avais pas et que je n'ai toujours pas faite : quelle prise de conscience je devais forcer chez Agnès pour qu'elle réalise que les deux aiguilles étaient attachées au centre du cadran. Chaque fois qu'elle faisait le cadran, je devais lui rappeler de “centrer les aiguilles sur la fleur”, ce qui montre que ce n'est jamais devenu évident pour elle. Leçons de calcul Encouragée par notre succès avec la pendule, je continuai à travailler avec Agnès deux ou trois heures par semaine tout cet été-là en utilisant les réglettes Cuisenaire pour travailler sur l'arithmétique de base. Ce fut une expérience très différente du travail avec la pendule. Je pouvais facilement trouver des exercices qui utilisaient l'addition, la soustraction, la multiplication ou la division qu'Agnès pouvait résoudre en utilisant les réglettes mais je n'avais aucune idée de l'ordre dans lequel les faire ni de ce qu'il fallait faire après qu'un exercice était terminé. Les hiérarchies temporelles dans ce domaine n'étaient pas (et ne sont toujours pas) évidentes pour moi. Ceci ne me surprit pas. Je pense que je peux dire que lire l'heure est un savoir-faire que je maîtrise totalement : c'est quelque chose que je fais vite, correctement et sans effort à chaque occasion. Ceci n'est pas vrai des opérations fondamentales de l'arithmétique. Je me débrouille dans la vie quotidienne mais avec beaucoup d'efforts et beaucoup de fautes dans tout ce qui touche aux nombres et au calcul. Ce qui me surprit, c'est que ça ne fasse aucune différence pour Agnès. Elle était aussi heureuse de venir à ces leçons décousues d'arithmétique qu'elle l'avait été en apprenant à lire l'heure. Cela me fit prendre conscience de la différence entre les enfants et les élèves adultes. Agnès ne s'attendait pas à ce que je sois un professeur de maths rapide ou efficace, ni à ce que la leçon ait un but précis, ni à ce que, en tant que professeur, je ne fasse pas de fautes. Il m'arriva plusieurs fois de devoir m'arrêter au milieu d'un exercice et de dire à Agnès : “Je ne sais pas comment faire à partir d'ici. Pouvons-nous essayer quelque chose d'autre ?” Et elle rassemblait joyeusement toutes les réglettes, les rangeait et attendait un nouveau défi. Ce manque de pression sociale signifiait que je pouvais vouer toute, ou presque toute, mon énergie au travail pédagogique en question. C'est une expérience qui m'a aidée depuis lors à reconnaître quand j'applique mon énergie à des considérations sociales dans la salle de classe quand je travaille avec des adultes et, étant capable de m'en rendre compte, de contrôler et de réduire l'utilisation d'énergie qui est étrangère à l'essentiel de la situation d'apprentissage. J'ai réalisé que, si je me comparais à un instituteur expérimenté avec une bonne compréhension des hiérarchies temporelles mises en cause dans l'étude de l'arithmétique, j'étais très inefficace pour aider Agnès à gagner un savoir-faire en arithmétique en échange de son temps. Cette considération était, de toute façon, en dehors des préoccupations d'Agnès. Tant que j'étais présente seconde par seconde à ses besoins d'apprentissage, elle était motivée à continuer.
  • 7. http://www.uneeducationpourdemain.org       Page 7 sur 7   A l'époque, Agnès m'a fait comprendre qu'un apprenant lent peut néanmoins être un bon apprenant dans le sens d'être présent sans effort aux défis d'une situation pendant une période de temps considérable. Tant que je faisais bien mon travail, Agnès n'était jamais agitée, ni distraite pendant nos leçons. Écrire cet article m'a fait voir que, d'une certaine façon, j'étais un meilleur professeur en mathématiques (ce fut mon seul et unique essai) qu'en anglais (mon travail habituel) : n'ayant que peu de connaissances en la matière et pas d'expérience, j'étais forcée d'être continuellement et totalement présente à mon élève et à ses besoins. ------- © Glenys Hanson Besançon, France, 1995 Traduit par Christian Bastian La Science de l'Education en Questions - No 13 - septembre 1995Agnès et les hiérarchies temporelles de Glenys Hanson est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 non transcrit.