1. Le Contrôle de l’aide des Etats
Unis en Haïti.
Alexander Main du Centre d’investigation sur
l’économie et la politique (Center for Economic
and Policy Research) ; main@cepr.net
2. Le Contrôle de l’aide des Etats
Unis en Haïti.
Alexander Main du Centre d’investigation sur
l’économie et la politique (Center for Economic
and Policy Research) ; main@cepr.net
3. J’ai l'honneur de vous parler aujourd'hui des problèmes au tour du contrôle, où du
suivi des projets d'aide a Haïti. Je n'irais pas au-delà de mon champ d'expertise, et
donc vous parlerai du suivi de l'aide provenant des Etats-Unis, et en particulier de la
mission haïtienne de l'agence de coopération des E.U., dont les initiales - USAID - sont
très bien connues par les Haïtiens.
Je tenterais d'être bref et de me limiter à une présentation au tour de trois grands
axes:
1) les raisons pour lesquelles il faut impérativement améliorer les mécanismes de
contrôle de l'aide internationale, focalisant sur le cas de l'aide provenant des E.U.
2) les principaux défis qui compliquent le contrôle de l'aide, en m'attardant sur les
obstacles d'ordre structurel
3) que faire? Comment surmonter ces grands défis et mettre en place un système de
contrôle des programmes d'aide qui soit accessible au citoyen commun, aussi bien aux
Etats-Unis, comme à Haïti
4. 1) Pourquoi avons-nous besoin d'un contrôle plus rigoureux de l'aide ? Parce
que, aussi bien selon les critères officiels du gouvernement des E.U., comme selon
les critères internationaux et surtout les critères du sujet le plus concerné - le
peuple haïtien - l'aide des Etats-Unis (autant avant comme depuis le tremblement
de terre) est en grande partie un échec.
5. - les critères officiels: où l'on constate une prise de conscience, du moins
partielle, des lacunes qui existent depuis longtemps:
Le projet de reforme interne de USAID - USAID Forward (en avant, vers l'avant) -
reconnaît qu'un changement est nécessaire: le projet préconise une reforme du
système d'acquisition de biens et de services (procurement reform) où le
développement d'un réseau de partenaires locaux serait une priorité; où les
systèmes d'aide public du pays seraient pris en compte; où l'on aiderai les
fournisseurs locaux a se mettre au jour dans les techniques et pratiques requises
par USAID.
6. - Aussi, USAID Forward affiche l'intention de l'agence de renforcer les moyens de
contrôle et d'évaluation de ses propres programmes et, selon USAID, ils ont
"introduit une procédure de contrôle et évaluation améliorée qui lie le suivi
systématique de la performance et l'évaluation de l'impact sur la conception du
programme..."
Pourquoi est-ce que je m'attarde sur ces objectifs officiels; Premièrement, parce
que - de toute évidence, il reste un énorme chemin à faire avant qu'ils soient
réalisés. Ils ont été établis il y a plus d'un an, et on a du mal à constater le
moindre progrès:
7. -- par exemple, malgré l'intention déclarée de faire recours à d'avantage
d'acquisition locale, on sait que, depuis le tremblement de terre, le nombre
de contrats que USAID a signé avec des organisations haïtiennes représente
seulement 0,02 % du total des contrats signés dans le cadre de l'aide pour
Haïti ($49 mille d'un total de $292 millions) ; Quant aux nouvelles
procédures de contrôle et évaluation, difficile à savoir réellement en quoi
elles consistent. Pour le citoyen moyen il n'existe aucune transparence et
presque aucune information concrète sur les projets en cours. Il n'y a qu'à
visiter les pages web de USAID et ses partenaires a Haïti, pour s'en rendre
compte
Mais, tout de même: ces objectifs ont au moins le mérite d'exister - ce qui
n'était pas le cas avant 2010 - et nous pouvons les utiliser pour demander
au gouvernement des E.U. de rendre des comptes, selon les normes qu'il a
lui-même établi.
8. - passons aux critères internationaux au tour de l'efficacité de l'aide. Il
existe une série de normes établis par les Forums internationaux sur
l'efficacité de l'aide au développement, notamment le Plan d'Action
d'Accra qui stipule le renforcement de l'appropriation par les pays
partenaires du processus de développement; l’affirmation de
l'engagement des pays coopérants auprès des organisations de société
civile; le renforcement de la transparence et la reddition de comptes;
mettre l'accent sur l'obtention de résultats concrets et durables...
Ce sont donc d'autres critères qui mettent l'eau a la bouche. Bien que le
gouvernement des E.U. ne fasse pas mention de ces critères dans ses
propres déclarations, il appui officiellement le Plan d'Action d'Accra.
9. Officiellement, donc, les E.U. ont adopté une série de principes qui ne sont
peut-être pas suffisants mais qui une fois réellement appliqués, peuvent
apporter des changements positifs. Le problème qui saute aux yeux quand
l'on visite Haïti, c'est qu'ils ne sont manifestement pas appliqués:
- Je n'ai pas besoin de rentrer dans les détails : il suffit d'observer les
centaines de milliers de personnes qui - presque deux ans après le
tremblement de terre - restent dans des camps. Selon des sondages soit
limités, une majorité de ces personnes vivent dans les conditions les plus
précaires, sans eau potable, sans accès aux soins médicaux de base, sans un
abris qui résiste aux grands orages. Des sommes immenses ont été allouées à
USAID et nous observons très peu de résultats.
10. - Par moment, des agences du gouvernement des Etats-Unis font leur propre contrôle de
l'utilisation des fonds gouvernementaux en Haïti, et à chaque fois qu'ils émettent un
rapport, les conclusions sont accablantes. Le tout dernier: un rapport du Government
Accountability Office (Bureau du Contrôleur Général) qui affirme que, d'un total de $412
millions alloués a USAID pour des projets d'infrastructure, seulement $3 millions ont été
dépensés jusqu'ici. Pourquoi? Un manque de personnel de USAID. On reviendra sur ce
point.
Pour résumer: Malgré les sommes dédiées a la reconstruction, deux ans après le
tremblement de terre, on ne voit guère de résultats. Il est donc impératif de mettre en
place un suivi réel des projets d'aide afin de mieux identifier ce qui se
passe, exactement, avec l'argent qui est déboursé par le gouvernement des E.U. Mais ce
n'est pas une tache très facile:
11. 2. Les défis.
Mon organisation a passé beaucoup de temps à essayer de répondre a la
question: Où est allé l'argent - ou, où est-ce qu'il va? En général, a cause du
manque total de transparence du système d'aide des E.U. nous ne rencontrons pas
de réponse a cette question, ni aux questions plus précises, telles que:
Quelle est la nature des projets qui sont alimentés par les fonds de USAID?
Comment est-ce que ces projets ont été conçus? Quel impact est-ce que l'on
attend du projet? Quels sont les partenaires – sont-ils Haïtiens ou de l'étranger?
Quel est le calendrier pour effectuer le projet?
Cela peut paraître bizarre, mais il est quasi impossible de rencontrer les réponses
a ces questions de base.
Les raisons sont multiples et, je pense, avant tout d'ordre structurel:
12. - En premier lieu, la bureaucratie de USAID est, historiquement, peu transparente, tout
comme la majorité des agences du gouvernement des E.U. Un grand nombre de
documents restent en dehors du domaine public et, bien que la loi oblige l'Etat a remettre
des documents qui ne mettent pas en péril la sécurité nationale, les procédures pour
obtenir la plupart des documents sont longues et fastidieuses (une récente étude faite par
Associated Press a souligné ce problème).
La bureaucratie de USAID est le produit de législation datant de 1961, quand les E.U. était
engagé dans la guerre froide. Cette législation n'a était soumise qu'à de légères
réformes, les dernières datant des années 80.
La nature obscure et complexe de cette bureaucratie a été reconnue, même
publiquement, par des hauts fonctionnaires des Etats Unis, et à partir du début des années
90 des plans ont été mis en oeuvre pour mener a bien une profonde réforme du système
d'acquisition de bien et de services du gouvernement fédéral des E.U. Mais cela a conduit
a de nouvelles difficultés qui ont, en réalité aggravé la situation.
13. - Aujourd'hui l'aide fournit par le gouvernement des Etats Unis passe en grande partie
par un système de sous-traitance de la gestion des fonds d'aide, qui a jusqu'ici montré
peu de preuves d'efficacité et qui est encore moins transparent que le système
bureaucratique. Ce phénomène a eu des conséquences majeures sur les flux de l'aide
des E.U. et mérite d'être analysée brièvement.
En réalité, USAID a subit les conséquences du néolibéralisme, en vogue a partir de
Reagan et confirmé comme politique d'Etat sous Bush père et Bill Clinton. La
bureaucratie de USAID, comme ailleurs dans l'appareil de l'Etat des E.U., était
inefficace, rigide et peu transparente - Au lieu de simplement réformer cette
bureaucratie, l'administration Clinton a choisit de la minimiser et réduire au maximum
son champ de manœuvre, selon la doctrine néo-libérale.
14. Ainsi, entre 1990 et 2008 il y a eu un grand transfert de compétences jusque la
réservées au gouvernement vers le secteur privé. Quarante pour cent du personnel
de USAID a été éliminé bien que les fonds canalisé par l'agence aient augmenté
considérablement. Au même temps, la quantité de fonds versés par USAID a des
entreprises dédiées au développement est passée de 33% du budget de USAID a 58%.
Il n'y a qu'une poignée de ces entreprises qui reçoivent la plupart des fonds de USAID
- la plupart basées dans les environs de Washington, DC.
Hillary Clinton, en parlant de ce legs de son époux, a dit que USAID a été "decimée (...)
avec seulement la moitié du personnel qu'elle avait autrefois... Elle s'est convertie en
une agence de contratation au lieu d'une agence d'opération"
15. Cette transformation de USAID a aussi beaucoup compliqué toute tentative de suivie
efficace de l'aide. L'Etat est redevable au public et, bien qu'inefficace, il existe des
mécanismes qui permettent de scruter l'utilisation des fonds. Les entreprises
privées, par contre, ne sont pas obligées de rendre des comptes au public
et, généralement, leurs activités restent impénétrables.
Même si USAID souhaite les obliger à rendre des comptes, ils n'ont tout simplement pas
les moyens humains de le faire directement dans la plupart des cas. Du coup, ce sont les
mêmes entreprises financées par USAID qui effectuent en grande partie leur propre
contrôle et audit.
Pour donner un exemple concret du problème qui découle de cette situation: Quand
nous avons cherché a savoir combien d'entreprises haïtiennes sont sous-traitées par les
grandes entreprises de développement qui gèrent les fonds de USAID. La répónse de
USAID: Nous n'avons "pas les systèmes en place pour contrôler les sous-traitances et il
n'est donc pas possible de dire exactement quel est le nombre de partenaires ou le
pourcentage de fonds de USAID qui sont canalisés à des ONGs ou des entreprises privées
locales a travers ces arrangements indirects."
C'est à dire, USAID elle-même n'est pas capable de dire ce qui se passe exactement avec
les fonds qu'elle verse aux grandes entreprises de développement.
16. - Je reviens donc aux critères du programme de réforme de USAID - USAID Forward.
Même si USAID a la meilleure volonté au monde, elle n'est pas en mesure d'assurer que
ces critères soient respectés (plus de contrôle, transparence, acquisition locale de biens
et de services...) C'est un énorme problème structurel qui est aujourd'hui profondément
ancré dans le système politique des Etats Unis.
J'ai mentionné que la plupart des fonds de USAID terminent entre les mains de très
grandes entreprises de développement basées a Washington. Dans le cas de l'aide
destinée aux projets humanitaires et la reconstruction a Haïti, un total de 83% des fonds
vont a ses entreprises. Ce sont des entreprises qui ont en général une très mauvaise
réputation dans la plupart des pays ou ils travaillent, mais qui ont de relations
extrêmement proches avec USAID.
Tout comme d'autres acteurs privés puissants aux Etats-Unis ils ont aussi des activités de
lobbying très importantes a Washington. Ils se sont d'ailleurs regroupés en une coalition
appellée la Coalition des Entreprises de Développement International. Cette coalition se
dédie, justement, à lutter contre toute politique qui puisse réduire leur part du budget
d'USAID, comme par exemple une politique favorisant l'utilisation de petites
organisations locales dans les pays ou USAID opère.
17. 3. Que faire pour assurer un meilleur suivi de l'aide du gouvernement des E.U.?
- Premièrement, et nous faisons un grand effort dans ce sens: il est important de faire
agir le Congres des E.U., qui a le devoir - selon la Constitution du pays - de contrôler
la gestion des fonds public par le gouvernement. Il a aussi des moyens et des
ressources limités, mais il est en mesure d'exiger que le gouvernement rende des
comptes. Il peut aussi, directement interpeller les représentants des entreprises et
les obliger à rendre des comptes dans des audiences.
Il existe un projet de loi qui, s'il est approuvé, représente un premier pas important:
HR 3159: Foreign Aid Transparency and Accountability Act… (projet de loi sur la
transparence et responsabilisation de l’aide internationale) :
- « définir des objectifs mesurables, des mesures de performance, et des plans de suivi
et d'évaluation qui peuvent être appliqués sur une base uniforme à tous les
programmes américains d'aide internationale, des plans d'aide aux pays, et les
programmes d'aide internationaux et multilatéraux qui reçoivent des fonds
américains. »
18. - Le projet de loi prévoit la création « d'un site internet qui centralise l'accès public à
toutes les analyses de l'aide étrangère, les données, projet / programme
d'information et de stratégies. »
Ce projet de loi, s'il est approuvé, faciliterait de façon significative l'accès aux
informations de base sur les projets d'aide en cours. Tout de fois, Cela il ne résout
pas le problème structurel de la sous-traitance de la gestion de l'aide. demanderait
une pression citoyenne massive qui, pour l'instant, existe seulement en germe
- Au même temps que ces efforts législatifs, il est donc impératif de mobiliser
l'opinion publique et, cela, à travers d'abord d'une plus grande implication des
médias, en commencant par les médias haïtiennes. Tous les projets déployés par
USAID sur le sol haïtien sont autant de sujets d'investigation. Faire des enquêtes
directement auprès de USAID et des entreprises réceptrices de fonds
et, surtout, analyser et chercher des témoignages portant sur les résultats - ou
manque de résultats - de ces projets. Ainsi, la boite noire du système USAID est
entr'ouvert, et les personnes les plus concernées - les Haïtiens - peuvent présenter
des revendications précises en connaissance de cause.
19. Le lien doit être fait avec les médias indépendants aux Etats-Unis pour qu'ils
puissent relayer les problèmes identifier aux citoyens et contribuables des Etats
Unis.
- Les communautés - et surtout les communautés les plus pauvres - doivent être
munis des outils nécessaires pour partager leur perspectives concernant les
projets d'aide... C'est à dire, la documentation pertinente a propos de ces
projets doit être traduit au kreyol est diffusée aux communautés... Un réseau
peu petit à petit se mettre en place pour rassembler et partager les divers
témoignages et développer des cahiers de doléances qui peuvent en suite être
relayés au niveau national comme au niveau international.