SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  4
Télécharger pour lire hors ligne
1
Travailleuse équatorienne dans l’industrie florale © Sean Garrison pour Fairtrade International
« Nederland bloemenland » (« La Hollande, pays des
fleurs ») est un slogan à moitié vrai, car si les deux tiers du
commerce européen de plantes ornementales transitent
toujours par les ventes publiques de fleurs aux Pays-Bas,
depuis les années 1990, les fleurs proviennent de plus en
plus fréquemment d'Afrique orientale. En 2010, nos voisins
du Nord ont ainsi importé quelque trois milliards de roses du
Kenya, majoritairement destinés à l'exportation dans le reste
de l'Europe.
Les pays situés autour de l'équateur possèdent de solides
atouts pour la culture des fleurs coupées : douze heures
d'ensoleillement par jour, suffisamment de pluie et des
températures idéales. Ajoutez-y le faible coût de la main-
d'œuvre et la disponibilité de moyens de transport moder-
nes, et vous comprendrez aisément pourquoi il est économi-
quement rentable de cueillir aujourd'hui des fleurs dans une
« ferme » kényane, puis de les vendre après-demain chez
un fleuriste situé à 7.000 km.
Lorsqu’on analyse l'importance prise par l'industrie florale
dans l'économie des pays d'Afrique orientale, force est de
constater qu’Hilary Benn marque un point. Pendant des
années, ce secteur a connu une progression annuelle de
20 % au Kenya. Aujourd’hui, les fleurs y représentent plus
de 10 % des exportations totales et occupent la seconde
place après le thé.
Les plantations de fleurs emploient des dizaines de
milliers de jeunes femmes et des centaines de milliers de
personnes dépendent indirectement de ce secteur. Cela
confère au pays sa position de chef de file, néanmoins
talonné par l'Éthiopie, l'Ouganda et la Tanzanie.
De l'autre côté de l'océan Atlantique, la situation est
comparable, avec cette fois l'Équateur et la Colombie
comme principaux producteurs, à destination du marché
américain.
2
Les vêtements de protection sont nécessaires
© Kenian Flower Farm Research Project
Des roses de Tanzanie © Max Havelaar Suisse
Dans quelle mesure les roses kényanes sont-elles
durables ? Différents scientifiques ont calculé que les
émissions de CO2 générées par la production de roses
kényanes, transport compris, étaient nettement inférieures à
celles dégagées pour chauffer les serres aux Pays-Bas. Pat
Thomas, journaliste à The Ecologist, nuance cependant
cette affirmation : « Des calculs trop réducteurs des taux de
CO2 ne tiennent pas compte de tous les éléments. Il faut
tout d’abord prendre en compte l'ensemble du cycle de vie
des fleurs, en ce compris l'énergie fossile consommée pour
leur culture, les engrais, les pesticides et la réfrigération,
mais aussi le méthane produit par la décomposition des
fleurs fanées. Deux autres éléments importants font par
ailleurs douter, à raison, de l'aspect écologique d'une rose
cultivée au Kenya : la consommation gigantesque de pesti-
cides et d'eau. »
La floraison d'une rose implique de tenir à l'écart tout cham-
pignon et bactérie. L'industrie florale recourt dès lors mas-
sivement à des pesticides chimiques. De surcroît, la législa-
tion en vigueur dans les pays africains étant bien souvent à
la traîne, ces pays utilisent des pesticides bannis d'Europe
depuis belle lurette, comme le DDT ou encore le bromure
de méthyle. Puisque les fleurs ne sont pas des denrées
alimentaires, elles font l'objet d'un contrôle moins strict. Au
Kenya et en Éthiopie, les travailleuses sont peu formées à
l'usage correct de produits chimiques. Les plaintes pour
problèmes de santé y sont légion.
Et pour couronner le tout, la culture de fleurs coupées
engloutit les réserves d'eau. Le Kenya et l'Éthiopie n'étant
pas particulièrement réputés pour leurs grandes ressources
hydriques, Pat Thomas s'interroge plus encore sur l'impact
écologique d'un produit de luxe non comestible cultivé
uniquement à des fins d'exportation : « La floriculture kény-
ane est essentiellement localisée autour du lac Naivasha,
dans le sud-ouest du pays. Cet énorme lac d'eau douce
représente une source d'eau vitale. Il abrite par ailleurs des
hippopotames, flamands roses et autres espèces animales.
Depuis que la floriculture y a pris ses quartiers, la population
y est passée de 6.000 à 240.000 personnes. Le niveau du
lac s'est réduit de moitié, l'eau est polluée – suite à l'usage
de pesticides et à l'écoulement des eaux usées de la ville
de Naivasha – et la biodiversité est en danger. L'industrie
florale se rend, elle aussi, compte que des mesures doivent
être prises, sans quoi la région file droit vers une
catastrophe écologique. »
Si la floriculture génère bon nombre d'emplois, elle ne
garantit pas nécessairement la qualité de ceux-ci. L'ONG
néerlandaise HIVOS, qui a lancé la campagne Power of the
Fair Trade Flower en 2013, résume les nombreux rapports
et enquêtes portant sur les conditions de travail dans le
secteur floral : « La majorité des tâches dans les fermes de
fleurs sont effectuées par de jeunes femmes. Ces dernières
sont prisées pour la délicatesse de leur travail, une qualité
nécessaire pour manipuler ce produit fragile. Mais les
femmes constituent aussi et surtout une main-d'œuvre bon
marché. Elles effectuent du travail non qualifié pour un
salaire de misère. Elles n'ont que peu, voire aucun accès à
la connaissance et à l'éducation, et donc aucune perspec-
tive de développement personnel. Comme il n'est bien
souvent nullement question d'emplois permanents, les con-
trats temporaires les rendent particulièrement vulnérables.
De plus, les cas d'exploitation et d'abus sexuels sont nom-
breux. Quant à leur santé, elle est menacée par l'utilisation
sans précaution de produits chimiques. »
Et lorsqu'on examine les faits concrets, la situation est
encore plus interpellante : « Les patrons réclament des
faveurs sexuelles en échange d'une prolongation de contrat
ou d'une journée de congé. Toute femme sous contrat tem-
poraire perd systématiquement son emploi en cas de
grossesse. Quant aux collaboratrices sous contrat perma-
nent, il leur est demandé de prendre des jours de vacances
plutôt qu'un congé de maternité. Mais c'est surtout l'état de
santé de bon nombre de travailleuses qui préoccupe : maux
de tête, vertiges et fatigue constituent la règle plutôt que
l'exception. Quant au taux de fausses couches, il est anor-
malement élevé. Et enfin, les équipements de protection
sont une denrée assez rare. »
En haute saison, les journées de travail peuvent durer
16 heures. A contrario, la rémunération, elle, est faible. Le
salaire minimum dans le secteur agricole au Kenya s'élève
à 1,25 euro par jour. En Tanzanie, il est de 0,96 euro et en
Éthiopie, encore moins élevé. L'Ouganda, n’a pour sa part
aucun salaire minimum.
3
Les critères Fairtrade applicables au secteur floral
incluent entre autres les points suivants :
 Les travailleurs décident de l’affectation de la pri-
me Fairtrade (10 % en plus du prix final).
 L'interdiction du travail forcé et du travail des
enfants de moins de 15 ans.
 Le droit de s'organiser en syndicats et de conclure
des Conventions collectives de travail (CCT).
 Les salaires doivent au minimum être équivalent à
la moyenne régionale ou au salaire minimum lé-
gal.
 Toute une série de mesures de sécurité et de
santé censées limiter l'utilisation d'engrais et de
pesticides.
Les fleurs sont prêtes pour le transport
© Kenian Flower Farm Research Project
De nombreuses personnes du secteur se rendent compte
qu'en dépit de la concurrence féroce, la situation doit
changer. En 1999 déjà, l'organisation internationale de
tutelle des marchands de fleurs avait pris l'initiative de
lancer une norme mondiale incluant des critères sociaux et
écologiques. Cette initiative s'est soldée en 2006 par l'appa-
rition d’un label européen pour les consommateurs, Fair
Flowers Fair Plants (FFP), géré par une fondation aux Pays-
Bas. Ce label n'est toutefois pas parvenu à s'imposer et est
essentiellement utilisé pour les fleurs cultivées en Europe.
Des normes internationales de type business-to-business,
telles que MPS-ABC, GLOBALGAP et Ethical Trading Initia-
tive, sont parfois utilisées en parallèle et on trouve aussi sur
le marché des fleurs portant le label écologique EKO. Quant
aux supermarchés britanniques, ils exhibent leurs propres
labels privés. Dans le Sud aussi, on a pris conscience de
l'importance de rehausser l'image de marque du secteur ;
c'est pourquoi le Kenya Flower Council a rédigé un code de
conduite et qu'Asocolflores en Colombie a produit une
norme Florverde.
Afin de mettre un terme à cette prolifération de labels et de
répondre à la demande des ONG et consommateurs d'une
plus grande éthique dans la filière, le secteur a lancé,
début 2013, l'initiative FSI (Floriculture Sustainability Initiati-
ve), en y impliquant des ONG. L'objectif de cette initiative
est très ambitieux : d'ici 2020, 90 % des fleurs et plantes en
pot commercialisées à l'échelon international devront être
issus de cultures durables. À cet égard, la FSI entend
surtout améliorer la collaboration au sein du secteur, pour
dégager une vision commune de la notion de durabilité.
Jeroen Oudheusden, Coordinateur de programme FSI :
« Avec tous ces labels, tout le monde en perd son latin.
L'objectif n'est certes pas d’en créer un nouveau, mais bien
de mettre au point un instrument rassemblant les différents
labels, afin que les cultivateurs et les marchands s'y retrou-
vent enfin. Celui-ci doit être plus transparent et se fonder
sur des faits. Nous souhaitons aussi diffuser des informati-
ons sur les meilleures pratiques en matière d'utilisation des
ressources hydriques, d'usage de pesticides, de respect
des droits humains et de transport respectueux de l'envi-
ronnement. »
En 2001, les grandes surfaces suisses COOP et Migros ont
sondé Max Havelaar Suisse concernant les possibilités de
commercialiser des fleurs équitables. Fairtrade International
(FLO) s'est alors mise au travail et, en 2004, les premiers
bouquets labellisés Fairtrade étaient vendus dans le pays.
Depuis lors, le nombre de plantations certifiées s'élève à
plus de 50, réparties dans 17 pays, principalement au
Kenya, en Tanzanie et en Équateur. En Belgique, on retrou-
ve essentiellement ces fleurs équitables dans les supermar-
chés Delhaize et Carrefour.
Le Center for Evaluation (CEval) a publié en 2012, pour le
compte des membres suisses et allemands de Fairtrade
International, une étude d'impact consacrée au commerce
équitable. Cette étude s'est penchée tant sur les petits
cacaoculteurs d'Afrique occidentale que sur les plus gran-
des fermes de fleurs d'Afrique orientale. Le rapport final
affirme que les conditions de travail sont sensiblement
meilleures dans les plantations Fairtrade que dans les
entreprises environnantes, principalement en termes de
santé et de sécurité, de formation et de genre. Alors que
dans le secteur, le pourcentage de contrats permanents ne
s'élève qu'à 20 %, il atteint 85 % dans les plantations
certifiées.
La prime Fairtrade est allouée à des projets bénéfiques tant
pour les travailleurs que pour la communauté dans son
ensemble. Ainsi, chez Finlay Flowers à Kericho, la prime a
été dépensée dans la formation d'enseignants et l'achat de
matériel scolaire. Quant à l'Oserian Flower Farm, à proximi-
té de Naivasha, elle a investi la prime dans un centre de
formation, une campagne contre le sida, un séminaire sur la
violence domestique et l'achat d'un bus.
Les plantations certifiées sont également beaucoup plus
attentives aux aspects environnementaux. Ainsi, la
Longonot Farm, dans la région de Naivasha, est très active
sur le plan du recyclage de l'eau et celui de l'hydroélectrici-
té. La certification de diverses plantations en Éthiopie s'est
d'emblée soldée par le bannissement de 90 des
120 produits chimiques utilisés.
Il ressort du rapport que la rémunération est légèrement
supérieure dans les fermes certifiées. 64 % des travailleurs
sont capables d'épargner un peu d'argent, contre 51 %
dans d'autres plantations. D'autres études, comme celle de
4
Sources et plus d’info
Pat Thomas, Behind the Label: cut flowers, 2009: www.theecologist.org/green_green_living/behind_the_label/302429/behind_the_label_cut_flowers.html.
HIVOS, Position Paper Power of the Fair Trade Flower, 2013: www.powerofthefairtradeflower.nl.
Fair Flowers. The Journey of the Rose. People, planet, profit. Special 2013: www.p-plus.nl/resources/articlefiles/PHIVOSroses.pdf.
FFP : www.fairflowersfairplants.com
MPS-ABC : www.my-mps.com
GLOBALGAP : www.globalgap.org
ETI : www.ethicaltrade.org
FSI (Floriculture Sustainability Initiative): www.fsi2020.com
FLO : www.fairtrade.net/flowers.html
Rapport CEval :
http://www.fairtrade.org.uk/press_office/press_releases_and_statements/february_2013/impact_of_fairtrade_in_the_flower_sector.aspx.
Kristina Gårdman, Fairtrade and Human Rights in the Kenyan Cut Flower Industry, Université de Lunds, 2008 : http://lup.lub.lu.se/luur/download?
func=downloadFile&recordOId=1315678&fileOId=1316212.
Bruno Leipold et Francesca Morgante, The Impact of the Flower Industry on Kenya’s Sustainable Development, International Public Policy Review, juin 2013 : http://
www.ucl.ac.uk/ippr/journal/downloads/vol7no2/flowerindustry. Voir également kenyaflowerfarms.wordpress.com.
Nicky Caestecker, The impact of Fairtrade on social upgrading in the cut-
Flower Industry in Kenya, Université de Gand, 2012, http://lib.ugent.be/fulltxt/RUG01/001/895/262/RUG01-001895262_2012_0001_AC.pdf.
Une rose équitable équatorienne © Didier Gentilhomme pour Fairtrade International
Gardmann, Leipold et Morgante, et celle de Nicky Caestec-
ker, démontrent par contre que le salaire demeure une pier-
re d'achoppement, aussi dans les plantations certifiées. Les
salaires y sont certes le plus souvent un peu plus élevés
que le minimum légal, conformes aux critères du commerce
équitable, mais ils permettent à bien peu de travailleurs de
nouer les deux bouts et de faire évoluer leur niveau de vie.
Un comble pour un commerce qui se veut équitable.
Les auteurs des études précitées abordent aussi en détail
les critiques parfois entendues concernant le commerce
équitable, à savoir qu'il entraverait le fonctionnement des
syndicats. Le nombre de personnes affiliées à des syndi-
cats n'est bien souvent pas plus élevé dans les plantations
certifiées que dans d'autres. Les travailleurs interviewés
indiquent être déjà satisfaits d'avoir leur mot à dire au sein
de l’organisme mixte (travailleurs et employeur) et ne pas
vraiment voir la plus-value d'un syndicat. Quoi qu'il en soit,
le commerce équitable garantit une structure organisation-
nelle plus démocratique, tout en agissant comme une sorte
de best practice induisant une pression accrue sur les au-
tres plantations afin que les choses évoluent positivement.
« Force est de constater que si le commerce équitable a
indéniablement renforcé la lutte des syndicats », nous
confie Nicky Caestecker, « il pourrait aller plus loin encore.
Des changements fondamentaux ne pourront avoir lieu que
lorsque les syndicats occuperont une position suffisamment
forte pour leur permettre d'imposer des Conventions collec-
tives de travail (CCT) et des augmentations salariales dans
les plantations. Ou lorsque l'État kényan aura entrepris les
démarches pour augmenter le salaire minimum légal. »
À cela s'ajoute, selon Leipold et Morgante, la responsabilité
du consommateur : « Ces dernières années, les acheteurs
présents sur plusieurs marchés européens ont de plus en
plus fréquemment opté pour des fleurs durables ou équita-
bles. Cette attitude a, au Kenya notamment, déjà engendré
une certaine pression à bannir certaines dérives. Et si ce
processus se poursuit, cela pourrait lentement aiguiller l'en-
semble du secteur sur la bonne voie. »
Trade for Development Centre
février 2014
E.R:CarlMichiels,CTBRueHaute147,1000Bruxelles
Les opinions exposées dans cet article ne représentent pas forcément celles de la CTB ou de la Coopération belge au Développement.

Contenu connexe

En vedette

Media-kit Where Paris Appli Iphone-Ipad 2014
Media-kit Where Paris Appli Iphone-Ipad 2014Media-kit Where Paris Appli Iphone-Ipad 2014
Media-kit Where Paris Appli Iphone-Ipad 2014Where Paris Editions
 
Faune comenius hiver
Faune comenius hiverFaune comenius hiver
Faune comenius hivercandide45
 
La prehistoria-y-la-edad-antigua-
La prehistoria-y-la-edad-antigua-La prehistoria-y-la-edad-antigua-
La prehistoria-y-la-edad-antigua-cangasblog
 
Si yo tuviera un million de dolares...
Si yo tuviera un million de dolares...Si yo tuviera un million de dolares...
Si yo tuviera un million de dolares...duncanmorgan
 
Onet 120817222217-phpapp01
Onet 120817222217-phpapp01Onet 120817222217-phpapp01
Onet 120817222217-phpapp01Bigbang' Gri
 
Estallido de la guerra civil
Estallido de la guerra civilEstallido de la guerra civil
Estallido de la guerra civilCeciliaw9
 
L'apport de FME pour la gestion de données de transport
L'apport de FME pour la gestion de données de transportL'apport de FME pour la gestion de données de transport
L'apport de FME pour la gestion de données de transportEllipsoFacto Sarl
 
Bibliotecologia final
Bibliotecologia finalBibliotecologia final
Bibliotecologia finalyennyorjuela
 
Villa Paula, Corregimiento de Los Chancos en Tulua
Villa Paula, Corregimiento de Los Chancos en TuluaVilla Paula, Corregimiento de Los Chancos en Tulua
Villa Paula, Corregimiento de Los Chancos en TuluaLuis Fernando Tascón Montes
 
Boletín de la Alcaldía de Palmira 137 por La Hora de Palmira (lunes 16 de julio)
Boletín de la Alcaldía de Palmira 137 por La Hora de Palmira (lunes 16 de julio)Boletín de la Alcaldía de Palmira 137 por La Hora de Palmira (lunes 16 de julio)
Boletín de la Alcaldía de Palmira 137 por La Hora de Palmira (lunes 16 de julio)Luis Fernando Tascón Montes
 
Dossier de production
Dossier de productionDossier de production
Dossier de productioncecile123456
 
Rééquilibrer le rapport de force entre éditeurs et prestataires de distribution
Rééquilibrer le rapport de force entre éditeurs et prestataires de distributionRééquilibrer le rapport de force entre éditeurs et prestataires de distribution
Rééquilibrer le rapport de force entre éditeurs et prestataires de distributionCedexis
 
Cuidados ante la muerte
Cuidados ante la muerteCuidados ante la muerte
Cuidados ante la muerteAndres Romano
 
SISTEMA_SELECCION_UNIVERSITARIA
SISTEMA_SELECCION_UNIVERSITARIASISTEMA_SELECCION_UNIVERSITARIA
SISTEMA_SELECCION_UNIVERSITARIAEduardo Mera
 

En vedette (20)

Presentación taller
Presentación tallerPresentación taller
Presentación taller
 
test
testtest
test
 
Media-kit Where Paris Appli Iphone-Ipad 2014
Media-kit Where Paris Appli Iphone-Ipad 2014Media-kit Where Paris Appli Iphone-Ipad 2014
Media-kit Where Paris Appli Iphone-Ipad 2014
 
Faune comenius hiver
Faune comenius hiverFaune comenius hiver
Faune comenius hiver
 
La prehistoria-y-la-edad-antigua-
La prehistoria-y-la-edad-antigua-La prehistoria-y-la-edad-antigua-
La prehistoria-y-la-edad-antigua-
 
Si yo tuviera un million de dolares...
Si yo tuviera un million de dolares...Si yo tuviera un million de dolares...
Si yo tuviera un million de dolares...
 
Onet 120817222217-phpapp01
Onet 120817222217-phpapp01Onet 120817222217-phpapp01
Onet 120817222217-phpapp01
 
Nostalgia del Radio
Nostalgia del RadioNostalgia del Radio
Nostalgia del Radio
 
Estallido de la guerra civil
Estallido de la guerra civilEstallido de la guerra civil
Estallido de la guerra civil
 
L'apport de FME pour la gestion de données de transport
L'apport de FME pour la gestion de données de transportL'apport de FME pour la gestion de données de transport
L'apport de FME pour la gestion de données de transport
 
Bibliotecologia final
Bibliotecologia finalBibliotecologia final
Bibliotecologia final
 
Presentacion final True Elements
Presentacion final True ElementsPresentacion final True Elements
Presentacion final True Elements
 
Villa Paula, Corregimiento de Los Chancos en Tulua
Villa Paula, Corregimiento de Los Chancos en TuluaVilla Paula, Corregimiento de Los Chancos en Tulua
Villa Paula, Corregimiento de Los Chancos en Tulua
 
Wiris
WirisWiris
Wiris
 
Boletín de la Alcaldía de Palmira 137 por La Hora de Palmira (lunes 16 de julio)
Boletín de la Alcaldía de Palmira 137 por La Hora de Palmira (lunes 16 de julio)Boletín de la Alcaldía de Palmira 137 por La Hora de Palmira (lunes 16 de julio)
Boletín de la Alcaldía de Palmira 137 por La Hora de Palmira (lunes 16 de julio)
 
Protección jurídica
Protección jurídicaProtección jurídica
Protección jurídica
 
Dossier de production
Dossier de productionDossier de production
Dossier de production
 
Rééquilibrer le rapport de force entre éditeurs et prestataires de distribution
Rééquilibrer le rapport de force entre éditeurs et prestataires de distributionRééquilibrer le rapport de force entre éditeurs et prestataires de distribution
Rééquilibrer le rapport de force entre éditeurs et prestataires de distribution
 
Cuidados ante la muerte
Cuidados ante la muerteCuidados ante la muerte
Cuidados ante la muerte
 
SISTEMA_SELECCION_UNIVERSITARIA
SISTEMA_SELECCION_UNIVERSITARIASISTEMA_SELECCION_UNIVERSITARIA
SISTEMA_SELECCION_UNIVERSITARIA
 

Similaire à Dites le avec des fleurs. Ethique et durabilité dans la floriculture

La dernière frontière de l’huile de palme afrique
La dernière frontière de l’huile de palme afrique  La dernière frontière de l’huile de palme afrique
La dernière frontière de l’huile de palme afrique Boris July
 
L’entrepreneuriat vert
L’entrepreneuriat vertL’entrepreneuriat vert
L’entrepreneuriat vertGhassen Chaieb
 
Le commerce équitable, porteur d'espoir pour les producteurs de vanille
Le commerce équitable, porteur d'espoir pour les producteurs de vanilleLe commerce équitable, porteur d'espoir pour les producteurs de vanille
Le commerce équitable, porteur d'espoir pour les producteurs de vanilleTradeForDevelopment Centre
 
Landgrabbers fr
Landgrabbers frLandgrabbers fr
Landgrabbers frGRAIN
 
Horizon n°24 - Vivadour Coopérative Agricole Gersoise
Horizon n°24 - Vivadour Coopérative Agricole GersoiseHorizon n°24 - Vivadour Coopérative Agricole Gersoise
Horizon n°24 - Vivadour Coopérative Agricole GersoiseVivadour
 
Un salaire décent pour les ouvriers agricoles
Un salaire décent pour les ouvriers agricolesUn salaire décent pour les ouvriers agricoles
Un salaire décent pour les ouvriers agricolesTradeForDevelopment Centre
 
Developpement durable de l-agriculture urbaine en Afrique francophone. Enjeux...
Developpement durable de l-agriculture urbaine en Afrique francophone. Enjeux...Developpement durable de l-agriculture urbaine en Afrique francophone. Enjeux...
Developpement durable de l-agriculture urbaine en Afrique francophone. Enjeux...abdoul ahad mbaye
 
Guide tropical ecophyto
Guide tropical ecophytoGuide tropical ecophyto
Guide tropical ecophytoPatrickTanz
 
Quand l'Afrique se met à la vanille
Quand l'Afrique se met à la vanilleQuand l'Afrique se met à la vanille
Quand l'Afrique se met à la vanilleIsabelle CORDIER
 
La tara, un petit arbre porteur de grandes promesses.
La tara, un petit arbre porteur de grandes promesses.La tara, un petit arbre porteur de grandes promesses.
La tara, un petit arbre porteur de grandes promesses.TradeForDevelopment Centre
 
Artisanat SEL - Catalogue 2015-2016
Artisanat SEL - Catalogue 2015-2016Artisanat SEL - Catalogue 2015-2016
Artisanat SEL - Catalogue 2015-2016artisanat_sel
 
Pap50 entreprise 2013
Pap50 entreprise 2013Pap50 entreprise 2013
Pap50 entreprise 2013ActeurDurable
 
Manger-et-penser-bio
Manger-et-penser-bioManger-et-penser-bio
Manger-et-penser-bioAude Debenest
 
Manger-et-penser-bio
Manger-et-penser-bioManger-et-penser-bio
Manger-et-penser-bioAude Debenest
 

Similaire à Dites le avec des fleurs. Ethique et durabilité dans la floriculture (20)

Rapport Annuel Max Havelaar 2010-2011
Rapport Annuel Max Havelaar 2010-2011Rapport Annuel Max Havelaar 2010-2011
Rapport Annuel Max Havelaar 2010-2011
 
La dernière frontière de l’huile de palme afrique
La dernière frontière de l’huile de palme afrique  La dernière frontière de l’huile de palme afrique
La dernière frontière de l’huile de palme afrique
 
Made in Africa, vendu en Afrique
Made in Africa, vendu en AfriqueMade in Africa, vendu en Afrique
Made in Africa, vendu en Afrique
 
L’entrepreneuriat vert
L’entrepreneuriat vertL’entrepreneuriat vert
L’entrepreneuriat vert
 
Le commerce équitable, porteur d'espoir pour les producteurs de vanille
Le commerce équitable, porteur d'espoir pour les producteurs de vanilleLe commerce équitable, porteur d'espoir pour les producteurs de vanille
Le commerce équitable, porteur d'espoir pour les producteurs de vanille
 
Rapport Annuel Max Havelaar 2013-2014
Rapport Annuel Max Havelaar 2013-2014Rapport Annuel Max Havelaar 2013-2014
Rapport Annuel Max Havelaar 2013-2014
 
Landgrabbers fr
Landgrabbers frLandgrabbers fr
Landgrabbers fr
 
Horizon n°24 - Vivadour Coopérative Agricole Gersoise
Horizon n°24 - Vivadour Coopérative Agricole GersoiseHorizon n°24 - Vivadour Coopérative Agricole Gersoise
Horizon n°24 - Vivadour Coopérative Agricole Gersoise
 
Rapport Annuel Max Havelaar 2009-2010
Rapport Annuel Max Havelaar 2009-2010Rapport Annuel Max Havelaar 2009-2010
Rapport Annuel Max Havelaar 2009-2010
 
L'or équitable: une quête difficile
L'or équitable: une quête difficileL'or équitable: une quête difficile
L'or équitable: une quête difficile
 
Un salaire décent pour les ouvriers agricoles
Un salaire décent pour les ouvriers agricolesUn salaire décent pour les ouvriers agricoles
Un salaire décent pour les ouvriers agricoles
 
Developpement durable de l-agriculture urbaine en Afrique francophone. Enjeux...
Developpement durable de l-agriculture urbaine en Afrique francophone. Enjeux...Developpement durable de l-agriculture urbaine en Afrique francophone. Enjeux...
Developpement durable de l-agriculture urbaine en Afrique francophone. Enjeux...
 
Guide tropical ecophyto
Guide tropical ecophytoGuide tropical ecophyto
Guide tropical ecophyto
 
Quand l'Afrique se met à la vanille
Quand l'Afrique se met à la vanilleQuand l'Afrique se met à la vanille
Quand l'Afrique se met à la vanille
 
La tara, un petit arbre porteur de grandes promesses.
La tara, un petit arbre porteur de grandes promesses.La tara, un petit arbre porteur de grandes promesses.
La tara, un petit arbre porteur de grandes promesses.
 
Artisanat SEL - Catalogue 2015-2016
Artisanat SEL - Catalogue 2015-2016Artisanat SEL - Catalogue 2015-2016
Artisanat SEL - Catalogue 2015-2016
 
JTS
JTSJTS
JTS
 
Pap50 entreprise 2013
Pap50 entreprise 2013Pap50 entreprise 2013
Pap50 entreprise 2013
 
Manger-et-penser-bio
Manger-et-penser-bioManger-et-penser-bio
Manger-et-penser-bio
 
Manger-et-penser-bio
Manger-et-penser-bioManger-et-penser-bio
Manger-et-penser-bio
 

Dernier

Système de management de l'Environnement - ISO 14001 V 2015-
Système de management  de l'Environnement      - ISO 14001 V 2015-Système de management  de l'Environnement      - ISO 14001 V 2015-
Système de management de l'Environnement - ISO 14001 V 2015-Kawther MEKNI
 
gestion des déchets et chanegement climatique
gestion des déchets et chanegement climatiquegestion des déchets et chanegement climatique
gestion des déchets et chanegement climatiqueKawther MEKNI
 
AG TWEED-H2O : Acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...
AG TWEED-H2O : Acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...AG TWEED-H2O : Acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...
AG TWEED-H2O : Acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...Cluster TWEED
 
collectif Fol'épis récapitulatif 2023-2024.pdf
collectif Fol'épis récapitulatif 2023-2024.pdfcollectif Fol'épis récapitulatif 2023-2024.pdf
collectif Fol'épis récapitulatif 2023-2024.pdfflorianlemoing
 
Dossier de presse du plan d'apaisement de la circulation de la ville de Tours
Dossier de presse du plan d'apaisement de la circulation de la ville de ToursDossier de presse du plan d'apaisement de la circulation de la ville de Tours
Dossier de presse du plan d'apaisement de la circulation de la ville de ToursYves MASSOT
 
AG TWEED-H2O : acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...
AG TWEED-H2O : acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...AG TWEED-H2O : acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...
AG TWEED-H2O : acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...Cluster TWEED
 
Formation hygiène personnel locaux .pptx
Formation hygiène personnel locaux .pptxFormation hygiène personnel locaux .pptx
Formation hygiène personnel locaux .pptxkhoualdiadhouha
 
Formation exigences de l'ISO 14001 systèmes de management de l'environnement
Formation exigences de l'ISO 14001 systèmes de management de l'environnementFormation exigences de l'ISO 14001 systèmes de management de l'environnement
Formation exigences de l'ISO 14001 systèmes de management de l'environnementWassim Mansour
 

Dernier (8)

Système de management de l'Environnement - ISO 14001 V 2015-
Système de management  de l'Environnement      - ISO 14001 V 2015-Système de management  de l'Environnement      - ISO 14001 V 2015-
Système de management de l'Environnement - ISO 14001 V 2015-
 
gestion des déchets et chanegement climatique
gestion des déchets et chanegement climatiquegestion des déchets et chanegement climatique
gestion des déchets et chanegement climatique
 
AG TWEED-H2O : Acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...
AG TWEED-H2O : Acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...AG TWEED-H2O : Acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...
AG TWEED-H2O : Acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...
 
collectif Fol'épis récapitulatif 2023-2024.pdf
collectif Fol'épis récapitulatif 2023-2024.pdfcollectif Fol'épis récapitulatif 2023-2024.pdf
collectif Fol'épis récapitulatif 2023-2024.pdf
 
Dossier de presse du plan d'apaisement de la circulation de la ville de Tours
Dossier de presse du plan d'apaisement de la circulation de la ville de ToursDossier de presse du plan d'apaisement de la circulation de la ville de Tours
Dossier de presse du plan d'apaisement de la circulation de la ville de Tours
 
AG TWEED-H2O : acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...
AG TWEED-H2O : acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...AG TWEED-H2O : acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...
AG TWEED-H2O : acteurs, projets et ecosystemes des secteurs de l'energie et d...
 
Formation hygiène personnel locaux .pptx
Formation hygiène personnel locaux .pptxFormation hygiène personnel locaux .pptx
Formation hygiène personnel locaux .pptx
 
Formation exigences de l'ISO 14001 systèmes de management de l'environnement
Formation exigences de l'ISO 14001 systèmes de management de l'environnementFormation exigences de l'ISO 14001 systèmes de management de l'environnement
Formation exigences de l'ISO 14001 systèmes de management de l'environnement
 

Dites le avec des fleurs. Ethique et durabilité dans la floriculture

  • 1. 1 Travailleuse équatorienne dans l’industrie florale © Sean Garrison pour Fairtrade International « Nederland bloemenland » (« La Hollande, pays des fleurs ») est un slogan à moitié vrai, car si les deux tiers du commerce européen de plantes ornementales transitent toujours par les ventes publiques de fleurs aux Pays-Bas, depuis les années 1990, les fleurs proviennent de plus en plus fréquemment d'Afrique orientale. En 2010, nos voisins du Nord ont ainsi importé quelque trois milliards de roses du Kenya, majoritairement destinés à l'exportation dans le reste de l'Europe. Les pays situés autour de l'équateur possèdent de solides atouts pour la culture des fleurs coupées : douze heures d'ensoleillement par jour, suffisamment de pluie et des températures idéales. Ajoutez-y le faible coût de la main- d'œuvre et la disponibilité de moyens de transport moder- nes, et vous comprendrez aisément pourquoi il est économi- quement rentable de cueillir aujourd'hui des fleurs dans une « ferme » kényane, puis de les vendre après-demain chez un fleuriste situé à 7.000 km. Lorsqu’on analyse l'importance prise par l'industrie florale dans l'économie des pays d'Afrique orientale, force est de constater qu’Hilary Benn marque un point. Pendant des années, ce secteur a connu une progression annuelle de 20 % au Kenya. Aujourd’hui, les fleurs y représentent plus de 10 % des exportations totales et occupent la seconde place après le thé. Les plantations de fleurs emploient des dizaines de milliers de jeunes femmes et des centaines de milliers de personnes dépendent indirectement de ce secteur. Cela confère au pays sa position de chef de file, néanmoins talonné par l'Éthiopie, l'Ouganda et la Tanzanie. De l'autre côté de l'océan Atlantique, la situation est comparable, avec cette fois l'Équateur et la Colombie comme principaux producteurs, à destination du marché américain.
  • 2. 2 Les vêtements de protection sont nécessaires © Kenian Flower Farm Research Project Des roses de Tanzanie © Max Havelaar Suisse Dans quelle mesure les roses kényanes sont-elles durables ? Différents scientifiques ont calculé que les émissions de CO2 générées par la production de roses kényanes, transport compris, étaient nettement inférieures à celles dégagées pour chauffer les serres aux Pays-Bas. Pat Thomas, journaliste à The Ecologist, nuance cependant cette affirmation : « Des calculs trop réducteurs des taux de CO2 ne tiennent pas compte de tous les éléments. Il faut tout d’abord prendre en compte l'ensemble du cycle de vie des fleurs, en ce compris l'énergie fossile consommée pour leur culture, les engrais, les pesticides et la réfrigération, mais aussi le méthane produit par la décomposition des fleurs fanées. Deux autres éléments importants font par ailleurs douter, à raison, de l'aspect écologique d'une rose cultivée au Kenya : la consommation gigantesque de pesti- cides et d'eau. » La floraison d'une rose implique de tenir à l'écart tout cham- pignon et bactérie. L'industrie florale recourt dès lors mas- sivement à des pesticides chimiques. De surcroît, la législa- tion en vigueur dans les pays africains étant bien souvent à la traîne, ces pays utilisent des pesticides bannis d'Europe depuis belle lurette, comme le DDT ou encore le bromure de méthyle. Puisque les fleurs ne sont pas des denrées alimentaires, elles font l'objet d'un contrôle moins strict. Au Kenya et en Éthiopie, les travailleuses sont peu formées à l'usage correct de produits chimiques. Les plaintes pour problèmes de santé y sont légion. Et pour couronner le tout, la culture de fleurs coupées engloutit les réserves d'eau. Le Kenya et l'Éthiopie n'étant pas particulièrement réputés pour leurs grandes ressources hydriques, Pat Thomas s'interroge plus encore sur l'impact écologique d'un produit de luxe non comestible cultivé uniquement à des fins d'exportation : « La floriculture kény- ane est essentiellement localisée autour du lac Naivasha, dans le sud-ouest du pays. Cet énorme lac d'eau douce représente une source d'eau vitale. Il abrite par ailleurs des hippopotames, flamands roses et autres espèces animales. Depuis que la floriculture y a pris ses quartiers, la population y est passée de 6.000 à 240.000 personnes. Le niveau du lac s'est réduit de moitié, l'eau est polluée – suite à l'usage de pesticides et à l'écoulement des eaux usées de la ville de Naivasha – et la biodiversité est en danger. L'industrie florale se rend, elle aussi, compte que des mesures doivent être prises, sans quoi la région file droit vers une catastrophe écologique. » Si la floriculture génère bon nombre d'emplois, elle ne garantit pas nécessairement la qualité de ceux-ci. L'ONG néerlandaise HIVOS, qui a lancé la campagne Power of the Fair Trade Flower en 2013, résume les nombreux rapports et enquêtes portant sur les conditions de travail dans le secteur floral : « La majorité des tâches dans les fermes de fleurs sont effectuées par de jeunes femmes. Ces dernières sont prisées pour la délicatesse de leur travail, une qualité nécessaire pour manipuler ce produit fragile. Mais les femmes constituent aussi et surtout une main-d'œuvre bon marché. Elles effectuent du travail non qualifié pour un salaire de misère. Elles n'ont que peu, voire aucun accès à la connaissance et à l'éducation, et donc aucune perspec- tive de développement personnel. Comme il n'est bien souvent nullement question d'emplois permanents, les con- trats temporaires les rendent particulièrement vulnérables. De plus, les cas d'exploitation et d'abus sexuels sont nom- breux. Quant à leur santé, elle est menacée par l'utilisation sans précaution de produits chimiques. » Et lorsqu'on examine les faits concrets, la situation est encore plus interpellante : « Les patrons réclament des faveurs sexuelles en échange d'une prolongation de contrat ou d'une journée de congé. Toute femme sous contrat tem- poraire perd systématiquement son emploi en cas de grossesse. Quant aux collaboratrices sous contrat perma- nent, il leur est demandé de prendre des jours de vacances plutôt qu'un congé de maternité. Mais c'est surtout l'état de santé de bon nombre de travailleuses qui préoccupe : maux de tête, vertiges et fatigue constituent la règle plutôt que l'exception. Quant au taux de fausses couches, il est anor- malement élevé. Et enfin, les équipements de protection sont une denrée assez rare. » En haute saison, les journées de travail peuvent durer 16 heures. A contrario, la rémunération, elle, est faible. Le salaire minimum dans le secteur agricole au Kenya s'élève à 1,25 euro par jour. En Tanzanie, il est de 0,96 euro et en Éthiopie, encore moins élevé. L'Ouganda, n’a pour sa part aucun salaire minimum.
  • 3. 3 Les critères Fairtrade applicables au secteur floral incluent entre autres les points suivants :  Les travailleurs décident de l’affectation de la pri- me Fairtrade (10 % en plus du prix final).  L'interdiction du travail forcé et du travail des enfants de moins de 15 ans.  Le droit de s'organiser en syndicats et de conclure des Conventions collectives de travail (CCT).  Les salaires doivent au minimum être équivalent à la moyenne régionale ou au salaire minimum lé- gal.  Toute une série de mesures de sécurité et de santé censées limiter l'utilisation d'engrais et de pesticides. Les fleurs sont prêtes pour le transport © Kenian Flower Farm Research Project De nombreuses personnes du secteur se rendent compte qu'en dépit de la concurrence féroce, la situation doit changer. En 1999 déjà, l'organisation internationale de tutelle des marchands de fleurs avait pris l'initiative de lancer une norme mondiale incluant des critères sociaux et écologiques. Cette initiative s'est soldée en 2006 par l'appa- rition d’un label européen pour les consommateurs, Fair Flowers Fair Plants (FFP), géré par une fondation aux Pays- Bas. Ce label n'est toutefois pas parvenu à s'imposer et est essentiellement utilisé pour les fleurs cultivées en Europe. Des normes internationales de type business-to-business, telles que MPS-ABC, GLOBALGAP et Ethical Trading Initia- tive, sont parfois utilisées en parallèle et on trouve aussi sur le marché des fleurs portant le label écologique EKO. Quant aux supermarchés britanniques, ils exhibent leurs propres labels privés. Dans le Sud aussi, on a pris conscience de l'importance de rehausser l'image de marque du secteur ; c'est pourquoi le Kenya Flower Council a rédigé un code de conduite et qu'Asocolflores en Colombie a produit une norme Florverde. Afin de mettre un terme à cette prolifération de labels et de répondre à la demande des ONG et consommateurs d'une plus grande éthique dans la filière, le secteur a lancé, début 2013, l'initiative FSI (Floriculture Sustainability Initiati- ve), en y impliquant des ONG. L'objectif de cette initiative est très ambitieux : d'ici 2020, 90 % des fleurs et plantes en pot commercialisées à l'échelon international devront être issus de cultures durables. À cet égard, la FSI entend surtout améliorer la collaboration au sein du secteur, pour dégager une vision commune de la notion de durabilité. Jeroen Oudheusden, Coordinateur de programme FSI : « Avec tous ces labels, tout le monde en perd son latin. L'objectif n'est certes pas d’en créer un nouveau, mais bien de mettre au point un instrument rassemblant les différents labels, afin que les cultivateurs et les marchands s'y retrou- vent enfin. Celui-ci doit être plus transparent et se fonder sur des faits. Nous souhaitons aussi diffuser des informati- ons sur les meilleures pratiques en matière d'utilisation des ressources hydriques, d'usage de pesticides, de respect des droits humains et de transport respectueux de l'envi- ronnement. » En 2001, les grandes surfaces suisses COOP et Migros ont sondé Max Havelaar Suisse concernant les possibilités de commercialiser des fleurs équitables. Fairtrade International (FLO) s'est alors mise au travail et, en 2004, les premiers bouquets labellisés Fairtrade étaient vendus dans le pays. Depuis lors, le nombre de plantations certifiées s'élève à plus de 50, réparties dans 17 pays, principalement au Kenya, en Tanzanie et en Équateur. En Belgique, on retrou- ve essentiellement ces fleurs équitables dans les supermar- chés Delhaize et Carrefour. Le Center for Evaluation (CEval) a publié en 2012, pour le compte des membres suisses et allemands de Fairtrade International, une étude d'impact consacrée au commerce équitable. Cette étude s'est penchée tant sur les petits cacaoculteurs d'Afrique occidentale que sur les plus gran- des fermes de fleurs d'Afrique orientale. Le rapport final affirme que les conditions de travail sont sensiblement meilleures dans les plantations Fairtrade que dans les entreprises environnantes, principalement en termes de santé et de sécurité, de formation et de genre. Alors que dans le secteur, le pourcentage de contrats permanents ne s'élève qu'à 20 %, il atteint 85 % dans les plantations certifiées. La prime Fairtrade est allouée à des projets bénéfiques tant pour les travailleurs que pour la communauté dans son ensemble. Ainsi, chez Finlay Flowers à Kericho, la prime a été dépensée dans la formation d'enseignants et l'achat de matériel scolaire. Quant à l'Oserian Flower Farm, à proximi- té de Naivasha, elle a investi la prime dans un centre de formation, une campagne contre le sida, un séminaire sur la violence domestique et l'achat d'un bus. Les plantations certifiées sont également beaucoup plus attentives aux aspects environnementaux. Ainsi, la Longonot Farm, dans la région de Naivasha, est très active sur le plan du recyclage de l'eau et celui de l'hydroélectrici- té. La certification de diverses plantations en Éthiopie s'est d'emblée soldée par le bannissement de 90 des 120 produits chimiques utilisés. Il ressort du rapport que la rémunération est légèrement supérieure dans les fermes certifiées. 64 % des travailleurs sont capables d'épargner un peu d'argent, contre 51 % dans d'autres plantations. D'autres études, comme celle de
  • 4. 4 Sources et plus d’info Pat Thomas, Behind the Label: cut flowers, 2009: www.theecologist.org/green_green_living/behind_the_label/302429/behind_the_label_cut_flowers.html. HIVOS, Position Paper Power of the Fair Trade Flower, 2013: www.powerofthefairtradeflower.nl. Fair Flowers. The Journey of the Rose. People, planet, profit. Special 2013: www.p-plus.nl/resources/articlefiles/PHIVOSroses.pdf. FFP : www.fairflowersfairplants.com MPS-ABC : www.my-mps.com GLOBALGAP : www.globalgap.org ETI : www.ethicaltrade.org FSI (Floriculture Sustainability Initiative): www.fsi2020.com FLO : www.fairtrade.net/flowers.html Rapport CEval : http://www.fairtrade.org.uk/press_office/press_releases_and_statements/february_2013/impact_of_fairtrade_in_the_flower_sector.aspx. Kristina Gårdman, Fairtrade and Human Rights in the Kenyan Cut Flower Industry, Université de Lunds, 2008 : http://lup.lub.lu.se/luur/download? func=downloadFile&recordOId=1315678&fileOId=1316212. Bruno Leipold et Francesca Morgante, The Impact of the Flower Industry on Kenya’s Sustainable Development, International Public Policy Review, juin 2013 : http:// www.ucl.ac.uk/ippr/journal/downloads/vol7no2/flowerindustry. Voir également kenyaflowerfarms.wordpress.com. Nicky Caestecker, The impact of Fairtrade on social upgrading in the cut- Flower Industry in Kenya, Université de Gand, 2012, http://lib.ugent.be/fulltxt/RUG01/001/895/262/RUG01-001895262_2012_0001_AC.pdf. Une rose équitable équatorienne © Didier Gentilhomme pour Fairtrade International Gardmann, Leipold et Morgante, et celle de Nicky Caestec- ker, démontrent par contre que le salaire demeure une pier- re d'achoppement, aussi dans les plantations certifiées. Les salaires y sont certes le plus souvent un peu plus élevés que le minimum légal, conformes aux critères du commerce équitable, mais ils permettent à bien peu de travailleurs de nouer les deux bouts et de faire évoluer leur niveau de vie. Un comble pour un commerce qui se veut équitable. Les auteurs des études précitées abordent aussi en détail les critiques parfois entendues concernant le commerce équitable, à savoir qu'il entraverait le fonctionnement des syndicats. Le nombre de personnes affiliées à des syndi- cats n'est bien souvent pas plus élevé dans les plantations certifiées que dans d'autres. Les travailleurs interviewés indiquent être déjà satisfaits d'avoir leur mot à dire au sein de l’organisme mixte (travailleurs et employeur) et ne pas vraiment voir la plus-value d'un syndicat. Quoi qu'il en soit, le commerce équitable garantit une structure organisation- nelle plus démocratique, tout en agissant comme une sorte de best practice induisant une pression accrue sur les au- tres plantations afin que les choses évoluent positivement. « Force est de constater que si le commerce équitable a indéniablement renforcé la lutte des syndicats », nous confie Nicky Caestecker, « il pourrait aller plus loin encore. Des changements fondamentaux ne pourront avoir lieu que lorsque les syndicats occuperont une position suffisamment forte pour leur permettre d'imposer des Conventions collec- tives de travail (CCT) et des augmentations salariales dans les plantations. Ou lorsque l'État kényan aura entrepris les démarches pour augmenter le salaire minimum légal. » À cela s'ajoute, selon Leipold et Morgante, la responsabilité du consommateur : « Ces dernières années, les acheteurs présents sur plusieurs marchés européens ont de plus en plus fréquemment opté pour des fleurs durables ou équita- bles. Cette attitude a, au Kenya notamment, déjà engendré une certaine pression à bannir certaines dérives. Et si ce processus se poursuit, cela pourrait lentement aiguiller l'en- semble du secteur sur la bonne voie. » Trade for Development Centre février 2014 E.R:CarlMichiels,CTBRueHaute147,1000Bruxelles Les opinions exposées dans cet article ne représentent pas forcément celles de la CTB ou de la Coopération belge au Développement.