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Fair Trade USA a récemment quitté Fairtrade International, la principale fédération mondiale de commerce équi-
table pour lancer sa propre initiative.
En Amérique latine, des petits producteurs ont créé leur propre certification, en réaction à l’ouverture du label
Fairtrade Max Havelaar aux grandes plantations.
Les tensions sont de plus en plus vives au sein d’un mouvement traversé par différentes visions du
développement et plusieurs approches du commerce équitable.
Jusqu’à l’éclatement ?
Depuis janvier 2012, Fair Trade
USA a rompu ses liens avec Fair
Trade International (la fédération de
commerce équitable dont est
membre Max Havelaar Belgique)
pour lancer une nouvelle initiative :
Fair Trade For All. « Le commerce
équitable pour tous » prévoit notam-
ment de certifier Fair Trade
(équitable) des produits issus de
grandes plantations de café, de thé,
de canne à sucre,... Des secteurs
jusqu’ici réservés aux petits produc-
teurs. Fairtrade International a bien ouvert sa certification
aux plantations, mais pour des produits comme les ba-
nanes, le thé ou les fleurs. Les petits producteurs étant
considérés dans ces secteurs comme étant trop peu nom-
breux pour satisfaire la demande.
Les réactions ont été unanimes au sein du mouvement
mondial du commerce équitable pour condamner l’initiative
de Fair Trade USA, qui préfère maximiser le volume des
ventes de produits plutôt que l’impact auprès des produc-
teurs.
Dans de nombreux pays, des ONGs de commerce équi-
table ont beaucoup travaillé pour développer l’accès aux
marchés des organisations paysannes et sensibiliser les
consommateurs aux injustices structurelles du commerce
international. En vain ? La certification de produits prove-
nant de plantations partenaires des grandes sociétés impor-
tatrices et transformatrices menacera directement les petits
producteurs, qui pourraient se voir mis à l’écart d’un com-
merce pourtant créé pour eux.
Pour Merling Preza, présidente à la fois de Prodecoop, une
coopérative de producteurs de café au Nicaragua, et de la
CLAC, la Coordination Latino-américaine et des Caraïbes
des petits producteurs de commerce équitable1
, la décision
de Fair Trade USA représente une véritable douche froide.
«Les grandes entreprises acheteuses de café ont été les
principaux opposants aux efforts des paysans pour aug-
menter les prix équitables du café »2
. Avec l’initiative de
Fair trade USA le rapport de force entre paysans et agro-
business penchera inéluctablement en faveur des seconds.
Une évolution qui n’étonne pas forcément
Le commerce équitable a connu une solide croissance à
deux chiffres ces dernières années. La progression s’est
ralentie en 2011, mais avec 10% de hausse en Belgique sur
un marché de la consommation en baisse, cela représente
tout de même un beau résultat. Cette évolution est due au
« mainstreaming » du secteur, à la participation de grandes
entreprises. Le label Fairtrade Max Havelaar fait vendre et
les multinationales ont bien compris que le consommateur
moyen s'y intéresse de plus en plus, pour autant que les
prix ne soient pas trop élevés.
Ainsi, en Angleterre, la chaîne de supermarchés Sains-
bury’s n’offre plus que des bananes équitables depuis cinq
ans. Marks & Spencer a répondu à la demande de ses
clients en convertissant tout son thé et son café à l’équi-
table. La même tendance se dessine en Belgique, quoique
bien plus timidement. Carrefour, sous sa marque « Agir »,
et Lidl, sous sa marque « Fairglobe », proposent des
gammes de produits labellisés Fairtrade. De l’autre côté de
l’Atlantique, aux Etats-Unis, le marché du commerce équi-
table ne s’est réellement développé qu’à partir du moment
où Starbucks, cédant à la demande d’une campagne natio-
nale lancée par Global Exchange en 2000, commença à
introduire du café équitable dans ses coffee shops. Des
organisations et certificateurs équitables persuadèrent par
la suite d’autres sociétés et marques de proposer du café et
différents produits équitables.
Le nouveau label de
Fairt Tade USA
© Marcus Lyon
Assiste-t-on dès lors à une « récupération » en
bonne et due forme du commerce équitable ?
La participation de grandes sociétés multinationales pose
question à un mouvement qui se donnait pour objectif de
dénoncer les déviances, les mauvaises pratiques, voire les
fondements du commerce international. L’objectif de départ
n’était pas seulement d’améliorer les conditions de vie des
producteurs, mais de jeter les bases d’un autre type de
commerce.
Début avril 2008, le magazine Business Week3
. relayait un
vif débat. Wall-mart, premier distributeur mondial, venait
de lancer 3 cafés certifiés équitables par Transfair USA
(l’ancien nom de Fair Trade USA), après avoir déjà mis sur
le marché du thé, des bananes et des roses équitables
via une de ses filiales : Sam’s Club.
Pour un certain nombre d'organisations américaines de
commerce équitable, Wall-Mart ne change pas beaucoup
ses pratiques. Les grands groupes mondiaux ont une in-
fluence négative sur le secteur. Ils «veulent continuer à
travailler avec de gros producteurs comme des plantations,
au lieu de choisir le chemin difficile, soit l'identification de
petits producteurs et l’achat de leurs produits », affirme Car-
men K. Lezzi, directrice de la Fair Trade Federation qui
regroupe des sociétés 100% équitables.
Pour Rink Dickinson, président d’Equal Exchange, une or-
ganisation du Massachusetts qui n’achète ses produits
qu’auprès de coopératives dirigées par les producteurs eux-
mêmes : « Quand de grandes plantations conventionnelles
sont certifiées équitables, en raison de l’amélioration de
leurs pratiques, c’est pour nous du commerce équitable
‘light’. Il peut y avoir des réformes, mais il ne s’agit-là que
d’une version plus soft, plus douce de situations que nous
dénonçons par ailleurs ».
Nestlé crée la polémique
Autre exemple. La certification, en 2005, d'un café instanta-
né de Nestlé a créé la polémique, même au sein de
membres de Fairtrade International comme Fairtrade Italia.
Des associations telles qu’ActionAid et Baby Milk Action ont
rapidement réagi en criant au détournement cynique d’une
philosophie généreuse au profit d’une des multinationales
les plus décriées du globe4
. Beaucoup accusent Nestlé de
surfer sur la vague du commerce équitable. Ne soyons pas
naïfs. Comme le souligne l’organisation française Artisans
du monde, « la commercialisation de produits équitables
par les principaux bénéficiaires de l'instabilité des cours
mondiaux du café ne témoignerait pas forcément d'une
nouvelle éthique de la responsabilité pour les multinatio-
nales, mais plutôt de la nécessité pour ces dernières de
capter des nouveaux consommateurs dans un marché en
stagnation ».
Ce fut clairement le cas lorsque, réagissant à la certifica-
tion Fairtrade du « Dairymilk » de Cadbury, le chocolat le
plus vendu au Royaume-Uni, Nestlé décidait en 2009 de
faire certifier son KitKat,… mais uniquement en Irlande et
en Grande Bretagne ; pour ne pas perdre pied par rapport à
son concurrent direct, sans étendre la démarche à d’autres
pays où le commerce équitable est moins présent.
Pour rappel, ce même KitKat a été attaqué par Greenpeace
dans un vidéo virale qui a créé le buzz en 2010. L'organisa-
tion écologiste demandait à Nestlé d'arrêter d’acheter de
l’huile de palme à une société détruisant sciemment les
forêts indonésiennes. Une question au passage : est-il op-
portun de labelliser Fairtrade un produit pour un ou deux
ingrédients, alors qu’un troisième fait l’objet de graves man-
quements ?
Pour qu’une société ne se donne pas une image de respec-
tabilité à bon compte, Fairtrade International pourrait notam-
ment exiger :
 qu’elle s’engage pour la certification d’un certain pour-
centage, d’un certain nombre de ses produits, en aug-
mentant au fil du temps ;
 qu’elle se fournisse prioritairement auprès d’organisa-
tions de petits producteurs déjà certifiées. Fairtrade Inter-
national ne devrait pas céder à la pression de la certifica-
tion de plantations, de gros producteurs avec lesquels les
grands groupes mondiaux ont déjà établi une relation
commerciale.
Et le pragmatisme dans tout cela ?
D’autres acteurs mettent un certain pragmatisme en avant.
Pour Fairtrade Canada (l’équivalent de Max Havelaar) :
« les multinationales sont nécessaires pour la distribution
dans les marchés. Sans elles, il serait assez difficile d’ame-
ner les produits aux marchés. Par exemple, les compagnies
de transformation du cacao en chocolat sont incontour-
nables pour le marché de cacao équitable. C’est le même
cas pour les bananes, il faut les faire mûrir et ce sont les
grosses compagnies qui ont les moyens financiers pour
effectuer cette opération. Les multinationales deviennent
ainsi une partie importante dans la chaîne d’apprivoise-
ment. »5
On doit également pouvoir laisser la possibilité aux grandes
entreprises de tester le marché et d’augmenter leurs vo-
lumes au fil du temps, en fonction de l’évolution de la de-
mande des consommateurs. Il serait assez irréaliste de
demander à ces sociétés de modifier radicalement du jour
au lendemain leurs activités, sans avoir testé la « réaction »
des consommateurs.
Finalement, les grands groupes n’offrent-ils pas ce qu’on
leur a toujours demandé : des produits équitables ? Même
un petit pourcentage du volume total d’une grande société
peut représenter des millions de kilos de produits, bénéfi-
ciant à des dizaines de milliers de fermiers dans le Sud.
Pour Christophe Maldidier de Solidar’monde en France, cet
engouement doit être nuancé et une distinction doit être
opérée : «L’augmentation de la consommation est à priori
une bonne chose pour les producteurs du Sud qui sont ainsi
plus nombreux à bénéficier de meilleures conditions de
commercialisation. Mais cette très forte augmentation n’est
pas sans effets pervers : elle fait émerger des circuits avec
des degrés différents d’équité, quoique tous certifiés FLO6
.
Dans un cas, on a un intermédiaire de plus qui est l’exporta-
teur privé, alors que dans l’autre, c’est la coopérative des
producteurs qui exporte directement. Cela implique une
répartition différente de la valeur ajoutée selon le circuit et
donc des revenus différents pour les producteurs, sans que
le consommateur puisse le savoir puisqu’en bout de chaîne,
le produit porte le même label équitable, Max Havelaar en
l’occurrence.»7
L’émergence d’un label des petits producteurs
De leur côté, les petits producteurs du commerce équitable
ne sont pas restés sans réaction. En novembre 2010, lors
de la 4ème Assemblée Générale de la CLAC8
, ils ont lancé
leur propre label, le « Symbole des Petits Producteurs9
».
L’idée était dans l’air depuis un petit temps déjà,
depuis qu’il était pour eux devenu clair que la
fédération Fairtrade International, en ouvrant le
label Fairtrade Max Havelaar aux grandes plan-
tations pour des produits comme les bananes ou
encore le thé, s'éloignait de sa mission origi-
nelle : offrir un accès au marché pour les petits
agriculteurs et changer la façon dont est pratiqué
le commerce international. La Coordination na-
tionale du commerce équitable au Pérou (CNCJ), confirme :
« FLO, l'organisation internationale qui certifie le commerce
équitable dans le monde, a permis l'entrée de grands opé-
rateurs commerciaux, au détriment des petits producteurs».
« Nous avions besoin de nous différencier en tant que petits
producteurs qui défendons les valeurs originelles du com-
merce équitable : coopération, gouvernance démocratique,
appui à l’agriculture paysanne… », explique de son côté
Jéronimo Pruijn, directeur exécutif de Fundeppo (Fondation
des petits producteurs organisés).10
Le label dispose d’une grille complète de critères concer-
nant la production, l’aspect organisationnel, le manage-
ment, le respect de l’environnement, la gestion des rela-
tions entre organisations de producteurs et acheteurs, et
bien sûr le prix payé aux producteurs. Et, contrairement au
système de Fairtrade International conçu dans le Nord, le
label des petits producteurs a été créé et développé par les
organisations paysannes du Sud. Douze organisations sont
actuellement certifiées, originaires du Honduras, du Pérou,
de République dominicaine, du Guatemala, du Mexique et
d’Equateur.
Ce nouveau label rencontre petit à petit un écho. En
France, pour marquer son soutien exclusif à l’agriculture
paysanne, Ethiquable vient de remplacer le label Fairtrade
Max Havelaar par celui des petits producteurs sur deux de
ses produits : du café d’Equateur et du sucre du Pérou.
On le voit bien, différentes conceptions du développement
sont donc présentes sur la « planète équitable ». Un ma-
laise s’est petit à petit installé au sein du mouvement. D’au-
tant que d’autres labels, d’autres systèmes de garantie du
commerce équitable existent ou sont en préparation et vien-
dront exacerber les tensions. L’Organisation
mondiale de commerce équitable (WFTO11
)
prépare son propre système de certification.
Ecocert et IMO, deux certificateurs bio, ont créé
les leurs : respectivement Ecocert Equitable et
Fair for Life.
Ceux qui suivent le commerce équitable depuis
un temps certain se rappelleront que des diver-
gences de vue quant au rôle à jouer par les
grandes entreprises existaient déjà entre les deux fonda-
teurs du label Max Havelaar. Nico Roozen a depuis lors
lancé Utz Certified, qui permet aux entreprises de ne pas
payer un prix minimum aux producteurs. Frans van der Hoff
est lui de son côté impliqué dans le développement du
« label des petits producteurs ».
Samuel POOS
Coordinateur du Trade for Development Centre, Mai 2012.
Les opinions exposées dans cet article n’engagent que la responsabilité de son auteur.
Elles ne représentent pas forcément l’avis de la CTB ou de la Coopération belge au
Développement.
Notes
1. Le réseau compte 200.000 agriculteurs dans plus de 20 pays.
2. Michael Sheridan, Merling Preza makes the case against FT4All, 9 novembre 2011.
http://coffeelands.crs.org/2011/11/merling-preza-makes-the-case-against-ft4all/.
3. Business Week, Is Fair Trade Becoming 'Fair Trade Lite'?, 18 juin 2008.
4. ConsoGlobe, Nestlé « équitable », scandaleux ou bienvenu ?, avril 2007.
5. Caroline Whitby, lors d’un débat organisé par Équiterre, le 7 décembre 2004.
6. Acronyme de Fair Labelling Organizations International, l’ancien nom de Fairtrade International.
7. Grand entretien avec Christophe Alliot, (Max Havelaar France), Christophe Maldidier (Solidar'monde), Santiago Paz López (Central piurana de cafetaleros
"cepicafe"), Laura T. Raynolds (enter for fair and alternative trade studies), Le commerce équitable en crise ? Courrier de la planète.
8. La Coordination Latino-américaine et des Caraïbes des petits producteurs de commerce équitable.
9. Pour en savoir plus : http://clac-comerciojusto.org/simbolo-pequenos-productores.
10. Philippe Chibani-Jacquot, La liste des labels équitables s'allonge, Novethic, mars 2012.
11. World Fairtrade Organization – www.wfto.com

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Commerce équitable des tensions toujours plus fortes

  • 1. Fair Trade USA a récemment quitté Fairtrade International, la principale fédération mondiale de commerce équi- table pour lancer sa propre initiative. En Amérique latine, des petits producteurs ont créé leur propre certification, en réaction à l’ouverture du label Fairtrade Max Havelaar aux grandes plantations. Les tensions sont de plus en plus vives au sein d’un mouvement traversé par différentes visions du développement et plusieurs approches du commerce équitable. Jusqu’à l’éclatement ? Depuis janvier 2012, Fair Trade USA a rompu ses liens avec Fair Trade International (la fédération de commerce équitable dont est membre Max Havelaar Belgique) pour lancer une nouvelle initiative : Fair Trade For All. « Le commerce équitable pour tous » prévoit notam- ment de certifier Fair Trade (équitable) des produits issus de grandes plantations de café, de thé, de canne à sucre,... Des secteurs jusqu’ici réservés aux petits produc- teurs. Fairtrade International a bien ouvert sa certification aux plantations, mais pour des produits comme les ba- nanes, le thé ou les fleurs. Les petits producteurs étant considérés dans ces secteurs comme étant trop peu nom- breux pour satisfaire la demande. Les réactions ont été unanimes au sein du mouvement mondial du commerce équitable pour condamner l’initiative de Fair Trade USA, qui préfère maximiser le volume des ventes de produits plutôt que l’impact auprès des produc- teurs. Dans de nombreux pays, des ONGs de commerce équi- table ont beaucoup travaillé pour développer l’accès aux marchés des organisations paysannes et sensibiliser les consommateurs aux injustices structurelles du commerce international. En vain ? La certification de produits prove- nant de plantations partenaires des grandes sociétés impor- tatrices et transformatrices menacera directement les petits producteurs, qui pourraient se voir mis à l’écart d’un com- merce pourtant créé pour eux. Pour Merling Preza, présidente à la fois de Prodecoop, une coopérative de producteurs de café au Nicaragua, et de la CLAC, la Coordination Latino-américaine et des Caraïbes des petits producteurs de commerce équitable1 , la décision de Fair Trade USA représente une véritable douche froide. «Les grandes entreprises acheteuses de café ont été les principaux opposants aux efforts des paysans pour aug- menter les prix équitables du café »2 . Avec l’initiative de Fair trade USA le rapport de force entre paysans et agro- business penchera inéluctablement en faveur des seconds. Une évolution qui n’étonne pas forcément Le commerce équitable a connu une solide croissance à deux chiffres ces dernières années. La progression s’est ralentie en 2011, mais avec 10% de hausse en Belgique sur un marché de la consommation en baisse, cela représente tout de même un beau résultat. Cette évolution est due au « mainstreaming » du secteur, à la participation de grandes entreprises. Le label Fairtrade Max Havelaar fait vendre et les multinationales ont bien compris que le consommateur moyen s'y intéresse de plus en plus, pour autant que les prix ne soient pas trop élevés. Ainsi, en Angleterre, la chaîne de supermarchés Sains- bury’s n’offre plus que des bananes équitables depuis cinq ans. Marks & Spencer a répondu à la demande de ses clients en convertissant tout son thé et son café à l’équi- table. La même tendance se dessine en Belgique, quoique bien plus timidement. Carrefour, sous sa marque « Agir », et Lidl, sous sa marque « Fairglobe », proposent des gammes de produits labellisés Fairtrade. De l’autre côté de l’Atlantique, aux Etats-Unis, le marché du commerce équi- table ne s’est réellement développé qu’à partir du moment où Starbucks, cédant à la demande d’une campagne natio- nale lancée par Global Exchange en 2000, commença à introduire du café équitable dans ses coffee shops. Des organisations et certificateurs équitables persuadèrent par la suite d’autres sociétés et marques de proposer du café et différents produits équitables. Le nouveau label de Fairt Tade USA © Marcus Lyon
  • 2. Assiste-t-on dès lors à une « récupération » en bonne et due forme du commerce équitable ? La participation de grandes sociétés multinationales pose question à un mouvement qui se donnait pour objectif de dénoncer les déviances, les mauvaises pratiques, voire les fondements du commerce international. L’objectif de départ n’était pas seulement d’améliorer les conditions de vie des producteurs, mais de jeter les bases d’un autre type de commerce. Début avril 2008, le magazine Business Week3 . relayait un vif débat. Wall-mart, premier distributeur mondial, venait de lancer 3 cafés certifiés équitables par Transfair USA (l’ancien nom de Fair Trade USA), après avoir déjà mis sur le marché du thé, des bananes et des roses équitables via une de ses filiales : Sam’s Club. Pour un certain nombre d'organisations américaines de commerce équitable, Wall-Mart ne change pas beaucoup ses pratiques. Les grands groupes mondiaux ont une in- fluence négative sur le secteur. Ils «veulent continuer à travailler avec de gros producteurs comme des plantations, au lieu de choisir le chemin difficile, soit l'identification de petits producteurs et l’achat de leurs produits », affirme Car- men K. Lezzi, directrice de la Fair Trade Federation qui regroupe des sociétés 100% équitables. Pour Rink Dickinson, président d’Equal Exchange, une or- ganisation du Massachusetts qui n’achète ses produits qu’auprès de coopératives dirigées par les producteurs eux- mêmes : « Quand de grandes plantations conventionnelles sont certifiées équitables, en raison de l’amélioration de leurs pratiques, c’est pour nous du commerce équitable ‘light’. Il peut y avoir des réformes, mais il ne s’agit-là que d’une version plus soft, plus douce de situations que nous dénonçons par ailleurs ». Nestlé crée la polémique Autre exemple. La certification, en 2005, d'un café instanta- né de Nestlé a créé la polémique, même au sein de membres de Fairtrade International comme Fairtrade Italia. Des associations telles qu’ActionAid et Baby Milk Action ont rapidement réagi en criant au détournement cynique d’une philosophie généreuse au profit d’une des multinationales les plus décriées du globe4 . Beaucoup accusent Nestlé de surfer sur la vague du commerce équitable. Ne soyons pas naïfs. Comme le souligne l’organisation française Artisans du monde, « la commercialisation de produits équitables par les principaux bénéficiaires de l'instabilité des cours mondiaux du café ne témoignerait pas forcément d'une nouvelle éthique de la responsabilité pour les multinatio- nales, mais plutôt de la nécessité pour ces dernières de capter des nouveaux consommateurs dans un marché en stagnation ». Ce fut clairement le cas lorsque, réagissant à la certifica- tion Fairtrade du « Dairymilk » de Cadbury, le chocolat le plus vendu au Royaume-Uni, Nestlé décidait en 2009 de faire certifier son KitKat,… mais uniquement en Irlande et en Grande Bretagne ; pour ne pas perdre pied par rapport à son concurrent direct, sans étendre la démarche à d’autres pays où le commerce équitable est moins présent. Pour rappel, ce même KitKat a été attaqué par Greenpeace dans un vidéo virale qui a créé le buzz en 2010. L'organisa- tion écologiste demandait à Nestlé d'arrêter d’acheter de l’huile de palme à une société détruisant sciemment les forêts indonésiennes. Une question au passage : est-il op- portun de labelliser Fairtrade un produit pour un ou deux ingrédients, alors qu’un troisième fait l’objet de graves man- quements ? Pour qu’une société ne se donne pas une image de respec- tabilité à bon compte, Fairtrade International pourrait notam- ment exiger :  qu’elle s’engage pour la certification d’un certain pour- centage, d’un certain nombre de ses produits, en aug- mentant au fil du temps ;  qu’elle se fournisse prioritairement auprès d’organisa- tions de petits producteurs déjà certifiées. Fairtrade Inter- national ne devrait pas céder à la pression de la certifica- tion de plantations, de gros producteurs avec lesquels les grands groupes mondiaux ont déjà établi une relation commerciale. Et le pragmatisme dans tout cela ? D’autres acteurs mettent un certain pragmatisme en avant. Pour Fairtrade Canada (l’équivalent de Max Havelaar) : « les multinationales sont nécessaires pour la distribution dans les marchés. Sans elles, il serait assez difficile d’ame- ner les produits aux marchés. Par exemple, les compagnies de transformation du cacao en chocolat sont incontour- nables pour le marché de cacao équitable. C’est le même cas pour les bananes, il faut les faire mûrir et ce sont les grosses compagnies qui ont les moyens financiers pour effectuer cette opération. Les multinationales deviennent ainsi une partie importante dans la chaîne d’apprivoise- ment. »5 On doit également pouvoir laisser la possibilité aux grandes entreprises de tester le marché et d’augmenter leurs vo- lumes au fil du temps, en fonction de l’évolution de la de- mande des consommateurs. Il serait assez irréaliste de demander à ces sociétés de modifier radicalement du jour au lendemain leurs activités, sans avoir testé la « réaction » des consommateurs. Finalement, les grands groupes n’offrent-ils pas ce qu’on leur a toujours demandé : des produits équitables ? Même
  • 3. un petit pourcentage du volume total d’une grande société peut représenter des millions de kilos de produits, bénéfi- ciant à des dizaines de milliers de fermiers dans le Sud. Pour Christophe Maldidier de Solidar’monde en France, cet engouement doit être nuancé et une distinction doit être opérée : «L’augmentation de la consommation est à priori une bonne chose pour les producteurs du Sud qui sont ainsi plus nombreux à bénéficier de meilleures conditions de commercialisation. Mais cette très forte augmentation n’est pas sans effets pervers : elle fait émerger des circuits avec des degrés différents d’équité, quoique tous certifiés FLO6 . Dans un cas, on a un intermédiaire de plus qui est l’exporta- teur privé, alors que dans l’autre, c’est la coopérative des producteurs qui exporte directement. Cela implique une répartition différente de la valeur ajoutée selon le circuit et donc des revenus différents pour les producteurs, sans que le consommateur puisse le savoir puisqu’en bout de chaîne, le produit porte le même label équitable, Max Havelaar en l’occurrence.»7 L’émergence d’un label des petits producteurs De leur côté, les petits producteurs du commerce équitable ne sont pas restés sans réaction. En novembre 2010, lors de la 4ème Assemblée Générale de la CLAC8 , ils ont lancé leur propre label, le « Symbole des Petits Producteurs9 ». L’idée était dans l’air depuis un petit temps déjà, depuis qu’il était pour eux devenu clair que la fédération Fairtrade International, en ouvrant le label Fairtrade Max Havelaar aux grandes plan- tations pour des produits comme les bananes ou encore le thé, s'éloignait de sa mission origi- nelle : offrir un accès au marché pour les petits agriculteurs et changer la façon dont est pratiqué le commerce international. La Coordination na- tionale du commerce équitable au Pérou (CNCJ), confirme : « FLO, l'organisation internationale qui certifie le commerce équitable dans le monde, a permis l'entrée de grands opé- rateurs commerciaux, au détriment des petits producteurs». « Nous avions besoin de nous différencier en tant que petits producteurs qui défendons les valeurs originelles du com- merce équitable : coopération, gouvernance démocratique, appui à l’agriculture paysanne… », explique de son côté Jéronimo Pruijn, directeur exécutif de Fundeppo (Fondation des petits producteurs organisés).10 Le label dispose d’une grille complète de critères concer- nant la production, l’aspect organisationnel, le manage- ment, le respect de l’environnement, la gestion des rela- tions entre organisations de producteurs et acheteurs, et bien sûr le prix payé aux producteurs. Et, contrairement au système de Fairtrade International conçu dans le Nord, le label des petits producteurs a été créé et développé par les organisations paysannes du Sud. Douze organisations sont actuellement certifiées, originaires du Honduras, du Pérou, de République dominicaine, du Guatemala, du Mexique et d’Equateur. Ce nouveau label rencontre petit à petit un écho. En France, pour marquer son soutien exclusif à l’agriculture paysanne, Ethiquable vient de remplacer le label Fairtrade Max Havelaar par celui des petits producteurs sur deux de ses produits : du café d’Equateur et du sucre du Pérou. On le voit bien, différentes conceptions du développement sont donc présentes sur la « planète équitable ». Un ma- laise s’est petit à petit installé au sein du mouvement. D’au- tant que d’autres labels, d’autres systèmes de garantie du commerce équitable existent ou sont en préparation et vien- dront exacerber les tensions. L’Organisation mondiale de commerce équitable (WFTO11 ) prépare son propre système de certification. Ecocert et IMO, deux certificateurs bio, ont créé les leurs : respectivement Ecocert Equitable et Fair for Life. Ceux qui suivent le commerce équitable depuis un temps certain se rappelleront que des diver- gences de vue quant au rôle à jouer par les grandes entreprises existaient déjà entre les deux fonda- teurs du label Max Havelaar. Nico Roozen a depuis lors lancé Utz Certified, qui permet aux entreprises de ne pas payer un prix minimum aux producteurs. Frans van der Hoff est lui de son côté impliqué dans le développement du « label des petits producteurs ». Samuel POOS Coordinateur du Trade for Development Centre, Mai 2012. Les opinions exposées dans cet article n’engagent que la responsabilité de son auteur. Elles ne représentent pas forcément l’avis de la CTB ou de la Coopération belge au Développement. Notes 1. Le réseau compte 200.000 agriculteurs dans plus de 20 pays. 2. Michael Sheridan, Merling Preza makes the case against FT4All, 9 novembre 2011. http://coffeelands.crs.org/2011/11/merling-preza-makes-the-case-against-ft4all/. 3. Business Week, Is Fair Trade Becoming 'Fair Trade Lite'?, 18 juin 2008. 4. ConsoGlobe, Nestlé « équitable », scandaleux ou bienvenu ?, avril 2007. 5. Caroline Whitby, lors d’un débat organisé par Équiterre, le 7 décembre 2004. 6. Acronyme de Fair Labelling Organizations International, l’ancien nom de Fairtrade International. 7. Grand entretien avec Christophe Alliot, (Max Havelaar France), Christophe Maldidier (Solidar'monde), Santiago Paz López (Central piurana de cafetaleros "cepicafe"), Laura T. Raynolds (enter for fair and alternative trade studies), Le commerce équitable en crise ? Courrier de la planète. 8. La Coordination Latino-américaine et des Caraïbes des petits producteurs de commerce équitable. 9. Pour en savoir plus : http://clac-comerciojusto.org/simbolo-pequenos-productores. 10. Philippe Chibani-Jacquot, La liste des labels équitables s'allonge, Novethic, mars 2012. 11. World Fairtrade Organization – www.wfto.com