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LA PRESSE NOUVELLE
N° 222 - Janvier 2005 - 24e A N NÉE

Magazine
Progressiste
Juif

MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E.

L e N° 5€

Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide

LE TSUNAMI
déveioppés - Europe, Etats-Unis, Canada, Japon,
Israël sont morts dans le cataclysme. Là non plus
on n'a pas de chiffres exacts. Corps rendus
méconnaissables par le séjour en mer.
Sommes-nous davantage sensibles à cette catastrophe parce qu'il y a "des nôtres" parmi les victimes? La question a été posée. Pour moi, un mort
indonésien, sri lankais, thaï est tout aussi mort
qu'un français, un américain un japonais, un israélien...

Dessin de Zalman Brajer – ancien déporté

L ’UJRE et Presse Nouvelle Magazine ne
peuvent ignorer le cataclysme du 26
décembre 2004 qui a dévasté la plupart
des pays riverains de l’Océan Indien.
De l’Indonésie jusqu'au Sri Lanka, voire les
côtes Est de l’Afrique, en passant par les
archipels de l’Océan Indien, des morts par
milliers, en très grande majorité des
humbles pêcheurs, mais aussi des touristes
des pays occidentaux, dont la France.
Le chiffre des victimes s'accroît de jour en
jour. On n'en connaîtra sans doute jamais le
chiffre exact.
Contrairement à d'autres catastrophes, plusieurs milliers de touristes des pays dits

AUSCHWITZ

SOCIÉTÉ

SAGA (p.8)
• Mon petit garçon…

• Libération (p.4)

• Communautarisme (p.3)
• Mémoire de la MOI (p.3)
• Billet (p.6)

INTERNATIONAL

HISTOIRE

• Israël-Palestine (p.3)

• Église de France
et enfants cachés (p.6)

27 j
anvi
er 1
945
• Révolte (p.5)

Ayons une pensée pour ces victimes. N’oublions
pas les ONG qui s’efforcent de secourir ces victimes, en particulier le Secours Populaire
Français, Boîte Postale 3303, Paris Cedex 03.

CULTURE (p.7)
• AMOS OZ
• Nathan le Sage
• Lettres de fusillés

VERS UN DEBUT DE DEGEL AU PROCHE-ORIENT?

S

erions-nous au début d'un dégel au ProcheOrient? Peut-on exprimer un certain espoir, sans trop
craindre de déception? On a trop souvent été échaudés, mais, comme dit un proverbe que j'aime à citer "il ne
faut pas espérer pour entreprendre".
Cette fois-ci, on peut logiquement penser que les chefs des
deux antagonistes sont prêts à discuter - encouragés comme
ils le sont par l'unique superpuissance, comme par l'Union
Européenne.
Discuter, ce n'est pas nécessairement conclure - et surtout
pas dans l'immédiat. N'oublions pas que le conflit a débuté
à la fin du 19ème siècle et que nous avons déjà bien entamé
le 21ème !
Ariel Sharon et Mahmoud Abbas se connaissent, ils se sont
déjà rencontrés par le passé, quand ni l'un ni l'autre n'étaient
au pouvoir. Maintenant, ils le sont. Aucun des deux ne
détient le pouvoir absolu dans son propre camp.
Ont-ils la volonté de s'entendre ? On peut le penser. Ont-ils
les mains libres? C'est à prouver. Israël est une démocratie,
n'en déplaise à certains. Et dans une démocratie, même les
adversaires du pouvoir ont le droit de s'exprimer. Sharon
doit faire face au refus d'une grande partie de sa propre base

électorale et ne peut gouverner que dans une coalition avec
le parti travailliste. Même le parti Yahad, de Yossi Beilin,
n'est pas opposé au projet de Sharon d'évacuation de la
bande de Gaza.
Jusqu'où ira l'opposition des habitants des implantations
juives de la région? Des habitants des autres implantations,
qui craignent que la sortie de Gaza soit le prélude à leur
propre départ ?
Ariel Sharon, et pas lui seul, sont conscients du précédent
Itzhak Rabin.
Du côté palestinien, plus d'un opposant, plus d'un contestataire de la ligne officielle, ont été écartés au fil des années,
souvent de façon définitive.
Relevons au passage le bon score du Dr Mustapha
Barghouti, avec près de 20% des suffrages. Il s'agit d'un
parent très éloigné de son quasi-homonyme et adversaire
politique Marwan Barghouti. L'engagement communiste
de Mustapha Barghouti est connu. Il se trouve qu'il a fait
l'objet de harcèlements multiples lors de sa campagne électorale, plusieurs fois interpellé à des check-points israéliens
et retenu parfois pendant des heures. Simple coïncidence ?
On ne choisit pas son ennemi, certes. Mais si on veut mettre

fin aux hostilités - ce qui n'entraînera certes pas l'amour
tendre réciproque du jour au lendemain ! - il faut négocier.
Il y a, il y aura sûrement des arrière-pensées, d'un côté
comme de l'autre. Aucun des deux côtés n'aura satisfaction
de façon intégrale. Tout simplement parce que les palestiniens ne peuvent jeter les israéliens à la mer, pas plus que
les israéliens ne peuvent chasser les palestiniens.
Entre les deux extrêmes, il y a, justement, la marge des
négociations. Mais il y a aussi tous les autres. Israéliens et
palestiniens ne sont pas seuls au monde et la région est trop
importante, à trop de puissances, grandes, moins grandes,
voisines, éloignées, qui ne peuvent s'en désintéresser. Nous
avons évoqué les Etats-Unis, l'Union Européenne (oui, elle
existe, malgré son effacement), les pays arabes, les autres
pays musulmans, la Russie, le Vatican, etc. etc.
Mais voici une amorce de dégel. Espérons que l'aurore soit
proche.
L'UJRE s'est jointe récemment à une motion, intitulée
"Deux peuples, deux Etats". On ne peut que souhaiter qu'elle aboutisse. Pour ce faire, il faut que les dirigeants des deux
côtés s'entendent. Il ne saurait être question de diaboliser
l'un ou l'autre.
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P.N.M. JANVIER 2005

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COURRIER
DES LECTEURS
◆ Serge Goldberg, responsable
de la Commission « Lutte contre
l’antisémitisme et le néo-nazisme ».
Je vous adresse mes meilleurs
voeux pour l’année qui commence,
en espérant que vos soucis de logement se règleront au mieux.
J’apprécie beaucoup PNM, à la
fois comme responsable national
du MRAP, et enfant de militants à
l’UJRE, et je souhaite donc une
longue vie pour ce magazine juif
progressiste. Avec mes sentiments
antiracistes.
◆ André Schmer, c’est grâce à
l’insistance de mon épouse
Christiane, qui n’est pas juive, que
je prolonge mon abonnement à La
Presse Nouvelle. En effet, mon différend date du jour où dans la
PNH, j’ai lu un article à la limite
du « panégyrique » d’un livre écrit
par une écrivaine italienne (juive)
mais dont le racisme était à peine
supportable. J’ajoute qu’à la lecture du dernier magazine, j’ai apprécié que d’autres lecteurs vous fassent part de leur mécontentement
par rapport à un article se rapportant à Yasser Arafat. Je regrette
énormément la P.N.H. de l’époque
Charles Steinman. C’était toujours
avec plaisir que je recevais la
P.N.H. Vous trouverez néanmoins
deux chèques, l’un de 50 euros
pour la PNM, l’autre de 30 euros
pour l’UJRE, en mémoire à mon
père Maurice SCHMER, ardent
défenseur de la NAIE PRESSE.
Bonne année (quand même !) pour
2005, qu’elle soit l’année du succès dans vos et nos entreprises.
André SCHMER. Mes amitiés à
Roland WLOS et Roger TRUGNAN.
Cher André Schmer, je suis désolé,
je suis Lucien Steinberg et n’ai pas
la prétention d’être Charles
Steinman. Oriana Falacci n’est
pas, à ma connaissance, juive. Mes
meilleurs vœux pour 2005. LS.
◆ Bernard Krajka à Lucien
STEINBERG : J'ai la grande peine
de vous annoncer le décès, ce 24

décembre de ma Mère, madame
Golda KRAJKA, dans sa 96ème
année. La page de l'avant-guerre
est définitivement tournée, et le
dernier témoin de notre famille
s'est éteint. Néanmoins, ma soeur
et mon frère et moi-même nous
souviendrons
longtemps
de
Uriage, Mont sous Vaudrey ou
encore Tarnos, qui auront été,
grâce à l'UJ (comme nous disions)
des lieux de vacances heureux.
A titre personnel, je tiens à vous
remercier de votre visite lors du
centenaire de mon Père, une fête
toujours présente dans nos esprits.
En vous espérant toujours fidèle au
poste, je vous prie de croire, cher
Monsieur, en l'expression de ma
reconnaissance à laquelle se joignent les membres de ma famille.
BK
◆ Eliane et Philip Grossvak: Chers
amis, La PNM d'oct-nov est particulièrement superbe, nous trouvons
des articles, des nouvelles que nous
ne retrouvons nulle part ailleurs.
Bravo, bon courage et Merci merci.
◆ Lucien Uzan : avec mes sincères
amitiés et félicitations pour le combat que vous menez.

CARNET
Décès
L’UJRE apprend avec grand peine
le décès de
Madame Golda KRAJKA
survenu le 24 décembre 2004
dans sa 96ème année.
Que sa famille reçoive l’expression
de notre profonde sympathie.
Daniel GROJNOWSKI,
Nina KEHAYAN,
Leurs familles, leurs enfants et
Petits-enfants
ont la douleur d’annoncer le décès de
Madame Tauba GROJNOWSKI
née LERNER
survenu le 2 janvier 2005
Mes très sincères condoléances à
son fils Daniel, à sa fille Nina
et à toute leur famille.
Évoquons également le souvenir de
son mari, Michel (Monikowski),
de son beau-frère Bruno Grojnowski,
responsable en chef de la MOI,
de sa belle-sœur Lili Berger.
Adam Rayski

En souvenir de Tauba (Georgette) Grojnowski
Nous l’avons perdue à jamais. Adam Rayski, dont elle était agent de liaison, a bien voulu accepter
d’évoquer pour la PNM, un épisode qui aurait pu leur coûter la vie, à l’un et à l’autre.

C

’était fin mars 1943. Henri
Krasucki, alors l’un des dirigeants de la Jeunesse venait de
présenter à Rayski une jeune fille en vue
de son recrutement. L’opinion qu’il s’est
faite d’elle était plutôt négative. En effet,
à plusieurs reprises, ils furent dépassés
par deux hommes qui se retournaient fréquemment pour dévisager Rayski avec
insistance, ce qui n’a pas tardé de l’inquiéter. Il fit plusieurs détours pour rentrer chez lui (une chambre de bonne qu’il
occupait avec sa femme, située square de
la Bresse – porte Saint-Cloud) *.
Lorsque le lendemain matin, Jeanne
(mon épouse), observant la rue par le
petit vasistas, aperçut un homme qui surveillait la sortie du square de la Bresse,
nous avons convenu que chacun sortirait
seul, et que nous nous retrouverions dans
l'après-midi. Pour cela, nous nous
sommes fixés deux rendez-vous à des
heures et des endroits différents **.
Ce jour-là, j'ai failli être pris.
J'ai quitté la maison un petit quart d'heure avant-midi avec l'intention de me diriger vers le lieu de rencontre avec
Georgette, mon agent de liaison, prévu
pour midi, rue de la Convention. Sans me
retourner, j'ai emprunté les quais de la
Seine en direction du boulevard
Exelmans, m'engageant sur le pont du
Garigliano, que traversait encore l'aqueduc qui courait sur toute la longueur du
boulevard. J'ai alors jeté un premier coup
d'œil derrière moi. Deux hommes avançaient d'un pas rapide le long des berges.
Une idée me traversa l'esprit: « Ce n'est
pas une filature, ils veulent me prendre ».
J'ai accéléré le pas tout en regardant
quelque peu par les arcades, de leur côté.
Ils accéléraient aussi. Sur le quai de Javel,
par un véritable miracle, les portes des
usines Citroën s'ouvrirent (il était midi)
pour déverser sur la rue le flot d'ouvriers
et d'ouvrières. Je me suis mêlé à la foule
et je me crus sauvé. Les policiers
m'avaient-ils perdu de vue ?
J'ai décidé d'agir comme si je me trouvais
encore dans leur champ de mire.
Arrivé à l'angle de la rue de la
Convention, je vis arriver la camarade
Georgette qui m'attendait déjà. Je la
croisai et lui lançai « Fous le camp ».
Je me dirigeai rapidement vers la station
de métro Javel, située avenue Emile Zola.
Pour ce faire, il fallait que je revienne sur
mes pas vers le rond-point de la place
Mirabeau. Avant de m'enfoncer dans la
bouche de métro, j'eus le temps de remarquer les deux hommes postés au carrefour, à l'entrée du pont Mirabeau. D'un
coup d'œil, ils pouvaient contrôler toute
la place. Certes, ils étaient en train de me

chercher. Arrivé devant la poinçonneuse
- une seule pour les deux directions - je
pris le couloir de gauche menant vers la
porte d'Auteuil. Au même moment, la
rame s'engageait sur le quai, mais voici
que sur le quai opposé arrivaient en courant les deux hommes qui s'arrêtèrent net
et me regardèrent de leurs yeux plus
qu'étonnés. Aujourd'hui encore, après
tant d'années, je conserve l'image de ces
yeux gros comme des boules exorbitées,
me fixant avec déception et haine à la
fois.
Je suis monté dans la rame qui démarrait... Pourtant, le réflexe des policiers
n'était pas faux. Logiquement, je ne
devais pas retourner vers la porte
d'Auteuil ou la porte de Saint-Cloud d'où
je venais. Encore aujourd'hui, je ne sais
pas trop pourquoi j'ai agi en sens inverse,
ce qui s'est avéré salutaire. Stratagème?
Intuition? Hasard? Je penche plutôt
pour cette dernière hypothèse. Il en
était ainsi chaque fois que je me trouvais dans une situation paraissant sans
issue. La vie était suspendue à un fil et
s'il n'a pas été coupé, un résistant ne
doit pas s'en attribuer le mérite. Il
offenserait, involontairement, la
mémoire de ses camarades qui n'ont
pas survécu.
*Cette fille, nommée Goldfarb, habitait des
immeubles industriels (à Nation) et était liée
avec un policier qui a obtenu par elle des
renseignements sur plusieurs de ses camarades, comme par exemple Rajman,
Krasucki, Paulette Sarcey et bien d’autres.
Après la guerre, elle devient célèbre comme
propriétaire de maisons closes de haut de
gamme.
** Extrait de Adam Rayski, Nos Illusions
Perdues, pp. 120-121, Ed. Balland, 1985

LA PRESSE NOUVELLE
Magazine Progressiste Juif
édité par l’U.J.R.E.
Comité de rédaction :
Adam Rayski, Lucien Steinberg,
Teresita Dussart, Jacques Dimet,
Bernard Frédérick, Roland Wlos,
Nicole Mokobodzki,
Tauba-Raymonde Staroswiecki
N° paritaire 64825
C.C.P. Paris 5 701 33 R
Directeur de la Publication :
(Intérim Lucien STEINBERG)
Rédaction - Administration :
14, rue de Paradis
75010 PARIS
Tél. : 01 47 70 62 16
Mèl : ujre@wanadoo.fr
Site : http://ujre.monsite.wanadoo.fr
Tarif d’abonnement :
France et Union européenne:
6 mois
25 euros
1 an
50 euros
Etranger, hors U.E : 63 euros
IMPRIMERIE DE CHABROL
PARIS
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RAPPEL - A vos agendas !
Samedi 12 février à 15 heures,
Assemblée générale extraordinaire de l’UJRE
- approbation des comptes - orientation

2 peuples 2 états : rencontre au Centre Medem
Le 4 janvier dernier, soirée au Centre Medem* : des représentants d’organisations fondatrices du Collectif « 2 Peuples 2 Etats » y précisent les motivations de leur engagement. PNM en rend compte ci-dessous, l'UJRE, qui s'est
jointe récemment à cette motion, y était représentée par Julien Hirszowski.

N

é en décembre 2003, au lendemain du lancement par Yossi
Beilin et Yasser Abbed Rabbo
de « l’initiative de Genève » et de la
pétition « La Voix des Peuples » de Ami
Ayalon et Sari Nusseibeh, l’objectif de
ce Collectif : soutenir toutes les initiatives en vue d’un accord entre Israéliens
et Palestiniens.
Etaient représentés à cette soirée : Les
Amis de Shalom Arshav (La Paix
Maintenant), Ni Putes Ni Soumises
(NPNS), le Conseil Français des
Musulmans Laïques (CFML), le
Mouvement de la Paix, et l’Union des
Familles Laïques (UFAL). Le Cercle
Medem est lui-même une des 15 organisations fondatrices.
Marc Lefèvre, des Amis de la Paix
Maintenant : Conscients de la poursuite officieuse, après Taba, du travail de
négociation, qui aboutira à « l’accord
symbolique de Genève », et devant l’intérêt qu’il suscite dans divers secteurs
de l’opinion française, les Amis de la
Paix Maintenant ont décidé de se rapprocher d’autres associations partageant
leurs vues.
Riva préside le comité NPNS de
Montreuil. Elle rappelle l’implication
personnelle du Secrétaire Général de
NPNS, Mohammed Abdi, qu’on a pu
entendre notamment à la Conférence «
Bâtisseurs de la Paix » à la Villette. Pour
elle, « au sein de Ni Putes Ni Soumises,
les initiatives de Genève et de La Voix
des Peuples ont été une véritable bouffée d’air. C’était la première fois qu’on
entendait un véritable discours de paix,
pro-palestinien et pro-israélien puisque
pour la paix, l’un ne va pas sans l’autre
(…). Il est très important qu’ici en
France on puisse se dire pro-israélien
sans être taxé immédiatement de sioniste soutenant Sharon. On peut être proisraélien et pour la paix. »
Karim Hervé Benkamla présente le
CFML. Fondé par Amo Ferhati, c’est «
un mouvement laïque, s’adressant aux

populations issues de l’immigration
musulmane essentiellement, qui sont
aujourd’hui marginalisées et dont une
minorité, qui fait parler d’elle péjorativement, donne une fausse image. Nous
travaillons à faire en sorte que ces populations puissent participer pleinement à
la vie citoyenne (…) Notre mouvement
est composé de personnalités de droite
et de gauche (…).On forme en France
un seul peuple, il est dangereux et injustifié d’importer ici un conflit externe et
de s’en servir dans un combat pour se
stigmatiser les uns les autres. »
Clotilde, pour le Mouvement de la Paix
:
« Genève a ouvert pour nous une troisième voie, celle de la paix. Ce qui nous
a intéressés au départ dans le pacte de
Genève, indépendamment de son contenu, c’est que cette initiative ne venait
pas de l’extérieur comme la « Feuille de
Route », mais des intéressés euxmêmes. Une deuxième raison de soutenir ce pacte, c’est qu’il reprend les résolutions de l’ONU sans essayer de mettre
de côté les points qui font mal, comme
le retour des réfugiés, en essayant au
contraire de trouver des solutions
concrètes et réalisables. La troisième
raison est de permettre aux gens de se
retrouver ensemble : juifs et musulmans, mouvements de gauche et d’extrême-gauche, malgré leurs différences
».
Nicolas Gavrilenko précise le but de
l’UFAL: lier le combat laïque au combat social, tant au niveau local qu’au
niveau national (membre fondateur
d’ATTAC) ou européen où elle fera
campagne
contre
le
Traité
Constitutionnel.
La deuxième partie de cette soirée - une
heure d’échanges serrés - a abordé les
questions les plus diverses. La place
manque pour en parler …
Julien Hirszowski

L’AGENDA DE LA MÉMOIRE
- 22 janvier 2005 : PARIS - Rue Geoffroy l’Asnier : Inauguration du nouveau
Mémorial du martyr juif inconnu
- 27 janvier 2005 : AUSCHWITZ 60ème anniversaire de la libération du camp
Inauguration du pavillon français
- 30 janvier 2005 : COLMAR 60ème anniversaire de la libération de la ville
- 7 février 2005 : PARIS Lancement du concours national de la Résistance et de la
Déportation

Création au 14 rue de Paradis
d’un Lieu de Mémoire de la MOI

A

fin de préserver la mémoire du 14 rue de Paradis,
l’UJRE et l’AACCE se
sont associées dans une démarche
de fondation d’une Association
ayant pour objet la transformation
du 14 rue de Paradis en un lieu de
mémoire vivant, dédié aux étrangers engagés dans la Résistance, et
en particulier, à la Main d’Oeuvre
Immigrée (MOI), dont les exploits
et les sacrifices sont connus, notamment à travers l’histoire de
l’Affiche Rouge.
Ce lieu leur serait entièrement
consacré, retraçant l’engagement de
ces femmes et de ces hommes, et
faisant la synthèse des connaissances dans ce domaine.

Cette initiative est liée non seulement au travail de mémoire nécessaire, mais encore à la lutte quotidienne à poursuivre contre l’oubli.
Cette démarche a été exposée dans
une lettre remise en novembre 2004
par l’UJRE et l’AACCE au Maire
de Paris, Bertrand Delanoë.
Une première délégation a été reçue
le 4 janvier par M. Alain Geismar à
l’Hôtel de Ville.
Notre projet a été reçu favorablement, une prochaine réunion de travail, à la fin du trimestre, devrait
faire le point sur la faisabilité technique du projet, étudiée par la
Mairie de Paris, et sur le budget de
fonctionnement de la première
année d’exercice de ce nouveau lieu
de mémoire.

Communautarisme, Eviter L’impasse
Roland Wlos

E

n prenant appui sur le programme du Conseil National de la
Résistance, la victoire sur le fascisme avait permis de donner, au lendemain de la guerre, un contenu réel à la
devise « Liberté, Egalité, Fraternité ».
En soustrayant aux appétits mercantiles
des pans décisifs de l’activité nationale,
cette victoire et les luttes qui avaient
suivi donnaient ainsi un sens moderne
et concret aux droits de l’homme (création des services publics, protection
sociale, retraite, amélioration du code
du travail …)
A l’instar du baron Ernest Antoine
Seillière, président du MEDEF, c’est à
la cohésion – déjà mise à mal par les
gouvernements précédents – née de ce
mouvement que s’attaque la politique
menée par le pouvoir et que Sarkozy
entend carrément saborder.
Loin de remettre en cause les inégalités
qui seront inévitablement amplifiées
par la politique qu’il préconise, c’est
leur encadrement (pour ne pas dire leur
institutionnalisation) qu’il prône. Ainsi,
à la solidarité nationale, il entend substituer la solidarité communautaire.
Par conséquent, on aurait tort de sousestimer sa volonté de faire de la religion
et du communautarisme les réponses
aux ravages de la politique ultralibérale
qui découlent de son projet.
Pour lui, il est nettement insuffisant de
parler « d’économie, de social, d’environnement, de sécurité. Nous devons

aussi aborder les questions spirituelles
». En effet, il estime « que la dimension
morale est plus solide, plus enracinée
lorsqu’elle procède d’une démarche
spirituelle religieuse, plutôt que lorsqu’elle cherche sa source dans le débat
politique ou dans le modèle républicain ».
La pesanteur de l’échec des tentatives
de sortir du système d’exploitation et
d’oppression capitaliste a contribué à
brouiller tous les repères progressistes
en donnant prise aux idées de repli religieux et communautaire.
Repli religieux et communautaire
conforté aujourd’hui par la mondialisation libérale qui, au nom de la toute
puissance financière, déferle en brisant
les solidarités et la sécurité de chacun.
Cette tendance, accentuée par le chômage massif et l’essor considérable de
la précarité, de l’insécurité sociale …,
est particulièrement ressentie dans la
jeunesse dont les perspectives d’avenir
s’assombrissent toujours plus. Sans
oublier les discriminations en matière
d’emploi, de logement qui frappent
plus particulièrement les jeunes issus
de l’immigration, français pour la plupart d’entre eux.
A tout cela, s’ajoute l’accumulation des
inégalités qui marginalise une partie de
la population, notamment les plus
démunis, quelle que soit leur origine.
De plus, ils subissent une véritable
ségrégation sociale et géographique,
qui s’apparente à des ghettos de plus en
plus invivables.
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Pour mémoire garder !

Le 27 janvier 1945, Auschwitz était libéré.

Récit communiqué par R. Feigelson de la sortie d’Auschwitz dit par un officier juif de l’Armée Rouge, commandant une formation de la 97ème division de la LXème
armée du 1er Front d’Ukraine
pas sur notre plan d’offensive. Le
’origine juive mais élevé à
plus jeune d’entre eux, le
l’Ecole des Komsomols, et
Franzouski Partizan s’appelait
sous les armes depuis
Raphaël Feigelson et me convain1941, j’ai d’abord subi la honte de
quit de prendre ce camp d’où les
la retraite devant l’agression allenazis venaient d’évacuer, pour les
mande, puis la misère dans l’hiver
massacrer, la plupart des détenus,
russe, aussi terrible pour nous que
mais où restaient encore trois mille
pour nos ennemis, avant de ressentir
survivants malades ou dans un état
la colère d’un soviétique devant la
de grande faiblesse. Un Sonder
dévastation de mon pays par les
Kommando SS était déjà sur place
envahisseurs. Quand arriva le temps
pour les exterminer et détruire les
des contre-attaques, Staline rassemcamps à Auschwitz et à Birkenau
bla toutes nos énergies vers les
pour effacer les traces du plus grand
futures victoires de la Grande
massacre de juifs qu’ait connu l’hisGuerre Patriotique. L’offensive
toire. Il me semblait pourtant
générale du 12 janvier 1945 devait
les moyens de leur crime. Je ne saudu Maréchal Koniev de mon initiacurieux que notre Etat-Major ne
être le combat final, mais la résisrai dire aujourd’hui quelle fut mon
tive, m’ordonna de regagner aussim’ait point indiqué cet objectif à
tance de certains éléments de la
horreur en pénétrant dans ces lieux,
tôt le secteur qui m’avait été assiproximité de mon secteur, mais je
XVIIe armée allemande nous oblini la souffrance que je ressentis
gné en rattrapant coûte que coûte le
pensais qu’une autre unité avait été
gea à mener des combats acharnés.
quand des patrouilles que j’avais
temps que j’avais perdu.
chargée de libérer ce camp. Devant
C’est dans cet enfer que, le 24 ou le
envoyées plus avant me rapportèrent
Après de durs combats de nettoyal’urgence de la situation, je modifiai
25 janvier, mes soldats capturèrent
notamment les massacres de la forêt
ge, auxquels participa Raphaël
mon ordre de route portai mes comun groupe de civils armés qu’ils
de Gleiwitz. Si Dieu n’avait mis sur
Feigelson avant de nous quitter afin
bats d’avant-garde vers Auschwitz
s’apprêtaient à fusiller comme
mon chemin le Franzouski Partizan,
d’être sûrs qu’aucun groupe S.S.
sans rencontrer aucun des nôtres.
espions ennemis quand je les entenAuschwitz aurait disparu de l’histoin’avait réussi à nous échapper, je
Conduits par Raphaël Feigelson qui
dis parler entre eux en Yiddish. Je
re avant l’arrivée de notre armée car
regagnai l’objectif fixé par mon
fut un exemple de bravoure au cours
m’approchai et l’un d’eux me cria :
les S.S. avaient pour mission de
ordre de route en avance sur les
de notre attaque, nous prîmes les
« Ya, Franzouski Partizan » (Groupe
détruire le camp et ses installations
délais prévus. Ainsi le détour que
allemands de revers et nos
de partisans français). Je décidai de
de meurtres et de tortures, la gare,
j’avais fait à Auschwitz, loin d’afhéroïques soldats investirent la zone
les interroger et j’appris qu’ils
les archives... Les cadavres dans les
faiblir mon secteur du front, avait
concentrationnaire. Les S.S. surpris
étaient des évadés d’un camp d’exruines auraient ajouté leur impuispermis d’enfoncer un coin dans les
par notre arrivée soudaine, ne
termination.
sance au silence des six millions de
défenses allemandes.
purent, ni détruire le camp, ni masJ’avais entendu parler de Maïdanek
morts massacrés une deuxième fois
sacrer les survivants, ni s’enfuir :
où des russes, des polonais et des
FONDS EN DESHERENCE DANS
pour l’éternité. De ce que je viens de
pas un n’en réchappa pour informer
juifs avaient été massacrés mais
LES BANQUES ISRAELIENNES
raconter, j’informai notre EtatHitler et ses complices que le
j’ignorais que nous étions à proxiLes cinq pricipales banques israéliennes vienMajor qui, m’ayant félicité au nom
monde allait connaître l’ampleur et
mité d’Auschwitz qui ne figurait
nent d'accepter les conclusions de la commis-

D

Les cendres d’Auschwitz au Père-Lachaise
La trêve de Primo Levi
Ed. Grasset, Paris,2000.
Un témoignage à relire,
sur la libération du
camp de concentration
re des victimes d’Auschwitz, le beau
d’Auschwitz.
texte d’Eluard* :
Ce livre s’ouvre sur les derniers jours
Ils ont terriblement souffert
du camp :
Ils ont lutté tant qu’ils ont pu
« La première patrouille russe arriLorsqu’on ne les tuera plus,
va en vue du camp vers midi, le 27
Ils seront vengés
Le seul vœu de justice a pour écho la vie. janvier 1945.
Charles et moi la découvrîmes
*Extrait de D. Tartakowsky, Nous irons chantez
avant les autres; nous transporsur vos tombes, ed. Aubier, Paris, 1999
tions à la fosse commune le corps
de Somogyi, le premier mort de
notre chambrée.
Nous renversâmes la civière sur la
neige souillée car la fosse commune était pleine et l’on ne donnait
pas d’autre sépulture : Charles
L’urne contenant les cendres d’Auschwitz
enleva son bonnet pour saluer les
traverse Paris.
vivants et les morts. »
Crédit photo: FNDIRP

Extraits de la brochure de Adam Rayski, intitulée "27 janvier 1945 Auschwitz est
libéré". Cette brochure est diffusée par la Mairie de Paris, les mairies d'arrondissement, les bibliothèques municipales, entre autres.
Vous pouvez vous la procurer à l’UJRE 14 ,rue de Paradis en adressant un chèque
de 6 euros minimum : 5 brochure + 1 frais d’envoi à l’ordre de l’URDF).

U

ne délégation de l’Amicale
des Déportés d’Auschwitz,
présente au congrès international des prisonniers politiques tenu
à Varsovie en février 1946, avait
obtenu de prélever des cendres dans
une fosse du camp de Birkenau. Elles
sont rapatriées en France, veillées,
une nuit durant, à la mairie du XIe
arrondissement par une garde d’honneur puis inhumées dans la 97e division, au cours d’une cérémonie qui
associe des dizaines de milliers de
Parisiens, en présence des plus
hautes autorités, dans une concession
gratuitement concédée par la Ville de
Paris […]
On lit, sur le monument à la mémoi-

sion d'enquête de la Knesset sur les comptes
en deshérence des victimes de la Shoah.
Sans vouloir admettre avoir fait preuve de
mauvaise foi ou d'intention de cacher quoi
que ce soit, les banques admettent qu'un montant total de plus de 300 millions de
Nov.Shekel pourrait être remboursé aux
ayants-droit, s'ils existent.(Un vaut 5,67
nouveaux shekel environ).
La Commission présidée par Madame
Colette Avital constate que des montants largement supérieurs seraient dûs par l'Etat
d'Israel, détenteur de ces fonds via
l'Administrateur Général des biens en deshérence (Custodian General selon le terme
anglais)
Mme Avital affirme que si les banques et
l'Etat avaient agi avec l'énergie voulue, il n'y
aurait pas eu d'affaire.
Répondant à certaines critiques venant du
public, les banquiers israëliens ont protesté
contre l'assimilation de leur comportement au
comportement des banques suisses. Par
contre, M. Efraim Zuroff, directeur du bureau
israélien de la Fondation Wiesenthal, s'indigne de cette attitude : "Dieu seul le sait,
nous sommes un Etat Juif. Et voici qu'à la
veille du 60° anniversaire de la libération
d'Auschwitz nous n'avons pas pris les dispositions nécessaires pour restituer à des juifs
leurs économies confiées à des banques
juives dans le pays d'Israel".
Meir Avni, avec Jerusalem Post
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La révolte du SonderKommando

D

ans la terminologie nazie, le
préfixe sonder prend souvent
une signification sinistre.
Sonderbehandlung (traitement spécial) désignait la mise à mort ;
Sonderaktion (action spéciale) voulait dire, en général, assassinat en
masse ; Sonderkommando était le
nom des commandos chargés de la
mise à mort. A Auschwitz, cependant, il en était autrement ; le nom de
Sonderkommando avait été donné à
l’équipe de Juifs chargée d’assister
les SS lors de la mise à mort des
détenus.
Entendons-nous bien : aucun
membre du Sonderkommando n’a
manipulé l’instrument de la mort.
Seuls les SS introduisaient le gaz
dans les chambres à gaz. Le
Sonderkommando ramassait les
vêtements de ceux qui allaient à la
mort entièrement nus. Ensuite, quand
les gaz avaient fait leur effet, il enlevait les cadavres, extrayait les dents
en or, retirait les bijoux ou les valeurs
que les détenus avaient pu cacher
dans les cavités anatomiques, puis
entassait les corps dans les fours crématoires. Lorsqu’il y avait trop de
victimes, on installait des bûchers à
l’air libre. Là aussi, des hommes du
Sonderkommando étaient utilisés.
Les membres du Sonderkommando
étaient ceux dont l’espérance de vie
était la plus limitée et
ils en avaient conscience.
Comment
entrait-on
au
Sonderkommando ? Les survivants
du camp affirment tous que cela ne
dépendait nullement de la volonté
des détenus, puique c’étaient les SS,
ou les kapos allemands, qui les choisissaient. Cependant il faut remarquer que ces survivants cherchent
visiblement à se distancer le plus
possible
des
hommes
du
Sonderkommando.
Ces derniers, tant qu’ils restaient en
vie, étaient matériellement favorisés,
par rapport aux autres détenus. Ils
avaient droit à des rations alimentaires très supérieures. Tel était le cas
partout. A Auschwitz, où la maind’œuvre était surabondante, les
Sonderkommandos étaient périodiquement renouvelés. Bon nombre de
détenus du kommando ne résistaient
pas à la tension morale : ils se suicidaient ou se laissaient dépérir.
D’autre part, les SS eux-mêmes supprimaient de temps en temps tout ou
partie du kommando, puisant dans la
masse des détenus pour les compléments nécessaires.
Donc, parmi tous les détenus
d’Auschwitz, qui se savaient
condamnés à mort, les membres du
Sonderkommando étaient ceux dont
l’espérance de vie était la plus limitée et ils en avaient conscience.

Le comité de résistance du camp
envisageait un soulèvement à l’approche de l’Armée rouge, de préférence en coopération avec la
Résistance polonaise. Le 9 juillet
1944, l’Armée rouge commença
une grande offensive, qui remporta
de brillants succès sur la plupart des
fronts. Toutefois, au nord des
Carpates, ces succès furent plus
limités. Parti de la ligne KowelLoutzk-Ouest de Tarnopol, le 1er
front ukrainien du maréchal
Koniev, aidé ensuite par le IVe
Front du général Petrov, submergea
la Galicie, détruisit un corps d’armée allemand à Brody, s’empara de
Lwow, franchit le San et
la
Vistule,
mais fut finalement arrêté
à l’est de la
ligne KielceTarnow, soit à
plus de cent
kilomètres
d’Auschwitz.
Le front se
stabilisa pendant la seconde moitié du mois d’août.Durant
ce même mois, l’insurrection nationale polonaise de Varsovie, dont le
déroulement ne manqua pas de
traumatiser toute la résistance polonaise, s’acheva en tragédie.
Le comité de résistance d’Auschwitz
se voyait obligé de modifier ses
plans et d’ajourner le soulèvement.
Mais, ce faisant, il acceptait le
risque de voir le Sonderkommando
exterminé sans combat…
Toute autre était la position du
Sonderkommando. Ces hommes
avaient réussi à se procurer des
munitions et des explosifs.
C’étaient quelques femmes juives,
travaillant aux usines d’explosifs
Union, à Auschwitz, qui les leur
avaient fait parvenir. La principale
instigatrice de cette contrebande si
particulière fut la jeune Rosa
Robota, originaire de Ciechanov,
membre du mouvement sioniste
Hachomer Hatzaïr. Rosa Robota
ravitaillait aussi en explosifs les
résistants du camp principal. Elle
avait des contacts avec Noah
Zabludowicz,
également
de
Ciechanow, avec Moshe Kulka et
Israël Gutman, peut-être avec un ou
deux autres.
Dans le projet de faire sauter les
fours crématoires, un rôle très
important incombait au groupe de
résistance de jeunes filles juives qui
travaillaient dans le pavillon de
fabrication de poudre de l’usine «
Union », implantée dans le camp.
Elles furent quatre, Roza Robota,
Ella Gärtner, Esther Wajchblum,
Regina Safirsztein. Toutes les

quatre ont été pendues devant plusieurs centaines de déportées qu’on
avait sorties de force de leur block.
Lorsque
les
hommes
du
Sonderkommando apprirent que
l’opération était remise, ils durent
prendre une décision. Ils savaient,
eux, qu’ils étaient condamnés à très
court terme. Ils avaient même
constaté que les SS avaient retiré du
Kommando un certain nombre de
leurs camarades, qu’ils avaient
emmenés vers une destination qui,
pour être officiellement inconnue,
n’en était pas moins aisée à deviner.
Au sein du Sonderkommando,
quelques communistes exerçaient
une
grande
influence,
en
particulier
J a c q u e s
Handelsman,
militant d’origine
polonaise
déporté de Paris,
Président
de
l’Association
des Amis de la
Naïe Presse, et
son camarade et
ami
Joseph
Dorembus (Warszawski), déporté
en même temps que lui.
Plus isolé du monde extérieur que
ne l’était le Comité, le
Sonderkommando se trouvait
devant un dilemme : se laisser massacrer sans résistance, ou bien agir
seul, s’exposant à une mort certaine, et risquant d’entraîner aussi
dans la débâcle les résistants de
l’extérieur.
Au début de novembre 1944, les
hésitations du Sonderkommando
furent dissipées. Un kapo, particulièrement détesté, surgit au milieu
d’un groupe de conjurés, et les
menaça de les dénoncer. Perdus
pour perdus, les conjurés supprimèrent séance tenante le personnage.
Ils attaquèrent ensuite les SS, cherchant à s’ouvrir de vive force un
chemin vers l’extérieur.
La bataille se prolongea pendant de
longues heures. Les juifs du
Sonderkommando surtout polonais
et grecs, soutinrent un combat
inégal. Ils réussirent à incendier un
des crématoires. Finalement, ils
succombèrent sous le nombre.
Il y aurait eu environ 27 survivants
de la révolte du Sonderkommando.
Par ce soulèvement, ce groupement
des plus malheureux parmi les malheureux des juifs de l’Europe toute
entière, réuni par la volonté de leurs
bourreaux, a prouvé, en se soulevant, qu’il avait su rétablir l’unité
du peuple juif par-delà les frontières.
Dans le projet de faire sauter les
fours crématoires, un rôle très
important incombait au groupe de

résistance de jeunes filles juives qui
travaillaient dans le pavillon de
fabrication de poudre de l’usine «
Union », implantée dans le camp.
Elles furent quatre, Roza Robota,
Ella Gärtner, Esther Wajchblum,
Regina Safirsztein. Toutes les
quatre ont été pendues devant plusieurs centaines de déportées qu’on
avait sorties de force de leur block.
Parmi les autres grands actes de
résistance, on relève le tour de force
de Szmulewski, qui a réussi à photographier une exécution et des crémations – et a réussi à transmettre
ces images à Londres, grâce à des
contacts avec la Résistance polonaise.
Quelques juifs ont réussi à s’évader
d’Auschwitz et à porter témoignage
– sans succès, hélas. Ainsi, Rudolf
Vrba
(Wetzler)
et
Walter
Rosenberg, deux juifs de Slovaquie,
ont rejoint leur pays, se sont adressés à la communauté juive « légale
» et ont fourni leur témoignage.
Vrba a été même reçu par un ecclésiastique de la Nonciature
Apostolique. Vrba voulait alerter
les juifs de Hongrie sur la menace
imminente qui pesait sur eux. Les
dirigeants de la communauté juive
n’en ont rien fait.
Toutefois, le rapport de Vrba et
Rosenberg est parvenu en Suisse,
puis en Angleterre et a été rendu
public dans la presse. Il a été utilisé
comme pièce à conviction au
Procès de Nuremberg.
On peut conclure le chapitre
Auschwitz par cet extrait du procèsverbal de la conférence militaire du
Führer du 27 janvier 1945 :
« Dans le secteur de la XVIIe
armée, des combats acharnés se
sont engagés. Les attaques ont pu
être contenues sur une ligne continue, depuis l’espace de Richau jusqu’à Auschwitz. Auschwitz même a
cependant été perdu. »
Hitler lui-même n’a pas fait de
commentaire. Le nom d’Auschwitz
ne figure plus nulle part dans les
documents nazis.
A noter le rôle considérable joué
par Hermann Langbein, détenu
politique autrichioen (il était communiste à l'époque), qui jouissait
de quelques "privilèges" au camp,
en sa qualité de Reichsdeutsche.
Langbein a réussi à intégrer dans
l'infirmerie du camp un certain
nombre de médecins juifs.
Auparavant, ceux-ci n'y avaient
pas accès. Directement et indirrectement, des dizaines de détenus
juifs lui devaient leur survie.
Article extrait de «La Révolte des
Justes, les juifs contre Hitler 19331945» par Lucien Steinberg,
Fayard Paris 1970 (pp 507-510)
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Le BILLET de L S
Jean-Marie Le Pen trouve gênant
qu'on ne parle plus de lui. Il se rappelle à notre souvenir, à sa manière.
Il choisit le journal d'extrême-droite
Rivarol. Tirage relativement modeste, mais Le Pen sait comment faire
pour que ses propos soient repris par
les media. En commençant par le
quotidien vespéral de référence.
Le Pen n'est pas juriste pour rien. Il
choisit ses phrases, ses paroles, de
façon à ce qu'elles portent loin, frôlant l'illégalité, mais la frôlant seulement. Le propos ignoble n'est pas
toujours illégal...
L'occupation allemande de la France
"n'a pas été trop inhumaine" et la
Gestapo est même intervenue pour
protéger la population civile. Si l'occupant avait procédé à des fusillades
massives, il n'aurait pas eu besoin de
camps de concentration, affirme-t-il.
Ce qui permet d'insinuer que les
camps en question étaient des lieux
de protection. Du coup, l'assassinat
par les gaz des 76 000 Juifs, l'assassinat et les tortures des dizaines de
milliers de résistants déportés de
France sont prestement évacués.
Le soussigné, qui a interrogé longuement Helmut Knochen, ci-devant
"Kommandeur" de la police de sécurité et du SD en France (la Gestapo
en étant une direction), n'a jamais
pensé à me dire que le rôle de ses
hommes était de protéger la population civile. Il insistait sur le fait qu'il
disposait d'effectifs trop modestes quelque 1500, y compris les chauffeurs, télégraphistes et dactylos.
Les multiples fusillades par centaines - rappelons juste les noms:
Mont Valérien, polygone d'Issy les
Moulineaux, Châteaubriant, Nantes,
Souges, Camp de Strutthof,
Schirmeck, les pendus de Tulle et de
Nîmes - auraient donc été des hauts
lieux d'humanisme...Les enfouis du
puits de Guerry, retrouvés après la
Libération, ne l'ont pas été de façon
trop inhumaine.
Le choix du moment de ces déclarations n'est pas fortuit, lui. A quelques
mois des célébrations de la
Libération, à quelques jours du
6O ème anniversaire de la Libération
d'Auschwitz il était certain de faire
du bruit, de faire parler de lui. Même
son silence sur les Juifs est retentissant par son non-dit.
Le lecteur jugera...
NDLR : Adam Rayski fournit une
note d'André Lavagne, chef du cabinet civil du maréchal Pétain. Le 6
février 1943 Lavagne écrivait: "de
tous les pays d'Europe c'est la
France qui, avec l'Allemagne, persécute le plus les Juifs" (Archives
Nationales, cote 2 AG-415). Notons
qu'après la guerre, Lavagne devint
conseiller juridique de l'épiscopat
français.

SOUSCRIPTION N° 19 arrêtée au 21 Janvier 2005
Nom

UJRE

PNM

GINGOLD David

80

GINGOLD Sigmund

30

POUILLOT Hinda
20

20

RADZYNSKI André

30

APTEKIER Simon

30

20

GOLDSZTEIN Dora - Debora

20

ARDITI Joe-Irène

30

50

GOLGEVIT Jean

20

AVRAMOV Mina

90

60

GROSSVAK Louis-Philip

50

ROZENSZTEJN Estéra

50

BAUMGARTEN Samuel

30

GRYKA Simone

30

SALZENSTEIN Simon

20

BEHREND Charlotte

50

GRYNSZPAN Joseph

70

30

SARCEY Paulette

100

BEN SOUSSAN Jacques

50

IDELS Monique

25

25

SCHMER Christiane et André

30

BERCOVITZ Régine

75

ROK Roger
50

30

ROZENHOLC Samuel

60

30

50

25

IZBICKI Bernard

30

SELIGMANN Francette et Pierre

60

30

BERIL Henri

20

JACQUOT Blanche

100

SKROBEK I. et T.

60

50

BLOTNIK Roland

50

JEANMAIRE Wolf

SPECULANTE Joseph

30

KLAPISZ Geneviève et Daniel

50

STEINBERG Max

50

KOLODKINE Paul

50

SZEIER Isidore

30

KWATER Perla

100

SZERMAN Rosette

20

50

LANTNER Ida

100

50

SZKOP Claude

15

30

LAUFMAN Alice

25

TROTSZKY Claude

30

COHEN Janina

50

LIEPCHITZ Armand

10

UZAN Lucien

DE LUBERSAC Renée

10

LISSNER Guta

BOURSTIN Robert

15

BRAFMAN Jean

60

BRUDNY Jacques

30

BURSZTYN Henri
CERNOGORA Jacqueline

60

50

30

50

VENGER Samuel

20
20

30

DELRANC-GAUDRIC Marianne

30

LISTER Sarah

DIMET Suzanne

30

LUSTMAN Hélène

20

LUSTMAN Julius

50

WLOSZCZOWSKI Robert

LYON-CAEN Pierre

100

ZUCKERMAN Alex

50

10

MARCOVITCH Rosalie

50

EPELBAUM Jean-Marc

50

MOCHE Elie

ESTRADE Henriette

50

MULDWORF Bernard

DUFFAU Georges

50

EIDELIMANN Esther

40

EKMAN Adolphe

40

100
30

WEINSTEIN Max

50

WIZENBERG Daniel

25

25
30

60

ZYLBERBERG Gus

30

10

TOTAL

2325

50

.(*) sauf mention explicite (carte, réabonnement
ou don), les règlements reçus sont imputés en
priorité en renouvellement d’abonnement, puis en
don.
Pour rappel, l’adhésion à l’UJRE et les dons (UJRE,
PNM) sont déductibles des revenus déclarables

FERET Yves

30

NAHUM Odette

FRAJERMAN Claude

30

OBARZANEK Renée

GELB Georges

30

PALANT Charles

50

50
30

GELBARD Maurice

50

PENAUD Suzanne

20

GENDRIN-KLEIN Janine

50

PINKSTEIN Eliane

1850

10

Communautarisme (suite de la page 3)
Sur un tel terreau, les prêcheurs de solutions communautaires de toutes obédiences ont un véritable espace pour désigner des boucs émissaires, et faire passer
leurs discours haineux, racistes, antisémites et communautaristes.
Les injustices, la violence et les impasses
actuelles de la situation internationale risquent de susciter une perception conduisant aussi au repli. Ce mouvement est également favorisé par la situation du ProcheOrient, qui sert bien souvent d’alibi aux
violences racistes et antisémites.
Même, si en raison de leurs origines, on
peut comprendre que certains se sentent
solidaires d’un camp ou de l’autre, la
transposition de ce conflit en France va
totalement à l’inverse d’une solution juste
et durable.
Car, comme le fait remarquer Théo Klein,
« seuls la parole, le dialogue, la reconnaissance mutuelle peuvent sauver l’avenir de ces deux peuples, trop jeunes d’expérience politique et trop vieux d’enfermement religieux ».
Ajoutons qu’assimiler cet affrontement à
une guerre de religion, peut conduire aux
pires dérives communautaires, comme il
en existe malheureusement dans d’autres
pays.
Dans cet esprit, il convient de rejeter une
vision communautaire qui fait de tous les
jeunes français d’origine maghrébine un
musulman, ou de chaque juif, un ennemi
héréditaire. Cet amalgame a pour conséquence que soit taxé d’antisémitisme quiconque exprime son désaccord avec le

sionisme, ou celui qui critique la politique
du gouvernement Sharon. Ce que suggère
le rapport de Jean-Christophe Ruffin, malgré, par ailleurs, une analyse pertinente sur
certains aspects.
En tout état de cause, même si les attentats
aveugles qui frappent les populations
civiles, et les représailles de l’armée israélienne sèment la terreur, brouillent les
cartes, il faut dire qu’il s’agit avant tout
pour l’Etat d’Israël d’une politique coloniale. Et l’occupation qui constitue le principal obstacle à la paix, brime les droits du
peuple palestinien et son aspiration à une
solution pacifique, comme il vient d’en
témoigner récemment.
La visite de Sarkozy au Proche-Orient,
ignorant les palestiniens, et apportant un
satisfecit à Sharon, se situe bien dans le
sillage de George W. Bush.
Rien d’étonnant puisqu’il partage avec lui
une conception qui n’a rien à voir avec les
fondements républicain et laïque de notre
pays, notamment quand il évoque la discrimination positive, moyen de sélectionner
une élite sans donner de véritables moyens
pour une réelle égalité dans la promotion
de tous.
C’est d’ailleurs dans cette logique qu’il
prône, par exemple, la remise en cause de
la loi de 1905 sur la séparation de l’église
et de l’Etat, alors que la laïcité est un espace de liberté qui affirme la liberté de
conscience, de culte, d’opinion … C’est
pourquoi elle constitue un réel progrès de
civilisation. Jaurès en son temps ne mettait-il pas même en évidence le lien entre la

laïcité et la vocation sociale de la
République ?
Quand on fait le constat aujourd’hui que
le lien communautaire progresse, rien
n’est plus urgent que d’agir pour promouvoir un autre lien social en faisant reculer
l’injustice, les inégalités, les discriminations et, par conséquent, contribuer à de
nouvelles avancées dans la reconnaissance de la dignité de chaque citoyen, de
chaque individu en faisant évoluer les
consciences. Pour ce faire, la responsabilité de l’ensemble des institutions républicaines, l’école, la justice, les médias, les
forces sociales et politiques, est posée.
Tous doivent se mobiliser en permanence
pour faire reculer ce qui risque de désagréger la société.
C’est la solidarité qui est le fondement de
l’humanité.
Il y a quelques années, un diplomate de
l’ONU faisait remarquer que l’on a beau
être en 1ère classe d’un avion, s’il y a une
bombe dans la 2ème classe, on ne sera pas
pour autant épargné.
La catastrophe de l’Océan Indien qui
vient de marquer à jamais la fin de l’an
dernier, montre à l’évidence que personne
n’est à l’abri.
Comme l’a dit, dans le même esprit que
ce diplomate, le philosophe Michel Serres
: « tout d’un coup, l’humanité prend
conscience qu’elle constitue un équipage
unique, par delà les langues, les civilisations et les cultures, et qu’elle est embarquée sur le même bateau. »
Roland Wlos
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CULTURE
THEATRE
Nathan le Sage
«Tant que deux hommes continueront à échanger,
on ne pourra pas totalement désespérer de l’Humanité ». Lessing
J'ai vu et je recommande "Nathan
le Sage" (°), une pièce (1779) du
dramaturge allemand G. Lessing.
Fils de pasteur, proche du philosophe Moses Mendelssohn, qui
milite pour l'intégration des juifs
au sein de la société allemande,
Lessing combat l'obscurantisme
avec intelligence et détermination.
Marqué par la philosophie des

Lumières, admirateur et traducteur
de Diderot, dont il est le contemporain, il redécouvre, avant les
romantiques, les tragédies de
Shakespeare où nos écrivains classiques ne voyaient que vaine
emphase.
Cette double paternité l'a-t-elle
aidé à trouver sa veine personnelle? En tout cas, avec cette jolie
fable, située pour les besoins de la
cause dans la Jérusalem du XIIè
siècle, il nous offre une délicieuse
et poétique leçon de tolérance. En
effet, tout oppose au départ le juif
Nathan, le croisé (du terrible ordre

des Templiers) et le sage Saladin.
Le sage Lessing les aide, il est vrai,
à se mettre d'accord sur un point
essentiel: leurs trois religions sont
également respectables. Aucune ne
saurait donc se considérer comme
la seule vraie, à l'exclusion des
autres.
Servie par la sobre mise en scène
sobre de Dominique Lurcel, le
carré Silvia Monfort et le jeu efficace des acteurs, notamment
Simon Bakhouche (Nathan),
Samuel Churin (le Templier) et
Bernard Malaka (Saladin), cette
pièce m'a fait passer une très

agréable soirée. Un rêve : chrétiens, musulmans, juifs réunis dans
l’humour, la sagesse et le respect
mutuel. La dernière a eu lieu le 8
janvier. Espérons qu'il y aura une
reprise !
Compagnie Passeurs de
Mémoires, 5 Colline de la
Ravinière, 95 520 Osny
Tel /Fax : 01 30 32 13 25
Email: passeursdememoires@wanadoo.fr

TRS/NM
(°) Texte français de Dominique
Lurcel , déposé à la SACD /2004,
disponible sur le site de l’UJRE

La vie à en mourir

J

’ai assisté
le 9 janvier,
au théâtre
Paul Eluard de
Choisy le Roi, à
la lecture de
12 lettres de
fusillés, 3 par
année (1941 à
1944), issues
du livre édité
par le Musée de la résistance de
Champigny sur Marne « La vie à
en mourir ».
Moment très émouvant. Chaque
lettre est suivie de la biographie de
l’auteur, qu’il soit symbole de la
Résistance
(Joseph
Epstein,
Honoré d’Estienne d’Orves,
Missak Manouchian) ou simple
résistant, ou otage, de tous âges et
sensibilité politique, religieuse,
philosophique. On est frappé de la
diversité des membres de la
Résistance …
La lecture fut suivie d’un débat, où
la question de la transmission fut
principalement posée,
« … pour qu’ils ne soient pas morts
pour rien », l’intérêt de la salle
allant à de nouvelles formes de
transmission, peut-être plus culturelles que commémoratives …
Eric Cénat du Théâtre de l’Imprévu
et notre ami Max Tzwangue,
ancien résistant FTP-MOI, ont
aussi fait part de l’intérêt suscité
par leurs lectures et témoignages
dans les institutions qui les
accueillent (théâtres, lycées, maisons de détention…).
Leurs prochaines lectures : le 10
mars au Lycée Charles le Chauve
de Roissy en Brie, et au printemps
à la Maison d’arrêt de Fresnes.
Souhaitons-leur de nombreuses
autres occasions de se produire !
TRS
Pour tous renseignements :
Théâtre de l’Imprévu, 108 rue de
Bourgogne, 45000 ORLEANS
Tél : 02 38 77 09 65

LIVRES
UN GRAND ROMAN DE AMOS OZ

A

vec Une histoire d’amour
et de ténèbres,
Amos Oz nous fournit
une chronique à la fois
familiale, sociale et
politique d’une famille
israélienne - la sienne - à partir du
XIX° siècle et jusqu’aux premières
années de l’Etat d’Israel(°).
Né en 1939, l’auteur est aujourd’hui
un des très grands de la littérature
israélienne. Il est aussi très actif sur
le plan social et politique. Un des
fondateurs du mouvement Shalom
Akhchav.
Il a reçu de nombreux prix littéraires,
en Israël et à l’étranger.
Il s’agit d’une famille de déracinés,
venus de régions ayant appartenu à
l’Empire des Tsars – Pologne,
Ukraine, Lituanie, après avoir transité parfois par Prague et la Suisse.
Les parents de l’auteur, des intellectuels d’élite – son père parlant 15 ou
18 langues différentes et sa mère
ayant été à l’Université, vivent, au
moment de la naissance de l’auteur,
dans un logement au sous-sol plutôt
humide dans un quartier délaissé de
Jérusalem (Kerem Abraham),deux
pièces 30 m2 en tout. Un pays où il y
avait à l’époque davantage de professeurs d’université, ou de candidats à
cette dignité, que d’étudiants.
Sa famille, orientée à droite, ne faisait pas partie des « pionniers » des «
haloutzim », considérés comme des
bolcheviks (ce qu’ils n’étaient nullement). Tchekhov, plutôt que Tolstoï
était l’auteur préféré, encore que le
père de l’auteur se référait volontiers

à des textes assyriens, chaldéens
voire amhariques.
Mais on a un aperçu de la vie littéraire juive d’Odessa ou de Pologne à
la fin du 19° siècle, où, comme
l’écrit Oz, se trouvaient de nombreux auteurs qui se rejoindraient
des dizaines d’années plus tard, sous
la forme de noms de rues à Tel Aviv
ou Jérusalem.
L’ouvrage fait penser à un grand film
japonais, Rashômon. L’auteur donne
la parole à plusieurs personnages, à
plusieurs reprises, qui disent à la fois
la même chose et des choses différentes. Une grand-mère, virago
tyrannique, craignant les « microbes
du Levant », un oncle, le grand
savant Joseph Klausner, le père polyglotte qui glisse dans la logorrhée, la
mère, fine intellectuelle qui se suicide à 38 ans.
En toile de fond les dernières années
du mandat britannique en Palestine,
la lutte de l’Irgoun contre les
Anglais, la presse clandestine. Puis
la guerre de 1947-1948 et les bombardements de Jérusalem. Du coup,
le petit logement devient abri contre
les tirs d’artillerie – abri recueillant
les voisins. Discussions interminables dans les cafés littéraires de
Jérusalem, où le petit Amos était
traîné avec interdiction, de parler. Ce
qui développa chez lui l’esprit d’observation. Grande déception : l’apparition de Menahem Begin, chef de
l’Irgoun, qu’on n’avait jamais vu et
qui, loin d’être un géant, est un personnage de taille très moyenne. De
plus, il emploie l’hébreu littéraire, ce
qui entraîne des quiproquo parfois
gênants. Le mot « armes » était prononcé là-bas « kleï zayin ». Mais
dans l’hébreu courant d’Israël, celui

de la rue si l’on veut, ces mots signifiaient simplement
pénis. Et
entendre un orateur répéter ceci à
longueur de discours- c’était trop
pour le garçon de neuf ans qui n’a pu
éviter le fou rire ; au grand scandale
du public.
Votre chroniqueur n’est pas en
mesure de restituer la caractère
vivant de ce livre, qui raconte pourtant une période révolue. Amos Oz
s’est installé à l’âge de 15 ans au
kibboutz Hulda – après le suicide de
sa mère et le remariage de son père.
Au kibboutz, d’ailleurs, il sera
presque « le vilain petit canard »,
intellectuel perdu dans ses pensées.
Sa chance sera que ledit kibboutz
avait besoin d’un enseignant, ce qui
a permis à Amos Oz d’aller à
l’Université hébraïque de Jérusalem
– premiers pas dans la carrière d’un
des grands écrivains de notre temps.
Si vous ne voulez lire qu’un auteur
israélien, lisez ce livre d’Amos Oz.
(°) Editions Gallimard, Paris, 2004,
543 pages
Lucien Steinberg

MUSIQUE
Lundi 14 février à 20:00, Gala de
soutien au profit de la Maison de la
culture yiddish - Bibliothèque
Medem au Théâtre Marigny :
Groupe klezmer Les Zemerrantes,
Talila, Mike Burstyn.
JANV 2005 n°222.QXD

26/01/05

12:55

Page 8

P.N.M. JANVIER 2005

8

CE QUE J’AI RACONTE A MA PETITE-FILLE
Paru dans la Presse Nouvelle du 3 janvier 1981

G

rand-mère, raconte... parlemoi encore de mon papa. Tu
m’as déjà raconté qu’il était
un tout petit enfant pendant l’effroyable guerre et que toi, sa maman,
tu as été déportée quand il n’avait
que 6 ans. Il est resté chez des personnes étrangères - comme c’est terrible
».
C’est ma petite-fille qui me parle
ainsi.
Une fillette élancée, aux traits fins.
Ses grands yeux bleus me touchent
jusqu’au fond du cœur.
Elle veut savoir. Elle veut tout savoir
: d’où vient le numéro tatoué sur
mon bras, pourquoi
son père devait être
malheureux quand il
était enfant. Elle aime
beaucoup son père.
Elle déteste la guerre.
Alors, je me dis : Elle
doit savoir. Et je lui
raconte ce qui s’est
passé le 16 juillet
1942.
« Mon petit garçon
dormait encore, mais
moi, j’étais éveillée.
La veille, le mouvement de Résistance
avait diffusé un appel
mettant en garde la
population
juive
contre les arrestations. On
conseillait de ne pas ouvrir la porte
quand la police viendrait nous arrêter. Il faisait encore nuit quand ils
commencèrent à taper dans les
portes des logements juifs.
Et ... les voici à notre porte. En silence, sans un bruit, je m’installe près
du lit de mon petit garçon, prend sa
petite main avec douceur. Il se
réveille. Je porte un doigt à la
bouche, lui faisant comprendre qu’il
doit se taire. Nous retenons notre
respiration. Il me regarde en silence.
Tout en moi est douleur et révolte. Je
me demande : qui peut comprendre
la peur d’un enfant innocent ?
Les coups des policiers se firent
longtemps entendre. Je les entends
emmener mes proches voisins, de
bien braves gens. Nous discutions
souvent le soir, car les juifs
n’avaient pas le droit de se trouver
dehors après 20 heures. Les policiers n’ont pas défoncé ma porte.
Quand ils s’en allèrent, nous quittâmes prudemment notre logement.
J’ai appris plus tard, que de nombreuses mères, avec bébés, des
vieillards, des malades, avaient été
enfermés au Vélodrome d’hiver ».
« Oui », dit ma petite-fille, « j’ai lu
le livre de Pierre Gamarra que tu
m’as offert pour mon anniversaire.
J’y ai lu le chapitre qui parlait du «
Jeudi noir ». C’est tellement
effrayant. Presque incroyable ».
Elle devient pensive, puis me

demande : « mais où se trouvait pépé
Charles ? » (l’autre grand-père, elle
l’appelle Papi).
« Tu sais, lui réponds-je, que pépé
Charles et moi sommes venus de
Pologne. Nous sommes tombés
amoureux de Paris, en dépit de nombreux jours sans pain. Quand la
guerre éclata, pépé s’engagea,
comme de nombreux juifs, dans l’armée française pour combattre
l’Allemagne hitlérienne».
« Je comprends », fait-elle, « ainsi,
tu es restée seule avec ton enfant.
Oh, grand-mère » - ma petite-fille
m’enlace et se presse fort contre moi
- tu sais combien nous
t’aimons. Mon papa t’appelle « mameniou » (petite mère) et ma maman
aussi. Elle ne connaît pas
le yiddish, mais elle aime
les chansons juives que tu
chantes. Je me souviens
encore de la berceuse que
tu nous as apprises, à moi
et à mes deux petits frères.
Mais raconte, raconte
encore ...
« En août 1944, Paris
s’était libéré, mais moi
j’étais
encore
à
Auschwitz. Le camp ne fut
libéré qu’en janvier 1945
par l’Armée Rouge. Mon
enfant se trouvait dans une famille
paysanne. Les camarades de la
Résistance veillaient sur lui après
mon arrestation. Tout de suite après
la libération de Paris, ma sœur arriva de Bruxelles où elle avait passé la
guerre en militant dans la
Résistance - pour rechercher mon
enfant, le petit-fils de nos parents.
Leurs trois enfants avaient été
déportés et leur plus jeune fils âgé
de 22 ans, avait été fusillé par les
fascistes allemands. Ma sœur, ta
tante Guta, pensait, que mon enfant
les aiderait à supporter cette cruelle
épreuve.
Quand, non sans difficultés, elle se
présenta pour reprendre l’enfant, il
s’avéra que la famille adoptive
s’était fortement attachée à lui et ne
voulait pas qu’il les quitte.
Tante Guta discuta longuement,
mais les paysans restèrent sur leur
position. Surtout la femme. Elle
disait : « sa mère ne reviendra probablement pas. Si son père revient de
captivité, alors nous verrons ».
Devant l’insistance de ma sœur, la
femme déclara : « Savez-vous ?
Demandons à l’enfant. Que luimême décide ». Elle pensait sans
doute, que lui non plus ne voudrait
pas les quitter. « Je m’imagine fort
bien », dis-je à ma petite-fille, « la
tension de ce pénible moment. Le
cœur de chacun des présents tremblait. Tante Guta sentit son sang se
glacer dans ses veines. Mais elle se

maîtrisa, n’osant ajouter un mot de
plus. Tous se taisaient dans une
attente inquiète. Et le petit Jeannot,
alors âgé de 7 ans, embrassa de son
tendre regard les gens assis autour
de la table, se leva, vint vers la tante
Guta et lui dit : « Je ne te reconnais
pas, mais je sens que je dois aller
avec toi ».
Je me tus. Les larmes m’étouffaient,
comme la première fois que ma sœur
m’avait décrite cette scène. Quand je
vis deux grosses larmes dans les
yeux de ma petite-fille, je souris,
l’enlaçai et lui dit :
« La prochaine fois, je te raconterai
la joie de ton papa quand nous nous
sommes retrouvés après la libération. Et plus tard, bien plus tard, la
joie de ton papa quand sa fille, toi,
Hélène chérie, tu es venue au
monde. »
Mais elle me presse : « Tu dois encore me raconter beaucoup, beaucoup
... »
Et je le lui promets.
Eva Golgevit

HISTOIRE

L'EGLISE DE FRANCE
ET LES ENFANTS
JUIFS CACHES

L

e grand journal italien CORRIERE DELLA SERA a
lancé un débat, dans ses
pages culturelles, sur la position du
pape Pie XII concernant les enfants
juifs cachés pendant la guerre dans
les églises et autres établissements
religieux en France. Le débat a commencé le 28 décembre 2004 et se
poursuivait encore le 14 janvier 2005.
A la base du débat, la parution (en
italien) d'un volume concernant l'activité du nonce apostolique Angelo
Roncalli - futur pape Jean XXIII - en
France entre 1945 et 1948, oeuvre
d'Etienne Fouilloux(°).
Nous ignorons si et quand cet ouvrage sera traduit en français. Le débat
se concentre sur la portée d'une instruction du Saint Office, retransmise
le 23 octobre 1946 et publiée par
l'historien italien Alberto Melloni
dans le numéro du 28 décembre 2004
du Corriere.
Dans cette note du Saint Office, il est
dit, au sujet des enfants en question
que si des institutions ou des particuliers juifs venaient à les réclamer, de

ne pas répondre par écrit. Les enfants
éventuellement baptisés ne seraient
remis qu'à des institutions à même de
leur assurer une éducation chrétienne. Quant aux enfants non baptisés, il
y était déconseillé de les remettre à
des personnes n'ayant aucun droit sur
l'enfant. On ne devait les remettre
qu'à leurs parents, et à condition
qu'ils n'aient pas été baptisés.
Le débat qui s'en est suivi, qui a des
aspects polémiques, s'inscrit dans la
contestation de l'éventuelle béatification de Pie XII (1876-1958, pape de
1939 à 1958).
La question qui n'a pas été débattue,
est celle de savoir dans quelle mesure cette directive du Saint Office a été
prise à la lettre. Plusieurs intervenants ont raison de rappeler que
Angelo Roncalli, qui avant d'arriver à
Paris était en poste à Ankara, avait agi
activement pour permettre le transit
par la Turquie de nombreux Juifs
réfugiés devant la persécution nazie,
y compris en leur facilitant l'immigration en Palestine de l'époque. De
même, en poste à Paris, il a réagi
positivement dans des cas concrets.
Ajoutons à cela l'affaire des enfants
Finaly, il y a 50 ans. Ces deux enfants
juifs ont été cachés par une personne
catholique qui a refusé de les rendre
à des membres de leur famille. Ce fut
une cause célèbre à l'époque, les
enfants étant "planqués" d'église en
église pour aboutir finalement dans
un couvent en Espagne. Il a fallu une
campagne énergique menée du côté
juif, appuyée par des catholiques
"ouverts", qui a abouti à l'intervention décisive du Cardinal Gerlier, primat des Gaules, pour aboutir à la
"libération" desdits enfants, qui sont
partis ensuite pour Israël. Le souvenir
de l’affaire Mortara était encore présent et, manifestement, l'Eglise ne
souhaitait pas de répétition.
Il n'y a donc pas lieu de "mêler" le cas
du futur Jean XXIII à la controverse
autour de Pie XII.
L'historien Daniel Jonah Goldhagen
est également intervenu dans le
débat, avec une comparaison : Un
enfant est retiré vivant d'une voiture
en flammes, suite à un accident. La
famille qui l'a sauvé se refuse obstinément à le restituer aux parents. "La
bonne action se transforme en
crime",affirme Goldhagen (Corriere...
4 janvier 2005)
LS
(°) Anni di Francia. Agende del nunzio Roncalli 1945-1948. Istituto per
le scienze religiose di Bologna, a
cura di Etienne Fouilloux

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La Presse Nouvelle Magazine 222 janvier 2005

  • 1. JANV 2005 n°222.QXD 26/01/05 12:55 Page 1 LA PRESSE NOUVELLE N° 222 - Janvier 2005 - 24e A N NÉE Magazine Progressiste Juif MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E. L e N° 5€ Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide LE TSUNAMI déveioppés - Europe, Etats-Unis, Canada, Japon, Israël sont morts dans le cataclysme. Là non plus on n'a pas de chiffres exacts. Corps rendus méconnaissables par le séjour en mer. Sommes-nous davantage sensibles à cette catastrophe parce qu'il y a "des nôtres" parmi les victimes? La question a été posée. Pour moi, un mort indonésien, sri lankais, thaï est tout aussi mort qu'un français, un américain un japonais, un israélien... Dessin de Zalman Brajer – ancien déporté L ’UJRE et Presse Nouvelle Magazine ne peuvent ignorer le cataclysme du 26 décembre 2004 qui a dévasté la plupart des pays riverains de l’Océan Indien. De l’Indonésie jusqu'au Sri Lanka, voire les côtes Est de l’Afrique, en passant par les archipels de l’Océan Indien, des morts par milliers, en très grande majorité des humbles pêcheurs, mais aussi des touristes des pays occidentaux, dont la France. Le chiffre des victimes s'accroît de jour en jour. On n'en connaîtra sans doute jamais le chiffre exact. Contrairement à d'autres catastrophes, plusieurs milliers de touristes des pays dits AUSCHWITZ SOCIÉTÉ SAGA (p.8) • Mon petit garçon… • Libération (p.4) • Communautarisme (p.3) • Mémoire de la MOI (p.3) • Billet (p.6) INTERNATIONAL HISTOIRE • Israël-Palestine (p.3) • Église de France et enfants cachés (p.6) 27 j anvi er 1 945 • Révolte (p.5) Ayons une pensée pour ces victimes. N’oublions pas les ONG qui s’efforcent de secourir ces victimes, en particulier le Secours Populaire Français, Boîte Postale 3303, Paris Cedex 03. CULTURE (p.7) • AMOS OZ • Nathan le Sage • Lettres de fusillés VERS UN DEBUT DE DEGEL AU PROCHE-ORIENT? S erions-nous au début d'un dégel au ProcheOrient? Peut-on exprimer un certain espoir, sans trop craindre de déception? On a trop souvent été échaudés, mais, comme dit un proverbe que j'aime à citer "il ne faut pas espérer pour entreprendre". Cette fois-ci, on peut logiquement penser que les chefs des deux antagonistes sont prêts à discuter - encouragés comme ils le sont par l'unique superpuissance, comme par l'Union Européenne. Discuter, ce n'est pas nécessairement conclure - et surtout pas dans l'immédiat. N'oublions pas que le conflit a débuté à la fin du 19ème siècle et que nous avons déjà bien entamé le 21ème ! Ariel Sharon et Mahmoud Abbas se connaissent, ils se sont déjà rencontrés par le passé, quand ni l'un ni l'autre n'étaient au pouvoir. Maintenant, ils le sont. Aucun des deux ne détient le pouvoir absolu dans son propre camp. Ont-ils la volonté de s'entendre ? On peut le penser. Ont-ils les mains libres? C'est à prouver. Israël est une démocratie, n'en déplaise à certains. Et dans une démocratie, même les adversaires du pouvoir ont le droit de s'exprimer. Sharon doit faire face au refus d'une grande partie de sa propre base électorale et ne peut gouverner que dans une coalition avec le parti travailliste. Même le parti Yahad, de Yossi Beilin, n'est pas opposé au projet de Sharon d'évacuation de la bande de Gaza. Jusqu'où ira l'opposition des habitants des implantations juives de la région? Des habitants des autres implantations, qui craignent que la sortie de Gaza soit le prélude à leur propre départ ? Ariel Sharon, et pas lui seul, sont conscients du précédent Itzhak Rabin. Du côté palestinien, plus d'un opposant, plus d'un contestataire de la ligne officielle, ont été écartés au fil des années, souvent de façon définitive. Relevons au passage le bon score du Dr Mustapha Barghouti, avec près de 20% des suffrages. Il s'agit d'un parent très éloigné de son quasi-homonyme et adversaire politique Marwan Barghouti. L'engagement communiste de Mustapha Barghouti est connu. Il se trouve qu'il a fait l'objet de harcèlements multiples lors de sa campagne électorale, plusieurs fois interpellé à des check-points israéliens et retenu parfois pendant des heures. Simple coïncidence ? On ne choisit pas son ennemi, certes. Mais si on veut mettre fin aux hostilités - ce qui n'entraînera certes pas l'amour tendre réciproque du jour au lendemain ! - il faut négocier. Il y a, il y aura sûrement des arrière-pensées, d'un côté comme de l'autre. Aucun des deux côtés n'aura satisfaction de façon intégrale. Tout simplement parce que les palestiniens ne peuvent jeter les israéliens à la mer, pas plus que les israéliens ne peuvent chasser les palestiniens. Entre les deux extrêmes, il y a, justement, la marge des négociations. Mais il y a aussi tous les autres. Israéliens et palestiniens ne sont pas seuls au monde et la région est trop importante, à trop de puissances, grandes, moins grandes, voisines, éloignées, qui ne peuvent s'en désintéresser. Nous avons évoqué les Etats-Unis, l'Union Européenne (oui, elle existe, malgré son effacement), les pays arabes, les autres pays musulmans, la Russie, le Vatican, etc. etc. Mais voici une amorce de dégel. Espérons que l'aurore soit proche. L'UJRE s'est jointe récemment à une motion, intitulée "Deux peuples, deux Etats". On ne peut que souhaiter qu'elle aboutisse. Pour ce faire, il faut que les dirigeants des deux côtés s'entendent. Il ne saurait être question de diaboliser l'un ou l'autre.
  • 2. JANV 2005 n°222.QXD 26/01/05 12:55 Page 2 P.N.M. JANVIER 2005 2 COURRIER DES LECTEURS ◆ Serge Goldberg, responsable de la Commission « Lutte contre l’antisémitisme et le néo-nazisme ». Je vous adresse mes meilleurs voeux pour l’année qui commence, en espérant que vos soucis de logement se règleront au mieux. J’apprécie beaucoup PNM, à la fois comme responsable national du MRAP, et enfant de militants à l’UJRE, et je souhaite donc une longue vie pour ce magazine juif progressiste. Avec mes sentiments antiracistes. ◆ André Schmer, c’est grâce à l’insistance de mon épouse Christiane, qui n’est pas juive, que je prolonge mon abonnement à La Presse Nouvelle. En effet, mon différend date du jour où dans la PNH, j’ai lu un article à la limite du « panégyrique » d’un livre écrit par une écrivaine italienne (juive) mais dont le racisme était à peine supportable. J’ajoute qu’à la lecture du dernier magazine, j’ai apprécié que d’autres lecteurs vous fassent part de leur mécontentement par rapport à un article se rapportant à Yasser Arafat. Je regrette énormément la P.N.H. de l’époque Charles Steinman. C’était toujours avec plaisir que je recevais la P.N.H. Vous trouverez néanmoins deux chèques, l’un de 50 euros pour la PNM, l’autre de 30 euros pour l’UJRE, en mémoire à mon père Maurice SCHMER, ardent défenseur de la NAIE PRESSE. Bonne année (quand même !) pour 2005, qu’elle soit l’année du succès dans vos et nos entreprises. André SCHMER. Mes amitiés à Roland WLOS et Roger TRUGNAN. Cher André Schmer, je suis désolé, je suis Lucien Steinberg et n’ai pas la prétention d’être Charles Steinman. Oriana Falacci n’est pas, à ma connaissance, juive. Mes meilleurs vœux pour 2005. LS. ◆ Bernard Krajka à Lucien STEINBERG : J'ai la grande peine de vous annoncer le décès, ce 24 décembre de ma Mère, madame Golda KRAJKA, dans sa 96ème année. La page de l'avant-guerre est définitivement tournée, et le dernier témoin de notre famille s'est éteint. Néanmoins, ma soeur et mon frère et moi-même nous souviendrons longtemps de Uriage, Mont sous Vaudrey ou encore Tarnos, qui auront été, grâce à l'UJ (comme nous disions) des lieux de vacances heureux. A titre personnel, je tiens à vous remercier de votre visite lors du centenaire de mon Père, une fête toujours présente dans nos esprits. En vous espérant toujours fidèle au poste, je vous prie de croire, cher Monsieur, en l'expression de ma reconnaissance à laquelle se joignent les membres de ma famille. BK ◆ Eliane et Philip Grossvak: Chers amis, La PNM d'oct-nov est particulièrement superbe, nous trouvons des articles, des nouvelles que nous ne retrouvons nulle part ailleurs. Bravo, bon courage et Merci merci. ◆ Lucien Uzan : avec mes sincères amitiés et félicitations pour le combat que vous menez. CARNET Décès L’UJRE apprend avec grand peine le décès de Madame Golda KRAJKA survenu le 24 décembre 2004 dans sa 96ème année. Que sa famille reçoive l’expression de notre profonde sympathie. Daniel GROJNOWSKI, Nina KEHAYAN, Leurs familles, leurs enfants et Petits-enfants ont la douleur d’annoncer le décès de Madame Tauba GROJNOWSKI née LERNER survenu le 2 janvier 2005 Mes très sincères condoléances à son fils Daniel, à sa fille Nina et à toute leur famille. Évoquons également le souvenir de son mari, Michel (Monikowski), de son beau-frère Bruno Grojnowski, responsable en chef de la MOI, de sa belle-sœur Lili Berger. Adam Rayski En souvenir de Tauba (Georgette) Grojnowski Nous l’avons perdue à jamais. Adam Rayski, dont elle était agent de liaison, a bien voulu accepter d’évoquer pour la PNM, un épisode qui aurait pu leur coûter la vie, à l’un et à l’autre. C ’était fin mars 1943. Henri Krasucki, alors l’un des dirigeants de la Jeunesse venait de présenter à Rayski une jeune fille en vue de son recrutement. L’opinion qu’il s’est faite d’elle était plutôt négative. En effet, à plusieurs reprises, ils furent dépassés par deux hommes qui se retournaient fréquemment pour dévisager Rayski avec insistance, ce qui n’a pas tardé de l’inquiéter. Il fit plusieurs détours pour rentrer chez lui (une chambre de bonne qu’il occupait avec sa femme, située square de la Bresse – porte Saint-Cloud) *. Lorsque le lendemain matin, Jeanne (mon épouse), observant la rue par le petit vasistas, aperçut un homme qui surveillait la sortie du square de la Bresse, nous avons convenu que chacun sortirait seul, et que nous nous retrouverions dans l'après-midi. Pour cela, nous nous sommes fixés deux rendez-vous à des heures et des endroits différents **. Ce jour-là, j'ai failli être pris. J'ai quitté la maison un petit quart d'heure avant-midi avec l'intention de me diriger vers le lieu de rencontre avec Georgette, mon agent de liaison, prévu pour midi, rue de la Convention. Sans me retourner, j'ai emprunté les quais de la Seine en direction du boulevard Exelmans, m'engageant sur le pont du Garigliano, que traversait encore l'aqueduc qui courait sur toute la longueur du boulevard. J'ai alors jeté un premier coup d'œil derrière moi. Deux hommes avançaient d'un pas rapide le long des berges. Une idée me traversa l'esprit: « Ce n'est pas une filature, ils veulent me prendre ». J'ai accéléré le pas tout en regardant quelque peu par les arcades, de leur côté. Ils accéléraient aussi. Sur le quai de Javel, par un véritable miracle, les portes des usines Citroën s'ouvrirent (il était midi) pour déverser sur la rue le flot d'ouvriers et d'ouvrières. Je me suis mêlé à la foule et je me crus sauvé. Les policiers m'avaient-ils perdu de vue ? J'ai décidé d'agir comme si je me trouvais encore dans leur champ de mire. Arrivé à l'angle de la rue de la Convention, je vis arriver la camarade Georgette qui m'attendait déjà. Je la croisai et lui lançai « Fous le camp ». Je me dirigeai rapidement vers la station de métro Javel, située avenue Emile Zola. Pour ce faire, il fallait que je revienne sur mes pas vers le rond-point de la place Mirabeau. Avant de m'enfoncer dans la bouche de métro, j'eus le temps de remarquer les deux hommes postés au carrefour, à l'entrée du pont Mirabeau. D'un coup d'œil, ils pouvaient contrôler toute la place. Certes, ils étaient en train de me chercher. Arrivé devant la poinçonneuse - une seule pour les deux directions - je pris le couloir de gauche menant vers la porte d'Auteuil. Au même moment, la rame s'engageait sur le quai, mais voici que sur le quai opposé arrivaient en courant les deux hommes qui s'arrêtèrent net et me regardèrent de leurs yeux plus qu'étonnés. Aujourd'hui encore, après tant d'années, je conserve l'image de ces yeux gros comme des boules exorbitées, me fixant avec déception et haine à la fois. Je suis monté dans la rame qui démarrait... Pourtant, le réflexe des policiers n'était pas faux. Logiquement, je ne devais pas retourner vers la porte d'Auteuil ou la porte de Saint-Cloud d'où je venais. Encore aujourd'hui, je ne sais pas trop pourquoi j'ai agi en sens inverse, ce qui s'est avéré salutaire. Stratagème? Intuition? Hasard? Je penche plutôt pour cette dernière hypothèse. Il en était ainsi chaque fois que je me trouvais dans une situation paraissant sans issue. La vie était suspendue à un fil et s'il n'a pas été coupé, un résistant ne doit pas s'en attribuer le mérite. Il offenserait, involontairement, la mémoire de ses camarades qui n'ont pas survécu. *Cette fille, nommée Goldfarb, habitait des immeubles industriels (à Nation) et était liée avec un policier qui a obtenu par elle des renseignements sur plusieurs de ses camarades, comme par exemple Rajman, Krasucki, Paulette Sarcey et bien d’autres. Après la guerre, elle devient célèbre comme propriétaire de maisons closes de haut de gamme. ** Extrait de Adam Rayski, Nos Illusions Perdues, pp. 120-121, Ed. Balland, 1985 LA PRESSE NOUVELLE Magazine Progressiste Juif édité par l’U.J.R.E. Comité de rédaction : Adam Rayski, Lucien Steinberg, Teresita Dussart, Jacques Dimet, Bernard Frédérick, Roland Wlos, Nicole Mokobodzki, Tauba-Raymonde Staroswiecki N° paritaire 64825 C.C.P. Paris 5 701 33 R Directeur de la Publication : (Intérim Lucien STEINBERG) Rédaction - Administration : 14, rue de Paradis 75010 PARIS Tél. : 01 47 70 62 16 Mèl : ujre@wanadoo.fr Site : http://ujre.monsite.wanadoo.fr Tarif d’abonnement : France et Union européenne: 6 mois 25 euros 1 an 50 euros Etranger, hors U.E : 63 euros IMPRIMERIE DE CHABROL PARIS
  • 3. JANV 2005 n°222.QXD 26/01/05 12:55 Page 3 P.N.M. JANVIER 2005 3 RAPPEL - A vos agendas ! Samedi 12 février à 15 heures, Assemblée générale extraordinaire de l’UJRE - approbation des comptes - orientation 2 peuples 2 états : rencontre au Centre Medem Le 4 janvier dernier, soirée au Centre Medem* : des représentants d’organisations fondatrices du Collectif « 2 Peuples 2 Etats » y précisent les motivations de leur engagement. PNM en rend compte ci-dessous, l'UJRE, qui s'est jointe récemment à cette motion, y était représentée par Julien Hirszowski. N é en décembre 2003, au lendemain du lancement par Yossi Beilin et Yasser Abbed Rabbo de « l’initiative de Genève » et de la pétition « La Voix des Peuples » de Ami Ayalon et Sari Nusseibeh, l’objectif de ce Collectif : soutenir toutes les initiatives en vue d’un accord entre Israéliens et Palestiniens. Etaient représentés à cette soirée : Les Amis de Shalom Arshav (La Paix Maintenant), Ni Putes Ni Soumises (NPNS), le Conseil Français des Musulmans Laïques (CFML), le Mouvement de la Paix, et l’Union des Familles Laïques (UFAL). Le Cercle Medem est lui-même une des 15 organisations fondatrices. Marc Lefèvre, des Amis de la Paix Maintenant : Conscients de la poursuite officieuse, après Taba, du travail de négociation, qui aboutira à « l’accord symbolique de Genève », et devant l’intérêt qu’il suscite dans divers secteurs de l’opinion française, les Amis de la Paix Maintenant ont décidé de se rapprocher d’autres associations partageant leurs vues. Riva préside le comité NPNS de Montreuil. Elle rappelle l’implication personnelle du Secrétaire Général de NPNS, Mohammed Abdi, qu’on a pu entendre notamment à la Conférence « Bâtisseurs de la Paix » à la Villette. Pour elle, « au sein de Ni Putes Ni Soumises, les initiatives de Genève et de La Voix des Peuples ont été une véritable bouffée d’air. C’était la première fois qu’on entendait un véritable discours de paix, pro-palestinien et pro-israélien puisque pour la paix, l’un ne va pas sans l’autre (…). Il est très important qu’ici en France on puisse se dire pro-israélien sans être taxé immédiatement de sioniste soutenant Sharon. On peut être proisraélien et pour la paix. » Karim Hervé Benkamla présente le CFML. Fondé par Amo Ferhati, c’est « un mouvement laïque, s’adressant aux populations issues de l’immigration musulmane essentiellement, qui sont aujourd’hui marginalisées et dont une minorité, qui fait parler d’elle péjorativement, donne une fausse image. Nous travaillons à faire en sorte que ces populations puissent participer pleinement à la vie citoyenne (…) Notre mouvement est composé de personnalités de droite et de gauche (…).On forme en France un seul peuple, il est dangereux et injustifié d’importer ici un conflit externe et de s’en servir dans un combat pour se stigmatiser les uns les autres. » Clotilde, pour le Mouvement de la Paix : « Genève a ouvert pour nous une troisième voie, celle de la paix. Ce qui nous a intéressés au départ dans le pacte de Genève, indépendamment de son contenu, c’est que cette initiative ne venait pas de l’extérieur comme la « Feuille de Route », mais des intéressés euxmêmes. Une deuxième raison de soutenir ce pacte, c’est qu’il reprend les résolutions de l’ONU sans essayer de mettre de côté les points qui font mal, comme le retour des réfugiés, en essayant au contraire de trouver des solutions concrètes et réalisables. La troisième raison est de permettre aux gens de se retrouver ensemble : juifs et musulmans, mouvements de gauche et d’extrême-gauche, malgré leurs différences ». Nicolas Gavrilenko précise le but de l’UFAL: lier le combat laïque au combat social, tant au niveau local qu’au niveau national (membre fondateur d’ATTAC) ou européen où elle fera campagne contre le Traité Constitutionnel. La deuxième partie de cette soirée - une heure d’échanges serrés - a abordé les questions les plus diverses. La place manque pour en parler … Julien Hirszowski L’AGENDA DE LA MÉMOIRE - 22 janvier 2005 : PARIS - Rue Geoffroy l’Asnier : Inauguration du nouveau Mémorial du martyr juif inconnu - 27 janvier 2005 : AUSCHWITZ 60ème anniversaire de la libération du camp Inauguration du pavillon français - 30 janvier 2005 : COLMAR 60ème anniversaire de la libération de la ville - 7 février 2005 : PARIS Lancement du concours national de la Résistance et de la Déportation Création au 14 rue de Paradis d’un Lieu de Mémoire de la MOI A fin de préserver la mémoire du 14 rue de Paradis, l’UJRE et l’AACCE se sont associées dans une démarche de fondation d’une Association ayant pour objet la transformation du 14 rue de Paradis en un lieu de mémoire vivant, dédié aux étrangers engagés dans la Résistance, et en particulier, à la Main d’Oeuvre Immigrée (MOI), dont les exploits et les sacrifices sont connus, notamment à travers l’histoire de l’Affiche Rouge. Ce lieu leur serait entièrement consacré, retraçant l’engagement de ces femmes et de ces hommes, et faisant la synthèse des connaissances dans ce domaine. Cette initiative est liée non seulement au travail de mémoire nécessaire, mais encore à la lutte quotidienne à poursuivre contre l’oubli. Cette démarche a été exposée dans une lettre remise en novembre 2004 par l’UJRE et l’AACCE au Maire de Paris, Bertrand Delanoë. Une première délégation a été reçue le 4 janvier par M. Alain Geismar à l’Hôtel de Ville. Notre projet a été reçu favorablement, une prochaine réunion de travail, à la fin du trimestre, devrait faire le point sur la faisabilité technique du projet, étudiée par la Mairie de Paris, et sur le budget de fonctionnement de la première année d’exercice de ce nouveau lieu de mémoire. Communautarisme, Eviter L’impasse Roland Wlos E n prenant appui sur le programme du Conseil National de la Résistance, la victoire sur le fascisme avait permis de donner, au lendemain de la guerre, un contenu réel à la devise « Liberté, Egalité, Fraternité ». En soustrayant aux appétits mercantiles des pans décisifs de l’activité nationale, cette victoire et les luttes qui avaient suivi donnaient ainsi un sens moderne et concret aux droits de l’homme (création des services publics, protection sociale, retraite, amélioration du code du travail …) A l’instar du baron Ernest Antoine Seillière, président du MEDEF, c’est à la cohésion – déjà mise à mal par les gouvernements précédents – née de ce mouvement que s’attaque la politique menée par le pouvoir et que Sarkozy entend carrément saborder. Loin de remettre en cause les inégalités qui seront inévitablement amplifiées par la politique qu’il préconise, c’est leur encadrement (pour ne pas dire leur institutionnalisation) qu’il prône. Ainsi, à la solidarité nationale, il entend substituer la solidarité communautaire. Par conséquent, on aurait tort de sousestimer sa volonté de faire de la religion et du communautarisme les réponses aux ravages de la politique ultralibérale qui découlent de son projet. Pour lui, il est nettement insuffisant de parler « d’économie, de social, d’environnement, de sécurité. Nous devons aussi aborder les questions spirituelles ». En effet, il estime « que la dimension morale est plus solide, plus enracinée lorsqu’elle procède d’une démarche spirituelle religieuse, plutôt que lorsqu’elle cherche sa source dans le débat politique ou dans le modèle républicain ». La pesanteur de l’échec des tentatives de sortir du système d’exploitation et d’oppression capitaliste a contribué à brouiller tous les repères progressistes en donnant prise aux idées de repli religieux et communautaire. Repli religieux et communautaire conforté aujourd’hui par la mondialisation libérale qui, au nom de la toute puissance financière, déferle en brisant les solidarités et la sécurité de chacun. Cette tendance, accentuée par le chômage massif et l’essor considérable de la précarité, de l’insécurité sociale …, est particulièrement ressentie dans la jeunesse dont les perspectives d’avenir s’assombrissent toujours plus. Sans oublier les discriminations en matière d’emploi, de logement qui frappent plus particulièrement les jeunes issus de l’immigration, français pour la plupart d’entre eux. A tout cela, s’ajoute l’accumulation des inégalités qui marginalise une partie de la population, notamment les plus démunis, quelle que soit leur origine. De plus, ils subissent une véritable ségrégation sociale et géographique, qui s’apparente à des ghettos de plus en plus invivables. Suite en page 6
  • 4. JANV 2005 n°222.QXD 26/01/05 12:55 Page 4 P.N.M. JANVIER 2005 4 Pour mémoire garder ! Le 27 janvier 1945, Auschwitz était libéré. Récit communiqué par R. Feigelson de la sortie d’Auschwitz dit par un officier juif de l’Armée Rouge, commandant une formation de la 97ème division de la LXème armée du 1er Front d’Ukraine pas sur notre plan d’offensive. Le ’origine juive mais élevé à plus jeune d’entre eux, le l’Ecole des Komsomols, et Franzouski Partizan s’appelait sous les armes depuis Raphaël Feigelson et me convain1941, j’ai d’abord subi la honte de quit de prendre ce camp d’où les la retraite devant l’agression allenazis venaient d’évacuer, pour les mande, puis la misère dans l’hiver massacrer, la plupart des détenus, russe, aussi terrible pour nous que mais où restaient encore trois mille pour nos ennemis, avant de ressentir survivants malades ou dans un état la colère d’un soviétique devant la de grande faiblesse. Un Sonder dévastation de mon pays par les Kommando SS était déjà sur place envahisseurs. Quand arriva le temps pour les exterminer et détruire les des contre-attaques, Staline rassemcamps à Auschwitz et à Birkenau bla toutes nos énergies vers les pour effacer les traces du plus grand futures victoires de la Grande massacre de juifs qu’ait connu l’hisGuerre Patriotique. L’offensive toire. Il me semblait pourtant générale du 12 janvier 1945 devait les moyens de leur crime. Je ne saudu Maréchal Koniev de mon initiacurieux que notre Etat-Major ne être le combat final, mais la résisrai dire aujourd’hui quelle fut mon tive, m’ordonna de regagner aussim’ait point indiqué cet objectif à tance de certains éléments de la horreur en pénétrant dans ces lieux, tôt le secteur qui m’avait été assiproximité de mon secteur, mais je XVIIe armée allemande nous oblini la souffrance que je ressentis gné en rattrapant coûte que coûte le pensais qu’une autre unité avait été gea à mener des combats acharnés. quand des patrouilles que j’avais temps que j’avais perdu. chargée de libérer ce camp. Devant C’est dans cet enfer que, le 24 ou le envoyées plus avant me rapportèrent Après de durs combats de nettoyal’urgence de la situation, je modifiai 25 janvier, mes soldats capturèrent notamment les massacres de la forêt ge, auxquels participa Raphaël mon ordre de route portai mes comun groupe de civils armés qu’ils de Gleiwitz. Si Dieu n’avait mis sur Feigelson avant de nous quitter afin bats d’avant-garde vers Auschwitz s’apprêtaient à fusiller comme mon chemin le Franzouski Partizan, d’être sûrs qu’aucun groupe S.S. sans rencontrer aucun des nôtres. espions ennemis quand je les entenAuschwitz aurait disparu de l’histoin’avait réussi à nous échapper, je Conduits par Raphaël Feigelson qui dis parler entre eux en Yiddish. Je re avant l’arrivée de notre armée car regagnai l’objectif fixé par mon fut un exemple de bravoure au cours m’approchai et l’un d’eux me cria : les S.S. avaient pour mission de ordre de route en avance sur les de notre attaque, nous prîmes les « Ya, Franzouski Partizan » (Groupe détruire le camp et ses installations délais prévus. Ainsi le détour que allemands de revers et nos de partisans français). Je décidai de de meurtres et de tortures, la gare, j’avais fait à Auschwitz, loin d’afhéroïques soldats investirent la zone les interroger et j’appris qu’ils les archives... Les cadavres dans les faiblir mon secteur du front, avait concentrationnaire. Les S.S. surpris étaient des évadés d’un camp d’exruines auraient ajouté leur impuispermis d’enfoncer un coin dans les par notre arrivée soudaine, ne termination. sance au silence des six millions de défenses allemandes. purent, ni détruire le camp, ni masJ’avais entendu parler de Maïdanek morts massacrés une deuxième fois sacrer les survivants, ni s’enfuir : où des russes, des polonais et des FONDS EN DESHERENCE DANS pour l’éternité. De ce que je viens de pas un n’en réchappa pour informer juifs avaient été massacrés mais LES BANQUES ISRAELIENNES raconter, j’informai notre EtatHitler et ses complices que le j’ignorais que nous étions à proxiLes cinq pricipales banques israéliennes vienMajor qui, m’ayant félicité au nom monde allait connaître l’ampleur et mité d’Auschwitz qui ne figurait nent d'accepter les conclusions de la commis- D Les cendres d’Auschwitz au Père-Lachaise La trêve de Primo Levi Ed. Grasset, Paris,2000. Un témoignage à relire, sur la libération du camp de concentration re des victimes d’Auschwitz, le beau d’Auschwitz. texte d’Eluard* : Ce livre s’ouvre sur les derniers jours Ils ont terriblement souffert du camp : Ils ont lutté tant qu’ils ont pu « La première patrouille russe arriLorsqu’on ne les tuera plus, va en vue du camp vers midi, le 27 Ils seront vengés Le seul vœu de justice a pour écho la vie. janvier 1945. Charles et moi la découvrîmes *Extrait de D. Tartakowsky, Nous irons chantez avant les autres; nous transporsur vos tombes, ed. Aubier, Paris, 1999 tions à la fosse commune le corps de Somogyi, le premier mort de notre chambrée. Nous renversâmes la civière sur la neige souillée car la fosse commune était pleine et l’on ne donnait pas d’autre sépulture : Charles L’urne contenant les cendres d’Auschwitz enleva son bonnet pour saluer les traverse Paris. vivants et les morts. » Crédit photo: FNDIRP Extraits de la brochure de Adam Rayski, intitulée "27 janvier 1945 Auschwitz est libéré". Cette brochure est diffusée par la Mairie de Paris, les mairies d'arrondissement, les bibliothèques municipales, entre autres. Vous pouvez vous la procurer à l’UJRE 14 ,rue de Paradis en adressant un chèque de 6 euros minimum : 5 brochure + 1 frais d’envoi à l’ordre de l’URDF). U ne délégation de l’Amicale des Déportés d’Auschwitz, présente au congrès international des prisonniers politiques tenu à Varsovie en février 1946, avait obtenu de prélever des cendres dans une fosse du camp de Birkenau. Elles sont rapatriées en France, veillées, une nuit durant, à la mairie du XIe arrondissement par une garde d’honneur puis inhumées dans la 97e division, au cours d’une cérémonie qui associe des dizaines de milliers de Parisiens, en présence des plus hautes autorités, dans une concession gratuitement concédée par la Ville de Paris […] On lit, sur le monument à la mémoi- sion d'enquête de la Knesset sur les comptes en deshérence des victimes de la Shoah. Sans vouloir admettre avoir fait preuve de mauvaise foi ou d'intention de cacher quoi que ce soit, les banques admettent qu'un montant total de plus de 300 millions de Nov.Shekel pourrait être remboursé aux ayants-droit, s'ils existent.(Un vaut 5,67 nouveaux shekel environ). La Commission présidée par Madame Colette Avital constate que des montants largement supérieurs seraient dûs par l'Etat d'Israel, détenteur de ces fonds via l'Administrateur Général des biens en deshérence (Custodian General selon le terme anglais) Mme Avital affirme que si les banques et l'Etat avaient agi avec l'énergie voulue, il n'y aurait pas eu d'affaire. Répondant à certaines critiques venant du public, les banquiers israëliens ont protesté contre l'assimilation de leur comportement au comportement des banques suisses. Par contre, M. Efraim Zuroff, directeur du bureau israélien de la Fondation Wiesenthal, s'indigne de cette attitude : "Dieu seul le sait, nous sommes un Etat Juif. Et voici qu'à la veille du 60° anniversaire de la libération d'Auschwitz nous n'avons pas pris les dispositions nécessaires pour restituer à des juifs leurs économies confiées à des banques juives dans le pays d'Israel". Meir Avni, avec Jerusalem Post
  • 5. JANV 2005 n°222.QXD 26/01/05 12:55 Page 5 P.N.M. JANVIER 2005 5 La révolte du SonderKommando D ans la terminologie nazie, le préfixe sonder prend souvent une signification sinistre. Sonderbehandlung (traitement spécial) désignait la mise à mort ; Sonderaktion (action spéciale) voulait dire, en général, assassinat en masse ; Sonderkommando était le nom des commandos chargés de la mise à mort. A Auschwitz, cependant, il en était autrement ; le nom de Sonderkommando avait été donné à l’équipe de Juifs chargée d’assister les SS lors de la mise à mort des détenus. Entendons-nous bien : aucun membre du Sonderkommando n’a manipulé l’instrument de la mort. Seuls les SS introduisaient le gaz dans les chambres à gaz. Le Sonderkommando ramassait les vêtements de ceux qui allaient à la mort entièrement nus. Ensuite, quand les gaz avaient fait leur effet, il enlevait les cadavres, extrayait les dents en or, retirait les bijoux ou les valeurs que les détenus avaient pu cacher dans les cavités anatomiques, puis entassait les corps dans les fours crématoires. Lorsqu’il y avait trop de victimes, on installait des bûchers à l’air libre. Là aussi, des hommes du Sonderkommando étaient utilisés. Les membres du Sonderkommando étaient ceux dont l’espérance de vie était la plus limitée et ils en avaient conscience. Comment entrait-on au Sonderkommando ? Les survivants du camp affirment tous que cela ne dépendait nullement de la volonté des détenus, puique c’étaient les SS, ou les kapos allemands, qui les choisissaient. Cependant il faut remarquer que ces survivants cherchent visiblement à se distancer le plus possible des hommes du Sonderkommando. Ces derniers, tant qu’ils restaient en vie, étaient matériellement favorisés, par rapport aux autres détenus. Ils avaient droit à des rations alimentaires très supérieures. Tel était le cas partout. A Auschwitz, où la maind’œuvre était surabondante, les Sonderkommandos étaient périodiquement renouvelés. Bon nombre de détenus du kommando ne résistaient pas à la tension morale : ils se suicidaient ou se laissaient dépérir. D’autre part, les SS eux-mêmes supprimaient de temps en temps tout ou partie du kommando, puisant dans la masse des détenus pour les compléments nécessaires. Donc, parmi tous les détenus d’Auschwitz, qui se savaient condamnés à mort, les membres du Sonderkommando étaient ceux dont l’espérance de vie était la plus limitée et ils en avaient conscience. Le comité de résistance du camp envisageait un soulèvement à l’approche de l’Armée rouge, de préférence en coopération avec la Résistance polonaise. Le 9 juillet 1944, l’Armée rouge commença une grande offensive, qui remporta de brillants succès sur la plupart des fronts. Toutefois, au nord des Carpates, ces succès furent plus limités. Parti de la ligne KowelLoutzk-Ouest de Tarnopol, le 1er front ukrainien du maréchal Koniev, aidé ensuite par le IVe Front du général Petrov, submergea la Galicie, détruisit un corps d’armée allemand à Brody, s’empara de Lwow, franchit le San et la Vistule, mais fut finalement arrêté à l’est de la ligne KielceTarnow, soit à plus de cent kilomètres d’Auschwitz. Le front se stabilisa pendant la seconde moitié du mois d’août.Durant ce même mois, l’insurrection nationale polonaise de Varsovie, dont le déroulement ne manqua pas de traumatiser toute la résistance polonaise, s’acheva en tragédie. Le comité de résistance d’Auschwitz se voyait obligé de modifier ses plans et d’ajourner le soulèvement. Mais, ce faisant, il acceptait le risque de voir le Sonderkommando exterminé sans combat… Toute autre était la position du Sonderkommando. Ces hommes avaient réussi à se procurer des munitions et des explosifs. C’étaient quelques femmes juives, travaillant aux usines d’explosifs Union, à Auschwitz, qui les leur avaient fait parvenir. La principale instigatrice de cette contrebande si particulière fut la jeune Rosa Robota, originaire de Ciechanov, membre du mouvement sioniste Hachomer Hatzaïr. Rosa Robota ravitaillait aussi en explosifs les résistants du camp principal. Elle avait des contacts avec Noah Zabludowicz, également de Ciechanow, avec Moshe Kulka et Israël Gutman, peut-être avec un ou deux autres. Dans le projet de faire sauter les fours crématoires, un rôle très important incombait au groupe de résistance de jeunes filles juives qui travaillaient dans le pavillon de fabrication de poudre de l’usine « Union », implantée dans le camp. Elles furent quatre, Roza Robota, Ella Gärtner, Esther Wajchblum, Regina Safirsztein. Toutes les quatre ont été pendues devant plusieurs centaines de déportées qu’on avait sorties de force de leur block. Lorsque les hommes du Sonderkommando apprirent que l’opération était remise, ils durent prendre une décision. Ils savaient, eux, qu’ils étaient condamnés à très court terme. Ils avaient même constaté que les SS avaient retiré du Kommando un certain nombre de leurs camarades, qu’ils avaient emmenés vers une destination qui, pour être officiellement inconnue, n’en était pas moins aisée à deviner. Au sein du Sonderkommando, quelques communistes exerçaient une grande influence, en particulier J a c q u e s Handelsman, militant d’origine polonaise déporté de Paris, Président de l’Association des Amis de la Naïe Presse, et son camarade et ami Joseph Dorembus (Warszawski), déporté en même temps que lui. Plus isolé du monde extérieur que ne l’était le Comité, le Sonderkommando se trouvait devant un dilemme : se laisser massacrer sans résistance, ou bien agir seul, s’exposant à une mort certaine, et risquant d’entraîner aussi dans la débâcle les résistants de l’extérieur. Au début de novembre 1944, les hésitations du Sonderkommando furent dissipées. Un kapo, particulièrement détesté, surgit au milieu d’un groupe de conjurés, et les menaça de les dénoncer. Perdus pour perdus, les conjurés supprimèrent séance tenante le personnage. Ils attaquèrent ensuite les SS, cherchant à s’ouvrir de vive force un chemin vers l’extérieur. La bataille se prolongea pendant de longues heures. Les juifs du Sonderkommando surtout polonais et grecs, soutinrent un combat inégal. Ils réussirent à incendier un des crématoires. Finalement, ils succombèrent sous le nombre. Il y aurait eu environ 27 survivants de la révolte du Sonderkommando. Par ce soulèvement, ce groupement des plus malheureux parmi les malheureux des juifs de l’Europe toute entière, réuni par la volonté de leurs bourreaux, a prouvé, en se soulevant, qu’il avait su rétablir l’unité du peuple juif par-delà les frontières. Dans le projet de faire sauter les fours crématoires, un rôle très important incombait au groupe de résistance de jeunes filles juives qui travaillaient dans le pavillon de fabrication de poudre de l’usine « Union », implantée dans le camp. Elles furent quatre, Roza Robota, Ella Gärtner, Esther Wajchblum, Regina Safirsztein. Toutes les quatre ont été pendues devant plusieurs centaines de déportées qu’on avait sorties de force de leur block. Parmi les autres grands actes de résistance, on relève le tour de force de Szmulewski, qui a réussi à photographier une exécution et des crémations – et a réussi à transmettre ces images à Londres, grâce à des contacts avec la Résistance polonaise. Quelques juifs ont réussi à s’évader d’Auschwitz et à porter témoignage – sans succès, hélas. Ainsi, Rudolf Vrba (Wetzler) et Walter Rosenberg, deux juifs de Slovaquie, ont rejoint leur pays, se sont adressés à la communauté juive « légale » et ont fourni leur témoignage. Vrba a été même reçu par un ecclésiastique de la Nonciature Apostolique. Vrba voulait alerter les juifs de Hongrie sur la menace imminente qui pesait sur eux. Les dirigeants de la communauté juive n’en ont rien fait. Toutefois, le rapport de Vrba et Rosenberg est parvenu en Suisse, puis en Angleterre et a été rendu public dans la presse. Il a été utilisé comme pièce à conviction au Procès de Nuremberg. On peut conclure le chapitre Auschwitz par cet extrait du procèsverbal de la conférence militaire du Führer du 27 janvier 1945 : « Dans le secteur de la XVIIe armée, des combats acharnés se sont engagés. Les attaques ont pu être contenues sur une ligne continue, depuis l’espace de Richau jusqu’à Auschwitz. Auschwitz même a cependant été perdu. » Hitler lui-même n’a pas fait de commentaire. Le nom d’Auschwitz ne figure plus nulle part dans les documents nazis. A noter le rôle considérable joué par Hermann Langbein, détenu politique autrichioen (il était communiste à l'époque), qui jouissait de quelques "privilèges" au camp, en sa qualité de Reichsdeutsche. Langbein a réussi à intégrer dans l'infirmerie du camp un certain nombre de médecins juifs. Auparavant, ceux-ci n'y avaient pas accès. Directement et indirrectement, des dizaines de détenus juifs lui devaient leur survie. Article extrait de «La Révolte des Justes, les juifs contre Hitler 19331945» par Lucien Steinberg, Fayard Paris 1970 (pp 507-510)
  • 6. JANV 2005 n°222.QXD 26/01/05 12:55 Page 6 P.N.M. JANVIER 2005 6 Le BILLET de L S Jean-Marie Le Pen trouve gênant qu'on ne parle plus de lui. Il se rappelle à notre souvenir, à sa manière. Il choisit le journal d'extrême-droite Rivarol. Tirage relativement modeste, mais Le Pen sait comment faire pour que ses propos soient repris par les media. En commençant par le quotidien vespéral de référence. Le Pen n'est pas juriste pour rien. Il choisit ses phrases, ses paroles, de façon à ce qu'elles portent loin, frôlant l'illégalité, mais la frôlant seulement. Le propos ignoble n'est pas toujours illégal... L'occupation allemande de la France "n'a pas été trop inhumaine" et la Gestapo est même intervenue pour protéger la population civile. Si l'occupant avait procédé à des fusillades massives, il n'aurait pas eu besoin de camps de concentration, affirme-t-il. Ce qui permet d'insinuer que les camps en question étaient des lieux de protection. Du coup, l'assassinat par les gaz des 76 000 Juifs, l'assassinat et les tortures des dizaines de milliers de résistants déportés de France sont prestement évacués. Le soussigné, qui a interrogé longuement Helmut Knochen, ci-devant "Kommandeur" de la police de sécurité et du SD en France (la Gestapo en étant une direction), n'a jamais pensé à me dire que le rôle de ses hommes était de protéger la population civile. Il insistait sur le fait qu'il disposait d'effectifs trop modestes quelque 1500, y compris les chauffeurs, télégraphistes et dactylos. Les multiples fusillades par centaines - rappelons juste les noms: Mont Valérien, polygone d'Issy les Moulineaux, Châteaubriant, Nantes, Souges, Camp de Strutthof, Schirmeck, les pendus de Tulle et de Nîmes - auraient donc été des hauts lieux d'humanisme...Les enfouis du puits de Guerry, retrouvés après la Libération, ne l'ont pas été de façon trop inhumaine. Le choix du moment de ces déclarations n'est pas fortuit, lui. A quelques mois des célébrations de la Libération, à quelques jours du 6O ème anniversaire de la Libération d'Auschwitz il était certain de faire du bruit, de faire parler de lui. Même son silence sur les Juifs est retentissant par son non-dit. Le lecteur jugera... NDLR : Adam Rayski fournit une note d'André Lavagne, chef du cabinet civil du maréchal Pétain. Le 6 février 1943 Lavagne écrivait: "de tous les pays d'Europe c'est la France qui, avec l'Allemagne, persécute le plus les Juifs" (Archives Nationales, cote 2 AG-415). Notons qu'après la guerre, Lavagne devint conseiller juridique de l'épiscopat français. SOUSCRIPTION N° 19 arrêtée au 21 Janvier 2005 Nom UJRE PNM GINGOLD David 80 GINGOLD Sigmund 30 POUILLOT Hinda 20 20 RADZYNSKI André 30 APTEKIER Simon 30 20 GOLDSZTEIN Dora - Debora 20 ARDITI Joe-Irène 30 50 GOLGEVIT Jean 20 AVRAMOV Mina 90 60 GROSSVAK Louis-Philip 50 ROZENSZTEJN Estéra 50 BAUMGARTEN Samuel 30 GRYKA Simone 30 SALZENSTEIN Simon 20 BEHREND Charlotte 50 GRYNSZPAN Joseph 70 30 SARCEY Paulette 100 BEN SOUSSAN Jacques 50 IDELS Monique 25 25 SCHMER Christiane et André 30 BERCOVITZ Régine 75 ROK Roger 50 30 ROZENHOLC Samuel 60 30 50 25 IZBICKI Bernard 30 SELIGMANN Francette et Pierre 60 30 BERIL Henri 20 JACQUOT Blanche 100 SKROBEK I. et T. 60 50 BLOTNIK Roland 50 JEANMAIRE Wolf SPECULANTE Joseph 30 KLAPISZ Geneviève et Daniel 50 STEINBERG Max 50 KOLODKINE Paul 50 SZEIER Isidore 30 KWATER Perla 100 SZERMAN Rosette 20 50 LANTNER Ida 100 50 SZKOP Claude 15 30 LAUFMAN Alice 25 TROTSZKY Claude 30 COHEN Janina 50 LIEPCHITZ Armand 10 UZAN Lucien DE LUBERSAC Renée 10 LISSNER Guta BOURSTIN Robert 15 BRAFMAN Jean 60 BRUDNY Jacques 30 BURSZTYN Henri CERNOGORA Jacqueline 60 50 30 50 VENGER Samuel 20 20 30 DELRANC-GAUDRIC Marianne 30 LISTER Sarah DIMET Suzanne 30 LUSTMAN Hélène 20 LUSTMAN Julius 50 WLOSZCZOWSKI Robert LYON-CAEN Pierre 100 ZUCKERMAN Alex 50 10 MARCOVITCH Rosalie 50 EPELBAUM Jean-Marc 50 MOCHE Elie ESTRADE Henriette 50 MULDWORF Bernard DUFFAU Georges 50 EIDELIMANN Esther 40 EKMAN Adolphe 40 100 30 WEINSTEIN Max 50 WIZENBERG Daniel 25 25 30 60 ZYLBERBERG Gus 30 10 TOTAL 2325 50 .(*) sauf mention explicite (carte, réabonnement ou don), les règlements reçus sont imputés en priorité en renouvellement d’abonnement, puis en don. Pour rappel, l’adhésion à l’UJRE et les dons (UJRE, PNM) sont déductibles des revenus déclarables FERET Yves 30 NAHUM Odette FRAJERMAN Claude 30 OBARZANEK Renée GELB Georges 30 PALANT Charles 50 50 30 GELBARD Maurice 50 PENAUD Suzanne 20 GENDRIN-KLEIN Janine 50 PINKSTEIN Eliane 1850 10 Communautarisme (suite de la page 3) Sur un tel terreau, les prêcheurs de solutions communautaires de toutes obédiences ont un véritable espace pour désigner des boucs émissaires, et faire passer leurs discours haineux, racistes, antisémites et communautaristes. Les injustices, la violence et les impasses actuelles de la situation internationale risquent de susciter une perception conduisant aussi au repli. Ce mouvement est également favorisé par la situation du ProcheOrient, qui sert bien souvent d’alibi aux violences racistes et antisémites. Même, si en raison de leurs origines, on peut comprendre que certains se sentent solidaires d’un camp ou de l’autre, la transposition de ce conflit en France va totalement à l’inverse d’une solution juste et durable. Car, comme le fait remarquer Théo Klein, « seuls la parole, le dialogue, la reconnaissance mutuelle peuvent sauver l’avenir de ces deux peuples, trop jeunes d’expérience politique et trop vieux d’enfermement religieux ». Ajoutons qu’assimiler cet affrontement à une guerre de religion, peut conduire aux pires dérives communautaires, comme il en existe malheureusement dans d’autres pays. Dans cet esprit, il convient de rejeter une vision communautaire qui fait de tous les jeunes français d’origine maghrébine un musulman, ou de chaque juif, un ennemi héréditaire. Cet amalgame a pour conséquence que soit taxé d’antisémitisme quiconque exprime son désaccord avec le sionisme, ou celui qui critique la politique du gouvernement Sharon. Ce que suggère le rapport de Jean-Christophe Ruffin, malgré, par ailleurs, une analyse pertinente sur certains aspects. En tout état de cause, même si les attentats aveugles qui frappent les populations civiles, et les représailles de l’armée israélienne sèment la terreur, brouillent les cartes, il faut dire qu’il s’agit avant tout pour l’Etat d’Israël d’une politique coloniale. Et l’occupation qui constitue le principal obstacle à la paix, brime les droits du peuple palestinien et son aspiration à une solution pacifique, comme il vient d’en témoigner récemment. La visite de Sarkozy au Proche-Orient, ignorant les palestiniens, et apportant un satisfecit à Sharon, se situe bien dans le sillage de George W. Bush. Rien d’étonnant puisqu’il partage avec lui une conception qui n’a rien à voir avec les fondements républicain et laïque de notre pays, notamment quand il évoque la discrimination positive, moyen de sélectionner une élite sans donner de véritables moyens pour une réelle égalité dans la promotion de tous. C’est d’ailleurs dans cette logique qu’il prône, par exemple, la remise en cause de la loi de 1905 sur la séparation de l’église et de l’Etat, alors que la laïcité est un espace de liberté qui affirme la liberté de conscience, de culte, d’opinion … C’est pourquoi elle constitue un réel progrès de civilisation. Jaurès en son temps ne mettait-il pas même en évidence le lien entre la laïcité et la vocation sociale de la République ? Quand on fait le constat aujourd’hui que le lien communautaire progresse, rien n’est plus urgent que d’agir pour promouvoir un autre lien social en faisant reculer l’injustice, les inégalités, les discriminations et, par conséquent, contribuer à de nouvelles avancées dans la reconnaissance de la dignité de chaque citoyen, de chaque individu en faisant évoluer les consciences. Pour ce faire, la responsabilité de l’ensemble des institutions républicaines, l’école, la justice, les médias, les forces sociales et politiques, est posée. Tous doivent se mobiliser en permanence pour faire reculer ce qui risque de désagréger la société. C’est la solidarité qui est le fondement de l’humanité. Il y a quelques années, un diplomate de l’ONU faisait remarquer que l’on a beau être en 1ère classe d’un avion, s’il y a une bombe dans la 2ème classe, on ne sera pas pour autant épargné. La catastrophe de l’Océan Indien qui vient de marquer à jamais la fin de l’an dernier, montre à l’évidence que personne n’est à l’abri. Comme l’a dit, dans le même esprit que ce diplomate, le philosophe Michel Serres : « tout d’un coup, l’humanité prend conscience qu’elle constitue un équipage unique, par delà les langues, les civilisations et les cultures, et qu’elle est embarquée sur le même bateau. » Roland Wlos
  • 7. JANV 2005 n°222.QXD 26/01/05 12:55 Page 7 P.N.M. JANVIER 2005 7 CULTURE THEATRE Nathan le Sage «Tant que deux hommes continueront à échanger, on ne pourra pas totalement désespérer de l’Humanité ». Lessing J'ai vu et je recommande "Nathan le Sage" (°), une pièce (1779) du dramaturge allemand G. Lessing. Fils de pasteur, proche du philosophe Moses Mendelssohn, qui milite pour l'intégration des juifs au sein de la société allemande, Lessing combat l'obscurantisme avec intelligence et détermination. Marqué par la philosophie des Lumières, admirateur et traducteur de Diderot, dont il est le contemporain, il redécouvre, avant les romantiques, les tragédies de Shakespeare où nos écrivains classiques ne voyaient que vaine emphase. Cette double paternité l'a-t-elle aidé à trouver sa veine personnelle? En tout cas, avec cette jolie fable, située pour les besoins de la cause dans la Jérusalem du XIIè siècle, il nous offre une délicieuse et poétique leçon de tolérance. En effet, tout oppose au départ le juif Nathan, le croisé (du terrible ordre des Templiers) et le sage Saladin. Le sage Lessing les aide, il est vrai, à se mettre d'accord sur un point essentiel: leurs trois religions sont également respectables. Aucune ne saurait donc se considérer comme la seule vraie, à l'exclusion des autres. Servie par la sobre mise en scène sobre de Dominique Lurcel, le carré Silvia Monfort et le jeu efficace des acteurs, notamment Simon Bakhouche (Nathan), Samuel Churin (le Templier) et Bernard Malaka (Saladin), cette pièce m'a fait passer une très agréable soirée. Un rêve : chrétiens, musulmans, juifs réunis dans l’humour, la sagesse et le respect mutuel. La dernière a eu lieu le 8 janvier. Espérons qu'il y aura une reprise ! Compagnie Passeurs de Mémoires, 5 Colline de la Ravinière, 95 520 Osny Tel /Fax : 01 30 32 13 25 Email: passeursdememoires@wanadoo.fr TRS/NM (°) Texte français de Dominique Lurcel , déposé à la SACD /2004, disponible sur le site de l’UJRE La vie à en mourir J ’ai assisté le 9 janvier, au théâtre Paul Eluard de Choisy le Roi, à la lecture de 12 lettres de fusillés, 3 par année (1941 à 1944), issues du livre édité par le Musée de la résistance de Champigny sur Marne « La vie à en mourir ». Moment très émouvant. Chaque lettre est suivie de la biographie de l’auteur, qu’il soit symbole de la Résistance (Joseph Epstein, Honoré d’Estienne d’Orves, Missak Manouchian) ou simple résistant, ou otage, de tous âges et sensibilité politique, religieuse, philosophique. On est frappé de la diversité des membres de la Résistance … La lecture fut suivie d’un débat, où la question de la transmission fut principalement posée, « … pour qu’ils ne soient pas morts pour rien », l’intérêt de la salle allant à de nouvelles formes de transmission, peut-être plus culturelles que commémoratives … Eric Cénat du Théâtre de l’Imprévu et notre ami Max Tzwangue, ancien résistant FTP-MOI, ont aussi fait part de l’intérêt suscité par leurs lectures et témoignages dans les institutions qui les accueillent (théâtres, lycées, maisons de détention…). Leurs prochaines lectures : le 10 mars au Lycée Charles le Chauve de Roissy en Brie, et au printemps à la Maison d’arrêt de Fresnes. Souhaitons-leur de nombreuses autres occasions de se produire ! TRS Pour tous renseignements : Théâtre de l’Imprévu, 108 rue de Bourgogne, 45000 ORLEANS Tél : 02 38 77 09 65 LIVRES UN GRAND ROMAN DE AMOS OZ A vec Une histoire d’amour et de ténèbres, Amos Oz nous fournit une chronique à la fois familiale, sociale et politique d’une famille israélienne - la sienne - à partir du XIX° siècle et jusqu’aux premières années de l’Etat d’Israel(°). Né en 1939, l’auteur est aujourd’hui un des très grands de la littérature israélienne. Il est aussi très actif sur le plan social et politique. Un des fondateurs du mouvement Shalom Akhchav. Il a reçu de nombreux prix littéraires, en Israël et à l’étranger. Il s’agit d’une famille de déracinés, venus de régions ayant appartenu à l’Empire des Tsars – Pologne, Ukraine, Lituanie, après avoir transité parfois par Prague et la Suisse. Les parents de l’auteur, des intellectuels d’élite – son père parlant 15 ou 18 langues différentes et sa mère ayant été à l’Université, vivent, au moment de la naissance de l’auteur, dans un logement au sous-sol plutôt humide dans un quartier délaissé de Jérusalem (Kerem Abraham),deux pièces 30 m2 en tout. Un pays où il y avait à l’époque davantage de professeurs d’université, ou de candidats à cette dignité, que d’étudiants. Sa famille, orientée à droite, ne faisait pas partie des « pionniers » des « haloutzim », considérés comme des bolcheviks (ce qu’ils n’étaient nullement). Tchekhov, plutôt que Tolstoï était l’auteur préféré, encore que le père de l’auteur se référait volontiers à des textes assyriens, chaldéens voire amhariques. Mais on a un aperçu de la vie littéraire juive d’Odessa ou de Pologne à la fin du 19° siècle, où, comme l’écrit Oz, se trouvaient de nombreux auteurs qui se rejoindraient des dizaines d’années plus tard, sous la forme de noms de rues à Tel Aviv ou Jérusalem. L’ouvrage fait penser à un grand film japonais, Rashômon. L’auteur donne la parole à plusieurs personnages, à plusieurs reprises, qui disent à la fois la même chose et des choses différentes. Une grand-mère, virago tyrannique, craignant les « microbes du Levant », un oncle, le grand savant Joseph Klausner, le père polyglotte qui glisse dans la logorrhée, la mère, fine intellectuelle qui se suicide à 38 ans. En toile de fond les dernières années du mandat britannique en Palestine, la lutte de l’Irgoun contre les Anglais, la presse clandestine. Puis la guerre de 1947-1948 et les bombardements de Jérusalem. Du coup, le petit logement devient abri contre les tirs d’artillerie – abri recueillant les voisins. Discussions interminables dans les cafés littéraires de Jérusalem, où le petit Amos était traîné avec interdiction, de parler. Ce qui développa chez lui l’esprit d’observation. Grande déception : l’apparition de Menahem Begin, chef de l’Irgoun, qu’on n’avait jamais vu et qui, loin d’être un géant, est un personnage de taille très moyenne. De plus, il emploie l’hébreu littéraire, ce qui entraîne des quiproquo parfois gênants. Le mot « armes » était prononcé là-bas « kleï zayin ». Mais dans l’hébreu courant d’Israël, celui de la rue si l’on veut, ces mots signifiaient simplement pénis. Et entendre un orateur répéter ceci à longueur de discours- c’était trop pour le garçon de neuf ans qui n’a pu éviter le fou rire ; au grand scandale du public. Votre chroniqueur n’est pas en mesure de restituer la caractère vivant de ce livre, qui raconte pourtant une période révolue. Amos Oz s’est installé à l’âge de 15 ans au kibboutz Hulda – après le suicide de sa mère et le remariage de son père. Au kibboutz, d’ailleurs, il sera presque « le vilain petit canard », intellectuel perdu dans ses pensées. Sa chance sera que ledit kibboutz avait besoin d’un enseignant, ce qui a permis à Amos Oz d’aller à l’Université hébraïque de Jérusalem – premiers pas dans la carrière d’un des grands écrivains de notre temps. Si vous ne voulez lire qu’un auteur israélien, lisez ce livre d’Amos Oz. (°) Editions Gallimard, Paris, 2004, 543 pages Lucien Steinberg MUSIQUE Lundi 14 février à 20:00, Gala de soutien au profit de la Maison de la culture yiddish - Bibliothèque Medem au Théâtre Marigny : Groupe klezmer Les Zemerrantes, Talila, Mike Burstyn.
  • 8. JANV 2005 n°222.QXD 26/01/05 12:55 Page 8 P.N.M. JANVIER 2005 8 CE QUE J’AI RACONTE A MA PETITE-FILLE Paru dans la Presse Nouvelle du 3 janvier 1981 G rand-mère, raconte... parlemoi encore de mon papa. Tu m’as déjà raconté qu’il était un tout petit enfant pendant l’effroyable guerre et que toi, sa maman, tu as été déportée quand il n’avait que 6 ans. Il est resté chez des personnes étrangères - comme c’est terrible ». C’est ma petite-fille qui me parle ainsi. Une fillette élancée, aux traits fins. Ses grands yeux bleus me touchent jusqu’au fond du cœur. Elle veut savoir. Elle veut tout savoir : d’où vient le numéro tatoué sur mon bras, pourquoi son père devait être malheureux quand il était enfant. Elle aime beaucoup son père. Elle déteste la guerre. Alors, je me dis : Elle doit savoir. Et je lui raconte ce qui s’est passé le 16 juillet 1942. « Mon petit garçon dormait encore, mais moi, j’étais éveillée. La veille, le mouvement de Résistance avait diffusé un appel mettant en garde la population juive contre les arrestations. On conseillait de ne pas ouvrir la porte quand la police viendrait nous arrêter. Il faisait encore nuit quand ils commencèrent à taper dans les portes des logements juifs. Et ... les voici à notre porte. En silence, sans un bruit, je m’installe près du lit de mon petit garçon, prend sa petite main avec douceur. Il se réveille. Je porte un doigt à la bouche, lui faisant comprendre qu’il doit se taire. Nous retenons notre respiration. Il me regarde en silence. Tout en moi est douleur et révolte. Je me demande : qui peut comprendre la peur d’un enfant innocent ? Les coups des policiers se firent longtemps entendre. Je les entends emmener mes proches voisins, de bien braves gens. Nous discutions souvent le soir, car les juifs n’avaient pas le droit de se trouver dehors après 20 heures. Les policiers n’ont pas défoncé ma porte. Quand ils s’en allèrent, nous quittâmes prudemment notre logement. J’ai appris plus tard, que de nombreuses mères, avec bébés, des vieillards, des malades, avaient été enfermés au Vélodrome d’hiver ». « Oui », dit ma petite-fille, « j’ai lu le livre de Pierre Gamarra que tu m’as offert pour mon anniversaire. J’y ai lu le chapitre qui parlait du « Jeudi noir ». C’est tellement effrayant. Presque incroyable ». Elle devient pensive, puis me demande : « mais où se trouvait pépé Charles ? » (l’autre grand-père, elle l’appelle Papi). « Tu sais, lui réponds-je, que pépé Charles et moi sommes venus de Pologne. Nous sommes tombés amoureux de Paris, en dépit de nombreux jours sans pain. Quand la guerre éclata, pépé s’engagea, comme de nombreux juifs, dans l’armée française pour combattre l’Allemagne hitlérienne». « Je comprends », fait-elle, « ainsi, tu es restée seule avec ton enfant. Oh, grand-mère » - ma petite-fille m’enlace et se presse fort contre moi - tu sais combien nous t’aimons. Mon papa t’appelle « mameniou » (petite mère) et ma maman aussi. Elle ne connaît pas le yiddish, mais elle aime les chansons juives que tu chantes. Je me souviens encore de la berceuse que tu nous as apprises, à moi et à mes deux petits frères. Mais raconte, raconte encore ... « En août 1944, Paris s’était libéré, mais moi j’étais encore à Auschwitz. Le camp ne fut libéré qu’en janvier 1945 par l’Armée Rouge. Mon enfant se trouvait dans une famille paysanne. Les camarades de la Résistance veillaient sur lui après mon arrestation. Tout de suite après la libération de Paris, ma sœur arriva de Bruxelles où elle avait passé la guerre en militant dans la Résistance - pour rechercher mon enfant, le petit-fils de nos parents. Leurs trois enfants avaient été déportés et leur plus jeune fils âgé de 22 ans, avait été fusillé par les fascistes allemands. Ma sœur, ta tante Guta, pensait, que mon enfant les aiderait à supporter cette cruelle épreuve. Quand, non sans difficultés, elle se présenta pour reprendre l’enfant, il s’avéra que la famille adoptive s’était fortement attachée à lui et ne voulait pas qu’il les quitte. Tante Guta discuta longuement, mais les paysans restèrent sur leur position. Surtout la femme. Elle disait : « sa mère ne reviendra probablement pas. Si son père revient de captivité, alors nous verrons ». Devant l’insistance de ma sœur, la femme déclara : « Savez-vous ? Demandons à l’enfant. Que luimême décide ». Elle pensait sans doute, que lui non plus ne voudrait pas les quitter. « Je m’imagine fort bien », dis-je à ma petite-fille, « la tension de ce pénible moment. Le cœur de chacun des présents tremblait. Tante Guta sentit son sang se glacer dans ses veines. Mais elle se maîtrisa, n’osant ajouter un mot de plus. Tous se taisaient dans une attente inquiète. Et le petit Jeannot, alors âgé de 7 ans, embrassa de son tendre regard les gens assis autour de la table, se leva, vint vers la tante Guta et lui dit : « Je ne te reconnais pas, mais je sens que je dois aller avec toi ». Je me tus. Les larmes m’étouffaient, comme la première fois que ma sœur m’avait décrite cette scène. Quand je vis deux grosses larmes dans les yeux de ma petite-fille, je souris, l’enlaçai et lui dit : « La prochaine fois, je te raconterai la joie de ton papa quand nous nous sommes retrouvés après la libération. Et plus tard, bien plus tard, la joie de ton papa quand sa fille, toi, Hélène chérie, tu es venue au monde. » Mais elle me presse : « Tu dois encore me raconter beaucoup, beaucoup ... » Et je le lui promets. Eva Golgevit HISTOIRE L'EGLISE DE FRANCE ET LES ENFANTS JUIFS CACHES L e grand journal italien CORRIERE DELLA SERA a lancé un débat, dans ses pages culturelles, sur la position du pape Pie XII concernant les enfants juifs cachés pendant la guerre dans les églises et autres établissements religieux en France. Le débat a commencé le 28 décembre 2004 et se poursuivait encore le 14 janvier 2005. A la base du débat, la parution (en italien) d'un volume concernant l'activité du nonce apostolique Angelo Roncalli - futur pape Jean XXIII - en France entre 1945 et 1948, oeuvre d'Etienne Fouilloux(°). Nous ignorons si et quand cet ouvrage sera traduit en français. Le débat se concentre sur la portée d'une instruction du Saint Office, retransmise le 23 octobre 1946 et publiée par l'historien italien Alberto Melloni dans le numéro du 28 décembre 2004 du Corriere. Dans cette note du Saint Office, il est dit, au sujet des enfants en question que si des institutions ou des particuliers juifs venaient à les réclamer, de ne pas répondre par écrit. Les enfants éventuellement baptisés ne seraient remis qu'à des institutions à même de leur assurer une éducation chrétienne. Quant aux enfants non baptisés, il y était déconseillé de les remettre à des personnes n'ayant aucun droit sur l'enfant. On ne devait les remettre qu'à leurs parents, et à condition qu'ils n'aient pas été baptisés. Le débat qui s'en est suivi, qui a des aspects polémiques, s'inscrit dans la contestation de l'éventuelle béatification de Pie XII (1876-1958, pape de 1939 à 1958). La question qui n'a pas été débattue, est celle de savoir dans quelle mesure cette directive du Saint Office a été prise à la lettre. Plusieurs intervenants ont raison de rappeler que Angelo Roncalli, qui avant d'arriver à Paris était en poste à Ankara, avait agi activement pour permettre le transit par la Turquie de nombreux Juifs réfugiés devant la persécution nazie, y compris en leur facilitant l'immigration en Palestine de l'époque. De même, en poste à Paris, il a réagi positivement dans des cas concrets. Ajoutons à cela l'affaire des enfants Finaly, il y a 50 ans. Ces deux enfants juifs ont été cachés par une personne catholique qui a refusé de les rendre à des membres de leur famille. Ce fut une cause célèbre à l'époque, les enfants étant "planqués" d'église en église pour aboutir finalement dans un couvent en Espagne. Il a fallu une campagne énergique menée du côté juif, appuyée par des catholiques "ouverts", qui a abouti à l'intervention décisive du Cardinal Gerlier, primat des Gaules, pour aboutir à la "libération" desdits enfants, qui sont partis ensuite pour Israël. Le souvenir de l’affaire Mortara était encore présent et, manifestement, l'Eglise ne souhaitait pas de répétition. Il n'y a donc pas lieu de "mêler" le cas du futur Jean XXIII à la controverse autour de Pie XII. L'historien Daniel Jonah Goldhagen est également intervenu dans le débat, avec une comparaison : Un enfant est retiré vivant d'une voiture en flammes, suite à un accident. La famille qui l'a sauvé se refuse obstinément à le restituer aux parents. "La bonne action se transforme en crime",affirme Goldhagen (Corriere... 4 janvier 2005) LS (°) Anni di Francia. Agende del nunzio Roncalli 1945-1948. Istituto per le scienze religiose di Bologna, a cura di Etienne Fouilloux