27 janvier 1945 Auschwitz libéré Journée Internationale pour la mémoire de la Shoah
Participons aux cérémonies du souvenir !
Arik Sharon a perdu sa dernière bataille - celle contre son propre corps.
Son successeur, quel qu'il soit, n'aura pas la tâche facile. Il n'est pas dit
que le corps électoral israélien ne vote jamais à gauche - mais ce ne sera pas
avant longtemps.
Je n'ai pas dit un mot des palestiniens, même pas du message de sympathie du
président Mahmoud Abbas. Je n'ai pas évoqué le nom de Sharon lors de
ma nécrologie de Yasser Arafat. Aujourd'hui, je parle de Sharon, que j'ai pu
critiquer, mais que je me suis toujours refusé de diaboliser.
Un grand homme peut commettre de grandes erreurs.
Ariel Sharon, qui est en vie ce 15 janvier 2006, est un grand homme.
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LA PRESSE NOUVELLE
Magazine
Progressiste
Juif
PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisémitisme et de
racisme, ouvertes ou sournoises. PNM se prononce pour une paix juste au Moyen-Orient, sur la base du droit de l'Etat d'Israël à la sécurité, et sur la reconnaissance du droit à un Etat du peuple palestinien.
N° 232 - JANVIER 2006 - 25e A N NÉE
MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E.
L e N° 5 , 5 0 €
Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide
A vos agendas !
Mémoire
Assemblée Générale de l’UJRE
Samedi 4 mars 2006 à 15 h.
Partie artistique* puis verre de l’amitié à 17h.
Dernière minute :
27 janvier
Auschwitz libéré
Journée Internationale
pour la mémoire de la Shoah
(*) Ensemble théâtral “Abi gezint” de l’ACODJ
Participons aux cérémonies du souvenir !
BILAN
MOYEN-ORIENT
• Le Mot du Président
• De 2005 à 2006
p. 2
p. 3
PROCES MILOSEVIC
• A quand la fin ?
Lucien STEINBERG
N
p. 3
Non à une chasse aux sorcières à l’européenne
L'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) est,
dans les jours qui viennent, appelée à voter une résolution mettant le communisme sur le même pied que l'hitlérisme. Des
personnalités, résistants ou universitaires de tous les pays
membres lancent une pétition pour dénoncer ce texte irrecevable.
Le bureau de l’UJRE et La Presse Nouvelle vous appellent à
signer cette pétition Internet en vous connectant sur
http://www.no2anticommunism.org/fr/index.php?info=motion
Si vous n'avez pas d'ordinateur, vous pouvez adresser votre signature à la PNM, 14 rue de Paradis, 75010, Paris, qui transmettra.
MEMOIRE
• Sharon ... par D. Vidal
p. 5
PAROLES de J.Dimet
CULTURE
SAGA par S. Palant
p. 3
p. 4
• Sam Radzynski n’est plus par R.Trugnan
• Le cri des murs de Fresnes par A. Rayski
p. 7
HISTOIRE
p. 8
p. 6
• Solution finale en France et Justice allemande
JANVIER 2006 - LE DERNIER COMBAT D'ARIK SHARON
e nous voilons pas la face : le grand événement du début de l'année 2006 a été la
maladie d'Ariel Sharon (Arik pour tous les
israéliens) et son effacement de la scène politique.
Ce n'est pas pour rien que les media du monde
entier se sont précipités sur l'événement. Un seul
exemple : la grande chaîne télé CNN, dans ses bulletins diffusés en Europe (peut-être aussi ailleurs)
ne parlait que de la maladie de Sharon. Disparus
l'Irak, la vie politique US, l'Europe, etc (ne parlons
pas de la France...). Tous les reporters étaient à
l'entrée de l'hôpital Hadassa. Ils commentaient les
bulletins médicaux. Parfois un mot, guère plus, sur
Ehud Olmert, l'actuel faisant fonction de premier
ministre.
Les media français, suivant peut-être le précepte de
la grande journaliste disparue Françoise Giroud,
("on ne tire pas sur une ambulance") ont, pour la
plupart, commenté l'événement, s'abstenant de
propos déplacés.
Sharon a été guerrier avant tout - son autobiographie
en anglais est intitulée simplement WARRIOR.
Par delà les polémiques partisanes, il faut reconnaître que l'existence de l'Etat d'Israël serait difficile à imaginer sans les victoires remportées par Arik
Sharon. Il a combattu dans la guerre
d'Indépendance de 1948-1949. Il a été blessé
devant Latrun. Ensuite, il s'est battu contre l'armée
égyptienne. La guerre s'est arrêtée début 1949,
lorsque les blindés de Sharon étaient bien profondément en territoire égyptien. Il a fallu une inter-
vention "énergique" anglo-américaine pour les en
faire sortir.
Il a eu ensuite la charge de combattre les fedayin
égypto-palestiniens, devant Gaza. On lui a reproché l'énergie de l'opération - tout comme on lui a
reproché un épisode sinistre à Qibya.
La guerre de 1956 - la campagne de Suez pour les
franco-anglais, du Sinaï pour les israéliens - a été
critiquée politiquement, entre autres par les
Présidents des Etats-Unis et de l'URSS. Mais Israël
a arraché de la sorte l'accès au canal de Suez.
Ne revenons pas sur la guerre des six jours. La
division Sharon a, de nouveau, écrasé l'armée
égyptienne. Cela a coûté à Sharon sa nomination
comme Chef d'Etat -Major Général, la jalousie
n'étant pas un sentiment étranger aux militaires,
dans quelque pays que ce soit.
Six ans plus tard, la guerre du Kippour le voit
reprendre un commandement. Les armées égyptienne et syrienne avaient pris l'initiative. Les premiers avaient franchi le canal de Suez, sur presque
toute sa longueur. Les autres avaient repris une partie du Golan.
Sharon reprend la tête de "sa division", écartant
sans ménagement son successeur. Ignorant les
ordres, il franchit en force le Canal de Suez et ne
s'arrête qu'au Km 101, sur la route du Caire.
Encore une fois, une vigoureuse intervention
diplomatique US-URSS permet le sauvetage d'une
armée égyptienne encerclée.
Les années suivantes voient Sharon se lancer sur la
scène politique, suite à l'accession au pouvoir de
Menahem Begin. Il joue un rôle important dans la
guerre du Liban, mais est mis à l'écart à la suite de
l'épisode de Chatila, où on lui a reproché de ne pas
avoir empêché un massacre de palestiniens effectué par des milices libanaises chrétiennes.
Menahem Begin disait, en plaisantant (?) que
Sharon serait capable de faire marcher des tanks
contre la Présidence du Conseil.
Il ne l'a pas fait. Il est devenu Premier Ministre par
le vote démocratique. Il avait toutes les chances
d'être réélu en 2006, bien qu'ayant rompu avec son
propre parti Likoud, et en avoir créé un autre,
Kadimah.
Un journaliste israélien de gauche, après avoir critiqué le Premier Ministre, concluait sur une boutade : "C'est le seul Sharon que nous avons".
Arik Sharon a perdu sa dernière bataille - celle
contre son propre corps. Son successeur, quel qu'il
soit, n'aura pas la tâche facile. Il n'est pas dit que le
corps électoral israélien ne vote jamais à gauche mais ce ne sera pas avant longtemps.
Je n'ai pas dit un mot des palestiniens, même pas
du message de sympathie du président Mahmoud
Abbas. Je n'ai pas évoqué le nom de Sharon lors de
ma nécrologie de Yasser Arafat. Aujourd'hui, je
parle de Sharon, que j'ai pu critiquer, mais que je
me suis toujours refusé de diaboliser. Un grand
homme peut commettre de grandes erreurs. Ariel
Sharon, qui est en vie ce 15 janvier 2006, est un
grand homme.
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Paroles
On ne badine pas
avec le colonialisme
On se souvient de ce fameux article 4 de
la loi du 23 février 2005. Cet article dit
textuellement ceci : “Les programmes de
recherche universitaire accordent à l'histoire de la présence française outre-mer,
notamment en Afrique du Nord, la place
qu'elle mérite. Les programmes scolaires
reconnaissent en particulier le rôle positif
de la présence française outre-mer,
notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces
territoires la place éminente à laquelle ils
ont droit. (…) “
Cet article, ajouté in extremis, pose une
question fondamentale, qui n'est d'ailleurs
pas celle du colonialisme en tant que tel,
mais celle de l'histoire officielle. Bref, il a,
à juste titre (mais l'ensemble de la loi est
sujette à caution), suscité un tollé des historiens, des combattants de la cause anticoloniale, des originaires des départements et territoires d'outre mer (anciens
ou actuels).
Le président de la République charge
Jean-Louis Debré, Président de
l'Assemblée nationale, d'animer une commission de réflexion pour se sortir de ce
bourbier. Nicolas Sarkozy, Président de
l'UMP, ministre de l'Intérieur par intermittence, Président du Conseil Général des
Hauts-de-Seine, candidat autoproclamé à
la présidentielle de 2007, forme lui aussi
une commission. Non pas ministérielle : il
prend sa casquette d'homme politique,
pour trouver une solution. Et qui place-til à la tête de cette commission de
réflexion ? Me Arno Klarsfeld en personne. Pour quoi faire ? Pour tenter d'opposer
encore une fois, les victimes juives aux
victimes africaines, jouant sur le même
registre que ceux que l'on dénonce officiellement ?
Arno Klarsfeld a le droit d'avoir les opinions qu'il a. On ne peut pas oublier,
cependant, qu'il s'est retrouvé, il n'y a pas
si longtemps, en habit de garde-frontières
de l'armée israélienne, le temps d'endosser un uniforme militaire qu'il aurait pu
porter plus jeune et à d'autres moments de
l'histoire d'Israël. Bref, qu'il a cautionné la
colonisation des terres palestiniennes,
notamment en Cisjordanie, et que cela
relativise la sérénité de la commission
Sarkozy. Mais plus qu'Arno Klarsfeld luimême, ce qui est détestable dans ce choix
c'est, comme toujours chez le ministre de
l'Intérieur, l'utilisation politique de l'origine communautaire des uns et des autres,
et l'utilisation de sujets sensibles, pour
régler des comptes politiques avec le
Président de la République qui fut le
gagnant au premier tour lors de la présidentielle de 1995, face à Edouard
Balladur, mentor de Nicolas Sarkozy.
La défense de l'histoire et le regard que la
France doit porter sur elle-même méritent
mieux que ces effets de manche et ces
astuces politiciennes.
Jacques Dimet
Procès MILOSEVIC
A QUAND LA FIN ?
Robert Joseph
L
e procès de M. Slobodan
Milosevic, l'ancien président
de la Yougoslavie, ouvert le
12 février 2002 devant le tribunal
international de La Haye, va bientôt entrer dans sa cinquième année.
Avec nombre de points d'interrogation.
Il a déjà bien duré ce procès. Les
juges s'en inquiètent. L'état de santé
de l'accusé qui assume lui-même sa
défense semble se détériorer, sujet
à des problèmes chroniques d'hypertension et à des difficultés auditives. Fin novembre, M. Milosevic
a sollicité du tribunal l'autorisation
de suivre un traitement de quelques
semaines, à Moscou, dans un établissement spécialisé. La Chambre
basse du parlement russe a soutenu
sa démarche en demandant une
suspension du procès. Il devait
avoir la réponse, sans doute négative, dès la reprise du 23 janvier.
Cependant, les trois magistrats de
la Cour ont prolongé à six semaines
les vacances de fin d'année (au lieu
des trois habituelles) pour permettre au prévenu de se "reposer".
De plus, souhaitant sans doute ne
pas être pris au dépourvu et ne pas
laisser un procès inachevé, ils
auraient aimé en terminer avec au
moins l'un des trois volets, celui du
Kosovo, ce qui leur semblait aisé.
Ainsi, ils auraient été certains d'apporter une conclusion à leurs
années de travail. Les chapitres
Croatie et Bosnie traités à la suite,
il y aurait eu deux verdicts. La
défense et le procureur ont fait
cause commune pour s'opposer à
une telle orientation.
Pendant deux années, l'accusation a
livré de très nombreuses informations sur ce qui était reproché à
l'ancien Président. La presse les a
étalées largement. Depuis que la
défense s'exprime et réfute nombre
d'accusations basées sur des
rumeurs, ce procès ne serait plus
intéressant.
Pourtant, M. Milosevic continue à
se défendre avec acharnement.
Début décembre, il a sollicité un
nouveau contingent de 380 heures
supplémentaires pour assurer
"équitablement" sa défense, et l'audition de nombreux témoins parmi
lesquels MM. Tony Blair et
Gerhard Schröder. Ce que la cour a
rejeté. Il est très intéressé à faire
entendre comme témoins les diri-
geants occidentaux, promoteurs
sans l'aval de l'O.N.U. de la guerre
de bombardements contre son pays
en 1999, puisque Mme Clara Del
Ponte, le procureur, a refusé une
enquête sur les crimes de guerre et
destructions dont l'O.T.A.N. est
accusée par Belgrade.
Les trois juges du tribunal, comme
le procureur, reprochent à l'ancien
Président de recourir à des
manoeuvres dilatoires pour faire
durer le procès. Ils ont dû, cependant, tenir compte de la réalité et
M. Milosevic a obtenu de pouvoir
s'exprimer jusqu'à la fin février.
Mais l'intéressé revendique encore
plus de temps, au moins autant que
celui pris par l'accusation, arguant
de l'ampleur de la charge qu'il doit
subir au quotidien, sans bureau à
son service. Jusque-là, quelques
2 250 pièces produites par les parties totalisent 63 775 pages; 930
pièces à conviction du procureur
représentent 85 000 pages, 117
vidéos, des centaines de DVD et
CR-roms.
Il y a au total l,2 millions de pages
de documents. Et ce n'est pas fini !
On est en pleine démesure !
Selon le programme connu actuellement, la défense devrait être
achevée en mars, les dernières
phases du procès s'étaleraient jusqu'à l'été, et les juges pourraient
alors se préparer à rendre leur verdict.
Evidemment, nul n'ose limiter leur
temps pour apprécier “la responsabilité personnelle de M. Milosevic”
face aux soixante-six chefs d'accusation.
30/12/2005
DE 2005 A 2006
Lucien Steinberg
N
ous avons préféré attendre
la fin effective de 2005
pour en dégager quelques
conclusions - ce qui nous permet
d'entrevoir quelques perspectives
pour 2006. Exercice risqué sans
doute, déjà parce qu'il porte sur l'avenir. Reflexion peu originale, puisque
Winston Churchill l'avait déjà formulée.
Commençons par le petit bout de la
lorgnette - par la situation de notre
UJRE, de votre PNM. Elle demeure difficile, voire précaire. Toutefois,
le risque d'expulsion de nos locaux
n'est plus imminent. Nous avons bon
espoir d'aboutir à des arrangements
nous permettant de conserver le 14
rue de Paradis. Dans ce contexte, le
lancement effectif du projet de
"Maison de la MOI" est cause d'encouragement. Le problème essentiel
n'est toutefois pas résolu. Il convient
de chercher les moyens du "rajeunissement de nos effectifs", si vous
voulez bien excuser cette formule
militaire.
Rares sont encore les enfants ou plutôt les petits-enfants de nos membres
qui nous rejoignent. Pourtant, ceux
que nous connaissons approuvent le
plus souvent nos orientations.
Comment transformer cette approbation en adhésion ? Des idées, s'il vous
plait... Peut-être que le projet
d'Amnon Kapeliouk portera ses
fruits.
L'année 2005 a été une année difficile. En France, en Israël, dans le
monde entier. Les émeutes des
banlieues de l'automne ont sûrement laissé des traces qu'il est
encore difficle d'évaluer. On peut
discuter sur les causes - détresse
des jeunes, manipulations politiques ou religieuses, manque d'intérêt des pouvoirs publics, présence de voyous et autres malfaiteurs,
etc. En tout état de cause, la crise
sociale est indiscutable. Une chose
est claire: quelles que soient certaines ou toutes ces raisons, les
causes demeurent en l'état. Le
risque de répétition, à une même
échelle ou à une échelle différente,
persiste.
Le 29 mai 2005, le peuple français
a repoussé, à une majorité claire, le
projet d'adhésion à la Constitution
Européenne. Projet présenté par le
Chef de l'Etat, soutenu par les deux
principaux partis du Parlement,
l'UMP et le Parti Socialiste (malgré l'opposition de nombre de ses
dirigeants et adhérents). Soutenu
aussi par les grands media et des
personnages médiatiques de tout
premier rang.
Et pourtant, la politique antisociale se
poursuit et risque, dans l'immédiat,
de se poursuivre, déjà parce qu'on ne
voit pas des forces susceptibles de s'y
opposer efficacement. Les bonnes
volontés de tous les partis de gauche
(Suite en page 4)
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4
Carnet
Sam RADZYNSKI vient de nous quitter
Beaucoup d’émotion au Père-Lachaise ce mercredi 4 janvier. Monsieur Georges Sarre,
Maire du XI° arrondissement de Paris, a rendu hommage à Sam Radzynski - l'homme, le
résistant, le communiste. Plusieurs familiers de Sam ont évoqué sa mémoire. Monsieur
Jacques Daguenet, Conseiller de Paris, a salué le militant fidèle, au nom du Parti
Communiste Français. L’UJRE, représentée par Lucien Steinberg, et ses camarades de
déportation, Paulette Sarcey et Roger Trugnan, tient à lui rendre hommage en reproduisant
ci-contre un témoignage d’Adam Rayski, l’un des premiers dirigeants de la résistance juive
de la M.O.I. (Main-d’Ouvre Immigrée) de l’automne 1941 à la Libération en été 1944, et
ci-dessous, des extraits de l’allocution de Roger Trugnan à la cérémonie du Père Lachaise:
“J'ai passé six mois en compagnie
de Sam Radzynski en déportation,
au camp de Jawischowitz.
Sam a adhéré en 1936 - il avait 13
ans - au cercle des lycéens communistes de l'école Turgot. Quatre ans
plus tard, lors de l'entrée des
troupes nazies à Paris, il participe
avec ses camarades, puis avec des
étudiants, aux premières actions de
la Résistance à Paris, dès juin
1940. C'était essentiel, face aux
tentatives de l'occupant et de ses
collabos de profiter du désarroi
dans lequel la population était
plongée.
Il fallait combattre la propagande
ennemie ("populations abandonnées,
faites confiance au soldat allemand")
Distributions de tracts, prises de
parole dans le métro et aux cinémas, puis destruction de câbles
militaires dans les forêts d'IIe de
Ses enfants
Henri et Mireille,
Marie-Thérèse
ses petits-enfants
Natacha, Michaël,
Ivoa, Julien, Mathieu, Mélinée,
Emmanuel et Elsa
ses arrière-petits–enfants
Julie et Théo
ont la douleur de vous apprendre
le décès de
Chana DAVIDSON (Andja)
survenu le 14 janvier 2006
Chana Davidson comptait parmi
les membres les plus fidèles de
l’UJRE, adhérente depuis la guerre, lectrice fidèle de la Naïè
Pressè puis de La Presse
Nouvelle, et choriste très active
dans la Chorale Populaire Juive
de Paris animée par Ilya
Cholodenko.
Notre
Président,
Lucien
Steinberg, qui l’a bien connue et
estimée, ainsi que toute l'équipe
de la Presse Nouvelle Magazine
adressent leurs sincères condoléances à sa famille ainsi qu'à
tous ses proches et amis.
France, incendie des poteaux indicateurs allemands, recrutement de
combattants pour les Francs
Tireurs et Partisans. Sam s'engagea
dans tous ces combats.
Fin 1941, il est affecté à l'organisation de la jeunesse communiste de
la M.O.I. (Main d'Oeuvre
Immigrée). Cette structure, créée
par le PCF dès 1923, regroupait les
immigrés dans des "groupes de
langues" yiddish, italien, espagnol,
polonais ... Sam sera un des dirigeants de l'active branche juive de
la M.O.I.
Je le connaissais peu avant notre
arrestation, le 13 mars 1943. Ce
jour-là, Sam et moi étions assis sur
le même banc, dans une vaste salle
de la Préfecture de Police, avec
près de 60 jeunes dont Henri
Krasucki. Arrêtés au petit matin
par les "brigades spéciales" de la
préfecture. Une semaine d'interrogatoires et de tortures dans les
locaux de la Préfecture de Police sans que ses sbires n’arrachent la
moindre information. Ensuite deux
mois dans diverses prisons - la
Santé, la petite Roquette, Fresnes,
enfin au camp de Drancy. Là, 57
jeunes sont enfournés dans un
"transport" vers Auschwitz. Six
seulement reviendront vivants, les
autres étant gazés dès l'arrivée.
Sam, Henri et moi sommes expédiés ensemble au camp de
Jawischowitz, à 6 km d'Auschwitz,
où il y a deux mines de charbon.
Au bout de 2 à 3 jours seulement
de notre arrivée à Auschwitz, nous
avons rencontré des antifascistes,
souvent des anciens des Brigades
Internationales. Apprenant l'existence d'une organisation internationale de résistants, nous avons créé
rapidement un "triangle de direction". Au bout de 6 mois, des antifascistes allemands ont obtenu le
transfert de Sam à un autre camp,
moins pénible que la mine.
Il a fallu attendre la Libération
pour apprendre que Sam était
vivant. Nous étions donc six survivants du transport. Nous en
sommes encore deux, en vie,
Paulette Sarcey, résistante exemplaire, et moi-même.”
De 2005 à 2006 (suite de la page 3)
d'actions militaires US sur d'autres
théatres d'opération éventuels Iran, Syrie, etc. est plus restreinte.
Elle n'est pas nulle, certes.
Plus loin de nous, on suivra avec
attention l’évolution en Amérique
Latine (Venezuela, Bolivie,
Argentine, Brésil, Uruguay entre
autres). En Asie, la Chine et l'Inde
deviennent de grandes puissances
industriellles et scientifiques.
ne font pas le poids. Cela peut changer. On peut l'espérer.
Sur le plan international, le facteur
essentiel, à notre sens, a été le
Tsunami de la fin 2004 et ses conséquences. Il semblerait que le monde
entier a pris la mesure du risque des
catastrophes naturelles. Pas assez,
peut-être, car le cataclysme du
Cachemire n'a pas bénéficié de la
même couverture médiatique.
La guerre américaine en Irak a, de
plus en plus, du plomb dans l'aile.
Le président George W. Bush a été
obligé de faire des concessions
politiques, notamment en matière
de traitement des prisonniers de
guerre. L'opinion publique aux
Etats-Unis réagit enfin face au
retour des cercueils des militaires
tués en Irak. Du coup, la possibilité
LE CRI
DES MURS DE FRESNES
Dès 1941, les prisons de la Santé et
de Fresnes se remplissent et se
vident. Les résistantes et les résistants partaient les uns pour le
Mont-Valérien, les autres vers les
camps de la mort. On connaît leurs
"dernières lettres", le véritable
socle de la Mémoire de la
Résistance. Or, cette mémoire
apparaît sur les murs de Fresnes.
Dans un livre* - hélas peu connu l'auteur, Henri Calet, a restitué une
multitude d'inscriptions. Ainsi,
page 112, une lecture très douloureuse :
Cellule 96
Radzinsky Maurice
Mort à 17 ans le 10 mars 1943
Maurice est mort pour
que vive la France
Soyons fiers de lui.
Il est tombé
au champ d'honneur.
Samuel Radzinski,
son frère, est mon mari
Rita
Je n'ai jamais parlé de ce texte
sachant Sam gravement malade et
c'est après ses obsèques que je l'ai
remis à sa fille.
Adam Rayski
(*) Henri Calet,, Les Murs de Fresnes 1945,
Ed. Viviane Hamy, Paris, 1993.
BREVES
Iran
L'orateur a ensuite rappelé la
mémoire de Rosine, épouse de
Sam, décédée il y a un an.
Le conflit israelo-palestinien
parait s'enliser. Ce qui ne signifie
pas qu'il faille baisser les bras, bien
au contraire ! Depuis qu'elle existe,
l'UJRE, votre PNM et, avant cela
Naiè Pressè n'ont eu de cesse de se
battre pour ce qu'elles estimaient
juste.
Avec votre soutien, nous continuerons.
LS
Le Crif “a pris des contacts dans
l'univers sportif afin d'examiner la
possibilité d'exclure l'Iran de la
phase finale de la Coupe du Monde
de football. A l'époque de
l'Apartheid, l'Afrique du Sud avait
été exclue de nombreuses compétitions sportives."
Est-ce au CRIF, dont l'UJRE est
membre fondateur, de prendre une
initiative de ce genre? Le texte est
flou, en ce qui concerne l'Afrique du
Sud, et il faudrait y regarder de plus
près.
A ma connaissance, l'Afrique du Sud
s'est exclue d'elle-même faute de
s'être conformée aux réglements qui
ne la visaient pas spécifiquement. Il
y a eu un boycott économique voté
par les Nations Unies. Qui au
demeurant :
1) n'a jamais été totalement appliqué
2) a créé des conditions de protectionnisme qui ont favorisé le développement de l'économie.
Même chose en Rhodésie.
NM
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5
Sharon, une vie de combat contre les Palestiniens
Dominique Vidal
Quelle place occupe Ariel Sharon dans l'histoire d'Israël ? Et en quoi son retrait de la vie politique marquera-t-il le Proche-Orient ? Journaliste au Monde
diplomatique, historien, auteur de plusieurs livres sur l'histoire du Proche-Orient (1), Dominique Vidal a accepté de répondre à nos questions.
PNM : Le retrait d'Ariel Sharon, a
fortiori son éventuel décès, vontils bouleverser le paysage israélien et proche-oriental ?
Dominique Vidal : Bien sûr,
comme c'est toujours le cas lorsqu'une personnalité majeure disparaît. Ariel Sharon est l'un des derniers
dirigeants
israéliens à avoir
été actif depuis la
guerre de 1948. Il a
pris part, entretemps, à tous les
conflits, voire en a
pris l'initiative comme l'invasion
du Liban en 1982.
Et, depuis 2001, il
dirige le gouvernement israélien.
Il est de bon ton de
le présenter comme
un homme de guerre devenu, par une
conversion récente,
un homme de paix. C'est un résumé
un
peu
rapide.
Indiscutablement, Ariel Sharon a
passé l'essentiel de sa vie à combattre les Arabes et, en particulier,
les Palestiniens. Il a longtemps
donné la priorité absolue à la force
pour atteindre son objectif : assurer le contrôle d'Israël sur l'ensemble de la Palestine mandataire,
et en particulier, à partir de 1967,
sur la Cisjordanie, qu'il a contribué
à coloniser massivement.
La vérité historique oblige à dire
qu'il n'a pas hésité devant le pire.
Les massacres des camps de Sabra
et Chatila, que son armée n'a pas
commis mais laissé perpétrer par
les Forces libanaises en septembre
1982, ne sont ni les premiers ni les
derniers : le nom d'Ariel Sharon
est associé à la tuerie du village
palestinien de Qibya, en 1953, à
l'assassinat de prisonniers de guerre égyptiens dans la passe de
Mitla, en 1956, aux exactions d'un
escadron de la mort dans la bande
de Gaza, en 1971 et à la reconquête sanglante de la Cisjordanie, en
2002 .
Cour internationale de justice avait
condamné la construction du mur,
et l'Assemblée générale des
Nations unies exigé, à une écrasante majorité, sa destruction. La
communauté internationale insistait sur l'application de la Feuille
de route du Quartet (2) , sommant
les deux parties de cesser
toute attaque
et Israël de
stopper toute
colonisation.
Principal
conseiller de
Sharon, Dov
We i s s g l a s s
explique alors :
"Le sens du
plan
de
désengagement
[de
Gaza] est le
gel du processus de paix.
Quand vous gelez ce processus de
paix, vous empêchez la création
d'un Etat palestinien et vous
empêchez une discussion sur les
réfugiés, sur les frontières et sur
Jérusalem ."
C'est exactement ce qui s'est
passé. En échange de l'expulsion
médiatisée de 8 000 colons de
Gaza et de quatre implantations
isolées de Cisjordanie, Ariel
Sharon a pu accélérer la colonisation de cette dernière - fin 2005,
La Paix maintenant y recensait près
de 250 000 colons, plus 200 000 à
Jérusalem-Est - ainsi que la
construction du mur. Il a pu du
même coup renvoyer aux calendes
toute négociation avec l'Autorité
palestinienne, se contentant d'envisager vaguement la création unilatérale d'un " Etat " sur la bande de
Gaza et la moitié de la Cisjordanie
à l'intérieur du mur. Or, non seulement la communauté internationale, y compris l'Union européenne
et la France, s'est bien gardée de le
critiquer, mais a cessé d'exiger
qu'Israël tienne sa part des engagements de la Feuille de route.
Mais c'est aussi l'homme du retrait
de Gaza ?
Mais les Palestiniens n'ont pas
non plus tenu leurs engagements ?
Bien sûr. Il faut se souvenir qu'en
2004, Israël était très isolé. La
Le chaos qui s'installe dans la
bande de Gaza et en Cisjordanie
est très inquiétant. Et l'Autorité
palestinienne en porte évidemment sa part de responsabilité.
Mais Israël n'a guère aidé
Mahmoud Abbas. A peine élu, il y
a un an, opposant à la militarisation de l'Intifada, le successeur de
Yasser Arafat a obtenu une trêve
de l'ensemble des organisations
palestiniennes, islamistes compris.
Et, grosso modo, celle-ci a été respectée. Mais, à part le retrait de
Gaza,
qu'ont
obtenu
les
Palestiniens en échange ? Ni l'arrêt
de la colonisation, ni celui de la
construction du mur, ni la levée
d'une partie des 700 barrages qui
les enferment dans leurs villes et
villages, ni l'amélioration de leurs
conditions de vie - la majorité vit
avec 2 dollars par jour !
Comment
voulez-vous
que
Mahmoud Abbas convainque ses
concitoyens que le choix de la
négociation était le bon, a fortiori
ait les moyens politiques de rétablir l'ordre ? Je crains que ce bilan
ne se reflète dans les résultats des
élections législatives du 25 janvier.
Les Israéliens aussi vont élire leur
Parlement, le 28 mars. Quelles
conséquences aura, sur leur vote,
la disparition d'Ariel Sharon ?
Nul ne peut, à ce jour (4), risquer
un pronostic sur le résultat de ce
scrutin. D'autant qu'à l'automne
dernier, Ariel Sharon avait provoqué un séisme politique en quittant
le Likoud pour créer son propre
parti, Kadima (En avant), dont il
n'a eu le temps ni de rédiger le
programme, ni de composer la
direction. Certains en concluent
que ce parti va disparaître avec lui.
Ce n'est pas impossible, si les rivalités entre ses successeurs l'emportent sur leur intérêt commun.
La société israélienne, depuis des
années, est schizophrène. D'un
côté, elle accepte majoritairement
la création d'un Etat palestinien, et
donc le retrait des territoires occupés comme le démantèlement des
colonies, même si les questions de
Jérusalem et des réfugiés demeurent des obstacles. De l'autre, ces
aspirations passent au second plan
derrière la priorité sécuritaire en
cas de forte tension, et notamment
d'attentats terroristes. Or l'évolu-
tion des derniers mois a brisé cette
schizophrénie. Si le retrait de Gaza
n'a pas, on l'a vu, fait progresser le
processus de paix, il a porté un
coup sans précédent au mythe du
" Grand Israël ". Et, parallèlement,
la réduction sensible d'actions
kamikazes - 45 Israéliens ont été
tués dans des actes terroristes,
contre 117 en 2004 - a changé le
climat politique. Si bien que les
préoccupations économiques et
sociales prennent le dessus, dans
un pays où la conjonction des politiques néo-libérales et du coût de
l'occupation ont mis à mal le
niveau de vie et de protection
sociale.
C'est pour répondre à toutes ces
attentes qu'Ariel Sharon a voulu se
doter d'un grand parti centriste, qui
devrait donc lui survivre.
D'ailleurs, les premiers sondages
promettent à Kadima sans Sharon
un résultat comparable à celui de
Kadima avec Sharon. Mais il va de
soi que Benyamin Netanyahou
s'efforcera de récupérer, à droite,
une partie des transfuges du
Likoud.
Et, de son côté, le leader travailliste Amir Peretz misera sans doute
sur la triple nouveauté de son profil - Juif marocain, syndicaliste
anti-libéral et partisan de longue
date de la paix - pour percer dans
les milieux populaires, et notamment parmi les Juifs orientaux.
Nous en saurons plus dans deux
mois.
Mais, quels que soient l'issue des
élections et le nouveau Premier
ministre, la réalité n'a pas changé :
seule la création négociée d'un Etat
palestinien aux côtés d'Israël, sur
l'ensemble des territoires occupés
en 1967 et avec Jérusalem-Est pour
capitale peut assurer la paix et, à
terme, l'insertion durable d'Israël
dans son environnement procheoriental.
(1) Voir notamment Alain Gresh et
Dominique Vidal, Les Cent clés du ProcheOrient, Hachette, Paris, 2003.
(2) Composé des Etats-Unis, de l’ONU, de
l’Union européenne et de la Russie.
(3) Haaretz, Tel-Aviv, 6 octobre 2004
(4) Interview du 10 janvier 2006
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Histoire
LES AUTEURS DE LA SOLUTION FINALE EN FRANCE
DEVANT LA JUSTICE ALLEMANDE
Lucien Steinberg
A
hrlrich Meyer, professeur
d'université et auteur de
plusieurs ouvrages consacrés à l'occupation allemande de la
France et à ses crimes, vient de
publier - en allemand - un nouvel
ouvrage intitulé Täter im
Verhör, qu'on peut traduire
par Interrogatoires des
auteurs - le sous-titre étant
La "solution finale" de la
question juive en France
1940-1944.
Il s'agit, en effet, des interrogatoires de nombreux acteurs de
la "solution finale" par devant des
magistrats d'Allemagne Fédérale.
Un Service Central des administrations judiciaires des Länder avait
été créé dans les années 1960, pour
coordonner les poursuites contre
les criminels nazis. Leur rôle en
France avait été attribué à une des
sections de ce service central.
Ahlrich Meyer traite dans son
livre des interrogatoires d'un
nombre conséquent d'hommes
ayant servi dans les SS, la Gestapo,
les diverses polices, l'administration militaire. Disons d'emblée que
"interrogatoire" n'est pas synonyme de jugement, encore moins de
châtiment. L'auteur n'indique pas
d'ailleurs qui a été condamné.
Disons donc que fort peu le furent
et que ceux qui le furent ont vite
été relâchés.
Leur lignes de défense ont été
étrangement semblables : Personne
n'a eu connaissance de l'assassinat
des déportés juifs, jusqu'à la chute
de l'Allemagne nazie. Très peu
admettent avoir entendu le nom
d'Auschwitz et ceux-là disent avoir
ignoré ce qui s'y passait. Même le
garde SS qui a "accompagné" plusieurs trains de déportés jusqu'à
Auschwitz même "n'a rien su de ce
qui s'y passait", tout en admettant
qu'il avait parfois éprouvé un certain malaise.
Le nommé Friedrich Merdsche
(sic), en poste à Dijon avant d'assumer les fonctions de Kommandeur
de la Police SS à Orléans, affirme
avoir éprouvé parfois quelques
interrogations sur le sort des Juifs
déportés - sans savoir au juste ce
qui pouvait leur être arrivé. Ce personnage a été condamné à mort par
un tribunal militaire français - mais
par contumace. En Allemagne,
plusieurs juridictions l'ont interrogé et, l'une après l'autre, ont pro-
noncé des non-lieu. Les magistrats
lui ont accordé le bénéfice du
doute.
Bon nombre de ces personnages se
sont défendus en invoquant des
témoignages de rescapés juifs. Ces
rescapés ont déclaré qu'ils
ignoraient où on les envoyait
et ce qui les attendait à
Auschwitz, ou dans d'autres
camps de la mort. Certains
avaient entendu des rumeurs,
véridiques le plus souvent,
sans y avoir vraiment cru - jusqu'à l'arrivée à Auschwitz.
Helmut Knochen, ancien chef de la
police de sûreté et du service de
sécurité, n'a pas hésité à me faire
part de son étonnement devant
l'ignorance des Juifs : comment
pouvaient-ils ne rien savoir, eux
qui avaient le meilleur réseau de
renseignements du monde ? Le
plus fort est qu'il se considérait
sincère.
Cette "sincérité" me semble
aujourd'hui moins évidente, quand
je lis dans le livre de A.M. que les
ci-devant "camarades" de Knochen
employaient ce même argument.
Comme il est décédé en 2003 (à
l'âge respectable de 93 ans), je ne
peux plus l'interroger.
Un autre élément caractéristique
de la frilosité de la justice allemande : bon nombre de ces personnages avaient sévi dans plusieurs
endroits et commis des crimes.
Ainsi le nommé Bilfinger, kommandeur à Toulouse (condamné à
une peine de prison en France et
vite relâché) avait été auparavant
proche collaborateur d'Adolf
Eichmann. Non-lieu ...
Ainsi le nommé Richard Eduard
Hartmann, kommandeur à Caen,
après avoir fait déporter des Juifs
de Cannes, avant d'assassiner les
résistants enfermés dans la prison
de Caen lors du débarquement
allié. Lui aussi avait été l’un des
assistants d'Eichmann. Là aussi,
plusieurs instances l'ont interrogé,
mais Hartmann est mort de sa belle
mort sans avoir été jugé.
Une des rares exceptions : le procès des nommés Karl Lischka,
Herbert
Hagen
et
Ernst
Heinrichsohn. Là, l'insistance et
les efforts acharnés de Serge
Klarsfeld ont abouti à la mise en
jugement de ces acteurs de la
"solution finale" en France. Ils ont
même été condamnés. L'immense
ETENDUE DE LA SHOAH ...
Quelques chiffres extraits de l’article AMNESIE ET AMNISTIE
de Georg Bönisch publié dans le
n° 2/2006 de notre confrère DER SPIEGEL
G
eorg Bönisch évalue le
nombre d'exécutants, planificateurs et exécutants de
la Shoah à 250 000 environ,
hommes et femmes. Il y en eut au
grand maximum 60 000 traduits
devant des tribunaux polonais,
yougoslaves,
tchécoslovaques,
israéliens.
Dans l'Allemagne de l'Est, il n'y en
eut que 12 291, à l'Ouest 6 498
seulement, dont un petit millier
pour des homicides; 438 d'entre
eux furent condamnés à la détention perpetuelle.
Mais bien vite la "guerre froide"
éclate. Les Alliés occidentaux estiment avoir besoin d'une armée
allemande . Les derniers procès de
criminels de guerre en zone américaine sont bâclés, les condamnés à des peines souvent dérisoires relâchés. Il n'en reste aucun en prison en 1954.
La France aussi libère "ses" criminels de guerre nazis, suite aux suggestions aussi amicales qu'insistantes du chancelier fédéral Konrad
Adenauer. Enfin, une loi autorise
ceux qui avaient changé de nom
pour échapper à la justice, à regulapublicité autour de ce procès,
oeuvre de Klarsfeld, a sûrement
contribué à leur condamnation.
Celà dit, ces personnages ont
retrouvé la liberté.
Personnellement, l'auteur de cette
chronique constate qu'aucune instance juridique ouest-allemande
n'a cru devoir condamner aucun de
ces personnages pour faux témoignage. Ahlrich Meyer mentionne
cependant un phénomène d'oubli
collectif et de refoulement - non
seulement chez ces criminels, mais
de la société allemande en tant que
telle. C'est peut-être un des éléments ayant permis la transformation de l'Allemagne en un pays
démocratique. C'est son opinion.
(1) Täter im Verhör. Die “Endlösung der
Judenfrage” in Frankreich 19401944.Wissenschaftlice Buchgesellschaft,
Darmstadt, 2005. 470 pages, dont 112
pages de notes.
riser leur situation. Il y eut aussi de
nombreux cas où des criminels se
sont faits passer pour morts, avant
de resurgir avec une nouvelle identité - et souvent d'épouser leurs soidisant "veuves" !
Ce qui permet au nommé "Bruno
Albrecht" d'être hospitalisé en
1957 à Darmstadt. Quand il décède, on s'apperçoit qu'il s'agissait de
Fritz Katzmann. Haut placé dans la
hiérarchie SS, Katzmann a commandé la mise à mort des 400 000
Juifs de Galicie.
Un autre cas: Anton Burger, proche
collaborateur d'Adolf Eichmann et
commandant du camp de
Theresienstadt (entre autres). Il
avait assumé au moins huit identités différentes. Il a été démasqué
sous l’identité de Wilhelm Bauer.
Non lieu : Wilhelm Bauer était
mort depuis deux ans et enterré au
cimetière de Essen....
On le savait, en gros, mais de
jeunes
historiens
allemands
fouillent les coins les plus sombres
du passé nazi.
On ne peut que leur souhaiter
BON COURAGE !
LA PRESSE NOUVELLE
Magazine Progressiste Juif
édité par l’U.J.R.E.
Comité de rédaction :
Lucien Steinberg, Jacques Dimet,
Bernard Frédérick,
Nicole Mokobodzki,
Tauba-Raymonde Staroswiecki
Roland Wlos
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Directeur de la Publication :
(Intérim Lucien STEINBERG)
Rédaction - Administration :
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LIVRES
L’ATTENTAT* de Yasmina Khadra
A
Avis de recherche
Camp d’internement de BEDEAU
u fil de ses livres Yasmina
Khadra s'affirme être un des
grands littérateurs francophones contemporains. On sait maintenant, que sous ce pseudonyme
(le nom de son épouse) se cache
l'ancien officier de l'armée algérienne Mohamed Moulessehoul.
Dans son pays saigné par les
crimes intégristes et la violence
d'Etat, il risquait, en effet, de
payer chèrement son indépendance d'esprit.
Depuis ses deux premiers romans Les
agneaux du seigneur (1958) et A quoi
rêvent les loups (1999), et après une
trilogie de romans policiers consacrés
à la dénonciation de la barbarie intégriste et de la corruption (Morituri,
Double blanc, L'automne des chimères), il révéla sa véritable identité
dans un récit autobiographique
L'écrivain. Par la suite il publia
L'imposture des mots et un roman rendant hommage aux femmes afghanes
L'Hirondelle de Kaboul.
Aujourd'hui avec L'attentat, le voilà à
Tel Aviv où le docteur Amine opère
sans discontinuer les innombrables
victimes d'un attentat atroce survenu
dans un restaurant bondé. Rentré chez
lui, dans un quartier huppé de Tel Aviv
le docteur Amine israélien d'origine
arabe est appelé d'urgence à l'hôpital.
Et là, stupeur, il découvre que le kamikaze qui avait dissimulé une bombe
sous une robe de grossesse était sa
femme.
A ce moment l'arabe israélien modèle,
chirurgien apprécié et respecté, redevient le fils du bédouin naturellement
suspect. Libéré, il veut comprendre ce
qui a pu pousser son épouse bien
aimée à ce geste, alors qu'il pensait
qu'elle était partie rendre visite à sa
famille. Lui dont le sens de l'existence
est voué entièrement à la vie ne peut
admettre que celle avec qui il croyait
partager les mêmes valeurs humanistes ait pu sacrifier la sienne pour
semer la mort. Face à cet acte inconcevable il a les réactions d'un mari
trompé. Il part alors pour les territoires
dans l'intention de remonter la piste
fatale et de démasquer les commanditaires du suicide. Là se révèle ce qu'il
avait oublié, trop préoccupé par sa
réussite sociale et son confort matériel.
De l'autre côté de la frontière après
d'interminables check points il
découvre un autre monde, un monde
de désolation. Lui qui conçoit qu'il n'y
a pas de bonheur sans dignité et
aucun rêve possible sans liberté, se
trouve devant une réalité ne laissant
aucune place à l'espoir. Face à ce
constat il mesure combien il est étran-
ger des deux côtés de la barrière.
Poursuivant ses investigations jusqu'à
Jenin, où il a vécu son enfance, Amine
rencontre un cousin éloigné, jeune
militant dont il voit clairement le
message mais en se sentant incapable d'y accéder.
Quelques heures plus tard les
bulldozers israéliens rasent la
maison de sa famille. Le jeune
homme vient à son tour de se
faire exploser. Abasourdi par ce
qu'il vient de découvrir, Amine tentera au sortir d'une mosquée d'approcher l'iman dont il soupçonne les
prêches d'avoir fanatisé sa femme,
Simon et le garçon…
En donnant à ce roman une dimension
exceptionnelle, Yasmine Khadra analyse avec colère cet énorme gâchis.
Dans l'Attentat, les terroristes sont
regardés comme des extraterrestres,
morts vivants, ayant renoncé à tout…
Entre blessure et culpabilité, l'auteur
dépeint la recherche d'un idéaliste
anéanti, de Bethléem à Jérusalem : Je
veux juste comprendre comment la
femme de ma vie m'a exclu de la sienne, comment celle que j'aimais comme
un fou a été plus sensible au prêche
des autres, plutôt qu'à mes poèmes.
Ce livre s'apparente à une véritable
tragédie antique avec son héros
confronté à des contradictions qui l'assaillent et le dépassent.
Dans son livre, Yasmina Khadra
donne la pleine mesure de son talent
pétri d'un humanisme lucide en faisant notamment référence à la devise
du père d'Amine, le personnage central de ce roman : Si tu pars du principe que ton pire ennemi est celui làmême qui tente de semer la haine
dans ton cœur tu auras connu la moitié du bonheur.
(*) L'attentat, Yasmina Khadra,
Ed.Julliard, 2005, 268 p., 18 .
Roland Wlos
Activités
Qi gong
Les stages d’arts internes chinois du
premier semestre 2006 auront lieu
chaque premier samedi du mois, de
10h à 18h. en salle Kenig, les :
7 janvier, 4 février, 4 mars,
1er avril, 6 mai et 3 juin.
Les amis de l'UJRE y sont
bien sûr toujours les bienvenus.
Contacter Serge Mairet au 06 74 49 63 00
Yoga
Les cours du lundi soir (19h à 21h)
ont repris le lundi 2 janvier.
Contacter François Forge : 06 14 27 29 47
Biographe travaillant sur le camp
d'internement de Bedeau, installé
en Algérie en 1942, 1943 sous
Giraud et la France libre, recherche
des témoins (en France et ailleurs)
susceptibles d'apporter leur contribution à l'écriture de cette page
d'histoire. La quasi majorité des
témoins ont aujourd'hui plus de 80
ans pour les plus jeunes, si votre
père est passé par ce camp mis en
place par l'armée française de
l'époque, nous devons conserver
son témoignage. Si vous avez des
documents à votre disposition
faites-en moi parvenir une copie
(carnets militaires, courriers familiaux).
Et si vous êtes passés par Bedeau,
nous avons besoin de votre témoignage pour que votre mémoire soit
conservée et que votre histoire soit
connue et enfin reconnue. Je
remercie tous ceux qui nous aideront à mettre en lumière cette histoire.
Paroles d'Hommes et de Femmes;
Frederic Praud 10 rue Lamblardie
75012 Paris 01 43 46 86 59 ou bien
06 32 53 16 06 frederic.praud.@wanadoo.fr
Sophie Schwartz et ... ?
Connaissez-vous cette photo ?
Pouvez-vous nous aider à préciser le
lieu où elle a été prise ? et de qui
Sophie Schwartz (2ème femme assise
en partant de la droite) est entourée ?
Si vous les avez connus, quels sont
leurs noms, leurs activités de
Résistance pendant la guerre ?
Merci de contacter la rédaction
(Tel 0147706216, fax : 0145239000)
car votre témoignage pourra ainsi
alimenter le dossier que nous
consacrerons au centenaire de
Sophie Schwartz.
PNM
Conférences
Centre MEDEM*
Mardi 24 janvier 2006 à 20h30
Dans les pas d’Hannah Arendt
Laure ADLER
Débat animé par Henri Stanke
Le 4 décembre 1975, Hannah
Arendt, une des grandes figures
intellectuelles du 20e siècle mourait.
Laure Adler, ancienne directrice de
France Culture, retrace la vie de
cette femme engagée pour les droits
de l’homme et penseuse de l’antitotalitarisme dans son livre paru
chez Gallimard.
Cette biographie nous éclaire également sur les relations amoureuses
d’Hannah Arendt, avec notamment
Martin Heideger.
Tél. : 01 42 02 17 08
MCY*
Le yiddish aux États-Unis
Cycle de 6 conférences
en français de Philippe Boukara
Mardi 10 janvier 2006 à 20h30
1. Les immigrations juives aux
États-Unis - leur histoire et leur
géographie. Deux milieux atypiques : agriculteurs et bandits
Mardi 31 janvier 2006 à 20h30
2. Les sociétés d'originaires et le
mouvement ouvrier. L'expérience de
la Kehila new-yorkaise (1908-1922)
P. A. F. Cycle de 6 conférences : 20 .
Membres: 15 . Une conférence: 4 .
Membres: 3 . Conférences gratuites
pour les personnes inscrites au cours
de yiddish.
(*) 52 rue René Boulanger Paris 10°
(*) Réservation souhaitable au:
8. PNM JANV 06 ok
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Bineml, le fils de rabbi Motele
Shloïmè Palant
Schloïmè Palant , né en 1888, à Przytyk, près de Radom, en Pologne, est mort à Paris en 1933. Il collaborait régulièrement, à la
revue yiddish paraissant à New York, “Freie Arbeiter Stimme”, l’organe des anarchistes. Nous reproduisons ci-dessous cet article paru en 1928,
à l’occasion du 6ème anniversaire de la mort de Bineml. Il y a quelques mois, cet article a été retrouvé dans la bibliothèque yiddish d’Amsterdam par une
jeune journaliste française. Sa traduction est dûe à Madame Batia Baum dont le père a été fusillé en France par les nazis. Nous remercions notre ami Charles Palant de
nous avoir transmis ce texte de son père que nous publierons sur deux numéros de la PNM.
tout ce qui est interdit : il travaille
devant lesquels tous fuient tels des
force secrète m'a poussé vers lui.
uel étrange pouvoir a le
le jour du shabbat, il lit des livres
lièvres apeurés. Je les suis un bout
Je suis allé à lui hardiment, comme
printemps. Une nuit de
profanes et des brochures, il parle
de chemin, je veux voir quelque
vers un vieil ami, la main tendue.
printemps, on va s'asseoir
contre l'empereur... Et tous savent
chose. Les gendarmes veulent l'emQuelques instants nous nous
seul sur un banc, dans un jardin, à
que celui-là est Bineml, le fils de
mener par une arrière-ruelle mais il
sommes regardés tous les deux,
contempler la lune faire sa ronde
rabbi Motele. Il est même allé pasleur explique que par là, il y a des
comme en un temps suspendu.
majestueuse et fière dans le vaste
ser tout un semestre à Lodz, à la
mares de boue et qu'il vaut mieux
Finalement il m'a demandé:
infini du ciel bleu, et l'on se sent
grande ville, et il n'y a pas longpasser devant, par le marché.
- C'est moi que vous saluez ou ma
tout chose. Une lancinante nostaltemps en effet qu'il est revenu...
Ils finissent par disparaître au loin.
libération?
gie vous étreint la poitrine et
C'est bien fait pour lui ! Il n'avait
J'ai balbutié à grand peine:
devant vos yeux défilent de loinqu'à ne pas propager de telles idées !
J'admire votre courage...
taines images et scènes vécues
Comment est-ce possible, pour un
J'ai encore dit quelques mots, cherdepuis longtemps oubliées, si poienfant juif ? C'est une honte, une
chant à lui exprimer mes sentignantes que le cœur se serre et pèse
honte pour tout le shtetl, et c'est
ments. Il m'a parfaitement comlourd à ne pouvoir le supporter. Et
pitié pour son père. Car ce n'est pas
pris, et m'a pris par le bras et
pourtant, on n'a aucune envie de
n'importe qui, Rabbi Motele ! Un
entraîné à marcher avec lui. Nous
partir. On voudrait rester ainsi pour
Juif si pieux, si scrupuleux !
avons marché tous deux longtemps
l'éternité, en cette humeur oppresComment va-t-il supporter pareille
à travers la verte campagne printasée et en même temps agréable et
honte !
nière, et il a beaucoup, beaucoup
plaisante. Et quand l'horloge vous
De tels propos circulent de bouche
parlé. Des mots nouveaux pour
rappelle qu'il est déjà très tard, au
à oreille. Tous sont là sur la place
moi, inconnus. Il m'a parlé de commoment de partir, vous avez l'imdu marché, et tous causent, pour se
bat et d'amour, d'esclavage et de
pression de laisser dans cette allée
réjouir ou déplorer...
liberté, d'exploitation et d'égalité. Et
silencieuse quelque chose de très
Mais tout à coup, on se met à couje comprenais si peu, j'entendais
proche et très cher, que l'on ne peut
Dos shtetl de Z. Tolkatshov
rir ! La plupart fuient chez eux,
seulement des phrases isolées, sans
emmener avec soi.
(Varsovie: "Dos naye lebn", l946.)
mais d'autres courent dans une
suite, sans lien, et pourtant chaque
Cela m'arrive bien souvent au prinFacsimiles des tableaux de Tolkatshov
autre direction, vers la ruelle non
mot, avec une force inconcevable,
temps. Aujourd'hui c'est à nouveau
Sholem Aleichem et personnages de son oeuvre
loin de la shule* où demeure Rabbi
me captivait et m'envoûtait.
le printemps et me voici toute la
Motele.
Je me suis senti totalement changé,
Il n'est pas resté longtemps en prijournée enfermé dans l'étouffante
Moi, je cours avec eux dans cette
désormais je ne suis plus le même
son. Les plus riches notables se
atmosphère de l'atelier. Mais sitôt
direction. Là-bas, au bout de la rue,
et ne pourrai plus être le même. Et
sont évertués à le faire libérer. Ils
le travail fini, je vais m'asseoir juson voit déjà luire les rangs de bouà chaque instant il me devient de
l'ont fait pour Rabbi Motele. Mais
qu'au cœur de la nuit dans un jartons dorés des uniformes. Je cours
plus en plus clair que c'en est fini
moi, plus rien d'autre ne m'intéresdin, à songer et penser. Je pense à
plus vite, je veux voir de mes yeux
de la vie que j'ai menée jusqu'ici, et
sait. Je ne pensais qu'à l'attitude de
bien des choses, mais surtout à ma
comment on l'emmène. Je me
que commence pour moi une vie
Bineml. A son calme, à ses yeux
vie écoulée, à tous mes jours et
pousse à travers la foule et jette un
nouvelle.
rayonnants. Non, un criminel ne
mes années disparus.
coup d'œil par un carreau dans la
Et cette nouvelle vie inconnue
peut se conduire ainsi, ai-je résolu.
Le soir est frais et il y a peu de
maison où sont déjà entrés les polim'attire et m'effraye à la fois, d'une
J'ai longtemps nourri ces pensées.
monde dans le jardin, si bien que je
ciers. Tout est renversé, sens desmême force. Et comme dans un
Tout le reste a commencé à me
ne suis dérangé par personne. Il me
sus dessous... La mère pleure, crie
brouillard, j'entends à présent les
paraître mesquin, absurde, sans
revient en mémoire des images de
et supplie. Le père n'est pas là, il
paroles de Bineml. Il me parle de
intérêt face à son attitude. Les
mon lointain passé, des événements
est comme toujours à la maison de
grands mouvements de masses, de
gens, tous petits, de minuscules
qui m'ont formé, ont changé ma vie
prière. Mais tout ce que je veux,
défilés cernés par la police, d'invermisseaux piètres et apeurés en
et scellé à jamais mon destin.
c'est voir Bineml, je veux voir
nombrables victimes et martyrs, de
regard de lui. J'ai perdu le repos,
A mes yeux se présente une scène
comment il pleure à présent...
ce beau monde nouveau qui va surj'avais sans cesse l'image de
qui s'est passée il y a vingt-cinq
Mais quoi, qu'est-ce que c'est ?
venir après la victoire finale de la
Bineml devant les yeux. Bineml et
ans, dans mon village natal. J'avais
Regardez comme il est calme ! Je
révolution. Et marchant ainsi
ses yeux brillants, son audace et
alors une quinzaine d'années.
m'approche de la fenêtre pour
ensemble, je me suis moi-même
son sourire fier, et une sorte de
Un combattant de la liberté
mieux voir et l'observe de plus
mesuré, j'ai mesuré mes forces et
force incompréhensible m'attirait
C'est le printemps. Vendredi soir.
près. Son visage est pâle, mais ses
mes capacités, et j'avais envie de
vers lui.
Tout le shtetl est sur pied. On se
yeux brillent, comme d'une lueur
pleurer en voyant que je n'étais pas
Je ne pouvais rester longtemps en
chuchote à l'oreille de l'un à l'autre.
de joie... Oui, je le vois clairement
en mesure d'aider à ce combat,
place. Il me manquait quelque
Tout le monde sait, et pourtant chasourire ! Il s'habille, met des habits
pour cela il fallait être Bineml et
chose, et je recherchais sans cesse
cun pense que c'est un secret... Sur
de ville, se peigne avec soin,
posséder sa stature, son poids et
ce "quelque chose". Sans savoir
les murs de la maison de prière, on
comme pour aller à un bal. Je l'enson courage.
moi-même ce qui me manquait et
a collé des tracts ! La police les a
tends prier sa mère de se tranquilliJe vous serai toujours reconnaisque je cherchais.
déjà arrachés. Qui sait ce qui va se
ser. Et quand il sort par la porte
sant ! - l'ai-je assuré, en tenant sa
Je suis resté un bon moment dans
passer maintenant ! Dans tout le
entre deux gendarmes, il salue en
main au moment de nous séparer...
cet état, jusqu'à ce qu'un jour, étant
shtetl, il n'en est qu'un dont on
souriant les badauds attroupés et
(suite au prochain numéro)
allé me promener hors du shtetl, je
parle depuis longtemps déjà, on dit
marche d'un pas fier au milieu de
rencontre Bineml. Il marchait seul,
(*) Shule : littéralement école. Lieu de
qu'il ne croit pas en Dieu et fait
son escorte d'accompagnateurs,
absorbé dans ses pensées. Une
prières, synagogue
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