Recyclage de débris de pare brise automobiles dans le béton
1. Recyclage de débris de
pare-brise automobiles
dans le béton
Auteurs :
Alex GRANDGIRARD
Stéphane CAZIN
2. Préface
Le présent article est le fruit d’une
collaboration de chercheurs de l’UFES,
Université Fédéral de l’Espírito Santo, et de
deux stagiaires de l’ESTP, Ecole Spéciale des
Travaux Publics. L’étude se déroule en
portugais et dans le cadre des normes
brésiliennes. S’adressant à un public français,
les auteurs signalent que l’article est écrit en
fonction des normes brésiliennes.
Introduction
Le secteur de la construction civile
occupe une place primordiale au sein de notre
société moderne. C’est en effet l’une des
activités les plus importantes en termes de
développement économique et social.
Malheureusement, ce secteur consomme de
grandes quantités de ressources naturelles et
d’énergie tout en générant de beaucoup de
résidus. Cependant, il possède aussi
l’étonnante capacité de pouvoir réutiliser les
déchets en les incorporant aux autres
matériaux de construction, notamment le
béton.
Une grande partie des études actuelles
visent à substituer partiellement une partie
du liant ou des agrégats par des matériaux
provenant de résidus industriels comportant
des caractéristiques pouzzolaniques. Elles ont
pour objectif de réduire le besoin en
extraction de matières premières pour la
production du ciment Portland tout en
permettant un recyclage adapté de ces
déchets.
Outre les avantages environnementaux
et économiques, ces ajouts permettent
d’améliorer certaines propriétés de la matrice
cimentaire. En effet, ils sont directement liés à
la production de béton à hautes
performances. Cela est dût à la formation de
silicate de calcium hydraté (C-S-H), un
élément responsable de la haute résistance de
la pâte de ciment. Cette substitution permet
aussi l’occupation des espaces vides par de
petites particules de résidus, minimisant la
perméabilité et par conséquent augmentant la
durabilité.
Le verre est un matériau qui peut se
recycler indéfiniment, sans altération de ses
caractéristiques. Mais lorsque différents types
de fragments de verre sont mélangés, la
disparité des compositions chimiques rend ce
matériau impropre au recyclage. Cependant,
plusieurs entreprises se sont penchées sur
l’utilisation du verre dans le béton car ce
matériau possède certaines caractéristiques
pouzzolaniques dues à l’existence d’une
grande quantité de silices amorphes dans sa
composition.
Préparation et analyse du résidu
Dans cette étude le résidu de verre
feuilleté (noté RVF) utilisé provient d’une
usine de recyclage de pare-brise automobiles
située à São Paulo. Il s’agit d’un verre
composée de deux plaques planes (ou plus) de
verre reliées par un film de polyvinyle de
butyral (PVB) durant le processus de
laminage. Le recyclage d’un tel type de verre
s’effectue par broyage au cours duquel la
quasi-totalité du PVB est séparée du verre.
Cependant, de petites particules de PVB
restent accolées au verre écrasé limitant sa
réutilisation dans l’industrie verrière. Ces
échantillons ont été reçus au laboratoire de
matériau de construction de l’UFES.
Le résidu est homogénéisé puis
conservé dans une cuve pendant 24 heures
pour être enfin réduit en poudre par
échantillons de 50g à l’aide d’un moulin à
anneaux durant 40 secondes. Des tests
normalisés ont permis de déterminer les
3. caractéristiques suivantes du RVF : une masse
spécifique de 2,31 g/cm3 et une surface
spécifique de 9051,42 cm2/g
Pour toutes les expériences suivantes,
il fût utilisé du ciment CEM V à haute
résistance initiale bien que la norme NBR
5752 préconise l’usage de ciment CEM I, non
disponible lors des essais. Ce choix a été fait
au regard de la moindre teneur en additifs du
CEM V.
Essais physico-chimiques
L’indice d’activité pouzzolanique du
RVF fût déterminé suivant les normes NBR
5751 en ce qui concerne la chaux et NBR 5752
en ce qui concerne le ciment Portland. Les
résultats obtenus seront analysés en
comparaison avec la norme NBR 12653 pour
confirmer ou infirmer la viabilité technique de
l’utilisation de ce résidu comme matériau
pouzzolanique en remplacement partiel du
ciment Portland dans le béton.
Indice d’activité pouzzolanique avec la
chaux
La chaux utilisée est de type CH I et de
masse spécifique 2,23 g/ cm3 conformément à
la norme NBR 5751. Le mortier est préparé en
substituant 67,4% de la chaux par du RVF.
Matériau Valeurs
CH I 104 g
Résidu de verre feuilleté 215,46 g
Sable Normal 936 g
Eau 190 g
cohérence 230 mm
Tableau 1 Composition du mortier de chaux
Trois spécimens ont été moulés puis
curés pendant 7 jours. Ils sont restés à une
température de 23±2 °C durant les premières
24 heures puis à une température de 55±2°C
durant les 144 heures suivantes et ce jusqu’à
4 heures avant l’essai de rupture en
compression. Les résultats de ces essais ont
permis de calculer une valeur moyenne de
résistance à la compression axiale de 2,11
MPa, avec un écart-type de 4,55%. Cependant
la norme NBR 12653 stipule que la résistance
des éprouvettes doit atteindre au minimum 6
MPA au bout de 7 jours. Aucun des
échantillons d’essai n’a atteint cette valeur.
Ainsi le RVF, mélangé à la chaux, n’est pas un
matériau pouzzolanique satisfaisant.
Indice d’activité pouzzolanique avec du
ciment
Pour ce test, il a été préparé un
premier mortier de référence sans
substitution, et un second avec 35% en
volume de ciment substitué par du RVF.
Matériau mortier
témoin (g)
mortier avec
résidu (g)
Ciment Portland 312 202,8
Matériau
pouzzolanique
- 82,71
Sable Normal 936 936
Eau 159,63 159,69
Tableau 2 Composition des mortiers de ciment
Six spécimens ont été
préparés conformément à la norme NBR
5752 ; trois à partir du mortier témoin et trois
à partir du mortier avec résidu. Les valeurs
moyennes de résistance à la compression à 28
jours sont répertoriées dans la table suivante.
Echantillon Resistance
moyenne (MPa)
Ecart-type
relatif (%)
Eau requise
(%)
Mortier
témoin
11,14 0,93 100
Mortier avec
résidu
9,62 3,9 100,04
Tableau 3 Moyennes des essais pouzzolaniques avec le
ciment Portland
4. La quantité d’eau nécessaire à la
préparation des deux mortiers étant presque
égale, elle n’est pas responsable de la
différence entre les résistances moyennes.
Selon la norme NBR 12653, pour que
les résidus de verres feuilletés soient
considérés comme matériau pouzzolanique
pour l’essai, l’indice d’activité pouzzolanique
doit être supérieur à 75%. Les tests ont
permis de calculer un indice de 86,36%. Ainsi
un mortier de ce type pourrait constituer une
solution viable d’utilisation du RVF, alliant
performance et recyclage. Cependant, d’autres
caractéristiques doivent encore être testées.
Essais mécaniques
Afin de pouvoir utiliser le RVF dans la
construction, il faut maintenant déterminer de
quelle façon il affecte les propriétés
mécaniques du béton. Les tests ont été
réalisés à partir du béton de référence
suivant.
Matériau Quantité (Unité de volume)
Ciment 1
Eau 0,53
Sable normal 1,96
Gravillon (diamètre 19mm) 2,63
Tableau 4 Composition du béton de référence
Quatre bétons ont été préparés ; un
béton témoin sans substitution et 3 bétons où
l’on a remplacé 5%, 10%, et 15% en volume
de ciment Portland par du RVF. Six
échantillons de chacun de ces bétons ont été
soumis à des tests normalisés au bout de 3, 7
et 28 jours. Les carottes ont été moulées
suivant la norme NBR 5738 et ont été
conservées en chambre humide. Les essais
mécaniques ont été réalisés suivant le
protocole décrit dans la norme NBR 5739.
Les résultats des essais de
compression ont permis de réaliser le
graphique suivant.
Graphique 1 Valeurs moyennes de résistance en
compression
On remarque que les bétons substitués
à 5% et 10% subissent une évolution de leur
résistance proche de la normale, bien
qu’inférieure en valeur de l’ordre de
respectivement 6,67% et 7,07%. Le béton
substitué à 15% voit quant à lui son évolution
stoppée au bout de 7 jours. La résistance
acquise au bout des 28 jours est inférieure de
26,66% à la normale, ce qui est faible et donc
limite grandement ses utilisations dans le
BTP.
D’autres tests ont montré que la
résistance en traction n’est quant à elle pas
fondamentalement modifiée par l’ajout de
RVF. Ce ne sera donc pas un facteur
déterminant quant à savoir si un tel béton est
viable ou non pour l’industrie du bâtiment.
Conclusion
Les résultats obtenus jusqu’à
maintenant indiquent que l’utilisation du RVF
en tant que matériau pouzzolanique est
possible, mais que les proportions de
substitution admissibles restent à priori
limitées. Cela laisse donc entrevoir une réelle
nouveauté concernant le traitement des
5. débris de verre de l’industrie automobile. Ceci
permettrait une réutilisation utile et
respectueuse de l’environnement de ce
déchet. D’autres tests devront néanmoins être
effectués afin de confirmer la viabilité d’une
utilisation à grande échelle des résidus de
verre feuilleté dans le béton.
Remerciements
Les auteurs remercient le programme
BRAFITEC-CAPES pour leur avoir permis de
rejoindre l’équipe de chercheurs composée
de : L.S. Jordoni et A.S. Sauer, doctorantes en
génie civil ; ainsi que de F.A. Tristão, J.L.
Calmon et G.L. Vieira, professeurs du
département de génie civil.
Annexes
Toutes les normes utilisées sont issus
de L’Association Brésilienne des Normes
Techniques (Associação Brasileira de Normas
Técnicas – ABNT).
NBR 5738 : Moulage et cure d’échantillons
cylindriques ou prismatiques de béton.
NBR 5739 : Béton – Essai de compression
d’échantillons cylindriques.
NBR 5751 : Matériaux pouzzolaniques –
Détermination de l’indice d’activité
pouzzolanique avec la chaux.
NBR 5752 : Matériaux pouzzolaniques –
Détermination de l’indice d’activité
pouzzolanique avec le ciment Portland.
NBR 12653 : Matériaux pouzzolaniques –
Spécifications.