La dépendance est un sujet majeur pour notre société
1. La Dépendance un sujet majeur pour notre société
La dépendance est un sujet majeur pour notre société. Chacun
d'entre nous connaît les difficultés que provoquent l'âge ou les
infirmités, tant pour les personnes concernées que pour leur
famille. Il est aujourd'hui de notre responsabilité d'apporter des
réponses crédibles et je salue l'engagement du président de la
République et du premier ministre de faire de cette question une
priorité de l'action du gouvernement. Il est temps qu'en France,
nous ayons un vrai débat afin de définir, ensemble, dans la
concertation, le système qui garantira à chacun le droit de vieillir
dans la dignité et dans de bonnes conditions sanitaires. La grande
consultation nationale annoncée par le président de la République
doit être comprise comme un véritable moment citoyen.
Quels sont les termes du débat? La France fait face à une
évolution démographique inédite et particulièrement préoccupante
au regard de l'équilibre de ses comptes sociaux. 23% de la
population française est âgée de plus de 60 ans. En 2050, ce sera
près d'un tiers de la population. Cette évolution a un impact direct
sur l'accroissement des situations de dépendance. C'est un
phénomène nouveau, qui appelle des réponses nouvelles. Toutes
les idées sont-elles bonnes à prendre ? Oui, pour peu qu'on
regarde la réalité en face. La dépense publique liée à la
dépendance est d'ores et déjà de 22 milliards d'euros, ce qui
correspond à plus de 1,1% du PIB. Dans les prochaines années,
nous serons à 30 milliards. Ces financements s'inscrivent
désormais dans un contexte de dégradation de nos finances
publiques que nous connaissons tous. Nous avons une dette
publique de 1 500 milliards d'euros malgré un taux de
prélèvement obligatoire parmi les plus élevés des pays
industrialisés. La crise économique a fragilisé tous les équilibres.
Nous avons connu la plus grosse crise depuis 1929 sans pour
autant pratiquer la même politique de rigueur que les autres pays.
Pourtant, on ne peut plus continuer à laisser la dette se creuser de
2. façon totalement irresponsable. Les exemples de la Grèce et de
l'Irlande sont là pour nous le rappeler !
Il nous faut donc prévoir dès maintenant des solutions qui
prennent en compte notre démographie, notre situation financière
réelle, et notre attachement à un niveau de protection sociale
élevé.
C'est dans cet esprit que la commission des affaires sociales de
l'Assemblée nationale m'a confié la présidence d'une mission
d'information. Les travaux ont été conduits dans un esprit
d'ouverture et de recherche de propositions crédibles pour
accompagner et financer la dépendance. Car l'objectif n'était pas
d'élaborer une solution unique et définitive, mais d'explorer le
champ des possibles.
La presse ne s'est fait l'écho que d'un nombre restreint de
propositions - et notamment de celle relative à l'assurance
obligatoire -, ce que je regrette, car la démarche avait une
ambition bien plus large.
J'ai souhaité notamment mettre l'accent sur la prévention, qui,
jusqu'à présent, a été délaissée dans notre pays. Car prévenir, c'est
reculer l'âge de la dépendance. Je pense que la mise en place d'une
consultation obligatoire à partir de 50 ou 60 ans, pour dépister les
risques de dépendance intellectuelle ou physique, est une priorité.
Il est également indispensable d'encourager le recours aux
nouvelles technologies, et le grand emprunt national devrait
permettre de financer des actions de recherche-développement sur
les technologies d'aide à l'autonomie.
Mais surtout, nous savons tous que le système actuel de
compensation de la perte d'autonomie n'est plus satisfaisant.
Nous avons à faire face à une véritable situation d'inéquité
territoriale entre les départements. En fonction des choix
politiques des conseils généraux, des différences importantes sont
constatées dans la gestion des plans d'aide. Ces différences ne sont
3. pas acceptables sur le territoire de la République et ne sont plus
comprises par nos concitoyens. La question du reste à charge se
pose elle aussi cruellement pour les personnes âgées et pour leurs
familles, et doit être prise en compte. De même, les outils
d'évaluation de la dépendance demandent à être revus.
Nous le comprenons bien, la dépendance soulève un nombre
important de questions au sujet desquelles j'ai formulé des
propositions visant à alimenter le débat et à éclairer nos choix. Le
recours à une assurance obligatoire universelle garantie par l'Etat
ne représente qu'une piste possible parmi d'autres. J'ai cherché à
trouver une voie de passage dans un contexte financier difficile.
Quant à la sécurité sociale, je souhaite rappeler que les
ordonnances de 1945 ont établi quatre branches: la maladie, la
famille, la retraite et les accidents du travail. Il n'y a jamais eu de
prise en compte du risque dépendance, et pour cause, la
dépendance correspond à une évolution récente de notre
démographie. Il ne s'agit donc pas de remettre en cause l'une ou
l'autre des branches existante de la sécurité sociale, mais
d'inventer les réponses nouvelles à apporter à un problème
nouveau. Pour l'instant, il nous faut travailler à une réponse
effective et responsable, afin d'éviter de créer un dispositif sans
possibilité de financement comme Lionel Jospin l'a fait pour
l'APA (Allocation personnalisée d'autonomie).
Valérie ROSSO-DEBORD
Mediapart décembre 2010