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UNIVERSITE DE GRENOBLE
Sciences Po Grenoble
Sarah VOIRIN
LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE : UN
CHAMP D’ACTION POUR L’ADAPTATION AU
CHANGEMENT CLIMATIQUE.
2014
Master 2 Organisations Internationales
Sous la direction de M. Stéphane Labranche
UNIVERSITE DE GRENOBLE
Sciences Po Grenoble
Sarah VOIRIN
LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE : UN
CHAMP D’ACTION POUR L’ADAPTATION AU
CHANGEMENT CLIMATIQUE.
2014
Master 2 Organisations Internationales
Sous la direction de M. Stéphane Labranche
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Stéphane Labranche, mon directeur de mémoire, pour sa
disponibilitĂ©, son aide et ses conseils qui m’ont permis de rĂ©aliser ce travail. Son appui a
été fondamental pour cadrer mon analyse.
Je tiens Ă©galement Ă  souligner l’accompagnement que m’ont fourni les membres de
l’Observatoire national sur les effets du rĂ©chauffement climatique (ONERC), et en
particulier Sylvain Mondon, mon directeur de stage, pour sa disponibilité et sa patience.
Ses rĂ©flexions critiques et constructives m’ont aidĂ© Ă  concevoir mon mĂ©moire.
Ce stage n’aurait pas eu lieu sans que Nicolas BĂ©riot accepte ma candidature, et pour
cela je le remercie.
Pour realiser les entretiens qui alimentent ce memoire, j’ai sollicite de nombreuses
personnes, qui m’ont accorde leur temps et partage leurs informations. Un grand merci a
Maïté Fournier, Sarah Tiefenauer, Mohamed Boulahia, Michel Aldon et Chantal
Andrianarivo.
Je remercie egalement les membres du Departement de lutte contre l’effet de serre pour
leur accueil, et particulierement Claire Bergé pour ses encouragements.
Pour la qualite et la sympathie de nos echanges, je veux remercier Marie-Pierre MĂ©ganck
et FrĂ©dĂ©ric Schafferer du MinistĂšre de l’écologie, du dĂ©veloppement durable et de
l’énergie.
Je souhaite remercier HĂ©lĂšne Desbieys pour son appui et sa bonne humeur lorsque nous
Ă©tions toutes les deux en stage Ă  l’ONERC.
Je remercie Ă©videmment tous mes proches pour leur soutien dans cette belle aventure.
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE.................................................................................................................................. 6
CHAPITRE 1 : COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE, UNE DIMENSION PERTINENTE POUR
L’ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE ?......................................................................................18
CHAPITRE 2 : APPROCHE EMPIRIQUE DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE POUR
L’ADAPTATION À TRAVERS TROIS ÉTUDES DE CAS...................................................................................30
SECTION 1 : LE BASSIN DE LA MEUSE..................................................................................................................................... 31
SECTION 2 : LE BASSIN MÉDITERRANÉEN..............................................................................................................................40
SECTION 3 : LES ÎLES DE L’OUEST DE L’OCÉAN INDIEN........................................................................................................47
CHAPITRE 3 : ENSEIGNEMENTS POUR ENRICHIR UN PROCESSUS EN DEVENIR................................53
CONCLUSION GÉNÉRALE..................................................................................................................................... 62
BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................................................... 66
ANNEXES ................................................................................................................................................................. 78
Annexe 1 - PrĂ©sentation des missions de l’ONERC..................................................................................................................................79
Annexe 2 - La dĂ©marche d’adaptation de l’Union EuropĂ©enne..........................................................................................................81
Annexe 3 - Étude comparĂ©e des processus d’adaptation au changement climatique dans les pays de l’espace
européen (printemps 2014)...............................................................................................................................................................................89
Annexe 4 - Listes des personnes ayant contribué à ma réflexion..................................................................................................100
TABLE DES MATIÈRES....................................................................................................................................... 102
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
4
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. La Nécessité des Politiques Climatiques
a)L’adaptation au changement climatique : une politique climatique nouvelle.
L’adaptation au regard du changement environnemental n’est rien de nouveau. Les
individus et les systÚmes socio-écologiques ont toujours répondu aux pressions
extérieures. Mais le changement climatique apporte un défi particulier : celui de pouvoir
anticiper les phĂ©nomĂšnes climatiques. C’est pour cette raison que la comprĂ©hension de
l’adaptation au changement climatique est un dĂ©fi critique de notre Ă©poque. L’adaptation
est ici conçue comme un phénomÚne dynamique, comme un processus plutÎt que comme
un statut. En effet, un individu ou une organisation peuvent ĂȘtre bien adaptĂ©s Ă  un
moment particulier dans l’histoire, mais le dynamisme du changement climatique requiert
une adaptation qui puissent co-Ă©voluer avec lui. Le changement climatique n’est plus une
menace extĂ©rieure, mais un Ă©lĂ©ment intime de l’histoire humaine, Ă  la fois consĂ©quence et
moteur des décisions prises en matiÚre de développement par les individus, les
organisations et les gouvernements. Ce qui suggĂšre qu’il est nĂ©cessaire d’anticiper les
impacts du changement climatique1
. Nous devons dĂšs aujourd’hui rĂ©flĂ©chir Ă  la maniĂšre
d’adapter notre sociĂ©tĂ© au changement climatique car, malgrĂ© les efforts pour rĂ©duire les
émissions de gaz à effet de serre, des changements profonds sont désormais
inĂ©luctables, du fait de la concentration actuelle de gaz Ă  effet de serre dans l’atmosphĂšre
et de l’inertie du systùme climatique2
.
L’adaptation Ă  la variabilitĂ© et au changement climatique est dĂ©finie par le Groupe
d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) comme « l’ajustement des
systÚmes naturels ou humains en réponse à des stimuli climatiques ou à leurs effets, afin
d’attĂ©nuer les effets nĂ©fastes ou d’exploiter des opportunitĂ©s bĂ©nĂ©fiques »3
. En somme,
1
PELLING, Mark. Adaptation to climate change : from resilience to transformation. Londres : Routledge,
2011. 224 p.
2
Observatoire National sur les Effets du RĂ©chauffement Climatique. L’adaptation de la France au
changement climatique, rapport annuel au Premier Ministre et au Parlement, 2011.
3
Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat. TroisiĂšme rapport d’évaluation, rapport du
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
5
l’adaptation a pour but de rĂ©duire la vulnĂ©rabilitĂ© Ă  la variabilitĂ© climatique et au
changement climatique. La vulnérabilité à la variabilité et au changement climatique est
dĂ©finie par le GIEC comme « le degrĂ© auquel un systĂšme risque de subir ou d’ĂȘtre affectĂ©
négativement par les effets néfastes des changements climatiques ». La vulnérabilité au
changement climatique est la rencontre de l’exposition d’un territoire aux impacts du
changement climatique et de la sensibilitĂ© d’une sociĂ©tĂ© telle qu’elle ne peut empĂȘcher ces
impacts de créer des dommages sociaux, économiques ou environnementaux. La
vulnérabilité au changement climatique est donc à la jonction entre des facteurs naturels
et des facteurs anthropiques (Ă©conomiques, sociaux, culturels, politiques). L’exposition
correspond à la nature et au degré auxquels un systÚme est exposé à des variations
climatiques significatives sur une certaine durée. Les variations du systÚme climatique se
matĂ©rialisent par des Ă©vĂ©nements extrĂȘmes tels que des inondations, des tempĂȘtes ainsi
que l’évolution des moyennes climatiques. La sensibilitĂ© au changement climatique fait
référence à la proportion dans laquelle un élément exposé (collectivité, organisation
) au
changement climatique est susceptible d’ĂȘtre affectĂ© favorablement ou dĂ©favorablement
par la manifestation d’un alĂ©a. L’alĂ©a au sens large constitue un phĂ©nomĂšne, une
manifestation physique ou une activitĂ© humaine susceptible d’occasionner des dommages
aux biens, des perturbations sociales et Ă©conomiques voire des pertes en vies humaines
ou une dĂ©gradation de l’environnement4
. La vulnérabilité au changement climatique
apparaĂźt donc comme le degrĂ© par lequel un systĂšme risque d’ĂȘtre affectĂ© nĂ©gativement
par les effets des changements climatiques sans pouvoir y faire face. En cas de période
de forte chaleur, la vulnĂ©rabilitĂ© d’un territoire dĂ©pend de son degrĂ© d’exposition Ă 
l’augmentation des tempĂ©ratures ; de ses caractĂ©ristiques socio-Ă©conomiques telles que la
présence de populations fragiles, les personnes ùgées, par exemple, qui vont conditionner
sa sensibilitĂ© Ă  l’alĂ©a chaleur ; et de sa capacitĂ© d’adaptation, c’est-Ă -dire des systĂšmes de
prĂ©vention mis en place et de l’accĂšs aux Ă©quipements d’urgence.
Il existe deux types d’adaptation. La premiĂšre est rĂ©active ou spontanĂ©e, il s’agit d’une
rĂ©action aux impacts du changement climatique aprĂšs qu’ils se soient produits. La
seconde est anticipative et consiste Ă  agir avant que les Ă©volutions climatiques ne se
produisent, afin de rĂ©duire les vulnĂ©rabilitĂ©s des territoires. Dans ce dernier cas, il s’agit
d’une adaptation qui rĂ©sulte de dĂ©cisions stratĂ©giques dĂ©libĂ©rĂ©es, fondĂ©es sur une
Groupe de Travail II : « Impacts, Adaptation et Vulnérabilité », 2001.
4
Agence de l’environnement et de la maĂźtrise de l’énergie. Diagnostic de vulnĂ©rabilitĂ© d’un territoire au
changement climatique. ÉlĂ©ments mĂ©thodologiques tirĂ©s de l’expĂ©rience internationale, 2012.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
6
perception claire des conditions qui pourront changer.
L’acceptation de la notion d’adaptation s’est dĂ©roulĂ©e en plusieurs Ă©tapes, avec des
tensions et demeure encore floue. Elle fut d’abord le fruit d’un consensus scientifique, puis
d’un consensus politique. L’adaptation apparaüt formellement pour la premiùre fois dans le
DeuxiĂšme rapport d'Ă©valuation du GIEC en 1995. Le rapport conclut en Ă©bauchant la
portĂ©e du soutien nĂ©cessaire pour l’adaptation. Il soutient qu’une adaptation efficace
dépend de la disponibilité des ressources financiÚres, du transfert de technologies, des
pratiques culturelles, éducatives, managériales, institutionnelles, légales, réglementaires
intĂ©rieures et internationales. Ensuite l’adaptation entre dans le cadre des nĂ©gociations
internationales sur le climat. Les années 2000 ont vu la montée en puissance de la notion
d’adaptation. Progressivement les gouvernements ont accordĂ© plus d’attention Ă 
l’anticipation des changements climatiques, face Ă  l’incapacitĂ© de la communautĂ©
internationale Ă  adopter un accord international suffisamment contraignant pour limiter les
Ă©missions de gaz Ă  effet de serre, alimentant le changement climatique. En 2005, le
Programme de travail de Nairobi est adoptĂ© pour aider les États parties Ă  la Convention
Cadre des Nations Unies pour le changement climatique (CCNUCC), et surtout les pays
en développement, à améliorer leur compréhension et leur évaluation des impacts et de
leur vulnĂ©rabilitĂ© au changement climatique ainsi qu’à prendre des dĂ©cisions avisĂ©es sur
les actions et mesures concrĂštes d’adaptation. En 2009, la ConfĂ©rence des Parties de
Copenhague reconnaĂźt la nĂ©cessitĂ© d’amĂ©liorer l’action en matiĂšre d’adaptation pour
réduire la vulnérabilité et construire une résilience dans les pays en développement et
surtout dans les pays les plus vulnérables. Enfin, en 2010, en créant le Fonds Vert pour le
Climat, la ConfĂ©rence des Parties de CancĂșn offre un vĂ©ritable cadre pour l’adaptation
avec pour objectif de mettre en valeur l’action en matiùre d’adaptation et un focus
spécifique sur les pays en développement, et pour inciter les pays les moins avancés
(PMA) à formuler des plans d’adaptation nationaux (PANA).
b) Adaptation et Atténuation : deux politiques pour lutter contre le changement climatique.
Pour limiter les impacts négatifs du changement climatique, on peut soit réduire les
Ă©missions de gaz Ă  effet de serre (attĂ©nuation), soit s’adapter aux changements du climat
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
7
(adaptation). Ces deux types de politiques climatiques n’ont cependant pas Ă©tĂ© traitĂ©es de
maniĂšre symĂ©trique, l’adaptation au changement climatique ayant Ă©tĂ© longtemps relĂ©guĂ©e
au second plan dans le débat sur le changement climatique. Ce déséquilibre traduit à la
fois les difficultĂ©s que soulĂšve l’adaptation, comme le traitement de l’incertitude sur les
impacts futurs du changement climatique, par exemple, et la volontĂ© d’esquiver la
discussion sur l’adaptation, perçue par certains acteurs comme une solution infĂ©rieure, car
n’agissant que sur les consĂ©quences du changement climatique et non sur ses causes,
voire comme une solution dangereuse, car risquant de freiner la discussion sur
l’attĂ©nuation5
.
De fait, on oppose souvent la gouvernance de l’adaptation Ă  celle de l’attĂ©nuation en
considĂ©rant que l’adaptation, qui tente de rĂ©duire les consĂ©quences du changement
climatique, est un enjeu de politique publique nationale alors que l’attĂ©nuation, qui agit sur
les causes du changement climatique, serait le seul enjeu qui ne pourrait se résoudre que
dans un cadre de coopération internationale.
A priori, les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre d’origine anthropique contribuant au
changement climatique étant produites par tous les pays, leur atténuation devrait passer
par un effort collectif au niveau mondial. Et, le changement climatique ayant des impacts
au niveau local, l’adaptation devrait se rĂ©soudre individuellement au niveau national.
En rĂ©alitĂ©, chercher Ă  rĂ©duire sa vulnĂ©rabilitĂ© individuellement Ă  l’échelle nationale peut
conduire Ă  des formes de mal-adaptation sur son territoire comme au-delĂ  des frontiĂšres.
Pour s’adapter aux effets du changement climatique il peut alors devenir nĂ©cessaire de
coopérer avec les autres pays.
2. Les barriùres à l’adaptation et les risques de mal-adaptation.
S’il est clair qu’il faut commencer dĂšs maintenant Ă  penser Ă  adapter nos sociĂ©tĂ©s
au changement climatique, il n’est pas question d’agir avec prĂ©cipitation, sinon cela
5
HALLEGATTE StĂ©phane, LECOCQ Franck, DE PERTHUIS Christian. Economie de l’adaptation au
changement climatique, rapport du Conseil Economique pour le DĂ©veloppement Durable, 2010.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
8
risquerait d’engendrer de la « mal-adaptation ». Jared Diamond essaye de montrer dans
ses travaux que l’adaptation spontanĂ©e des sociĂ©tĂ©s est insuffisante6
. On ne peut pas se
contenter d’une adaptation rĂ©active. Il faut une adaptation prĂ©ventive et mĂȘme
transformatrice. C’est dans ce sens que Mark Pelling analyse la dimension sociale de
l’adaptation au changement climatique7
. Il tente de nous montrer que jusqu’ici l’adaptation
a Ă©tĂ© pensĂ©e comme l’identification de ce qui doit ĂȘtre prĂ©servĂ© et ce dont on peut se
passer plutĂŽt que comme ce qui peut ĂȘtre rĂ©formĂ© et ce que l’on peut gagner grĂące Ă 
l’adaptation. Il nous prĂ©vient contre le fait que les politiques et pratiques de l’adaptation ne
se rĂ©duisent Ă  la recherche de la prĂ©servation d’un noyau Ă©conomique plutĂŽt que
permettant d’encourager la prospĂ©ritĂ© des dĂ©veloppements culturels, sociaux aussi bien
qu’économiques. Il s’agit de comprendre l’adaptation comme un acte social et politique, un
acte particuliÚrement contemporain, qui porte en lui la possibilité de donner une nouvelle
forme au futur et aux relations de pouvoirs dans la société. Mark Pelling se réfÚre à Paulo
Freire8
qui nous met en garde sur le fait que sans une conscience critique, l’adaptation
risque de ne se limiter qu’à des efforts qui ne promeuvent que des actions pour survivre
mieux avec, qu’à chercher à changer les structures sociales et politiques. Ainsi la forme la
plus Ă©vidente de mal-adaptation au changement climatique est une adaptation prenant la
forme d’une rĂ©sistance Ă  un nouvel Ă©vĂ©nement qui survient et, par la mĂȘme, d’une
adaptation conservatrice en tant que volonté de retour à un état initial. La tentation de
s’adapter Ă  un changement de situation actuel sans penser Ă  l’évolution potentielle de
cette situation sur le long terme est si forte et paraüt si naturel qu’il convient d’adresser le
problĂšme de la mal-adaptation.
La mal-adaptation est définie par le GIEC comme « un changement opéré dans les
systĂšmes naturels ou humains qui font face au changement climatique et qui conduit - de
maniÚre non intentionnelle - à augmenter la vulnérabilité au lieu de la réduire »9
. En ce
sens, la mal-adaptation est une adaptation ayant eu l’effet inverse que prĂ©vu.
La mal-adaptation peut prendre plusieurs formes. Elle peut rĂ©sulter d’une utilisation
inefficace de ressources comparĂ©e Ă  d’autres options d’utilisation possibles. C’est le cas,
6
DIAMOND, Jared. Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie,
Paris, Gallimard, 2006.
7
op. cit. p.1
8
FREIRE, Paulo. Education for Critical Consciousness, 1969.
9
op. cit. p.1
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
9
par exemple, du recours massif à la climatisation individuelle au lieu de l’investissement
dans l’isolation. La mal-adaptation peut Ă©galement se prĂ©senter sous la forme d’une
rĂ©duction de la marge d’adaptation future. Elle peut venir d’une erreur de calibrage, on
parle alors de sous-adaptation. Cela se produit dans le cas de la construction d’une digue
trop petite par rapport Ă  l’augmentation du niveau de la mer rĂ©sultant du changement
climatique. Et la mal-adaptation est aussi un transfert incontrĂŽlĂ© de vulnĂ©rabilitĂ© d’un
systĂšme Ă  un autre, d’une pĂ©riode Ă  une autre, d’un pays Ă  un autre.
Dans le cas de la mise en Ɠuvre d’une coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour favoriser
l’adaptation au changement climatique, le type de mal-adaptation qui nous intĂ©resse est
celui du transfert de vulnĂ©rabilitĂ©. C’est dans cette perspective que Paul VergĂšs, prĂ©sident
de l’Observatoire national sur les effets du rĂ©chauffement climatique (ONERC)10
, nous
encourage Ă  rĂ©flĂ©chir sur l’apport de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation au
changement climatique : « Le transfert de vulnĂ©rabilitĂ© au-delĂ  des frontiĂšres d’un État
n’est pas une option acceptable. L’adaptation d’un territoire ne doit pas conduire à
fragiliser ses voisins »11
. Puisque les frontiĂšres naturelles ne correspondent pas aux
frontiÚres politiques et que donc les bassins de risques dépassent les frontiÚres tracées
par les États, l’adaptation au changement climatique des rĂ©gions transfrontaliĂšres est un
enjeu transnational. C’est pourquoi il est nĂ©cessaire d’intĂ©grer la dimension
transfrontaliùre dans les projets d’adaptation au changement climatique.
3. La coopération transfrontaliÚre : un type de solution pour éviter la mal-
adaptation.
Selon la Mission Opérationnelle TransfrontaliÚre (MOT), « la coopération
transfrontaliĂšre correspond aux relations de voisinage qu’entretiennent les collectivitĂ©s
territoriales et leurs groupements de part et d’autre des frontiĂšres. »12
De plus, le but
principal de la coopération transfrontaliÚre est de réduire les effets négatifs des frontiÚres
en tant que barriÚres administratives, légales et physiques, de traiter des problÚmes
10
cf. annexe 1 – PrĂ©sentation des missions de l’ONERC.
11
Observatoire National sur les Effets du RĂ©chauffement Climatique. Adaptation transfrontaliĂšre. La lettre
aux Ă©lus, 2013.
12
Mission operationnelle transfrontaliere, Guide de la cooperation decentralisee transfrontaliere, juillet 2010.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
10
communs et d’exploiter des potentiels inexploitĂ©s. À travers la gestion conjointe de
programmes et de projets, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre est en charge d’une large
gamme d’enjeux, incluant notamment l’amĂ©lioration de la gestion conjointe des ressources
naturelles. De fait, si le changement climatique a des impacts sur les ressources naturelles
communes aux rĂ©gions transfrontaliĂšres, les mesures d’adaptation qui en dĂ©coulent
doivent Ă©galement faire l’objet d’une coopĂ©ration transfrontaliĂšre. C’est pourquoi la
coopĂ©ration transfrontaliĂšre apparaĂźt comme un levier pour dĂ©bloquer des situations oĂč
des rĂ©gions transfrontaliĂšres ne peuvent pas bien s’adapter en le faisant individuellement
puisqu’elles sont interdĂ©pendantes les unes des autres.
Dans cette perspective, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre peut permettre, aux États qui
souhaitent s’adapter, d’éviter le transfert de vulnĂ©rabilitĂ© au changement climatique, et de
se dĂ©tourner d’une trajectoire menant Ă  la mal-adaptation. Elle peut Ă©galement contribuer
Ă  ce que les pays coopĂ©rant se partagent l’effort d’adaptation par la mutualisation des
compĂ©tences. Et dans le meilleur des cas, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre peut ĂȘtre un
levier pour que l’adaptation au changement climatique ne soit plus perçue comme une
contrainte et qu’elle permette mĂȘme de rĂ©colter des bĂ©nĂ©fices qui dĂ©passent le seul fait
d’ĂȘtre adaptĂ©.
4. Les justifications de la méthode de travail.
De par ma formation pluridisciplinaire en sciences politiques j’ai Ă©tĂ© amenĂ©e Ă 
réinvestir des connaissances et à utiliser des cadres de réflexion en provenance de
différents enseignements. Ainsi ce mémoire a été réalisé selon une approche croisant la
théorie des régimes internationaux, les politiques publiques internationales, le droit
international public, la sociologie des organisations internationales, les négociations
internationales sur le climat, la protection internationale de l’environnement et la
coopération décentralisée des collectivités territoriales.
D’une part, la dĂ©marche avec laquelle j’ai abordĂ© ce sujet de mĂ©moire est un travail de
recherche sous forme d'analyse, accompli Ă  partir de l’étude de diffĂ©rents articles, rapports
et ouvrages en lien avec les thĂ©matiques de l’adaptation au changement climatique et de
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
11
la coopération transfrontaliÚre.
D’autre part, le stage que j’ai effectuĂ© Ă  l’ONERC m’a permis d’avoir accĂšs Ă  la plupart des
donnĂ©es clĂ©s existantes aujourd’hui sur l’adaptation au changement climatique ; et grĂące
au suivi de l’équipe de travail dans ses nombreuses et diverses missions, j’ai eu
l’opportunitĂ© d’observer et de participer Ă  la construction pratique de l’approche nationale
de l’adaptation au changement climatique. En effet, pendant toute la durĂ©e de mon stage,
j’ai pu assister Ă  des sĂ©minaires, Ă  des confĂ©rences, et Ă  des rĂ©unions de travail
informelles sur la thĂ©matique de l’adaptation.
Par ailleurs, il m’a Ă©galement Ă©tĂ© permis de rencontrer la plupart des acteurs clĂ©s des
politiques d’adaptation. La mĂ©thode utilisĂ©e pour rĂ©aliser ce mĂ©moire est donc d’allier Ă  la
fois des enseignements théoriques et empiriques.
En outre, ce mĂ©moire Ă  Ă©tĂ© l’occasion de mobiliser le travail d’approfondissement
spĂ©cifique que j’ai effectuĂ© dans le cadre de mon stage Ă  l’ONERC, Ă  savoir : l’étude
comparative des processus d’adaptation au changement climatique dans les pays
européens13
.
La France Ă©tant un des pays les plus en avance dans son processus d’adaptation au
changement climatique aujourd’hui et l’ONERC Ă©tant le point focal de l’adaptation en
France, il a semblĂ© judicieux de prendre pour point de dĂ©part l’étude de la coopĂ©ration en
matiĂšre d’adaptation aux frontiĂšres de la France selon des axes complĂ©mentaires. Ceci
implique d’explorer Ă  la fois le pourtour mĂ©tropolitain et les outre-mer afin de restituer au
mieux la pluralitĂ© des enjeux d’adaptation en fonction de leurs lieux d’émergence. Par
ailleurs, de l’analyse des diffĂ©rents processus d’adaptation existant dans l’espace
europĂ©en, que j’ai menĂ©e dans le cadre de mon stage Ă  l’ONERC, ressort une diversitĂ© et
une richesse de solutions possibles pour s’adapter au changement climatique, qu’il a
semblé opportun de mettre à contribution pour délimiter le périmÚtre géographique de la
coopĂ©ration transfrontaliĂšre en matiĂšre d’adaptation que je comptais traiter. De surcroĂźt, la
pertinence de cette démarche est confortée par la pratique. En effet, la plupart des
13
Cf. Annexe 3 - Étude comparĂ©e des processus d’adaptation au changement climatique dans les pays de
l’espace europĂ©en (printemps 2014).
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
12
rĂ©unions internationales d’échanges formelles et informelles sur l’adaptation auquel
l’ONERC participe sont principalement des rĂ©unions entre pays europĂ©ens, et qui plus est
transfrontaliers, et semblent cristalliser depuis un certain temps une demande croissante
d’aide Ă  l’adaptation par mutualisation des compĂ©tences entre pays voisins.
5. Problématique.
L’adaptation au changement climatique est aujourd’hui reconnue comme un enjeu
de coopĂ©ration internationale puisqu’elle vient d’ĂȘtre mise Ă  l’agenda politique de la
CCNUCC au mĂȘme titre que l’attĂ©nuation. Cependant et puisque cette reconnaissance est
rĂ©cente, tous les aspects de l’adaptation ne sont pas encore pris en compte. La
mutualisation des compĂ©tences des acteurs de l’adaptation reste majoritairement affectĂ©e
Ă  l’aide au dĂ©veloppement tandis que la coopĂ©ration aux frontiĂšres des États, comme
option pour gérer un risque commun accentué par le changement climatique et les
rĂ©percussions de ce risque d’un pays voisin Ă  un autre, ne semble pas suffisamment
Ă©tudiĂ©e, en regard de l’importance que ce volet recouvre dans le processus d’adaptation.
Cela peut s’expliquer parce que l’adaptation elle-mĂȘme est encore un concept mal
compris et que la plupart des pays ne sont pas suffisamment avancĂ©s dans l’élaboration
de leur stratĂ©gie et de leur plan d’adaptation pour comprendre l’intĂ©rĂȘt de la coopĂ©ration
transfrontaliùre dans le processus d’adaptation. Ceci pose problùme puisque, comme
nous l’avons vu, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre est nĂ©cessaire dans certains cas, d’une
part pour se prĂ©munir d’un Ă©ventuel transfert de vulnĂ©rabilitĂ©s d’un pays Ă  un autre, et
d’autre part, pour que les coĂ»ts d’adaptation du pays qui choisit de s’adapter ne soient pas
plus Ă©levĂ©s qu’ils ne le devraient parce que le pays voisin ne le fait pas, et donc pour
Ă©viter que l’adaptation de certains pays ne se traduisent par une mal-adaptation dans un
ou plusieurs autres pays.
Si la coopération transfrontaliÚre est une des clefs pour améliorer le processus
d’adaptation au changement climatique, il s’agit alors de savoir comment dĂ©velopper ce
type de coopĂ©ration et quels sont les obstacles Ă  l’intĂ©gration de la coopĂ©ration
transfrontaliĂšre dans les processus d’adaptation. En effet, mĂȘme lorsque des pays
rĂ©ussissent Ă  se mettre d’accord pour se lancer dans un projet de coopĂ©ration
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
13
transfrontaliĂšre, ils ne s’y engagent pas forcĂ©ment pour les mĂȘmes raisons et ne mettent
pas en avant les mĂȘmes prioritĂ©s, cette divergence pouvant alors devenir un obstacle Ă  la
coopĂ©ration. C’est pourquoi nous veillerons Ă  ne pas nĂ©gliger les intĂ©rĂȘts et les attentes
des diffĂ©rents acteurs quant Ă  l’adaptation dans les projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre
que nous étudierons. Toute la question étant de savoir dans quelle mesure la coopération
transfrontaliĂšre reprĂ©sente une opportunitĂ© pour s’adapter au changement climatique et de
comprendre quels sont les moteurs et les freins à cette coopération.
Quel cadre serait alors propice pour que la coopération transfrontaliÚre soit intégrée dans
les processus d’adaptation et inversement comment mettre l’adaptation à l’agenda des
initiatives de coopération transfrontaliÚre ? Certains projets de coopération transfrontaliÚre
pour s’adapter au changement climatique fonctionnent bien, et ce, sans avoir eu recours à
une convention de coopĂ©ration, qui n’est pas obligatoire, certes, mais est l’outil de droit
commun des collectivités et autorités locales pour les projets de coopération
transfrontaliĂšre ; tandis que d’autres projets, qui se sont dĂ©veloppĂ©s sous l’égide d’une
convention ont des difficultés à engager des actions. Ceci pose la question de la
pertinence des conventions, des traités internationaux et donc des régimes internationaux
de coopération pour engendrer ou venir en appui des projets de coopération
transfrontaliĂšre pour l’adaptation. En effet, si les orientations stratĂ©giques d’adaptation ont
une vocation strictement nationale et que la mise en Ɠuvre des actions d’adaptation
s’effectue Ă  l’échelon local, on peut se demander en quoi un rĂ©gime de coopĂ©ration
international serait un cadre pertinent pour dĂ©velopper des projets d’adaptation au
changement climatique.
6. HypothĂšses de recherche.
Sur le plan scientifique, le changement climatique est un phénomÚne mondial qui
ne connaĂźt pas de frontiĂšres, et ce, mĂȘme si ses impacts sont et seront diffĂ©rents selon les
pays. Par consĂ©quent Ă©tudier l’adaptation au changement climatique sous l’angle
transfrontalier apparaßt approprié. Sur le plan éthique, il apparaßt irrecevable de
promouvoir des mesures d’adaptation pour protĂ©ger un pays des impacts du changement
climatique si celles-ci ont des répercussions néfastes sur les pays voisins. Sur le plan
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
14
Ă©conomique, il n’est pas non plus rentable de mettre en Ɠuvre des mesures d’adaptation
qui n’auraient aucun effet ou qui auraient des rĂ©percussions nĂ©fastes dans d’autres pays
puisque pour se prémunir de telles conséquences ces pays-là auraient tÎt fait de renvoyer
Ă  leur tour le problĂšme vers son pays d’origine. À l’inverse, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre
est un moyen d’éviter des coĂ»ts supplĂ©mentaires d’adaptation dans le futur qui auraient
Ă©tĂ© gĂ©nĂ©rĂ©s par une mal-adaptation dans le prĂ©sent. Sur le plan de l’actualitĂ©, l’Union
EuropĂ©enne vient de publier sa stratĂ©gie d’adaptation en avril 2013, offrant ainsi un cadre
de pensĂ©e transnational Ă  l’adaptation dont il semble opportun de se saisir pour faire
pencher le dĂ©bat sur l’adaptation en direction de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre14
.
Ce mĂ©moire vise Ă  montrer toute l’importance de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour
amĂ©liorer le processus d’adaptation. Si, d’une part, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre permet
Ă  minima d’éviter le transfert de vulnĂ©rabilitĂ© au changement climatique, et par lĂ  mĂȘme
permet de se dĂ©tourner d’une trajectoire menant Ă  la mal-adaptation ; elle est, d’autre part,
l’opportunitĂ© de se partager l’effort d’adaptation et de jouer des compĂ©tences de chacun
pour s’adapter si bien que certains secteurs pourront en rĂ©colter des bĂ©nĂ©fices. Pour
toutes ces raisons une coopĂ©ration entre pays transfrontaliers en matiĂšre d’adaptation au
changement climatique apparaßt nécessaire et opportune.
7. Plan du mémoire.
Tout d’abord, ce mĂ©moire va tenter de montrer la pertinence de la coopĂ©ration
transfrontaliùre dans le processus d’adaptation au changement climatique. Dans le
premier chapitre, nous poserons le cadre général de la coopération transfrontaliÚre. Nous
étudierons la coopération transfrontaliÚre à travers la théorie des régimes internationaux.
Nous montrerons la spĂ©cificitĂ© de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans l’espace europĂ©en.
De plus, nous analyserons la place que peut recouvrir l’adaptation dans les initiatives de
coopération transfrontaliÚre.
Dans le second chapitre, nous nous appuierons sur trois études de cas, réalisées au
14
Étant donnĂ© que les mesures d’adaptation au changement climatique sont souvent prises au niveau local,
l’idĂ©e d’une adaptation transfrontaliĂšre ne va pas de soi.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
15
travers d’entretiens semi-directifs auprĂšs de personnes responsables ou impliquĂ©es dans
des projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre. L’idĂ©e Ă©tant de confronter nos hypothĂšses
avec des initiatives concrĂštes en matiĂšre de coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation.
Nous procéderons de maniÚre systématique par un diagnostic et une analyse des projets
de coopération transfrontaliÚre dans les régions du bassin de la Meuse, de la mer
MĂ©diterranĂ©e et de l’ouest de l’ocĂ©an Indien. Dans ce deuxiĂšme chapitre, nous avons
choisi des études de cas représentant trois axes possibles et significatifs des formes que
peut prendre la coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation. Chacun des projets rĂ©pond
Ă  sa maniĂšre Ă  une partie des dĂ©fis de l’adaptation au changement climatique. L’analyse
de ces projets portera sur les difficultés et les opportunités, les problÚmes potentiellement
ainsi que les écueils évités par les acteurs au cours de ces initiatives de coopération
transfrontaliùre pour l’adaptation.
Par ailleurs, le périmÚtre géographique, les acteurs et les enjeux de ces trois études de
cas n’étant pas les mĂȘmes, il s’agira de tirer des enseignements de cette diversitĂ©
d’options pour enrichir l’adaptation. Dans le troisiùme chapitre, nous tenterons d’illustrer
l’idĂ©e que l’adaptation est un processus en devenir, loin d’ĂȘtre achevĂ© et ouvert Ă 
l’innovation, en mettant en lumiĂšre les diffĂ©rents types d’enseignements dont sont
porteuses les trois études de cas. De plus, étant donné la diversité des acteurs et des
approches qui façonne la coopĂ©ration transfrontaliĂšre en matiĂšre d’adaptation, nous
proposerons une gouvernance de l’adaptation transfrontaliĂšre sans pilote attitrĂ©
encourageant la mutualisation des compĂ©tences. Enfin, nous montrerons l’inadĂ©quation
de la recherche d’un modĂšle de rĂ©fĂ©rence en regard de la singularitĂ© des situations
d’adaptation et du foisonnement de solutions existantes.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
16
CHAPITRE 1 : COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE, UNE
DIMENSION PERTINENTE POUR L’ADAPTATION AU
CHANGEMENT CLIMATIQUE ?
1. Cadre général de la coopération transfrontaliÚre.
Si les notions de coopération transnationale et de coopération transfrontaliÚre sont
souvent utilisées de maniÚre interchangeable, la notion retenue pour cette étude est la
coopĂ©ration transfrontaliĂšre. C’est la coopĂ©ration transfrontaliĂšre qui nous intĂ©resse car la
notion de frontiĂšre Ă  dĂ©passer qu’elle recouvre est nĂ©cessaire Ă  la comprĂ©hension de
notre sujet sur l’adaptation au changement climatique.
De plus, il ne peut s’agir de coopĂ©ration transnationale car, selon la terminologie de
l’Union EuropĂ©enne, le principe de la coopĂ©ration transnationale est d’organiser des
partenariats au sein de grandes régions européennes, concerne des macro-régions et non
pas des espaces frontaliers d’étendue limitĂ©e.
La définition que nous utiliserons est celle retenue dans le Guide de la coopération
décentralisée transfrontaliÚre de la MOT selon laquelle « la cooperation transfrontaliere
correspond aux relations de voisinage qu’entretiennent les collectivites territoriales et leurs
groupements de part et d’autre des frontieres. »15
Nous cherchons à montrer que la coopération transfrontaliÚre est une dimension
pertinente pour l’adaptation au changement climatique. L’idĂ©e est de partir du principe que
l’étendue de territoire qui subit certains effets du changement climatique et qui donc doit
ĂȘtre adaptĂ©e Ă  celui-ci constitue un bassin de risques qui dĂ©passe les frontiĂšres des États.
Le bassin de risques étant définit dans le guide général de plan de prévention des
risques16
comme une « entitĂ© gĂ©ographique homogĂšne soumise Ă  un mĂȘme phĂ©nomĂšne
15
op. cit. p.7
16
MinistÚre de l'Equipement, des Transports et du Logement, MinistÚre de l'Aménagement du Territoire et
de l'Environnement. Plans de prévention des risques naturels (PPR), Guide général, ed. La Documentation
française, 1999.
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17
naturel », la coopĂ©ration transfrontaliĂšre semble donc ĂȘtre le moyen de contourner les
barriÚres administratives formées par les frontiÚres étatiques pour adapter ce type de
territoire au changement climatique.
Étant donnĂ© que l’adaptation au changement climatique implique des actions
transversales dans plusieurs domaines d’activitĂ©s tels que la protection de
l’environnement, la gestion de l’eau, la gestion du territoire, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre
pour l’adaptation des bassins de risques au changement climatique peut prendre la forme
ou avoir un impact sur la gestion intégrée des ressources en eau des bassins
transfrontaliers. En protĂ©geant les ressources en eau d’un bassin transfrontalier, la
coopĂ©ration transfrontaliĂšre permet de ce fait d’assurer la paix, la subsistance des
populations qui y vivent, de contribuer a la securite regionale et au developpement
economique.
Dans cette perspective la coopération transfrontaliÚre apparaßt comme une opportunité
pour permettre aux bassins transfrontaliers d’ĂȘtre gĂ©rĂ©s de la mĂȘme façon que les bassins
nationaux. Et ce d’autant plus que comme le rappelle le Conseil Mondial de l’eau il n’existe
aucune autorite internationale ou systeme judiciaire reconnu, pour arbitrer les litiges dans
le secteur des hydro-systĂšmes transfrontaliers.17
La coopération transfrontaliÚre est, en tout cas, de plus en plus perçue comme la
consĂ©quence logique d’une perspective intĂ©grĂ©e de la gestion des fleuves majeurs
d’Europe. Cette tendance vers la coopĂ©ration entre les États membres de l’Union
europĂ©enne est renforcĂ©e par les directives europĂ©ennes dans le domaine de l’eau,
notamment la directive-cadre sur l’eau et la directive europĂ©enne sur les risques
d’inondation. La directive-cadre sur l'eau, adoptĂ©e le 23 octobre 2000 par le Parlement
europĂ©en, entrĂ©e en vigueur le 22 dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e, entend impulser une
politique de l'eau plus cohérente, en posant le cadre européen d'une gestion et d'une
protection des eaux par district hydrographique. La directive européenne relative à la
gestion des inondations, entrĂ©e en vigueur le 26 novembre 2007, demande aux États
membres d'identifier et de cartographier les bassins hydrographiques et les zones cĂŽtiĂšres
Ă  risque et d'Ă©tablir des plans de gestion. Entre la premiĂšre et la deuxiĂšme directive une
Ă©volution se dessine en faveur de la prise en compte du changement climatique dans la
17
Conseil mondial de l’eau. Bassins transfrontaliers. World Water Action, 2003, chap.3.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
18
gestion intégrée des bassins hydrographiques et donc potentiellement des bassins
hydrographiques transfrontaliers.
L’intĂ©rĂȘt d’étudier l’adaptation au changement climatique Ă  travers la coopĂ©ration
transfrontaliĂšre et non pas Ă  travers une autre forme de coopĂ©ration est, d’une part, que
les entitĂ©s territoriales frontaliĂšres semblent possĂ©der un meilleur degrĂ© d’adaptation aux
processus de changement en cours puisqu’elles montrent une tendance à coexister et
interagir avec d’autres catĂ©gories et organisations d’acteurs internationales. En effet, la
coopĂ©ration transfrontaliĂšre se prĂ©sente comme une dynamique multi-niveaux oĂč
différents systÚmes légaux se rencontrent : le droit international, le droit européen et les
lois nationales.
Dans cette perspective, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre pourrait ĂȘtre un instrument potentiel
du processus de « mainstreaming » de l’adaptation au changement climatique, c’est-Ă -dire
d’intĂ©gration de cette notion dans toutes les politiques publiques dĂ©jĂ  existantes et Ă  tous
les niveaux de gouvernance.
L’intĂ©rĂȘt d’avoir recours Ă  la coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour porter des projets
d’adaptation au changement climatique est, d’autre part, si l’on s’appuie sur l’analyse du
droit transnational que fait Anna Margherita Russo dans Perspectives on Federalism18
,
publié en 2012, que cette forme de coopération porte en elle des sources de législations
en meilleure adĂ©quation avec l’évolution des besoins lĂ©gaux actuels et futurs par rapport Ă 
la coopération étatique traditionnelle. En effet, le phénomÚne de globalisation a apporté la
crise de l’État. La crise de l’État a produit la fin du monopole d’État sur les sources lĂ©gales
applicables sur son propre territoire. Ce phĂ©nomĂšne a deux effets, d’une part, le droit
national ne peut pas, complÚtement en tout cas, couvrir la régulation des activités sur le
territoire Ă©tatique ; et d’autre part, il met en lumiĂšre l’importance de nouveaux phĂ©nomĂšnes
légaux impliquant différentes organisations et institutions. La coopération transfrontaliÚre
se prĂ©senterait donc comme une alternative Ă  la coopĂ©ration bilatĂ©rale d’État Ă  État qui
relĂšve plus d’une approche « top-down », c’est-Ă -dire du haut vers le bas de la hiĂ©rarchie
administrative. En effet, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre relĂšve plutĂŽt d’initiatives locales,
sont souvent le fait des collectivitĂ©s territoriales, et tĂ©moigne donc d’une approche
18
RUSSO, Anna Margherita, Globalization and Cross-border Cooperation in EU Law: A Transnational
Research Agenda. Perspectives on Federalism, 2012, vol. 4, n°3.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
19
« bottom-up », c’est-Ă -dire du bas vers le haut de la hiĂ©rarchie administrative.
En ce sens, il serait intéressant de considérer la coopération transfrontaliÚre comme une
arÚne de coopération potentielle pour palier le vide législatif entre les actions et mesures
d’adaptation au changement climatique au niveau national et local orientĂ©es par les
stratĂ©gies et plans nationaux d’adaptation et les actions et mesures d’adaptation au
changement climatique telles qu’elles sont prĂ©vues par le rĂ©gime international de
coopération de la CCNUCC.
2. La coopération transfrontaliÚre analysée à travers la théorie des régimes
internationaux.
Afin d’obtenir une analyse intĂ©grĂ©e de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre, il s’agit d’en
comprendre l’ensemble des motivations, des rĂ©sultats attendus et les moyens mis en
Ɠuvre par les acteurs impliquĂ©s dans ces projets de coopĂ©ration. La thĂ©orie des rĂ©gimes
internationaux nous apporte Ă  cet Ă©gard un panel d’angles d’analyse suffisant pour avoir
une vision englobante des dynamiques qui sous-tendent la coopération transfrontaliÚre.
On peut catégoriser les courants au sein de la théorie des régimes de différentes façons.
Pour notre analyse nous retiendrons qu’il existe trois courants principaux : le courant
réaliste, le courant libéral et le courant constructiviste. Au fondement de ces trois courants,
on retrouve la mĂȘme notion de rĂ©gime international, dĂ©finie par Stephen Krasner comme
« un ensemble de principes, de normes, de regles et de procedures de prise de decision,
implicites ou explicites, autour desquelles les attentes des acteurs convergent dans un
domaine specifique des relations internationales. Les principes sont les croyances dans
les faits et les causes. Les normes sont des criteres de comportements definis en termes
de droits et d’obligations. Les regles sont des prescriptions specifiques a partir desquelles
on prend action. Les procedures de prise de decision sont les pratiques acceptees afin de
creer et de mettre en Ɠuvre un choix collectif. »19
La notion de régime international fait
donc référence à une forme de coopération semi-institutionnelle.
19
KRASNER, Stephen. International Regimes, Ithaca, New York : Cornell University Press, 1983. 384 p.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
20
Le courant realiste, tient que la presence d’une « puissance hegemonique »20
est
necessaire a la formation et a la persistance d’un regime. Charles Kindleberger a introduit
le terme d’hĂ©gĂ©monie dans le champ des relations internationales et dans le champ de
l’économie politique Ă  travers sa thĂ©orie de la stabilitĂ© hĂ©gĂ©monique. Dans The World in
Depression: 1929–1939, publiĂ© en 1973, il montre que l’hĂ©gĂ©monie relĂšve de la capacitĂ©,
pour la puissance dirigeante d’une pĂ©riode spĂ©cifique, de fournir les biens publics
fondamentaux au niveau Ă©conomique international. Il cite en particulier le libre-Ă©change et
un systÚme monétaire international stable comme deux biens publics particuliÚrement
prĂ©cieux Ă  l’échelle internationale. Il considĂšre que le leader, tout en se montrant
bienveillant, est aussi le seul à disposer de la puissance nécessaire pour assumer les
coûts de fourniture de tels biens, mobiliser ses partenaires et leur imposer le respect des
rĂšgles. Selon la thĂ©orie de la stabilitĂ©, la concentration de puissance en un État dominant
facilite le développement des régimes forts alors que la fragmentation de puissance est
associĂ©e Ă  l’effondrement des rĂ©gimes. Les auteurs du courant rĂ©aliste considĂšrent l’État
comme l’unique acteur significatif dĂ©tenant la lĂ©gitimitĂ© politique. Le courant rĂ©aliste part
du principe que l’état normal des relations Ă©tatiques est un Ă©tat d’anarchie voire de guerre
permanent, pense la politique extĂ©rieure des États comme une politique de puissance
dans une quĂȘte de sĂ©curitĂ© et perçoit les États comme des acteurs rationnels qui
cherchent Ă  maximiser leur intĂ©rĂȘt national. Dans le courant rĂ©aliste, la coopĂ©ration prend
la forme d’un marchandage dont la nĂ©gociation est l’outil. Dans cette perspective, la
coopération transfrontaliÚre est définie comme le résultat de la distribution ou de la
redistribution des intĂ©rĂȘts et des ressources de chaque cĂŽtĂ© de la frontiĂšre. La coopĂ©ration
transfrontaliÚre est donc dépendante de la complémentarité des ressources, des possibles
Ă©changes et compromis au sein du domaine de politique publique pertinent21
. De ce point
de vue, une coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour le dĂ©veloppement de projets d’adaptation au
changement climatique peut voir le jour si l’interdĂ©pendance des États riverains dans la
gestion intégrée des bassins de risques transfrontaliers surpasse leur capacité à résoudre
le problĂšme individuellement.
Pour le courant liberal, la presence d’une puissance hegemonique n’est pas necessaire a
la persistance d’un rĂ©gime car les États et les autres acteurs peuvent s’organiser afin de
20
KINDLEBERGER, Charles. The World in Depression: 1929–1939. University of California Press, 1973.
21
WIERING Mark, VERWIJMEREN Joris, LULOFS Kris, FELD Christian. Experiences in Regional Cross
Border Co-operation in River Management. Comparing Three Cases at the Dutch-German Border. Water
Resources Management, 2010, vol. 24, n°11.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
21
creer un regime. Selon l’approche liberale, un regime est une autoregulation internationale
dans laquelle des États et d’autres acteurs internationaux cooperent afin de maximiser
leurs gains ou minimiser leurs pertes. Le courant libĂ©ral part du principe que les États sont
soumis à des interdépendances complexes qui les poussent quasi inévitablement à
coopĂ©rer. Puisque les États sont poussĂ©s Ă  coopĂ©rer, il s’agit de pouvoir prĂ©voir le
comportement des autres États et c’est le rĂŽle des institutions internationales, des rĂ©gimes
internationaux. En effet, selon Keohane, l’un des fondateurs de la thĂ©orie des rĂ©gimes
avec Krasner, les régimes internationaux « facilitent la coopération en réduisant
l’incertitude »22
. Les rĂ©gimes ont l’avantage de donner une structure relativement stable
aux échanges internationaux dans un secteur donné, de permettre aux acteurs de prévoir
leurs comportements respectifs et d’accroütre leur information mutuelle. Pour le courant
libéral, la coopération transfrontaliÚre est plus facilement établie quand elle se développe
au sein d’un rĂ©gime international de coopĂ©ration23
. En effet, les régimes internationaux
serviraient Ă  produire des normes et des valeurs communes et Ă  encourager l’agrĂ©gation
et l’intĂ©gration des intĂ©rĂȘts des États riverains impliquĂ©s. Dans cette perspective, le
dĂ©veloppement de projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation au
changement climatique serait favorisĂ© par la mise en place d’un rĂ©gime international de
coopĂ©ration spĂ©cifique Ă  l’adaptation au changement climatique.
Le courant constructiviste, quant Ă  lui, souligne l’impact des idĂ©es. Au lieu de prendre
l’État pour une donnĂ©e et de supposer qu’il cherche tout simplement Ă  survivre, les
constructivistes considĂšrent les intĂ©rĂȘts et les identitĂ©s comme des produits extrĂȘmement
malléables de processus historiques spécifiques. Ils accordent une grande attention aux
discours prédominants au sein des sociétés parce que le discours reflÚte et façonne les
croyances et les intĂ©rĂȘts, et Ă©tablit les normes du comportement acceptĂ©. Les normes qui
prĂ©valent Ă  la coopĂ©ration ne viennent pas seulement des États mais peuvent aussi ĂȘtre
produites par des rĂ©seaux de professionnels dotĂ©s d’une expertise scientifique dans des
secteurs particuliers de politique publique internationale appelées communautés
epistemiques transnationales. Selon l’approche foucaldienne de la theorie des regimes,
proche du constructivisme, de StĂ©phane Labranche, la persistance d’un rĂ©gime dĂ©pend de
la croyance en sa légitimité par les acteurs. Son hypothÚse est que la persistance dans le
temps d’un rĂ©gime « dĂ©pend non pas de la capacitĂ© d’une puissance hĂ©gĂ©monique Ă 
22
KEOHANE, Robert. After Hegemony : Cooperation and Discord in the World Political Economy, Princeton
University Press, 1984.
23
op. cit. p.19
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
22
imposer des rùgles mais bien plutît de l’internalisation, par ces acteurs, des valeurs et
principes qui sous-tendent ces rĂšgles », et « permettrait d’expliquer pourquoi et comment
un rĂ©gime continue d’exister mĂȘme lorsque la puissance hĂ©gĂ©monique disparaĂźt, qu’elle
change, ou qu’un rĂ©gime puisse apparaĂźtre Ă  partir d’efforts d’acteurs non
hégémoniques. »24
Dans la théorie constructiviste, la croyance des acteurs impliqués dans
le projet de coopĂ©ration transfrontaliĂšre joue un rĂŽle dans l’orientation de la prise de
dĂ©cision. En effet, l’étude de la coopĂ©ration pour la lutte contre la pollution
environnementale de la mer MĂ©diterranĂ©e et la formation du Plan d’Action pour la
Méditerranée (PAM) de Haas25
a montré que la distribution de la puissance entre les pays
ou l’influence du pays prĂ©sumĂ© le plus fort de la rĂ©gion, dans ce cas la France, ne pouvait
pas expliquer le dĂ©veloppement d’une coopĂ©ration. La coopĂ©ration dans la rĂ©gion a Ă©tĂ© dĂ»
au fait que la communauté épistémique transnationale de Méditerranée partageait un
savoir commun sur la pollution environnementale, des croyances et des objectifs
communs qui ont été institutionnalisés dans des nouvelles institutions gouvernementales
et intergouvernementales et qui ont pénétré la prise de décision de cette façon. Dans cette
perspective, le dĂ©veloppement de projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation
au changement climatique dépendrait du degré de connaissance des acteurs locaux sur
l’adaptation au changement climatique et de leur capacitĂ© Ă  diffuser un discours de
sensibilisation aux enjeux de l’adaptation au changement climatique de telle sorte qu’il soit
institutionnalisé et intégré dans les politiques publiques déjà existantes.
3. Cadre juridique de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans l’espace europĂ©en.
Nous faisons le choix d’étudier la coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans l’espace
europĂ©en car, d’une part, si la coopĂ©ration transfrontaliĂšre n’est pas restreinte Ă  l’Union
europĂ©enne, c’est dans cette enceinte de coopĂ©ration que la coopĂ©ration transfrontaliĂšre a
Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e Ă  son maximum. D’autre part, nous avons choisi d’étudier l’apport de la
coopĂ©ration transfrontaliĂšre Ă  l’adaptation au changement climatique dans l’optique
d’amĂ©liorer le processus d’adaptation français portĂ© par l’ONERC. C’est pourquoi le cadre
24
LABRANCHE, Stephane. La transformation des normes de participation et de durabilite en valeurs ?
Reflexions pour la theorie des regimes. Études Internationales, 2003, vol. 34, n°4, pp.611-629.
25
HAAS, Peter M. Saving the Mediterranean : the politics of international environmental co-operation. New
York : Columbia University Press, 1990, op. cit. p.19
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
23
de coopération transfrontaliÚre étudié est européen.
Les premiĂšres formes de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre, qui n’ont Ă©tĂ© reconnues
juridiquement qu’en 1980 au moyen d'une convention du Conseil de l'Europe,
apparaissent dans l'immédiat aprÚs-guerre. Le rapprochement des collectivités territoriales
a été favorisé par le développement des échanges économiques, culturels ou sociaux
entre les États europĂ©ens.
Le 21 mai 1980, des États membres du Conseil de l’Europe signent la Convention-cadre
européenne sur la coopération transfrontaliÚre des collectivités et autorités territoriales,
dite Convention de Madrid. Les parties contractantes s'engagent Ă  faciliter et Ă  promouvoir
la coopération transfrontaliÚre. Elle est considérée comme l'acte fondateur du cadre
juridique de la coopération transfrontaliÚre des collectivités et autorités territoriales en
Europe.
La Convention a pour but d'encourager et de faciliter la conclusion d'accords entre régions
et communes, de part et d'autre d'une frontiÚre, dans les limites de leurs compétences. De
tels accords peuvent s'étendre, entre autres, au développement régional, à la protection
de l'environnement, à l'aménagement des infrastructures et des services publics, etc.
Pour tenir compte de la variĂ©tĂ© des systĂšmes juridiques et constitutionnels des États
membres du Conseil de l'Europe, la Convention offre toute une gamme d'accords modĂšles
permettant aux collectivitĂ©s locales et rĂ©gionales ainsi qu’aux États de placer la
coopération transfrontaliÚre dans le cadre qui leur convient le mieux.
En 1990, la Commission européenne met sur pied la premiÚre génération de programmes
Interreg de coopération transfrontaliÚre. Interreg est un programme européen visant à
promouvoir la coopération entre les régions européennes et le développement de
solutions communes dans les domaines du développement urbain, rural et cÎtier, du
dĂ©veloppement Ă©conomique et de la gestion de l’environnement. Il est financĂ© par le
Fonds européen de développement régional (FEDER) à hauteur de 7,75 milliards d'euros.
L'actuel programme se dénomme Interreg IV, il couvre la période 2007-2013. La
coopĂ©ration transfrontaliĂšre, c’est-Ă -dire, le dĂ©veloppement rĂ©gional intĂ©grĂ© entre rĂ©gions
transfrontaliùres est l’une des trois composantes du programme Interreg.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
24
Les financements Interreg permettent le développement de la coopération transfrontaliÚre,
mais arrivent aussi souvent sur un terrain oĂč la collaboration locale existent dĂ©jĂ  depuis
longtemps. L’initiative Interreg a ete mise en Ɠuvre pour desenclaver les regions
frontalieres. La Commission europeenne stipule en effet que les regions frontalieres sont
penalisees par un double isolement : isolement par rapport aux regions frontalieres
limitrophes, et isolement par rapport a leur propre espace national dont elles sont une
peripherie.
Dans l’objectif thĂ©matique n°3 « coopĂ©ration territoriale europĂ©enne » de la pĂ©riode de
programmation 2007-2013, l’aide consacrĂ©e Ă  la coopĂ©ration transfrontaliĂšre se concentre
selon les termes du rĂšglement FEDER sur « le dĂ©veloppement d’activitĂ©s Ă©conomiques,
sociales et environnementales transfrontaliÚres au moyen de stratégies conjointes en
faveur du développement territorial durable ».
La coopération transfrontaliÚre a vu un élargissement des zones de coopération par
rapport Ă  l’ancien Interreg III, en particulier en ce qui concerne la coopĂ©ration maritime, du
fait de l’application de la rĂšgle des 150 km. Cet Ă©largissement touche notamment les
territoires riverains de la Manche ainsi que l’outre-mer pour la coopĂ©ration transfrontaliĂšre
de la France.
La coopération transfrontaliÚre ne constitue en aucun cas une compétence
supplémentaire pour les collectivités territoriales. Ces derniÚres ne peuvent coopérer que
dans les limites des compétences qui leur sont attribuées par leurs législations nationales.
Elles sont par ailleurs obligées de respecter les engagements internationaux pris par leurs
États nationaux respectifs. La coopĂ©ration transfrontaliĂšre reprĂ©sente en revanche pour
les collectivités une opportunité supplémentaire d'utiliser leurs compétences.
Pour coopérer au travers des frontiÚres, les collectivités locales et leurs groupements
peuvent s’appuyer sur diffĂ©rentes bases juridiques nationales, europĂ©ennes et
internationales, qui dĂ©finissent autant d’outils de coopĂ©ration. Dans de nombreux États,
les collectivités territoriales peuvent signer des conventions de coopération ou créer des
organismes de coopération, parfois dotés de la personnalité juridique. Ces organismes,
décrits dans le chapitre suivant, peuvent notamment découler des accords signés dans le
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
25
cadre du Conseil de l'Europe ou du droit de l'Union européenne.
Chaque projet transfrontalier s’inscrit dans un cadre juridique et opĂ©rationnel qui lui est
propre, en fonction de la nature des partenaires concernĂ©s de part et d’autre de la
frontiĂšre, de la thĂ©matique concernĂ©e et du type d’action envisagĂ©.
Selon la typologie Ă©tablie par la MOT26
, les collectivités locales peuvent avoir recours à
deux types de projets opérationnels : les projets transfrontaliers immatériels et les projets
transfrontaliers d’investissement. Les projets transfrontaliers immatĂ©riels correspondent Ă 
des projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre sans rĂ©alisation d’investissements publics, soit
tout projet transfrontalier qui ne s’appuie pas sur des investissements matĂ©riels des
partenaires. Il s’agit par exemple de la gestion d’un institut de formation transfrontalier. Un
projet transfrontalier d’investissement peut, quant Ă  lui, prendre la forme d’un Ă©quipement
transfrontalier en matiùre de traitement de l’eau, par exemple.
4. Quelle place pour l’adaptation dans les initiatives de coopĂ©ration
transfrontaliĂšre ?
Au-delà d’un traitement national et local, les actions transfrontaliùres dans le
domaine du changement climatique ont une vraie valeur ajoutée car les effets du
changement climatique ne connaissent pas de frontiùre. Il est essentiel d’apporter une
réponse transfrontaliÚre à ces défis, dÚs lors que les enjeux dépassent les frontiÚres et
dans la mesure oĂč la situation d’un pays peut affecter celle de ses voisins. Ainsi, les
territoires transfrontaliers pourraient devenir des espaces de gestion commune et de
mutualisation de moyens dans le domaine de l’adaptation au changement climatique.
Le livre blanc intitulĂ© « Adaptation au changement climatique : vers un cadre d’action
européen »27
, qui Ă©tablit le cadre dĂ©fini par l’Union europĂ©enne en matiĂšre d’adaptation
aux changements climatiques, et la stratĂ©gie europĂ©enne d’adaptation publiĂ©e en avril
2013 fournissent un premier cadre juridique sur lequel la coopération transfrontaliÚre pour
26
op. cit. p.7
27
cf. Annexe 2 – La dĂ©marche d’adaptation de l’Union EuropĂ©enne.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
26
l’adaptation au changement climatique peut s’appuyer.
Pour la période 2014-2020, les programmes financés par les fonds européens, et
notamment ceux de coopération territoriale, peuvent soutenir des actions dans ce
domaine en vertu de l’objectif thĂ©matique n°5 « Promouvoir l’adaptation aux changements
climatiques, ainsi que la prévention et la gestion des risques ».
L’adaptation aux changements climatiques ainsi que la prĂ©vention et la gestion des
risques sont parmi les priorités des politiques européennes, au titre du pilier « croissance
durable » de la StratĂ©gie Europe 2020, dont l’un des cinq objectifs est relatif au
changement climatique et aux Ă©nergies durables.
Au-delĂ  des projets de coopĂ©ration sectoriels, l’adaptation au changement climatique
nĂ©cessite une approche globale Ă  l’échelle des territoires, que ce soit pour maĂźtriser la
mobilitĂ© par des politiques coordonnĂ©es d’urbanisme et de transports ou pour concilier le
dĂ©veloppement Ă©conomique avec la prĂ©servation de l’environnement, par exemple.
Etant donnĂ©e que l’adaptation au changement climatique ne constitue pas une politique
publique spĂ©cifique en soi et qu’elle a vocation Ă  s’intĂ©grer dans les politiques publiques
rĂ©gissants des domaines d’activitĂ©s dĂ©jĂ  en place, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans ce
domaine nĂ©cessitera d’établir des synergies entre les actions en faveur de l’adaptation au
changement climatique et de la gestion des risques avec celles développées dans le
domaine de la protection de l’environnement, de l’innovation, de l’énergie, du
développement économique, et des transports, autres objectifs de coopération territoriale
pour la période 2014-2020.
Toutefois, mĂȘme si la coopĂ©ration transfrontaliĂšre apparaĂźt comme une opportunitĂ© pour
l’adaptation au changement climatique, elle n’en est pas moins au dĂ©part un facteur de
complexité et de coûts supplémentaires pour les collectivités territoriales. En effet, le
manque ou l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des donnĂ©es statistiques, l’absence d’études transfrontaliĂšres ;
la méconnaissance des acteurs, des législations et des modes de gestion de part et
d’autre de la frontiĂšre; la disparitĂ© des compĂ©tences ; l’absence de rĂ©fĂ©rentiels, de
mĂ©canismes de concertation et d’outils de gestion collective ; le manque de participation
de la population ; et l’intĂ©rĂȘt trĂšs variable des Ă©lus pour l’adaptation au changement
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
27
climatique peuvent entraver la coopération transfrontaliÚre dans ce domaine.
Cependant, Aurélia Aebischer et Stéphane La Branche ont montré dans leurs travaux sur
la coopération transfrontaliÚre autour du lac Léman que les grandes différences entre les
systĂšmes politiques français et suisse n’ont pas empĂȘchĂ© la mise en place d’un rĂ©gime de
cooperation et le manque d’harmonisation n’a pas constitue un obstacle a la cooperation
transfrontaliere28
. De la mĂȘme maniĂšre, il est permis de penser que, pour les trois Ă©tudes
de cas retenues dans ce mémoire, les différences politiques ne seront pas un obstacle à
la coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation au changement climatique.
La coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation aux changements climatiques nĂ©cessite,
comme le recommande la MOT, « la pleine association des citoyens, qui doivent ĂȘtre
sensibilisĂ©s, informĂ©s, voire formĂ©s, et associĂ©s Ă  la gestion de l’espace commun, de ses
coĂ»ts et de ses bĂ©nĂ©fices, directement et au travers de l’action conjointe de leurs Ă©lus. »29
De nombreux types d’action sont a priori mobilisables pour dĂ©velopper des projets de
coopĂ©ration transfrontaliĂšre tournĂ©s vers l’adaptation au changement climatique. On
pourrait envisager par exemple de se fixer des stratĂ©gies et des plans d’adaptation aux
changements climatiques au niveau transfrontalier, de créer des bases de connaissance
et de renforcer les capacitĂ©s d’observation des donnĂ©es climatiques Ă  l’échelle des
bassins transfrontaliers, de dĂ©velopper des mĂ©canismes pour l’échange d’informations de
part et d’autre de la frontiùre touchant à l’adaptation au changement climatique ou à la
gestion des risques et de réinvestir les outils et systÚmes de gestion des situations de
catastrophe pour l’adaptation au changement climatique comme les systùmes de
dĂ©tection et d’alerte prĂ©coces, la cartographie et l’évaluation des risques. Nous verrons
dans la partie suivante quels types d’action les acteurs des diffĂ©rents projets de
coopĂ©ration transfrontaliĂšre ont effectivement utilisĂ©s pour promouvoir l’adaptation au
changement climatique.
28
AEBISCHER Aurélia, LABRANCHE Stéphane. Les espaces tiers dans les régimes internationaux. Le cas
du Lac LĂ©man. Études Internationales, 2007 vol 38, n°2.
29
Site web de la Mission opérationnelle transfrontaliÚre, thÚme «Changement climatique, gestion et
prévention des risques» : http://www.espaces-transfrontaliers.org/ressources/themes/changement-
climatique-gestion-et-prevention-des-risques/changement-climatique-risques-2/
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28
CHAPITRE 2 : APPROCHE EMPIRIQUE DE LA COOPÉRATION
TRANSFRONTALIÈRE POUR L’ADAPTATION À TRAVERS
TROIS ÉTUDES DE CAS.
À partir de rĂ©fĂ©rences bibliographiques et d’entretiens tĂ©lĂ©phoniques avec les
personnes directement en charge ou impliquées dans les projets de coopération
transfrontaliùre qui ont promu l’adaptation au changement climatique dans le bassin de la
Meuse, autour de la mer MĂ©diterranĂ©e et dans l’ouest de l’OcĂ©an Indien, j’entends
dresser, pour chacune des sections correspondantes, un diagnostic et une analyse de
facteurs favorisant ou entravant la coopĂ©ration transfrontaliĂšre en matiĂšre d’adaptation au
changement climatique. Le diagnostic de la premiÚre partie exposera la vulnérabilité au
changement climatique des différents pays impliqués dans les projets de coopération
transfrontaliĂšre. Pour ce faire, je compte m’appuyer sur la dĂ©finition de diagnostic de
vulnĂ©rabilitĂ© au changement climatique de l’Agence de l’environnement et de la maĂźtrise
de l’énergie (Ademe). L’Ademe dĂ©finit le diagnostic de vulnĂ©rabilitĂ© comme ce
qui « permet d’identifier et de distinguer les signes observables d’une dĂ©faillance et d’un
problÚme ou sa cause et origine » et le diagnostic de vulnérabilité au changement
climatique comme ce qui par permet, Ă  la fois « d’évaluer qualitativement la vulnĂ©rabilitĂ©
d’une organisation, d’une structure ou d’un territoire aux risques liĂ©s au changement
climatique en étudiant notamment son exposition et sa sensibilité » et « de hiérachiser ce
niveau de vulnĂ©rabilitĂ© liĂ©s au diffĂ©rents impacts, par rapport Ă  l’ampleur des
consĂ©quences et Ă  la probabilitĂ© d’occurrence de ses impacts. »30
L’analyse de facteurs favorisant ou entravant la coopĂ©ration transfrontaliĂšre en matiĂšre
d’adaptation au changement climatique de la seconde partie se concentrera sur les
opportunitĂ©s et les barriĂšres Ă  la coopĂ©ration transfrontaliĂšre en matiĂšre d’adaptation au
changement climatique ainsi que les réussites issues des projets de coopération
transfrontaliùre qui ont promu l’adaptation au changement climatique et relùvera les pistes
d’amĂ©lioration possibles pour ces projets.
30
Agence de l’environnement et de la maĂźtrise de l’énergie. Diagnostic de vulnĂ©rabilitĂ© d’un territoire au
changement climatique. ÉlĂ©ments mĂ©thodologiques tirĂ©s de l’expĂ©rience internationale, 2012.
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29
Section 1 : Le bassin de la Meuse
1. Diagnostic de vulnérabilité menant à la coopération transfrontaliÚre pour
s’adapter au changement climatique.
a) Le constat d’une vulnĂ©rabilitĂ© actuelle et de futurs impacts en prĂ©vision.
La Meuse est un fleuve navigable transnational d’Europe du Nord-Ouest long de
950 km et reprĂ©sente une zone densĂ©ment peuplĂ©e d’environ 9 millions d’habitants. Le
bassin hydrologique ou bassin versant de la Meuse a une superficie de 36 000 km2, dont
un tiers en RĂ©gion wallonne, et s’étend sur cinq États : la Belgique, la France, l’Allemagne,
le Luxembourg et les Pays-Bas. Son débit varie considérablement selon les saisons :
3100 m3/s en hiver à la frontiÚre Pays-Bas/Wallonie, seulement 10-40 m3/s l'été.
Principalement alimenté par les pluies, il n'a pas de glacier et peu de nappes phréatiques
pour amortir les Ă©carts de prĂ©cipitations. Un lien direct existe donc entre l’évolution des
précipitations et les variations de débits maximaux et minimaux. De nombreux enjeux sont
menacés dont des infrastructures et industries majeures, d'inestimables héritages
historiques et écologiques. Les berges du fleuve Meuse constituent un secteur vulnérable
aux inondations, avec des enjeux importants en termes de population et d'industries
installées dans ce bassin versant.
La Meuse n’est pas toujours perçue de la mĂȘme façon par les pays riverains.
Abusivement, la Meuse est souvent considérée comme une riviÚre affluente du Rhin et
non un fleuve en lui-mĂȘme. En particulier, elle ne fait pas partie des grands fleuves
français enseignĂ©s Ă  l'Ă©cole primaire en France peut-ĂȘtre car elle n'y fait que la moitiĂ© de
son parcours total. Par contre, en Belgique et aux Pays-Bas, elle est considérée comme
un fleuve important car elle sert au transport de marchandises et a façonné l'histoire et la
géographie de ces pays.
Si la Meuse n’a pas la mĂȘme importance pour tous les pays c’est sans doute parce qu’elle
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
30
ne les traverse pas tous de la mĂȘme façon. La perception du fleuve n’est pas la mĂȘme que
l’on se situe en amont ou en aval du fleuve, selon la distance parcourus dans un pays et
selon la nature des zones traversées. La Meuse prend sa source en France, puis traverse
la Belgique, pour arriver Ă  son embouchure aux Pays-Bas, et enfin se jeter dans la mer du
Nord. Parallùlement, les affluents de la Meuse traverse l’Allemagne et le Luxembourg. La
Belgique est donc le pays le plus traversé par le fleuve Meuse qui y assure de
nombreuses fonctions. Il traverse la rĂ©gion naturelle de l’Ardenne, l'ancien bassin houiller
wallon dans la province de LiĂšge, puis il contribue au refroidissement de la centrale
nucléaire de Tihange, ensuite il longe les installations sidérurgiques de Seraing, un peu
avant Herstal, ses eaux sont utilisées pour alimenter le Canal Albert, et de Namur à Visé, il
sert à la production d'électricité avec six centrales hydroélectriques. Le fleuve semble
également jouer un rÎle dans la richesse du milieu naturel de la partie néerlandaise
puisqu’elle contient quarante-trois zones classĂ©es Natura 2000, une zone pour les eaux
conchylicoles, cent trente-quatre lieux de baignades, cinq plans d’eau de surface, et trois
masses d’eau souterraines qui sont destinĂ©es Ă  l’alimentation en eau potable.
b) Une coopération transfrontaliÚre de longue date.
Cependant, malgré les divergences de perception, la coopération transfrontaliÚre
existe depuis longtemps entre les États du bassin de la Meuse. La coopĂ©ration
transfrontaliĂšre dans le bassin de la Meuse existe depuis 1994 avec la signature Ă 
Charleville-MĂ©ziĂšres de l’Accord concernant la protection de la Meuse. Depuis 1995, la
RĂ©gion flamande et les Pays-Bas coopĂšrent pour rĂ©guler la distribution de l’eau durant les
pĂ©riodes d’étiages. Depuis 1998, les pays du bassin de la Meuse se sont engagĂ©s avec
un Plan d’Action Inondations Meuse. L’Accord international sur la Meuse, dit « Accord de
Gand » a été signé en 2002 par la Belgique, la France, le Grand-Duché de Luxembourg,
les Pays-Bas et l’Allemagne et est entrĂ© en vigueur le 1er
décembre 2006. L'objectif de
l'accord est d'arriver Ă  une gestion durable et globale de l'eau du district hydrographique
de la Meuse. Cet accord est fondamental pour la prise en compte de l’adaptation dans les
projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre puisqu’il crĂ©e la Commission Internationale de la
Meuse (CIM), Ă  l’origine du lancement du projet AMICE. Le projet AMICE a en effet Ă©tĂ©
initié à partir des résultats des études réalisées sur les changements climatiques futurs et
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
31
synthétisées dans « Les conséquences du changement climatique sur les débits du fleuve
Meuse », sous l’impulsion de la Commission Internationale de la Meuse en 2005. Les
rĂ©sultats de ces Ă©tudes ont montrĂ© que d’ici Ă  2050 ou 2100, le bassin versant risque de
subir fortement les effets du changement climatique. Il y aurait une augmentation de la
fréquence des inondations en hiver, une augmentation des étiages, plus probablement
dus à une hausse de la demande en eau qu'à une hausse des températures, avec
notamment une diminution globale des précipitations saisonniÚres pouvant aller jusqu'à
-39% en été pour la période 2071-2100. Les résultats de cette étude ont également mis en
avant le besoin de s'accorder sur les scĂ©narios et d’examiner conjointement les effets
d'une meilleure coordination des politiques de gestion de l'eau pour la régulation et la
gestion des crues et pour anticiper les potentiels conflits d’usage de l’eau en pĂ©riode
d’étiage, par exemple. À partir de ces rĂ©sultats, les partenaires d’AMICE ont souhaitĂ©
s’engager dans un projet de coopĂ©ration transfrontaliĂšre devant conduire Ă  une stratĂ©gie
d'adaptation, via les scénarios de changement climatique et de débits établis pour le
bassin versant.
c) Le projet AMICE.
AMICE constitue le sigle pour « Adaptation of the Meuse to the Impacts of Climate
Evolutions ».
Le point de départ de la réflexion qui a abouti au lancement du projet AMICE a été la prise
de conscience du dĂ©calage entre l’existence de stratĂ©gies d’adaptation au niveau national
et l’absence de concertation au niveau transnational sur la question. Les partenaires
d’AMICE se sont lancĂ©s dans ce projet plutĂŽt dans l’optique d’apporter des solutions que
d’éviter le transfert de vulnĂ©rabilitĂ©s d’un pays Ă  un autre31
. L’adaptation au changement
climatique est rapidement apparu comme l’enjeu le plus important à traiter pour les
partenaires.
Le projet AMICE a Ă©tĂ© lancĂ© Ă  l’initiative de l’Établissement public d’amĂ©nagement de la
Meuse et de ses affluents (EPAMA), le 5 décembre 2008 pour une période de mise en
31
Entretien avec MaĂŻtĂ© Fournier cf. Annexe 4 – Listes des personnes ayant contribuĂ© Ă  ma rĂ©flexion.
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Ɠuvre de trois ans de 2009 à 2012.
Il a été financé par le programme INTERREG IV B Europe du Nord-Ouest, son budget
total s’élevait Ă  8,9 millions d’euros (2,8 millions d’euros de la part du FEDER et 6,1
millions d’euros de la part des autoritĂ©s locales, rĂ©gionales et nationales, des agences et
associations de l’eau).
Le projet compte dix-sept partenaires dont trois français, huit belges, trois allemands, trois
néerlandais.
Le défi principal auquel le projet a souhaité répondre était de savoir comment concevoir de
nouvelles structures de gestion de l’eau capables de traiter des inondations, de la
sĂ©cheresse et de l’augmentation de la demande en eau, de maniĂšre intĂ©grĂ©e.
Les objectifs visés ont été de définir une stratégie d'adaptation commune aux impacts du
changement climatique sur les inondations et la sĂ©cheresse, reconnue Ă  l’échelle du
bassin fluvial international de la Meuse; de mettre en place un dispositif de mesures
bĂ©nĂ©fiques et transfĂ©rables Ă  l’ensemble du bassin de la Meuse; de renforcer et Ă©largir le
partenariat des acteurs dans le bassin international de la Meuse ; et d’impliquer la
population et les autorités publiques à travers une meilleure connaissance des enjeux et le
dĂ©veloppement d’un sentiment d’appartenance au bassin de la Meuse et d’une prise de
conscience des risques d’inondations et de sĂ©cheresse.
Les moyens déployés pour atteindre ces objectifs ont été de réunir les partenaires du
projet autour de cinq modules thématiques de travail; de réaliser une étude du
comportement hydrologique actuel et futur du bassin, et de déterminer les caractéristiques
prévues des inondations, ainsi que les mesures de gestion des eaux de crue qui doivent
ĂȘtre prises; de dĂ©finir des scĂ©narios, partagĂ©s Ă  l’échelle du bassin international, en lien
avec le changement climatique; de réaliser la premiÚre simulation hydraulique du fleuve et
des cartes de risques associĂ©es; et d’identifier des points chauds, c’est-Ă -dire des
secteurs et des usages de l’eau menacĂ©s par les futures inondations et pĂ©riodes de
sécheresse.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
33
2. Analyse des facteurs de coopération transfrontaliÚre favorisant ou entravant la
promotion de l’adaptation au changement climatique.
a) Opportunités.
Le contexte de coopération a été un élément favorable pour le lancement du projet
et qui a par lĂ -mĂȘme contribuĂ© Ă  la prise en compte de l’adaptation dans la rĂ©gion. Le
bassin versant de la Meuse Ă©tait dĂ©jĂ  perçu par les partenaires d’AMICE comme un
bassin international au moment de la construction du projet, du fait d’une coopĂ©ration de
longues dates entre les diffĂ©rentes agences de l’eau.
La perception de la coopération transfrontaliÚre dans la région est un autre élément qui a
facilité le lancement du projet et son bon fonctionnement. La coopération transfrontaliÚre
apparaĂźt dĂšs le dĂ©but du projet comme Ă©vidente : les partenaires d’AMICE issus de tous
les pays partagent une vision de la Meuse comme un bien commun et une passion
commune. La plupart d’entres eux sont mĂȘme nĂ©s dans une ville au bord de la Meuse
expliquant sans doute cet attachement profond au fleuve.
Le choix des acteurs a été également crucial dans le bon déroulement du projet. Si le
projet a aussi bien fonctionnĂ© c’est en effet en partie parce que les partenaires d’AMICE
possédaient une expérience de terrain et une bonne connaissance du bassin versant de la
Meuse32
.
L’organisation des rĂ©unions de travail telles qu’elle s’est dĂ©roulĂ©e durant le projet a Ă©tĂ©
une opportunitĂ© pour faciliter la prise en compte de l’adaptation au changement climatique.
En effet, la volonté de décloisonnement entre les groupes de travail thématiques (au
moins un partenaire de chaque pays par groupe de travail) a sans doute créé un cadre
favorable aux Ă©changes.
Le projet a bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un cadre intellectuel et politique favorable Ă  la prise en compte de
l’adaptation au changement climatique33
. En effet, la publication de projections
32
Entretien avec MaĂŻtĂ© Fournier cf. Annexe 4 – Listes des personnes ayant contribuĂ© Ă  ma rĂ©flexion.
33
Entretien avec MaĂŻtĂ© Fournier cf. Annexe 4 – Listes des personnes ayant contribuĂ© Ă  ma rĂ©flexion.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
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rĂ©gionalisĂ©es et du QuatriĂšme rapport d’évaluation du GIEC en 2007, offrant un meilleur
accĂšs aux donnĂ©es climatiques ainsi que la mĂ©diatisation internationale qui s’est portĂ©e
sur le changement climatique et la reconnaissance de l’adaptation Ă  la confĂ©rence de
Copenhague en 2009 ont coĂŻncidĂ© avec le dĂ©but de la pĂ©riode de mise en Ɠuvre du
projet.
Le Programme INTERREG IV B de l’Union EuropĂ©enne est apparu comme une
opportunitĂ© de financement du projet AMICE. C’est ainsi qu’un programme de financement
destinĂ© Ă  la coopĂ©ration transfrontaliĂšre permet de promouvoir un projet d’adaptation au
changement climatique.
D’autre part, l’existence d’un cadre institutionnel de protection de la Meuse à travers la
Commission internationale de la Meuse semble une opportunité pour ancrer le projet de
coopĂ©ration transfrontaliĂšre sur l’adaptation dans la durĂ©e.
b) Lacunes et barriĂšres.
Des problÚmes administratifs ont ralenti la collecte des données et les projections
climatiques Ă©taient encore difficiles d’accĂšs (en dehors de la communautĂ© du climat) au
moment du lancement du projet34
. En effet, le portail DRIAS les futurs du climat qui fournit
des services climatiques n’existait pas encore.
L’intĂ©gration de scĂ©narios climatiques dans les paramĂštres de mise en Ɠuvre des projets
ne faisait pas partie de la pratique des gestionnaires de l’eau et donc il s’agissait d’une
technique non maßtrisée.
Il s’est avĂ©rĂ© difficile d’accorder les projections nationales pour disposer de donnĂ©es Ă 
l’échelle du bassin versant, notamment du fait de certaines incompatibilitĂ©s techniques.
Une construction collective s’appuyant sur des contributions de tous a Ă©tĂ© nĂ©cessaire car
les projections climatiques au niveau de chaque partenaire ne permettaient pas de
34
Entretien avec MaĂŻtĂ© Fournier cf. Annexe 4 – Listes des personnes ayant contribuĂ© Ă  ma rĂ©flexion.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
35
répondre au besoin.
D’autre part, le projet a manquĂ© de moyens humains dans sa rĂ©alisation, notamment
parce que les acteurs devaient partager leur temps de travail entre leurs missions
habituelles et ce projet de coopération35
. Ce manque de moyens consacrés à la mise en
Ɠuvre d’un projet est caractĂ©ristique de ce qu’Oran R. Young appelle le problĂšme de
l’adĂ©quation (« fit »)36
entre les systĂšmes biophysiques et les systĂšmes de gouvernance
crĂ©Ă©s pour gĂ©rer l’apparition de problĂšmes environementaux. En effet, il semble que dans
beaucoup de cas, il y a un manque critique de resources nécessaires pour enclencher un
contrÎle systématique des activités, ce qui conduit à des efforts superficiels, souvent
Ă©chouant Ă  capter les changements socio-Ă©conomiques importants au moment opportun
et de maniÚre appropriée.37
Dans le cas du projet AMICE, la recherche d’une meilleure
adĂ©quation entre le systĂšme de coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation au
changement climatique et le systĂšme biophysique du bassin de la Meuse pourrait se
manifester, par exemple, par l’adoption d’une plus grande flexibilitĂ© dans la rĂ©partition du
temps de travail entre les moments consacrés au travail administratif habituel des
partenaires et les moments oĂč ils travaillent sur le projet de coopĂ©ration transfrontaliĂšre.
Ceci leur permettrait de dégager temporairement plus de temps libre pour se consacrer au
projet sans affecter leurs missions habituelles sur le long terme.
Le concept d’adaptation au changement climatique lui-mĂȘme a Ă©tĂ© difficile Ă  expliquer. A
priori, il n’apporte pas de changement perceptible localement pour la population et les
modifications qu’il entraĂźne ne sont pas aussi visibles que des amĂ©nagements d’ingĂ©nierie
mis en place dans le cadre de l’attĂ©nuation au changement climatique. Ce qui a rendu
d’autant plus difficile Ă  faire comprendre la valeur ajoutĂ©e de l’adaptation aux collectivitĂ©s
locales. Si elles n’ont pas montrĂ© d’opposition au projet, les collectivitĂ©s locales n’ont pas
n’ont plus montrĂ© d’enthousiasme pour le projet.
Enfin, on a observĂ© que l’adaptation au changement climatique avait encore du mal Ă  ĂȘtre
35
Entretien avec MaĂŻtĂ© Fournier cf. Annexe 4 – Listes des personnes ayant contribuĂ© Ă  ma rĂ©flexion.
36
YOUNG, Oran R. The Institutional Dimensions of Environmental Change : Fit, Interplay, and Scale.
Cambridge, Massachusetts : MIT Press, 2002. 237 p.
37
YOUNG, Oran R. Matching Institutions and Ecosystems: The Problem of Fit. Les sĂ©minaires de l’Iddri,
2002, n°2. ConfĂ©rence dans le cadre du sĂ©minaire Economie de l’environnement et du dĂ©veloppement
durable, coorganisĂ© par l’Iddri et le MinistĂšre de l’écologie, du dĂ©veloppement durable et de l’énergie. Paris,
25 juin 2002.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
36
mise en avant au moment du lancement du projet AMICE puisque c’est la coopĂ©ration
transfrontaliĂšre qui a prĂ©valu sur l’adaptation pour obtenir des financements.
c) RĂ©ussites.
Tous les aménagements qui avaient été prévus dans le cadre du projet AMICE ont
été achevés.
Le projet AMICE a permis de découvrir de nouvelles formes de coopération
transfrontaliùre pour s’entraider à s’adapter au changement climatique jusque-là
insoupçonnĂ©es. GrĂące au projet AMICE, l’Allemagne a, par exemple, dĂ©couvert que l’eau
pouvait ĂȘtre fournie aux Pays-Bas pour les aider Ă  mieux afronter les pĂ©riodes de
sécheresse, sans conséquence nationale significative38
.
Le projet AMICE a permis de disposer de projections climatiques au niveau du bassin
versant et de faciliter l’échange de donnĂ©es entre les organismes des diffĂ©rents pays.
Des signes montrent que le projet AMICE a bien fonctionnĂ© et qu’il continue. Les
prochaines Ă©tudes sur l’adaptation dans le bassin de la Meuse vont intĂ©grer les rĂ©sultats
d’AMICE. En effet, les universitĂ©s de Metz, LiĂšge, Aix-La-Chapelle et Maastricht
poursuivent aujourd’hui l’affinage des projections climatiques pour la Meuse. De plus, les
rĂ©sultats d’AMICE seront utilisĂ©s pour la mise en Ɠuvre de la Directive-cadre sur l’eau de
l’Union europĂ©enne39
: l’adaptation sera prise en compte dans la norme sur le bon Ă©tat
Ă©cologique des cours d’eau, sur la qualitĂ© de l’eau.
Ensuite, une stratĂ©gie d’adaptation au changement climatique pour le bassin de la Meuse
sera peut-ĂȘtre Ă©laborĂ©e par la CIM, Ă  l’issue de ces rĂ©sultats.
38
Entretien avec MaĂŻtĂ© Fournier cf. Annexe 4 – Listes des personnes ayant contribuĂ© Ă  ma rĂ©flexion.
39
La Directive-cadre sur l'eau de l’Union europĂ©enne, adoptĂ©e le 23 octobre 2000 par le Parlement
europĂ©en et entrĂ©e en vigueur le 22 dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e, entend impulser une politique de l'eau
plus cohérente, en posant le cadre européen d'une gestion et d'une protection des eaux par district
hydrographique.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
37
Par ailleurs, la conférence de clÎture du projet AMICE a été un véritable succÚs et pourra
ĂȘtre pris en exemple pour le lancement d’autres projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre sur
l’adaptation au changement climatique. La confĂ©rence a, en effet, mobilisĂ© trois cents
personnes et la participation de la Commission Économique pour l’Europe des Nations
Unies (CEE-ONU) a sans doute apportĂ© une visibilitĂ© au-delĂ  de l’Europe de l’ouest au
projet. Enfin, le fait que le projet ait une suite et que l’adaptation au changement climatique
continue d’ĂȘtre prise en compte dans le nouveau projet tĂ©moigne du succĂšs du projet
AMICE.
Enfin, si les résultats du projet AMICE ne seront pas nécessairement intégrés dans les
politiques des Ă©lus locaux en tant que rĂ©sultats relevant d’un projet d’adaptation au
changement climatique mais peut-ĂȘtre seulement en tant que rĂ©sultats ayant traits Ă  la
gestion de l’eau, l’adaptation au changement climatique sera en tout cas prise en compte.
Ce rĂ©sultat positif pouvant s’interprĂ©ter comme la manifestation du mainstreaming de
l’adaptation au changement climatique.
d) Pistes d’amĂ©lioration.
D’une part, au lieu d’une stratĂ©gie d’adaptation, comme cela avait Ă©tĂ© l’objectif de
dĂ©part du projet AMICE, les partenaires n’ont Ă©laborĂ© qu’une simple feuille de route. Les
partenaires ont manquĂ© d’anticipation par rapport Ă  l’état d’avancement du projet et ne
possédaient pas de mandat pour rédiger un document politique comme une stratégie.
D’autre part, le projet n’a pas bĂ©nĂ©ficiĂ© du portage politique escomptĂ© par les partenaires
d’AMICE qui n’ont pas rĂ©ussi Ă  suffisamment sensibiliser le grand public et les Ă©lus locaux
à la prise en compte de l’adaptation au changement climatique dans les projets
d’amĂ©nagement du territoire.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
38
Section 2 : Le bassin Méditerranéen
1. Diagnostic de vulnérabilité menant à la coopération transfrontaliÚre pour
s’adapter au changement climatique.
a) Le Constat d’une vulnĂ©rabilitĂ© actuelle et de futurs impacts en prĂ©vision.
La mer Méditerranée est une mer intercontinentale presque entiÚrement fermée,
entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie, et qui s’étend sur prĂšs de 2,5 millions de kilomĂštres
carrĂ©s. Elle a la particularitĂ© d’ĂȘtre bordĂ©e par deux rives comprenant des pays
développés au nord et des pays en développement au sud.
Cette rĂ©gion du monde souffre d’importants problĂšmes de stress hydrique, de
dĂ©sertification, de pertes de biodiversitĂ© et d’évĂšnements climatiques extrĂȘmes tels
qu’inondations et sĂ©cheresses. Elle est considĂ©rĂ©e comme un « hot spot » du changement
climatique. Les scénarios du GIEC projettent une hausse moyenne des températures de 2
Ă  3°C Ă  l’horizon 2050, et de 3 Ă  5°C Ă  l’horizon 2100 pour la rĂ©gion, ainsi qu’une
diminution des précipitations estivales de 35 % sur la rive sud et de 25 % sur la rive nord
d’ici la fin du siùcle.
b) Un vaste cadre international de coopération transfrontaliÚre.
La prise en compte de l’adaptation au changement climatique comme objet de
coopĂ©ration en MĂ©diterranĂ©e commence Ă  peine Ă  voir le jour et passe d’abord par le biais
de la protection de l’environnement marin contre la pollution et du dĂ©veloppement durable.
En 1975, le Plan d’Action pour la MĂ©diterranĂ©e (PAM) a Ă©tĂ© adoptĂ© sous l’égide du
Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) par seize pays
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
39
mĂ©diterranĂ©ens et par l’Union EuropĂ©enne pour aider les pays mĂ©diterranĂ©ens Ă  Ă©valuer
et Ă  contrĂŽler la pollution marine, Ă  formuler leurs politiques environnementales nationales,
à promouvoir la capacité des gouvernements à identifier les meilleures options pour des
modĂšles alternatifs de dĂ©veloppement, et Ă  optimiser les choix dans l’allocation des
ressources.
Entre 1976 et 1978, la Convention de Barcelone pour la Protection de la mer Méditerranée
contre la pollution est adoptée.
À la fin des annĂ©es 1970, le Plan Bleu pour l’environnement et le dĂ©veloppement en
Méditerranée est créé dans le cadre du PAM. Le Plan Bleu est à la fois une association et
un centre d’observation, d’analyse et de prospective. Il a vocation Ă  ĂȘtre une interface
entre la production de données scientifiques et la décision politique. Il est financé par la
France, la Commission EuropĂ©enne, le Fonds pour l’environnement mondial et la Banque
mondiale. Le Plan Bleu a pour missions : le développement de bases de données sur
l'environnement, l’économie et la sociĂ©tĂ© ; l’analyse et la prospective concernant les
principaux enjeux de dĂ©veloppement durable Ă  l’échelle du bassin mĂ©diterranĂ©en et de
ses composantes écologiques ou géographiques, en utilisant des méthodes systémiques ;
la publication et la diffusion des résultats de ses études et synthÚses ; le développement
et l’animation de rĂ©seaux d’experts dans les pays mĂ©diterranĂ©ens et l’aide Ă  la
construction des capacités ; et le soutien à la stratégie méditerranéenne pour le
développement durable dans le cadre de la Commission méditerranéenne de
développement durable.
En 1996 est créée la Commission méditerranéenne de développement durable dans le
cadre du PAM avec pour mission de préparer une stratégie méditerranéenne de
développement durable.
Entre 2007 et 2013, le Programme de coopération transfrontaliÚre de Bassin Maritime
MĂ©diterranĂ©e est adoptĂ©. Il s’agit du Programme pour la mise en Ɠuvre des activitĂ©s de
coopération transfrontaliÚre dans le contexte de la Politique Européenne de Voisinage
(PEV), en complément des efforts conduits dans le cadre du Partenariat Euro-
Méditerranéen. Son but est de développer une zone de paix, stabilité, prospérité et de bon
voisinage entre les pays MĂ©diterranĂ©ens de l’Union europĂ©enne et les pays partenaires
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
40
méditerranéens.
En janvier 2008 est signé le Protocole de gestion intégrée des zones cÎtiÚres (GIZC) qui
entra en vigueur en mars 2011 et dont la mise en Ɠuvre a Ă©tĂ© prĂ©vue dans le cadre d’un
Plan d’action pour la pĂ©riode 2012-2019. Ce Protocole a Ă©tĂ© Ă©tabli par nĂ©cessitĂ© d’un
instrument juridique contraignant car les politiques de gestion intégrée des zones cÎtiÚres
mise en place dans le cadre de la Convention de Barcelone n’avaient qu’une valeur de
« soft law », ne reposaient que sur une base volontaire, et leur application était quasi nulle
en raison de leur caractĂšre facultatif et non contraignant.
En septembre 2009 est organisée la 13e
réunion de la Commission méditerranéenne du
dĂ©veloppement durable invitant les Parties contractantes Ă  mettre en Ɠuvre des mesures
urgentes d’adaptation afin de renforcer la rĂ©silience de l’espace mĂ©diterranĂ©en au
changement climatique.
Et enfin, lors de la mĂȘme annĂ©e 2009, la dĂ©claration de Marrakech est adoptĂ©e par les
Parties contractantes Ă  la Convention de Barcelone sur la protection du milieu marin et du
littoral de la MĂ©diterranĂ©e. À travers cette dĂ©claration, les États parties mettent en avant le
fait qu’ils considĂšrent le changement climatique comme un dĂ©fi majeur pour l’humanitĂ©, et
qu’il faille prendre en compte les impacts du changement climatique et l’adaptation au
changement climatique. Ils s’engagent à renforcer les consultations entre les pays de la
région ; à promouvoir la coopération méditerranéenne en matiÚre de lutte contre les effets
du changement climatique dans la région et à renforcer les mécanismes institutionnels ; à
assurer l’intĂ©gration des questions de changement climatique dans les politiques de
dĂ©veloppement ; Ă  faire en sorte que l’adaptation au changement climatique soit
pleinement prise en compte dans la révision de la stratégie méditerranéenne de
développement durable au cours du prochain exercice biennal ; à favoriser les synergies
entre la Convention de Barcelone, l’Union pour la MĂ©diterranĂ©e (UpM) et la Politique
europĂ©enne de voisinage (PEV) ; et Ă  renforcer la capacitĂ© du Plan d’Action pour la
Méditerranée (PAM).
La coopĂ©ration transfrontaliĂšre en MĂ©diterranĂ©e se dĂ©veloppe donc dans le cadre d’une
multiplicitĂ© d’accords rĂ©gionaux et d’organisations rĂ©gionales tournĂ©s vers le
dĂ©veloppement durable et donc potentiellement porteurs de projets d’adaptation au
changement climatique.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
41
c) Le projet d’intĂ©gration de l’adaptation au changement climatique dans la stratĂ©gie
méditerranéenne de développement durable.
La promotion de l’adaptation au changement climatique par le biais de la
coopĂ©ration transfrontaliĂšre en est Ă  ses dĂ©buts en MĂ©diterranĂ©e et n’existe pour l’instant
que par l’intĂ©gration de l’adaptation au changement climatique dans la stratĂ©gie
méditerranéenne de développement durable. Cette stratégie méditerranéenne pour le
dĂ©veloppement durable, publiĂ©e en 2005, a intĂ©grĂ© l’adaptation aux impacts du
changement climatique dans ses sept domaines d’action prioritaires dĂšs le dĂ©part et sa
rĂ©vision est en cours Ă  l’étĂ© 2014 pour renforcer cette prise en compte de l’adaptation au
changement climatique.
En parallÚle avec le projet de révision de la stratégie méditerranéenne de développement
durable, des séminaires sont réguliÚrement organisés par le Plan Bleu pour développer et
maintenir un dialogue sur l’adaptation au changement climatique entre les pays riverains.
En 2012, par exemple, a Ă©tĂ© organisĂ©e une confĂ©rence au Caire sur l’adaptation au
changement climatique en MĂ©diterranĂ©e. Cette confĂ©rence a donnĂ© l’occasion Ă  la
prĂ©sentation du systĂšme d’alerte prĂ©coce liĂ© Ă  la submersion marine de MĂ©tĂ©o France, le
Plan Canicule, et le plan national d’adaptation au changement climatique français. Il en est
ressorti que les pays méditerranéens avaient au moins une perception commune de leur
prioritĂ© d’adaptation : la vulnĂ©rabilitĂ© des grandes zones urbaines au changement
climatique. Et cette conférence a eu pour effet de donner une impulsion pour initier un
travail commun sur la stratégie méditerranéenne pour le développement durable, sur un
guide mĂ©thodologique, et sur une plateforme d’échange de donnĂ©es climatiques40
.
40
Entretien avec Sylvain Mondon cf. Annexe 4 – Listes des personnes ayant contribuĂ© Ă  ma rĂ©flexion.
Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014
42
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Cross-border cooperation - adaptation to climate change

  • 1. UNIVERSITE DE GRENOBLE Sciences Po Grenoble Sarah VOIRIN LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE : UN CHAMP D’ACTION POUR L’ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE. 2014 Master 2 Organisations Internationales Sous la direction de M. StĂ©phane Labranche
  • 2.
  • 3. UNIVERSITE DE GRENOBLE Sciences Po Grenoble Sarah VOIRIN LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE : UN CHAMP D’ACTION POUR L’ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE. 2014 Master 2 Organisations Internationales Sous la direction de M. StĂ©phane Labranche
  • 4. REMERCIEMENTS Je tiens Ă  remercier StĂ©phane Labranche, mon directeur de mĂ©moire, pour sa disponibilitĂ©, son aide et ses conseils qui m’ont permis de rĂ©aliser ce travail. Son appui a Ă©tĂ© fondamental pour cadrer mon analyse. Je tiens Ă©galement Ă  souligner l’accompagnement que m’ont fourni les membres de l’Observatoire national sur les effets du rĂ©chauffement climatique (ONERC), et en particulier Sylvain Mondon, mon directeur de stage, pour sa disponibilitĂ© et sa patience. Ses rĂ©flexions critiques et constructives m’ont aidĂ© Ă  concevoir mon mĂ©moire. Ce stage n’aurait pas eu lieu sans que Nicolas BĂ©riot accepte ma candidature, et pour cela je le remercie. Pour realiser les entretiens qui alimentent ce memoire, j’ai sollicite de nombreuses personnes, qui m’ont accorde leur temps et partage leurs informations. Un grand merci a MaĂŻtĂ© Fournier, Sarah Tiefenauer, Mohamed Boulahia, Michel Aldon et Chantal Andrianarivo. Je remercie egalement les membres du Departement de lutte contre l’effet de serre pour leur accueil, et particulierement Claire BergĂ© pour ses encouragements. Pour la qualite et la sympathie de nos echanges, je veux remercier Marie-Pierre MĂ©ganck et FrĂ©dĂ©ric Schafferer du MinistĂšre de l’écologie, du dĂ©veloppement durable et de l’énergie. Je souhaite remercier HĂ©lĂšne Desbieys pour son appui et sa bonne humeur lorsque nous Ă©tions toutes les deux en stage Ă  l’ONERC. Je remercie Ă©videmment tous mes proches pour leur soutien dans cette belle aventure.
  • 5. SOMMAIRE INTRODUCTION GÉNÉRALE.................................................................................................................................. 6 CHAPITRE 1 : COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE, UNE DIMENSION PERTINENTE POUR L’ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE ?......................................................................................18 CHAPITRE 2 : APPROCHE EMPIRIQUE DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE POUR L’ADAPTATION À TRAVERS TROIS ÉTUDES DE CAS...................................................................................30 SECTION 1 : LE BASSIN DE LA MEUSE..................................................................................................................................... 31 SECTION 2 : LE BASSIN MÉDITERRANÉEN..............................................................................................................................40 SECTION 3 : LES ÎLES DE L’OUEST DE L’OCÉAN INDIEN........................................................................................................47 CHAPITRE 3 : ENSEIGNEMENTS POUR ENRICHIR UN PROCESSUS EN DEVENIR................................53 CONCLUSION GÉNÉRALE..................................................................................................................................... 62 BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................................................... 66 ANNEXES ................................................................................................................................................................. 78 Annexe 1 - PrĂ©sentation des missions de l’ONERC..................................................................................................................................79 Annexe 2 - La dĂ©marche d’adaptation de l’Union EuropĂ©enne..........................................................................................................81 Annexe 3 - Étude comparĂ©e des processus d’adaptation au changement climatique dans les pays de l’espace europĂ©en (printemps 2014)...............................................................................................................................................................................89 Annexe 4 - Listes des personnes ayant contribuĂ© Ă  ma rĂ©flexion..................................................................................................100 TABLE DES MATIÈRES....................................................................................................................................... 102 Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 4
  • 6. INTRODUCTION GÉNÉRALE 1. La NĂ©cessitĂ© des Politiques Climatiques a)L’adaptation au changement climatique : une politique climatique nouvelle. L’adaptation au regard du changement environnemental n’est rien de nouveau. Les individus et les systĂšmes socio-Ă©cologiques ont toujours rĂ©pondu aux pressions extĂ©rieures. Mais le changement climatique apporte un dĂ©fi particulier : celui de pouvoir anticiper les phĂ©nomĂšnes climatiques. C’est pour cette raison que la comprĂ©hension de l’adaptation au changement climatique est un dĂ©fi critique de notre Ă©poque. L’adaptation est ici conçue comme un phĂ©nomĂšne dynamique, comme un processus plutĂŽt que comme un statut. En effet, un individu ou une organisation peuvent ĂȘtre bien adaptĂ©s Ă  un moment particulier dans l’histoire, mais le dynamisme du changement climatique requiert une adaptation qui puissent co-Ă©voluer avec lui. Le changement climatique n’est plus une menace extĂ©rieure, mais un Ă©lĂ©ment intime de l’histoire humaine, Ă  la fois consĂ©quence et moteur des dĂ©cisions prises en matiĂšre de dĂ©veloppement par les individus, les organisations et les gouvernements. Ce qui suggĂšre qu’il est nĂ©cessaire d’anticiper les impacts du changement climatique1 . Nous devons dĂšs aujourd’hui rĂ©flĂ©chir Ă  la maniĂšre d’adapter notre sociĂ©tĂ© au changement climatique car, malgrĂ© les efforts pour rĂ©duire les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre, des changements profonds sont dĂ©sormais inĂ©luctables, du fait de la concentration actuelle de gaz Ă  effet de serre dans l’atmosphĂšre et de l’inertie du systĂšme climatique2 . L’adaptation Ă  la variabilitĂ© et au changement climatique est dĂ©finie par le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) comme « l’ajustement des systĂšmes naturels ou humains en rĂ©ponse Ă  des stimuli climatiques ou Ă  leurs effets, afin d’attĂ©nuer les effets nĂ©fastes ou d’exploiter des opportunitĂ©s bĂ©nĂ©fiques »3 . En somme, 1 PELLING, Mark. Adaptation to climate change : from resilience to transformation. Londres : Routledge, 2011. 224 p. 2 Observatoire National sur les Effets du RĂ©chauffement Climatique. L’adaptation de la France au changement climatique, rapport annuel au Premier Ministre et au Parlement, 2011. 3 Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat. TroisiĂšme rapport d’évaluation, rapport du Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 5
  • 7. l’adaptation a pour but de rĂ©duire la vulnĂ©rabilitĂ© Ă  la variabilitĂ© climatique et au changement climatique. La vulnĂ©rabilitĂ© Ă  la variabilitĂ© et au changement climatique est dĂ©finie par le GIEC comme « le degrĂ© auquel un systĂšme risque de subir ou d’ĂȘtre affectĂ© nĂ©gativement par les effets nĂ©fastes des changements climatiques ». La vulnĂ©rabilitĂ© au changement climatique est la rencontre de l’exposition d’un territoire aux impacts du changement climatique et de la sensibilitĂ© d’une sociĂ©tĂ© telle qu’elle ne peut empĂȘcher ces impacts de crĂ©er des dommages sociaux, Ă©conomiques ou environnementaux. La vulnĂ©rabilitĂ© au changement climatique est donc Ă  la jonction entre des facteurs naturels et des facteurs anthropiques (Ă©conomiques, sociaux, culturels, politiques). L’exposition correspond Ă  la nature et au degrĂ© auxquels un systĂšme est exposĂ© Ă  des variations climatiques significatives sur une certaine durĂ©e. Les variations du systĂšme climatique se matĂ©rialisent par des Ă©vĂ©nements extrĂȘmes tels que des inondations, des tempĂȘtes ainsi que l’évolution des moyennes climatiques. La sensibilitĂ© au changement climatique fait rĂ©fĂ©rence Ă  la proportion dans laquelle un Ă©lĂ©ment exposĂ© (collectivitĂ©, organisation
) au changement climatique est susceptible d’ĂȘtre affectĂ© favorablement ou dĂ©favorablement par la manifestation d’un alĂ©a. L’alĂ©a au sens large constitue un phĂ©nomĂšne, une manifestation physique ou une activitĂ© humaine susceptible d’occasionner des dommages aux biens, des perturbations sociales et Ă©conomiques voire des pertes en vies humaines ou une dĂ©gradation de l’environnement4 . La vulnĂ©rabilitĂ© au changement climatique apparaĂźt donc comme le degrĂ© par lequel un systĂšme risque d’ĂȘtre affectĂ© nĂ©gativement par les effets des changements climatiques sans pouvoir y faire face. En cas de pĂ©riode de forte chaleur, la vulnĂ©rabilitĂ© d’un territoire dĂ©pend de son degrĂ© d’exposition Ă  l’augmentation des tempĂ©ratures ; de ses caractĂ©ristiques socio-Ă©conomiques telles que la prĂ©sence de populations fragiles, les personnes ĂągĂ©es, par exemple, qui vont conditionner sa sensibilitĂ© Ă  l’alĂ©a chaleur ; et de sa capacitĂ© d’adaptation, c’est-Ă -dire des systĂšmes de prĂ©vention mis en place et de l’accĂšs aux Ă©quipements d’urgence. Il existe deux types d’adaptation. La premiĂšre est rĂ©active ou spontanĂ©e, il s’agit d’une rĂ©action aux impacts du changement climatique aprĂšs qu’ils se soient produits. La seconde est anticipative et consiste Ă  agir avant que les Ă©volutions climatiques ne se produisent, afin de rĂ©duire les vulnĂ©rabilitĂ©s des territoires. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une adaptation qui rĂ©sulte de dĂ©cisions stratĂ©giques dĂ©libĂ©rĂ©es, fondĂ©es sur une Groupe de Travail II : « Impacts, Adaptation et VulnĂ©rabilitĂ© », 2001. 4 Agence de l’environnement et de la maĂźtrise de l’énergie. Diagnostic de vulnĂ©rabilitĂ© d’un territoire au changement climatique. ÉlĂ©ments mĂ©thodologiques tirĂ©s de l’expĂ©rience internationale, 2012. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 6
  • 8. perception claire des conditions qui pourront changer. L’acceptation de la notion d’adaptation s’est dĂ©roulĂ©e en plusieurs Ă©tapes, avec des tensions et demeure encore floue. Elle fut d’abord le fruit d’un consensus scientifique, puis d’un consensus politique. L’adaptation apparaĂźt formellement pour la premiĂšre fois dans le DeuxiĂšme rapport d'Ă©valuation du GIEC en 1995. Le rapport conclut en Ă©bauchant la portĂ©e du soutien nĂ©cessaire pour l’adaptation. Il soutient qu’une adaptation efficace dĂ©pend de la disponibilitĂ© des ressources financiĂšres, du transfert de technologies, des pratiques culturelles, Ă©ducatives, managĂ©riales, institutionnelles, lĂ©gales, rĂ©glementaires intĂ©rieures et internationales. Ensuite l’adaptation entre dans le cadre des nĂ©gociations internationales sur le climat. Les annĂ©es 2000 ont vu la montĂ©e en puissance de la notion d’adaptation. Progressivement les gouvernements ont accordĂ© plus d’attention Ă  l’anticipation des changements climatiques, face Ă  l’incapacitĂ© de la communautĂ© internationale Ă  adopter un accord international suffisamment contraignant pour limiter les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre, alimentant le changement climatique. En 2005, le Programme de travail de Nairobi est adoptĂ© pour aider les États parties Ă  la Convention Cadre des Nations Unies pour le changement climatique (CCNUCC), et surtout les pays en dĂ©veloppement, Ă  amĂ©liorer leur comprĂ©hension et leur Ă©valuation des impacts et de leur vulnĂ©rabilitĂ© au changement climatique ainsi qu’à prendre des dĂ©cisions avisĂ©es sur les actions et mesures concrĂštes d’adaptation. En 2009, la ConfĂ©rence des Parties de Copenhague reconnaĂźt la nĂ©cessitĂ© d’amĂ©liorer l’action en matiĂšre d’adaptation pour rĂ©duire la vulnĂ©rabilitĂ© et construire une rĂ©silience dans les pays en dĂ©veloppement et surtout dans les pays les plus vulnĂ©rables. Enfin, en 2010, en crĂ©ant le Fonds Vert pour le Climat, la ConfĂ©rence des Parties de CancĂșn offre un vĂ©ritable cadre pour l’adaptation avec pour objectif de mettre en valeur l’action en matiĂšre d’adaptation et un focus spĂ©cifique sur les pays en dĂ©veloppement, et pour inciter les pays les moins avancĂ©s (PMA) Ă  formuler des plans d’adaptation nationaux (PANA). b) Adaptation et AttĂ©nuation : deux politiques pour lutter contre le changement climatique. Pour limiter les impacts nĂ©gatifs du changement climatique, on peut soit rĂ©duire les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre (attĂ©nuation), soit s’adapter aux changements du climat Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 7
  • 9. (adaptation). Ces deux types de politiques climatiques n’ont cependant pas Ă©tĂ© traitĂ©es de maniĂšre symĂ©trique, l’adaptation au changement climatique ayant Ă©tĂ© longtemps relĂ©guĂ©e au second plan dans le dĂ©bat sur le changement climatique. Ce dĂ©sĂ©quilibre traduit Ă  la fois les difficultĂ©s que soulĂšve l’adaptation, comme le traitement de l’incertitude sur les impacts futurs du changement climatique, par exemple, et la volontĂ© d’esquiver la discussion sur l’adaptation, perçue par certains acteurs comme une solution infĂ©rieure, car n’agissant que sur les consĂ©quences du changement climatique et non sur ses causes, voire comme une solution dangereuse, car risquant de freiner la discussion sur l’attĂ©nuation5 . De fait, on oppose souvent la gouvernance de l’adaptation Ă  celle de l’attĂ©nuation en considĂ©rant que l’adaptation, qui tente de rĂ©duire les consĂ©quences du changement climatique, est un enjeu de politique publique nationale alors que l’attĂ©nuation, qui agit sur les causes du changement climatique, serait le seul enjeu qui ne pourrait se rĂ©soudre que dans un cadre de coopĂ©ration internationale. A priori, les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre d’origine anthropique contribuant au changement climatique Ă©tant produites par tous les pays, leur attĂ©nuation devrait passer par un effort collectif au niveau mondial. Et, le changement climatique ayant des impacts au niveau local, l’adaptation devrait se rĂ©soudre individuellement au niveau national. En rĂ©alitĂ©, chercher Ă  rĂ©duire sa vulnĂ©rabilitĂ© individuellement Ă  l’échelle nationale peut conduire Ă  des formes de mal-adaptation sur son territoire comme au-delĂ  des frontiĂšres. Pour s’adapter aux effets du changement climatique il peut alors devenir nĂ©cessaire de coopĂ©rer avec les autres pays. 2. Les barriĂšres Ă  l’adaptation et les risques de mal-adaptation. S’il est clair qu’il faut commencer dĂšs maintenant Ă  penser Ă  adapter nos sociĂ©tĂ©s au changement climatique, il n’est pas question d’agir avec prĂ©cipitation, sinon cela 5 HALLEGATTE StĂ©phane, LECOCQ Franck, DE PERTHUIS Christian. Economie de l’adaptation au changement climatique, rapport du Conseil Economique pour le DĂ©veloppement Durable, 2010. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 8
  • 10. risquerait d’engendrer de la « mal-adaptation ». Jared Diamond essaye de montrer dans ses travaux que l’adaptation spontanĂ©e des sociĂ©tĂ©s est insuffisante6 . On ne peut pas se contenter d’une adaptation rĂ©active. Il faut une adaptation prĂ©ventive et mĂȘme transformatrice. C’est dans ce sens que Mark Pelling analyse la dimension sociale de l’adaptation au changement climatique7 . Il tente de nous montrer que jusqu’ici l’adaptation a Ă©tĂ© pensĂ©e comme l’identification de ce qui doit ĂȘtre prĂ©servĂ© et ce dont on peut se passer plutĂŽt que comme ce qui peut ĂȘtre rĂ©formĂ© et ce que l’on peut gagner grĂące Ă  l’adaptation. Il nous prĂ©vient contre le fait que les politiques et pratiques de l’adaptation ne se rĂ©duisent Ă  la recherche de la prĂ©servation d’un noyau Ă©conomique plutĂŽt que permettant d’encourager la prospĂ©ritĂ© des dĂ©veloppements culturels, sociaux aussi bien qu’économiques. Il s’agit de comprendre l’adaptation comme un acte social et politique, un acte particuliĂšrement contemporain, qui porte en lui la possibilitĂ© de donner une nouvelle forme au futur et aux relations de pouvoirs dans la sociĂ©tĂ©. Mark Pelling se rĂ©fĂšre Ă  Paulo Freire8 qui nous met en garde sur le fait que sans une conscience critique, l’adaptation risque de ne se limiter qu’à des efforts qui ne promeuvent que des actions pour survivre mieux avec, qu’à chercher Ă  changer les structures sociales et politiques. Ainsi la forme la plus Ă©vidente de mal-adaptation au changement climatique est une adaptation prenant la forme d’une rĂ©sistance Ă  un nouvel Ă©vĂ©nement qui survient et, par la mĂȘme, d’une adaptation conservatrice en tant que volontĂ© de retour Ă  un Ă©tat initial. La tentation de s’adapter Ă  un changement de situation actuel sans penser Ă  l’évolution potentielle de cette situation sur le long terme est si forte et paraĂźt si naturel qu’il convient d’adresser le problĂšme de la mal-adaptation. La mal-adaptation est dĂ©finie par le GIEC comme « un changement opĂ©rĂ© dans les systĂšmes naturels ou humains qui font face au changement climatique et qui conduit - de maniĂšre non intentionnelle - Ă  augmenter la vulnĂ©rabilitĂ© au lieu de la rĂ©duire »9 . En ce sens, la mal-adaptation est une adaptation ayant eu l’effet inverse que prĂ©vu. La mal-adaptation peut prendre plusieurs formes. Elle peut rĂ©sulter d’une utilisation inefficace de ressources comparĂ©e Ă  d’autres options d’utilisation possibles. C’est le cas, 6 DIAMOND, Jared. Effondrement. Comment les sociĂ©tĂ©s dĂ©cident de leur disparition ou de leur survie, Paris, Gallimard, 2006. 7 op. cit. p.1 8 FREIRE, Paulo. Education for Critical Consciousness, 1969. 9 op. cit. p.1 Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 9
  • 11. par exemple, du recours massif Ă  la climatisation individuelle au lieu de l’investissement dans l’isolation. La mal-adaptation peut Ă©galement se prĂ©senter sous la forme d’une rĂ©duction de la marge d’adaptation future. Elle peut venir d’une erreur de calibrage, on parle alors de sous-adaptation. Cela se produit dans le cas de la construction d’une digue trop petite par rapport Ă  l’augmentation du niveau de la mer rĂ©sultant du changement climatique. Et la mal-adaptation est aussi un transfert incontrĂŽlĂ© de vulnĂ©rabilitĂ© d’un systĂšme Ă  un autre, d’une pĂ©riode Ă  une autre, d’un pays Ă  un autre. Dans le cas de la mise en Ɠuvre d’une coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour favoriser l’adaptation au changement climatique, le type de mal-adaptation qui nous intĂ©resse est celui du transfert de vulnĂ©rabilitĂ©. C’est dans cette perspective que Paul VergĂšs, prĂ©sident de l’Observatoire national sur les effets du rĂ©chauffement climatique (ONERC)10 , nous encourage Ă  rĂ©flĂ©chir sur l’apport de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation au changement climatique : « Le transfert de vulnĂ©rabilitĂ© au-delĂ  des frontiĂšres d’un État n’est pas une option acceptable. L’adaptation d’un territoire ne doit pas conduire Ă  fragiliser ses voisins »11 . Puisque les frontiĂšres naturelles ne correspondent pas aux frontiĂšres politiques et que donc les bassins de risques dĂ©passent les frontiĂšres tracĂ©es par les États, l’adaptation au changement climatique des rĂ©gions transfrontaliĂšres est un enjeu transnational. C’est pourquoi il est nĂ©cessaire d’intĂ©grer la dimension transfrontaliĂšre dans les projets d’adaptation au changement climatique. 3. La coopĂ©ration transfrontaliĂšre : un type de solution pour Ă©viter la mal- adaptation. Selon la Mission OpĂ©rationnelle TransfrontaliĂšre (MOT), « la coopĂ©ration transfrontaliĂšre correspond aux relations de voisinage qu’entretiennent les collectivitĂ©s territoriales et leurs groupements de part et d’autre des frontiĂšres. »12 De plus, le but principal de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre est de rĂ©duire les effets nĂ©gatifs des frontiĂšres en tant que barriĂšres administratives, lĂ©gales et physiques, de traiter des problĂšmes 10 cf. annexe 1 – PrĂ©sentation des missions de l’ONERC. 11 Observatoire National sur les Effets du RĂ©chauffement Climatique. Adaptation transfrontaliĂšre. La lettre aux Ă©lus, 2013. 12 Mission operationnelle transfrontaliere, Guide de la cooperation decentralisee transfrontaliere, juillet 2010. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 10
  • 12. communs et d’exploiter des potentiels inexploitĂ©s. À travers la gestion conjointe de programmes et de projets, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre est en charge d’une large gamme d’enjeux, incluant notamment l’amĂ©lioration de la gestion conjointe des ressources naturelles. De fait, si le changement climatique a des impacts sur les ressources naturelles communes aux rĂ©gions transfrontaliĂšres, les mesures d’adaptation qui en dĂ©coulent doivent Ă©galement faire l’objet d’une coopĂ©ration transfrontaliĂšre. C’est pourquoi la coopĂ©ration transfrontaliĂšre apparaĂźt comme un levier pour dĂ©bloquer des situations oĂč des rĂ©gions transfrontaliĂšres ne peuvent pas bien s’adapter en le faisant individuellement puisqu’elles sont interdĂ©pendantes les unes des autres. Dans cette perspective, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre peut permettre, aux États qui souhaitent s’adapter, d’éviter le transfert de vulnĂ©rabilitĂ© au changement climatique, et de se dĂ©tourner d’une trajectoire menant Ă  la mal-adaptation. Elle peut Ă©galement contribuer Ă  ce que les pays coopĂ©rant se partagent l’effort d’adaptation par la mutualisation des compĂ©tences. Et dans le meilleur des cas, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre peut ĂȘtre un levier pour que l’adaptation au changement climatique ne soit plus perçue comme une contrainte et qu’elle permette mĂȘme de rĂ©colter des bĂ©nĂ©fices qui dĂ©passent le seul fait d’ĂȘtre adaptĂ©. 4. Les justifications de la mĂ©thode de travail. De par ma formation pluridisciplinaire en sciences politiques j’ai Ă©tĂ© amenĂ©e Ă  rĂ©investir des connaissances et Ă  utiliser des cadres de rĂ©flexion en provenance de diffĂ©rents enseignements. Ainsi ce mĂ©moire a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© selon une approche croisant la thĂ©orie des rĂ©gimes internationaux, les politiques publiques internationales, le droit international public, la sociologie des organisations internationales, les nĂ©gociations internationales sur le climat, la protection internationale de l’environnement et la coopĂ©ration dĂ©centralisĂ©e des collectivitĂ©s territoriales. D’une part, la dĂ©marche avec laquelle j’ai abordĂ© ce sujet de mĂ©moire est un travail de recherche sous forme d'analyse, accompli Ă  partir de l’étude de diffĂ©rents articles, rapports et ouvrages en lien avec les thĂ©matiques de l’adaptation au changement climatique et de Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 11
  • 13. la coopĂ©ration transfrontaliĂšre. D’autre part, le stage que j’ai effectuĂ© Ă  l’ONERC m’a permis d’avoir accĂšs Ă  la plupart des donnĂ©es clĂ©s existantes aujourd’hui sur l’adaptation au changement climatique ; et grĂące au suivi de l’équipe de travail dans ses nombreuses et diverses missions, j’ai eu l’opportunitĂ© d’observer et de participer Ă  la construction pratique de l’approche nationale de l’adaptation au changement climatique. En effet, pendant toute la durĂ©e de mon stage, j’ai pu assister Ă  des sĂ©minaires, Ă  des confĂ©rences, et Ă  des rĂ©unions de travail informelles sur la thĂ©matique de l’adaptation. Par ailleurs, il m’a Ă©galement Ă©tĂ© permis de rencontrer la plupart des acteurs clĂ©s des politiques d’adaptation. La mĂ©thode utilisĂ©e pour rĂ©aliser ce mĂ©moire est donc d’allier Ă  la fois des enseignements thĂ©oriques et empiriques. En outre, ce mĂ©moire Ă  Ă©tĂ© l’occasion de mobiliser le travail d’approfondissement spĂ©cifique que j’ai effectuĂ© dans le cadre de mon stage Ă  l’ONERC, Ă  savoir : l’étude comparative des processus d’adaptation au changement climatique dans les pays europĂ©ens13 . La France Ă©tant un des pays les plus en avance dans son processus d’adaptation au changement climatique aujourd’hui et l’ONERC Ă©tant le point focal de l’adaptation en France, il a semblĂ© judicieux de prendre pour point de dĂ©part l’étude de la coopĂ©ration en matiĂšre d’adaptation aux frontiĂšres de la France selon des axes complĂ©mentaires. Ceci implique d’explorer Ă  la fois le pourtour mĂ©tropolitain et les outre-mer afin de restituer au mieux la pluralitĂ© des enjeux d’adaptation en fonction de leurs lieux d’émergence. Par ailleurs, de l’analyse des diffĂ©rents processus d’adaptation existant dans l’espace europĂ©en, que j’ai menĂ©e dans le cadre de mon stage Ă  l’ONERC, ressort une diversitĂ© et une richesse de solutions possibles pour s’adapter au changement climatique, qu’il a semblĂ© opportun de mettre Ă  contribution pour dĂ©limiter le pĂ©rimĂštre gĂ©ographique de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre en matiĂšre d’adaptation que je comptais traiter. De surcroĂźt, la pertinence de cette dĂ©marche est confortĂ©e par la pratique. En effet, la plupart des 13 Cf. Annexe 3 - Étude comparĂ©e des processus d’adaptation au changement climatique dans les pays de l’espace europĂ©en (printemps 2014). Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 12
  • 14. rĂ©unions internationales d’échanges formelles et informelles sur l’adaptation auquel l’ONERC participe sont principalement des rĂ©unions entre pays europĂ©ens, et qui plus est transfrontaliers, et semblent cristalliser depuis un certain temps une demande croissante d’aide Ă  l’adaptation par mutualisation des compĂ©tences entre pays voisins. 5. ProblĂ©matique. L’adaptation au changement climatique est aujourd’hui reconnue comme un enjeu de coopĂ©ration internationale puisqu’elle vient d’ĂȘtre mise Ă  l’agenda politique de la CCNUCC au mĂȘme titre que l’attĂ©nuation. Cependant et puisque cette reconnaissance est rĂ©cente, tous les aspects de l’adaptation ne sont pas encore pris en compte. La mutualisation des compĂ©tences des acteurs de l’adaptation reste majoritairement affectĂ©e Ă  l’aide au dĂ©veloppement tandis que la coopĂ©ration aux frontiĂšres des États, comme option pour gĂ©rer un risque commun accentuĂ© par le changement climatique et les rĂ©percussions de ce risque d’un pays voisin Ă  un autre, ne semble pas suffisamment Ă©tudiĂ©e, en regard de l’importance que ce volet recouvre dans le processus d’adaptation. Cela peut s’expliquer parce que l’adaptation elle-mĂȘme est encore un concept mal compris et que la plupart des pays ne sont pas suffisamment avancĂ©s dans l’élaboration de leur stratĂ©gie et de leur plan d’adaptation pour comprendre l’intĂ©rĂȘt de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans le processus d’adaptation. Ceci pose problĂšme puisque, comme nous l’avons vu, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre est nĂ©cessaire dans certains cas, d’une part pour se prĂ©munir d’un Ă©ventuel transfert de vulnĂ©rabilitĂ©s d’un pays Ă  un autre, et d’autre part, pour que les coĂ»ts d’adaptation du pays qui choisit de s’adapter ne soient pas plus Ă©levĂ©s qu’ils ne le devraient parce que le pays voisin ne le fait pas, et donc pour Ă©viter que l’adaptation de certains pays ne se traduisent par une mal-adaptation dans un ou plusieurs autres pays. Si la coopĂ©ration transfrontaliĂšre est une des clefs pour amĂ©liorer le processus d’adaptation au changement climatique, il s’agit alors de savoir comment dĂ©velopper ce type de coopĂ©ration et quels sont les obstacles Ă  l’intĂ©gration de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans les processus d’adaptation. En effet, mĂȘme lorsque des pays rĂ©ussissent Ă  se mettre d’accord pour se lancer dans un projet de coopĂ©ration Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 13
  • 15. transfrontaliĂšre, ils ne s’y engagent pas forcĂ©ment pour les mĂȘmes raisons et ne mettent pas en avant les mĂȘmes prioritĂ©s, cette divergence pouvant alors devenir un obstacle Ă  la coopĂ©ration. C’est pourquoi nous veillerons Ă  ne pas nĂ©gliger les intĂ©rĂȘts et les attentes des diffĂ©rents acteurs quant Ă  l’adaptation dans les projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre que nous Ă©tudierons. Toute la question Ă©tant de savoir dans quelle mesure la coopĂ©ration transfrontaliĂšre reprĂ©sente une opportunitĂ© pour s’adapter au changement climatique et de comprendre quels sont les moteurs et les freins Ă  cette coopĂ©ration. Quel cadre serait alors propice pour que la coopĂ©ration transfrontaliĂšre soit intĂ©grĂ©e dans les processus d’adaptation et inversement comment mettre l’adaptation Ă  l’agenda des initiatives de coopĂ©ration transfrontaliĂšre ? Certains projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour s’adapter au changement climatique fonctionnent bien, et ce, sans avoir eu recours Ă  une convention de coopĂ©ration, qui n’est pas obligatoire, certes, mais est l’outil de droit commun des collectivitĂ©s et autoritĂ©s locales pour les projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre ; tandis que d’autres projets, qui se sont dĂ©veloppĂ©s sous l’égide d’une convention ont des difficultĂ©s Ă  engager des actions. Ceci pose la question de la pertinence des conventions, des traitĂ©s internationaux et donc des rĂ©gimes internationaux de coopĂ©ration pour engendrer ou venir en appui des projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation. En effet, si les orientations stratĂ©giques d’adaptation ont une vocation strictement nationale et que la mise en Ɠuvre des actions d’adaptation s’effectue Ă  l’échelon local, on peut se demander en quoi un rĂ©gime de coopĂ©ration international serait un cadre pertinent pour dĂ©velopper des projets d’adaptation au changement climatique. 6. HypothĂšses de recherche. Sur le plan scientifique, le changement climatique est un phĂ©nomĂšne mondial qui ne connaĂźt pas de frontiĂšres, et ce, mĂȘme si ses impacts sont et seront diffĂ©rents selon les pays. Par consĂ©quent Ă©tudier l’adaptation au changement climatique sous l’angle transfrontalier apparaĂźt appropriĂ©. Sur le plan Ă©thique, il apparaĂźt irrecevable de promouvoir des mesures d’adaptation pour protĂ©ger un pays des impacts du changement climatique si celles-ci ont des rĂ©percussions nĂ©fastes sur les pays voisins. Sur le plan Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 14
  • 16. Ă©conomique, il n’est pas non plus rentable de mettre en Ɠuvre des mesures d’adaptation qui n’auraient aucun effet ou qui auraient des rĂ©percussions nĂ©fastes dans d’autres pays puisque pour se prĂ©munir de telles consĂ©quences ces pays-lĂ  auraient tĂŽt fait de renvoyer Ă  leur tour le problĂšme vers son pays d’origine. À l’inverse, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre est un moyen d’éviter des coĂ»ts supplĂ©mentaires d’adaptation dans le futur qui auraient Ă©tĂ© gĂ©nĂ©rĂ©s par une mal-adaptation dans le prĂ©sent. Sur le plan de l’actualitĂ©, l’Union EuropĂ©enne vient de publier sa stratĂ©gie d’adaptation en avril 2013, offrant ainsi un cadre de pensĂ©e transnational Ă  l’adaptation dont il semble opportun de se saisir pour faire pencher le dĂ©bat sur l’adaptation en direction de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre14 . Ce mĂ©moire vise Ă  montrer toute l’importance de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour amĂ©liorer le processus d’adaptation. Si, d’une part, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre permet Ă  minima d’éviter le transfert de vulnĂ©rabilitĂ© au changement climatique, et par lĂ  mĂȘme permet de se dĂ©tourner d’une trajectoire menant Ă  la mal-adaptation ; elle est, d’autre part, l’opportunitĂ© de se partager l’effort d’adaptation et de jouer des compĂ©tences de chacun pour s’adapter si bien que certains secteurs pourront en rĂ©colter des bĂ©nĂ©fices. Pour toutes ces raisons une coopĂ©ration entre pays transfrontaliers en matiĂšre d’adaptation au changement climatique apparaĂźt nĂ©cessaire et opportune. 7. Plan du mĂ©moire. Tout d’abord, ce mĂ©moire va tenter de montrer la pertinence de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans le processus d’adaptation au changement climatique. Dans le premier chapitre, nous poserons le cadre gĂ©nĂ©ral de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre. Nous Ă©tudierons la coopĂ©ration transfrontaliĂšre Ă  travers la thĂ©orie des rĂ©gimes internationaux. Nous montrerons la spĂ©cificitĂ© de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans l’espace europĂ©en. De plus, nous analyserons la place que peut recouvrir l’adaptation dans les initiatives de coopĂ©ration transfrontaliĂšre. Dans le second chapitre, nous nous appuierons sur trois Ă©tudes de cas, rĂ©alisĂ©es au 14 Étant donnĂ© que les mesures d’adaptation au changement climatique sont souvent prises au niveau local, l’idĂ©e d’une adaptation transfrontaliĂšre ne va pas de soi. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 15
  • 17. travers d’entretiens semi-directifs auprĂšs de personnes responsables ou impliquĂ©es dans des projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre. L’idĂ©e Ă©tant de confronter nos hypothĂšses avec des initiatives concrĂštes en matiĂšre de coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation. Nous procĂ©derons de maniĂšre systĂ©matique par un diagnostic et une analyse des projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans les rĂ©gions du bassin de la Meuse, de la mer MĂ©diterranĂ©e et de l’ouest de l’ocĂ©an Indien. Dans ce deuxiĂšme chapitre, nous avons choisi des Ă©tudes de cas reprĂ©sentant trois axes possibles et significatifs des formes que peut prendre la coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation. Chacun des projets rĂ©pond Ă  sa maniĂšre Ă  une partie des dĂ©fis de l’adaptation au changement climatique. L’analyse de ces projets portera sur les difficultĂ©s et les opportunitĂ©s, les problĂšmes potentiellement ainsi que les Ă©cueils Ă©vitĂ©s par les acteurs au cours de ces initiatives de coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation. Par ailleurs, le pĂ©rimĂštre gĂ©ographique, les acteurs et les enjeux de ces trois Ă©tudes de cas n’étant pas les mĂȘmes, il s’agira de tirer des enseignements de cette diversitĂ© d’options pour enrichir l’adaptation. Dans le troisiĂšme chapitre, nous tenterons d’illustrer l’idĂ©e que l’adaptation est un processus en devenir, loin d’ĂȘtre achevĂ© et ouvert Ă  l’innovation, en mettant en lumiĂšre les diffĂ©rents types d’enseignements dont sont porteuses les trois Ă©tudes de cas. De plus, Ă©tant donnĂ© la diversitĂ© des acteurs et des approches qui façonne la coopĂ©ration transfrontaliĂšre en matiĂšre d’adaptation, nous proposerons une gouvernance de l’adaptation transfrontaliĂšre sans pilote attitrĂ© encourageant la mutualisation des compĂ©tences. Enfin, nous montrerons l’inadĂ©quation de la recherche d’un modĂšle de rĂ©fĂ©rence en regard de la singularitĂ© des situations d’adaptation et du foisonnement de solutions existantes. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 16
  • 18. CHAPITRE 1 : COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE, UNE DIMENSION PERTINENTE POUR L’ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE ? 1. Cadre gĂ©nĂ©ral de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre. Si les notions de coopĂ©ration transnationale et de coopĂ©ration transfrontaliĂšre sont souvent utilisĂ©es de maniĂšre interchangeable, la notion retenue pour cette Ă©tude est la coopĂ©ration transfrontaliĂšre. C’est la coopĂ©ration transfrontaliĂšre qui nous intĂ©resse car la notion de frontiĂšre Ă  dĂ©passer qu’elle recouvre est nĂ©cessaire Ă  la comprĂ©hension de notre sujet sur l’adaptation au changement climatique. De plus, il ne peut s’agir de coopĂ©ration transnationale car, selon la terminologie de l’Union EuropĂ©enne, le principe de la coopĂ©ration transnationale est d’organiser des partenariats au sein de grandes rĂ©gions europĂ©ennes, concerne des macro-rĂ©gions et non pas des espaces frontaliers d’étendue limitĂ©e. La dĂ©finition que nous utiliserons est celle retenue dans le Guide de la coopĂ©ration dĂ©centralisĂ©e transfrontaliĂšre de la MOT selon laquelle « la cooperation transfrontaliere correspond aux relations de voisinage qu’entretiennent les collectivites territoriales et leurs groupements de part et d’autre des frontieres. »15 Nous cherchons Ă  montrer que la coopĂ©ration transfrontaliĂšre est une dimension pertinente pour l’adaptation au changement climatique. L’idĂ©e est de partir du principe que l’étendue de territoire qui subit certains effets du changement climatique et qui donc doit ĂȘtre adaptĂ©e Ă  celui-ci constitue un bassin de risques qui dĂ©passe les frontiĂšres des États. Le bassin de risques Ă©tant dĂ©finit dans le guide gĂ©nĂ©ral de plan de prĂ©vention des risques16 comme une « entitĂ© gĂ©ographique homogĂšne soumise Ă  un mĂȘme phĂ©nomĂšne 15 op. cit. p.7 16 MinistĂšre de l'Equipement, des Transports et du Logement, MinistĂšre de l'AmĂ©nagement du Territoire et de l'Environnement. Plans de prĂ©vention des risques naturels (PPR), Guide gĂ©nĂ©ral, ed. La Documentation française, 1999. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 17
  • 19. naturel », la coopĂ©ration transfrontaliĂšre semble donc ĂȘtre le moyen de contourner les barriĂšres administratives formĂ©es par les frontiĂšres Ă©tatiques pour adapter ce type de territoire au changement climatique. Étant donnĂ© que l’adaptation au changement climatique implique des actions transversales dans plusieurs domaines d’activitĂ©s tels que la protection de l’environnement, la gestion de l’eau, la gestion du territoire, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation des bassins de risques au changement climatique peut prendre la forme ou avoir un impact sur la gestion intĂ©grĂ©e des ressources en eau des bassins transfrontaliers. En protĂ©geant les ressources en eau d’un bassin transfrontalier, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre permet de ce fait d’assurer la paix, la subsistance des populations qui y vivent, de contribuer a la securite regionale et au developpement economique. Dans cette perspective la coopĂ©ration transfrontaliĂšre apparaĂźt comme une opportunitĂ© pour permettre aux bassins transfrontaliers d’ĂȘtre gĂ©rĂ©s de la mĂȘme façon que les bassins nationaux. Et ce d’autant plus que comme le rappelle le Conseil Mondial de l’eau il n’existe aucune autorite internationale ou systeme judiciaire reconnu, pour arbitrer les litiges dans le secteur des hydro-systĂšmes transfrontaliers.17 La coopĂ©ration transfrontaliĂšre est, en tout cas, de plus en plus perçue comme la consĂ©quence logique d’une perspective intĂ©grĂ©e de la gestion des fleuves majeurs d’Europe. Cette tendance vers la coopĂ©ration entre les États membres de l’Union europĂ©enne est renforcĂ©e par les directives europĂ©ennes dans le domaine de l’eau, notamment la directive-cadre sur l’eau et la directive europĂ©enne sur les risques d’inondation. La directive-cadre sur l'eau, adoptĂ©e le 23 octobre 2000 par le Parlement europĂ©en, entrĂ©e en vigueur le 22 dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e, entend impulser une politique de l'eau plus cohĂ©rente, en posant le cadre europĂ©en d'une gestion et d'une protection des eaux par district hydrographique. La directive europĂ©enne relative Ă  la gestion des inondations, entrĂ©e en vigueur le 26 novembre 2007, demande aux États membres d'identifier et de cartographier les bassins hydrographiques et les zones cĂŽtiĂšres Ă  risque et d'Ă©tablir des plans de gestion. Entre la premiĂšre et la deuxiĂšme directive une Ă©volution se dessine en faveur de la prise en compte du changement climatique dans la 17 Conseil mondial de l’eau. Bassins transfrontaliers. World Water Action, 2003, chap.3. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 18
  • 20. gestion intĂ©grĂ©e des bassins hydrographiques et donc potentiellement des bassins hydrographiques transfrontaliers. L’intĂ©rĂȘt d’étudier l’adaptation au changement climatique Ă  travers la coopĂ©ration transfrontaliĂšre et non pas Ă  travers une autre forme de coopĂ©ration est, d’une part, que les entitĂ©s territoriales frontaliĂšres semblent possĂ©der un meilleur degrĂ© d’adaptation aux processus de changement en cours puisqu’elles montrent une tendance Ă  coexister et interagir avec d’autres catĂ©gories et organisations d’acteurs internationales. En effet, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre se prĂ©sente comme une dynamique multi-niveaux oĂč diffĂ©rents systĂšmes lĂ©gaux se rencontrent : le droit international, le droit europĂ©en et les lois nationales. Dans cette perspective, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre pourrait ĂȘtre un instrument potentiel du processus de « mainstreaming » de l’adaptation au changement climatique, c’est-Ă -dire d’intĂ©gration de cette notion dans toutes les politiques publiques dĂ©jĂ  existantes et Ă  tous les niveaux de gouvernance. L’intĂ©rĂȘt d’avoir recours Ă  la coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour porter des projets d’adaptation au changement climatique est, d’autre part, si l’on s’appuie sur l’analyse du droit transnational que fait Anna Margherita Russo dans Perspectives on Federalism18 , publiĂ© en 2012, que cette forme de coopĂ©ration porte en elle des sources de lĂ©gislations en meilleure adĂ©quation avec l’évolution des besoins lĂ©gaux actuels et futurs par rapport Ă  la coopĂ©ration Ă©tatique traditionnelle. En effet, le phĂ©nomĂšne de globalisation a apportĂ© la crise de l’État. La crise de l’État a produit la fin du monopole d’État sur les sources lĂ©gales applicables sur son propre territoire. Ce phĂ©nomĂšne a deux effets, d’une part, le droit national ne peut pas, complĂštement en tout cas, couvrir la rĂ©gulation des activitĂ©s sur le territoire Ă©tatique ; et d’autre part, il met en lumiĂšre l’importance de nouveaux phĂ©nomĂšnes lĂ©gaux impliquant diffĂ©rentes organisations et institutions. La coopĂ©ration transfrontaliĂšre se prĂ©senterait donc comme une alternative Ă  la coopĂ©ration bilatĂ©rale d’État Ă  État qui relĂšve plus d’une approche « top-down », c’est-Ă -dire du haut vers le bas de la hiĂ©rarchie administrative. En effet, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre relĂšve plutĂŽt d’initiatives locales, sont souvent le fait des collectivitĂ©s territoriales, et tĂ©moigne donc d’une approche 18 RUSSO, Anna Margherita, Globalization and Cross-border Cooperation in EU Law: A Transnational Research Agenda. Perspectives on Federalism, 2012, vol. 4, n°3. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 19
  • 21. « bottom-up », c’est-Ă -dire du bas vers le haut de la hiĂ©rarchie administrative. En ce sens, il serait intĂ©ressant de considĂ©rer la coopĂ©ration transfrontaliĂšre comme une arĂšne de coopĂ©ration potentielle pour palier le vide lĂ©gislatif entre les actions et mesures d’adaptation au changement climatique au niveau national et local orientĂ©es par les stratĂ©gies et plans nationaux d’adaptation et les actions et mesures d’adaptation au changement climatique telles qu’elles sont prĂ©vues par le rĂ©gime international de coopĂ©ration de la CCNUCC. 2. La coopĂ©ration transfrontaliĂšre analysĂ©e Ă  travers la thĂ©orie des rĂ©gimes internationaux. Afin d’obtenir une analyse intĂ©grĂ©e de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre, il s’agit d’en comprendre l’ensemble des motivations, des rĂ©sultats attendus et les moyens mis en Ɠuvre par les acteurs impliquĂ©s dans ces projets de coopĂ©ration. La thĂ©orie des rĂ©gimes internationaux nous apporte Ă  cet Ă©gard un panel d’angles d’analyse suffisant pour avoir une vision englobante des dynamiques qui sous-tendent la coopĂ©ration transfrontaliĂšre. On peut catĂ©goriser les courants au sein de la thĂ©orie des rĂ©gimes de diffĂ©rentes façons. Pour notre analyse nous retiendrons qu’il existe trois courants principaux : le courant rĂ©aliste, le courant libĂ©ral et le courant constructiviste. Au fondement de ces trois courants, on retrouve la mĂȘme notion de rĂ©gime international, dĂ©finie par Stephen Krasner comme « un ensemble de principes, de normes, de regles et de procedures de prise de decision, implicites ou explicites, autour desquelles les attentes des acteurs convergent dans un domaine specifique des relations internationales. Les principes sont les croyances dans les faits et les causes. Les normes sont des criteres de comportements definis en termes de droits et d’obligations. Les regles sont des prescriptions specifiques a partir desquelles on prend action. Les procedures de prise de decision sont les pratiques acceptees afin de creer et de mettre en Ɠuvre un choix collectif. »19 La notion de rĂ©gime international fait donc rĂ©fĂ©rence Ă  une forme de coopĂ©ration semi-institutionnelle. 19 KRASNER, Stephen. International Regimes, Ithaca, New York : Cornell University Press, 1983. 384 p. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 20
  • 22. Le courant realiste, tient que la presence d’une « puissance hegemonique »20 est necessaire a la formation et a la persistance d’un regime. Charles Kindleberger a introduit le terme d’hĂ©gĂ©monie dans le champ des relations internationales et dans le champ de l’économie politique Ă  travers sa thĂ©orie de la stabilitĂ© hĂ©gĂ©monique. Dans The World in Depression: 1929–1939, publiĂ© en 1973, il montre que l’hĂ©gĂ©monie relĂšve de la capacitĂ©, pour la puissance dirigeante d’une pĂ©riode spĂ©cifique, de fournir les biens publics fondamentaux au niveau Ă©conomique international. Il cite en particulier le libre-Ă©change et un systĂšme monĂ©taire international stable comme deux biens publics particuliĂšrement prĂ©cieux Ă  l’échelle internationale. Il considĂšre que le leader, tout en se montrant bienveillant, est aussi le seul Ă  disposer de la puissance nĂ©cessaire pour assumer les coĂ»ts de fourniture de tels biens, mobiliser ses partenaires et leur imposer le respect des rĂšgles. Selon la thĂ©orie de la stabilitĂ©, la concentration de puissance en un État dominant facilite le dĂ©veloppement des rĂ©gimes forts alors que la fragmentation de puissance est associĂ©e Ă  l’effondrement des rĂ©gimes. Les auteurs du courant rĂ©aliste considĂšrent l’État comme l’unique acteur significatif dĂ©tenant la lĂ©gitimitĂ© politique. Le courant rĂ©aliste part du principe que l’état normal des relations Ă©tatiques est un Ă©tat d’anarchie voire de guerre permanent, pense la politique extĂ©rieure des États comme une politique de puissance dans une quĂȘte de sĂ©curitĂ© et perçoit les États comme des acteurs rationnels qui cherchent Ă  maximiser leur intĂ©rĂȘt national. Dans le courant rĂ©aliste, la coopĂ©ration prend la forme d’un marchandage dont la nĂ©gociation est l’outil. Dans cette perspective, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre est dĂ©finie comme le rĂ©sultat de la distribution ou de la redistribution des intĂ©rĂȘts et des ressources de chaque cĂŽtĂ© de la frontiĂšre. La coopĂ©ration transfrontaliĂšre est donc dĂ©pendante de la complĂ©mentaritĂ© des ressources, des possibles Ă©changes et compromis au sein du domaine de politique publique pertinent21 . De ce point de vue, une coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour le dĂ©veloppement de projets d’adaptation au changement climatique peut voir le jour si l’interdĂ©pendance des États riverains dans la gestion intĂ©grĂ©e des bassins de risques transfrontaliers surpasse leur capacitĂ© Ă  rĂ©soudre le problĂšme individuellement. Pour le courant liberal, la presence d’une puissance hegemonique n’est pas necessaire a la persistance d’un rĂ©gime car les États et les autres acteurs peuvent s’organiser afin de 20 KINDLEBERGER, Charles. The World in Depression: 1929–1939. University of California Press, 1973. 21 WIERING Mark, VERWIJMEREN Joris, LULOFS Kris, FELD Christian. Experiences in Regional Cross Border Co-operation in River Management. Comparing Three Cases at the Dutch-German Border. Water Resources Management, 2010, vol. 24, n°11. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 21
  • 23. creer un regime. Selon l’approche liberale, un regime est une autoregulation internationale dans laquelle des États et d’autres acteurs internationaux cooperent afin de maximiser leurs gains ou minimiser leurs pertes. Le courant libĂ©ral part du principe que les États sont soumis Ă  des interdĂ©pendances complexes qui les poussent quasi inĂ©vitablement Ă  coopĂ©rer. Puisque les États sont poussĂ©s Ă  coopĂ©rer, il s’agit de pouvoir prĂ©voir le comportement des autres États et c’est le rĂŽle des institutions internationales, des rĂ©gimes internationaux. En effet, selon Keohane, l’un des fondateurs de la thĂ©orie des rĂ©gimes avec Krasner, les rĂ©gimes internationaux « facilitent la coopĂ©ration en rĂ©duisant l’incertitude »22 . Les rĂ©gimes ont l’avantage de donner une structure relativement stable aux Ă©changes internationaux dans un secteur donnĂ©, de permettre aux acteurs de prĂ©voir leurs comportements respectifs et d’accroĂźtre leur information mutuelle. Pour le courant libĂ©ral, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre est plus facilement Ă©tablie quand elle se dĂ©veloppe au sein d’un rĂ©gime international de coopĂ©ration23 . En effet, les rĂ©gimes internationaux serviraient Ă  produire des normes et des valeurs communes et Ă  encourager l’agrĂ©gation et l’intĂ©gration des intĂ©rĂȘts des États riverains impliquĂ©s. Dans cette perspective, le dĂ©veloppement de projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation au changement climatique serait favorisĂ© par la mise en place d’un rĂ©gime international de coopĂ©ration spĂ©cifique Ă  l’adaptation au changement climatique. Le courant constructiviste, quant Ă  lui, souligne l’impact des idĂ©es. Au lieu de prendre l’État pour une donnĂ©e et de supposer qu’il cherche tout simplement Ă  survivre, les constructivistes considĂšrent les intĂ©rĂȘts et les identitĂ©s comme des produits extrĂȘmement mallĂ©ables de processus historiques spĂ©cifiques. Ils accordent une grande attention aux discours prĂ©dominants au sein des sociĂ©tĂ©s parce que le discours reflĂšte et façonne les croyances et les intĂ©rĂȘts, et Ă©tablit les normes du comportement acceptĂ©. Les normes qui prĂ©valent Ă  la coopĂ©ration ne viennent pas seulement des États mais peuvent aussi ĂȘtre produites par des rĂ©seaux de professionnels dotĂ©s d’une expertise scientifique dans des secteurs particuliers de politique publique internationale appelĂ©es communautĂ©s epistemiques transnationales. Selon l’approche foucaldienne de la theorie des regimes, proche du constructivisme, de StĂ©phane Labranche, la persistance d’un rĂ©gime dĂ©pend de la croyance en sa lĂ©gitimitĂ© par les acteurs. Son hypothĂšse est que la persistance dans le temps d’un rĂ©gime « dĂ©pend non pas de la capacitĂ© d’une puissance hĂ©gĂ©monique Ă  22 KEOHANE, Robert. After Hegemony : Cooperation and Discord in the World Political Economy, Princeton University Press, 1984. 23 op. cit. p.19 Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 22
  • 24. imposer des rĂšgles mais bien plutĂŽt de l’internalisation, par ces acteurs, des valeurs et principes qui sous-tendent ces rĂšgles », et « permettrait d’expliquer pourquoi et comment un rĂ©gime continue d’exister mĂȘme lorsque la puissance hĂ©gĂ©monique disparaĂźt, qu’elle change, ou qu’un rĂ©gime puisse apparaĂźtre Ă  partir d’efforts d’acteurs non hĂ©gĂ©moniques. »24 Dans la thĂ©orie constructiviste, la croyance des acteurs impliquĂ©s dans le projet de coopĂ©ration transfrontaliĂšre joue un rĂŽle dans l’orientation de la prise de dĂ©cision. En effet, l’étude de la coopĂ©ration pour la lutte contre la pollution environnementale de la mer MĂ©diterranĂ©e et la formation du Plan d’Action pour la MĂ©diterranĂ©e (PAM) de Haas25 a montrĂ© que la distribution de la puissance entre les pays ou l’influence du pays prĂ©sumĂ© le plus fort de la rĂ©gion, dans ce cas la France, ne pouvait pas expliquer le dĂ©veloppement d’une coopĂ©ration. La coopĂ©ration dans la rĂ©gion a Ă©tĂ© dĂ» au fait que la communautĂ© Ă©pistĂ©mique transnationale de MĂ©diterranĂ©e partageait un savoir commun sur la pollution environnementale, des croyances et des objectifs communs qui ont Ă©tĂ© institutionnalisĂ©s dans des nouvelles institutions gouvernementales et intergouvernementales et qui ont pĂ©nĂ©trĂ© la prise de dĂ©cision de cette façon. Dans cette perspective, le dĂ©veloppement de projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation au changement climatique dĂ©pendrait du degrĂ© de connaissance des acteurs locaux sur l’adaptation au changement climatique et de leur capacitĂ© Ă  diffuser un discours de sensibilisation aux enjeux de l’adaptation au changement climatique de telle sorte qu’il soit institutionnalisĂ© et intĂ©grĂ© dans les politiques publiques dĂ©jĂ  existantes. 3. Cadre juridique de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans l’espace europĂ©en. Nous faisons le choix d’étudier la coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans l’espace europĂ©en car, d’une part, si la coopĂ©ration transfrontaliĂšre n’est pas restreinte Ă  l’Union europĂ©enne, c’est dans cette enceinte de coopĂ©ration que la coopĂ©ration transfrontaliĂšre a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e Ă  son maximum. D’autre part, nous avons choisi d’étudier l’apport de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre Ă  l’adaptation au changement climatique dans l’optique d’amĂ©liorer le processus d’adaptation français portĂ© par l’ONERC. C’est pourquoi le cadre 24 LABRANCHE, Stephane. La transformation des normes de participation et de durabilite en valeurs ? Reflexions pour la theorie des regimes. Études Internationales, 2003, vol. 34, n°4, pp.611-629. 25 HAAS, Peter M. Saving the Mediterranean : the politics of international environmental co-operation. New York : Columbia University Press, 1990, op. cit. p.19 Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 23
  • 25. de coopĂ©ration transfrontaliĂšre Ă©tudiĂ© est europĂ©en. Les premiĂšres formes de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre, qui n’ont Ă©tĂ© reconnues juridiquement qu’en 1980 au moyen d'une convention du Conseil de l'Europe, apparaissent dans l'immĂ©diat aprĂšs-guerre. Le rapprochement des collectivitĂ©s territoriales a Ă©tĂ© favorisĂ© par le dĂ©veloppement des Ă©changes Ă©conomiques, culturels ou sociaux entre les États europĂ©ens. Le 21 mai 1980, des États membres du Conseil de l’Europe signent la Convention-cadre europĂ©enne sur la coopĂ©ration transfrontaliĂšre des collectivitĂ©s et autoritĂ©s territoriales, dite Convention de Madrid. Les parties contractantes s'engagent Ă  faciliter et Ă  promouvoir la coopĂ©ration transfrontaliĂšre. Elle est considĂ©rĂ©e comme l'acte fondateur du cadre juridique de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre des collectivitĂ©s et autoritĂ©s territoriales en Europe. La Convention a pour but d'encourager et de faciliter la conclusion d'accords entre rĂ©gions et communes, de part et d'autre d'une frontiĂšre, dans les limites de leurs compĂ©tences. De tels accords peuvent s'Ă©tendre, entre autres, au dĂ©veloppement rĂ©gional, Ă  la protection de l'environnement, Ă  l'amĂ©nagement des infrastructures et des services publics, etc. Pour tenir compte de la variĂ©tĂ© des systĂšmes juridiques et constitutionnels des États membres du Conseil de l'Europe, la Convention offre toute une gamme d'accords modĂšles permettant aux collectivitĂ©s locales et rĂ©gionales ainsi qu’aux États de placer la coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans le cadre qui leur convient le mieux. En 1990, la Commission europĂ©enne met sur pied la premiĂšre gĂ©nĂ©ration de programmes Interreg de coopĂ©ration transfrontaliĂšre. Interreg est un programme europĂ©en visant Ă  promouvoir la coopĂ©ration entre les rĂ©gions europĂ©ennes et le dĂ©veloppement de solutions communes dans les domaines du dĂ©veloppement urbain, rural et cĂŽtier, du dĂ©veloppement Ă©conomique et de la gestion de l’environnement. Il est financĂ© par le Fonds europĂ©en de dĂ©veloppement rĂ©gional (FEDER) Ă  hauteur de 7,75 milliards d'euros. L'actuel programme se dĂ©nomme Interreg IV, il couvre la pĂ©riode 2007-2013. La coopĂ©ration transfrontaliĂšre, c’est-Ă -dire, le dĂ©veloppement rĂ©gional intĂ©grĂ© entre rĂ©gions transfrontaliĂšres est l’une des trois composantes du programme Interreg. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 24
  • 26. Les financements Interreg permettent le dĂ©veloppement de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre, mais arrivent aussi souvent sur un terrain oĂč la collaboration locale existent dĂ©jĂ  depuis longtemps. L’initiative Interreg a ete mise en Ɠuvre pour desenclaver les regions frontalieres. La Commission europeenne stipule en effet que les regions frontalieres sont penalisees par un double isolement : isolement par rapport aux regions frontalieres limitrophes, et isolement par rapport a leur propre espace national dont elles sont une peripherie. Dans l’objectif thĂ©matique n°3 « coopĂ©ration territoriale europĂ©enne » de la pĂ©riode de programmation 2007-2013, l’aide consacrĂ©e Ă  la coopĂ©ration transfrontaliĂšre se concentre selon les termes du rĂšglement FEDER sur « le dĂ©veloppement d’activitĂ©s Ă©conomiques, sociales et environnementales transfrontaliĂšres au moyen de stratĂ©gies conjointes en faveur du dĂ©veloppement territorial durable ». La coopĂ©ration transfrontaliĂšre a vu un Ă©largissement des zones de coopĂ©ration par rapport Ă  l’ancien Interreg III, en particulier en ce qui concerne la coopĂ©ration maritime, du fait de l’application de la rĂšgle des 150 km. Cet Ă©largissement touche notamment les territoires riverains de la Manche ainsi que l’outre-mer pour la coopĂ©ration transfrontaliĂšre de la France. La coopĂ©ration transfrontaliĂšre ne constitue en aucun cas une compĂ©tence supplĂ©mentaire pour les collectivitĂ©s territoriales. Ces derniĂšres ne peuvent coopĂ©rer que dans les limites des compĂ©tences qui leur sont attribuĂ©es par leurs lĂ©gislations nationales. Elles sont par ailleurs obligĂ©es de respecter les engagements internationaux pris par leurs États nationaux respectifs. La coopĂ©ration transfrontaliĂšre reprĂ©sente en revanche pour les collectivitĂ©s une opportunitĂ© supplĂ©mentaire d'utiliser leurs compĂ©tences. Pour coopĂ©rer au travers des frontiĂšres, les collectivitĂ©s locales et leurs groupements peuvent s’appuyer sur diffĂ©rentes bases juridiques nationales, europĂ©ennes et internationales, qui dĂ©finissent autant d’outils de coopĂ©ration. Dans de nombreux États, les collectivitĂ©s territoriales peuvent signer des conventions de coopĂ©ration ou crĂ©er des organismes de coopĂ©ration, parfois dotĂ©s de la personnalitĂ© juridique. Ces organismes, dĂ©crits dans le chapitre suivant, peuvent notamment dĂ©couler des accords signĂ©s dans le Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 25
  • 27. cadre du Conseil de l'Europe ou du droit de l'Union europĂ©enne. Chaque projet transfrontalier s’inscrit dans un cadre juridique et opĂ©rationnel qui lui est propre, en fonction de la nature des partenaires concernĂ©s de part et d’autre de la frontiĂšre, de la thĂ©matique concernĂ©e et du type d’action envisagĂ©. Selon la typologie Ă©tablie par la MOT26 , les collectivitĂ©s locales peuvent avoir recours Ă  deux types de projets opĂ©rationnels : les projets transfrontaliers immatĂ©riels et les projets transfrontaliers d’investissement. Les projets transfrontaliers immatĂ©riels correspondent Ă  des projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre sans rĂ©alisation d’investissements publics, soit tout projet transfrontalier qui ne s’appuie pas sur des investissements matĂ©riels des partenaires. Il s’agit par exemple de la gestion d’un institut de formation transfrontalier. Un projet transfrontalier d’investissement peut, quant Ă  lui, prendre la forme d’un Ă©quipement transfrontalier en matiĂšre de traitement de l’eau, par exemple. 4. Quelle place pour l’adaptation dans les initiatives de coopĂ©ration transfrontaliĂšre ? Au-delĂ  d’un traitement national et local, les actions transfrontaliĂšres dans le domaine du changement climatique ont une vraie valeur ajoutĂ©e car les effets du changement climatique ne connaissent pas de frontiĂšre. Il est essentiel d’apporter une rĂ©ponse transfrontaliĂšre Ă  ces dĂ©fis, dĂšs lors que les enjeux dĂ©passent les frontiĂšres et dans la mesure oĂč la situation d’un pays peut affecter celle de ses voisins. Ainsi, les territoires transfrontaliers pourraient devenir des espaces de gestion commune et de mutualisation de moyens dans le domaine de l’adaptation au changement climatique. Le livre blanc intitulĂ© « Adaptation au changement climatique : vers un cadre d’action europĂ©en »27 , qui Ă©tablit le cadre dĂ©fini par l’Union europĂ©enne en matiĂšre d’adaptation aux changements climatiques, et la stratĂ©gie europĂ©enne d’adaptation publiĂ©e en avril 2013 fournissent un premier cadre juridique sur lequel la coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour 26 op. cit. p.7 27 cf. Annexe 2 – La dĂ©marche d’adaptation de l’Union EuropĂ©enne. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 26
  • 28. l’adaptation au changement climatique peut s’appuyer. Pour la pĂ©riode 2014-2020, les programmes financĂ©s par les fonds europĂ©ens, et notamment ceux de coopĂ©ration territoriale, peuvent soutenir des actions dans ce domaine en vertu de l’objectif thĂ©matique n°5 « Promouvoir l’adaptation aux changements climatiques, ainsi que la prĂ©vention et la gestion des risques ». L’adaptation aux changements climatiques ainsi que la prĂ©vention et la gestion des risques sont parmi les prioritĂ©s des politiques europĂ©ennes, au titre du pilier « croissance durable » de la StratĂ©gie Europe 2020, dont l’un des cinq objectifs est relatif au changement climatique et aux Ă©nergies durables. Au-delĂ  des projets de coopĂ©ration sectoriels, l’adaptation au changement climatique nĂ©cessite une approche globale Ă  l’échelle des territoires, que ce soit pour maĂźtriser la mobilitĂ© par des politiques coordonnĂ©es d’urbanisme et de transports ou pour concilier le dĂ©veloppement Ă©conomique avec la prĂ©servation de l’environnement, par exemple. Etant donnĂ©e que l’adaptation au changement climatique ne constitue pas une politique publique spĂ©cifique en soi et qu’elle a vocation Ă  s’intĂ©grer dans les politiques publiques rĂ©gissants des domaines d’activitĂ©s dĂ©jĂ  en place, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans ce domaine nĂ©cessitera d’établir des synergies entre les actions en faveur de l’adaptation au changement climatique et de la gestion des risques avec celles dĂ©veloppĂ©es dans le domaine de la protection de l’environnement, de l’innovation, de l’énergie, du dĂ©veloppement Ă©conomique, et des transports, autres objectifs de coopĂ©ration territoriale pour la pĂ©riode 2014-2020. Toutefois, mĂȘme si la coopĂ©ration transfrontaliĂšre apparaĂźt comme une opportunitĂ© pour l’adaptation au changement climatique, elle n’en est pas moins au dĂ©part un facteur de complexitĂ© et de coĂ»ts supplĂ©mentaires pour les collectivitĂ©s territoriales. En effet, le manque ou l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des donnĂ©es statistiques, l’absence d’études transfrontaliĂšres ; la mĂ©connaissance des acteurs, des lĂ©gislations et des modes de gestion de part et d’autre de la frontiĂšre; la disparitĂ© des compĂ©tences ; l’absence de rĂ©fĂ©rentiels, de mĂ©canismes de concertation et d’outils de gestion collective ; le manque de participation de la population ; et l’intĂ©rĂȘt trĂšs variable des Ă©lus pour l’adaptation au changement Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 27
  • 29. climatique peuvent entraver la coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans ce domaine. Cependant, AurĂ©lia Aebischer et StĂ©phane La Branche ont montrĂ© dans leurs travaux sur la coopĂ©ration transfrontaliĂšre autour du lac LĂ©man que les grandes diffĂ©rences entre les systĂšmes politiques français et suisse n’ont pas empĂȘchĂ© la mise en place d’un rĂ©gime de cooperation et le manque d’harmonisation n’a pas constitue un obstacle a la cooperation transfrontaliere28 . De la mĂȘme maniĂšre, il est permis de penser que, pour les trois Ă©tudes de cas retenues dans ce mĂ©moire, les diffĂ©rences politiques ne seront pas un obstacle Ă  la coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation au changement climatique. La coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation aux changements climatiques nĂ©cessite, comme le recommande la MOT, « la pleine association des citoyens, qui doivent ĂȘtre sensibilisĂ©s, informĂ©s, voire formĂ©s, et associĂ©s Ă  la gestion de l’espace commun, de ses coĂ»ts et de ses bĂ©nĂ©fices, directement et au travers de l’action conjointe de leurs Ă©lus. »29 De nombreux types d’action sont a priori mobilisables pour dĂ©velopper des projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre tournĂ©s vers l’adaptation au changement climatique. On pourrait envisager par exemple de se fixer des stratĂ©gies et des plans d’adaptation aux changements climatiques au niveau transfrontalier, de crĂ©er des bases de connaissance et de renforcer les capacitĂ©s d’observation des donnĂ©es climatiques Ă  l’échelle des bassins transfrontaliers, de dĂ©velopper des mĂ©canismes pour l’échange d’informations de part et d’autre de la frontiĂšre touchant Ă  l’adaptation au changement climatique ou Ă  la gestion des risques et de rĂ©investir les outils et systĂšmes de gestion des situations de catastrophe pour l’adaptation au changement climatique comme les systĂšmes de dĂ©tection et d’alerte prĂ©coces, la cartographie et l’évaluation des risques. Nous verrons dans la partie suivante quels types d’action les acteurs des diffĂ©rents projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre ont effectivement utilisĂ©s pour promouvoir l’adaptation au changement climatique. 28 AEBISCHER AurĂ©lia, LABRANCHE StĂ©phane. Les espaces tiers dans les rĂ©gimes internationaux. Le cas du Lac LĂ©man. Études Internationales, 2007 vol 38, n°2. 29 Site web de la Mission opĂ©rationnelle transfrontaliĂšre, thĂšme «Changement climatique, gestion et prĂ©vention des risques» : http://www.espaces-transfrontaliers.org/ressources/themes/changement- climatique-gestion-et-prevention-des-risques/changement-climatique-risques-2/ Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 28
  • 30. CHAPITRE 2 : APPROCHE EMPIRIQUE DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE POUR L’ADAPTATION À TRAVERS TROIS ÉTUDES DE CAS. À partir de rĂ©fĂ©rences bibliographiques et d’entretiens tĂ©lĂ©phoniques avec les personnes directement en charge ou impliquĂ©es dans les projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre qui ont promu l’adaptation au changement climatique dans le bassin de la Meuse, autour de la mer MĂ©diterranĂ©e et dans l’ouest de l’OcĂ©an Indien, j’entends dresser, pour chacune des sections correspondantes, un diagnostic et une analyse de facteurs favorisant ou entravant la coopĂ©ration transfrontaliĂšre en matiĂšre d’adaptation au changement climatique. Le diagnostic de la premiĂšre partie exposera la vulnĂ©rabilitĂ© au changement climatique des diffĂ©rents pays impliquĂ©s dans les projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre. Pour ce faire, je compte m’appuyer sur la dĂ©finition de diagnostic de vulnĂ©rabilitĂ© au changement climatique de l’Agence de l’environnement et de la maĂźtrise de l’énergie (Ademe). L’Ademe dĂ©finit le diagnostic de vulnĂ©rabilitĂ© comme ce qui « permet d’identifier et de distinguer les signes observables d’une dĂ©faillance et d’un problĂšme ou sa cause et origine » et le diagnostic de vulnĂ©rabilitĂ© au changement climatique comme ce qui par permet, Ă  la fois « d’évaluer qualitativement la vulnĂ©rabilitĂ© d’une organisation, d’une structure ou d’un territoire aux risques liĂ©s au changement climatique en Ă©tudiant notamment son exposition et sa sensibilitĂ© » et « de hiĂ©rachiser ce niveau de vulnĂ©rabilitĂ© liĂ©s au diffĂ©rents impacts, par rapport Ă  l’ampleur des consĂ©quences et Ă  la probabilitĂ© d’occurrence de ses impacts. »30 L’analyse de facteurs favorisant ou entravant la coopĂ©ration transfrontaliĂšre en matiĂšre d’adaptation au changement climatique de la seconde partie se concentrera sur les opportunitĂ©s et les barriĂšres Ă  la coopĂ©ration transfrontaliĂšre en matiĂšre d’adaptation au changement climatique ainsi que les rĂ©ussites issues des projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre qui ont promu l’adaptation au changement climatique et relĂšvera les pistes d’amĂ©lioration possibles pour ces projets. 30 Agence de l’environnement et de la maĂźtrise de l’énergie. Diagnostic de vulnĂ©rabilitĂ© d’un territoire au changement climatique. ÉlĂ©ments mĂ©thodologiques tirĂ©s de l’expĂ©rience internationale, 2012. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 29
  • 31. Section 1 : Le bassin de la Meuse 1. Diagnostic de vulnĂ©rabilitĂ© menant Ă  la coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour s’adapter au changement climatique. a) Le constat d’une vulnĂ©rabilitĂ© actuelle et de futurs impacts en prĂ©vision. La Meuse est un fleuve navigable transnational d’Europe du Nord-Ouest long de 950 km et reprĂ©sente une zone densĂ©ment peuplĂ©e d’environ 9 millions d’habitants. Le bassin hydrologique ou bassin versant de la Meuse a une superficie de 36 000 km2, dont un tiers en RĂ©gion wallonne, et s’étend sur cinq États : la Belgique, la France, l’Allemagne, le Luxembourg et les Pays-Bas. Son dĂ©bit varie considĂ©rablement selon les saisons : 3100 m3/s en hiver Ă  la frontiĂšre Pays-Bas/Wallonie, seulement 10-40 m3/s l'Ă©tĂ©. Principalement alimentĂ© par les pluies, il n'a pas de glacier et peu de nappes phrĂ©atiques pour amortir les Ă©carts de prĂ©cipitations. Un lien direct existe donc entre l’évolution des prĂ©cipitations et les variations de dĂ©bits maximaux et minimaux. De nombreux enjeux sont menacĂ©s dont des infrastructures et industries majeures, d'inestimables hĂ©ritages historiques et Ă©cologiques. Les berges du fleuve Meuse constituent un secteur vulnĂ©rable aux inondations, avec des enjeux importants en termes de population et d'industries installĂ©es dans ce bassin versant. La Meuse n’est pas toujours perçue de la mĂȘme façon par les pays riverains. Abusivement, la Meuse est souvent considĂ©rĂ©e comme une riviĂšre affluente du Rhin et non un fleuve en lui-mĂȘme. En particulier, elle ne fait pas partie des grands fleuves français enseignĂ©s Ă  l'Ă©cole primaire en France peut-ĂȘtre car elle n'y fait que la moitiĂ© de son parcours total. Par contre, en Belgique et aux Pays-Bas, elle est considĂ©rĂ©e comme un fleuve important car elle sert au transport de marchandises et a façonnĂ© l'histoire et la gĂ©ographie de ces pays. Si la Meuse n’a pas la mĂȘme importance pour tous les pays c’est sans doute parce qu’elle Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 30
  • 32. ne les traverse pas tous de la mĂȘme façon. La perception du fleuve n’est pas la mĂȘme que l’on se situe en amont ou en aval du fleuve, selon la distance parcourus dans un pays et selon la nature des zones traversĂ©es. La Meuse prend sa source en France, puis traverse la Belgique, pour arriver Ă  son embouchure aux Pays-Bas, et enfin se jeter dans la mer du Nord. ParallĂšlement, les affluents de la Meuse traverse l’Allemagne et le Luxembourg. La Belgique est donc le pays le plus traversĂ© par le fleuve Meuse qui y assure de nombreuses fonctions. Il traverse la rĂ©gion naturelle de l’Ardenne, l'ancien bassin houiller wallon dans la province de LiĂšge, puis il contribue au refroidissement de la centrale nuclĂ©aire de Tihange, ensuite il longe les installations sidĂ©rurgiques de Seraing, un peu avant Herstal, ses eaux sont utilisĂ©es pour alimenter le Canal Albert, et de Namur Ă  VisĂ©, il sert Ă  la production d'Ă©lectricitĂ© avec six centrales hydroĂ©lectriques. Le fleuve semble Ă©galement jouer un rĂŽle dans la richesse du milieu naturel de la partie nĂ©erlandaise puisqu’elle contient quarante-trois zones classĂ©es Natura 2000, une zone pour les eaux conchylicoles, cent trente-quatre lieux de baignades, cinq plans d’eau de surface, et trois masses d’eau souterraines qui sont destinĂ©es Ă  l’alimentation en eau potable. b) Une coopĂ©ration transfrontaliĂšre de longue date. Cependant, malgrĂ© les divergences de perception, la coopĂ©ration transfrontaliĂšre existe depuis longtemps entre les États du bassin de la Meuse. La coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans le bassin de la Meuse existe depuis 1994 avec la signature Ă  Charleville-MĂ©ziĂšres de l’Accord concernant la protection de la Meuse. Depuis 1995, la RĂ©gion flamande et les Pays-Bas coopĂšrent pour rĂ©guler la distribution de l’eau durant les pĂ©riodes d’étiages. Depuis 1998, les pays du bassin de la Meuse se sont engagĂ©s avec un Plan d’Action Inondations Meuse. L’Accord international sur la Meuse, dit « Accord de Gand » a Ă©tĂ© signĂ© en 2002 par la Belgique, la France, le Grand-DuchĂ© de Luxembourg, les Pays-Bas et l’Allemagne et est entrĂ© en vigueur le 1er dĂ©cembre 2006. L'objectif de l'accord est d'arriver Ă  une gestion durable et globale de l'eau du district hydrographique de la Meuse. Cet accord est fondamental pour la prise en compte de l’adaptation dans les projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre puisqu’il crĂ©e la Commission Internationale de la Meuse (CIM), Ă  l’origine du lancement du projet AMICE. Le projet AMICE a en effet Ă©tĂ© initiĂ© Ă  partir des rĂ©sultats des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es sur les changements climatiques futurs et Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 31
  • 33. synthĂ©tisĂ©es dans « Les consĂ©quences du changement climatique sur les dĂ©bits du fleuve Meuse », sous l’impulsion de la Commission Internationale de la Meuse en 2005. Les rĂ©sultats de ces Ă©tudes ont montrĂ© que d’ici Ă  2050 ou 2100, le bassin versant risque de subir fortement les effets du changement climatique. Il y aurait une augmentation de la frĂ©quence des inondations en hiver, une augmentation des Ă©tiages, plus probablement dus Ă  une hausse de la demande en eau qu'Ă  une hausse des tempĂ©ratures, avec notamment une diminution globale des prĂ©cipitations saisonniĂšres pouvant aller jusqu'Ă  -39% en Ă©tĂ© pour la pĂ©riode 2071-2100. Les rĂ©sultats de cette Ă©tude ont Ă©galement mis en avant le besoin de s'accorder sur les scĂ©narios et d’examiner conjointement les effets d'une meilleure coordination des politiques de gestion de l'eau pour la rĂ©gulation et la gestion des crues et pour anticiper les potentiels conflits d’usage de l’eau en pĂ©riode d’étiage, par exemple. À partir de ces rĂ©sultats, les partenaires d’AMICE ont souhaitĂ© s’engager dans un projet de coopĂ©ration transfrontaliĂšre devant conduire Ă  une stratĂ©gie d'adaptation, via les scĂ©narios de changement climatique et de dĂ©bits Ă©tablis pour le bassin versant. c) Le projet AMICE. AMICE constitue le sigle pour « Adaptation of the Meuse to the Impacts of Climate Evolutions ». Le point de dĂ©part de la rĂ©flexion qui a abouti au lancement du projet AMICE a Ă©tĂ© la prise de conscience du dĂ©calage entre l’existence de stratĂ©gies d’adaptation au niveau national et l’absence de concertation au niveau transnational sur la question. Les partenaires d’AMICE se sont lancĂ©s dans ce projet plutĂŽt dans l’optique d’apporter des solutions que d’éviter le transfert de vulnĂ©rabilitĂ©s d’un pays Ă  un autre31 . L’adaptation au changement climatique est rapidement apparu comme l’enjeu le plus important Ă  traiter pour les partenaires. Le projet AMICE a Ă©tĂ© lancĂ© Ă  l’initiative de l’Établissement public d’amĂ©nagement de la Meuse et de ses affluents (EPAMA), le 5 dĂ©cembre 2008 pour une pĂ©riode de mise en 31 Entretien avec MaĂŻtĂ© Fournier cf. Annexe 4 – Listes des personnes ayant contribuĂ© Ă  ma rĂ©flexion. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 32
  • 34. Ɠuvre de trois ans de 2009 Ă  2012. Il a Ă©tĂ© financĂ© par le programme INTERREG IV B Europe du Nord-Ouest, son budget total s’élevait Ă  8,9 millions d’euros (2,8 millions d’euros de la part du FEDER et 6,1 millions d’euros de la part des autoritĂ©s locales, rĂ©gionales et nationales, des agences et associations de l’eau). Le projet compte dix-sept partenaires dont trois français, huit belges, trois allemands, trois nĂ©erlandais. Le dĂ©fi principal auquel le projet a souhaitĂ© rĂ©pondre Ă©tait de savoir comment concevoir de nouvelles structures de gestion de l’eau capables de traiter des inondations, de la sĂ©cheresse et de l’augmentation de la demande en eau, de maniĂšre intĂ©grĂ©e. Les objectifs visĂ©s ont Ă©tĂ© de dĂ©finir une stratĂ©gie d'adaptation commune aux impacts du changement climatique sur les inondations et la sĂ©cheresse, reconnue Ă  l’échelle du bassin fluvial international de la Meuse; de mettre en place un dispositif de mesures bĂ©nĂ©fiques et transfĂ©rables Ă  l’ensemble du bassin de la Meuse; de renforcer et Ă©largir le partenariat des acteurs dans le bassin international de la Meuse ; et d’impliquer la population et les autoritĂ©s publiques Ă  travers une meilleure connaissance des enjeux et le dĂ©veloppement d’un sentiment d’appartenance au bassin de la Meuse et d’une prise de conscience des risques d’inondations et de sĂ©cheresse. Les moyens dĂ©ployĂ©s pour atteindre ces objectifs ont Ă©tĂ© de rĂ©unir les partenaires du projet autour de cinq modules thĂ©matiques de travail; de rĂ©aliser une Ă©tude du comportement hydrologique actuel et futur du bassin, et de dĂ©terminer les caractĂ©ristiques prĂ©vues des inondations, ainsi que les mesures de gestion des eaux de crue qui doivent ĂȘtre prises; de dĂ©finir des scĂ©narios, partagĂ©s Ă  l’échelle du bassin international, en lien avec le changement climatique; de rĂ©aliser la premiĂšre simulation hydraulique du fleuve et des cartes de risques associĂ©es; et d’identifier des points chauds, c’est-Ă -dire des secteurs et des usages de l’eau menacĂ©s par les futures inondations et pĂ©riodes de sĂ©cheresse. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 33
  • 35. 2. Analyse des facteurs de coopĂ©ration transfrontaliĂšre favorisant ou entravant la promotion de l’adaptation au changement climatique. a) OpportunitĂ©s. Le contexte de coopĂ©ration a Ă©tĂ© un Ă©lĂ©ment favorable pour le lancement du projet et qui a par lĂ -mĂȘme contribuĂ© Ă  la prise en compte de l’adaptation dans la rĂ©gion. Le bassin versant de la Meuse Ă©tait dĂ©jĂ  perçu par les partenaires d’AMICE comme un bassin international au moment de la construction du projet, du fait d’une coopĂ©ration de longues dates entre les diffĂ©rentes agences de l’eau. La perception de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans la rĂ©gion est un autre Ă©lĂ©ment qui a facilitĂ© le lancement du projet et son bon fonctionnement. La coopĂ©ration transfrontaliĂšre apparaĂźt dĂšs le dĂ©but du projet comme Ă©vidente : les partenaires d’AMICE issus de tous les pays partagent une vision de la Meuse comme un bien commun et une passion commune. La plupart d’entres eux sont mĂȘme nĂ©s dans une ville au bord de la Meuse expliquant sans doute cet attachement profond au fleuve. Le choix des acteurs a Ă©tĂ© Ă©galement crucial dans le bon dĂ©roulement du projet. Si le projet a aussi bien fonctionnĂ© c’est en effet en partie parce que les partenaires d’AMICE possĂ©daient une expĂ©rience de terrain et une bonne connaissance du bassin versant de la Meuse32 . L’organisation des rĂ©unions de travail telles qu’elle s’est dĂ©roulĂ©e durant le projet a Ă©tĂ© une opportunitĂ© pour faciliter la prise en compte de l’adaptation au changement climatique. En effet, la volontĂ© de dĂ©cloisonnement entre les groupes de travail thĂ©matiques (au moins un partenaire de chaque pays par groupe de travail) a sans doute crĂ©Ă© un cadre favorable aux Ă©changes. Le projet a bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un cadre intellectuel et politique favorable Ă  la prise en compte de l’adaptation au changement climatique33 . En effet, la publication de projections 32 Entretien avec MaĂŻtĂ© Fournier cf. Annexe 4 – Listes des personnes ayant contribuĂ© Ă  ma rĂ©flexion. 33 Entretien avec MaĂŻtĂ© Fournier cf. Annexe 4 – Listes des personnes ayant contribuĂ© Ă  ma rĂ©flexion. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 34
  • 36. rĂ©gionalisĂ©es et du QuatriĂšme rapport d’évaluation du GIEC en 2007, offrant un meilleur accĂšs aux donnĂ©es climatiques ainsi que la mĂ©diatisation internationale qui s’est portĂ©e sur le changement climatique et la reconnaissance de l’adaptation Ă  la confĂ©rence de Copenhague en 2009 ont coĂŻncidĂ© avec le dĂ©but de la pĂ©riode de mise en Ɠuvre du projet. Le Programme INTERREG IV B de l’Union EuropĂ©enne est apparu comme une opportunitĂ© de financement du projet AMICE. C’est ainsi qu’un programme de financement destinĂ© Ă  la coopĂ©ration transfrontaliĂšre permet de promouvoir un projet d’adaptation au changement climatique. D’autre part, l’existence d’un cadre institutionnel de protection de la Meuse Ă  travers la Commission internationale de la Meuse semble une opportunitĂ© pour ancrer le projet de coopĂ©ration transfrontaliĂšre sur l’adaptation dans la durĂ©e. b) Lacunes et barriĂšres. Des problĂšmes administratifs ont ralenti la collecte des donnĂ©es et les projections climatiques Ă©taient encore difficiles d’accĂšs (en dehors de la communautĂ© du climat) au moment du lancement du projet34 . En effet, le portail DRIAS les futurs du climat qui fournit des services climatiques n’existait pas encore. L’intĂ©gration de scĂ©narios climatiques dans les paramĂštres de mise en Ɠuvre des projets ne faisait pas partie de la pratique des gestionnaires de l’eau et donc il s’agissait d’une technique non maĂźtrisĂ©e. Il s’est avĂ©rĂ© difficile d’accorder les projections nationales pour disposer de donnĂ©es Ă  l’échelle du bassin versant, notamment du fait de certaines incompatibilitĂ©s techniques. Une construction collective s’appuyant sur des contributions de tous a Ă©tĂ© nĂ©cessaire car les projections climatiques au niveau de chaque partenaire ne permettaient pas de 34 Entretien avec MaĂŻtĂ© Fournier cf. Annexe 4 – Listes des personnes ayant contribuĂ© Ă  ma rĂ©flexion. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 35
  • 37. rĂ©pondre au besoin. D’autre part, le projet a manquĂ© de moyens humains dans sa rĂ©alisation, notamment parce que les acteurs devaient partager leur temps de travail entre leurs missions habituelles et ce projet de coopĂ©ration35 . Ce manque de moyens consacrĂ©s Ă  la mise en Ɠuvre d’un projet est caractĂ©ristique de ce qu’Oran R. Young appelle le problĂšme de l’adĂ©quation (« fit »)36 entre les systĂšmes biophysiques et les systĂšmes de gouvernance crĂ©Ă©s pour gĂ©rer l’apparition de problĂšmes environementaux. En effet, il semble que dans beaucoup de cas, il y a un manque critique de resources nĂ©cessaires pour enclencher un contrĂŽle systĂ©matique des activitĂ©s, ce qui conduit Ă  des efforts superficiels, souvent Ă©chouant Ă  capter les changements socio-Ă©conomiques importants au moment opportun et de maniĂšre appropriĂ©e.37 Dans le cas du projet AMICE, la recherche d’une meilleure adĂ©quation entre le systĂšme de coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour l’adaptation au changement climatique et le systĂšme biophysique du bassin de la Meuse pourrait se manifester, par exemple, par l’adoption d’une plus grande flexibilitĂ© dans la rĂ©partition du temps de travail entre les moments consacrĂ©s au travail administratif habituel des partenaires et les moments oĂč ils travaillent sur le projet de coopĂ©ration transfrontaliĂšre. Ceci leur permettrait de dĂ©gager temporairement plus de temps libre pour se consacrer au projet sans affecter leurs missions habituelles sur le long terme. Le concept d’adaptation au changement climatique lui-mĂȘme a Ă©tĂ© difficile Ă  expliquer. A priori, il n’apporte pas de changement perceptible localement pour la population et les modifications qu’il entraĂźne ne sont pas aussi visibles que des amĂ©nagements d’ingĂ©nierie mis en place dans le cadre de l’attĂ©nuation au changement climatique. Ce qui a rendu d’autant plus difficile Ă  faire comprendre la valeur ajoutĂ©e de l’adaptation aux collectivitĂ©s locales. Si elles n’ont pas montrĂ© d’opposition au projet, les collectivitĂ©s locales n’ont pas n’ont plus montrĂ© d’enthousiasme pour le projet. Enfin, on a observĂ© que l’adaptation au changement climatique avait encore du mal Ă  ĂȘtre 35 Entretien avec MaĂŻtĂ© Fournier cf. Annexe 4 – Listes des personnes ayant contribuĂ© Ă  ma rĂ©flexion. 36 YOUNG, Oran R. The Institutional Dimensions of Environmental Change : Fit, Interplay, and Scale. Cambridge, Massachusetts : MIT Press, 2002. 237 p. 37 YOUNG, Oran R. Matching Institutions and Ecosystems: The Problem of Fit. Les sĂ©minaires de l’Iddri, 2002, n°2. ConfĂ©rence dans le cadre du sĂ©minaire Economie de l’environnement et du dĂ©veloppement durable, coorganisĂ© par l’Iddri et le MinistĂšre de l’écologie, du dĂ©veloppement durable et de l’énergie. Paris, 25 juin 2002. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 36
  • 38. mise en avant au moment du lancement du projet AMICE puisque c’est la coopĂ©ration transfrontaliĂšre qui a prĂ©valu sur l’adaptation pour obtenir des financements. c) RĂ©ussites. Tous les amĂ©nagements qui avaient Ă©tĂ© prĂ©vus dans le cadre du projet AMICE ont Ă©tĂ© achevĂ©s. Le projet AMICE a permis de dĂ©couvrir de nouvelles formes de coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour s’entraider Ă  s’adapter au changement climatique jusque-lĂ  insoupçonnĂ©es. GrĂące au projet AMICE, l’Allemagne a, par exemple, dĂ©couvert que l’eau pouvait ĂȘtre fournie aux Pays-Bas pour les aider Ă  mieux afronter les pĂ©riodes de sĂ©cheresse, sans consĂ©quence nationale significative38 . Le projet AMICE a permis de disposer de projections climatiques au niveau du bassin versant et de faciliter l’échange de donnĂ©es entre les organismes des diffĂ©rents pays. Des signes montrent que le projet AMICE a bien fonctionnĂ© et qu’il continue. Les prochaines Ă©tudes sur l’adaptation dans le bassin de la Meuse vont intĂ©grer les rĂ©sultats d’AMICE. En effet, les universitĂ©s de Metz, LiĂšge, Aix-La-Chapelle et Maastricht poursuivent aujourd’hui l’affinage des projections climatiques pour la Meuse. De plus, les rĂ©sultats d’AMICE seront utilisĂ©s pour la mise en Ɠuvre de la Directive-cadre sur l’eau de l’Union europĂ©enne39 : l’adaptation sera prise en compte dans la norme sur le bon Ă©tat Ă©cologique des cours d’eau, sur la qualitĂ© de l’eau. Ensuite, une stratĂ©gie d’adaptation au changement climatique pour le bassin de la Meuse sera peut-ĂȘtre Ă©laborĂ©e par la CIM, Ă  l’issue de ces rĂ©sultats. 38 Entretien avec MaĂŻtĂ© Fournier cf. Annexe 4 – Listes des personnes ayant contribuĂ© Ă  ma rĂ©flexion. 39 La Directive-cadre sur l'eau de l’Union europĂ©enne, adoptĂ©e le 23 octobre 2000 par le Parlement europĂ©en et entrĂ©e en vigueur le 22 dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e, entend impulser une politique de l'eau plus cohĂ©rente, en posant le cadre europĂ©en d'une gestion et d'une protection des eaux par district hydrographique. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 37
  • 39. Par ailleurs, la confĂ©rence de clĂŽture du projet AMICE a Ă©tĂ© un vĂ©ritable succĂšs et pourra ĂȘtre pris en exemple pour le lancement d’autres projets de coopĂ©ration transfrontaliĂšre sur l’adaptation au changement climatique. La confĂ©rence a, en effet, mobilisĂ© trois cents personnes et la participation de la Commission Économique pour l’Europe des Nations Unies (CEE-ONU) a sans doute apportĂ© une visibilitĂ© au-delĂ  de l’Europe de l’ouest au projet. Enfin, le fait que le projet ait une suite et que l’adaptation au changement climatique continue d’ĂȘtre prise en compte dans le nouveau projet tĂ©moigne du succĂšs du projet AMICE. Enfin, si les rĂ©sultats du projet AMICE ne seront pas nĂ©cessairement intĂ©grĂ©s dans les politiques des Ă©lus locaux en tant que rĂ©sultats relevant d’un projet d’adaptation au changement climatique mais peut-ĂȘtre seulement en tant que rĂ©sultats ayant traits Ă  la gestion de l’eau, l’adaptation au changement climatique sera en tout cas prise en compte. Ce rĂ©sultat positif pouvant s’interprĂ©ter comme la manifestation du mainstreaming de l’adaptation au changement climatique. d) Pistes d’amĂ©lioration. D’une part, au lieu d’une stratĂ©gie d’adaptation, comme cela avait Ă©tĂ© l’objectif de dĂ©part du projet AMICE, les partenaires n’ont Ă©laborĂ© qu’une simple feuille de route. Les partenaires ont manquĂ© d’anticipation par rapport Ă  l’état d’avancement du projet et ne possĂ©daient pas de mandat pour rĂ©diger un document politique comme une stratĂ©gie. D’autre part, le projet n’a pas bĂ©nĂ©ficiĂ© du portage politique escomptĂ© par les partenaires d’AMICE qui n’ont pas rĂ©ussi Ă  suffisamment sensibiliser le grand public et les Ă©lus locaux Ă  la prise en compte de l’adaptation au changement climatique dans les projets d’amĂ©nagement du territoire. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 38
  • 40. Section 2 : Le bassin MĂ©diterranĂ©en 1. Diagnostic de vulnĂ©rabilitĂ© menant Ă  la coopĂ©ration transfrontaliĂšre pour s’adapter au changement climatique. a) Le Constat d’une vulnĂ©rabilitĂ© actuelle et de futurs impacts en prĂ©vision. La mer MĂ©diterranĂ©e est une mer intercontinentale presque entiĂšrement fermĂ©e, entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie, et qui s’étend sur prĂšs de 2,5 millions de kilomĂštres carrĂ©s. Elle a la particularitĂ© d’ĂȘtre bordĂ©e par deux rives comprenant des pays dĂ©veloppĂ©s au nord et des pays en dĂ©veloppement au sud. Cette rĂ©gion du monde souffre d’importants problĂšmes de stress hydrique, de dĂ©sertification, de pertes de biodiversitĂ© et d’évĂšnements climatiques extrĂȘmes tels qu’inondations et sĂ©cheresses. Elle est considĂ©rĂ©e comme un « hot spot » du changement climatique. Les scĂ©narios du GIEC projettent une hausse moyenne des tempĂ©ratures de 2 Ă  3°C Ă  l’horizon 2050, et de 3 Ă  5°C Ă  l’horizon 2100 pour la rĂ©gion, ainsi qu’une diminution des prĂ©cipitations estivales de 35 % sur la rive sud et de 25 % sur la rive nord d’ici la fin du siĂšcle. b) Un vaste cadre international de coopĂ©ration transfrontaliĂšre. La prise en compte de l’adaptation au changement climatique comme objet de coopĂ©ration en MĂ©diterranĂ©e commence Ă  peine Ă  voir le jour et passe d’abord par le biais de la protection de l’environnement marin contre la pollution et du dĂ©veloppement durable. En 1975, le Plan d’Action pour la MĂ©diterranĂ©e (PAM) a Ă©tĂ© adoptĂ© sous l’égide du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) par seize pays Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 39
  • 41. mĂ©diterranĂ©ens et par l’Union EuropĂ©enne pour aider les pays mĂ©diterranĂ©ens Ă  Ă©valuer et Ă  contrĂŽler la pollution marine, Ă  formuler leurs politiques environnementales nationales, Ă  promouvoir la capacitĂ© des gouvernements Ă  identifier les meilleures options pour des modĂšles alternatifs de dĂ©veloppement, et Ă  optimiser les choix dans l’allocation des ressources. Entre 1976 et 1978, la Convention de Barcelone pour la Protection de la mer MĂ©diterranĂ©e contre la pollution est adoptĂ©e. À la fin des annĂ©es 1970, le Plan Bleu pour l’environnement et le dĂ©veloppement en MĂ©diterranĂ©e est crĂ©Ă© dans le cadre du PAM. Le Plan Bleu est Ă  la fois une association et un centre d’observation, d’analyse et de prospective. Il a vocation Ă  ĂȘtre une interface entre la production de donnĂ©es scientifiques et la dĂ©cision politique. Il est financĂ© par la France, la Commission EuropĂ©enne, le Fonds pour l’environnement mondial et la Banque mondiale. Le Plan Bleu a pour missions : le dĂ©veloppement de bases de donnĂ©es sur l'environnement, l’économie et la sociĂ©tĂ© ; l’analyse et la prospective concernant les principaux enjeux de dĂ©veloppement durable Ă  l’échelle du bassin mĂ©diterranĂ©en et de ses composantes Ă©cologiques ou gĂ©ographiques, en utilisant des mĂ©thodes systĂ©miques ; la publication et la diffusion des rĂ©sultats de ses Ă©tudes et synthĂšses ; le dĂ©veloppement et l’animation de rĂ©seaux d’experts dans les pays mĂ©diterranĂ©ens et l’aide Ă  la construction des capacitĂ©s ; et le soutien Ă  la stratĂ©gie mĂ©diterranĂ©enne pour le dĂ©veloppement durable dans le cadre de la Commission mĂ©diterranĂ©enne de dĂ©veloppement durable. En 1996 est crĂ©Ă©e la Commission mĂ©diterranĂ©enne de dĂ©veloppement durable dans le cadre du PAM avec pour mission de prĂ©parer une stratĂ©gie mĂ©diterranĂ©enne de dĂ©veloppement durable. Entre 2007 et 2013, le Programme de coopĂ©ration transfrontaliĂšre de Bassin Maritime MĂ©diterranĂ©e est adoptĂ©. Il s’agit du Programme pour la mise en Ɠuvre des activitĂ©s de coopĂ©ration transfrontaliĂšre dans le contexte de la Politique EuropĂ©enne de Voisinage (PEV), en complĂ©ment des efforts conduits dans le cadre du Partenariat Euro- MĂ©diterranĂ©en. Son but est de dĂ©velopper une zone de paix, stabilitĂ©, prospĂ©ritĂ© et de bon voisinage entre les pays MĂ©diterranĂ©ens de l’Union europĂ©enne et les pays partenaires Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 40
  • 42. mĂ©diterranĂ©ens. En janvier 2008 est signĂ© le Protocole de gestion intĂ©grĂ©e des zones cĂŽtiĂšres (GIZC) qui entra en vigueur en mars 2011 et dont la mise en Ɠuvre a Ă©tĂ© prĂ©vue dans le cadre d’un Plan d’action pour la pĂ©riode 2012-2019. Ce Protocole a Ă©tĂ© Ă©tabli par nĂ©cessitĂ© d’un instrument juridique contraignant car les politiques de gestion intĂ©grĂ©e des zones cĂŽtiĂšres mise en place dans le cadre de la Convention de Barcelone n’avaient qu’une valeur de « soft law », ne reposaient que sur une base volontaire, et leur application Ă©tait quasi nulle en raison de leur caractĂšre facultatif et non contraignant. En septembre 2009 est organisĂ©e la 13e rĂ©union de la Commission mĂ©diterranĂ©enne du dĂ©veloppement durable invitant les Parties contractantes Ă  mettre en Ɠuvre des mesures urgentes d’adaptation afin de renforcer la rĂ©silience de l’espace mĂ©diterranĂ©en au changement climatique. Et enfin, lors de la mĂȘme annĂ©e 2009, la dĂ©claration de Marrakech est adoptĂ©e par les Parties contractantes Ă  la Convention de Barcelone sur la protection du milieu marin et du littoral de la MĂ©diterranĂ©e. À travers cette dĂ©claration, les États parties mettent en avant le fait qu’ils considĂšrent le changement climatique comme un dĂ©fi majeur pour l’humanitĂ©, et qu’il faille prendre en compte les impacts du changement climatique et l’adaptation au changement climatique. Ils s’engagent Ă  renforcer les consultations entre les pays de la rĂ©gion ; Ă  promouvoir la coopĂ©ration mĂ©diterranĂ©enne en matiĂšre de lutte contre les effets du changement climatique dans la rĂ©gion et Ă  renforcer les mĂ©canismes institutionnels ; Ă  assurer l’intĂ©gration des questions de changement climatique dans les politiques de dĂ©veloppement ; Ă  faire en sorte que l’adaptation au changement climatique soit pleinement prise en compte dans la rĂ©vision de la stratĂ©gie mĂ©diterranĂ©enne de dĂ©veloppement durable au cours du prochain exercice biennal ; Ă  favoriser les synergies entre la Convention de Barcelone, l’Union pour la MĂ©diterranĂ©e (UpM) et la Politique europĂ©enne de voisinage (PEV) ; et Ă  renforcer la capacitĂ© du Plan d’Action pour la MĂ©diterranĂ©e (PAM). La coopĂ©ration transfrontaliĂšre en MĂ©diterranĂ©e se dĂ©veloppe donc dans le cadre d’une multiplicitĂ© d’accords rĂ©gionaux et d’organisations rĂ©gionales tournĂ©s vers le dĂ©veloppement durable et donc potentiellement porteurs de projets d’adaptation au changement climatique. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 41
  • 43. c) Le projet d’intĂ©gration de l’adaptation au changement climatique dans la stratĂ©gie mĂ©diterranĂ©enne de dĂ©veloppement durable. La promotion de l’adaptation au changement climatique par le biais de la coopĂ©ration transfrontaliĂšre en est Ă  ses dĂ©buts en MĂ©diterranĂ©e et n’existe pour l’instant que par l’intĂ©gration de l’adaptation au changement climatique dans la stratĂ©gie mĂ©diterranĂ©enne de dĂ©veloppement durable. Cette stratĂ©gie mĂ©diterranĂ©enne pour le dĂ©veloppement durable, publiĂ©e en 2005, a intĂ©grĂ© l’adaptation aux impacts du changement climatique dans ses sept domaines d’action prioritaires dĂšs le dĂ©part et sa rĂ©vision est en cours Ă  l’étĂ© 2014 pour renforcer cette prise en compte de l’adaptation au changement climatique. En parallĂšle avec le projet de rĂ©vision de la stratĂ©gie mĂ©diterranĂ©enne de dĂ©veloppement durable, des sĂ©minaires sont rĂ©guliĂšrement organisĂ©s par le Plan Bleu pour dĂ©velopper et maintenir un dialogue sur l’adaptation au changement climatique entre les pays riverains. En 2012, par exemple, a Ă©tĂ© organisĂ©e une confĂ©rence au Caire sur l’adaptation au changement climatique en MĂ©diterranĂ©e. Cette confĂ©rence a donnĂ© l’occasion Ă  la prĂ©sentation du systĂšme d’alerte prĂ©coce liĂ© Ă  la submersion marine de MĂ©tĂ©o France, le Plan Canicule, et le plan national d’adaptation au changement climatique français. Il en est ressorti que les pays mĂ©diterranĂ©ens avaient au moins une perception commune de leur prioritĂ© d’adaptation : la vulnĂ©rabilitĂ© des grandes zones urbaines au changement climatique. Et cette confĂ©rence a eu pour effet de donner une impulsion pour initier un travail commun sur la stratĂ©gie mĂ©diterranĂ©enne pour le dĂ©veloppement durable, sur un guide mĂ©thodologique, et sur une plateforme d’échange de donnĂ©es climatiques40 . 40 Entretien avec Sylvain Mondon cf. Annexe 4 – Listes des personnes ayant contribuĂ© Ă  ma rĂ©flexion. Sarah Voirin | Institut d’Études Politiques de Grenoble | M2 ORG INT. | 2014 42