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Jeunes issus de milieux défavorisés et marques de
luxe : je t’aime... moi non plus.
2
Engagement de travail personnel
Je certifie sur l’honneur que l’étude ici présente est bien le fruit de mon travail dans son
intégralité.
Toutes les sources auxquelles j’ai eu recours sont indiquées par des citations entre guillemets
et par une annotation renvoyant à une bibliographie détaillée, stipulant l’origine de chaque
source (auteur, œuvre, éditeur, année...)
Je m’engage donc à présenter dans ce document un travail strictement personnel, résultat
de mes réflexions et des cheminements développés au cours de cette dernière année de
master.
Le 31/05/2013,
3
Page d’information sur les sociétés rencontrées
Dans le cadre de ce mémoire, j’ai eu l’occasion de rencontrer des personnes appartenant
aux sociétés suivantes :
Simon Barthe, psychologue clinicien et directeur de la DRAILLE.
M.E.C.S (Maison d'Enfants à Caractère Social) LA DRAILLE, association.
Adresse : 13 Rue du Marché des Capucins, 13001 Marseille.
Téléphone : 04 91 54 27 02.
Raphaël Sanchez, directeur adjoint ITEP Les Etoiles.
Moustapha Anseur, éducateur spécialisé.
Diane Godby-Debray, éducatrice scolaire.
Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) Les Etoiles.
Adresse : 8 impasse des étoiles, BP 203, 13308 Marseille cedex 14.
Téléphone : 04 91 98 34 91.
Grégoire Dangleant, brigadier Chef au BDAV,
Bureau d’aide aux victimes (BDAV),
Commissariat de police du 3ème arrondissement de Marseille.
Adresse : 143, Rue Félix Pyat, 13003 Marseille.
Téléphone : 04 84 35 36 37
4
Remerciements
Je souhaite remercier ici toutes les personnes qui ont aidé à la réalisation de ce mémoire tant
par leur soutien que par leurs contributions.
En premier lieu, je remercie mon directeur de mémoire, M. Jean-Philippe Danglade pour sa
patience, son aide et ses conseils précieux. Tout au long de la rédaction de ce mémoire, il
s’est toujours montré disponible et à mon écoute, me permettant ainsi de travailler dans les
meilleures conditions.
Je remercie également Simon Barthe, psychologue clinicien et directeur de la DRAILLE de
Marseille, qui m’a accueillie au sein de son lieu de travail, me consacrant ainsi beaucoup de
son temps. Il a également répondu à toutes mes questions de façon très détaillée et m’a
permis de mettre en lumière des pistes de réflexion auxquelles je n’aurais pas pensé.
Je remercie également Raphael Sanchez, directeur de l’ITEP des Etoiles, Moustapha Anseur,
éducateur spécialisé et Diane Godby-Debray, éducatrice scolaire qui ont fortement contribué
à la réussite des objectifs que je m’étais fixés. Ils m’ont notamment épaulé dans la phase
d’enquête afin que je puisse rendre une étude de qualité et la plus objective possible.
Je souhaite également adresser mes remerciements à Grégoire Dangleant, brigadier chef au
Bureau d’Aide Aux Victimes de Marseille (BDAV 3ème arrondissement) qui eu l’amabilité de
répondre à toutes mes questions de façon complète et sans qui je n’aurais pu obtenir des
informations précieuses à la réalisation de ce document.
Enfin, je remercie toutes les personnes que j’ai pu contacter ou qui m’ont soutenue dans le
cadre de ce mémoire et qui m’ont permis d’orienter mes recherches afin de fournir la
meilleure étude possible.
5
Résumé du mémoire
Des études ont fait apparaître l’intérêt que les jeunes issus de milieux défavorisés portent aux
marques de luxe. Nous tenterons d’en comprendre les raisons, de définir et expliquer les
pratiques de consommation et les dérives que cet attrait implique.
En effet, si les jeunes de banlieues ne profitent pas d’un contexte socio-économique
favorable à la consommation des marques de standing, réservées habituellement à une
classe aisée, leur attirance pour ces produits de prestige peut révéler ou générer des
frustrations et favoriser ainsi certaines dérives telles que la délinquance et la contrefaçon.
Grâce à la rencontre de professionnels et l’avis de sociologues, ce mémoire tente de
répondre aux interrogations liées à ce phénomène. Le but étant de comprendre en quoi cette
population aurait des motivations et des besoins différents des autres groupes de
consommateurs vis-à-vis des marques de luxe.
Cette réflexion passe alors par une étude de la marque de luxe dans sa globalité : qu’est-ce-
qu’une marque de luxe ? Quelle image renvoie-t-elle aux clients ? Quels types
comportements la marque de luxe va-t-elle induire chez les individus ?
Cette analyse, basée sur des écrits d’auteurs, permet de montrer ce que la marque de luxe
évoque à la majorité de la population. Ce, pour mieux comprendre les comportements
d’achat relatifs au luxe, propre aux jeunes des banlieues.
Mais quelles sont les conséquences pour les marques en termes de marketing ?
Nous verrons que les bénéfices et les préjudices d’une telle appropriation par un public qui
n’est pas ciblé à l’origine, sont nombreux.
Les marques de luxe mettent alors en place diverses stratégies de marketing pour attirer,
repousser ou évincer cette nouvelle clientèle.
Enfin, nous illustrerons cette relation existante par le cas de Louis Vuitton, marque de luxe
particulièrement prisée par les jeunes des quartiers défavorisés ces dernières années.
Entre attirance, stratégies de marketing et dérives, le secteur du luxe et les jeunes issus de
banlieues sensibles semblent se dire : je t’aime...moi non plus.
6
Master thesis summary
Why young people in disadvantaged area are interested in luxury brands? What are their
consumption behaviors when they are confronted to them? What sort of drift may this
attraction involve?
If the youth from suburban ghettos cannot benefit of a socio-economic background favorable
for luxury consumption, which is rather reserved for upper class, they however do not hide
their interest for them. This particular attention may be a source of frustration and promote
some drifts like delinquency and counterfeiting. Thanks to interviews with specialized
professionals and the opinion of sociologists, this paper seeks to answer questions related to
this phenomenon. The aim is to understand how this population would have different
motivations and needs towards luxury brands compared to other groups of consumers.
This reflection lies in a study of the luxury brand in its entirety: what is a luxury brand? How
do customers perceive their brand image? What are the behaviors which can be caused to
people by luxury brands?
This analysis, based on the writings of several authors, allows us to understand what is
evoked to the majority of the population by luxury brands. This,in order to better understand
the buying behavior of suburban youth related to luxury.
But what are the consequences for brands in marketing terms?
We will see that the benefits and harms of such ownership by a population, that is not
targeted at the origin, are numerous. Luxury brands develop several marketing strategies to
attract, repel or evict this new clientele.
Finally, we will illustrate that existing relationship with the case of Louis Vuitton luxury brand
which is particularly popular with young people from suburban ghettos in recent years.
Between attraction, marketing strategies and drifts, the luxury sector and young people from
disadvantaged neighborhoods seem to be saying: I love you ... me neither.
7
Sommaire
Introduction
 9
I. La marque de luxe
 11
A. Qu’est ce qu’une marque de luxe ?! 11
1. Qu’est-ce qu’une marque ? 11
2. Qu’est-ce que le luxe ? 14
3. Qu’est-ce qu’une marque de luxe ? 16
B. Identité et image d’une marque de luxe! 20
1. Identité d’une marque de luxe 20
2. Image d’une marque de luxe 23
C. Le consommateur et la marque de luxe! 26
1. Comportement du consommateur et marque de luxe. 26
2. Signification de la marque de luxe pour le consommateur 29
II. Les jeunes en milieu défavorisé et leur rapport aux marques de luxe
 33
A. Contexte! 33
1. Les origines des banlieues 33
2. Démographie dans les banlieues 35
3. Mode de vie 37
B. Consommation des marques de luxe! 39
1. Le consumérisme en France influence les jeunes des cités 39
2. Comportement de consommation des jeunes 40
3. Enquête et résultats 46
C. Les dérives! 50
1. Délinquance 51
2. La contrefaçon 53
III. Du côté des marques de luxe : quels résultats marketing ?
 58
A. Appropriation des marques de luxe : origine et conséquences.! 58
1. Contexte 58
2. Appropriation des marques : quels préjudices, quels bénéfices ? 61
B. Stratégies des marques! 65
1. Les différentes stratégies 65
2. Résultats sur les 4P 69
C. Le cas Vuitton! 73
1. La marque 73
2. Cibles 77
3. Stratégies de marketing 79
4. Contrefaçon 81
Conclusion
 86
Bibliographie
 88
Annexes
 95
8
Introduction
Pour ce mémoire, je souhaitais traiter un sujet qui alliait question de société et marketing.
Ceci afin de lier ce travail à ma formation de marketing actuelle et au journalisme que j’ai
étudié auparavant pendant deux ans.
Afin de rester dans cette démarche personnelle, j’ai choisi de recourir à des expériences
faites durant mes tous premiers stages, alors que je me destinais à un métier dans le secteur
social.
Le thème de mon mémoire s’est dégagé tout naturellement, alliant marketing et phénomène
social : les jeunes issus de milieux défavorisés et leur rapport avec les marques de luxe.
En effet, mes premiers stages se sont déroulés auprès de jeunes dits « en difficultés » que ce
soit socialement ou économiquement. J’ai donc été sensibilisée aux problèmes inhérents à la
vie d’un jeune dans une zone urbaine sensible.
Afin de lier cette problématique à cette année d’études à Euromed (nouvellement Kedge
Business School) et à mon intérêt pour le marketing, en particulier propre au secteur du luxe,
j’ai donc choisi ce sujet.
Bien qu’épineux au premier abord, au vu du peu d’informations disponibles, ce thème m’est
tout de suite apparu pertinent. Il me permettait d’étudier d’une part un groupe de
consommateurs bien particulier, souvent stigmatisé et d’autre part, l’univers des marques de
luxe qui fascine et leurs stratégies propres à cette population. C’est dans cette seconde
partie que l’aspect lié au marketing de mon mémoire s’intensifie et équilibre le côté un peu
trop sociologique du début. C’est pour cela que j’ai choisi de reformuler l’intitulé de mon
étude : Jeunes issus de milieux défavorisés et marques de luxe : je t’aime... moi non plus.
Je voulais donc analyser la relation existante entre les marques et cette population. Cela, en
étudiant comment ces deux mondes, qui semblent pourtant aux antipodes l’un de l’autre,
peuvent se charmer et se repousser à la fois. L’amour des jeunes se retrouve dans
l’admiration envers les marques qui les voient comme un moyen d’élargir leurs clientèles.
L’hostilité se retrouve chez les créateurs qui voient d’un mauvais oeil l’appropriation, le
détournement de leurs produits. Mais elle se retrouve aussi chez ces jeunes pour qui le luxe
représente, parfois, une société qui semble les mettre à l’écart, avec des richesses dont on
les a privés.
La marque de luxe possède une identité qui ne ressemble à aucune marque de masse. Elle
véhicule une image liée au domaine du rêve, de la beauté, de l’idéal et de la réussite qui sait
séduire toutes les classes de populations. Elle possède des éléments distinctifs que l’on ne
retrouve que dans le secteur du luxe et qui la rend facilement identifiable.
Les jeunes issus de milieux défavorisés n’échappent pas à cette règle et consomment ces
marques, bien que leurs moyens ne le leurs permettent pas toujours. Ils ont alors des
9
motivations et des besoins (en rapport avec les marques de luxe) qui diffèrent parfois des
autres groupes de consommateurs.
Si les jeunes des banlieues semblent particulièrement sensibles au charme dégagé par le
secteur du luxe, la réciproque semble s’appliquer. De fait, certaines marques de luxe
rivalisent aujourd’hui d’ingéniosité pour séduire cette nouvelle cible qui ne ressemble en rien à
leurs cibles habituelles.
La marque de luxe dégage des codes et des significations particulières qui séduisent la
population actuelle, profondément touchée par un consumérisme massif. Quels sont les
éléments qui font d’une marque, une marque de luxe ?
Pourquoi les jeunes issus de quartiers sont-ils si sensibles aux marques de luxe ? Il
semblerait qu’il existe une attraction irrésistible envers ce secteur, mais pourquoi ? Quels sont
les besoins et les motivations qui vont intervenir lors de l’acte de l’achat d’un produit de luxe,
chez cette population ?
Comment les marques, elles-mêmes, peuvent-elles réagir face à cette tendance ? Faut-il
repousser cette nouvelle clientèle ou au contraire l’accueillir à bras ouverts ? Qu’est-ce-que
les marques ont à y gagner ou à y perdre ? Les stratégies de marketing des marques de luxe
sont nombreuses, mais quelles sont celles qui vont s’appliquer à ce cas précis ?
Ainsi, la problématique qui se dégage de telles interrogations est donc : quelle relation existe-
il entre les jeunes issus de banlieues sensibles et les marques du secteur du luxe ?
En résumé, pourquoi les jeunes originaires de milieux défavorisés sont-ils si
sensibles aux marques de luxe et comment les marques réagissent-elles face à ce
phénomène, au travers de leur stratégie de marketing ?
Dans un premier temps, nous allons analyser ce qu’est une marque de luxe en se basant sur
des écrits d’auteurs. Ce afin de comprendre ce que ce secteur induit chez le consommateur
et pourquoi.
Dans une seconde partie, nous passerons au cœur de cette étude, à savoir une analyse des
comportements de consommation des jeunes en milieu défavorisé par rapport aux marques
de luxe. En lien avec la première partie, nous verrons pourquoi ces marques sont tant
plébiscitées en banlieues et les facteurs qui poussent cette population à acquérir des
produits initialement réservés à une clientèle aisée.
Enfin, nous verrons quelles peuvent être les actions de marketing des marques face à ce
phénomène. Doivent-elles repousser cette clientèle ? Doivent-elles les attirer toujours plus ?
Nous étudierons donc les différentes stratégies de marketing existantes en relation avec les
jeunes de banlieues.
10
I. La marque de luxe
Qu’est-ce qu’une marque de luxe ? Mais surtout qu’est ce qui fait d’une marque une marque
de luxe et en quoi peut-elle toucher les jeunes en milieu défavorisé ?
Les adolescents habitant dans les banlieues des grandes villes sont une population très
spécifique avec des habitudes de consommation et une culture qui leur sont propres.
Ils sont donc touchés par les marques de luxe de manière particulière, les abordant elles-
mêmes différemment par rapport aux autres types de populations.
Avant d’analyser ce segment, objet central de cette étude, il convient de définir ce qu’est une
marque de luxe de manière globale, son identité et ce qu’elle signifie pour les
consommateurs en général. Ce qui nous permettra de mieux comprendre son rapport avec
une cible plus étroite et particulière.
A. Qu’est ce qu’une marque de luxe ?
La question que nous pouvons nous poser en préambule de cette étude est la suivante :
qu’est-ce-qu’une marque de luxe ?
Il faut alors définir ce qu’est la marque en premier lieu, puis, ce qu’est le luxe avant d’en
inférer un élément de réponse sur ce qu’est une marque de luxe.
1. Qu’est-ce qu’une marque ?
On retrouve plusieurs définitions de la marque, certaines classiques, d’autres plus axées
sur le marketing.
Pour le dictionnaire Larousse(1), la marque est « un style personnel, la manière de faire de
quelqu’un ». On peut en dégager une notion d’identité, c’est ce qui va permettre de
reconnaitre quelqu’un ou quelque chose. La marque est alors un identifiant : elle joue le
rôle d’un élément aidant à la reconnaissance, par le plus grand nombre, d’une entité
physique ou non.
L’INPI(2) (Institut National de la Propriété Industrielle) mentionne également cette notion
d’élément distinctif dans sa définition de la marque. Elle explique alors « qu’au sens de la
propriété industrielle, la marque est un « signe » servant à distinguer précisément vos
produits ou services de ceux de vos concurrents. » Ici, le concept de concurrence
apparait, prenant alors en compte un contexte commercial, ce qui n’était pas le cas du
Larousse. On rentre donc dans une dimension où l’identité est une part importante du
processus de vente : le client, élément central du processus de vente, va pouvoir grâce à
la marque distinguer de qui provient de telle ou telle offre. La marque est donc essentielle
11
puisqu’elle constitue une première étape de communication avec le client : le client
reconnait la provenance du produit.
La définition marketing est plus spécifique. Ainsi, le Mercator (3) explique la marque comme
« un nom et un ensemble de signes distinctifs qui ont du pouvoir sur le marché en donnant
du sens aux produits et en créant de la valeur perçue pour les clients et de la valeur
économique pour l’entreprise. » Cette définition est très complète, reprenant les éléments
énoncés dans les deux autres, développant les identifiants de la marque. En plus d’être un
ensemble d’éléments distinctifs, la marque est créatrice de valeur, la dimension
économique et l’importance de la clientèle est donc mise en avant.
La marque peut donc être représentée par différents aspects comme un son, une image,
un nom ou un produit particulier. Ces différents éléments seront donc toujours associés à
la marque et ce, même si le nom n’apparaît pas directement. Chaque produit sera
rattaché à cette marque, donnant alors au consommateur un gage de qualité, une identité,
se distinguant alors de la concurrence. La reconnaissance est quasiment spontanée et
constitue un vecteur de différenciation.
Par exemple, le tartan Burberry est facilement reconnaissable par une grande partie de la
population qui fera facilement la différence avec une autre grande marque. Dior a
également des codes différents pour se différencier de la concurrence comme le cannage
et les « charms » attachés aux articles de maroquinerie.
A gauche, le sac Lady Dior de la marque Christian Dior, facilement identifiable par le cannage qui
recouvre le sac et qui constitue le signe distinctif de la maison de couture. Les lettres « charms »
renforce l’identité avec le nom du couturier.
A droite, le fameux tartan de la marque anglaise Burberry. Aucune mention du nom n’est
nécessaire, le consommateur va rapidement identifier l’origine du produit (ce qui peut poser le
problème de la contrefaçon car il est facilement reproductible).
Heidi Cohen(4), présidente de Riverside Marketing Strategies, ajoute une dimension
affective dans le concept de marque. Pour elle, « les marques sont des messages
marketing qui créent des liens émotionnels avec des consommateurs. Les marques sont
composées d’éléments intangibles reliés à une promesse, une personnalité spécifique et à
un positionnement et des éléments tangibles comme un logo, des images, des couleurs et
12
DR
DR
des sons ». Heidi Cohen introduit également la notion historique de la marque, liée à la
perception des consommateurs, induisant donc une certaine sécurité dans l’esprit du
client puisqu’il sait « pourquoi il paye ». Elle ajoute pour finir que : « le consommateur
possède la marque (et cela a toujours été le cas) ». Les liens émotionnels formés avec le
client vont ainsi agir sur son comportement, le rendant plus réceptif et provoquant parfois
son adhésion.
Arun Sinah (5), ancien directeur marketing de Zurich Financial Services donne d’ailleurs une
définition similaire de la marque : « une marque est une abréviation qui résume les
sentiments d’une personne envers une entreprise ou un produit. C’est quelque chose
d’émotionnel qui va bien au-delà de toute pensée rationnelle. » Le consommateur est
donc loin d’agir en fonction d’une rationalité bien définie qui dirigerait ses actions. Il est en
proie à des émotions, des souvenirs, des expériences par rapport à une marque. Ce
comportement peut jouer un rôle important lors de l’achat, dé-rationalisant ainsi cet acte.
La marque est donc plus qu’une simple entité : c’est une identité perceptible qui amène à
une certaine subjectivité.
Les consommateurs ont donc une forte influence sur la marque et son identité en
contribuant à son histoire : succès, échecs, boycott...
Par exemple, la notoriété et l’image de Nike a été
façonnée par son histoire avec sa clientèle. Certains de
ses produits, comme les Air Jordan en 1985, ont
re m p o r t é u n i m m e n s e s u c c è s a u p r è s d e s
consommateurs, façonnant ainsi positivement l’image de
marque et ancrant Nike dans les esprits. Ce produit a lui
aussi un signe distinctif permettant de l’identifier
rapidement, ainsi que la marque à laquelle il appartient,
ne nécessitant aucun nom, ajout... (Cf ci-contre).
Néanmoins, le scandale de la confection des produits
par des enfants a également causé quelques dommages en terme d’image. Les clients
ont donc construit l’histoire de la marque en allouant leur confiance à la marque à la virgule
ou en la boycottant.
Une marque est donc une identité comportant des signes distinctifs et différenciant des
autres marques; elle va créer un lien émotionnel avec un consommateur afin de le pousser
à l’acte d’achat. Ce client va également dégager une perception subjective de la marque
grâce aux relations qu’il entretient avec celle-ci.
Cette première partie nous a donc permis de détailler les propriétés de la marque. Nous
allons à présent nous intéresser aux différentes définitions du luxe avant de donner une
définition de ce qu’est une marque de luxe.
13
DR
2. Qu’est-ce que le luxe ?
« Le luxe, ce n'est pas le contraire de la pauvreté mais celui de la vulgarité » telle était la
définition du luxe selon la créatrice emblématique, Coco Chanel. Alors le luxe est-il
simplement le contraire de la vulgarité ? N’est-ce pas une notion un peu plus complexe ?
Pour le dictionnaire Larousse, le luxe est le « caractère de ce qui est coûteux, raffiné et
somptueux. » (6) Nous avons ici une définition assez restrictive du concept de luxe,
principalement rattaché à une valeur pécuniaire. Or, le luxe ne semble pas s’envisager
seulement de part son « caractère coûteux » et précieux, allant plus loin dans des
considérations touchant à la psychologie et à la sociologie.
Par ailleurs, de nombreuses définitions attribuent étymologiquement l’origine du mot « luxe
» au latin « lux » qui signifie la lumière. Marie-Claude Sicard (7), expert en stratégie de
marque dément cette prétendue origine dans une interview donnée à la Revue des
Marques : « En réalité, le mot tire son origine de « lug », racine indo-européenne qui a
donné en français l'adjectif « lugubre ». [...] De manière plus générale, cette racine indique
une idée de déviation, d'excès qui a donné « luxation » mais aussi « luxuriance
» (végétation) et « luxure ». A la racine du luxe il y a donc un écart par rapport à la norme
et, de ce fait, le luxe est toujours relatif. »
Le luxe est donc une notion très abstraite et subjective. Chacun l’envisage d’une certaine
manière et n’en a pas la même représentation. C’est sans doute ce qui rend ce terme si
compliqué à définir.
Le luxe semble donc être une sorte de déséquilibre, d’excès dont l’intensité va varier selon
la perception des personnes.
Jean-Noël Kapferer et Vincent Bastien (8) évoquent également une temporalité de cette
notion dans leur livre Luxe Oblige, affirmant que le luxe est « un ensemble relatif qui ne
peut être dissocié de la structure politique et sociale du siècle auquel il appartient ». Plus
qu’un mode de vie, la représentation du luxe varie aussi dans le temps. Ainsi, nous
n’envisageons pas le luxe de la même manière que les populations des siècles
précédents. Il y a une subjectivité de ce terme non seulement chez tout un chacun mais
aussi en fonction des époques.
Jacques Marseille (9), historien de l’économie, donne une définition du luxe qui touche
davantage aux considérations sociales : « Le luxe renvoie à des comportements, des
attitudes mentales et sociales, à des objets et à un ensemble d’activités économiques. Il
touche à la psychologie sociale et individuelle et est lié au désir, à la dépense, à la
provocation ou à l’ostentation. Depuis son origine, il relève de l’ordre du dépassement par
le rêve ou par la provocation ».
14
Il est vrai que le luxe entretient d’étroits rapports avec l’économie mais est aussi synonyme
d’ascension sociale. Les célébrités sont associées à ce monde puisqu’elles sont adulées
(ascension sociale), elles sont fortunées (ostentation et dépense) et provoquent l’envie
chez les spectateurs (rêve et désir).
Cette définition nous permet alors d’évoquer cette dimension sociale et psychologique
très importante de ce terme si imprécis de « luxe ».
Le mécanisme de « désir mimétique » développé par René Girard (10) corrobore ce
caractère social car selon lui : « le luxe provient d’un désir d’imiter un modèle ». Cela va
alors renvoyer à certaines population l’image d’un modèle de réussite financière, celle d’un
accomplissement social désirable.
On peut donc dire que le luxe est un déséquilibre par rapport à des normes subjectives
(variant individuellement et historiquement) qui va provoquer, ou non, l’envie et le désir
chez certaines personnes car il sera souvent associé au rêve et au dépassement. Cela
nous rapproche donc particulièrement de notre sujet d’étude, à savoir : les jeunes en
milieu défavorisé. En effet, ces derniers sont particulièrement sensibles à ces deux aspects
propres au luxe. Nous développerons cette relation dans la deuxième partie.
L’imagination et l’émotion ont donc une place importante dans le luxe. Danielle Allérès (11),
cite également dans sa définition ces éléments en ajoutant une part plus mercantile :
c’« est un objet de service de très grande qualité, limité dans sa distribution et dont la
communication, peu abondante, est sélective. Il est synonyme d'émotion. L'imaginaire et
la symbolique de la marque participent à la définition même du luxe. »
Nous retrouvons donc un caractère sélectif et élitiste, en lien avec une caractéristique déjà
évoquée : le désir. La subjectivité revient également avec la mention de l’émotion mais
aussi de l’imaginaire, qui permettra à la personne de se faire sa propre idée de ce qu’est le
luxe.
Cependant, une nouvelle dimension, plus commerciale vient compléter les éléments
précédemment évoqués : la rareté dans la distribution. Si le luxe est si élitiste, ce n’est pas
seulement dans sa représentation mais dans la manière de l’acquérir.
Le luxe va donc se trouver dans un objet rare, difficile à obtenir et d’une qualité supérieure,
alimentant l’envie et l’imaginaire des chalands qui y verront l’appartenance à une
dimension sociale convoitée. Cette rareté et le sentiment de convoitise communiqués par
cet objet vont donc amener le déséquilibre précédemment évoqué puisqu’on est loin de
l’image que se fait le consommateur de la norme, de par sa difficile acquisition.
Nous avons donc donné quelques éléments de réponse sur ce qu’est une marque et ce
qu’est le luxe. Il convient à présent de définir la marque de luxe.
15
3. Qu’est-ce qu’une marque de luxe ?
Une marque de luxe va regrouper les caractéristiques dégagées par les définitions
précédentes, mais uniquement...
En effet, nous allons retrouver les composantes de la marque, à savoir : une identité, une
empreinte faite de signes distinctifs qui entretient une relation basée sur l’émotion avec un
consommateur qui a lui une vision subjective de cette entité.
Puis, celles du luxe : un univers fait de subjectivité, de rareté, de qualité, aux prix élevés.
Une marque de luxe peut donc être définie comme : une identité reconnaissable qui va
produire des biens rares de haute qualité, dont le prix élevé (dû à la rareté et au savoir-
faire) va être à l’origine d’une inaccessibilité pour la plupart des consommateurs. La
relation avec le client, basée sur l’émotion et le rêve, va susciter chez ce dernier des
sentiments subjectifs comme le rêve ou le désir vis-à-vis de cette marque puisqu’il y verra
des valeurs idéales (beauté, réussite, popularité) souvent synonymes de distinction sociale.
Une définition qui se rapproche de celle de Michel Chevalier (12), auteur de Management et
Marketing du luxe, une marque de luxe est « une marque sélective et exclusive, qui
apporte une valeur émotionnelle et créative supplémentaire au consommateur. »
Il y a cependant des précisions à apporter afin de compléter cette définition, élaborée à
partir des conclusions des parties précédentes.
Qu’est-ce-qui différencie une marque de luxe des autres marques ?
Marie-Claude Sicard (13) affirme que « la marque de luxe fonctionne de la même manière
que les autres marques, sur le modèle développé par la méthode de l'empreinte ». Ainsi,
ce qui différencie les marques de luxe des marques de masse c’est l’écart marqué. Pour
identifier à quel secteur va appartenir une marque, Marie-Claude Sicard va définir
l’intensité de sept pôles : « le pôle physique, le pôle du temps, le pôle de l'espace, le pôle
des normes, le pôle des positions, le pôle des projets, le pôle des relations. » Lorsque 4
pôles sur sept sont au maximum alors il s’agit d’une marque de luxe. La subjectivité
intervient encore puisque certaines marques vont être considérées comme luxueuse dans
certains pays et pas dans d’autres.
Jean-Noël Kapferer (14) dans son ouvrage The New Strategic Brand Management précise
qu’il y a une distinction à faire entre les marques dites « premium » et celles de luxe. La
différence est sensible car on peut retrouver quelques caractéristiques du luxe dans les
marques premium comme la distribution sélective ou encore la qualité.
« Mais le luxe est ailleurs » affirme Kapferer. « Le cœur du luxe c’est de donner aux
hommes et aux femmes les privilèges qui l’accompagne ». L’achat d’un produit d’une
marque de luxe vient « d’une volonté des consommateurs de marquer leur différence ».
16
Cette marque va donc jouer sur l’ambition sociale et l’envie d’« absolu » des
consommateurs. Elle va savoir proposer des produits de luxe davantage accessibles pour
ceux « qui veulent introduire un peu de luxe dans leur vie ». C’est donc sur le mécanisme
de Girard que repose le Business Model d’une marque de luxe : « le désir-né d’imiter un
modèle ».
La marque de luxe a donc des critères bien définis qui vont la différencier des autres
marques présentes sur le marché, qu’elles soient premium ou de masse.
Le début de notre étude dégage les caractéristiques principales suivantes :
Prix : dans l’industrie du luxe, les prix des produits sont plus élevés car comme le dit
Saphia Richou (15), auteur de Le Luxe dans tous ses états, « le produit de luxe est
forcément cher et il est cher parce qu'il est rare et de qualité ».
Kotler & Keller (16), dans leur ouvrage Marketing Management, indiquent que pendant
des années, la consommation des marques de luxe était liée au statut social du chaland
ou à celui qu’il aurait aimé occuper. Les haut prix étaient donc synonymes de classe
supérieure élevée. Or, le « contexte économique et social » actuel a fait du luxe « un
moyen d’expression et de plaisir ».
Si le prix élevé est indissociable du produit de luxe, il est de moins en moins souvent lié
au statut social.
D’ailleurs, le prix élevé n’est pas un frein lorsqu’il s’agit d’un article de luxe. C’est ce que
révèle une étude OpinionWay commandée par l’Association des professionnels du
Luxe, en 2010. Ainsi, « 74 % des personnes reconnaissent avoir déjà acheté un produit
même s’ils jugeaient son prix trop élevé » (17).
Rareté : une marque de luxe distribue souvent des produits rares.
Un produit de masse va pouvoir se trouver en grande quantité
alors qu’un produit de luxe va cultiver une certaine rareté, une
certaine exclusivité.
Par exemple, outre son prix très élevé, les sacs Kelly et Birkin
d’Hermès jouissent d’une demande grandement supérieure à
l’offre. Pour acquérir le précieux objet, il faut parfois attendre des
années. A l’inverse, un modèle de sac chez H&M sera produit en
grande quantité et le consommateur pourra l’acquérir facilement,
ainsi qu’à bas prix.
Kapferer et Bastien décrivent, dans Luxe Oblige (18), deux formes de rareté : objective
(physique) et virtuelle.
17
DR
La rareté objective est physique : c’est la « plus connue, celle des ingrédients ou des
processus ». De fait, certains matériaux nécessaires à la production de produits d’une
marque de luxe vont être physiquement rares comme les diamants. C’est donc un «
luxe réel ». Le prix élevé et la notion de luxe se trouveront donc dans le fait que l’on peut
produire peu d’éléments. Ce type de rareté est « nécessaire à un certain étage de la
construction de la marque de luxe profitable, mais pas à tous les étages. [...] Sinon pas
de ventes, ni de profits. » Certains produits de la marque ne vont pas subir de rareté
physique et peuvent être produits à moindre coût, permettant ainsi de dégager des
profits non négligeables.
Le deuxième type de rareté selon les deux auteurs est la rareté virtuelle ou « impression
de rareté ». C’est la marque de luxe qui va entretenir cette rareté ou ce sentiment de
rareté : « créé et entretenu par la communication elle-même. » Il faut rendre le produit et
la marque désirable et exclusive pour alimenter le désir. Si nous reprenons notre
exemple du sac Birkin d’Hermès, outre la grande qualité, le simple fait de mettre en
place des listes d’attente et une fabrication au compte-goutte a suffit à la marque
emblématique à rendre son modèle légendaire.
Ces deux types de rareté, voulue ou non, vont entretenir le fantasme des
consommateurs : détenir un produit rare, convoité et luxueux peut refléter un certain
statut social, une position de privilégié au sein d’une société de consommation
alimentée par le désir et donc la frustration.
Un facteur psychologique chez le consommateur que Kotler et Keller mettent
également en avant dans Marketing Management (19) : « Les dénominateurs communs
des marques de luxe sont la rareté et l’unicité. L’acheteur d’une marque de luxe doit
sentir qu’elle, ou lui, est vraiment spécial. Le style durable et l’authenticité se justifie
parfois par l’exorbitant. »
Qualité : indissociable de la marque de luxe car si le consommateur paye le prix fort
c’est pour un produit qu’il va pouvoir conserver longtemps et dont la qualité des
matériaux sera largement supérieure à ce qu’il trouvera dans le commerce de masse.
La supériorité va alors se trouver dans une technique, un matériau, un savoir-faire... Le
fait-main par exemple, est très convoité et possède une image de produit de qualité. En
effet, c’est un artisan (et non pas une machine industrielle qui travaille à la chaîne) qui a
confectionné l’objet, passant du temps sur le moindre détail.
D’ailleurs, la qualité des produits prend de plus en plus d’importance car en plus d’être
une justification de prix, c’est ce qui va permettre de lutter contre la contrefaçon.
18
L’émotion : « L’émotion est une valeur associée forte du luxe. » déclare Pierre-François
Jorsin (20).
Comme nous l’avons déjà abordé, une marque de luxe doit être vectrice d’émotion et
de rêve. Si une marque doit créer un lien émotionnel avec sa clientèle, c’est encore plus
vrai pour une marque de luxe qui doit véhiculer : prestige, beauté et rareté. Elle doit faire
rêver le consommateur pour l’amener à idéaliser la marque.
Marie-Claude Sicard confirme ce postulat dans son ouvrage Luxe, mensonges &
marketing (21) : « de tous les secteurs économiques, le luxe (surtout le luxe classique et
moderne) est celui qui joue le plus sur l’émotion. C’est le mot qui doit revenir le plus
souvent dans son vocabulaire, après le mot « rêve », peut-être. »
Mais quel type d’émotion les maisons de luxe vont-elles privilégier ?
« De l’admiration, principalement » affirme Marie-Claude Sicard. Mais également une
émotion liée au physique de l’objet, ce qui « dévoile une fois de plus la parenté qui unit
le luxe et l’art. » L’intention esthétique va provoquer une réaction chez le client qui, à la
vue d’une belle robe de créateur, sera tout aussi ébloui que devant un tableau de
maitre.
De même, les marques de luxe entretiennent souvent un lien privilégié avec le passé.
Ainsi, Karen, responsable du corner Christian Dior à la boutique Saint Honoré Paris, à
Marseille, affirme que Dior a toujours mis en avant les courbes qui ont fait le succès du
créateur. Le cannage, la veste Bar n’ont que très peu changé depuis les années 1950,
conservant alors les signes distinctifs et l’intemporalité de la marque.
Une émotion particulièrement présente dans les marques classiques et moins dans
celles contemporaines, comme l’indique Marie-Claude Sicard : « Non qu’elle n’existe
pas, mais d’une part elle est moins démonstrative, d’autre part elle est plus diluée, plus
diffuse, parce qu’elle ne se concentre pas toute entière dans la rencontre avec l’objet. »
Les marques de luxe possèdent donc des critères indissociables permettant de les
différencier des marques de masse. Mais si toutes les marques de luxe possèdent les
caractéristiques précédemment décrites, elles n’appartiennent pas toutes au même
secteur de luxe. Nous retiendrons alors les « trois cercles de luxe » élaborés par Jean
Castarède dans son livre Le Luxe (22) :
Cercle 1 : englobe les produits les plus accessibles du luxe. Il s’agit là « d’un luxe des
sensations et des plaisirs » qui comprend des produits accessibles pour la majorité de
la population comme « les parfums, les cosmétiques haut de gamme, les spiritueux de
luxe ».
19
Cercle 2 : il correspond aux produits les plus traditionnels, à savoir : prêt-à-porter,
maroquinerie, joaillerie... Le client recherche là une qualité supérieure qu’il va pouvoir
trouver chez les marques de luxe, reconnues pour leur savoir-faire.
Cercle 3 : constitué de l'inaccessible. Ce que Jean Castarède décrit comme « du
super luxe accessible à quelques-uns. » C’est le domaine de l’unique et du sur-
mesure : haute-couture, haute-joaillerie, art...
Nous avons donc pu établir ce qu’est une marque de luxe, les différents domaines qui
composent le secteur du luxe, ainsi que les critères différenciant une marque de luxe d’une
marque de masse.
Il s’agira maintenant d’identifier l’identité et l’image propre à une marque de luxe.
B. Identité et image d’une marque de luxe
Afin de mieux comprendre le consommateur et son rapport aux marques de luxe, il
convient en premier lieu de décliner l’identité, mais aussi l’image, de ces dernières pour
mettre en lumière ce qu’elles renvoient aux différentes populations.
Si identité et image de marque sont des notions souvent confondues, elles sont portant
bien distinguables. « L’identité représente la façon dont la marque veut être perçue, par
opposition à l’image, qui est la façon dont la marque est réellement perçue par les
consommateurs » précise Géraldine Michel (23).
1. Identité d’une marque de luxe
« Éléments permanents signifiant la personnalité et le territoire d’une marque », telle est la
définition de l’identité de marque selon le Publicitor (24). L’identité semble donc être
immuable et se communique par des signes distinctifs propres à la marque. Ce sont les
composantes essentielles qui la caractérisent.
En plus d’éléments qui vont permettre au consommateur de reconnaitre la marque,
l’identité est aussi marquée par des valeurs, comme le rappelle Christian Michon,
professeur à l’ESCP-EAP de Paris : « l’identité de marque véhicule un système de valeurs.
L’identité confère à la marque une influence indépendante du produit. » (25)
L’identité est donc essentielle pour toute marque car elle permettra au consommateur de
la reconnaitre (via les signes distinctifs et les valeurs). C’est qu’affirme Marie-Claude
Sicard : « Il y a empreinte à partir du moment où je reconnais telle ou telle marque, où je
sais qui elle est, ce qu’elle fait - autrement dit, à partir du moment où j’ai une idée claire de
son identité. Sans identité, pas d’empreinte. Sans empreinte, pas de marque. » (26)
20
L’identité est donc primordiale car une marque ne peut se construire sans une identité qui
lui est unique.
Mais comment l’identité de marque se construit-elle ?
La réponse la plus connue est sans nul doute, celle de Jean-Noël Kapferer (27) : le prisme
d’identité. Ce dernier est composé de six facettes : « le physique, la personnalité, la
culture, la relation, le reflet et la mentalisation » que nous détaillerons dans notre étude de
l’identité de la marque de luxe.
Seulement, une marque de luxe ne répond pas aux mêmes règles que les autres marques.
Elle doit formuler une identité claire et reconnaissable pour le consommateur. C’est cette
identité qui va lui permettre de se différencier d’une marque lambda.
Cette identité forte, basée sur des valeurs bien particulières qui sont l’intemporalité,
l’esthétisme et un imaginaire fort et distinctif.
Selon Kapferer et Vincent Bastien dans leur ouvrage Luxe Oblige (28) : « à travers l’identité,
l’ensemble des facettes qui dessinent en quoi la marque est unique, on retrouve un point
clé de la compréhension du luxe [...] : le luxe est superlatif et non comparatif. Il préfère être
fidèle à une identité que de se soucier toujours d’une supériorité par rapport à un
concurrent. Ce que le luxe craint, c’est la copie, alors que les marques de série ont peur
de l’indifférenciation, de la banalisation. » La marque de luxe forge donc une identité à
laquelle elle va se tenir, faisant sa force face à la concurrence des marques de masse,
mais aussi sa faiblesse puisque ses modèles auront tendance à être copiés.
Quelle est donc cette identité propre au luxe et de quoi se compose-t-elle ?
C’est le prisme de Kapferer qui nous donne alors des informations sur l’architecture d’une
marque de luxe.
21
Physique : dans cette facette de l’identité de la marque, nous pouvons retrouver
plusieurs éléments nécessaires à l’identification de cette dernière par le consommateur.
La dimension physique « correspond aux éléments tangibles de la marque, ce sont les
produits ou les services, mais aussi les couleurs et symboles associés à la marque »
rappelle Géraldine Michel dans Au cœur de la marque (29).
C’est en quelque sorte la « vitrine » de la marque, ce à quoi le consommateur va
directement penser lorsqu’elle est évoquée : nom, logo,
charte graphique...
Ainsi, les marques de luxe, souvent très ancrées dans le
passé vont disposer d’une facette physique très forte avec
des éléments reconnaissables par une grande partie de la
population et ce, dans le monde. Par exemple, les deux « C
» de Coco Chanel sont un signe distinctif très fort et n’ont
besoin d’aucun accompagnement pour être identifiés. Cette
marque est d’ailleurs associée au luxe à la française, à des
produits de qualité, intemporels, avec des pièces mythiques
(comme le fameux tailleur Chanel).
Personnalité : dans cette dimension on retrouve les éléments qui forment le «
caractère » de la marque. C’est ce qu’elle va vouloir véhiculer auprès des chalands, les
qualités qui la caractérisent en quelque sorte.
Le magazine Vogue (30), référence de l’univers de la mode, décrit par exemple, la
marque Dior comme étant « sans doute l’une des marques qui exprime au mieux ce
qu’est le luxe aujourd’hui  : la créativité et la rigueur au service de la nouveauté, de
l’opulence, du sensible et de l’unique. »
Culture : c’est le système de valeurs sur lequel va s’appuyer la marque. Pour la
marque Dior, cela va être basé sur l’élégance et la mode à la française. Sa philosophie
est également de concevoir des produits de grande qualité de manière artisanale : un
sac Lady Dior fait à la main est mis en avant sur le site afin de démontrer le savoir-faire
de la maison de couture, dans une rubrique d’ailleurs intitulée « Les ateliers du savoir-
faire ».
Relation : il s’agit ici de la relation entre la marque et les consommateurs. Les marques
de luxe sont généralement caractérisées par des relations de séduction, de plaisir et de
valeurs. Ainsi, la marque Yves Saint Laurent, pionnière de la mode femme libérée avec
le premier smoking pour femme est dans une relation de respect et de liberté en faveur
des femmes.
Reflet : c’est l’image renvoyée par la marque sur les consommateurs. Géraldine Michel
décrit cette facette comme étant « l’image que la marque donne à sa cible » (31). Les
Tailleur Chanel
22
DR
marques de luxe vont alors souvent donner à leur clientèle cible le reflet de personnes
aisées, esthètes et exigeantes.
Mentalisation : Pour Chevalier et Mazzalovo (32) cela « correspond au regard que pose
le consommateur sur lui-même quand il utilise le produit. » En consommant telle ou
telle marque, le consommateur va répondre à des objectifs qui lui sont propre; cela peut
venir d’une motivation, de l’inconscient... De fait, certaines personnes auront
l’impression d’avoir atteint le statut social souhaité quand elles auront accès à des
produits de marques de luxe. D’autres se voient comme des « amoureux de la mode »,
des personnes à suivre parce-qu’ils auront toujours dans leurs placards les dernières
tendances des créateurs.
L’identité de la marque de luxe se construit donc en fonction d’éléments plus ou moins
complexes, touchant au tangible (produits, qualité...) comme à l’intangible (relation,
valeurs...). Une marque aura donc besoin de chacune des facettes précédemment citées
pour mettre en place une identité solide et reconnaissable.
Mais si la marque met du temps à façonner son identité, elle reste tributaire de la
perception des consommateurs, c’est-à-dire de son image. En effet, la marque peut
entretenir une certaine identité qui ne sera pas envisagée de la même manière par les
consommateurs. Le but est alors de faire correspondre au mieux les deux dimensions :
pour qu’identité et image soient le plus proche possible.
Nous pouvons alors répondre à présent aux questions : qu’est-ce qu’une image et quels
sont les enjeux qui en découlent pour une marque de luxe ?
2. Image d’une marque de luxe
L’image d’une marque vient de la perception des consommateurs de cette même marque.
Contrairement à l’identité, l’image n’est pas une création de l’entreprise.
« L’image de marque se caractérise par des associations que les individus rattachent à la
marque » (33) explique Géraldine Michel.
C’est ce que confirme la définition de l’image de marque donnée par le Publicitor (34) :
« Ensemble des représentations mentales, évocations, associations, attachées par un
individu (ou un groupe) à un produit, une marque ou une entreprise. » Ces représentations
vont donc mener le consommateur à un certain nombre de croyances sur une marque,
qu’elles soient positives ou négatives.
Ces associations vont différer en fonctions des personnes puisqu’elles sont totalement
subjectives. En effet, la subjectivité provient de l’expérience vécue avec la marque que ce
23
soit de manière directe (en acquérant un produit) ou indirecte (à partir de ce que l’on a
entendu ou vu de la marque).
Selon Keller (35), « ces expériences vont nourrir les associations à la marque stockées en
mémoire et ainsi former l’image de marque. » Ce postulat rend l’image de marque
complexe et durable car elle provient d’une accumulation d’information forgeant la
représentation de la marque.
L’image de marque est donc faite d’associations, mais quelles sont-elles ? Aaker (36) donne
un élément de réponse en 1994 avec une liste qui énumère 11 types d’associations à la
marque :
Attributs du produit : ce sont les caractéristiques ou les qualités d’un produit d’une
marque. Les marques de luxe s’attacheront à démontrer la qualité des matériaux, la
finesse pour se démarquer des objets de série produits par les marques de masse.
Caractéristiques intangibles du produit : ce sont les caractéristiques non
mesurables attachées au produit; cela touche à l’immatériel. Dans le domaine du luxe,
ce sera la qualité intrinsèque du produit qui se voit au premier abord, ainsi que la durée
de vie importante du produit. Un sac de créateur est sensé se maintenir en très bon
état pendant des années, or, le client est face à la caractéristique intangible du temps.
Bénéfices consommateurs : le consommateur va pouvoir tirer deux types de
bénéfices de l’achat d’un produit. Le premier sera le bénéfice direct qui découle de
l’utilisation d’un produit et le second sera indirect, souvent lié au psychologique. Pour
l’achat d’une montre de haute-joaillerie, le bénéfice direct sera l’acquisition d’une
montre qui a une utilité (donner l’heure), qui répond à un besoin d’esthétisme et qui est
d’une grande qualité. Le bénéfice indirect peut être de divers sorte : une montre qui
s’accorde avec toutes les tenues (esthétisme), qui peut me donner un sentiment
d’exclusivité, de privilège (appartenance à une catégorie sociale).
Prix : le prix est souvent un facteur de différenciation pour le client qui va se faire une
idée de la qualité, de la valeur d’un bien en fonction de son prix. C’est aussi le cas pour
les marques de luxe puisque les prix élevés de ce secteur traduisent la qualité mais
aussi la rareté des produits proposés.
Utilisations de la marque : les marques vont laisser transparaître des moments ou
des modes d’utilisation pour leurs produits. Ainsi, un client aura tendance à s’habiller en
Ralph Lauren lorsqu’il recherche une image « casual » alors qu’il préférera Armani, plus
classique, pour se rendre à un cocktail, par exemple.
24
Utilisateurs : bien que tous les utilisateurs aient tous des motivations et des modes de
consommation différents, une marque est souvent associée à un type d’acheteur. C’est
d’ailleurs le cas des marques de luxe qui reflètent une clientèle haut de gamme et aisée.
Célébrités liées à la marque : le celebrity-marketing est souvent utilisé par les
marques. Chaque célébrité a elle-même une image, qu’elle mettra au service d’une
marque qui souhaite s’associer à son image. Par exemple, Marion Cotillard est devenue
égérie de Dior après son sacre aux oscars. Elle incarne donc la réussite, mais aussi et
toujours cette élégance à la française si chère aux maisons de couture de l’hexagone.
Une image qui peut s’exporter puisque l’actrice est désormais connue dans le monde
entier.
Personnalité de la marque : cette dimension est proche de celle précédemment
détaillée dans l’identité de la marque. Néanmoins, il s’agit ici de la personnalité perçue
par les individus. C’est donc le caractère de la marque que les consommateurs vont
percevoir.
Catégorie de produit : le consommateur va percevoir selon son expérience les
différentes catégories de produits auxquelles le produit d’une marque va appartenir.
Les concurrents : le consommateur va être capable d’identifier les concurrents d’une
marque et même de faire un classement, identifiant les meilleures et les moins bonnes
marques dans telle ou telle catégorie. Les marques de luxe seront donc dépendantes
des émotions des individus qui identifieront et compareront les produits les uns par
rapport aux autres : par exemple, Burberry est considéré comme le leader en matière
de trench-coat, ou Dior qui confectionne les escarpins les plus inconfortables des
chausseurs de luxe...
Pays d’origine : ce facteur est souvent synonyme de qualité et de savoir-faire. Les
marques de luxe sont particulièrement soumises à ce critère puisque les
consommateurs imputent une certaine qualité en fonction des origines. Une marque de
luxe chinoise va donc souffrir en occident de la mauvaise image de l’industrie de son
pays.
Nous avons donc pu voir que si une marque de luxe se construit une identité propre, elle
reste tributaire de l’image qu’elle renvoie aux consommateurs. Outre cette perception de la
marque, comment va se positionner le consommateur et quelles sont ses motivations par
rapport à une marque de luxe ?
25
C. Le consommateur et la marque de luxe
1. Comportement du consommateur et marque de luxe.
Pourquoi le consommateur passe-t-il à l’acte d’achat ? Et surtout qu’est-ce-qui l’y pousse
dans le cas particulier des produits de luxe ?
Que le consommateur soit rationnel ou irrationnel, selon les théories, il passe à l’acte
d’achat pour diverses raisons : émotions, besoins... En outre, il est animé d’une motivation
à acheter, quelque soit sa nature.
Pour Jean-Marc Lehu (37), une motivation se décrit comme étant l’« ensemble des raisons
rationnelles, émotionnelles, personnelles ou d'intérêt général, physiques et/ou
psychologiques, qui pousse un individu à l'action. » La motivation est donc à l’origine du
comportement du consommateur.
La motivation peut être de différente nature : consciente ou inconsciente, subjective ou
objective. Cela va dépendre du contexte d’achat mais aussi du secteur et du produit
concerné : pour caricaturer, le client n’aura pas les mêmes motivations face à une boite de
petits pois ou à une paire de chaussures de créateur.
Ainsi, émotions, besoins, contextes culturels et bien d’autres éléments composent la
motivation.
Qu’en est-il de la motivation relative au secteur du luxe ?
Comme nous avons pu le voir dans les pages précédentes, le luxe est un secteur
générateur de rêve, de désir et donc d’émotions. Le chaland va être séduit par l’identité
de la marque car elle cherche à lui faire passer un certain message (Dior, l’élégance à la
française depuis 1950), mais aussi par l’image que véhicule la marque (Hermès a une
clientèle élégante, très aisée et socialement enviée).
Les marques de luxe vont donc principalement jouer sur l’émotion pour inciter le
consommateur à passer à l’acte d’achat. Cela se remarque également dans la
communication de ces dernières, basées sur le celebrity marketing (les stars étant déjà
une origine de fantasme) et sur l'esthétisme (publicités pour les parfums se basent sur la
beauté et l’émotion).
D’ailleurs, Georges Chétochine (38) appuie cette idée : « La marque en tant que repère
émotionnel existe de façon indiscutable dans le processus de consommation. [...] Mais si
la marque existe, c’est d’abord parce-qu’elle est partie prenante dans la chimie de nos
émotions. La marque n’est pas la conséquence d’un raisonnement chez le
consommateur, mais bien la conséquence d’une émotion attendue de plaisir. »
Outre les émotions, le consommateur est aussi très influencé par des besoins.
La classification des besoins la plus connue est celle de Maslow (39) avec sa pyramide des
besoins.
26
Besoins physiologiques : il s’agit des besoins vitaux de l’individu comme manger,
boire... Des besoins concrets donc liés à la survie de l’Homme.
Besoin de sécurité : ce besoin est lié à la protection de soi contre tout danger
potentiel. Cela peut être une sécurité de l’emploi, physique, familiale, morale... afin
d’assurer une certaine stabilité.
Besoin d’appartenance : nous passons ici à une dimension sociale et non plus à un
besoin lié à l’intégrité directe de la personne. L’Homme a besoin d’appartenir à une
communauté (pays, langage, tribu...) afin d’assurer un lien social avec les autres.
L’individu a besoin de sentir accepté dans un groupe.
Besoin d’estime : c’est ici un besoin de respect qui découle du besoin
d’appartenance. L’individu cherche toujours a avoir une position valorisante afin d’être
reconnu par le reste de la communauté à laquelle il appartient.
Besoin d’accomplissement : selon Maslow, c’est « le sommet des aspirations
humaines ». Dans ce besoin, l’individu va chercher à s’épanouir.
Le secteur du luxe, lui, répond principalement à trois de ces besoins : appartenance,
estime, accomplissement.
Appartenance car détenteurs d’un objet de luxe, les consommateurs ont l’impression
d’appartenir à un club restreint. Les possesseurs de Rolex, par exemple, ressentent une
appartenance à une communauté de privilégiés et d’amateurs de belles montres. Le
consommateur peut donc convoiter un produit de luxe afin d’appartenir à un groupe.
Le besoin d’estime se fait ressentir chez certains clients : posséder un sac Chanel va leur
permettre de se sentir acceptés socialement dans le monde de la mode. S’habiller en
27
marque peut donc répondre à une volonté d’obtenir un statut valorisé au sein d’une
communauté : « j’ai la plus belle collection de sacs rares de créateurs, donc les autres
vont m’envier. »
Il y a également un véritable besoin d’accomplissement. Le consommateur ayant réussi
dans la vie voudra alors dépenser son argent dans ce qu’il se fait de mieux, sans se priver,
reflétant ainsi son besoin de s’épanouir personnellement ou socialement.
Enfin, le sentiment de sécurité pourrait peut-être rejoindre cette liste. En effet, acheter une
marque de luxe se justifie également par une qualité supérieure. De fait, le consommateur
cherche à se mettre à l’abri de déconvenues en choisissant un produit très fiable et
reconnu.
Néanmoins, certains besoins ne peuvent pas toujours être résolus, ce qui va conduire à un
désir chez le consommateur.
Le Mercator (40) définit, d’ailleurs, bien l’origine des besoins non satisfaits : « si les désirs
physiologiques s’éteignent quand ils sont satisfaits, par exemple boire quand on a soif ou
manger quand on a faim, les autres désirs sont plus difficiles à satisfaire car le sentiment
de satiété varie fortement selon les individus et les besoins. »
Si les précédents facteurs influencent le comportement du consommateur, Kotler et
Dubois dans Marketing Management (41), dressent également une liste de facteurs
influençant le chaland dans son achat :
Facteurs psychologiques : comme la motivation, la perception, personnalité,
croyances du consommateur.
Facteurs personnels : ces derniers découlent de la situation de l’individu (âge,
situation familiale, profession, habitudes ).
Facteurs psychosociaux : ce sont toutes les relations qui vont agir sur le
comportement du consommateur (entourage, prescripteurs, vendeurs...)
Facteurs culturels : cela concerne l’appartenance à une communauté, les influences
culturelles, position sociale.
Tous ces facteurs sont intéressants à prendre en compte dans le monde du luxe car ils
vont permettre d’appréhender le chaland de manière adaptée. Ces facteurs sont
également tous utilisés dans ce secteur puisqu’ils permettent d’identifier une clientèle
possible et le comportement qui lui est propre.
Ces données vont donc influencer et définir le comportement du consommateur puisque
la motivation de ce dernier (résultant d’un besoin réel, de sa personnalité ou d’une
28
émotion) va influencer son comportement pour remédier à un besoin non satisfait. Mais
quel va être le comportement du consommateur face au luxe ?
Le luxe va réveiller un comportement bien particulier chez le consommateur, dû en partie à
sa vision du luxe.
Selon Kapferer (42), il existe quatre conceptions du luxe dans l’esprit des consommateurs,
chacun généralement accompagnés de marques représentant ce secteur :
Une première catégorie va donner de l’importance à « la beauté, l’excellence et la rareté
du produit. » C’est particulièrement le cas pour les jeunes actifs avec un fort pouvoir
d’achat qui vont plébisciter des marques comme Cartier ou Hermès.
La seconde catégorie est davantage tournée vers « la créativité et la sensualité des
produits. » Les marques qui représentent ce concept sont Gucci, Hugo Boss ou Jean-
Paul Gaultier.
Le troisième secteur est attaché à « la perte de notion de temps et la réputation
internationale » avec des marques comme Louis Vuitton ou Porsche.
Enfin, la quatrième catégorie met en avant « la rareté rattachée à la possession et à la
consommation de la marque. »
Chaque consommateur va donc avoir une perception différente des marques de luxe qui
vont conditionner son comportement en fonction de la représentation qu’il en a.
Le consommateur va donc adopter des comportements différents en fonction des
secteurs, des moments... Si les comportements des consommateurs sont façonnés
principalement par tous les facteurs précédemment cités, il est intéressant pour cette
étude d’analyser plus en profondeur la motivation sociologique à l’achat d’une marque de
luxe.
2. Signification de la marque de luxe pour le consommateur
Si les auteurs comme Kapferer (43) remarquent une certaine poussée d’intérêt pour les
marques de luxe, ce n’est pas qu’en raison d’une recherche de qualité ou d’esthétisme.
Il y a une signification très forte derrière une marque de luxe qui va également pousser le
consommateur à agir. Cette signification est souvent liée à un certain statut social.
Certaines personnes consomment donc des marques de luxe avec pour motivation, un
mimétisme social. Mais en quoi le luxe pousse-t-il au mimétisme social ?
Pour Kapferer, le luxe est « une façon de marquer la différence entre les différentes
sociocatégories et cela a toujours été le cas. » Posséder des produits de marques de luxe
représente généralement l’appartenance à une catégorie sociale élevée, à laquelle les
autres n’auront pas accès.
Ce phénomène est généralement appelé « consommation ostentatoire ». Une notion
également abordée dans le Mercator (44) qui la définit de la manière suivante : elle « sert
29
d’identification à une classe sociale ou à un mode de vie, soit pour confirmer
l’appartenance de l’individu à la classe sociale, soit pour manifester son aspiration à y
appartenir. »
Le luxe est donc une entité de sens qui signifie beaucoup et qui n’est pas réservé qu’à
ceux qui en ont les moyens.
Deux désirs semblent se conjuguer, un dit « autoprojectif » qui va correspondre à ce que
l’individu convoite et un dit « triangulaire », en lien avec ce que les autres possèdent.
Ce qui rejoint, selon Marie-Claude Sicard (45), la théorie de René Girard expliquant que «
l’Homme est un animal mimétique, nous ne désirons rien par nous-mêmes, mais
seulement ce qui a été désigné par autrui, directement ou indirectement, sciemment ou
inconsciemment. » Nous ne serions donc pas maitre de nos propres désirs. Ces derniers
seraient donc calqués sur la consommation d’autres individus faisant partie de notre
communauté.
Les individus vont chercher à s’identifier à une certaine classe sociale pour manifester
leurs aspirations à appartenir à ce style de vie.
Une idée de communauté transparaît donc avec une culture que le consommateur
s’approprie et partage (avec la communauté ou avec les autres).
C’est ce qu’on appelle aussi « l’effet Veblen » (46) : en acquérant un produit de luxe, le
chaland aura l’impression de changer de statut social en se sentant lui-même
extraordinaire, en sortant du lot.
Selon Marie-Claude Sicard, c’est « cette autorité qui est la clé du luxe, lequel est
fondamentalement un désir, une tension, donc un écart à remplir, à combler. » En achetant
un produit de luxe, le consommateur tente donc de remédier à un désir insatiable et fort
qui est celui de la reconnaissance (voire de l’admiration) par autrui.
Le prix élevé des produits n’est plus un frein comme l’explique Veblen, il devient
paradoxalement un critère d’achat. Le luxe est un des seuls, si ce n’est le seul secteur où
plus un prix est élevé, plus la demande est forte.
Une tendance qui n’a pas échappé aux marques de luxe comme le révèle Gilles
Lipovetsky au journal Le Monde (47) : « Et si, en conquérant un marché de plus en plus
large, le luxe est parvenu à ne pas perdre son pouvoir d'attraction ni son statut
d'exception, c'est qu'il y a moins démocratisation du luxe que démocratisation de masse
du désir de luxe ».
De plus en plus d’individus veulent donc accéder à ce secteur. Pour toucher du doigt ce
désir, les consommateurs vont alors davantage se laisser aller à l’achat, s’autorisant de
temps en temps une « folie ».
Si l’ensemble de la population semble être assez réceptive lorsque l’on évoque le luxe,
certaines y sont plus sensibles. Quelles sont-elles ?
30
Les célébrités : bien que cette catégorie représente une part infime de la population, il
convient de la prendre en compte dans cette étude. En effet, les stars sont friandes du
monde du luxe, autant que le luxe l’est d’elles. Les célébrités de par leur statut ont
accès à des produits de grande qualité, en rapport avec le monde auquel elles
appartiennent : celui du rêve et du désir, qui contribue donc à les mettre en valeur. Luxe
et célébrités sont donc largement compatibles. De plus, elles constituent un faire-valoir
pour les marques qui vont donc faire en sorte de les équiper pour ajouter une dose
supplémentaire d’admiration et d’envie à leurs produits.
Les personnes aisées : de par leurs revenus, cette catégorie de population est
également la plus favorisée en terme d’accès aux biens de luxe. Marie-Claude Sicard (48)
explique que « la foule des clients de luxe se trouve actuellement au sein de deux
populations : les baby-boomers (nés entre 1946 et 1964) et leurs enfants (nés après
1977). » Cette catégorie sociale aisée va donc consommer des biens de luxe pour
diverses raisons : démonstration sociale, dépenses en relation avec les revenus, volonté
d’appartenir à un groupe...
Les populations défavorisées : comme nous l’avons précédemment évoqué, les
catégories sociales ayant un revenu bas sont tout autant attirées par le luxe que les
autres. En effet, ce domaine est synonyme d’accomplissement social, de réussite et de
rêve, ce qui séduit ce type de population qui souhaitent s’accomplir d’avantage.
Les populations jeunes : les générations Y et Z sont également sensibles au luxe.
Ainsi, une étude IPSOS (49) révèle que 63 % des personnes de la génération Y «
considèrent le luxe comme « inaccessible », et la moitié n’y a accès que de façon très
occasionnelle » même si 33 % d’entre eux dans les pays développés se disent très
intéressés par le luxe qu’ils définissent comme « pur plaisir, un moment d’émotion ».
Chez les plus jeunes, le luxe est perçu comme un moyen de séduire : « 67 % des 15-24
ans attendent d’une marque de luxe qu’elle leur permette d’être « plus séduisants ».
Surtout, la possession de produits ou marques de luxe confère la confiance qui manque
souvent à cet âge. »
Les jeunes en milieu défavorisé : cette catégorie constitue le cœur de cette étude.
En effet, leur relation au luxe est très particulière car on retrouve chez eux des
motivations propres aux jeunes (besoin de confiance, de plaisir...) et aux populations
défavorisées (besoin d’accomplissement, d’intégration sociale...). Cette appartenance à
deux segments de la population en fait un objet d’étude riche et intéressant au niveau
comportemental-social et marketing.
Nous avons pu voir dans cette première partie que les marques de luxe sont porteuses d’une
identité et d’une image forte qui vont révéler chez les consommateurs des comportements
bien particuliers : désir, imaginaire, ascension sociale... Le luxe répond donc à différents
31
besoins et préoccupations qui font de ces marques des entités de sens très différentes des
marques de masse.
Les jeunes en milieu défavorisé ne vont donc pas échapper à cet engouement autour de ce
secteur si particulier. Nous allons donc voir dans cette seconde partie le contexte
sociologique dans lequel évolue cette population, leurs habitudes de consommation, mais
surtout le rapport qu’ils entretiennent avec les marques de luxe et les dérives que cela peut
entrainer (contrefaçons...)
32
II. Les jeunes en milieu défavorisé et leur rapport aux marques de luxe
Avant de rentrer dans une étude analysant les habitudes de consommation des jeunes en
milieu défavorisé, leurs rapports aux marques de luxe, ainsi que le phénomène de la
contrefaçon - particulièrement présent dans les banlieues - il convient d’aborder le contexte
sociologique qui entoure cette population. Ceci afin de mieux comprendre les
comportements de consommation, leurs spécificités et leurs dérives.
A. Contexte
Généralement, les populations les plus démunies sont présentes dans les banlieues des
grandes villes françaises comme Paris, Lyon et Marseille.
Mais comment ces quartiers sont-ils nés ? Quelles sont les données sociologiques dont
on dispose actuellement pour connaitre le mode de vie de ses habitants ? Voici donc
quelques éléments de réponses qui aideront à comprendre les comportements de
consommations des jeunes qui y résident.
1. Les origines des banlieues
D’où viennent les banlieues ? Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’une banlieue ?
On dénombre trois définitions de la banlieue : juridique, géographique et sociologique.
Pour le Larousse (50), une banlieue est « un espace urbanisé situé à la périphérie d'une ville
centre et dépendant de celle-ci pour les emplois, les services (notamment les commerces)
et les transports. Selon les pays, la banlieue représente des portions plus ou moins
importantes de l'espace national et regroupe un pourcentage très variable de la population
totale. » Cette définition est donc très orientée sur l’aspect géographique de la banlieue.
La définition juridique du Larousse est plus axée sur la question administrative de la
banlieue : « ensemble des localités administrativement autonomes qui environnent un
centre urbain et participent à son existence. »
Or, le terme « banlieue » a également une connotation sociologique. Le Larousse évoque
alors deux types de banlieues : les banlieues aisées et celles plus sensibles.
Les banlieues aisées sont nées d’une volonté des individus de se mettre à l’écart des
grandes villes pour profiter d’un certain confort de vie. Mais, toutes les populations ne font
pas ce choix, comme l’explique cette encyclopédie « Le choix de la banlieue dite
« résidentielle », avec la connotation valorisante pour le cadre de vie qui est alors attachée
à ce mot, est réservé aux familles aisées. »
33
En effet, un autre type de banlieue résulte plus d’une contrainte que d’un choix. Les
habitants de ces quartiers ont été soumis à un exil forcé dû au coût trop élevé de
l’immobilier en centre ville. On note alors un « mal des banlieues » synonyme de difficultés
sociales, formées par la précarité, l’insécurité et auxquels les habitants sont en proie.
Depuis des années le terme « banlieue » a donc pris une connotation très négative auprès
des médias, des politiques et de l’opinion publique.
Mais comment ces banlieues dites « sensibles » sont elles nées ?
Contacté par téléphone, Laurent Mucchielli, sociologue et directeur de recherches au
CNRS situe la naissance des banlieues défavorisées au XIXème siècle, période
d’industrialisation et de croissance urbaine.
De fait, des zones urbaines se sont développées autour des grandes villes industrielles
pour loger les classes populaires, à la différence du modèle anglo-saxon qui lui, y place les
populations aisées.
Cependant, entre les années 50 et 70, durant la dernière phase d’actualisation du
processus, une grande crise de l’immobilier a affecté les villes avec une répercussion
durable sur ces banlieues. Les logements se font rares, deviennent rapidement obsolètes
en matière de norme et insalubres : « ni sanitaires, ni wc intérieurs dans la plupart des cas,
et l’eau courante dans à peine la moitié des logements. » note Annie Fourcaut (51),
professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris I, directrice du Centre d’histoire
urbaine.
Si ces zones urbaines étaient considérées au départ comme un progrès, ce ne fut plus le
cas lorsqu’à partir des années 70, la France est entrée dans une période de chômage de
masse. Le pays se retrouve alors avec une crise du modèle qui avait pourtant si bien
fonctionné jusqu’alors.
Le travail a commencé à manquer dans les grandes villes, ce qui a entrainé une baisse du
niveau de vie des ouvriers logés dans les banlieues et constituant ainsi un problème
majeur de précarité.
Les grandes villes comme Paris, Lyon et Marseille offrant au départ des embauches
d’ouvriers grâce à l’industrialisation ont ensuite eu à assumer des zones urbaines où le
chômage frappait massivement, entrainant précarité, rupture sociale et conflits politiques.
Dans les années 1980, l’expression « crise de banlieue » entre en scène et ne quittera plus
débats, articles de presse et discours politiques.
Stigmatisées dès lors, la plupart de ces populations se retrouvent dans le cercle infernal
des préjugés renforçant une rupture sociale qui amène violences, pauvreté et insécurité.
Après l’origine des banlieues, il convient de s’intéresser aux données démographiques de
ces dernières.
34
2. Démographie dans les banlieues
Les données actuelles dont disposent les sociologues sur ces quartiers, nous permettent
de mieux cerner cette population qui ne cesse d’évoluer depuis les années 80 et donc de
mieux comprendre les comportements de consommation.
Les banlieues défavorisées, appelées également Zones Urbaines Sensibles (ZUS) seraient
au nombre de 500 en France pour 5 millions d’habitants y résidant, selon Jacques Pain
(52), professeur de Sciences de l’Éducation et responsable du secteur de recherches «
Crise, école, terrains sensibles ».
Voici une carte de France situant les différentes ZUS et les spécificités régionales liées à
ces quartiers :
Parmi ces 5 millions de personnes, plus de 1,7 millions sont des jeunes de moins de 25
ans explique Fabien Kay (53), directeur d’études chez Eurostaf et auteur de L’impact du
phénomène banlieue sur les marques de prêt-à-porter.
Jacques Pain évalue qu’un « enfant sur deux naît en France dans une banlieue ». Ce qui
nous donne un indicatif non négligeable du nombre de futurs jeunes consommateurs que
les marques pourront toucher.
Ces chiffres nous apporte la certitude que la population résidant dans les quartiers difficiles
est loin de représenter une minorité et constitue, bien au contraire, une cible potentielle
pour les marques.
35
En termes de revenus, les habitants des ZUS sont bien souvent soumis à une certaine
précarité. C’est ce que confirme le rapport de l'Observatoire national des zones urbaines
sensibles (ONZUS) de 2012 (54). « Le revenu fiscal moyen par unité de consommation1 de
la population des ZUS s’élève à 12 345 € annuels, soit à peine plus de la moitié (55%) de
celui de leur unité urbaine. » On peut donc voir ici que les revenus sont exceptionnellement
bas dans ces zones.
La part de population vivant sous le seuil de pauvreté (964 € mensuels) bat également de
tristes records puisqu’il est 2,9 fois supérieur à celui des agglomérations, atteignant ainsi
les 36,1 %. Les plus touchés sont les jeunes (qui représentent 40,7 % de cette population)
et les personnes âgées.
Le chômage est aussi très présent en ZUS puisqu’en 2011 « parmi les résidents de Zus
âgés de 15 à 64 ans, 61,6 % sont actifs : 47,6 % sont en emploi et 14,0 % sont au
chômage. » Une part qui ne cesse d’augmenter, prenant + 0,5 point entre 2010 et 2011.
Le taux de chômage (« rapport du nombre de chômeurs au nombre d’actifs ») est alors
affecté puisqu’il « passe de 21,9 % en 2010 à 22,7 % en 2011. »
Cette tendance est particulièrement présente dans la tranche d’âge qui nous intéresse :
les 15 - 24 ans. En effet, « en Zus, un jeune sur cinq est en emploi et un jeune sur sept au
chômage. Le taux de chômage des jeunes (rapport du nombre de chômeurs au nombre
d’actifs) reste donc très élevé (40,7 %), bien que relativement stable par rapport à 2010. »
Des données peu réjouissantes donc, laissant entrevoir un avenir précaire pour ces
jeunes. Postulat que confirme Jacques Pain (55) : « 60 000 jeunes, pour ne prendre que le
chiffre le plus bas cité, sortant de l’école sans qualification chaque année, suivent le taux
de chômage des moins de 25 ans. »
Ces conditions de vie ne forment donc pas un cadre favorable à une scolarité aisée. Ainsi,
Jacques Pain fait ressortir l’écart flagrant entre le niveau scolaire constaté en ZUS et la
moyenne nationale, expliquant que 25 % d’élèves les plus faibles se trouvent dans ces
quartiers. Par ailleurs, il note également des « écarts de connaissances en termes
scolaires » allant de 1 à 3 points par rapport à la moyenne nationale.
L’encyclopédie Larousse (56) évoque également l’échec scolaire : « tous les ans, plus de
160 000 d'entre eux sortent du système scolaire sans formation, et sept jeunes sur dix
issus de l'immigration sont exclus du marché du travail. » Ceci malgré la politique des
Zones d’Education Prioritaires (ZEP).
En ZUS, la filière professionnelle est plus prisée qu’ailleurs. C’est ce que révèle l’étude de
l’ONZUS (57) qui note que « La part des élèves issus de collèges de ZUS qui ne se
retrouvent pas un an plus tard au lycée est de 10,9 % (contre 12,5 % des élèves de
collèges hors ZUS). » De plus, 27,3 % des élèves issus d’établissements en ZUS vont se
diriger vers les formations professionnalisantes de type BEP, CAP...
36
Ainsi, la fréquentation des filières générales est inférieure à celle de la moyenne nationale :
« 24,6 % pour les collégiens issus de d’établissements en ZUS s’orientent vers une 1ère S,
L ou ES contre 37,4 % des élèves issus de collèges en dehors de ces quartiers. »
Concernant donc le secondaire, « on compte près de 411 000 élèves du lycée qui
résident en ZUS », représentant alors « 7,3 % de l’ensemble des élèves du secondaire. »
Enfin, il est intéressant de relever que « près de deux élèves du secondaire sur trois
résidant en ZUS sont scolarisés dans un établissement de l’éducation prioritaire. »
En ce qui concerne la santé, l’étude révèle que l’accès aux soins reste difficile pour les
adultes résidant en ZUS, ce qui entraine une baisse du niveau de santé chez cette
population. « Le fait que les habitants des ZUS se déclarent en moins bonne santé peut
être lié à des difficultés financières et d’accessibilité géographique dans l’accès aux soins »
explique le rapport de l’ONZUS. « En outre, près d’un résident sur quatre des Zus (23 %)
déclare avoir déjà renoncé à des soins pour raisons financières, contre 15% dans le reste
de la France. » Ces chiffres renforcent les sentiments de précarité et d’exclusion sociale
présents dans les banlieues.
Les différents éléments démographiques que nous avons pu mettre en lumière (revenus,
chômage, scolarité, accès aux soins) nous ont permis de dresser un portrait de la
précarité touchant les populations des ZUS. De plus, nous avons pu voir que les jeunes
sont particulièrement atteints par ces troubles. L’avenir ne leur laisse entrevoir que peu de
choses positives, ce qui entraine un mode de vie tout aussi instable que leur situation.
3. Mode de vie
Au vue des données démographiques, la situation dans
les ZUS est particulièrement difficile, amenant alors un
mode de vie particulier, souvent empreint de dérives
comme : la délinquance, un certain langage et une
discrimination forte envers ces populations.
La délinquance dans ces quartiers sensibles est souvent mise en avant par les médias. Or,
il semblerait que cette dernière soit en baisse selon l’ONZUS.
Ainsi, « en 2011, le taux de délinquance constatée en ZUS s’élève en moyenne à 47,7 faits
pour 1 000 habitants, soit un taux inférieur de plus de 13 % à celui des circonscriptions de
sécurité publique (CSP) dont dépendent ces quartiers. »
Quartier de Félix Pyat à Marseille (ZUS)
37
DR
Les atteintes aux biens ont baissé de 6,1 % dans les ZUS entre 2010 et 2011. De même
que les atteintes aux personnes ont elles aussi connu une baisse de 2,7 % dans le même
laps de temps.
Ces statistiques découlent des plaintes faites par les victimes de ces infractions, on peut
donc imaginer que ces chiffres sont inférieurs aux chiffres réels.
Il faut également noter que le taux de délinquance varie « du simple au triple selon les
régions. Ainsi, si le taux moyen de faits constatés est de 19,7 pour 1000 habitants dans
les ZUS d’Auvergne, il est de 66,0 pour 1000 pour celles implantées en région Provence-
Alpes-Côte-d’Azur. » Si la délinquance reste donc importante dans les ZUS par rapport
aux autres quartiers, elle est en net recul depuis quelques années, bien que ces données
ne soient pas en accord avec ce que les médias véhiculent souvent.
Les jeunes de banlieues ont souvent leur propre langage faisant partie de leur culture. Une
façon de parler qui « amuse, fascine et inquiète » comme l’explique Jean-François Dortier
dans le magazine Sciences Humaines (58).
Un langage qui fascine donc et qui n’a pas manqué de succès puisque plusieurs
dictionnaires du « parler jeune » ont été publiés comme La Teci à Panam. Parler le langage
des banlieues de N. Saiki et P. Aguillou.
Néanmoins, cette façon de s’exprimer cache un problème social beaucoup moins léger et
peu donc inquiéter comme le confirme Jean-François Dortier « On se soucie notamment
de la pauvreté et de l'agressivité du vocabulaire employé (« Putain, y m'bat les couilles, ce
bâtard », qui choque dans la bouche d'une adolescente de 13 ans). » La crainte la plus
importante est souvent celle de la contamination de la langue française qui provoquerait
un appauvrissement de cette dernière. Par ailleurs, l’article conclut par l’avis de « Jean-
Pierre Goudaillier, professeur à la Sorbonne et auteur de Comment tu tchatches  !, qui
craint quant à lui qu'une véritable fracture linguistique vienne se superposer à la fracture
sociale et enferme les jeunes des cités dans une sorte de ghetto culturel. »
On peut noter plusieurs types d’argots selon l’auteur : le verlan (inversion des syllabes),
l’emprunt de mots aux langues étrangères, les métaphores, la resufixation (ajout d’un
suffixe) et le retour d’expressions anciennes.
Le « parler des cités » a souvent pour but de constituer un « marqueur identitaire » pour se
distinguer. Ce langage est aussi lié à des problèmes scolaires comme l’explique Jacques
Pain (59) : « à l’école se présenteront les problèmes dits de langage, plus liés à la pratique
de l’oral, normalement multipliés par les nationalités et les cultures. »
Ce langage bien particulier conduit également à la stigmatisation comme l’explique Marie
Huret dans un article pour Marianne (60) : « La fracture linguistique entre le « français officiel
» et le « dialecte des quartiers » ne cesse de creuser le fossé entre deux univers. Et freine
l'intégration. »
Malheureusement, le langage n’est pas le seul critère discriminant : les jeunes évoluent «
dans des conditions où la précarité familiale, par le nombre ou par la monoparentalité,
38
l’emploi, la santé, le regroupement captif en cités, marquent un statut connoté de
stigmatisation » note Jacques Pain (61).
Par ailleurs, le rapport de l’ONZUS (62) révèle que « 17 % des habitants des ZUS de 18 à
50 ans se déclarent victimes de discriminations en raison de leur origine ou de leur couleur
de peau, contre 6 % hors ZUS. »
Le mode de vie des jeunes est donc bien particulier, marqué par des déséquilibres sociaux
importants (discrimination, délinquance...) qui rendent leur quotidien difficile, instaurant
parfois un véritable clivage avec le reste de la population.
Cette partie orientée sur le contexte dans lequel vivent les jeunes en milieu défavorisé nous
a permis de mieux cerner cette population afin d’en comprendre les comportements de
consommation et le rapport entretenu avec les marques.
B. Consommation des marques de luxe
Nous avons donc pu analyser en première partie, le comportement des consommateurs
face au luxe de manière générale, ainsi que la signification du luxe pour ces derniers. Nous
allons à présent resserrer cette étude autour des jeunes issus des ZUS.
Les banlieues de type ZUS sont touchées par de nombreux maux qui vont définir des
habitudes, mais aussi des besoins et des motivations de consommation différents d’un
autre groupe de consommateurs.
Au vu du contexte social dans lequel ils évoluent, quel est leur comportement d’achat face
aux marques de luxe ? Qu’est-ce que ce secteur reflète pour eux ? Mais avant tout,
comment le consumérisme présent en France influence leur comportement ?
1. Le consumérisme en France influence les jeunes des cités
La population entière est touchée de quelque manière que ce soit par les marques de
luxe, comme le rappelle Laurent Mucchielli, contacté par téléphone : « il n’y a pas que les
jeunes des banlieues qui aiment les marques. C’est un préjugé faux : tout le monde aime
l’argent et le luxe. Le comportement des plus pauvres est le même. » Pour lui, les jeunes
issus des milieux défavorisés avaient donc un comportement de consommation identique
aux autres catégories sociales.
Simon Barthe, psychologue clinicien et directeur de la DRAILLE (accueil et hébergement
d’urgences sociales) que j’ai eu l’occasion de rencontrer, donne une version un peu plus
détaillée de ce postulat : « il y a un discours consumériste très présent dans la nation
aujourd’hui, avec un secteur du luxe qui se porte bien malgré la crise. Nous vivons dans
une société organisée autour de cette forme de consommation et non pas autour de celle
39
des besoins primaires. Si on s’oriente vers le luxe c’est souvent pour le côté narcissique
de posséder ce qui est rare et cher. C’est une forme de réalisation personnelle qui est de
se distinguer de tout le monde en se payant du luxe. La situation de crise accroît ce désir,
si tout le monde pouvait s’offrir du luxe alors il perdrait de son attrait et de sa valeur. »
Si la société est façonnée ainsi, c’est aussi à cause des entreprises qui ont voulu élargir
leurs clientèles en jouant sur la sensibilité des enfants, créant ainsi une forme de besoin :
nous sommes plongés dans ce système de consommation basé sur le désir et ce, de plus
en plus tôt, comme le précise Simon Barthe.
Depuis la télévision, les techniques de communication ont commencé à faire appel aux
sens. Le système de la PNL (programmation neuro-linguistique) est donc souvent utilisé
car selon leur éducation, les personnes vont utiliser des sens plus que d’autres. C’est un
moyen efficace de communiquer avec sa cible selon un canal adapté. Les jeunes des
banlieues semblent plus sensibles à la vue et vont alors plébisciter les produits « qui se
voient. »
Si l’attrait pour les marques reste général, chaque groupe ou catégorie de consommateurs
adopte des comportements de consommation différents, variant en fonction de leurs
motivations, des besoins ou des reflets des marques (comme nous avons pu le constater
dans la première partie.)
Alors quel est le comportement d’achat propre aux jeunes habitant dans les zones
urbaines dites sensibles ? Car il semblerait bien qu’ils agissent en fonction de besoins et
de motivations différentes des autres groupes de consommateurs.
2. Comportement de consommation des jeunes
Avant de décrire le comportement de consommation des jeunes de banlieues aujourd’hui,
il convient de retracer l’histoire de la consommation dans les banlieues défavorisées.
Pour expliquer cette dernière, Simon Barthe remonte à l’époque du prolétariat. Il souligne
alors qu’au XIXème et XXème siècle, il existait une fierté prolétaire grâce à l’essor idéologique
important insufflé par Karl Marx : les gens portaient haut leur travail malgré leurs conditions
difficiles. Les enfants des immigrés baignaient dans cette culture où l’on avait du travail et
où l’on apprenait beaucoup. C’était en quelque sorte une nourriture narcissique.
Or, lorsque ce modèle s’est effondré et que le chômage de masse est apparu, toute cette
culture construite autour de la fierté du travail ne pouvait plus exister. La culture des
banlieues a pris d’autres formes.
Sans travail les gens ne se distinguaient plus que par les marques et l’imagerie qu’apporte
leur manque dans une société capitaliste. Thomas Sauvadet (63), sociologue, écrit dans
Sciences Humaines une idée qui rejoint ce constat : « Précisons que le consumérisme des
40
jeunes de rue n’est pas uniquement lié au succès du branding, il renvoie aussi au
matérialisme de cette jeunesse, matérialisme dans le sens où elle affronte d’innombrables
difficultés matérielles. »
Les individus sont, à présent, sociologiquement dominés dès l’école avec un distinguo
visible entre les « enfants de pauvres » et les « enfants de riches » explique Simon Barthe.
Aujourd’hui, les jeunes commencent à s’intéresser aux marques à la puberté (et de plus en
plus tôt) pour se rendre indépendant vis-à-vis des parents, puis pour rentrer dans un
schéma de la séduction du sexe opposé et de la séduction sociale.
Un sentiment partagé par Moustapha Anseur, éducateur spécialisé à l’Institut
Thérapeutique, Educatif et Pédagogique (ITEP) des Etoiles : « on peut repérer cet intérêt
au moment d’une certaine prise de conscience due à la puberté, où l’on va s'inquiéter de
son image. Il s’agit d’un déclic pour exister, pour séduire et la marque semble alors être un
moyen d’atteindre ces objectifs et de se raccrocher à la normalité. » L’éducateur distingue
également un autre élément déclencheur : l’environnement de l’enfant. En effet, il précise
que l’attirance pour les marques peut également venir de l’environnement : « la télévision,
la manière de consommer des parents et l’environnement peuvent influencer cela. Ils ont
été habitués à ce que les marques aient une importance dans le quartier et pour leurs
proches. »
Selon Simon Barthe, la société consumériste actuelle pousse les personnes à se
distinguer en montrant que l’on peut dominer grâce à ce que l’on va posséder.
Ainsi, les dépenses en prêt-à-porter chez les jeunes de
banlieues peuvent aller jusqu’à 600 euros par mois avec un
minimum de 100 euros, selon l’étude Eurostaf (64).
On peut voir également que les rappeurs ou chanteurs de R&B
actuels prônent ce système de réussite sociale dans leur clips
et chansons, mettant en avant l’argent, les femmes et les objets
ostentatoires comme les voitures ou les accessoires clinquants
aux logos apparents.
Le rappeur La Fouine, ci-dessus, arbore un bijou en diamants à son effigie, des lunettes
de marque et une casquette logotée : aujourd’hui signes d’ascension et de réussite
personnelle.
Les jeunes des cités cherchent donc à se marginaliser tout en respectant les codes de la
société à laquelle ils appartiennent. « La mode a toujours existé : il faut avoir un peu de ce
que tout le monde a. Les jeunes s’imposent cet uniforme, ils veulent faire partie du groupe
tout en s’y distinguant. Ils auront alors leur existence propre en adoptant les codes du
groupe, avec une touche (un produit de luxe comme des chaussures, un sac ou une
ceinture de luxe) qui a l’avantage d’être abordable et qui les distingue » souligne Simon
Barthe.
41
DR
Ce comportement est alors de l’ordre de la séduction, il faut appartenir à un groupe, y être
considéré et accepté. Cela va se faire par le biais d’objets qui attirent l’œil, comme les
produits de luxe qui vont les aider à se distinguer par le regard.
D’ailleurs, la vue est un des sens les plus sollicités depuis la démocratisation de la
télévision. Les publicités (surtout celles du secteur du luxe) n’ont alors cessé de jouer sur
ce sens.
Quels sont alors les différents besoins éprouvés par ces consommateurs face aux
marques de luxe ?
La pyramide de Maslow nous donne des indications sur leurs motivations d’achat. On
retrouve chez eux les besoins d’appartenance, d’estime et d’accomplissement.
Appartenance car comme nous l’avons vu, il y a un réel désir d’appartenir à un groupe
pour exister. Pour cela, il faudra adopter ses codes pour ne pas être rejeté. C’est d’ailleurs
ce que corrobore l’explication de Moustapha Anseur : « il y a une quête d’identité qui
passe par des références à des idoles de la musique ou du football. Ces dernières portent
des marques, alors les jeunes se réfèrent à cela et recherchent ainsi à atteindre la norme.
En effet, pour trouver leur propre style, ils vont voir les clips, un style uniforme qui ne leur
permettent pas, finalement, d’exprimer leur propre identité. La marque est donc utilisée
pour intégrer un groupe social et avoir une image conforme aux demandes de la société.
Une intégration qui ne passe pas par le côté intellectuel dans les quartiers. Etre bon à
l’école est plutôt vécu comme une différence, ce qui est dur à assumer car le regard des
autres indique « tu n’es pas comme nous ». Le plus facile est alors d’intégrer le groupe par
le biais des marques. »
Le besoin d’estime découle du fait que ces grandes enseignes de prêt-à-porter,
permettent une « valorisation de l’existence » selon Moustapha Anseur. Pour exister aux
yeux des autres, les marques sont une forme de carte d’entrée. « Les jeunes cherchent à
avoir « la classe » et à être mieux que l’autre, en ressemblant aux canons des clips ».
C’est ce qu’appuie également Isabel Gutierrez dans un article pour Marketing Magazine
(65) : « il y a une quête désespérée d'identité, de repères et de valorisation pour des jeunes
qui, à défaut de trouver des valeurs, réinventent les leurs. » Ils vont donc construire leurs
propres critères de réussite et de valeurs pour former une identité qui leur est propre.
Porter des marques devient un critère d’acceptation et d’estime.
Enfin, le besoin d’accomplissement va provenir du fait que la possession de marques
donnera aux jeunes l’illusion, ou la preuve, d’une ascension sociale ou d’une réussite
financière. Pour Diane Godby-Debray, éducatrice scolaire, il y a deux moyens d’atteindre
l’accomplissement pour les jeunes : « quand ils ont des vêtements de marques soit par
leurs parents, soit par un système tiers, ils atteignent un accomplissement temporaire car
ils sont parvenus à obtenir l’image qu’ils souhaitaient. Les jeunes vont également pouvoir
atteindre un accomplissement partiel grâce aux contrefaçons qui ressemblent aux
42
originaux. L’accomplissement total va alors être de se procurer de véritables produits, ce
qui est souvent difficile au vu des prix. »
Cependant, la pyramide de Maslow devient faussée dans notre cas, comme le relève
Simon Barthe : « s’ils n’avaient pas de quoi manger ils ne feraient pas le sacrifice. Tout le
monde mange à sa faim dans les cités malgré la précarité.
C’est n’est donc pas une progression constante dans les différents stades de la pyramide.
Après les besoins physiologiques, il semble ici que le besoin d’estime prend plus
d’importance que celui de la sécurité. Cette tendance est poussée à l’extrême dans notre
société consumériste : les gens ont un rideau en guise de porte mais un écran plat dans le
salon. Ce cas était déjà présent dans les années 1980 à Marseille, par exemple.
C’est encore plus vrai ici, où nous sommes dans une culture méditerranéenne où l’on fait
plus attention à l’apparence. » Pour Moustapha Anseur, le besoin d’estime est également
le premier besoin qui ressort. En effet, une fois que les jeunes atteindront une certaine
estime d’eux-mêmes grâce aux marques, ils se penseront alors capables d’appartenir à
un groupe puisqu’ils répondent aux critères de ce dernier.
Il est également intéressant de se pencher sur l’application des facteurs de Kotler à cette
population. En effet, tous les facteurs qu’ils soient psychologiques, personnels,
psychosociaux ou culturels semblent être présents dans les motivations d’achat d’un
produit de luxe.
Facteurs psychologiques : ils vont toucher aux croyances, à la perception et à la
personnalité du consommateur.
« On sait ce que tu es quand on voit ce que tu possèdes, petit frère le sait et garde ce
fait en tête, l’argent lui ouvrirait les portes sur un ciel azur. [...] Le grand standing est tout
ce dont il a envie, ça passe mieux quand tu portes Giorgio Armani, soucieux du regard
des gens. » Petit Frère, IAM.
Ici, les jeunes issus des banlieues vont faire en sorte d’être perçus de la meilleure façon
possible au sein de leur communauté en arborant des produits liés à la mode, à la
richesse qu’ils souhaitent atteindre. Il semblerait que l’acceptation et le respect passe,
selon eux, par l’apparence, signe de réussite extérieure.
Par ailleurs, leur personnalité feront qu’un choix simple s’opère entre faire pitié et faire
peur au reste de la population. C’est ce que Thomas Sauvadet (66), met en lumière dans
un de ses articles : « Si la déviance fait peur, la pauvreté, en général, fait pitié : les
jeunes des rues préfèrent faire peur que pitié, « comme tout le monde » serait-on tenté
de dire. Le premier stigmate à combattre n’est donc pas celui du déviant, mais celui du
pauvre. »
43
Mémoire : Jeunes en milieu défavorisé et marques de luxe, je t'aime...moi non plus.
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Mémoire : Jeunes en milieu défavorisé et marques de luxe, je t'aime...moi non plus.

  • 1.
  • 2. Jeunes issus de milieux défavorisés et marques de luxe : je t’aime... moi non plus. 2
  • 3. Engagement de travail personnel Je certifie sur l’honneur que l’étude ici présente est bien le fruit de mon travail dans son intégralité. Toutes les sources auxquelles j’ai eu recours sont indiquées par des citations entre guillemets et par une annotation renvoyant à une bibliographie détaillée, stipulant l’origine de chaque source (auteur, œuvre, éditeur, année...) Je m’engage donc à présenter dans ce document un travail strictement personnel, résultat de mes réflexions et des cheminements développés au cours de cette dernière année de master. Le 31/05/2013, 3
  • 4. Page d’information sur les sociétés rencontrées Dans le cadre de ce mémoire, j’ai eu l’occasion de rencontrer des personnes appartenant aux sociétés suivantes : Simon Barthe, psychologue clinicien et directeur de la DRAILLE. M.E.C.S (Maison d'Enfants à Caractère Social) LA DRAILLE, association. Adresse : 13 Rue du Marché des Capucins, 13001 Marseille. Téléphone : 04 91 54 27 02. Raphaël Sanchez, directeur adjoint ITEP Les Etoiles. Moustapha Anseur, éducateur spécialisé. Diane Godby-Debray, éducatrice scolaire. Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) Les Etoiles. Adresse : 8 impasse des étoiles, BP 203, 13308 Marseille cedex 14. Téléphone : 04 91 98 34 91. Grégoire Dangleant, brigadier Chef au BDAV, Bureau d’aide aux victimes (BDAV), Commissariat de police du 3ème arrondissement de Marseille. Adresse : 143, Rue Félix Pyat, 13003 Marseille. Téléphone : 04 84 35 36 37 4
  • 5. Remerciements Je souhaite remercier ici toutes les personnes qui ont aidé à la réalisation de ce mémoire tant par leur soutien que par leurs contributions. En premier lieu, je remercie mon directeur de mémoire, M. Jean-Philippe Danglade pour sa patience, son aide et ses conseils précieux. Tout au long de la rédaction de ce mémoire, il s’est toujours montré disponible et à mon écoute, me permettant ainsi de travailler dans les meilleures conditions. Je remercie également Simon Barthe, psychologue clinicien et directeur de la DRAILLE de Marseille, qui m’a accueillie au sein de son lieu de travail, me consacrant ainsi beaucoup de son temps. Il a également répondu à toutes mes questions de façon très détaillée et m’a permis de mettre en lumière des pistes de réflexion auxquelles je n’aurais pas pensé. Je remercie également Raphael Sanchez, directeur de l’ITEP des Etoiles, Moustapha Anseur, éducateur spécialisé et Diane Godby-Debray, éducatrice scolaire qui ont fortement contribué à la réussite des objectifs que je m’étais fixés. Ils m’ont notamment épaulé dans la phase d’enquête afin que je puisse rendre une étude de qualité et la plus objective possible. Je souhaite également adresser mes remerciements à Grégoire Dangleant, brigadier chef au Bureau d’Aide Aux Victimes de Marseille (BDAV 3ème arrondissement) qui eu l’amabilité de répondre à toutes mes questions de façon complète et sans qui je n’aurais pu obtenir des informations précieuses à la réalisation de ce document. Enfin, je remercie toutes les personnes que j’ai pu contacter ou qui m’ont soutenue dans le cadre de ce mémoire et qui m’ont permis d’orienter mes recherches afin de fournir la meilleure étude possible. 5
  • 6. Résumé du mémoire Des études ont fait apparaître l’intérêt que les jeunes issus de milieux défavorisés portent aux marques de luxe. Nous tenterons d’en comprendre les raisons, de définir et expliquer les pratiques de consommation et les dérives que cet attrait implique. En effet, si les jeunes de banlieues ne profitent pas d’un contexte socio-économique favorable à la consommation des marques de standing, réservées habituellement à une classe aisée, leur attirance pour ces produits de prestige peut révéler ou générer des frustrations et favoriser ainsi certaines dérives telles que la délinquance et la contrefaçon. Grâce à la rencontre de professionnels et l’avis de sociologues, ce mémoire tente de répondre aux interrogations liées à ce phénomène. Le but étant de comprendre en quoi cette population aurait des motivations et des besoins différents des autres groupes de consommateurs vis-à-vis des marques de luxe. Cette réflexion passe alors par une étude de la marque de luxe dans sa globalité : qu’est-ce- qu’une marque de luxe ? Quelle image renvoie-t-elle aux clients ? Quels types comportements la marque de luxe va-t-elle induire chez les individus ? Cette analyse, basée sur des écrits d’auteurs, permet de montrer ce que la marque de luxe évoque à la majorité de la population. Ce, pour mieux comprendre les comportements d’achat relatifs au luxe, propre aux jeunes des banlieues. Mais quelles sont les conséquences pour les marques en termes de marketing ? Nous verrons que les bénéfices et les préjudices d’une telle appropriation par un public qui n’est pas ciblé à l’origine, sont nombreux. Les marques de luxe mettent alors en place diverses stratégies de marketing pour attirer, repousser ou évincer cette nouvelle clientèle. Enfin, nous illustrerons cette relation existante par le cas de Louis Vuitton, marque de luxe particulièrement prisée par les jeunes des quartiers défavorisés ces dernières années. Entre attirance, stratégies de marketing et dérives, le secteur du luxe et les jeunes issus de banlieues sensibles semblent se dire : je t’aime...moi non plus. 6
  • 7. Master thesis summary Why young people in disadvantaged area are interested in luxury brands? What are their consumption behaviors when they are confronted to them? What sort of drift may this attraction involve? If the youth from suburban ghettos cannot benefit of a socio-economic background favorable for luxury consumption, which is rather reserved for upper class, they however do not hide their interest for them. This particular attention may be a source of frustration and promote some drifts like delinquency and counterfeiting. Thanks to interviews with specialized professionals and the opinion of sociologists, this paper seeks to answer questions related to this phenomenon. The aim is to understand how this population would have different motivations and needs towards luxury brands compared to other groups of consumers. This reflection lies in a study of the luxury brand in its entirety: what is a luxury brand? How do customers perceive their brand image? What are the behaviors which can be caused to people by luxury brands? This analysis, based on the writings of several authors, allows us to understand what is evoked to the majority of the population by luxury brands. This,in order to better understand the buying behavior of suburban youth related to luxury. But what are the consequences for brands in marketing terms? We will see that the benefits and harms of such ownership by a population, that is not targeted at the origin, are numerous. Luxury brands develop several marketing strategies to attract, repel or evict this new clientele. Finally, we will illustrate that existing relationship with the case of Louis Vuitton luxury brand which is particularly popular with young people from suburban ghettos in recent years. Between attraction, marketing strategies and drifts, the luxury sector and young people from disadvantaged neighborhoods seem to be saying: I love you ... me neither. 7
  • 8. Sommaire Introduction 9 I. La marque de luxe 11 A. Qu’est ce qu’une marque de luxe ?! 11 1. Qu’est-ce qu’une marque ? 11 2. Qu’est-ce que le luxe ? 14 3. Qu’est-ce qu’une marque de luxe ? 16 B. Identité et image d’une marque de luxe! 20 1. Identité d’une marque de luxe 20 2. Image d’une marque de luxe 23 C. Le consommateur et la marque de luxe! 26 1. Comportement du consommateur et marque de luxe. 26 2. Signification de la marque de luxe pour le consommateur 29 II. Les jeunes en milieu défavorisé et leur rapport aux marques de luxe 33 A. Contexte! 33 1. Les origines des banlieues 33 2. Démographie dans les banlieues 35 3. Mode de vie 37 B. Consommation des marques de luxe! 39 1. Le consumérisme en France influence les jeunes des cités 39 2. Comportement de consommation des jeunes 40 3. Enquête et résultats 46 C. Les dérives! 50 1. Délinquance 51 2. La contrefaçon 53 III. Du côté des marques de luxe : quels résultats marketing ? 58 A. Appropriation des marques de luxe : origine et conséquences.! 58 1. Contexte 58 2. Appropriation des marques : quels préjudices, quels bénéfices ? 61 B. Stratégies des marques! 65 1. Les différentes stratégies 65 2. Résultats sur les 4P 69 C. Le cas Vuitton! 73 1. La marque 73 2. Cibles 77 3. Stratégies de marketing 79 4. Contrefaçon 81 Conclusion 86 Bibliographie 88 Annexes 95 8
  • 9. Introduction Pour ce mémoire, je souhaitais traiter un sujet qui alliait question de société et marketing. Ceci afin de lier ce travail à ma formation de marketing actuelle et au journalisme que j’ai étudié auparavant pendant deux ans. Afin de rester dans cette démarche personnelle, j’ai choisi de recourir à des expériences faites durant mes tous premiers stages, alors que je me destinais à un métier dans le secteur social. Le thème de mon mémoire s’est dégagé tout naturellement, alliant marketing et phénomène social : les jeunes issus de milieux défavorisés et leur rapport avec les marques de luxe. En effet, mes premiers stages se sont déroulés auprès de jeunes dits « en difficultés » que ce soit socialement ou économiquement. J’ai donc été sensibilisée aux problèmes inhérents à la vie d’un jeune dans une zone urbaine sensible. Afin de lier cette problématique à cette année d’études à Euromed (nouvellement Kedge Business School) et à mon intérêt pour le marketing, en particulier propre au secteur du luxe, j’ai donc choisi ce sujet. Bien qu’épineux au premier abord, au vu du peu d’informations disponibles, ce thème m’est tout de suite apparu pertinent. Il me permettait d’étudier d’une part un groupe de consommateurs bien particulier, souvent stigmatisé et d’autre part, l’univers des marques de luxe qui fascine et leurs stratégies propres à cette population. C’est dans cette seconde partie que l’aspect lié au marketing de mon mémoire s’intensifie et équilibre le côté un peu trop sociologique du début. C’est pour cela que j’ai choisi de reformuler l’intitulé de mon étude : Jeunes issus de milieux défavorisés et marques de luxe : je t’aime... moi non plus. Je voulais donc analyser la relation existante entre les marques et cette population. Cela, en étudiant comment ces deux mondes, qui semblent pourtant aux antipodes l’un de l’autre, peuvent se charmer et se repousser à la fois. L’amour des jeunes se retrouve dans l’admiration envers les marques qui les voient comme un moyen d’élargir leurs clientèles. L’hostilité se retrouve chez les créateurs qui voient d’un mauvais oeil l’appropriation, le détournement de leurs produits. Mais elle se retrouve aussi chez ces jeunes pour qui le luxe représente, parfois, une société qui semble les mettre à l’écart, avec des richesses dont on les a privés. La marque de luxe possède une identité qui ne ressemble à aucune marque de masse. Elle véhicule une image liée au domaine du rêve, de la beauté, de l’idéal et de la réussite qui sait séduire toutes les classes de populations. Elle possède des éléments distinctifs que l’on ne retrouve que dans le secteur du luxe et qui la rend facilement identifiable. Les jeunes issus de milieux défavorisés n’échappent pas à cette règle et consomment ces marques, bien que leurs moyens ne le leurs permettent pas toujours. Ils ont alors des 9
  • 10. motivations et des besoins (en rapport avec les marques de luxe) qui diffèrent parfois des autres groupes de consommateurs. Si les jeunes des banlieues semblent particulièrement sensibles au charme dégagé par le secteur du luxe, la réciproque semble s’appliquer. De fait, certaines marques de luxe rivalisent aujourd’hui d’ingéniosité pour séduire cette nouvelle cible qui ne ressemble en rien à leurs cibles habituelles. La marque de luxe dégage des codes et des significations particulières qui séduisent la population actuelle, profondément touchée par un consumérisme massif. Quels sont les éléments qui font d’une marque, une marque de luxe ? Pourquoi les jeunes issus de quartiers sont-ils si sensibles aux marques de luxe ? Il semblerait qu’il existe une attraction irrésistible envers ce secteur, mais pourquoi ? Quels sont les besoins et les motivations qui vont intervenir lors de l’acte de l’achat d’un produit de luxe, chez cette population ? Comment les marques, elles-mêmes, peuvent-elles réagir face à cette tendance ? Faut-il repousser cette nouvelle clientèle ou au contraire l’accueillir à bras ouverts ? Qu’est-ce-que les marques ont à y gagner ou à y perdre ? Les stratégies de marketing des marques de luxe sont nombreuses, mais quelles sont celles qui vont s’appliquer à ce cas précis ? Ainsi, la problématique qui se dégage de telles interrogations est donc : quelle relation existe- il entre les jeunes issus de banlieues sensibles et les marques du secteur du luxe ? En résumé, pourquoi les jeunes originaires de milieux défavorisés sont-ils si sensibles aux marques de luxe et comment les marques réagissent-elles face à ce phénomène, au travers de leur stratégie de marketing ? Dans un premier temps, nous allons analyser ce qu’est une marque de luxe en se basant sur des écrits d’auteurs. Ce afin de comprendre ce que ce secteur induit chez le consommateur et pourquoi. Dans une seconde partie, nous passerons au cœur de cette étude, à savoir une analyse des comportements de consommation des jeunes en milieu défavorisé par rapport aux marques de luxe. En lien avec la première partie, nous verrons pourquoi ces marques sont tant plébiscitées en banlieues et les facteurs qui poussent cette population à acquérir des produits initialement réservés à une clientèle aisée. Enfin, nous verrons quelles peuvent être les actions de marketing des marques face à ce phénomène. Doivent-elles repousser cette clientèle ? Doivent-elles les attirer toujours plus ? Nous étudierons donc les différentes stratégies de marketing existantes en relation avec les jeunes de banlieues. 10
  • 11. I. La marque de luxe Qu’est-ce qu’une marque de luxe ? Mais surtout qu’est ce qui fait d’une marque une marque de luxe et en quoi peut-elle toucher les jeunes en milieu défavorisé ? Les adolescents habitant dans les banlieues des grandes villes sont une population très spécifique avec des habitudes de consommation et une culture qui leur sont propres. Ils sont donc touchés par les marques de luxe de manière particulière, les abordant elles- mêmes différemment par rapport aux autres types de populations. Avant d’analyser ce segment, objet central de cette étude, il convient de définir ce qu’est une marque de luxe de manière globale, son identité et ce qu’elle signifie pour les consommateurs en général. Ce qui nous permettra de mieux comprendre son rapport avec une cible plus étroite et particulière. A. Qu’est ce qu’une marque de luxe ? La question que nous pouvons nous poser en préambule de cette étude est la suivante : qu’est-ce-qu’une marque de luxe ? Il faut alors définir ce qu’est la marque en premier lieu, puis, ce qu’est le luxe avant d’en inférer un élément de réponse sur ce qu’est une marque de luxe. 1. Qu’est-ce qu’une marque ? On retrouve plusieurs définitions de la marque, certaines classiques, d’autres plus axées sur le marketing. Pour le dictionnaire Larousse(1), la marque est « un style personnel, la manière de faire de quelqu’un ». On peut en dégager une notion d’identité, c’est ce qui va permettre de reconnaitre quelqu’un ou quelque chose. La marque est alors un identifiant : elle joue le rôle d’un élément aidant à la reconnaissance, par le plus grand nombre, d’une entité physique ou non. L’INPI(2) (Institut National de la Propriété Industrielle) mentionne également cette notion d’élément distinctif dans sa définition de la marque. Elle explique alors « qu’au sens de la propriété industrielle, la marque est un « signe » servant à distinguer précisément vos produits ou services de ceux de vos concurrents. » Ici, le concept de concurrence apparait, prenant alors en compte un contexte commercial, ce qui n’était pas le cas du Larousse. On rentre donc dans une dimension où l’identité est une part importante du processus de vente : le client, élément central du processus de vente, va pouvoir grâce à la marque distinguer de qui provient de telle ou telle offre. La marque est donc essentielle 11
  • 12. puisqu’elle constitue une première étape de communication avec le client : le client reconnait la provenance du produit. La définition marketing est plus spécifique. Ainsi, le Mercator (3) explique la marque comme « un nom et un ensemble de signes distinctifs qui ont du pouvoir sur le marché en donnant du sens aux produits et en créant de la valeur perçue pour les clients et de la valeur économique pour l’entreprise. » Cette définition est très complète, reprenant les éléments énoncés dans les deux autres, développant les identifiants de la marque. En plus d’être un ensemble d’éléments distinctifs, la marque est créatrice de valeur, la dimension économique et l’importance de la clientèle est donc mise en avant. La marque peut donc être représentée par différents aspects comme un son, une image, un nom ou un produit particulier. Ces différents éléments seront donc toujours associés à la marque et ce, même si le nom n’apparaît pas directement. Chaque produit sera rattaché à cette marque, donnant alors au consommateur un gage de qualité, une identité, se distinguant alors de la concurrence. La reconnaissance est quasiment spontanée et constitue un vecteur de différenciation. Par exemple, le tartan Burberry est facilement reconnaissable par une grande partie de la population qui fera facilement la différence avec une autre grande marque. Dior a également des codes différents pour se différencier de la concurrence comme le cannage et les « charms » attachés aux articles de maroquinerie. A gauche, le sac Lady Dior de la marque Christian Dior, facilement identifiable par le cannage qui recouvre le sac et qui constitue le signe distinctif de la maison de couture. Les lettres « charms » renforce l’identité avec le nom du couturier. A droite, le fameux tartan de la marque anglaise Burberry. Aucune mention du nom n’est nécessaire, le consommateur va rapidement identifier l’origine du produit (ce qui peut poser le problème de la contrefaçon car il est facilement reproductible). Heidi Cohen(4), présidente de Riverside Marketing Strategies, ajoute une dimension affective dans le concept de marque. Pour elle, « les marques sont des messages marketing qui créent des liens émotionnels avec des consommateurs. Les marques sont composées d’éléments intangibles reliés à une promesse, une personnalité spécifique et à un positionnement et des éléments tangibles comme un logo, des images, des couleurs et 12 DR DR
  • 13. des sons ». Heidi Cohen introduit également la notion historique de la marque, liée à la perception des consommateurs, induisant donc une certaine sécurité dans l’esprit du client puisqu’il sait « pourquoi il paye ». Elle ajoute pour finir que : « le consommateur possède la marque (et cela a toujours été le cas) ». Les liens émotionnels formés avec le client vont ainsi agir sur son comportement, le rendant plus réceptif et provoquant parfois son adhésion. Arun Sinah (5), ancien directeur marketing de Zurich Financial Services donne d’ailleurs une définition similaire de la marque : « une marque est une abréviation qui résume les sentiments d’une personne envers une entreprise ou un produit. C’est quelque chose d’émotionnel qui va bien au-delà de toute pensée rationnelle. » Le consommateur est donc loin d’agir en fonction d’une rationalité bien définie qui dirigerait ses actions. Il est en proie à des émotions, des souvenirs, des expériences par rapport à une marque. Ce comportement peut jouer un rôle important lors de l’achat, dé-rationalisant ainsi cet acte. La marque est donc plus qu’une simple entité : c’est une identité perceptible qui amène à une certaine subjectivité. Les consommateurs ont donc une forte influence sur la marque et son identité en contribuant à son histoire : succès, échecs, boycott... Par exemple, la notoriété et l’image de Nike a été façonnée par son histoire avec sa clientèle. Certains de ses produits, comme les Air Jordan en 1985, ont re m p o r t é u n i m m e n s e s u c c è s a u p r è s d e s consommateurs, façonnant ainsi positivement l’image de marque et ancrant Nike dans les esprits. Ce produit a lui aussi un signe distinctif permettant de l’identifier rapidement, ainsi que la marque à laquelle il appartient, ne nécessitant aucun nom, ajout... (Cf ci-contre). Néanmoins, le scandale de la confection des produits par des enfants a également causé quelques dommages en terme d’image. Les clients ont donc construit l’histoire de la marque en allouant leur confiance à la marque à la virgule ou en la boycottant. Une marque est donc une identité comportant des signes distinctifs et différenciant des autres marques; elle va créer un lien émotionnel avec un consommateur afin de le pousser à l’acte d’achat. Ce client va également dégager une perception subjective de la marque grâce aux relations qu’il entretient avec celle-ci. Cette première partie nous a donc permis de détailler les propriétés de la marque. Nous allons à présent nous intéresser aux différentes définitions du luxe avant de donner une définition de ce qu’est une marque de luxe. 13 DR
  • 14. 2. Qu’est-ce que le luxe ? « Le luxe, ce n'est pas le contraire de la pauvreté mais celui de la vulgarité » telle était la définition du luxe selon la créatrice emblématique, Coco Chanel. Alors le luxe est-il simplement le contraire de la vulgarité ? N’est-ce pas une notion un peu plus complexe ? Pour le dictionnaire Larousse, le luxe est le « caractère de ce qui est coûteux, raffiné et somptueux. » (6) Nous avons ici une définition assez restrictive du concept de luxe, principalement rattaché à une valeur pécuniaire. Or, le luxe ne semble pas s’envisager seulement de part son « caractère coûteux » et précieux, allant plus loin dans des considérations touchant à la psychologie et à la sociologie. Par ailleurs, de nombreuses définitions attribuent étymologiquement l’origine du mot « luxe » au latin « lux » qui signifie la lumière. Marie-Claude Sicard (7), expert en stratégie de marque dément cette prétendue origine dans une interview donnée à la Revue des Marques : « En réalité, le mot tire son origine de « lug », racine indo-européenne qui a donné en français l'adjectif « lugubre ». [...] De manière plus générale, cette racine indique une idée de déviation, d'excès qui a donné « luxation » mais aussi « luxuriance » (végétation) et « luxure ». A la racine du luxe il y a donc un écart par rapport à la norme et, de ce fait, le luxe est toujours relatif. » Le luxe est donc une notion très abstraite et subjective. Chacun l’envisage d’une certaine manière et n’en a pas la même représentation. C’est sans doute ce qui rend ce terme si compliqué à définir. Le luxe semble donc être une sorte de déséquilibre, d’excès dont l’intensité va varier selon la perception des personnes. Jean-Noël Kapferer et Vincent Bastien (8) évoquent également une temporalité de cette notion dans leur livre Luxe Oblige, affirmant que le luxe est « un ensemble relatif qui ne peut être dissocié de la structure politique et sociale du siècle auquel il appartient ». Plus qu’un mode de vie, la représentation du luxe varie aussi dans le temps. Ainsi, nous n’envisageons pas le luxe de la même manière que les populations des siècles précédents. Il y a une subjectivité de ce terme non seulement chez tout un chacun mais aussi en fonction des époques. Jacques Marseille (9), historien de l’économie, donne une définition du luxe qui touche davantage aux considérations sociales : « Le luxe renvoie à des comportements, des attitudes mentales et sociales, à des objets et à un ensemble d’activités économiques. Il touche à la psychologie sociale et individuelle et est lié au désir, à la dépense, à la provocation ou à l’ostentation. Depuis son origine, il relève de l’ordre du dépassement par le rêve ou par la provocation ». 14
  • 15. Il est vrai que le luxe entretient d’étroits rapports avec l’économie mais est aussi synonyme d’ascension sociale. Les célébrités sont associées à ce monde puisqu’elles sont adulées (ascension sociale), elles sont fortunées (ostentation et dépense) et provoquent l’envie chez les spectateurs (rêve et désir). Cette définition nous permet alors d’évoquer cette dimension sociale et psychologique très importante de ce terme si imprécis de « luxe ». Le mécanisme de « désir mimétique » développé par René Girard (10) corrobore ce caractère social car selon lui : « le luxe provient d’un désir d’imiter un modèle ». Cela va alors renvoyer à certaines population l’image d’un modèle de réussite financière, celle d’un accomplissement social désirable. On peut donc dire que le luxe est un déséquilibre par rapport à des normes subjectives (variant individuellement et historiquement) qui va provoquer, ou non, l’envie et le désir chez certaines personnes car il sera souvent associé au rêve et au dépassement. Cela nous rapproche donc particulièrement de notre sujet d’étude, à savoir : les jeunes en milieu défavorisé. En effet, ces derniers sont particulièrement sensibles à ces deux aspects propres au luxe. Nous développerons cette relation dans la deuxième partie. L’imagination et l’émotion ont donc une place importante dans le luxe. Danielle Allérès (11), cite également dans sa définition ces éléments en ajoutant une part plus mercantile : c’« est un objet de service de très grande qualité, limité dans sa distribution et dont la communication, peu abondante, est sélective. Il est synonyme d'émotion. L'imaginaire et la symbolique de la marque participent à la définition même du luxe. » Nous retrouvons donc un caractère sélectif et élitiste, en lien avec une caractéristique déjà évoquée : le désir. La subjectivité revient également avec la mention de l’émotion mais aussi de l’imaginaire, qui permettra à la personne de se faire sa propre idée de ce qu’est le luxe. Cependant, une nouvelle dimension, plus commerciale vient compléter les éléments précédemment évoqués : la rareté dans la distribution. Si le luxe est si élitiste, ce n’est pas seulement dans sa représentation mais dans la manière de l’acquérir. Le luxe va donc se trouver dans un objet rare, difficile à obtenir et d’une qualité supérieure, alimentant l’envie et l’imaginaire des chalands qui y verront l’appartenance à une dimension sociale convoitée. Cette rareté et le sentiment de convoitise communiqués par cet objet vont donc amener le déséquilibre précédemment évoqué puisqu’on est loin de l’image que se fait le consommateur de la norme, de par sa difficile acquisition. Nous avons donc donné quelques éléments de réponse sur ce qu’est une marque et ce qu’est le luxe. Il convient à présent de définir la marque de luxe. 15
  • 16. 3. Qu’est-ce qu’une marque de luxe ? Une marque de luxe va regrouper les caractéristiques dégagées par les définitions précédentes, mais uniquement... En effet, nous allons retrouver les composantes de la marque, à savoir : une identité, une empreinte faite de signes distinctifs qui entretient une relation basée sur l’émotion avec un consommateur qui a lui une vision subjective de cette entité. Puis, celles du luxe : un univers fait de subjectivité, de rareté, de qualité, aux prix élevés. Une marque de luxe peut donc être définie comme : une identité reconnaissable qui va produire des biens rares de haute qualité, dont le prix élevé (dû à la rareté et au savoir- faire) va être à l’origine d’une inaccessibilité pour la plupart des consommateurs. La relation avec le client, basée sur l’émotion et le rêve, va susciter chez ce dernier des sentiments subjectifs comme le rêve ou le désir vis-à-vis de cette marque puisqu’il y verra des valeurs idéales (beauté, réussite, popularité) souvent synonymes de distinction sociale. Une définition qui se rapproche de celle de Michel Chevalier (12), auteur de Management et Marketing du luxe, une marque de luxe est « une marque sélective et exclusive, qui apporte une valeur émotionnelle et créative supplémentaire au consommateur. » Il y a cependant des précisions à apporter afin de compléter cette définition, élaborée à partir des conclusions des parties précédentes. Qu’est-ce-qui différencie une marque de luxe des autres marques ? Marie-Claude Sicard (13) affirme que « la marque de luxe fonctionne de la même manière que les autres marques, sur le modèle développé par la méthode de l'empreinte ». Ainsi, ce qui différencie les marques de luxe des marques de masse c’est l’écart marqué. Pour identifier à quel secteur va appartenir une marque, Marie-Claude Sicard va définir l’intensité de sept pôles : « le pôle physique, le pôle du temps, le pôle de l'espace, le pôle des normes, le pôle des positions, le pôle des projets, le pôle des relations. » Lorsque 4 pôles sur sept sont au maximum alors il s’agit d’une marque de luxe. La subjectivité intervient encore puisque certaines marques vont être considérées comme luxueuse dans certains pays et pas dans d’autres. Jean-Noël Kapferer (14) dans son ouvrage The New Strategic Brand Management précise qu’il y a une distinction à faire entre les marques dites « premium » et celles de luxe. La différence est sensible car on peut retrouver quelques caractéristiques du luxe dans les marques premium comme la distribution sélective ou encore la qualité. « Mais le luxe est ailleurs » affirme Kapferer. « Le cœur du luxe c’est de donner aux hommes et aux femmes les privilèges qui l’accompagne ». L’achat d’un produit d’une marque de luxe vient « d’une volonté des consommateurs de marquer leur différence ». 16
  • 17. Cette marque va donc jouer sur l’ambition sociale et l’envie d’« absolu » des consommateurs. Elle va savoir proposer des produits de luxe davantage accessibles pour ceux « qui veulent introduire un peu de luxe dans leur vie ». C’est donc sur le mécanisme de Girard que repose le Business Model d’une marque de luxe : « le désir-né d’imiter un modèle ». La marque de luxe a donc des critères bien définis qui vont la différencier des autres marques présentes sur le marché, qu’elles soient premium ou de masse. Le début de notre étude dégage les caractéristiques principales suivantes : Prix : dans l’industrie du luxe, les prix des produits sont plus élevés car comme le dit Saphia Richou (15), auteur de Le Luxe dans tous ses états, « le produit de luxe est forcément cher et il est cher parce qu'il est rare et de qualité ». Kotler & Keller (16), dans leur ouvrage Marketing Management, indiquent que pendant des années, la consommation des marques de luxe était liée au statut social du chaland ou à celui qu’il aurait aimé occuper. Les haut prix étaient donc synonymes de classe supérieure élevée. Or, le « contexte économique et social » actuel a fait du luxe « un moyen d’expression et de plaisir ». Si le prix élevé est indissociable du produit de luxe, il est de moins en moins souvent lié au statut social. D’ailleurs, le prix élevé n’est pas un frein lorsqu’il s’agit d’un article de luxe. C’est ce que révèle une étude OpinionWay commandée par l’Association des professionnels du Luxe, en 2010. Ainsi, « 74 % des personnes reconnaissent avoir déjà acheté un produit même s’ils jugeaient son prix trop élevé » (17). Rareté : une marque de luxe distribue souvent des produits rares. Un produit de masse va pouvoir se trouver en grande quantité alors qu’un produit de luxe va cultiver une certaine rareté, une certaine exclusivité. Par exemple, outre son prix très élevé, les sacs Kelly et Birkin d’Hermès jouissent d’une demande grandement supérieure à l’offre. Pour acquérir le précieux objet, il faut parfois attendre des années. A l’inverse, un modèle de sac chez H&M sera produit en grande quantité et le consommateur pourra l’acquérir facilement, ainsi qu’à bas prix. Kapferer et Bastien décrivent, dans Luxe Oblige (18), deux formes de rareté : objective (physique) et virtuelle. 17 DR
  • 18. La rareté objective est physique : c’est la « plus connue, celle des ingrédients ou des processus ». De fait, certains matériaux nécessaires à la production de produits d’une marque de luxe vont être physiquement rares comme les diamants. C’est donc un « luxe réel ». Le prix élevé et la notion de luxe se trouveront donc dans le fait que l’on peut produire peu d’éléments. Ce type de rareté est « nécessaire à un certain étage de la construction de la marque de luxe profitable, mais pas à tous les étages. [...] Sinon pas de ventes, ni de profits. » Certains produits de la marque ne vont pas subir de rareté physique et peuvent être produits à moindre coût, permettant ainsi de dégager des profits non négligeables. Le deuxième type de rareté selon les deux auteurs est la rareté virtuelle ou « impression de rareté ». C’est la marque de luxe qui va entretenir cette rareté ou ce sentiment de rareté : « créé et entretenu par la communication elle-même. » Il faut rendre le produit et la marque désirable et exclusive pour alimenter le désir. Si nous reprenons notre exemple du sac Birkin d’Hermès, outre la grande qualité, le simple fait de mettre en place des listes d’attente et une fabrication au compte-goutte a suffit à la marque emblématique à rendre son modèle légendaire. Ces deux types de rareté, voulue ou non, vont entretenir le fantasme des consommateurs : détenir un produit rare, convoité et luxueux peut refléter un certain statut social, une position de privilégié au sein d’une société de consommation alimentée par le désir et donc la frustration. Un facteur psychologique chez le consommateur que Kotler et Keller mettent également en avant dans Marketing Management (19) : « Les dénominateurs communs des marques de luxe sont la rareté et l’unicité. L’acheteur d’une marque de luxe doit sentir qu’elle, ou lui, est vraiment spécial. Le style durable et l’authenticité se justifie parfois par l’exorbitant. » Qualité : indissociable de la marque de luxe car si le consommateur paye le prix fort c’est pour un produit qu’il va pouvoir conserver longtemps et dont la qualité des matériaux sera largement supérieure à ce qu’il trouvera dans le commerce de masse. La supériorité va alors se trouver dans une technique, un matériau, un savoir-faire... Le fait-main par exemple, est très convoité et possède une image de produit de qualité. En effet, c’est un artisan (et non pas une machine industrielle qui travaille à la chaîne) qui a confectionné l’objet, passant du temps sur le moindre détail. D’ailleurs, la qualité des produits prend de plus en plus d’importance car en plus d’être une justification de prix, c’est ce qui va permettre de lutter contre la contrefaçon. 18
  • 19. L’émotion : « L’émotion est une valeur associée forte du luxe. » déclare Pierre-François Jorsin (20). Comme nous l’avons déjà abordé, une marque de luxe doit être vectrice d’émotion et de rêve. Si une marque doit créer un lien émotionnel avec sa clientèle, c’est encore plus vrai pour une marque de luxe qui doit véhiculer : prestige, beauté et rareté. Elle doit faire rêver le consommateur pour l’amener à idéaliser la marque. Marie-Claude Sicard confirme ce postulat dans son ouvrage Luxe, mensonges & marketing (21) : « de tous les secteurs économiques, le luxe (surtout le luxe classique et moderne) est celui qui joue le plus sur l’émotion. C’est le mot qui doit revenir le plus souvent dans son vocabulaire, après le mot « rêve », peut-être. » Mais quel type d’émotion les maisons de luxe vont-elles privilégier ? « De l’admiration, principalement » affirme Marie-Claude Sicard. Mais également une émotion liée au physique de l’objet, ce qui « dévoile une fois de plus la parenté qui unit le luxe et l’art. » L’intention esthétique va provoquer une réaction chez le client qui, à la vue d’une belle robe de créateur, sera tout aussi ébloui que devant un tableau de maitre. De même, les marques de luxe entretiennent souvent un lien privilégié avec le passé. Ainsi, Karen, responsable du corner Christian Dior à la boutique Saint Honoré Paris, à Marseille, affirme que Dior a toujours mis en avant les courbes qui ont fait le succès du créateur. Le cannage, la veste Bar n’ont que très peu changé depuis les années 1950, conservant alors les signes distinctifs et l’intemporalité de la marque. Une émotion particulièrement présente dans les marques classiques et moins dans celles contemporaines, comme l’indique Marie-Claude Sicard : « Non qu’elle n’existe pas, mais d’une part elle est moins démonstrative, d’autre part elle est plus diluée, plus diffuse, parce qu’elle ne se concentre pas toute entière dans la rencontre avec l’objet. » Les marques de luxe possèdent donc des critères indissociables permettant de les différencier des marques de masse. Mais si toutes les marques de luxe possèdent les caractéristiques précédemment décrites, elles n’appartiennent pas toutes au même secteur de luxe. Nous retiendrons alors les « trois cercles de luxe » élaborés par Jean Castarède dans son livre Le Luxe (22) : Cercle 1 : englobe les produits les plus accessibles du luxe. Il s’agit là « d’un luxe des sensations et des plaisirs » qui comprend des produits accessibles pour la majorité de la population comme « les parfums, les cosmétiques haut de gamme, les spiritueux de luxe ». 19
  • 20. Cercle 2 : il correspond aux produits les plus traditionnels, à savoir : prêt-à-porter, maroquinerie, joaillerie... Le client recherche là une qualité supérieure qu’il va pouvoir trouver chez les marques de luxe, reconnues pour leur savoir-faire. Cercle 3 : constitué de l'inaccessible. Ce que Jean Castarède décrit comme « du super luxe accessible à quelques-uns. » C’est le domaine de l’unique et du sur- mesure : haute-couture, haute-joaillerie, art... Nous avons donc pu établir ce qu’est une marque de luxe, les différents domaines qui composent le secteur du luxe, ainsi que les critères différenciant une marque de luxe d’une marque de masse. Il s’agira maintenant d’identifier l’identité et l’image propre à une marque de luxe. B. Identité et image d’une marque de luxe Afin de mieux comprendre le consommateur et son rapport aux marques de luxe, il convient en premier lieu de décliner l’identité, mais aussi l’image, de ces dernières pour mettre en lumière ce qu’elles renvoient aux différentes populations. Si identité et image de marque sont des notions souvent confondues, elles sont portant bien distinguables. « L’identité représente la façon dont la marque veut être perçue, par opposition à l’image, qui est la façon dont la marque est réellement perçue par les consommateurs » précise Géraldine Michel (23). 1. Identité d’une marque de luxe « Éléments permanents signifiant la personnalité et le territoire d’une marque », telle est la définition de l’identité de marque selon le Publicitor (24). L’identité semble donc être immuable et se communique par des signes distinctifs propres à la marque. Ce sont les composantes essentielles qui la caractérisent. En plus d’éléments qui vont permettre au consommateur de reconnaitre la marque, l’identité est aussi marquée par des valeurs, comme le rappelle Christian Michon, professeur à l’ESCP-EAP de Paris : « l’identité de marque véhicule un système de valeurs. L’identité confère à la marque une influence indépendante du produit. » (25) L’identité est donc essentielle pour toute marque car elle permettra au consommateur de la reconnaitre (via les signes distinctifs et les valeurs). C’est qu’affirme Marie-Claude Sicard : « Il y a empreinte à partir du moment où je reconnais telle ou telle marque, où je sais qui elle est, ce qu’elle fait - autrement dit, à partir du moment où j’ai une idée claire de son identité. Sans identité, pas d’empreinte. Sans empreinte, pas de marque. » (26) 20
  • 21. L’identité est donc primordiale car une marque ne peut se construire sans une identité qui lui est unique. Mais comment l’identité de marque se construit-elle ? La réponse la plus connue est sans nul doute, celle de Jean-Noël Kapferer (27) : le prisme d’identité. Ce dernier est composé de six facettes : « le physique, la personnalité, la culture, la relation, le reflet et la mentalisation » que nous détaillerons dans notre étude de l’identité de la marque de luxe. Seulement, une marque de luxe ne répond pas aux mêmes règles que les autres marques. Elle doit formuler une identité claire et reconnaissable pour le consommateur. C’est cette identité qui va lui permettre de se différencier d’une marque lambda. Cette identité forte, basée sur des valeurs bien particulières qui sont l’intemporalité, l’esthétisme et un imaginaire fort et distinctif. Selon Kapferer et Vincent Bastien dans leur ouvrage Luxe Oblige (28) : « à travers l’identité, l’ensemble des facettes qui dessinent en quoi la marque est unique, on retrouve un point clé de la compréhension du luxe [...] : le luxe est superlatif et non comparatif. Il préfère être fidèle à une identité que de se soucier toujours d’une supériorité par rapport à un concurrent. Ce que le luxe craint, c’est la copie, alors que les marques de série ont peur de l’indifférenciation, de la banalisation. » La marque de luxe forge donc une identité à laquelle elle va se tenir, faisant sa force face à la concurrence des marques de masse, mais aussi sa faiblesse puisque ses modèles auront tendance à être copiés. Quelle est donc cette identité propre au luxe et de quoi se compose-t-elle ? C’est le prisme de Kapferer qui nous donne alors des informations sur l’architecture d’une marque de luxe. 21
  • 22. Physique : dans cette facette de l’identité de la marque, nous pouvons retrouver plusieurs éléments nécessaires à l’identification de cette dernière par le consommateur. La dimension physique « correspond aux éléments tangibles de la marque, ce sont les produits ou les services, mais aussi les couleurs et symboles associés à la marque » rappelle Géraldine Michel dans Au cœur de la marque (29). C’est en quelque sorte la « vitrine » de la marque, ce à quoi le consommateur va directement penser lorsqu’elle est évoquée : nom, logo, charte graphique... Ainsi, les marques de luxe, souvent très ancrées dans le passé vont disposer d’une facette physique très forte avec des éléments reconnaissables par une grande partie de la population et ce, dans le monde. Par exemple, les deux « C » de Coco Chanel sont un signe distinctif très fort et n’ont besoin d’aucun accompagnement pour être identifiés. Cette marque est d’ailleurs associée au luxe à la française, à des produits de qualité, intemporels, avec des pièces mythiques (comme le fameux tailleur Chanel). Personnalité : dans cette dimension on retrouve les éléments qui forment le « caractère » de la marque. C’est ce qu’elle va vouloir véhiculer auprès des chalands, les qualités qui la caractérisent en quelque sorte. Le magazine Vogue (30), référence de l’univers de la mode, décrit par exemple, la marque Dior comme étant « sans doute l’une des marques qui exprime au mieux ce qu’est le luxe aujourd’hui  : la créativité et la rigueur au service de la nouveauté, de l’opulence, du sensible et de l’unique. » Culture : c’est le système de valeurs sur lequel va s’appuyer la marque. Pour la marque Dior, cela va être basé sur l’élégance et la mode à la française. Sa philosophie est également de concevoir des produits de grande qualité de manière artisanale : un sac Lady Dior fait à la main est mis en avant sur le site afin de démontrer le savoir-faire de la maison de couture, dans une rubrique d’ailleurs intitulée « Les ateliers du savoir- faire ». Relation : il s’agit ici de la relation entre la marque et les consommateurs. Les marques de luxe sont généralement caractérisées par des relations de séduction, de plaisir et de valeurs. Ainsi, la marque Yves Saint Laurent, pionnière de la mode femme libérée avec le premier smoking pour femme est dans une relation de respect et de liberté en faveur des femmes. Reflet : c’est l’image renvoyée par la marque sur les consommateurs. Géraldine Michel décrit cette facette comme étant « l’image que la marque donne à sa cible » (31). Les Tailleur Chanel 22 DR
  • 23. marques de luxe vont alors souvent donner à leur clientèle cible le reflet de personnes aisées, esthètes et exigeantes. Mentalisation : Pour Chevalier et Mazzalovo (32) cela « correspond au regard que pose le consommateur sur lui-même quand il utilise le produit. » En consommant telle ou telle marque, le consommateur va répondre à des objectifs qui lui sont propre; cela peut venir d’une motivation, de l’inconscient... De fait, certaines personnes auront l’impression d’avoir atteint le statut social souhaité quand elles auront accès à des produits de marques de luxe. D’autres se voient comme des « amoureux de la mode », des personnes à suivre parce-qu’ils auront toujours dans leurs placards les dernières tendances des créateurs. L’identité de la marque de luxe se construit donc en fonction d’éléments plus ou moins complexes, touchant au tangible (produits, qualité...) comme à l’intangible (relation, valeurs...). Une marque aura donc besoin de chacune des facettes précédemment citées pour mettre en place une identité solide et reconnaissable. Mais si la marque met du temps à façonner son identité, elle reste tributaire de la perception des consommateurs, c’est-à-dire de son image. En effet, la marque peut entretenir une certaine identité qui ne sera pas envisagée de la même manière par les consommateurs. Le but est alors de faire correspondre au mieux les deux dimensions : pour qu’identité et image soient le plus proche possible. Nous pouvons alors répondre à présent aux questions : qu’est-ce qu’une image et quels sont les enjeux qui en découlent pour une marque de luxe ? 2. Image d’une marque de luxe L’image d’une marque vient de la perception des consommateurs de cette même marque. Contrairement à l’identité, l’image n’est pas une création de l’entreprise. « L’image de marque se caractérise par des associations que les individus rattachent à la marque » (33) explique Géraldine Michel. C’est ce que confirme la définition de l’image de marque donnée par le Publicitor (34) : « Ensemble des représentations mentales, évocations, associations, attachées par un individu (ou un groupe) à un produit, une marque ou une entreprise. » Ces représentations vont donc mener le consommateur à un certain nombre de croyances sur une marque, qu’elles soient positives ou négatives. Ces associations vont différer en fonctions des personnes puisqu’elles sont totalement subjectives. En effet, la subjectivité provient de l’expérience vécue avec la marque que ce 23
  • 24. soit de manière directe (en acquérant un produit) ou indirecte (à partir de ce que l’on a entendu ou vu de la marque). Selon Keller (35), « ces expériences vont nourrir les associations à la marque stockées en mémoire et ainsi former l’image de marque. » Ce postulat rend l’image de marque complexe et durable car elle provient d’une accumulation d’information forgeant la représentation de la marque. L’image de marque est donc faite d’associations, mais quelles sont-elles ? Aaker (36) donne un élément de réponse en 1994 avec une liste qui énumère 11 types d’associations à la marque : Attributs du produit : ce sont les caractéristiques ou les qualités d’un produit d’une marque. Les marques de luxe s’attacheront à démontrer la qualité des matériaux, la finesse pour se démarquer des objets de série produits par les marques de masse. Caractéristiques intangibles du produit : ce sont les caractéristiques non mesurables attachées au produit; cela touche à l’immatériel. Dans le domaine du luxe, ce sera la qualité intrinsèque du produit qui se voit au premier abord, ainsi que la durée de vie importante du produit. Un sac de créateur est sensé se maintenir en très bon état pendant des années, or, le client est face à la caractéristique intangible du temps. Bénéfices consommateurs : le consommateur va pouvoir tirer deux types de bénéfices de l’achat d’un produit. Le premier sera le bénéfice direct qui découle de l’utilisation d’un produit et le second sera indirect, souvent lié au psychologique. Pour l’achat d’une montre de haute-joaillerie, le bénéfice direct sera l’acquisition d’une montre qui a une utilité (donner l’heure), qui répond à un besoin d’esthétisme et qui est d’une grande qualité. Le bénéfice indirect peut être de divers sorte : une montre qui s’accorde avec toutes les tenues (esthétisme), qui peut me donner un sentiment d’exclusivité, de privilège (appartenance à une catégorie sociale). Prix : le prix est souvent un facteur de différenciation pour le client qui va se faire une idée de la qualité, de la valeur d’un bien en fonction de son prix. C’est aussi le cas pour les marques de luxe puisque les prix élevés de ce secteur traduisent la qualité mais aussi la rareté des produits proposés. Utilisations de la marque : les marques vont laisser transparaître des moments ou des modes d’utilisation pour leurs produits. Ainsi, un client aura tendance à s’habiller en Ralph Lauren lorsqu’il recherche une image « casual » alors qu’il préférera Armani, plus classique, pour se rendre à un cocktail, par exemple. 24
  • 25. Utilisateurs : bien que tous les utilisateurs aient tous des motivations et des modes de consommation différents, une marque est souvent associée à un type d’acheteur. C’est d’ailleurs le cas des marques de luxe qui reflètent une clientèle haut de gamme et aisée. Célébrités liées à la marque : le celebrity-marketing est souvent utilisé par les marques. Chaque célébrité a elle-même une image, qu’elle mettra au service d’une marque qui souhaite s’associer à son image. Par exemple, Marion Cotillard est devenue égérie de Dior après son sacre aux oscars. Elle incarne donc la réussite, mais aussi et toujours cette élégance à la française si chère aux maisons de couture de l’hexagone. Une image qui peut s’exporter puisque l’actrice est désormais connue dans le monde entier. Personnalité de la marque : cette dimension est proche de celle précédemment détaillée dans l’identité de la marque. Néanmoins, il s’agit ici de la personnalité perçue par les individus. C’est donc le caractère de la marque que les consommateurs vont percevoir. Catégorie de produit : le consommateur va percevoir selon son expérience les différentes catégories de produits auxquelles le produit d’une marque va appartenir. Les concurrents : le consommateur va être capable d’identifier les concurrents d’une marque et même de faire un classement, identifiant les meilleures et les moins bonnes marques dans telle ou telle catégorie. Les marques de luxe seront donc dépendantes des émotions des individus qui identifieront et compareront les produits les uns par rapport aux autres : par exemple, Burberry est considéré comme le leader en matière de trench-coat, ou Dior qui confectionne les escarpins les plus inconfortables des chausseurs de luxe... Pays d’origine : ce facteur est souvent synonyme de qualité et de savoir-faire. Les marques de luxe sont particulièrement soumises à ce critère puisque les consommateurs imputent une certaine qualité en fonction des origines. Une marque de luxe chinoise va donc souffrir en occident de la mauvaise image de l’industrie de son pays. Nous avons donc pu voir que si une marque de luxe se construit une identité propre, elle reste tributaire de l’image qu’elle renvoie aux consommateurs. Outre cette perception de la marque, comment va se positionner le consommateur et quelles sont ses motivations par rapport à une marque de luxe ? 25
  • 26. C. Le consommateur et la marque de luxe 1. Comportement du consommateur et marque de luxe. Pourquoi le consommateur passe-t-il à l’acte d’achat ? Et surtout qu’est-ce-qui l’y pousse dans le cas particulier des produits de luxe ? Que le consommateur soit rationnel ou irrationnel, selon les théories, il passe à l’acte d’achat pour diverses raisons : émotions, besoins... En outre, il est animé d’une motivation à acheter, quelque soit sa nature. Pour Jean-Marc Lehu (37), une motivation se décrit comme étant l’« ensemble des raisons rationnelles, émotionnelles, personnelles ou d'intérêt général, physiques et/ou psychologiques, qui pousse un individu à l'action. » La motivation est donc à l’origine du comportement du consommateur. La motivation peut être de différente nature : consciente ou inconsciente, subjective ou objective. Cela va dépendre du contexte d’achat mais aussi du secteur et du produit concerné : pour caricaturer, le client n’aura pas les mêmes motivations face à une boite de petits pois ou à une paire de chaussures de créateur. Ainsi, émotions, besoins, contextes culturels et bien d’autres éléments composent la motivation. Qu’en est-il de la motivation relative au secteur du luxe ? Comme nous avons pu le voir dans les pages précédentes, le luxe est un secteur générateur de rêve, de désir et donc d’émotions. Le chaland va être séduit par l’identité de la marque car elle cherche à lui faire passer un certain message (Dior, l’élégance à la française depuis 1950), mais aussi par l’image que véhicule la marque (Hermès a une clientèle élégante, très aisée et socialement enviée). Les marques de luxe vont donc principalement jouer sur l’émotion pour inciter le consommateur à passer à l’acte d’achat. Cela se remarque également dans la communication de ces dernières, basées sur le celebrity marketing (les stars étant déjà une origine de fantasme) et sur l'esthétisme (publicités pour les parfums se basent sur la beauté et l’émotion). D’ailleurs, Georges Chétochine (38) appuie cette idée : « La marque en tant que repère émotionnel existe de façon indiscutable dans le processus de consommation. [...] Mais si la marque existe, c’est d’abord parce-qu’elle est partie prenante dans la chimie de nos émotions. La marque n’est pas la conséquence d’un raisonnement chez le consommateur, mais bien la conséquence d’une émotion attendue de plaisir. » Outre les émotions, le consommateur est aussi très influencé par des besoins. La classification des besoins la plus connue est celle de Maslow (39) avec sa pyramide des besoins. 26
  • 27. Besoins physiologiques : il s’agit des besoins vitaux de l’individu comme manger, boire... Des besoins concrets donc liés à la survie de l’Homme. Besoin de sécurité : ce besoin est lié à la protection de soi contre tout danger potentiel. Cela peut être une sécurité de l’emploi, physique, familiale, morale... afin d’assurer une certaine stabilité. Besoin d’appartenance : nous passons ici à une dimension sociale et non plus à un besoin lié à l’intégrité directe de la personne. L’Homme a besoin d’appartenir à une communauté (pays, langage, tribu...) afin d’assurer un lien social avec les autres. L’individu a besoin de sentir accepté dans un groupe. Besoin d’estime : c’est ici un besoin de respect qui découle du besoin d’appartenance. L’individu cherche toujours a avoir une position valorisante afin d’être reconnu par le reste de la communauté à laquelle il appartient. Besoin d’accomplissement : selon Maslow, c’est « le sommet des aspirations humaines ». Dans ce besoin, l’individu va chercher à s’épanouir. Le secteur du luxe, lui, répond principalement à trois de ces besoins : appartenance, estime, accomplissement. Appartenance car détenteurs d’un objet de luxe, les consommateurs ont l’impression d’appartenir à un club restreint. Les possesseurs de Rolex, par exemple, ressentent une appartenance à une communauté de privilégiés et d’amateurs de belles montres. Le consommateur peut donc convoiter un produit de luxe afin d’appartenir à un groupe. Le besoin d’estime se fait ressentir chez certains clients : posséder un sac Chanel va leur permettre de se sentir acceptés socialement dans le monde de la mode. S’habiller en 27
  • 28. marque peut donc répondre à une volonté d’obtenir un statut valorisé au sein d’une communauté : « j’ai la plus belle collection de sacs rares de créateurs, donc les autres vont m’envier. » Il y a également un véritable besoin d’accomplissement. Le consommateur ayant réussi dans la vie voudra alors dépenser son argent dans ce qu’il se fait de mieux, sans se priver, reflétant ainsi son besoin de s’épanouir personnellement ou socialement. Enfin, le sentiment de sécurité pourrait peut-être rejoindre cette liste. En effet, acheter une marque de luxe se justifie également par une qualité supérieure. De fait, le consommateur cherche à se mettre à l’abri de déconvenues en choisissant un produit très fiable et reconnu. Néanmoins, certains besoins ne peuvent pas toujours être résolus, ce qui va conduire à un désir chez le consommateur. Le Mercator (40) définit, d’ailleurs, bien l’origine des besoins non satisfaits : « si les désirs physiologiques s’éteignent quand ils sont satisfaits, par exemple boire quand on a soif ou manger quand on a faim, les autres désirs sont plus difficiles à satisfaire car le sentiment de satiété varie fortement selon les individus et les besoins. » Si les précédents facteurs influencent le comportement du consommateur, Kotler et Dubois dans Marketing Management (41), dressent également une liste de facteurs influençant le chaland dans son achat : Facteurs psychologiques : comme la motivation, la perception, personnalité, croyances du consommateur. Facteurs personnels : ces derniers découlent de la situation de l’individu (âge, situation familiale, profession, habitudes ). Facteurs psychosociaux : ce sont toutes les relations qui vont agir sur le comportement du consommateur (entourage, prescripteurs, vendeurs...) Facteurs culturels : cela concerne l’appartenance à une communauté, les influences culturelles, position sociale. Tous ces facteurs sont intéressants à prendre en compte dans le monde du luxe car ils vont permettre d’appréhender le chaland de manière adaptée. Ces facteurs sont également tous utilisés dans ce secteur puisqu’ils permettent d’identifier une clientèle possible et le comportement qui lui est propre. Ces données vont donc influencer et définir le comportement du consommateur puisque la motivation de ce dernier (résultant d’un besoin réel, de sa personnalité ou d’une 28
  • 29. émotion) va influencer son comportement pour remédier à un besoin non satisfait. Mais quel va être le comportement du consommateur face au luxe ? Le luxe va réveiller un comportement bien particulier chez le consommateur, dû en partie à sa vision du luxe. Selon Kapferer (42), il existe quatre conceptions du luxe dans l’esprit des consommateurs, chacun généralement accompagnés de marques représentant ce secteur : Une première catégorie va donner de l’importance à « la beauté, l’excellence et la rareté du produit. » C’est particulièrement le cas pour les jeunes actifs avec un fort pouvoir d’achat qui vont plébisciter des marques comme Cartier ou Hermès. La seconde catégorie est davantage tournée vers « la créativité et la sensualité des produits. » Les marques qui représentent ce concept sont Gucci, Hugo Boss ou Jean- Paul Gaultier. Le troisième secteur est attaché à « la perte de notion de temps et la réputation internationale » avec des marques comme Louis Vuitton ou Porsche. Enfin, la quatrième catégorie met en avant « la rareté rattachée à la possession et à la consommation de la marque. » Chaque consommateur va donc avoir une perception différente des marques de luxe qui vont conditionner son comportement en fonction de la représentation qu’il en a. Le consommateur va donc adopter des comportements différents en fonction des secteurs, des moments... Si les comportements des consommateurs sont façonnés principalement par tous les facteurs précédemment cités, il est intéressant pour cette étude d’analyser plus en profondeur la motivation sociologique à l’achat d’une marque de luxe. 2. Signification de la marque de luxe pour le consommateur Si les auteurs comme Kapferer (43) remarquent une certaine poussée d’intérêt pour les marques de luxe, ce n’est pas qu’en raison d’une recherche de qualité ou d’esthétisme. Il y a une signification très forte derrière une marque de luxe qui va également pousser le consommateur à agir. Cette signification est souvent liée à un certain statut social. Certaines personnes consomment donc des marques de luxe avec pour motivation, un mimétisme social. Mais en quoi le luxe pousse-t-il au mimétisme social ? Pour Kapferer, le luxe est « une façon de marquer la différence entre les différentes sociocatégories et cela a toujours été le cas. » Posséder des produits de marques de luxe représente généralement l’appartenance à une catégorie sociale élevée, à laquelle les autres n’auront pas accès. Ce phénomène est généralement appelé « consommation ostentatoire ». Une notion également abordée dans le Mercator (44) qui la définit de la manière suivante : elle « sert 29
  • 30. d’identification à une classe sociale ou à un mode de vie, soit pour confirmer l’appartenance de l’individu à la classe sociale, soit pour manifester son aspiration à y appartenir. » Le luxe est donc une entité de sens qui signifie beaucoup et qui n’est pas réservé qu’à ceux qui en ont les moyens. Deux désirs semblent se conjuguer, un dit « autoprojectif » qui va correspondre à ce que l’individu convoite et un dit « triangulaire », en lien avec ce que les autres possèdent. Ce qui rejoint, selon Marie-Claude Sicard (45), la théorie de René Girard expliquant que « l’Homme est un animal mimétique, nous ne désirons rien par nous-mêmes, mais seulement ce qui a été désigné par autrui, directement ou indirectement, sciemment ou inconsciemment. » Nous ne serions donc pas maitre de nos propres désirs. Ces derniers seraient donc calqués sur la consommation d’autres individus faisant partie de notre communauté. Les individus vont chercher à s’identifier à une certaine classe sociale pour manifester leurs aspirations à appartenir à ce style de vie. Une idée de communauté transparaît donc avec une culture que le consommateur s’approprie et partage (avec la communauté ou avec les autres). C’est ce qu’on appelle aussi « l’effet Veblen » (46) : en acquérant un produit de luxe, le chaland aura l’impression de changer de statut social en se sentant lui-même extraordinaire, en sortant du lot. Selon Marie-Claude Sicard, c’est « cette autorité qui est la clé du luxe, lequel est fondamentalement un désir, une tension, donc un écart à remplir, à combler. » En achetant un produit de luxe, le consommateur tente donc de remédier à un désir insatiable et fort qui est celui de la reconnaissance (voire de l’admiration) par autrui. Le prix élevé des produits n’est plus un frein comme l’explique Veblen, il devient paradoxalement un critère d’achat. Le luxe est un des seuls, si ce n’est le seul secteur où plus un prix est élevé, plus la demande est forte. Une tendance qui n’a pas échappé aux marques de luxe comme le révèle Gilles Lipovetsky au journal Le Monde (47) : « Et si, en conquérant un marché de plus en plus large, le luxe est parvenu à ne pas perdre son pouvoir d'attraction ni son statut d'exception, c'est qu'il y a moins démocratisation du luxe que démocratisation de masse du désir de luxe ». De plus en plus d’individus veulent donc accéder à ce secteur. Pour toucher du doigt ce désir, les consommateurs vont alors davantage se laisser aller à l’achat, s’autorisant de temps en temps une « folie ». Si l’ensemble de la population semble être assez réceptive lorsque l’on évoque le luxe, certaines y sont plus sensibles. Quelles sont-elles ? 30
  • 31. Les célébrités : bien que cette catégorie représente une part infime de la population, il convient de la prendre en compte dans cette étude. En effet, les stars sont friandes du monde du luxe, autant que le luxe l’est d’elles. Les célébrités de par leur statut ont accès à des produits de grande qualité, en rapport avec le monde auquel elles appartiennent : celui du rêve et du désir, qui contribue donc à les mettre en valeur. Luxe et célébrités sont donc largement compatibles. De plus, elles constituent un faire-valoir pour les marques qui vont donc faire en sorte de les équiper pour ajouter une dose supplémentaire d’admiration et d’envie à leurs produits. Les personnes aisées : de par leurs revenus, cette catégorie de population est également la plus favorisée en terme d’accès aux biens de luxe. Marie-Claude Sicard (48) explique que « la foule des clients de luxe se trouve actuellement au sein de deux populations : les baby-boomers (nés entre 1946 et 1964) et leurs enfants (nés après 1977). » Cette catégorie sociale aisée va donc consommer des biens de luxe pour diverses raisons : démonstration sociale, dépenses en relation avec les revenus, volonté d’appartenir à un groupe... Les populations défavorisées : comme nous l’avons précédemment évoqué, les catégories sociales ayant un revenu bas sont tout autant attirées par le luxe que les autres. En effet, ce domaine est synonyme d’accomplissement social, de réussite et de rêve, ce qui séduit ce type de population qui souhaitent s’accomplir d’avantage. Les populations jeunes : les générations Y et Z sont également sensibles au luxe. Ainsi, une étude IPSOS (49) révèle que 63 % des personnes de la génération Y « considèrent le luxe comme « inaccessible », et la moitié n’y a accès que de façon très occasionnelle » même si 33 % d’entre eux dans les pays développés se disent très intéressés par le luxe qu’ils définissent comme « pur plaisir, un moment d’émotion ». Chez les plus jeunes, le luxe est perçu comme un moyen de séduire : « 67 % des 15-24 ans attendent d’une marque de luxe qu’elle leur permette d’être « plus séduisants ». Surtout, la possession de produits ou marques de luxe confère la confiance qui manque souvent à cet âge. » Les jeunes en milieu défavorisé : cette catégorie constitue le cœur de cette étude. En effet, leur relation au luxe est très particulière car on retrouve chez eux des motivations propres aux jeunes (besoin de confiance, de plaisir...) et aux populations défavorisées (besoin d’accomplissement, d’intégration sociale...). Cette appartenance à deux segments de la population en fait un objet d’étude riche et intéressant au niveau comportemental-social et marketing. Nous avons pu voir dans cette première partie que les marques de luxe sont porteuses d’une identité et d’une image forte qui vont révéler chez les consommateurs des comportements bien particuliers : désir, imaginaire, ascension sociale... Le luxe répond donc à différents 31
  • 32. besoins et préoccupations qui font de ces marques des entités de sens très différentes des marques de masse. Les jeunes en milieu défavorisé ne vont donc pas échapper à cet engouement autour de ce secteur si particulier. Nous allons donc voir dans cette seconde partie le contexte sociologique dans lequel évolue cette population, leurs habitudes de consommation, mais surtout le rapport qu’ils entretiennent avec les marques de luxe et les dérives que cela peut entrainer (contrefaçons...) 32
  • 33. II. Les jeunes en milieu défavorisé et leur rapport aux marques de luxe Avant de rentrer dans une étude analysant les habitudes de consommation des jeunes en milieu défavorisé, leurs rapports aux marques de luxe, ainsi que le phénomène de la contrefaçon - particulièrement présent dans les banlieues - il convient d’aborder le contexte sociologique qui entoure cette population. Ceci afin de mieux comprendre les comportements de consommation, leurs spécificités et leurs dérives. A. Contexte Généralement, les populations les plus démunies sont présentes dans les banlieues des grandes villes françaises comme Paris, Lyon et Marseille. Mais comment ces quartiers sont-ils nés ? Quelles sont les données sociologiques dont on dispose actuellement pour connaitre le mode de vie de ses habitants ? Voici donc quelques éléments de réponses qui aideront à comprendre les comportements de consommations des jeunes qui y résident. 1. Les origines des banlieues D’où viennent les banlieues ? Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’une banlieue ? On dénombre trois définitions de la banlieue : juridique, géographique et sociologique. Pour le Larousse (50), une banlieue est « un espace urbanisé situé à la périphérie d'une ville centre et dépendant de celle-ci pour les emplois, les services (notamment les commerces) et les transports. Selon les pays, la banlieue représente des portions plus ou moins importantes de l'espace national et regroupe un pourcentage très variable de la population totale. » Cette définition est donc très orientée sur l’aspect géographique de la banlieue. La définition juridique du Larousse est plus axée sur la question administrative de la banlieue : « ensemble des localités administrativement autonomes qui environnent un centre urbain et participent à son existence. » Or, le terme « banlieue » a également une connotation sociologique. Le Larousse évoque alors deux types de banlieues : les banlieues aisées et celles plus sensibles. Les banlieues aisées sont nées d’une volonté des individus de se mettre à l’écart des grandes villes pour profiter d’un certain confort de vie. Mais, toutes les populations ne font pas ce choix, comme l’explique cette encyclopédie « Le choix de la banlieue dite « résidentielle », avec la connotation valorisante pour le cadre de vie qui est alors attachée à ce mot, est réservé aux familles aisées. » 33
  • 34. En effet, un autre type de banlieue résulte plus d’une contrainte que d’un choix. Les habitants de ces quartiers ont été soumis à un exil forcé dû au coût trop élevé de l’immobilier en centre ville. On note alors un « mal des banlieues » synonyme de difficultés sociales, formées par la précarité, l’insécurité et auxquels les habitants sont en proie. Depuis des années le terme « banlieue » a donc pris une connotation très négative auprès des médias, des politiques et de l’opinion publique. Mais comment ces banlieues dites « sensibles » sont elles nées ? Contacté par téléphone, Laurent Mucchielli, sociologue et directeur de recherches au CNRS situe la naissance des banlieues défavorisées au XIXème siècle, période d’industrialisation et de croissance urbaine. De fait, des zones urbaines se sont développées autour des grandes villes industrielles pour loger les classes populaires, à la différence du modèle anglo-saxon qui lui, y place les populations aisées. Cependant, entre les années 50 et 70, durant la dernière phase d’actualisation du processus, une grande crise de l’immobilier a affecté les villes avec une répercussion durable sur ces banlieues. Les logements se font rares, deviennent rapidement obsolètes en matière de norme et insalubres : « ni sanitaires, ni wc intérieurs dans la plupart des cas, et l’eau courante dans à peine la moitié des logements. » note Annie Fourcaut (51), professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris I, directrice du Centre d’histoire urbaine. Si ces zones urbaines étaient considérées au départ comme un progrès, ce ne fut plus le cas lorsqu’à partir des années 70, la France est entrée dans une période de chômage de masse. Le pays se retrouve alors avec une crise du modèle qui avait pourtant si bien fonctionné jusqu’alors. Le travail a commencé à manquer dans les grandes villes, ce qui a entrainé une baisse du niveau de vie des ouvriers logés dans les banlieues et constituant ainsi un problème majeur de précarité. Les grandes villes comme Paris, Lyon et Marseille offrant au départ des embauches d’ouvriers grâce à l’industrialisation ont ensuite eu à assumer des zones urbaines où le chômage frappait massivement, entrainant précarité, rupture sociale et conflits politiques. Dans les années 1980, l’expression « crise de banlieue » entre en scène et ne quittera plus débats, articles de presse et discours politiques. Stigmatisées dès lors, la plupart de ces populations se retrouvent dans le cercle infernal des préjugés renforçant une rupture sociale qui amène violences, pauvreté et insécurité. Après l’origine des banlieues, il convient de s’intéresser aux données démographiques de ces dernières. 34
  • 35. 2. Démographie dans les banlieues Les données actuelles dont disposent les sociologues sur ces quartiers, nous permettent de mieux cerner cette population qui ne cesse d’évoluer depuis les années 80 et donc de mieux comprendre les comportements de consommation. Les banlieues défavorisées, appelées également Zones Urbaines Sensibles (ZUS) seraient au nombre de 500 en France pour 5 millions d’habitants y résidant, selon Jacques Pain (52), professeur de Sciences de l’Éducation et responsable du secteur de recherches « Crise, école, terrains sensibles ». Voici une carte de France situant les différentes ZUS et les spécificités régionales liées à ces quartiers : Parmi ces 5 millions de personnes, plus de 1,7 millions sont des jeunes de moins de 25 ans explique Fabien Kay (53), directeur d’études chez Eurostaf et auteur de L’impact du phénomène banlieue sur les marques de prêt-à-porter. Jacques Pain évalue qu’un « enfant sur deux naît en France dans une banlieue ». Ce qui nous donne un indicatif non négligeable du nombre de futurs jeunes consommateurs que les marques pourront toucher. Ces chiffres nous apporte la certitude que la population résidant dans les quartiers difficiles est loin de représenter une minorité et constitue, bien au contraire, une cible potentielle pour les marques. 35
  • 36. En termes de revenus, les habitants des ZUS sont bien souvent soumis à une certaine précarité. C’est ce que confirme le rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) de 2012 (54). « Le revenu fiscal moyen par unité de consommation1 de la population des ZUS s’élève à 12 345 € annuels, soit à peine plus de la moitié (55%) de celui de leur unité urbaine. » On peut donc voir ici que les revenus sont exceptionnellement bas dans ces zones. La part de population vivant sous le seuil de pauvreté (964 € mensuels) bat également de tristes records puisqu’il est 2,9 fois supérieur à celui des agglomérations, atteignant ainsi les 36,1 %. Les plus touchés sont les jeunes (qui représentent 40,7 % de cette population) et les personnes âgées. Le chômage est aussi très présent en ZUS puisqu’en 2011 « parmi les résidents de Zus âgés de 15 à 64 ans, 61,6 % sont actifs : 47,6 % sont en emploi et 14,0 % sont au chômage. » Une part qui ne cesse d’augmenter, prenant + 0,5 point entre 2010 et 2011. Le taux de chômage (« rapport du nombre de chômeurs au nombre d’actifs ») est alors affecté puisqu’il « passe de 21,9 % en 2010 à 22,7 % en 2011. » Cette tendance est particulièrement présente dans la tranche d’âge qui nous intéresse : les 15 - 24 ans. En effet, « en Zus, un jeune sur cinq est en emploi et un jeune sur sept au chômage. Le taux de chômage des jeunes (rapport du nombre de chômeurs au nombre d’actifs) reste donc très élevé (40,7 %), bien que relativement stable par rapport à 2010. » Des données peu réjouissantes donc, laissant entrevoir un avenir précaire pour ces jeunes. Postulat que confirme Jacques Pain (55) : « 60 000 jeunes, pour ne prendre que le chiffre le plus bas cité, sortant de l’école sans qualification chaque année, suivent le taux de chômage des moins de 25 ans. » Ces conditions de vie ne forment donc pas un cadre favorable à une scolarité aisée. Ainsi, Jacques Pain fait ressortir l’écart flagrant entre le niveau scolaire constaté en ZUS et la moyenne nationale, expliquant que 25 % d’élèves les plus faibles se trouvent dans ces quartiers. Par ailleurs, il note également des « écarts de connaissances en termes scolaires » allant de 1 à 3 points par rapport à la moyenne nationale. L’encyclopédie Larousse (56) évoque également l’échec scolaire : « tous les ans, plus de 160 000 d'entre eux sortent du système scolaire sans formation, et sept jeunes sur dix issus de l'immigration sont exclus du marché du travail. » Ceci malgré la politique des Zones d’Education Prioritaires (ZEP). En ZUS, la filière professionnelle est plus prisée qu’ailleurs. C’est ce que révèle l’étude de l’ONZUS (57) qui note que « La part des élèves issus de collèges de ZUS qui ne se retrouvent pas un an plus tard au lycée est de 10,9 % (contre 12,5 % des élèves de collèges hors ZUS). » De plus, 27,3 % des élèves issus d’établissements en ZUS vont se diriger vers les formations professionnalisantes de type BEP, CAP... 36
  • 37. Ainsi, la fréquentation des filières générales est inférieure à celle de la moyenne nationale : « 24,6 % pour les collégiens issus de d’établissements en ZUS s’orientent vers une 1ère S, L ou ES contre 37,4 % des élèves issus de collèges en dehors de ces quartiers. » Concernant donc le secondaire, « on compte près de 411 000 élèves du lycée qui résident en ZUS », représentant alors « 7,3 % de l’ensemble des élèves du secondaire. » Enfin, il est intéressant de relever que « près de deux élèves du secondaire sur trois résidant en ZUS sont scolarisés dans un établissement de l’éducation prioritaire. » En ce qui concerne la santé, l’étude révèle que l’accès aux soins reste difficile pour les adultes résidant en ZUS, ce qui entraine une baisse du niveau de santé chez cette population. « Le fait que les habitants des ZUS se déclarent en moins bonne santé peut être lié à des difficultés financières et d’accessibilité géographique dans l’accès aux soins » explique le rapport de l’ONZUS. « En outre, près d’un résident sur quatre des Zus (23 %) déclare avoir déjà renoncé à des soins pour raisons financières, contre 15% dans le reste de la France. » Ces chiffres renforcent les sentiments de précarité et d’exclusion sociale présents dans les banlieues. Les différents éléments démographiques que nous avons pu mettre en lumière (revenus, chômage, scolarité, accès aux soins) nous ont permis de dresser un portrait de la précarité touchant les populations des ZUS. De plus, nous avons pu voir que les jeunes sont particulièrement atteints par ces troubles. L’avenir ne leur laisse entrevoir que peu de choses positives, ce qui entraine un mode de vie tout aussi instable que leur situation. 3. Mode de vie Au vue des données démographiques, la situation dans les ZUS est particulièrement difficile, amenant alors un mode de vie particulier, souvent empreint de dérives comme : la délinquance, un certain langage et une discrimination forte envers ces populations. La délinquance dans ces quartiers sensibles est souvent mise en avant par les médias. Or, il semblerait que cette dernière soit en baisse selon l’ONZUS. Ainsi, « en 2011, le taux de délinquance constatée en ZUS s’élève en moyenne à 47,7 faits pour 1 000 habitants, soit un taux inférieur de plus de 13 % à celui des circonscriptions de sécurité publique (CSP) dont dépendent ces quartiers. » Quartier de Félix Pyat à Marseille (ZUS) 37 DR
  • 38. Les atteintes aux biens ont baissé de 6,1 % dans les ZUS entre 2010 et 2011. De même que les atteintes aux personnes ont elles aussi connu une baisse de 2,7 % dans le même laps de temps. Ces statistiques découlent des plaintes faites par les victimes de ces infractions, on peut donc imaginer que ces chiffres sont inférieurs aux chiffres réels. Il faut également noter que le taux de délinquance varie « du simple au triple selon les régions. Ainsi, si le taux moyen de faits constatés est de 19,7 pour 1000 habitants dans les ZUS d’Auvergne, il est de 66,0 pour 1000 pour celles implantées en région Provence- Alpes-Côte-d’Azur. » Si la délinquance reste donc importante dans les ZUS par rapport aux autres quartiers, elle est en net recul depuis quelques années, bien que ces données ne soient pas en accord avec ce que les médias véhiculent souvent. Les jeunes de banlieues ont souvent leur propre langage faisant partie de leur culture. Une façon de parler qui « amuse, fascine et inquiète » comme l’explique Jean-François Dortier dans le magazine Sciences Humaines (58). Un langage qui fascine donc et qui n’a pas manqué de succès puisque plusieurs dictionnaires du « parler jeune » ont été publiés comme La Teci à Panam. Parler le langage des banlieues de N. Saiki et P. Aguillou. Néanmoins, cette façon de s’exprimer cache un problème social beaucoup moins léger et peu donc inquiéter comme le confirme Jean-François Dortier « On se soucie notamment de la pauvreté et de l'agressivité du vocabulaire employé (« Putain, y m'bat les couilles, ce bâtard », qui choque dans la bouche d'une adolescente de 13 ans). » La crainte la plus importante est souvent celle de la contamination de la langue française qui provoquerait un appauvrissement de cette dernière. Par ailleurs, l’article conclut par l’avis de « Jean- Pierre Goudaillier, professeur à la Sorbonne et auteur de Comment tu tchatches  !, qui craint quant à lui qu'une véritable fracture linguistique vienne se superposer à la fracture sociale et enferme les jeunes des cités dans une sorte de ghetto culturel. » On peut noter plusieurs types d’argots selon l’auteur : le verlan (inversion des syllabes), l’emprunt de mots aux langues étrangères, les métaphores, la resufixation (ajout d’un suffixe) et le retour d’expressions anciennes. Le « parler des cités » a souvent pour but de constituer un « marqueur identitaire » pour se distinguer. Ce langage est aussi lié à des problèmes scolaires comme l’explique Jacques Pain (59) : « à l’école se présenteront les problèmes dits de langage, plus liés à la pratique de l’oral, normalement multipliés par les nationalités et les cultures. » Ce langage bien particulier conduit également à la stigmatisation comme l’explique Marie Huret dans un article pour Marianne (60) : « La fracture linguistique entre le « français officiel » et le « dialecte des quartiers » ne cesse de creuser le fossé entre deux univers. Et freine l'intégration. » Malheureusement, le langage n’est pas le seul critère discriminant : les jeunes évoluent « dans des conditions où la précarité familiale, par le nombre ou par la monoparentalité, 38
  • 39. l’emploi, la santé, le regroupement captif en cités, marquent un statut connoté de stigmatisation » note Jacques Pain (61). Par ailleurs, le rapport de l’ONZUS (62) révèle que « 17 % des habitants des ZUS de 18 à 50 ans se déclarent victimes de discriminations en raison de leur origine ou de leur couleur de peau, contre 6 % hors ZUS. » Le mode de vie des jeunes est donc bien particulier, marqué par des déséquilibres sociaux importants (discrimination, délinquance...) qui rendent leur quotidien difficile, instaurant parfois un véritable clivage avec le reste de la population. Cette partie orientée sur le contexte dans lequel vivent les jeunes en milieu défavorisé nous a permis de mieux cerner cette population afin d’en comprendre les comportements de consommation et le rapport entretenu avec les marques. B. Consommation des marques de luxe Nous avons donc pu analyser en première partie, le comportement des consommateurs face au luxe de manière générale, ainsi que la signification du luxe pour ces derniers. Nous allons à présent resserrer cette étude autour des jeunes issus des ZUS. Les banlieues de type ZUS sont touchées par de nombreux maux qui vont définir des habitudes, mais aussi des besoins et des motivations de consommation différents d’un autre groupe de consommateurs. Au vu du contexte social dans lequel ils évoluent, quel est leur comportement d’achat face aux marques de luxe ? Qu’est-ce que ce secteur reflète pour eux ? Mais avant tout, comment le consumérisme présent en France influence leur comportement ? 1. Le consumérisme en France influence les jeunes des cités La population entière est touchée de quelque manière que ce soit par les marques de luxe, comme le rappelle Laurent Mucchielli, contacté par téléphone : « il n’y a pas que les jeunes des banlieues qui aiment les marques. C’est un préjugé faux : tout le monde aime l’argent et le luxe. Le comportement des plus pauvres est le même. » Pour lui, les jeunes issus des milieux défavorisés avaient donc un comportement de consommation identique aux autres catégories sociales. Simon Barthe, psychologue clinicien et directeur de la DRAILLE (accueil et hébergement d’urgences sociales) que j’ai eu l’occasion de rencontrer, donne une version un peu plus détaillée de ce postulat : « il y a un discours consumériste très présent dans la nation aujourd’hui, avec un secteur du luxe qui se porte bien malgré la crise. Nous vivons dans une société organisée autour de cette forme de consommation et non pas autour de celle 39
  • 40. des besoins primaires. Si on s’oriente vers le luxe c’est souvent pour le côté narcissique de posséder ce qui est rare et cher. C’est une forme de réalisation personnelle qui est de se distinguer de tout le monde en se payant du luxe. La situation de crise accroît ce désir, si tout le monde pouvait s’offrir du luxe alors il perdrait de son attrait et de sa valeur. » Si la société est façonnée ainsi, c’est aussi à cause des entreprises qui ont voulu élargir leurs clientèles en jouant sur la sensibilité des enfants, créant ainsi une forme de besoin : nous sommes plongés dans ce système de consommation basé sur le désir et ce, de plus en plus tôt, comme le précise Simon Barthe. Depuis la télévision, les techniques de communication ont commencé à faire appel aux sens. Le système de la PNL (programmation neuro-linguistique) est donc souvent utilisé car selon leur éducation, les personnes vont utiliser des sens plus que d’autres. C’est un moyen efficace de communiquer avec sa cible selon un canal adapté. Les jeunes des banlieues semblent plus sensibles à la vue et vont alors plébisciter les produits « qui se voient. » Si l’attrait pour les marques reste général, chaque groupe ou catégorie de consommateurs adopte des comportements de consommation différents, variant en fonction de leurs motivations, des besoins ou des reflets des marques (comme nous avons pu le constater dans la première partie.) Alors quel est le comportement d’achat propre aux jeunes habitant dans les zones urbaines dites sensibles ? Car il semblerait bien qu’ils agissent en fonction de besoins et de motivations différentes des autres groupes de consommateurs. 2. Comportement de consommation des jeunes Avant de décrire le comportement de consommation des jeunes de banlieues aujourd’hui, il convient de retracer l’histoire de la consommation dans les banlieues défavorisées. Pour expliquer cette dernière, Simon Barthe remonte à l’époque du prolétariat. Il souligne alors qu’au XIXème et XXème siècle, il existait une fierté prolétaire grâce à l’essor idéologique important insufflé par Karl Marx : les gens portaient haut leur travail malgré leurs conditions difficiles. Les enfants des immigrés baignaient dans cette culture où l’on avait du travail et où l’on apprenait beaucoup. C’était en quelque sorte une nourriture narcissique. Or, lorsque ce modèle s’est effondré et que le chômage de masse est apparu, toute cette culture construite autour de la fierté du travail ne pouvait plus exister. La culture des banlieues a pris d’autres formes. Sans travail les gens ne se distinguaient plus que par les marques et l’imagerie qu’apporte leur manque dans une société capitaliste. Thomas Sauvadet (63), sociologue, écrit dans Sciences Humaines une idée qui rejoint ce constat : « Précisons que le consumérisme des 40
  • 41. jeunes de rue n’est pas uniquement lié au succès du branding, il renvoie aussi au matérialisme de cette jeunesse, matérialisme dans le sens où elle affronte d’innombrables difficultés matérielles. » Les individus sont, à présent, sociologiquement dominés dès l’école avec un distinguo visible entre les « enfants de pauvres » et les « enfants de riches » explique Simon Barthe. Aujourd’hui, les jeunes commencent à s’intéresser aux marques à la puberté (et de plus en plus tôt) pour se rendre indépendant vis-à-vis des parents, puis pour rentrer dans un schéma de la séduction du sexe opposé et de la séduction sociale. Un sentiment partagé par Moustapha Anseur, éducateur spécialisé à l’Institut Thérapeutique, Educatif et Pédagogique (ITEP) des Etoiles : « on peut repérer cet intérêt au moment d’une certaine prise de conscience due à la puberté, où l’on va s'inquiéter de son image. Il s’agit d’un déclic pour exister, pour séduire et la marque semble alors être un moyen d’atteindre ces objectifs et de se raccrocher à la normalité. » L’éducateur distingue également un autre élément déclencheur : l’environnement de l’enfant. En effet, il précise que l’attirance pour les marques peut également venir de l’environnement : « la télévision, la manière de consommer des parents et l’environnement peuvent influencer cela. Ils ont été habitués à ce que les marques aient une importance dans le quartier et pour leurs proches. » Selon Simon Barthe, la société consumériste actuelle pousse les personnes à se distinguer en montrant que l’on peut dominer grâce à ce que l’on va posséder. Ainsi, les dépenses en prêt-à-porter chez les jeunes de banlieues peuvent aller jusqu’à 600 euros par mois avec un minimum de 100 euros, selon l’étude Eurostaf (64). On peut voir également que les rappeurs ou chanteurs de R&B actuels prônent ce système de réussite sociale dans leur clips et chansons, mettant en avant l’argent, les femmes et les objets ostentatoires comme les voitures ou les accessoires clinquants aux logos apparents. Le rappeur La Fouine, ci-dessus, arbore un bijou en diamants à son effigie, des lunettes de marque et une casquette logotée : aujourd’hui signes d’ascension et de réussite personnelle. Les jeunes des cités cherchent donc à se marginaliser tout en respectant les codes de la société à laquelle ils appartiennent. « La mode a toujours existé : il faut avoir un peu de ce que tout le monde a. Les jeunes s’imposent cet uniforme, ils veulent faire partie du groupe tout en s’y distinguant. Ils auront alors leur existence propre en adoptant les codes du groupe, avec une touche (un produit de luxe comme des chaussures, un sac ou une ceinture de luxe) qui a l’avantage d’être abordable et qui les distingue » souligne Simon Barthe. 41 DR
  • 42. Ce comportement est alors de l’ordre de la séduction, il faut appartenir à un groupe, y être considéré et accepté. Cela va se faire par le biais d’objets qui attirent l’œil, comme les produits de luxe qui vont les aider à se distinguer par le regard. D’ailleurs, la vue est un des sens les plus sollicités depuis la démocratisation de la télévision. Les publicités (surtout celles du secteur du luxe) n’ont alors cessé de jouer sur ce sens. Quels sont alors les différents besoins éprouvés par ces consommateurs face aux marques de luxe ? La pyramide de Maslow nous donne des indications sur leurs motivations d’achat. On retrouve chez eux les besoins d’appartenance, d’estime et d’accomplissement. Appartenance car comme nous l’avons vu, il y a un réel désir d’appartenir à un groupe pour exister. Pour cela, il faudra adopter ses codes pour ne pas être rejeté. C’est d’ailleurs ce que corrobore l’explication de Moustapha Anseur : « il y a une quête d’identité qui passe par des références à des idoles de la musique ou du football. Ces dernières portent des marques, alors les jeunes se réfèrent à cela et recherchent ainsi à atteindre la norme. En effet, pour trouver leur propre style, ils vont voir les clips, un style uniforme qui ne leur permettent pas, finalement, d’exprimer leur propre identité. La marque est donc utilisée pour intégrer un groupe social et avoir une image conforme aux demandes de la société. Une intégration qui ne passe pas par le côté intellectuel dans les quartiers. Etre bon à l’école est plutôt vécu comme une différence, ce qui est dur à assumer car le regard des autres indique « tu n’es pas comme nous ». Le plus facile est alors d’intégrer le groupe par le biais des marques. » Le besoin d’estime découle du fait que ces grandes enseignes de prêt-à-porter, permettent une « valorisation de l’existence » selon Moustapha Anseur. Pour exister aux yeux des autres, les marques sont une forme de carte d’entrée. « Les jeunes cherchent à avoir « la classe » et à être mieux que l’autre, en ressemblant aux canons des clips ». C’est ce qu’appuie également Isabel Gutierrez dans un article pour Marketing Magazine (65) : « il y a une quête désespérée d'identité, de repères et de valorisation pour des jeunes qui, à défaut de trouver des valeurs, réinventent les leurs. » Ils vont donc construire leurs propres critères de réussite et de valeurs pour former une identité qui leur est propre. Porter des marques devient un critère d’acceptation et d’estime. Enfin, le besoin d’accomplissement va provenir du fait que la possession de marques donnera aux jeunes l’illusion, ou la preuve, d’une ascension sociale ou d’une réussite financière. Pour Diane Godby-Debray, éducatrice scolaire, il y a deux moyens d’atteindre l’accomplissement pour les jeunes : « quand ils ont des vêtements de marques soit par leurs parents, soit par un système tiers, ils atteignent un accomplissement temporaire car ils sont parvenus à obtenir l’image qu’ils souhaitaient. Les jeunes vont également pouvoir atteindre un accomplissement partiel grâce aux contrefaçons qui ressemblent aux 42
  • 43. originaux. L’accomplissement total va alors être de se procurer de véritables produits, ce qui est souvent difficile au vu des prix. » Cependant, la pyramide de Maslow devient faussée dans notre cas, comme le relève Simon Barthe : « s’ils n’avaient pas de quoi manger ils ne feraient pas le sacrifice. Tout le monde mange à sa faim dans les cités malgré la précarité. C’est n’est donc pas une progression constante dans les différents stades de la pyramide. Après les besoins physiologiques, il semble ici que le besoin d’estime prend plus d’importance que celui de la sécurité. Cette tendance est poussée à l’extrême dans notre société consumériste : les gens ont un rideau en guise de porte mais un écran plat dans le salon. Ce cas était déjà présent dans les années 1980 à Marseille, par exemple. C’est encore plus vrai ici, où nous sommes dans une culture méditerranéenne où l’on fait plus attention à l’apparence. » Pour Moustapha Anseur, le besoin d’estime est également le premier besoin qui ressort. En effet, une fois que les jeunes atteindront une certaine estime d’eux-mêmes grâce aux marques, ils se penseront alors capables d’appartenir à un groupe puisqu’ils répondent aux critères de ce dernier. Il est également intéressant de se pencher sur l’application des facteurs de Kotler à cette population. En effet, tous les facteurs qu’ils soient psychologiques, personnels, psychosociaux ou culturels semblent être présents dans les motivations d’achat d’un produit de luxe. Facteurs psychologiques : ils vont toucher aux croyances, à la perception et à la personnalité du consommateur. « On sait ce que tu es quand on voit ce que tu possèdes, petit frère le sait et garde ce fait en tête, l’argent lui ouvrirait les portes sur un ciel azur. [...] Le grand standing est tout ce dont il a envie, ça passe mieux quand tu portes Giorgio Armani, soucieux du regard des gens. » Petit Frère, IAM. Ici, les jeunes issus des banlieues vont faire en sorte d’être perçus de la meilleure façon possible au sein de leur communauté en arborant des produits liés à la mode, à la richesse qu’ils souhaitent atteindre. Il semblerait que l’acceptation et le respect passe, selon eux, par l’apparence, signe de réussite extérieure. Par ailleurs, leur personnalité feront qu’un choix simple s’opère entre faire pitié et faire peur au reste de la population. C’est ce que Thomas Sauvadet (66), met en lumière dans un de ses articles : « Si la déviance fait peur, la pauvreté, en général, fait pitié : les jeunes des rues préfèrent faire peur que pitié, « comme tout le monde » serait-on tenté de dire. Le premier stigmate à combattre n’est donc pas celui du déviant, mais celui du pauvre. » 43