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- 1. Perspective actionnelle
et
autonomie chez lâapprenant
dans les manuels
Tout Va Bien ! 1 et Latitudes 1 :
Une analyse comparative
Par Raquel Pollo Gonzalez
Master 1âMention Sciences du langage
SpĂ©cialitĂ© : Français Langue ĂtrangĂšre (FLE) -3 crĂ©dits
AnnĂ©e universitaire 2011-2012 â 1Ăšre Session
Dossier : Courants méthodologiques et analyse de méthodes
(Avant Ăvolution des courants mĂ©thodologiques).
Enseignants : Charlotte Dejean-Thircuir et Catherine Metton
Nom : Pollo Gonzalez ; PrĂ©nom : Raquel/ No. Ătudiant : 21033557
- 2. 2
Sommaire
1. Introduction : le choix des méthodes, le thÚme, les aspects à comparer. (p. 2- 3)
2. Présentation factuelle des deux manuels.
Quelques nuances, remarques, critiques et observations subjectives. (p. 3-6)
3. Lâapproche actionnelle et la notion de tĂąche dans les deux manuels.
Analyse de la mise en Ćuvre : tĂątonnement ou rĂ©ussite ? (p. 6-11)
3.1 Lâapprenant comme acteur social et la classe comme microsociĂ©tĂ© :
Ă la recherche des allures dâune dimension collective dans les deux mĂ©thodes. (p. 11-12)
4. AutoĂ©valuation de lâapprenant versus autocorrection : de lâintention non factuelle Ă lâatteinte. (p. 12-13)
5. Lâautonomie chez lâapprenant : autoĂ©valuation et stratĂ©gies dâapprentissage. (p. 14-15)
6. Conclusion (p. 15-16)
7. Bibliographie (p. 17)
1. Introduction : le choix des méthodes, le thÚme, les aspects à comparer.
Les deux manuels qui seront comparés au long de ce travail sont Tout va bien 1 1 et
Latitudes 12. Cette analyse comparative a constituĂ© lâĂ©valuation finale dâun des cours (Courants
mĂ©thodologiques et analyse de mĂ©thodes) dâun programme de Master 1 que jâai suivi avec lâUniversitĂ© Stendhal
Grenoble 3 (France), Ă distance, depuis Cuba.
Professeure de FLE Ă lâAlliance française de La Havane (Cuba) depuis 2005 et ayant utilisĂ© Tout
Va Bien ! 1et 2 dans mes cours3
, je considĂšre mâĂȘtre appropriĂ©e ce manuel par lâusage et ĂȘtre en mesure
de lâexaminer aussi du point de vue thĂ©orique. Il mâa semblĂ© intĂ©ressant de lâanalyser maintenant en
prenant un certain recul de la vision utilitaire de laquelle ma pratique professionnelle quotidienne mâa
peut-ĂȘtre imprĂ©gnĂ©e.
Cinq ans aprĂšs son arrivĂ©e Ă Cuba et ayant autant dâadeptes que de dĂ©tracteurs, la direction de
lâAlliance a dĂ©cidĂ© de le remplacer par un autre manuel dâenseignement. Plusieurs possibilitĂ©s ont Ă©tĂ©
envisagées actuellement et différents manuels ont été testés. Certains nous ont été présentés par des
maisons dâĂ©dition dont Latitudes 1.
IntĂ©ressĂ©e par la perspective actionnelle, point capital aujourdâhui en didactique de langues, jâai
voulu Ă©tudier son Ă©volution Ă travers lâanalyse comparative de sa mise en Ćuvre dans ces deux manuels
de FLE. Tout Va Bien 1 a Ă©tĂ© lâune des premiĂšres mĂ©thodes Ă y adhĂ©rer et Latitudes 1, paru plus
récemment, se veut aussi héritiÚre de cette approche et respectueuse des préconisations du CECR.
Dâautre part, captivĂ©e par lâautonomisation de lâapprentissage je nâai pas pu mâempĂȘcher dâobserver le
traitement de lâautonomie chez lâapprenant comme une zone dâintersection de lâapproche actionnelle.
1
H. Augé, M. Cañada Pujols, C. Marlhens, L. Martin, éditions CLE INTERNATIONAL, 2004.
2
RĂ©gine MĂ©rieux, Yves Loiseau, Ă©ditions DIDIER, 2008.
3
AprÚs une formation menée par une des auteures Mme H. Auge.
- 3. 3
Le choix du sujet de mon travail a rĂ©pondu en mĂȘme temps Ă une volontĂ© de contribuer modestement
Ă la sĂ©lection (ou non) dâune nouvelle mĂ©thode Ă lâAlliance française de La Havane, en portant un
regard thĂ©orique sur ces deux manuels, ainsi quâĂ mettre en pratique les outils que ce cours4
mâa fournis
pour analyser, comparer, évaluer des méthodes-manuels, et identifier le courant méthodologique prÎné.
2. Présentation factuelle des deux manuels.
Quelques nuances, remarques, critiques et observations subjectives.
Tout va bien ! 1 est une méthode de français pour adultes et grands adolescents de divers milieux
socioculturels et professionnels. Elle a été conçue pour permettre aux apprenants-utilisateurs
dâatteindre le niveau A2 du Cadre EuropĂ©en Commun de RĂ©fĂ©rence pour les langues (CECRL) dans un
espace dâenvirons 120 heures de cours. En fait, les auteurs partent de ce document pour dĂ©finir
lâapproche linguistique mĂ©thodologique et didactique de la mĂ©thode : Tout va bien ! 1 se situe « dans le
courant dâune perspective de type actionnel »5
. Les auteurs considĂšrent lâapprenant, Ă la suite du Cadre,
comme des acteurs sociaux devant accomplir des tùches «proposées sous forme de problÚmes» (p.10).
Lâautonomisation serait un des points dâencrage de cette mĂ©thode qui conçoit lâapprentissage «comme
un contenu à traiter de maniÚre explicite » (p.11).
Tout va bien ! 1 est constituĂ©e dâun Livre de lâĂ©lĂšve et dâun Cahier dâexercices (tous deux accompagnĂ©s
dâun CD audio), un Livre du professeur et un Portfolio. Le contenu du livre de lâĂ©lĂšve sâorganise autour
de 12 leçons (6 unités ayant chacune 2 leçons), 6 bilans, 2 projets et un précis grammatical. Au début de
chaque unité, les contenus et les objectifs des deux leçons sont annoncés. Les compétences
communicatives langagiÚres -et en général les contenus- ont été introduites dans Tout va bien ! 1 «selon
une perspective volontairement "classique", câest Ă dire en les sĂ©parant par des rubriques diffĂ©rentes »
(p. 10) : « Situations » (communication), Grammaire, Lexique-prononciation, Civilisation, Compétences (activités
de production orale « Parler » ou Ă©crite « Ăcrire »), Bilan Langue (exercices de grammaire, lexique et
prononciation).
Chaque leçon sâorganise autour de 5 doubles pages. Dans chaque leçon, lâentrĂ©e est faite par deux
doubles pages (Ouverture et Situation) pour les leçons 1 et 2, et une double page (Situation) pour le reste
des leçons. Les doubles pages contiennent systématiquement des textes oraux. Je me permets de dire
que le passage dâune double page Ă lâautre sâavĂšre parfois difficile, le Guide pĂ©dagogique nâĂ©tayant pas
suffisamment Ă ce propos. Le caractĂšre de document « construit » sâestompe au fil de la progression et
le degrĂ© de difficultĂ© est croissant. Ce nâest pas le cas du degrĂ© de difficultĂ© pour les questions de
compréhension orale, proposées pour chaque enregistrement tout au long des 6 unités. Une
4
Courants méthodologiques et analyse de méthodes
5
Livre du professeur de Tout va bien ! 1, page 4.
- 4. 4
particularitĂ© Ă signaler : les documents oraux, trĂšs longs et dâune grande complexitĂ© discursive ont
toujours un son de fond (parfois un peu poussé à mon avis) qui leur confÚre plus de difficulté et un
aspect de document authentique. Les documents Ă©crits authentiques et semi-authentiques parfois,
apparaissent notamment dans les pages « Compétences » pour développer la compréhension écrite, et
modeler lâexpression Ă©crite. Les activitĂ©s proposĂ©es dans cette rubrique demandent assez souvent la
participation ludique des apprenants, elles cherchent Ă impliquer le groupe et tiennent compte des
stratĂ©gies dâapprentissage qui peuvent diffĂ©rer dâun individu Ă lâautre6
. Les auteurs ont voulu privilégier
deux grand types de situations de communication : « la situation de communication de groupe ; les
situations de communication simulĂ©es dans le groupe » (p.5) « Lâensemble de ces activitĂ©s vise deux
modes dâapprentissage : un apprentissage individualisĂ©, voire autonome ; un apprentissage de groupe »
(p.9). Il faudrait dire que la Grammaire, dĂ©coulant âcomme dans la plupart des mĂ©thodes- des
documents déclencheurs, est annoncée de façon explicite, présentée par une double page et tient
compte des particularités du public hispanophone. La page Lexique-Prononciation est conformée et
conçue pour la rĂ©utilisation lors des activitĂ©s de production ainsi que pour lâintĂ©gration des
connaissances acquises, plutÎt que comme aide à la compréhension des documents déclencheurs. La
rubrique « Civilisation » introduit des sujets de culture générale « à fin de donner aux apprenants une
connaissance globale de la France (âŠ), de la francophonie (âŠ) » (p.8). Le livre du professeur contient
les objectifs et les contenus de chaque unitĂ©, une proposition dâitinĂ©raire pour chaque leçon, les
solutions aux exercices proposĂ©s dans le livre de lâĂ©lĂšve, les transcriptions des documents sonores, des
indications pour les activitĂ©s, quelques activitĂ©s additionnelles afin dâenrichir et dâapprofondir le travail
des leçons, et des informations complémentaires pour assister le professeur.
Latitudes 1 est Ă©galement destinĂ©e Ă un public dâadultes et grands adolescents. Cette mĂ©thode est
prĂ©vue pour un parcours dâenseignement-apprentissage de 100 Ă 120 heures. Elle doit permettre aux
apprenants de réussir le DELF A1 tout en chevauchant leur progression sur le niveau A2 du CECRL7
.
Latitudes 1 se rĂ©clame elle aussi continuatrice de la perspective actionnelle : grĂące Ă lâacquisition
prĂ©alable de savoirs et savoir-faire communicatifs, linguistiques et culturels, « lâapprenant va devoir
rĂ©aliser des actions sociales quotidiennes qui sâancrent dans un contexte prĂ©cis »8
. Cette méthode
privilĂ©gie aussi lâimplication de lâapprenant dans son apprentissage et met en pratique une pĂ©dagogie de
la dĂ©couverte. De la mĂȘme maniĂšre, Latitudes 1 privilĂ©gie les travaux en groupes pour accroĂźtre la
motivation des apprenants, favoriser la construction de lâapprentissage en collaboration ainsi que pour
rentabiliser le temps de parole. Elle se dit centrĂ©e sur lâapprenant et inscrit son approche de la culture
dans une démarche interculturelle.
6
« Elles font intervenir le corps, lâaffectivitĂ© et la tĂȘte ». Livre du professeur de Tout va bien ! 1, page 9.
7
Les contenus ont été déterminés à partir des référentiels publiés en France chez les éditions Didier Niveau A1 pour le français (2007), Niveau A2
pour le français (2008).
8
Livre du professeur de Latitudes 1, page 3.
- 5. 5
Latitudes 1 est composĂ©e dâun Livre de lâĂ©lĂšve avec deux CD audio inclus, un Cahier dâexercices avec
un CD audio. Les textes oraux sont remarquablement plus courts que dans Tout Va Bien 1 (et peut ĂȘtre
plus nombreux). Latitudes 1 est composĂ©e aussi dâun DVD contenant des sĂ©quences vidĂ©o (de courte
durĂ©e et Ă nature variĂ©e) reliĂ©es thĂ©matiquement Ă chaque unitĂ© et dont lâutilisation reste facultative, un
Guide pédagogique pour le professeur, et un site internet compagnon avec du matériel complémentaire
pour lâapprenant (exercices autocorrectifs) et pour le professeur. Le Livre de lâĂ©lĂšve est structurĂ© en 4
modules de 3 unitĂ©s et un dossier « Outils » en fin dâouvrage. Chaque module est introduit par une
premiĂšre page, « Contrat dâapprentissage », qui prĂ©sente les contenus et les objectifs du module de façon
fonctionnelle (contrairement Ă Tout Va Bien 1), et est fini par un bilan dâautoĂ©valuation (comme câest
le cas de Tout Va Bien 1). Chaque unité -dont la structure est aussi récurrente- se compose de 5 doubles
pages ayant une composition répétitive : on trouve toujours une entrée fonctionnelle (sous un titre
actionnel) au service de laquelle sâajoutent ensuite les contenus linguistiques.
Les unités intÚgrent les contenus en termes de réception orale et écrite, production orale et écrite,
phonĂ©tique, socioculture. Il nây pas de rubrique ou section Grammaire ni Lexique ; le savoir linguistique
nâest jamais annoncĂ© explicitement, ce qui serait une remarquable diffĂ©rence avec Tout Va Bien 1. La
1Ăšre
double page correspond au document de dĂ©part dont les entrĂ©es sâalternent en textes oraux
(majoritairement comme câest le cas de Tout Va Bien 1) et Ă©crit, offrant âcomme dans Tout Va Bien 1-
un contexte pour les occurrences des points de langue abordĂ©s dans lâunitĂ©, et contient les activitĂ©s de
compréhension. La 2e
double page est destinĂ©e aussi Ă la communication voir Ă lâacte de parole -
découlant du document déclencheur- et aux rÚgles de fonctionnement (point de langue-culture) qui
vont ĂȘtre Ă©tudiĂ©es. Sur chaque 3e
double page, on trouvera un nouveau document déclencheur (tantÎt
oral, tantĂŽt Ă©crit), dans lequel il sera question des mĂȘmes personnages (visant le cĂŽtĂ© affectif des
apprenants) tout au long du cours, suivi des tableaux rĂ©capitulatifs utiles Ă lâĂ©tude de lâobjectif
fonctionnel traité. Dans cette double page, consacrée au savoir linguistique mais surtout au savoir-faire,
le travail est proposé de maniÚre trÚs contextualisée. Dans la 4e
double page, le travail précédent est
amorcé par des exercices et des tableaux récapitulatifs (grammaire, lexique, actes de parole). Le savoir
linguistique proposé à chaque fois dans cette double page est aussi conformée et conçue pour la
rĂ©utilisation lors des activitĂ©s de production ainsi que pour lâintĂ©gration des connaissances acquises,
plutĂŽt que comme aide Ă la comprĂ©hension de documents dĂ©clencheurs. LâactivitĂ© de production libre
proposée, toujours annoncée comme « tùche finale », équivaudrait à la double page de production de
Tout Va Bien 1. « CompĂ©tences ». Cette « tĂąche » doit permettre aux apprenants « dâutiliser de maniĂšre
pragmatique, et dans un contexte qui leur parle, lâensemble des points abordĂ©s dans lâunitĂ© »9
. Il leur est
trÚs souvent demandé de travailler en collaboration. La phonétique est proposée ensuite comme étayage
de la production orale, plutÎt que comme aide à la compréhension de documents déclencheurs. à la
9
Livre du professeur de Latitudes 1, page 24.
- 6. 6
différence de Tout Va Bien 1, Latitudes 1 consacre une double page (la 5e
) à la culture -qui est présente
bien au-delĂ , et aborde systĂ©matiquement (dans la rubrique « Et vous ? ») lâinterculturalitĂ© : pistes,
incitations à réfléchir et à échanger sur les ressemblances, les différences, les spécificités culturelles,
favorisant les interactions entre les élÚves. à la fin de chaque module (toutes les trois unités), il y une
double page « AutoĂ©valuation » dâexercices autocorrectifs suivie dâune double page dâexercices de
« prĂ©paration » au DELF (A1dâabord, A2 plus tard).
Dans Latitudes 1 il y a considĂ©rablement moins dâexplications grammaticales mais beaucoup plus
dâexercices et dâactivitĂ©s, donc de systĂ©matisation des contenus (pas seulement grammaticaux). Les
activités et les exercices sont mieux enchainés que dans Tout Va Bien 1 et beaucoup plus contextualisés.
Pourtant on trouve dans Latitudes 1 moins dâactivitĂ©s de production libre.
3. Lâapproche actionnelle et la notion de tĂąche dans les deux manuels.
Analyse de la mise en Ćuvre : tĂątonnement ou rĂ©ussite ?
Je centrerai maintenant la comparaison des deux manuels sur la mise en Ćuvre (ou non) de
lâapproche actionnelle, et plus particuliĂšrement sur lâassimilation de la notion de tĂąche. Lâapproche
actionnelle, associĂ©e Ă la notion dâune tĂąche-pas-seulement-langagiĂšre Ă accomplir en sociĂ©tĂ© est nĂ©e en
2001, avec la premiÚre apparition du Cadre Européen Commun de Références pour les langues
(dĂ©sormais CECRL). Ce nouveau paradigme didactique se centre sur lâaction car il considĂšre les
apprenants des langues comme des acteurs sociaux ayant des tùches à accomplir en société. La
perspective actionnelle sâĂ©loigne, sans quâon puisse parler dâun Ă©cartement total, de lâapproche
communicative (courant méthodologique qui la précÚde), de sa centration sur le langage, de la notion de
classe au profit de la notion de groupe, et de la méthode de simulation au profit de la communication
réelle et des échanges interactionnellement bien justifiés.
Mais « agir ensemble, en vue dâagir en sociĂ©tĂ© implique la crĂ©ation ou la modification de tĂąches
dâapprentissage jusquâau prĂ©sent plutĂŽt orientĂ©es vers la communication »10
. Il sâagit maintenant de
mobiliser les compétences dont dispose un ou plusieurs sujet(s) « en vue de parvenir à un résultat
déterminé.»11
. Ă ce propos, lâobjectif premier de toute tĂąche de langue sera un objectif
extralinguistique ; elle amĂšne lâapprenant pas seulement Ă communiquer avec lâautre mais Ă agir avec lui.
« On appelle tĂąche toute action intentionnĂ©e quâun individu juge nĂ©cessaire pour obtenir un rĂ©sultat
concret Ă propos de la rĂ©solution dâun problĂšme, de lâaccomplissement dâune obligation ou de lâatteinte
dâun objectif. »12
. En dâautres mots, un tĂąche câest une « activitĂ© contextualisĂ©e : situation que chacun
10
« Agir dâusage et agir dâapprentissage en didactiques des langues-cultures Ă©trangĂšres : enjeux conceptuels,
Ă©volution historique et construction dâune nouvelle perspective actionnelle ». ThĂšse de doctorat dâĂmilie Perrichon
(octobre 2008).
11
Cadre Européen Commun de Référence, Didier, Paris, 2005.
12
CECRL, traduit de la version espagnole.
- 7. 7
de nous est susceptible de rencontrer (âŠ) dans la vie de tous les jours (âŠ). Cette activitĂ© pose un
problĂšme (âŠ). Cette activitĂ© est finalisĂ©e : elle a un but, une finalitĂ© (âŠ). Cette activitĂ© est complexe et
oblige à convoquer une série de savoirs, à faire des calculs, tout cela selon une démarche pertinente
(âŠ). Cette activitĂ© doit donner un rĂ©sultat (âŠ) »13
, laisser une trace.
Pour mettre en Ćuvre ma comparaison des manuels, jâutiliserai comme critĂšres des Ă©lĂ©ments montrant
la transition plus ou moins Ă©vidente, plus ou moins rĂ©ussie de lâagir communicationnel Ă lâagir
actionnel : les entrées des contenus, les activités de classe proposées et, plus tard, la configuration de la
participation.
a-) Les entrĂ©es des contenus : entrĂ©e par la communication ou par lâaction ?
LâentrĂ©e est lâĂ©lĂ©ment par lequel un enseignant ou un manuel choisissent de commencer une sĂ©quence
didactique, de dĂ©couper un contenu, dâaborder un thĂšme. Lâ « entrĂ©e » constitue « le principe de
cohĂ©rence reliant les diffĂ©rentes parties hĂ©tĂ©rogĂšnes de son objet dâenseignement »14
.
Les types dâentrĂ©es, utilisĂ©es pour dĂ©couper et relier en segments ordonnĂ©s le processus
dâenseignement-apprentissage du FLE, se sont succĂ©dĂ©es tout au long de lâhistoire. Les entrĂ©es ont Ă©tĂ©
choisies en fonction de chacun des moments de lâĂ©volution des courants didactiques : entrĂ©e par la
grammaire-méthodologie traditionnelle, entrée par le lexique-méthodologie directe, entrée par la
culture-méthodologie active, entrée par la communication- méthodologie audio-visuelle/
communicationnelle, entrĂ©e par lâaction-mĂ©thodologie/approche actionnelle15
. Analysons dans les
mĂ©thodes Tout Va Bien 1 et Latitudes 1, la transition vers lâapproche actionnelle par les types dâentrĂ©es
quâelles proposent.
ĂlĂ©ments de
comparaison Tout Va Bien 1 Latitudes 1
Les Tables
de matiĂšres:
-les contenus
-les titres
Elle est trÚs briÚvement présentée avec une
structure trĂšs traditionnelle : titre de lâunitĂ©,
titre des situations de communication
servant de déclencheurs, les rubriques les
plus importantes concernant le savoir
linguistique : Grammaire, Lexique-
prononciation, Culture, et finalement
Compétences. On pourrait penser que les
savoirs sont là , et que pour les appréhender
il ne faudra que lire/ consulter les contenus
de façon linéaire.
Les titres des unités sont de type
communicatif. Ils font référence soit à des
lieux/ espaces qui renvoient Ă des
Déjà appelée « Parcours
dâapprentissage », sa conception
esthĂ©tique et lâordonnancement de
contenus abordĂ©s font penser Ă
lâapprentissage comme un processus/un
projet Ă prĂ©parer et sur lequel sâimpliquer,
tout au long dâun chemin Ă parcourir.
Les titres des modules renvoient Ă des
situations de communications et Ă des
besoins (dâinformation) pour agir. Les
titres des unités renvoient toujours à des
actes de paroles.
Les rubriques le plus importantes seraient
les Objectifs de communication et ensuite les
13
Denyer, Monique, La perspective actionnelle dĂ©finie par le CECR et ses rĂ©percussions dans lâenseignement des
langues.
14
Christian Puren, Domaines de la didactique des langues-cultures. Entrées libres. Publié dans la revue Les Cahiers
pédagogiques No 437, novembre 2005, pp41-44 (Paris :CRAP).
15
Idem. Voir tableau rĂ©sumĂ© Ăvolution historique des entrĂ©es en didactique des langues-cultures Ă©trangĂšres.
- 8. 8
situations de communication, soit ils font
allusion Ă des notions grammaticales quâil
faudra apprendre pour communiquer. On
peut observer aussi, dans certaines leçons,
une entrĂ©e par la culture. LâentrĂ©e par
lâaction est inexistante dans cette mĂ©thode,
sauf à la derniÚre unité didactique (Leçon
11).
Les rubriques les plus importantes et les
fortement reliées seraient la Communication
(des situations de communication et des
actes de parole) et, juste à son cÎté, la
Grammaire.
Ni dans la Table de matiĂšres ni dans le
Tableau de contenus, rien ne fait rĂ©fĂ©rence Ă
des moments dâautoĂ©valuation ou aux
stratégies métacognitives qui sont
proposées dans quelques leçons.
TĂąches que les apprenants seront en
mesure de pouvoir accomplir, tout en
ayant réalisé des actions : des Activités de
réception et de production orales, ainsi que des
Activités de réception et de production écrites.
Les Savoirs linguistiques sont proposés
comme une espĂšce de boĂźte Ă outils pour
Ă©tayer les apprenants au niveau du
lexique, de la grammaire, des actes de
parole, tous confondus.
Des moments dâAutoĂ©valuation et de
Préparation au DELF sont explicitement
mis en relief.
LâunitĂ©
didactique16 :
déclencheurs
et
enchaĂźnement
des contenus
Des unités, découpées en leçons,
introduites par un dialogue (ce qui est
propre de lâapproche communicationnelle)
qui donne nom Ă la leçon. Lâharmonie ou
cohĂ©rence de lâunitĂ© didactique nâest pas
assurĂ©e par ce dialogue qui nâest plus lâaxe
thématique des exercices de langue, ni des
activités de production, ni des projets.
MĂȘme les explications grammaticales ne
rÎdent pas autour du thÚme abordé dans la
leçon ni de la situation de communication
qui a servi dâentrĂ©e.
à la différence de Latitudes 1, les savoirs
linguistiques sont clairement énoncés,
proposés séparément. Ils ne sont pas
montrés comme des moyens mais comme
des objectifs, comme câest propre de lâagir
communicationnel.
Présentée par un « contrat
dâapprentissage » oĂč les contenus sont
affichés de façon fonctionnelle. En lisant
lâapprenant Ă©tablit une sorte de
compromis et sâengage « Pour»
communiquer dans des situations
Ă©noncĂ©es, « jâapprends⊠» des savoirs
sociolinguistiques et « Je prends des
cours, me présente, participe à ⊠», enfin
« jâagis ».
Quoique les contenus soient présentés de
maniĂšre plus fonctionnelle et que les
unités aient un titre moins
communicationnel, lâentrĂ©e est presque
toujours faite par un document audio
(comme câest le cas de Tout Va Bien 1).
Dans la plupart des cas il sâagit dâun
dialogue, Ă partir duquel sâenchaĂźnent
dâautres micro-dialogues contenant les
savoir linguistiques.
Les contenus sont intégrés en termes de
réception et production orales et écrites,
phonétique, socioculture. Le savoir
linguistique nâest jamais annoncĂ© comme
tel mais comme un savoir-faire Ă
acquérir17
.
b-) Les activités de classe proposées.
16
« LâunitĂ© didactique correspond au regroupement de diffĂ©rents contenus (âŠ). Elle est construite autour dâobjectif
dâapprentissage (âŠ) ». Fascicule du cours : Courants mĂ©thodologiques et analyse de manuels, page 78
17
Exemple : « Parler de ces projet » pour la conceptualisation du futur proche, du pronom on et la révision du présent ; « Parler
dâactions passĂ©es » pour conceptualiser le passĂ© composĂ©, les articles.
- 9. 9
Exercices, activités, tùches, projets : Apprendre pour faire versus Agir pour apprendre
Exercices : « toute activitĂ© qui vise lâacquisition, lâinstallation, lâautomatisation dâune ressource, (âŠ)
mĂȘme sâil est ludique, (âŠ) la maĂźtrise de la morphologie »18
ComplÚtement centrés sur la forme et servant de modÚles dans les deux manuels analysés, ils sont
beaucoup plus contextualisĂ©s et variĂ©s dans Latitudes 1 et sâintĂšgrent mieux Ă la thĂ©matique de lâunitĂ©.
Dans le cas de Tout Va Bien 1 les exercices de grammaire, lexique et prononciation sont toujours
lacunaires et destinés à la fixation des structures, et à la réutilisation lors des activités de production.
Dans le cas de Latitudes 1, les exercices sont proposés pour intégrer les savoir linguistiques acquis, et
comme aide Ă la comprĂ©hension dâun document audio/Ă la transition entre un document audio et
lâautre. En fait il y beaucoup dâexercices de grammaire ou de lexique proposĂ©s par un matĂ©riel oral.
ActivitĂ©s : « Faites comme si vous Ă©tiez⊠». Des vestiges de lâagir communicationnel.
« Les activitĂ©s amĂšnent lâapprenant Ă manipuler et utiliser la langue Ă©trangĂšre, elles sont repĂ©rables par
des consignes, il y un usage de la langue à des fins de communication »19
.
Les activités proposées dans les deux manuels analysés sont majoritairement de compréhension et
production Ă©crites, et dâexpression et de production orales. Elles finissent au moment oĂč lâefficacitĂ© de
lâacte de communication est vĂ©rifiĂ©e. La plupart des activitĂ©s de communication sont de simulation ou
de remploi des structures « apprises »/ écoutées dans les dialogues. Les échanges demandés ne sont pas
interactionnellement justifiĂ©s : les apprenants nâont vraiment pas besoin les un des autres pour interagir.
Ils pourraient faire parfois de petits monologues les uns en face des autres en lieu des dialogues qui leur
sont demandés de faire.
La progression des ressources et des exercices et des activités est mieux établie dans Latitudes 1.
Cependant, ni dans Latitudes 1 ni dans Tout Va Bien 1 il y a des activités à réaliser préalablement ou en
aval de lâacte de communication (par exemple les sections de production Ă©crite et orale « Ăcrire »,
« Parler »), ce qui est typique de la compĂ©tence communicative. MĂȘme quand les consignes demandent
dâafficher le rĂ©sultat de lâactivitĂ© au mur de la salle de classe, il nây a pas de traitement post-
communicatif de lâinformation (propre de la compĂ©tence informationnelle que selon le CECR devrait
maitriser lâapprenant-acteur social): on ne demande pas de complĂ©ter, dâenrichir, ou dâactualiser cette
« nouvelle information produite ». Cette interruption des activitĂ©s une fois constatĂ©e lâefficacitĂ© de la
communication, empĂȘche les apprenants de sâimpliquer dans lâĂ©valuation des documents produits, ce
qui est aussi contradictoire avec les intentions dâautonomie dĂ©clarĂ©es par les auteurs des deux
méthodes.
TĂąches et Projets : « Vous ĂȘtes donc faites ! »
18
Denyer, Monique, La perspective actionnelle dĂ©finie par le CECR et ses rĂ©percussions dans lâenseignement des
langues.
19
Vetter, Ana ; Stage pour professeurs de FLE CLA de Besançon, 2007.
- 10. 10
« La tùche est alors une activité qui n'est pas seulement communicationnellement vraisemblable, mais
aussi interactionnellement justifiĂ©e dans la communautĂ© oĂč elle se dĂ©roule ». Bouchard (1985).
« La conception d'une tùche requiert la prise en compte de six paramÚtres : les objectifs, les données de
départ, les activités que l'apprenant sera amené à réaliser, les rÎles respectifs de l'enseignant et des
apprenants, et enfin le dispositif ». Nunan (1991).
« Furstenberg (1997) assigne à la tùche « un double rÎle : celui de faciliter l'exploration et de permettre
la construction d'un sens par l'utilisateur et, en mĂȘme temps, celui d'Ă©valuer ce qu'il aura compris et
retiré » 20
On ne peut pas parler de la notion de « tùche » dans le sens prÎné par le CECR, car toutes les activités
proposées dans les deux méthodes analysées, visent la simple communication entre les apprenants dans
une situation de simulation, les préparant pour des échanges en milieu francophone (à mon avis en
milieu plutÎt français), tel que prÎné par la méthodologie communicative. Dans presque aucun de ces
deux manuels les apprenants nâaboutissent Ă la crĂ©ation dâun produit neuf, ni voient presque jamais une
trace du rĂ©sultat de leurs interactions ; le fait dâafficher nâimporte quelle production Ă©crite au mur de la
salle de classe, pour ne plus se servir aprÚs de ce papier, ne transforme pas une activité en tùche. Il
faudrait mentionner comme exception, mĂȘme si les consignes ne sont pas trĂšs claires ou bien Ă©laborĂ©es
la tĂąche « Grand Reporter », UnitĂ© 9-Module 3 de Latitudes 1, et lâactivitĂ© « Ă©crire », page 25 de Tout Va
Bien 1.
De façon générale, dans ces deux manuels les apprenants ne sont pas amenés à partager de maniÚre
Ă©quitable leurs informations ou leurs savoirs faire pour arriver Ă une solution unique. On pourrait
mentionner comme exception les tùches « Grand Reporter », « Bienvenue !», Unité 4-Module 2, et
« Voyages », Unité 12-Module 4, toutes les trois de Latitudes 1.
Tout Va Bien 1 propose trois sections appelĂ©es « Projets ». MĂȘme dans ces sections la dimension
collective du travail Ă rĂ©aliser nâest pas claire. La connotation individuelle apparaĂźt dĂšs la consigne et le
travail Ă faire par de petits groupes nâaboutit jamais Ă impliquer tout le groupe-classe. Les petites
Ă©quipes qui sont crĂ©Ă©es, car demandĂ© par les consignes dans le cas des activitĂ©s et des projets, nâont
jamais un besoin rĂ©elle dâinteragir entre elles : il nây a pas de dĂ©calage dâinformation entre les membres
des Ă©quipes ni entre les sous-groupes, ni de distribution de sous-tĂąches/ du travail Ă faire de maniĂšre Ă
ce que les apprenants possĂšdent la moitiĂ© de lâinformation demandĂ©e pour accomplir le tout de la tĂąche,
ou aient besoin du travail/ de lâinformation dâautres pour accomplir eux leur propre partie de la tĂąche.
3.1. Lâapprenant comme acteur social et la classe comme microsociĂ©tĂ©.
Ă la recherche des allures dâune dimension collective dans les deux mĂ©thodes.
« Face Ă cette Ă©volution, lâobjectif visĂ© est la co-action sociale, câest-Ă -dire lâaction finalisĂ©e et conjointe
20
Bouchard (1985), Nunan (1991), dans F. Mangenot, Quelles tùches dans ou avec les produits multimédias ?
- 11. 11
par le biais de lâapprentissage dâune langue dans un cadre social donnĂ©, (âŠ). Dans le monde actuel,
lâacteur social quâest lâapprenant nâest plus une personne qui cohabite seulement avec des Ă©trangers
mais qui agit en sociĂ©tĂ©, câest-Ă -dire conjointement avec dâautres. Câest alors en agissant et en travaillant
ensemble que se construisent des représentations communes.
Le plus important donc pour la perspective actionnelle nâest plus la simple communication (« comme
objectif à atteindre et moyen privilégié pour atteindre cet objectif »21
) interindividuelle entre apprenants
(dyades), mais la formation dâacteurs sociaux dans la microsociĂ©tĂ© qui serait la salle de classe. Lâobjectif
sâavĂšre dâapprendre aux acteurs sociaux non simplement Ă communiquer avec lâautre mais Ă agir en
groupe dans une société. Les tùches contiennent une profonde dimension collective ; voyons si cette
dimension collective est prĂ©sente dans les deux mĂ©thodes analysĂ©es mĂȘme si, comme nous lâavons dĂ©jĂ
vu, ces deux manuels nâont pas bien intĂ©grĂ© la notion de « tĂąche » prĂŽnĂ©e par le CECR.
Tout Va Bien 1 : Les activités de production orale, localisées dans la section « Parler » sont conçues (dÚs
les consignes) pour des binÎmes, ou à la limite des triades. Les activités orales impliquant toute la classe
sont, comme câest typique de la mĂ©thode communicative, trĂšs rares. MĂȘme dans les trois sections
consacrĂ©es Ă lâĂ©laboration de projets, la dimension collective du travail Ă rĂ©aliser nâest pas claire. Comme
nous lâavions dĂ©jĂ vu, la connotation individuelle apparaĂźt dĂšs la consigne et le travail Ă faire par de
petits groupes nâaboutit jamais Ă impliquer tout le groupe-classe. Les petites Ă©quipes qui sont crĂ©Ă©es
parce que les consignes le demandent nâont jamais besoin dâinteragir entre elles.
La dimension collective de Tout Va Bien 1 est assurĂ©e parfois et favorisĂ©e dâautres fois par la « mise en
commun », proposée à la fin de presque la totalité des exercices de langue et des activités de
compréhension. Dans la mise en commun des activités de production, orientée systématiquement dans
le livre du professeur, chaque Ă©quipe rapporte aux autres ce que chacune dâelles a fait de son cĂŽtĂ©.
Latitudes 1: LâAvant-propos de Latitudes 1 pourrait faire penser que les « actions de communications
proposĂ©es sâinscrivent dâuns un contexte social clair ». Les auteurs disent, en effet, dans le Guide
pédagogique que « Par les travaux de groupes, chaque apprenant peut confronter ses idées à celles des
autres apprenants. »22
. Ces affirmations ne se traduisent pas de façon Ă©vidente dans lâensemble des
activités de la méthode. à la différence de Tout Va Bien 1, les consignes des exercices et des activités de
comprĂ©hension, de systĂ©matisation des contenus, et mĂȘme de production Ă©crite nâinvitent jamais les
apprenants à vérifier leurs réponses avec celles de leurs collÚgues, ni à « construire son apprentissage et
conceptualiser le systĂšme de la langue avec les autres» (p.4) comme dit le Guide. Câest seulement dans
certaines activitĂ©s de production orale, et dans un nombre restreint dâexercices de comprĂ©hension orale
que le travail en groupes (de deux) est demandé explicitement aux apprenants, cette invitation ayant des
21
Christian Puren, Formes pratiques de combinaison entre Perspective actionnelle et approche communicative :
analyse comparative des trois manuels. Article publiĂ© sur le site de lâAPLV, 2008.
22
Latitudes 1, Guide pédagogique page 3
- 12. 12
fins éminemment communicatives. Exemple : « répétez par groupes de deux », « par groupes de deux,
jouez la situation », « complĂ©tez, puis jouez les dialogues » « (âŠ) jouez le mĂȘme dialogue avec votre
voisin », « imaginez et jouez la scÚne », « mettez-vous par groupes de deux ».
Contradictoirement, dans la grande majorité des activités, appelées dans cette méthode « tùches »,
le travail en binĂŽmes ou en groupe nâest pas explicitement demandĂ©. Lâemploi du « vous » est la façon
dont la consigne est rédigée pourrait faire penser à un travail complÚtement individuel, à un travail
fondamentalement individuel Ă lâaide ponctuelle dâun camarade, ou Ă un travail individuel dâabord et
confrontĂ© ensuite. Exemple : « Vous allez travailler six mois au Canada. (âŠ) », « Vous allez Ă lâAlliance
française pour prendre des cours de cuisine. (âŠ) », « Vous ĂȘtes dans un cafĂ© et vous participez Ă une
soirĂ©e de rencontres. Par groupes de deux, prĂ©sentez-vous rapidement (âŠ) », « Interrogez votre voisin
sur », « Travaillez avec votre voisin. DĂ©crivez une ville de votre rĂ©gion. ». Il nây a quâune seule consigne
dans Latitudes 1 impliquant toute la classe. En fait, elle oblige lâenseignant Ă bien organiser la dĂ©marche
pour éviter le chaos et pour bien distribuer le tour de parole : « Discutez en classe : préférez-vous le
style dâAnne ou de Pauline ? Pourquoi ? ».
4. AutoĂ©valuation de lâapprenant versus autocorrection :
de lâintention non factuelle Ă lâatteinte.
Avant dâanalyser la place accordĂ©e Ă lâautoĂ©valuation dans ces deux mĂ©thodes, jâaimerais Ă©tablir
un point de dĂ©part, une dĂ©finition servant de rĂ©fĂ©rence pour la comparaison. DâaprĂšs le Dictionnaire de
didactique du français langue Ă©trangĂšre et seconde (p. 30), « lâauto-Ă©valuation est une Ă©valuation prise en charge
par celui qui apprend, câest-Ă -dire une Ă©valuation dont lâapprenant dĂ©termine lui-mĂȘme le champ, fondĂ©
sur les objectifs dâapprentissage quâil sâĂ©tait rĂ©ellement fixĂ©s, les modalitĂ©s (âŠ) et la finalitĂ© ». « Câest une
Ă©valuation interne, et donc non certifiante, qui permet Ă lâapprenant dâune part, dâapprĂ©cier le rĂ©sultat,
en terme dâacquisition, de ses efforts dâapprentissage, et, dâautre part, de porter un regard critique sur
son apprentissage (âŠ). Lâautocorrection, de son cĂŽtĂ©, « est la prise en charge par lâapprenant du
processus dâamĂ©lioration et de remĂ©diation de son travail Ă partir de sa propre Ă©valuation ou de celle de
lâenseignant » (p.29).
Les auteurs de Latitudes 1 dĂ©clarent que : « lâautocorrection est privilĂ©gie dans lâutilisation du cahier
dâexercices qui contient les corrigĂ©s de toutes les activitĂ©s et les transcriptions des activitĂ©s sonores »23
.
Elle nâest plus possible dans le livre de lâĂ©lĂšve que par le biais des transcriptions et des corrigĂ©s des 4
« Autoévaluations » proposées, le reste des activités de compréhension orales/écrites et les exercices de
langue/lexique sont Ă corriger Ă lâaide du professeur. Dans cette mĂ©thode « coexistent trois types
dâĂ©valuation »: « AprĂšs chaque unitĂ©, un test permet Ă lâenseignant de vĂ©rifier les savoirs et les savoir-
23
Latitudes 1, guide pédagogique, page 3.
- 13. 13
faire acquis. Ce test se trouve Ă la fin du guide pĂ©dagogique et peut ĂȘtre photocopiĂ©. (âŠ). Lâenseignant
dispose du corrigĂ© de chaque test dans ce mĂȘme guide pĂ©dagogique » (p.4). Il sâagirait donc dâune
Ă©valuation individuelle qui pourrait ĂȘtre formative ou sommative (en fonction de la dĂ©cision de
lâenseignant ou de lâinstitution) mais qui ne constitue, dans aucun cas, une autoĂ©valuation car le test a
Ă©tĂ© conçu pour lâenseignant. Il y a ensuite, « une prĂ©paration aux examens DELF (âŠ). Lâapprenant (âŠ)
peut ainsi évaluer sa capacité communicative ». Cette évaluation permet aux apprenants de situer son
niveau dans chaque compĂ©tence par rapport au CECRL. Pourtant, les grilles dâĂ©valuation et les corrigĂ©s
ne sont pas accessibles aux apprenants car ils nâapparaissent que dans le guide pĂ©dagogique. « AprĂšs
chaque module, un bilan dâautoĂ©valuation propose de courtes activitĂ©s trĂšs ciblĂ©es sur des compĂ©tences
communicatives. AprĂšs chaque unitĂ© lâapprenant peut connaĂźtre son rĂ©sultat chiffrĂ© et se situer
immédiatement par rapport à son apprentissage. »
Tout Va Bien 1 propose plusieurs outils dâautoĂ©valuation. Tout dâabord, il y en a plusieurs dans le
Portfolio, outil dâautoĂ©valuation inspirĂ© de celui du CECR. « Ce petit livret personnalisĂ© permet Ă
lâĂ©tudiant de suivre de maniĂšre active sa progression pour chaque compĂ©tence communicative ». Il
répond donc à trois objectifs différents. En premier lieu il propose une Biographie linguistique, sorte
dâĂ©valuation initiale qui est censĂ©e rendre lâĂ©tudiant conscient des objectifs dâapprentissage, de son
contexte culturel, de sa biographie langagiĂšre et de celle de ses copains. DeuxiĂšmement, il y a trois
Ă©valuations formatives, en termes de savoir-faire, oĂč lâapprenant peut « Faire le point » sur les
compĂ©tences langagiĂšres quâil doit maĂźtriser. Il sâagit des grilles dâautoĂ©valuation adaptĂ©es mais inspirĂ©es
des descripteurs de compétences du CECR. En dernier lieu, le Portfolio de Tout Va Bien 1 propose une
évaluation sommative collective, constitué de six Bilans communication, qui est articulée avec le livre de
lâĂ©lĂšve car, mĂȘme si le test est dans le Portfolio, elle y est indiquĂ©e Ă la fin dâune partie consacrĂ©e Ă la
systématisation des contenus langagiers : le Bilan Langue.
En outre, les auteurs de cette méthode se placent dans le paradigme de la co-évaluation. Ils la
considĂšrent « plus attrayante que lâĂ©valuation individuelle et souvent plus facile Ă rĂ©aliser avec des
débutants »24
. Cela se fait aussi évident, tout au long de la méthode, chaque fois que le livre du
professeur indique de faire des mises en commun (systématiquement aprÚs les activités de production)
et chaque fois que les consignes du livre de lâĂ©lĂšve demandent aux apprenants de vĂ©rifier leurs rĂ©sultats
avec ceux de leurs camarades, avant la mise en commun plus collective. De la mĂȘme façon, cette
méthode propose aux apprenants des grilles pour évaluer (systématiquement) les productions des
camarades, hors du contexte dâun examen ou dâune Ă©valuation faite par le professeur.
Les deux mĂ©thodes disent donc accorder une place Ă lâautoĂ©valuation, mais câest Tout Va Bien 1 qui
fournit de vrais outils pour que les apprenants sâauto-Ă©valuent tout seuls. Cette derniĂšre mĂ©thode offre
24
Tout Va Bien 1 Livre du professeur, page 11.
- 14. 14
aux apprenants la possibilitĂ© rĂ©elle de prendre en charge lâĂ©valuation de leur progression, de leur
apprentissage, tout en les ayant dâabord guidĂ©s, accompagnĂ©s et surtout appris Ă le faire.
5. LâAutonomie chez lâapprenant : autoĂ©valuation et stratĂ©gies dâapprentissage.
Avant de plonger dans lâobservation de stratĂ©gies/outils dâautonomisation de lâapprenant mis
en Ćuvre par ces deux mĂ©thodes, je voudrais partir dâune conceptualisation de la notion dâAutonomie.
« Le concept dâautonomie sâoppose Ă ceux de dĂ©pendance et de contrainte auxquels est liĂ© lâindividu
privĂ© de sa libertĂ© ou obĂ©issant Ă une autre loi que la sienne ; "Lâautonomie est possible non pas en
termes absolus mais en termes relationnels et relatifs" (Morin, 1999, p.145) »25
.
Les deux mĂ©thodes analysĂ©es dans ce travail semblent accorder un intĂ©rĂȘt au dĂ©veloppement de
lâautonomie chez lâapprenant dans lâacception qui nous intĂ©resse le plus « la capacitĂ© de lâapprenant de
prendre en charge son apprentissage » (J-P Cuq, 2003, p. 31). La mĂ©thode qui accorde un intĂ©rĂȘt tout
particulier dans son discours de prĂ©sentation et dans lâensemble de ses matĂ©riels câest Tout Va Bien 1,
laquelle offre des activitĂ©s qui font les apprenants rĂ©flĂ©chir aux stratĂ©gies dâapprentissage quâils
déploient (activité métacognitive). Cette aide méthodologique leur enseigne à observer/ connaßtre leurs
profils dâapprentissage, leur suggĂšre des astuces, enfin leur apprend Ă apprendre et les rend donc
autonomes. Câest dans le traitement relativement systĂ©matique des stratĂ©gies dâapprentissage (Section
« RĂ©flĂ©chissons ! ») et dâautoĂ©valuation oĂč Tout Va Bien 1 accorde une place beaucoup plus importante que
Latitudes 1, et dâautres mĂ©thodes, au dĂ©veloppement de lâautonomie chez lâapprenant, sans perdre de
vue la notion de groupe et la dimension collective. Voyons quelques exemples : « Comment mémoriser
plus facilement une situation ? (âŠ), commentez avec vos voisins », « Pensez aux nouveaux mots de
cette leçon. Comment avez-vous fait pour les mĂ©moriser ? (âŠ) », « Comment faites-vous pour
comprendre globalement un dialogue long et complexe ? », « Depuis la Leçon 1, vous avez réalisé
beaucoup de dramatisations. Quelle est votre stratégie ? », « Comment procédez-vous quand vous
improvisez un dialogue ? ». Cette section faisant de lâapprentissage un contenu Ă ĂȘtre traitĂ© de maniĂšre
explicite, permet Ă lâapprenant la mise en Ćuvre dâune maĂźtrise mĂ©tacognitive sur ses propres
compétences et stratégies, ce qui fait penser à la prévision de « temps de retour sur les cheminements »
prÎnée par le CECR (p. 132).
Dâautre part, les deux mĂ©thodes proposent Ă lâĂ©lĂšve des actions pour sâauto-Ă©valuer avec un
accompagnement partiel du professeur, accompagnement qui est encore plus discret dans Tout Va Bien
1. Le Portfolio proposĂ© par Tout Va Bien 1 constitue un outil dâautoĂ©valuation permettant plus
dâautonomie, autonomie dâĂ©valuation et dâapprentissage, que les 4 « AutoĂ©valuations » procurĂ©es par
Latitudes 1. Tout Va Bien 1 offre dâailleurs un outil pour la co-Ă©valuation qualitative (livre de lâĂ©lĂšve p.
56), il sâagit dâune grille pour « apprendre Ă Ă©valuer la production orale dâautres Ă©tudiants » en termes de
25
Pillonel, M., Rouiller, J., « Faire appel Ă lâauto-Ă©valuation pour dĂ©velopper lâautonomie de lâapprenant »
- 15. 15
composantes pragmatiques et linguistiques. Cela permet Ă lâapprenant de dĂ©finir ses objectifs et lui
apprend Ă Ă©valuer ses/les acquis.
En outre, Tout Va Bien 1 promeut dâautres pratiques rĂ©flexives « qui explicitent, en miroir, le
fonctionnement individuel de lâindividu, (âŠ) »26
, dans la rubrique Grammaire. La présentation des
contenus met lâaccent sur les similitudes entre les langues latines et sâappui sur les acquis grammaticaux
antĂ©rieurs de lâapprenant. Les Ă©lĂ©ments grammaticaux sont toujours accompagnĂ©s dâune rĂ©flexion
faisant Ă lâapprenant dĂ©duire la rĂšgle grammaticale, par exemple : « Observez les verbes suivants.
Quelles ont les terminaisons ? ». « Observez les questions suivantes. Que remarquez-vous ? ». « Les
adjectifs possessifs ont-ils toujours des formes différentes pour le masculin et pour le féminin ? ».
« La dĂ©marche de Latitudes 1 vise Ă mener lâapprenant vers une autonomisation en le rendant
responsable et conscient de son apprentissage » (Livre de lâĂ©lĂšve p. 2). Cependant, cette intention de
rendre lâapprenant autonome et conscient nâest ni factuelle ni Ă©vidente nulle part, et elle reste attachĂ©e,
mĂȘme dans le discours de lâAvant-propos du livre, aux possibilitĂ©s dâautocorrection par le biais du
cahier dâexercice, et aux possibilitĂ©s quâauront les apprenants dâaccomplir Ă©ventuellement des « tĂąches »,
en agissant en groupe. « Par la tĂąche les Ă©lĂšves deviennent effectivement actifs et le travail prend sens Ă
leurs yeux. La tĂąche favorise leur engagement personnel dans lâapprentissage »27
, certes mais tel quâil a
Ă©tĂ© dĂ©jĂ dit, la notion de « tĂąche » prĂŽnĂ©e par le CECR nâa pas Ă©tĂ© bien intĂ©grĂ©e dans cette mĂ©thode, et
les activitĂ©s proposĂ©es sous lâĂ©tiquette de « tĂąches » ne le sont pas.
6. CONCLUSION
Quoique les auteurs des deux manuels analysĂ©s dĂ©clarent dans lâavant propos du livre du
professeur quâils se situent dans une perspective de type actionnelle, une analyse plus minutieuse des
argumentations montre quâil nây a pas une vraie intĂ©gration de celle-ci. Ils ne font rĂ©fĂ©rence aux
recommandations du CECR que pour parler dâĂ©valuation ou de descripteurs de niveaux, ou dans le cas
de Latitudes pour nommer quelques activitĂ©s en utilisant lâĂ©tiquette « tĂąche ». Dans les deux manuels on
continue Ă demander aux Ă©tudiants dâimaginer quâils sontâŠ, ou quâils se trouvent à ⊠. On continue
Ă©galement de faire « comme sâils Ă©taient ». Les activitĂ©s proposĂ©es continuent Ă ne pas ĂȘtre authentiques
aux yeux des Ă©tudiants. Les consignes nâont pas Ă©tĂ© soigneusement Ă©laborĂ©es pour mettre en Ćuvre les
dĂ©marches prĂ©tendues dans les avant propos de ces mĂ©thodes, et le livre du professeur nâĂ©taye/
complĂšte pas les consignes. En ce qui concerne les compĂ©tences Ă ĂȘtre dĂ©veloppĂ©es chez les
apprenants, dans ces deux mĂ©thodes il continue Ă sâagir de donner des rĂ©ponses langagiĂšres Ă des
besoins identifiables et évaluables. Elles ne réussissent pas toujours à faire du développement des
26
Cuq, J.-P., Dictionnaire de didactique du français langue étrangÚre et seconde. Paris, 2003.
27
Ribba, P., « De lâapproche communicative Ă lâapproche actionnelle : apports du CECR » (2006).
- 16. 16
compétences le fil conducteur de la progression.
Le fait de comprendre lâapproche actionnelle et la notion de tĂąche, dây adhĂ©rer, dâĂȘtre capable de
lâidentifier dans un manuel ou dans une activitĂ© quiconque, ne confĂšre pas directement aux
enseignants/ concepteurs la capacité de créer/ concevoir des consignes constituant de vraies tùches, ni
des manuels, ni des dĂ©marches en salle de classe Ă©tant vraiment actionnelles. Il faudra tout dâabord ne
pas idéaliser cette approche et accepter que la perspective actionnelle ne remplace pas les approches
communicatives (ou prĂ©cĂ©dentes), elle les enrichies, les complĂšte en sây ajoutant. Les exercices et les
activitĂ©s les plus classiques peuvent donc accompagner les tĂąches. « (âŠ) Il sâagit dâintĂ©grer cette tĂąche
dans la progression imposĂ©e par le systĂšme Ă©ducatif, elle doit faire partie intĂ©grante de lâapprentissage et
non pas ĂȘtre la cerise sur le gĂąteau, (âŠ) »28
. Dâautre part, la classe reste un lieu artificiel, mais on doit
travailler les consignes pour que cette micro-société soit le moins artificiel possible, il va aussi falloir
détourner les circonstances, le contexte de maniÚre à faire oublier le cadre de la salle de classe/ du cours
au profit de la notion du groupe.
Quant Ă lâauto-Ă©valuation, comme nous avons vu, elle ne se limite pas Ă de lâautocorrection.
LâautoĂ©valuation demande un apprentissage de la part de lâapprenant, et des moyens permettant la mise
en pratique de dĂ©marches autoĂ©valuatives, au service de lâĂ©lĂšve, ce qui constitue un dĂ©fi pour les
enseignants et les concepteurs de matériel pédagogique. Mais la course-poursuite aux diplÎmes
internationaux à laquelle sont encouragés les apprenants, le référent des DELF/DALF prÎné par le
CECR, et lâhomogĂ©nĂ©isation des valeurs occidentales excluent les diffĂ©rences individuelles des
apprenants et constituent, contradictoirement, une contrainte pour lâautonomie et lâauthentique
rĂ©alisation de lâapprenant. « Ăvaluer la composante linguistique et la composante pragmatique de la
compĂ©tence de communication Ă travers la performance du candidat nĂ©cessite que lâĂ©valuation se fasse
sur le mode qualificatif Ă lâaide dâune grille critĂ©riĂ©e et non sur le mode quantitatif, come câest le cas
dans la plupart des certifications existantes »29
. La notion de tĂąche et lâĂ©valuation de son
accomplissement ou non vient ajouter une brique Ă ce challenge, car des paramĂštres dâordre
socioculturels y interviennent. La dĂ©finition dâun niveau de compĂ©tence communicative en langue,
incluant les composantes linguistiques et pragmatiques et la crĂ©ation dâun instrument pour la mesurer,
lâĂ©valuer, lâidentifier reste donc aussi un dĂ©fi.
28
Rodier, Christian, La Perspective actionnelle : Ă©volution ou rĂ©volution ? Lâexemple Babelweb. (2009)
29
Delahaye, P., « Perspective actionnelle et évaluation : le DiplÎme de Compétences en Langue ». Conférence donnée
lors de lâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de lâAPLV, le 9 dĂ©cembre 2006 Ă Marseille.
- 17. 17
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RODIER, CHRISTIAN, « La Perspective actionnelle : Ă©volution ou rĂ©volution ? Lâexemple
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