2. Bande-annonce (1 min 30)
Qu’évoque la musique entendue?
Quelle ambiance se dégage de la vidéo? Qu’est-ce qui vous y frappe?
3. Une nuit de 1949, entre Paris et New York, le poète Jean Cocteau et le
jazzman Miles Davis se croisent au-dessus de l’Atlantique. Ils ne se
doutent pas que leur traversée fera écho, bien des années plus tard, à la
fuite d’un comédien québécois qui se réfugie dans une chambre d’hôtel
de Saint-Germain-des-Prés pour guérir d’une rupture amoureuse.
À partir de cette situation aux correspondances souterraines, Robert
Lepage déploie une série de variations qui se répondent les unes les
autres : l’absence de l’être aimé — Radiguet pour le poète, Juliette Gréco
pour le jazzman — trouve son contrepoint dans l’addiction à l’opium de
l’un et à l’héroïne de l’autre, alors que le narrateur cherche à anesthésier
sa peine d’amour.
Pour la « re-création » de cette oeuvre mythique, Robert Lepage retrouve
le complice artistique à qui il avait légué son rôle, un comédien d’une
immense sensibilité pour qui rien d’humain n’est étranger : Marc
Labrèche.
5. o Jean-Paul Sartre, philosophe, critique,
écrivain français (1905-1980) s’était
approprié cette chambre au début de
la guerre;
o Simone de Beauvoir, romancière et
essayiste française (1908-1986), en
couple avec Jean-Paul Sartre (couple
non marié), y a vécu de 1943 à 1946;
o Simone de Beauvoir a en quelque
sorte légué sa chambre à Juliette
Gréco qui y a séjourné à son tour.
Fréquentant le Flore et les Deux
Magots du quartier Saint-Germain-
des-Prés, Gréco était devenue l’amie
des existentialistes.
6. o Principaux thèmes : liés à une
préoccupation majeure, soit
l’existence humaine déterminée
par la subjectivité, la liberté et les
choix de l’individu.
o L’angoisse : point de départ de
ce qui, plus tard, deviendra
l’existentialisme, car elle fait
ressentir à l’homme le poids
d’une existence dont il n’est pas
l’auteur, mais dont il devra
pourtant se sentir responsable.
Dans la philosophie de Sartre, le
terme «angoisse» est employé
pour qualifier la conscience de la
totale liberté de choix à laquelle
se confronte à tout instant
l’individu.
«L’existence précède l’essence.»
Position fondamentale de Sartre, père de
l’existentialisme athée.
Contrairement aux objets qui ont été conçus
avant d’exister, l’homme existe d’abord. Il
se définit ensuite par ses actes, et ne peut
prétendre autre chose. Ce postulat central
consiste donc à nier l’existence d’une nature
humaine, et fait reposer sur chacun le poids
d’une situation qu’il n’a pas choisie. Dire
que pour l’homme, «l’existence précède
l’essence», c’est faire de l’avenir un choix
perpétuel, indépendamment des codes
naturels. L’homme est alors
«essentiellement» ce qu’il fait de lui-même.
7. Jazz : musique afro-américaine créée au début
du XXe s. par les communautés noire et créole
du sud des États-Unis, et fondée pour une
large part sur l'improvisation, un traitement
original de la matière sonore et une mise en
valeur spécifique du rythme, le swing.
(Larousse)
Décembre 1957
Les yeux rivés à l'écran, le trompettiste
Miles Davis improvise la musique d'une
séquence du film de Louis Malle,
Ascenseur pour l'échafaud, musique sur
laquelle s’appuie la trame narrative des
Aiguilles et l’opium…
Au tournant des années ‘50
Miles Davis se tourne vers un jazz à
l’approche décontractée (tempos plus
lents et mélodies se déroulant de
manière plus nonchalante) qui donne
naissance au cool jazz, nouveau style
moins dépendant de la virtuosité et de
la complexité harmonique. Ainsi, à la
nervosité du be bop, répond une
musique intimiste et feutrée où le
mariage des timbres et des couleurs
constitue le principal intérêt.
Pour voir Davis et entendre l’un de ses airs très connu,
à partir d’1 min 10 jusqu’à 3 min environ
8. Miles Davis à Paris, 1949
« C'était mon premier voyage à l'étranger, et il a changé à
jamais ma vision des choses, écrira Miles Davis dans son
autobiographie. J'adorais être à Paris, j'adorais la façon
dont on me traitait. [...] C'est là que j'ai rencontré Jean-
Paul Sartre, Pablo Picasso et Juliette Gréco. Je ne m'étais
jamais senti aussi bien de ma vie. »
Dûment accueilli par le public et la critique parisiens, reçu
par l’élite intellectuelle de l’époque, Miles Davis, 23 ans,
est surpris du traitement qui lui est réservé.
Dans un pays où aucune loi n’interdit à un Noir de se
balader où bon lui semble, Davis a le sentiment d’être
traité comme un être humain pour la première fois de sa
vie alors qu’il vient de quitter une Amérique où personne
ne le veut : même s’il a joué avec la crème du jazz new-
yorkais, il reste un musicien noir, vu comme la peste dans
son pays puritain et raciste.
Lors de sa rencontre avec Juliette Gréco, 22 ans, chanteuse
encore à ses débuts, naît un amour passionné malgré la
barrière de la langue. Davis effleure l’idée d’épouser
Gréco pour l’amener en Amérique, mais renonce : le
mariage «mixte» est interdit en Amérique, et Juliette
Gréco ne veut pas tourner le dos à sa carrière. Il rentre
donc dévasté. Il replonge dans l’héroïne, touche le fond. Il
met près de six ans à se remettre de son rêve parisien.
9. Touche-à-tout, il y a peu de genres où
il ne se soit pas illustré. Il se
considère d’abord comme un poète :
pour lui, tout travail de création est
nécessairement poétique. Et intuitif.
Aussi ne craint-il pas l’inexplicable,
l’inexpliqué.
«Document réaliste d’événements
irréels», voilà comment Cocteau
définissait son premier film, Le sang
d’un poète. C’est ainsi que pourrait se
résumer l’ambiguïté, la richesse, mais
aussi les faiblesses de son œuvre.
1 min 45
10. Chez Cocteau, le surréalisme* ne se limiterait qu’au refus du réel. Cocteau
s’abandonne à l’irréel et à la toute-puissance de la parole de l’artiste,
fasciné qu’il est par un univers dont les motivations s’apparentent à la
liberté de l’inconscient, non à la stérilité du rationalisme cartésien.
*Le surréalisme
Ensemble de procédés de création et d’expression utilisant toutes les forces
psychiques (automatisme, rêve, inconscient) libérés du contrôle de la raison et en
lutte contre les valeurs reçues; mouvement intellectuel révolutionnaire affirmant la
supériorité des procédés. (Petit Robert)
Ce mouvement apparu au lendemain de la Première Guerre mondiale oppose à
l’ordre et aux conventions un esprit de libération et développe la puissance créatrice
issue du rêve, du désir et de l’instinct . Ce mouvement extralittéraire vise à libérer
l’homme des contraintes d’une civilisation trop utilitaire. C’est pourquoi il fallait
secouer les individus afin de leur révéler leurs richesses intérieures. Il faut que
l’homme influe sur la réalité pour la rendre conforme à ses inspirations.
11. En 1923, la mort soudaine de son jeune amant poète Raymond Radiguet plonge
Cocteau dans une profonde dépression qui lui fait perdre le goût de vivre. Seul
l’opium le réconforte, au point d’en abuser.
Lors de sa première désintoxication (décembre 1928 – avril 1929), il écrit dans son
journal : « Dans l’opium, ce qui mène l’organisme à la mort est d’ordre euphorique.
Les tortures proviennent d’un retour à rebrousse-poil vers la vie. Tout un printemps
affole les veines charriant glaces et laves de feu.»
Cocteau passera finalement la majeure partie de sa vie à lutter contre sa dépendance
à l’opium. Malgré tout, il fera l’apologie de cette drogue millénaire venue d’Orient :
« N’attendez pas de moi que je trahisse. Naturellement, l’opium reste unique et son
euphorie supérieure à celle de la santé. Je lui dois mes heures parfaites. Il est
dommage qu’au lieu de perfectionner la désintoxication, la médecine n’essaie pas de
rendre l’opium inoffensif. Moraliser l’opiomane, c’est dire à Tristan : Tuez Iseut.
Vous irez beaucoup mieux après.»
L’opium l’a accompagné dans la création, dans sa prodigieuse production littéraire
et, plus largement, artistique.
12. Après un séjour aux États-
Unis…
Plus que de simples
impressions de voyage, ces
écrits contiennent quantité de
réflexions sur l’art.
Entre la fascination pour le
Nouveau Monde et
l’autodérision de l’homme de la
vieille Europe…
13. Le texte du spectacle contient
des extraits de Lettre aux Américains (1949) et Opium
(1930) de Cocteau.
Analyse d’extraits de Lettre aux Américains (1949).