Ce powerpoint présente les principaux questionnements et conclusions d'un travail de recherche en éthique appliquée aux organisations, portant sur la question de la neutralité axiologique (en termes de valeurs) de l'intervenant (consultant) en éthique.
Neutralité axiologique et autorégulation : regard sur l'intervention en éthique appliquée aux organisations
1. Neutralité axiologique et
autorégulation : regard sur
l’intervention en éthique
organisationnelle
Pascale Chavaz
9 juin 2011
Communauté de recherche en intervention et formation
Chaire d’éthique appliquée
Université de Sherbrooke
2. Plan de présentation
• Autorégulation
• Le rôle d’intervenant
• Neutralité axiologique : Max Weber
• Non-imposition de valeur et retenue axiologique
• L’intervenant peut-il être axiologiquement neutre ?
• L’intervenant en tant qu’acteur
• Les différents biais méthodologiques
• L’objectivité entre distance et proximité
• Conclusion
• Bibliographie sélective
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3. Autorégulation
• En théorie : l’éthique comme mode
autorégulatoire de comportement
• Responsabilité, autonomie, sens du rapport à
l’autre, réflexivité, dialogue
• Entre théorie et pratique : quelques paradoxes
▫ Valorisation vs. dévalorisation de l’hétérorégulation
▫ Éthique comme mode autorégulatoire ou comme
mode le plus autorégulatoire de comportement?
▫ Coexistence de deux représentations opposées de l’être
humain
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4. Valorisation de l’hétérorégulation -
Citations
• « La réglementation interne continue de se révéler
nécessaire pour préciser les comportements
inacceptables et fixer un minimum de normes pour
vivre en communauté. » (Girard, 1999)
• « Ces deux perspectives de l'éthique
[autorégulatoire et hétérorégulatoire] offrent ainsi
des caractéristiques qui leur permettent de se
compléter l'une l'autre et de dépasser leurs limites
respectives. » (Campeau et Jutras, 2007)
• « [...] on pourrait former la conjecture que le
jugement moral s'épanouirait au mieux dans une
sorte d'équilibre normatif, entre asthénie et
tétanos.» (Malherbe, 2000)
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5. Dévalorisation de l’hétérorégulation -
Citations
• « [...] la logique hétérorégulatoire qui carbure au réflexe
normatif et à la logique duale du couple ordre-
obéissance » (Boisvert, 2007)
• « [...] La déontologie renvoie plutôt à des règles de
conduite [...] orientées vers des devoirs et des
obligations, qui n'encouragent pas l'autonomie, mais
exigent simplement l'obéissance. » (Girard, 1999)
• « Nos consciences affirment leur autonomie et se
rebiffent à l'encontre des normes imposées de l'extérieur.
Nos jugements, s'ils sont bien les nôtres et non le pâle
reflet de la pensée prête à porter, restent imperméables
aux oukases des tsars comme à ceux des traditions
religieuses ou des idéologies scientistes et néolibérales. »
(Malherbe, 2000)
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6. Mode autorégulatoire ou mode le plus
autorégulatoire? - Citations
• « L’éthique […] est un mode autorégulatoire de
comportement dans lequel le sujet exerce son
jugement et engage sa responsabilité […] »
(Boisvert et al., 2003)
• « Ce qui caractérise l’éthique, c’est qu’elle serait
le mode de régulation le plus autorégulatoire. »
(Boisvert, 2007)
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7. Constat pessimiste - Citations
• « […] l'égoïsme et l'hédonisme qui alimentent la
culture postmoderne ne facilitent en rien le
travail de l'éthique autorégulatoire. Celle-ci exige
en effet de la retenue, de la privation, une
ouverture et une sensibilité face à la présence de
l'autre et un important travail sur soi qui n'a, la
plupart du temps, rien à voir avec le culte du
plaisir instantané sous-jacent à la culture post-
moderne. » (Boisvert, 2007)
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8. Constat optimiste - Citations
• « […] les approches autorégulatoires de l'éthique
reposent sur une conception de l'être humain que l'on
pourrait qualifier d' "exigeante" en ce qu'elle suppose
que les êtres humains ont tous la volonté et la capacité de
réfléchir et de dialoguer. » (Campeau et Jutras, 2007)
• « […] cette ambition philosophique de l'éthique
appliquée présuppose une vision optimiste de l'humain
[…] il convient de toujours créditer l'autre comme moi-
même d'un peu plus d'autonomie que nous n'avons pu
en démontrer jusque là. Cette confiance radicale en
l'humain sous-tend toute l'éthique appliquée conçue
comme pratique philosophique. » (Malherbe, 2000)
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9. Autorégulation
La proposition d’une éthique comme mode
autorégulatoire de comportement peut s’expliquer
comme réponse à :
• La « socialisation individuée » (Soulet)
• Le « polythéisme des valeurs » (Mill)
• Le problème de la justification des normes et
valeurs
Réponse à une réalité sociologique
Réponse à une difficulté théorique
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10. Le rôle d’intervenant (externe) en
théorie
• L’intervenant n’est pas expert, mais
accompagnateur ; expert de processus plutôt que de
contenu.
« L’utilisation du mot "accompagnateur" est loin
d’être anodine. Elle renvoie en effet à un type
d’intervention où le rôle du conseiller se limite à
aider l’organisation ou son comité d’éthique à
s’approprier la démarche éthique, à lui donner un
"sens", une "couleur" qui lui est propre, et ce, dans
le but de la faire cheminer positivement au sein de
l’organisation. » (Boisvert et al., 2003)
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11. Neutralité axiologique : Max Weber
• « Neutralité axiologique » (Julien Freund) comme
traduction de « Wertfreiheit » (Max Weber)
• En France, cette formule conduit à interpréter
Weber comme référence en ce qui a trait au principe
de non-engagement du savant.
• Cette interprétation a d'autant plus d'impact qu'elle
permet de concevoir ce principe comme le
présupposé de l'objectivité des sciences humaines et
sociales, qui souffrent de leur opposition
traditionnelle avec les sciences "exactes", lesquelles
pourraient prétendre au critère de scientificité.
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12. Neutralité axiologique : Max Weber
• Ce principe de ladite "neutralité axiologique" reposerait
sur une position ontologique consistant à considérer
qu'il existe une distinction inéluctable entre les
jugements de l'ordre du "sein" (être) et ceux de l'ordre du
"sollen" (devoir-être)
• Cette opposition conduit à considérer la possibilité
d'entrer dans un simple "rapport aux valeurs" qui
consisterait en une capacité à observer et analyser les
valeurs sans soi-même être axiologiquement impliqué
au lieu d'opérer des "jugements de valeur" spontanés.
• Weber croirait donc en une possible objectivité des
sciences humaines et sociales dont la "neutralité
axiologique" serait l'outil.
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13. Neutralité axiologique : Max Weber
« Il n'existe absolument pas d'analyse scientifique
"objective" de la vie culturelle ou [...] des
"manifestations sociales", qui serait
indépendante des points de vue spéciaux et
unilatéraux, grâce auxquels ces manifestations
se laissent explicitement ou implicitement,
consciemment ou inconsciemment sélectionner
pour devenir l'objet de la recherche [...] »
(Weber, 1917)
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14. Non-imposition de valeur et retenue
axiologique
La « Wertfreiheit » peut acquérir deux sens
différents. Elle est à la fois :
• Un principe pédagogique : « Non-imposition de
valeurs » (envers autrui)
• Un principe méthodologique : « Retenue
axiologique » (envers soi)
• La retenue axiologique implique la non-
imposition de valeurs, mais l’inverse n’est pas
vrai.
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15. L’intervenant peut-il être
axiologiquement « neutre » ?
• Le rôle d’intervenant en théorie vs. en
pratique
Accompagnateur, garant de la procédure
+ Facilitateur, médiateur, leader, psychologue,
conseiller, éducateur, coach…
• Procédure vs. Importance de la personnalité
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16. Rôle joué par la personnalité de
l’intervenant - Citations
• « Nous croyons que la personnalité de l'intervenant joue un rôle
crucial [...] nous pensons que ce n'est pas tant la qualité des
interventions que la personnalité des intervenants qui peut faire
la différence dans la satisfaction ou non d'un client
organisationnel. » (Boisvert et al., 2007)
• « [...] l'exercice du rôle changera selon que l'intervenant est un
chercheur, un praticien ou encore un chercheur-praticien, selon
son ancrage institutionnel et selon son rapport salarial. »
(Brabant, 2007)
• « [la façon dont se déroulera l'intervention] variera [...] selon le
style, la personnalité et le profil professionnel de l'intervenant
lui-même et de ses répondants organisationnels. » (Girard,
2007)
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17. L’intervenant peut-il être
axiologiquement « neutre » ?
• Quelle est la posture axiologique ici en question?
Retenue axiologique
• Retour sur soi
▫ Reconnaître pour lui-même l’importance de ce
qu’il prône : une réflexivité
▫ Coexistence d’une posture existentielle et
scientifique
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18. Retour sur soi - Citations
• « Tenter de trouver ce qui, en soi, conduit à percevoir certains
aspects de la réalité sociale plutôt que d'autres, ce qui porte à
choisir aussi les modes d'approche, tenter de dégager quelles
sont ses propres voies de connaissance, ces questions me
paraissent importantes à dégager, aussi bien pour soi-même
que pour la discipline que l'on veut servir. » (Feldman, 2002)
• « Il peut être [...] difficile d'établir la frontière entre la
recherche existentielle, personnelle, et la recherche savante.
On rencontre bien évidemment là une des spécificités
majeures des sciences de l'homme, qui appellent à des
expériences et des réflexions qui ne font que commencer. »
(Feldman, 2002)
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19. L’intervenant en tant qu’ « acteur »
• Assumer ouvertement une part d’implication
sans pour autant devenir un dictateur moral ou
axiologique
• Ainsi, mieux développer les outils pouvant
permettre d’éviter autant que possible les biais
inévitables
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20. Les différents biais méthodologiques
• Paradoxe de l’observation
• Relativité de l’observateur
• Effet de halo
• Focalisation excessive
• Effet de congruence ou de contraste
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21. L’objectivité entre distance et
proximité
• Remettre en cause une conception idéalisée de
l’objectivité ne doit pas conduire à tout
appréhender sous le signe de la subjectivité.
• L’objectivité de l’étranger : entre proximité et
distance, attention et indifférence
≠ détachement
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22. Conclusion
• Des valeurs fondatrices assumées
• L’hétérorégulation comme garde-fou
• L’intervenant en tant qu’ « acteur »
• La retenue axiologique pour une plus grande
objectivité
• Nécessité d’intégrer ces questionnements à la
formation de l’intervenant en éthique
organisationnelle
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23. L’intervenant en tant qu’ « acteur » -
Citation
« Cette fonction de l'éthicien en tant que participant
engagé me semble passablement négligée dans les
propos de Malherbe, comme si un tel engagement
normatif vis-à-vis des problèmes pratiques bien précis
ne pouvait se penser que sur un mode directif; c'est-à-
dire selon un modèle simpliste d'application [...]
aussitôt que l'éthicien s'engagerait sur le plan normatif,
il occuperait la posture de celui qui dit d'autorité ce qui
doit être. Mais telle que, pour ma part, je comprends
cette fonction, elle est loin de reconduire l'éthicien dans
un rôle de maître à penser. » (Bégin, 2006)
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24. Bibliographie sélective
• Bégin, Luc, L’éthicien comme participant engagé, in André Lacroix,
Éthique appliquée, éthique engagée : réflexion sur une notion, Liber,
Montréal, 2006,
• Boisvert, Yves, Argumentation et démonstration de ma conception
autorégulatoire de l'éthique, Ethica, vol. 16, n°2, 2007.
• Boisvert, Yves; Jutras, Magalie; Legault, Georges A. et Marchidlon, Allison,
Petit manuel d’éthique appliquée à la gestion publique, Liber, Montréal,
2003.
• Boisvert, Yves; Jutras, Magalie, et Marchildon, Allison, Quelques réflexions
(critiques) sur l’intervention en éthique appliquée aux organisations
publiques, in Yves Boisvert, L'intervention en éthique organisationnelle :
théorie et pratique, Liber, Montréal, 2007.
• Brabant, Louise, L’intervention en éthique organisationnelle : une mise en
contexte, in Yves Boisvert, L'intervention en éthique organisationnelle :
théorie et pratique, Liber, Montréal, 2007.
• Campeau, Louise et Jutras, Magalie, Deux conceptions régulatoires de
l'éthique, Ethica, vol. 16, n°2, 2007.
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25. Bibliographie sélective
• Couratier, Claire et Miquel, Christian, Les études qualitatives : théorie,
applications, méthodologie, pratique, L’Harmattan, Paris, 2007.
• Feldman, Jacqueline, Objectivité et subjectivité en science. Quelques
aperçus, Revue européenne des sciences sociales, tome 40, n°124, 2002.
• Girard, Diane, L'éthique dans les organisations : au-delà de la
réglementation, Éthique publique, vol. 1, n°2, 1999.
• Girard, Diane, Pour réussir une intervention en éthique : stratégie et
réalisme, in Yves Boisvert, L'intervention en éthique organisationnelle :
théorie et pratique, Liber, Montréal, 2007.
• Habermas, Jürgen, Morale et communication, Flammarion, Paris, 1999.
• Habermas, Jürgen, De l'éthique de la discussion, Flammarion, Paris, 1999.
• Kalinowksi, Isabelle, Leçons wébériennes sur la science & la propagande,
in Max Weber, La science, profession & vocation, Agone, Marseille, 2005,
pp. 61-273.
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26. Bibliographie sélective
• Kuhn, Thomas Samuel, La structure des révolutions scientifiques,
Flammarion, Paris, 1983.
• Malherbe, Jean-François, Qu'est-ce que l'«éthique appliquée»?, Leçon
inaugurale, GGC, Sherbrooke, 2000.
• Pires, Alvaro, De quelques enjeux épistémologiques d'une méthodologie
générale pour les sciences humaines, in Jean Poupart, Jean-Pierre
Deslauriers, Lionel-H Groulx, Anne Laperrière et Robert Mayer, La
recherche qualitative. Enjeux épistémologiques et méthodologiques,
Gaëtan Morin, Paris, 2007, pp. 3-54.
• Proulx, Marcel, De la gestion par les règles à la gestion éthique : les leçons
des crises, in André G. Bernier et François Pouliot, Éthique et conflits
d'intérêts, Liber, Montréal, 2002, pp. 97-104.
• Rawls, John, Théorie de la justice, Points, Paris, 2009.
• Rondeau, Dany, Lieux et contextes de l'autorégulation en éthique, Ethica,
vol. 16, n°2, 2007, pp. 9-23.
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27. Bibliographie sélective
• Simmel, Georg, Digressions sur l’étranger, in Ernest-W. Burgess et al.,
L’école de Chicago. Naissance de l’écologie urbaine, Flammarion, Paris,
2004, pp. 53-59.
• Soulet, Marc-Henry, La vulnérabilité : un problème social paradoxal, in
Viviane Châtel et Shirley Roy, Penser la vulnérabilité. Visages de la
fragilisation du social, Presses de l'Université du Québec, Québec, 2008,
pp. 65-89.
• Weber, Max, L'objectivité de la connaissance dans les sciences et la
politique sociales, in Max Weber, Essais sur la théorie de la science, 1917.
• Weber, Max, Essais sur le sens de la "neutralité axiologique" dans les
sciences sociologiques et économiques, in Max Weber, Essais sur la théorie
de la science, 1917.
• Weber, Max, Le savant et le politique, La Découverte / Poche, Paris, 2003.
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